- Speaker #0
La première fois où j'ai rencontré Bowie, il est arrivé, il m'a serré la main, je l'ai regardé dans les yeux, je suis resté tétanisé, c'est exceptionnel. Parlons plus bas. Podcast réalisé et présenté par Anthony Chenu
- Speaker #1
Pour ce premier épisode, j'ai rendez-vous avec Frank Strom. Il est photographe et reporter et je le retrouve à la terrasse du Mouton Blanc, un café-restaurant qu'il connaît bien, à Poissy. Il est environ 18h.
- Speaker #0
Les cafés c'est un lieu de vie exceptionnel, c'est là où on a la plus grande mixité à la fois sociale, pour tout, les cafés. J'ai appris mon métier dans la presse pour avoir l'info à 7h du matin, on allait prendre notre petit café, et c'est vrai qu'on découvrait les unes de journaux, les petits trucs, mais surtout tout ce que les gens pouvaient dire et raconter de ce qui pouvait se passer dans le bourg, entre guillemets, parce que j'ai eu la chance de bosser en province aussi, Et pour de la presse à la fois des quotidiens, des hebdos, la presse régionale, enfin tout ce qu'ils appelaient la PQR et la presse locale aussi. Et c'est vrai que dans les cafés, il y a de la vie, il y a une véritable vie et une véritable mixité sociale.
- Speaker #1
Donc je précise qu'on s'est rencontré pour un autre projet, donc c'est la raison pour laquelle on se tutoie. Avant de nous plonger dans ton long parcours de photographe, je voulais revenir sur tes origines. Comment tu définirais le milieu dans lequel tu es né et où tu as grandi ?
- Speaker #0
Je suis né à Poissy. J'ai grandi à Poissy, j'espère mourir à Poissy parce que ça fait partie des choses. On ne peut pas parler de la vie si on ne parle pas de la mort.
- Speaker #1
Et dans quelle image tu gardes de ton enfance ? Est-ce qu'il y a des images comme ça qui te reviennent si on évoque ton enfance ?
- Speaker #0
Bien sûr, on ne peut pas dire qu'on a eu une enfance malheureuse, c'est clair. Et ce qui était absolument génial, c'est que j'ai eu la chance, enfin la vie m'a donné la chance de pouvoir maintenant revivre dans l'appartement dans lequel je suis arrivé. J'avais l'âge de 3 ans en 1963. Donc voilà. La vie y a fait, ma maman est décédée, mes parents étaient divorcés, etc. C'est toujours resté au Clos d'Arcy, qui était un quartier sympa de Poissy, et fils unique. Ce qui m'ennuyait un peu, c'est que je n'avais pas de copains pour jouer, de frères ou de choses comme ça, parce qu'on est une toute petite famille. Mais bon, assez bûcheur, mais je voulais tout de suite, enfin très très jeune, dès la quatrième, troisième, je voulais être reporter photographe, justement.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qui t'a amené vers ce métier alors ?
- Speaker #0
La photographie, c'est une chose, et surtout, je trouvais ça exceptionnel de pouvoir partager ces émotions, et des instants et des moments de vie, de les immortaliser et de les faire partager à un grand nombre. Et notamment, ce que j'aimais, ce n'était ni la mode, ni des spécificités photographiques, mais la presse.
- Speaker #1
Donc tu as commencé très jeune à faire de la photo ?
- Speaker #0
Oui, j'ai commencé, j'avais 16 ans.
- Speaker #1
Pour la presse locale ?
- Speaker #0
Je me promenais, enfin oui, je me promenais avec un appareil photo et quand il y avait quelque chose qui se passait, je photographiais. Après, j'appelais l'ADDE pour savoir ce qui s'y passait, etc. Et ensuite, j'arrivais directement au journal, leur demander si ça les intéressait ou pas. Et j'ai réussi comme ça, dès le début de mon... Ma période professionnelle, enfin entre guillemets, j'étais plus qu'amateur, mais c'est vrai que tout de suite j'ai eu la chance de rencontrer un grand monsieur de la presse qui était Pierre Baye, qui à l'époque était rédacteur en chef et qui avait monté le journal La Liberté de la Vallée de la Seine. hasard des rencontres etc dans les agences de presse mais si si vous allez avoir besoin de moi qu'est ce que les autres ils font pas j'y vais et je suis rentré dans ma première agence de presse comme ça en 82 en sortant du service militaire je rêvais tellement de faire mon service militaire je n'aimais pas à l'armée ni de faire mon service militaire mais j'y voulais rentrer au service cinématographique de l'armée et bon bah ça s'est pas fait je me suis retrouvé dans l'est quand je suis rentré c'est vrai que ça m'a redonné aussi de la niaque pour vraiment aller bas à françois d'aller à la sd J'ai décidé d'aller à Société Presse, j'y allais, j'allais faire un reportage d'une manif ou qu'est-ce, et puis j'ai eu la chance, pareil, que ce soit même chez François, avec les anciens directeurs des services photo, c'est des mecs qui me voyaient à 18 ans, comme ça, avec mon boîtier, arrivé d'une manif, avec pas trop d'argent, parce que pas salarié. ni rien de tout ça au début. Et bien, ils me développaient mes films. Et puis, une fois que le film était développé, ils me redonnaient deux péloches, trois péloches. Tiens, et puis t'oublies pas de venir, on passe en premier. Et puis je disais, ouais, ouais, ouais, tu fais. Et puis t'as tes premières publications. Voilà, ça s'est passé comme ça. Et pour les agences de presse, c'est pareil. Et je suis tombé sur une agence de presse qui s'appelait Stills, spécialisée au niveau du rock et du people. Et je me suis retrouvé dans une agence de presse où les mecs qui faisaient, enfin les quelques photographes, on était quoi, quatre ? photographe. Et j'ai été chercher ma place, j'allais traîner les plateaux de télé et tout ça pour pouvoir faire une bonne série d'images, pour faire une émission de télé.
- Speaker #1
C'est là que ton travail va prendre un virage et tu vas ouvrir une deuxième période dans ton travail de photographe autour des artistes. On va en parler longuement à la suite. Est-ce que tu te souviens de cette première séance, d'une première séance avec un artiste ? Oui.
- Speaker #0
C'était Karim Kassel qui chantait Banlieue.
- Speaker #1
Et c'était pour une émission, pour un clip ?
- Speaker #0
Ouais, c'était pour une émission. Et mon premier plateau de télé, j'ai fait Karim Kassel qui chantait Banlieue. Et qui était une chanson qui montait à l'époque. C'était une fois de plus encore un coup du hasard. Parce que je me suis reconnu complètement dans cette Banlieue qui chantait, qui l'avait écrit, qui l'avait mis en mélodie. Et c'était... Voilà.
- Speaker #1
On le voit dans tes photos, dans la collection impressionnante de tes photos, tu as partagé un peu de l'intimité de ces artistes qui ont marqué notamment l'histoire du rock. Je pense à des photos qui ont été prises dans les loges, en sortie de scène, en concert. J'en ai vu des tas, des Pechmode, The Cure, Prince, Bowie. Comment tu vivais ces moments-là ?
- Speaker #0
Pas comme un fan, c'est clair, parce que je n'étais fan d'aucun. J'avais beaucoup de respect pour leur travail, j'aimais bien, etc. Mais il y avait quand même beaucoup de groupies et de fans autour d'eux. Ça c'est une chose. Mais je n'ai jamais vécu comme des fans. Et j'étais très très attentif aussi à montrer mon travail. Et quand on a la chance d'être en agence de presse, à l'époque vous aviez des vendeurs qui tournaient dans les magazines, en fonction des bouclages des magazines, si c'était des mensuels, des hebdos, des quotidiens, etc. Et de pouvoir gagner leur confiance. C'est un échange et une image, qu'est-ce que c'est ? D'autre que l'échange avec l'autre, des sensibilités et tout. Oui. Quand je vais parler de sensibilité, ça revient directement à la lumière, donc être attentif à ce que les gens soient beaux. C'est que des notions de respect après. Jamais j'ai sorti une photo où t'avais les yeux fermés, ou en train de crier, ou une mauvaise attitude, ou une mauvaise expression. Je courais pas du tout, alors ça existait pas encore, mais des magazines comme Gala et toutes ces choses-là. Enfin, il y avait France Dimanche, Ici Paris, il y avait toute cette presse, entre guillemets, un peu plus people et paparazzi. Ça m'intéressait pas du tout. Je préférais justement avoir certaines exclusivités, je ne les demandais pas mais on me les offrait. Et surtout de rester très clean et égal à moi-même et à mes convictions et à ce que je voulais et par rapport à eux. Donc même politiquement, c'est-à-dire que, voilà, je me souviens que la première fois l'agence, parce que l'agence m'a envoyé faire des trucs, voilà, on m'a envoyé faire sur la statue de John Dark, le Front National à l'époque c'était Jean-Marie Le Pen. Bon je suis arrivé, quand j'ai vu tous les fachos et tout ça, j'ai fait une photo au 28mm où on ne voit rien, Et je suis rentré à l'agence, j'ai dit, c'est pas pour moi.
- Speaker #1
Sur les icônes rock, est-ce que tu as vécu des moments forts avec eux ? Tu peux nous en parler un peu ?
- Speaker #0
La première fois où j'ai rencontré Bowie, il est arrivé, il m'a serré la main. Je l'ai regardé dans les yeux, je suis resté tétanisé, quoi, avec ses yeux voireons et tout. Et c'était exceptionnel, des Cyndi Lauper, des Nina Hagen, des Les Clash, voilà, Joe Stromer et tout ça. C'est vrai que tout ça, c'est des noms. Il y a eu des rencontres exceptionnelles avec des Alpha Blondie.
- Speaker #1
Tu citais tout à l'heure des artistes français, donc au-delà du groupe de rock, Tu as réalisé de nombreuses séances photos avec des artistes de la chanson française, Bachung, Hardy, Gainsbourg, Galles, Berger et j'en passe, et des meilleurs avec lesquels tu as pris le plus de plaisir à travailler ?
- Speaker #0
Tous, parce que ça a toujours été un plaisir de travailler. Maintenant, il y avait des affinités. Et vous ne pouvez pas, quand je parle d'affinités, j'ai travaillé avec Julien Clerc, notamment quand il a préparé Bercy. C'était le premier chanteur français qui faisait Bercy. Je suis allé en Angleterre sur les répétitions avec les musiciens anglais. J'ai fait toute la tournée en Afrique pour rôder le spectacle. Donc c'était à chaque fois, on partait sur deux ans, trois ans et c'était dans l'état d'esprit dans lequel je concevais et je voulais faire de la photo dans cet esprit rafo, magnum et surtout magnum de ne pas faire clic-clac avec les gens mais justement de raconter une histoire avec eux.
- Speaker #1
Est-ce que tu as pu observer des points communs entre toutes ? Qu'est-ce qui fait finalement une star pour un photographe ?
- Speaker #0
Son engagement, les engagements et les convictions et tu restes réglo parce que voilà, quand tu es avec un Renault sur une tournée, sur un Zénith... Voilà, sur quelqu'un qui sait chanter et qui chante Hexagone et tout. J'ai un petit peu de regret, mais c'est pas fini. Encore, ma fille n'est pas terminée. Mais voilà, un mec avec qui j'aurais aimé vraiment travailler, c'est Saez. Et il y a des textes, il y a de l'engagement, il y a des choses comme ça. Mais j'ai bossé aussi avec des Ferra. Il y a eu aussi des Léo Ferré que j'ai photographiés et tout. Donc tous ces gens où, comme Balavoine, j'ai toujours été attiré par les gens qui étaient engagés. Et de gauche, comme je suis parti avec... Coluche au début des Restos du Coeur pour aller chercher de l'argent dans le nord au Touquet, il organisait des crosses, des choses comme ça, au même titre que je pouvais me retrouver chez Coluche à 2h du matin en train de manger des pâtes parce qu'on venait de finir le Zénith avec Renault et puis que je restais avec Amaury Blanchard et tout ça c'est un petit peu l'ancienne bande du Splendide. Et ben on partageait notre plat de pâtes et puis on rentrait. Moi comme j'avais pas de voiture il y avait toujours quelqu'un qui me ramenait ou je restais J'attendais mon premier train, donc les nuits étaient quand même très courtes. C'était très bien, comme il y a eu Renaud et comme beaucoup sont venus ici, je sais que pour le deuxième Zénith de Renaud, j'avais deux musiciens de Renaud qui vivaient à la maison. Donc tous les matins, on prenait notre petit déjeuner, enfin tous les midis, on prenait notre petit déjeuner ici où nous tombons et on partait au Zénith.
- Speaker #1
Tu vas suivre notamment la réalisation d'un des clips de Balavoine, c'est la visa sur laquelle tu étais ?
- Speaker #0
Oui, oui, oui. Avec Balavoine, on s'est rencontrés pendant 4 mois avant sa mort. On avait fait quelques séances photos qui étaient très rapides, qui m'avaient amené, parce qu'elle avait bien aimé ce que j'avais fait en images, on avait fait une séance photo à l'époque à la piscine de l'Etoile. J'ai fait la Ziza, j'étais très très respectueux sur la Ziza, parce qu'il y avait son fils Jérémy qui était sur le tournage, le petit bébé qu'on voit au début du clip par exemple. Bon, il n'y avait pas une photo de Jérémy, c'était pour moi, ça faisait partie des choses complètement du domaine privé. Et comme j'ai eu la chance de suivre et de faire des mariages avec des gens très importants dans le monde du cinéma, je me retrouvais à table avec Renaud, Gainsbourg, mes boîtiers restaient en dessous de la table, ou alors c'est Gainsbourg et Renaud qui prenaient chacun de mes boîtiers et qui s'amusaient debout sur les tables à faire des photos.
- Speaker #1
C'est vrai qu'on a du mal à imaginer aujourd'hui, dans le monde dans lequel on est, un photographe si proche de ses sujets, qui n'est pas d'intermédiaire en communication, ça c'est quand même quelque chose qui a disparu mais auquel tu as eu accès et qui est assez précieux.
- Speaker #0
Oui, oui. Ah bah oui, oui. C'est ce qui fait la richesse de toutes mes rencontres et tout. Quand je dis que j'ai eu cinq ans de vie, c'est pas anodin, quoi. Parce qu'à chaque fois, ça a été des coups de cœur, des belles histoires d'amour. Vraiment, ou pas. Mais dans ce cas-là, tu restes pas autant de temps avec les gens, quoi. Et puis j'ai eu la chance de travailler qu'avec les gens que j'avais envie de travailler et que j'aimais. C'est tellement important, une image. Tu peux pas faire de belles images de personnes que tu n'aimes pas. Voilà, tu peux pas revenir avec... Avec une belle séance photo de ceci ou de cela, si tu n'aimes pas la personne. Mais c'est vrai que j'ai toujours fait attention de faire le maximum pour... pour les aimer, et j'allais parce que je les aimais. J'aimais ce qu'ils faisaient, j'aimais leur comportement, leurs interviews, enfin tout. Et la presse était complètement différente aussi.
- Speaker #1
Et comment tu vivais dans ce milieu de photographe ? Est-ce que tu as été confronté à des difficultés ? Quel était ton rapport avec tes confrères ?
- Speaker #0
Comme disait Bachung, pas de contact avec l'ordinaire.
- Speaker #1
Donc tu te focalisais seulement sur tes sujets ?
- Speaker #0
Point barre, les autres rien à foutre quoi, du moment que tu venais pas te mettre devant moi pour m'empêcher de faire une photo ou... Voilà, il y a jamais... et toujours dans cette notion de respect quoi, quand on est 20 ou 30 des fois, je vois... En politique, ils agissent comme ça, mais... Au niveau du rock, même s'il y avait beaucoup de monde, ce n'était pas le problème parce que fatalement, il n'y en a pas un qui va avoir la même photo. Il y a la magie des objectifs. Moi, je pensais qu'avec des objectifs fixes, pas de zoom, avec une certaine sensibilité au niveau de mes pellicules, avec une vitesse. Donc, tu pouvais venir de chaque côté. Ça va se ressembler ou on va savoir. Maintenant, j'ai eu des photographes aussi, pareil, les photographes de rock, qui m'ont fait une grande... Pas un tapis rouge, mais qui m'ont accepté. Ils m'ont fait une place. Notamment, j'ai parlé de Gassian, de Terrason, de Louis-Vincent qui est décédé. Il y a Jean-Yves Legras qui est décédé maintenant. Ça s'est toujours très bien passé. Il y avait toujours un photographe d'agence comme Bertrand Allary, par exemple, qui a monté une agence maintenant où il est quand même très spécialisé au niveau du hard rock. Il a fait encore un très beau bouquin. Ils ont tous fait des bouquins de l'édition, mais c'était magique. À l'époque, il faisait deux ou trois photos. et ils nous les envoyaient. Et c'est comme ça qu'on se retrouve, que je me retrouve avec des photos, avec Gassian et Pierre Terrason, sur des tournages avec les Cures, où on est en photo, enfin voilà, en train de bosser. Et ça, c'était magique. C'est des moments aussi, où quand on partait sur une tournée en Hollande, ou quelque chose comme ça, on partageait la bagnole, les frais, et puis on rentrait.
- Speaker #1
Tu te souviens de ta première une ?
- Speaker #0
C'était sur du fait d'hiver, dans le coin d'ailleurs, à Chanteloup-Lévis. et à l'époque je travaillais pour un journal qui s'appelait paris poissy qui était un quotidien et je suis arrivé il ya vu un très grave incendie à chanteloup lévin et ça devait être en ou en 79 ou en 78 et je suis rentré avec les pompiers directement qui était avec les trucs et on dit non vous voyez aller et puis j'écoutais rien en fait parce que quand j'ai quand j'ai mon boîtier comme même quand c'est c'était les manifs que ce soit à jussieu ou ou des trucs quand ça cognait en fait je vois et et je vis à travers mon Merci. objectif et comme je travaillais avec des grands angles si tu veux être dans l'action tu es obligé de te rapprocher je n'avais pas de zoom de rien parce que l'image elle doit être vécue tu dois la vivre pour la sentir et aller au mieux pour au mieux la partager il faut que la personne qui est là elle a l'impression que c'est elle qui est à ta place quoi et voilà ma première une c'était c'était avec ça et ce qui a été j'avais fait une photo du chien qui était carbonisé dans l'appartement et tout de façon très pudique parce que j'ai aussi toujours été très respectueux des morts ensuite donc il ya eu ça Il y a eu, quand il y avait eu l'accident sur l'autoroute A13, un très gros accident, un carambolage, où il y avait eu plein de... Plein de voitures qui s'étaient encastrées les unes dans les autres. Et là, c'était la première fois de ma vie où j'avais des motards du Figaro, etc. qui venaient chercher mes bobines sur l'autoroute pour ramener ça aux rédactions. Parce que comme il n'y avait pas Internet ni rien, les journalistes, ils écrivaient, ils prenaient leurs trucs, ils rentraient à la rédaction, ils tapaient. Et puis pendant cela, les photos étaient développées en fonction des services photos, etc. Et puis nous, des photographes, t'avais des petits trucs pour que ça sèche très vite, pour... Tu ne mettais plus tes films ou tes tirages dans le bain d'arrêt, tu les laissais monter dans les noirs très profonds. Mais voilà, ça, ça a été des publications au début qui étaient importantes. Pour moi, au niveau du news, sur des manifestations à Paris, je faisais ma tournée entre l'AFP et Associated Press, mais il se trouve qu'ils avaient passé des accords, donc Associated Press ne prenait plus les reportages qui étaient faits par Franco-Français, et puis vice-versa. À l'époque, j'étais payé... 70 centimes la ligne et 7 francs la photo. propriétaires de mes images.
- Speaker #1
On a parlé musique, si on parle cinéma aussi, tu as été présent sur de nombreux tournages de films, je pense aux films de Wim Wenders, etc., au point de créer même une relation particulière avec un grand chef opérateur du cinéma, tu peux nous en parler ?
- Speaker #0
C'était ma rencontre avec Henri Alcan, c'est un don du ciel, si on peut, voilà, je veux dire, on dit qu'il y a Clément Tagne qui ne se rencontre pas, et bah si, parce que il a fait l'honneur de bosser avec moi, le seul photographe avec qui il avait travaillé il y a des années, c'était Corbeau, C'était Doisneau avec qui il a fait un bouquin et puis moi. Donc voilà, c'est bien, je me trouve très bien. Je suis tellement heureux de cette rencontre. Et il m'a fait de très beaux cadeaux. Quand je suis parti en Bosnie, j'avais fait un reportage qui a duré pendant 4 ans sur lui. En fait, je l'ai accompagné sur des festivals à lui. Il a des festivals qui portent son nom. C'est quelqu'un qui est... ...internationalement reconnu, qui est un des rares chefs opérateurs et directeurs photo et... Et ça, ça a été un truc magique, ma rencontre avec lui. Notre rencontre a été très bizarre. C'est qu'il venait de recevoir la médaille au niveau des arts des lettres. Alors je ne sais pas si c'est plus peut-être commandeur ou j'en sais rien. Et puis il avait fait ça, et puis il y avait les agents qui étaient là, qui causaient et tout ça. Puis nous, on a commencé à discuter et on a été très vite à l'essentiel. Il m'a dit mais tu viens d'où ? Je lui ai dit moi j'habite à Poissy Il me dit c'est pas vrai. Je lui dis si pourquoi ? Il me dit tu sais qu'à la fin de la guerre, mon premier reportage avec la caméra et le premier truc que j'ai fait en documentaire c'était les usines Ford à Boissy. Et donc il connaissait Boissy, les usines Ford etc. Je l'ai accompagné à Berlin sur... si loin si proche, qui était le film avec Wanderse, parce que Wanderse avait une dévotion, enfin si on peut appeler ça comme ça, sur Henri Alcan, parce qu'à chaque fois qu'Alcan lui a fait sa lumière, il est rentré avec un prix spécial du jury, enfin une palme de Cannes ou d'ailleurs. Et donc Wanderse, voilà, je veux dire, voulait du Alcan partout, aussitôt qu'il préparait quelque chose, il fallait qu'il y ait Alcan, qu'il vienne.
- Speaker #1
Et donc il y a tout ce travail sur les plateaux de cinéma que tu vas beaucoup couvrir, tu as des photos magnifiques. magnifique de tournage de films, on voit tous les métiers qui sont à l'oeuvre, les coulisses en fait du tournage de certains films très célèbres, on pourra pas tous les citer là.
- Speaker #0
Non non mais pour moi c'était ce qui avait de plus intéressant quoi, parce que l'image elle est là pour raconter la vie, t'es là pour immortaliser une lumière, pour raconter la vie, pour sans furiture, sans leurres, sans rien quoi. Pour moi oui c'était important de ne pas faire que les photos de plateau comme ça se fait mais bon ça se faisait beaucoup parce que ils affichaient les photos à l'entrée des cinéastes Emma, c'était un vrai métier, photographe de plateau. Il y en a encore quelques-uns, mais... Et avec Alcan, donc on a discuté de Poissy, et il m'a dit, tu veux faire des photos, toi ? Et je lui dis, bah, honnêtement, voilà, ça faisait une heure qu'on devait discuter tous les deux, on s'était mis vraiment... Et ils sont venus, bon, on fait les photos, et puis Henri, il a dit comme ça, bah non, avec Franck, on vous occupe plus de nous, on va en faire des photos, vous inquiétez pas. Et il m'a dit, tu les laisses partir et tout, et puis la semaine prochaine... La semaine prochaine, je t'appelle. Et tu viens me rejoindre en province, là-bas, à Parly, exactement, qui était son petit avre de paix, où il donnait aussi des cours pour les gens de l'IDEC, parce que l'Aphémis n'existait pas encore, et comme il a été un des créateurs de l'IDEC, plus de ça, voilà, c'est quelqu'un avec qui j'ai eu beaucoup, beaucoup d'affinités. Et quant à l'image, et quant à ses engagements, parce que c'est quand même, Alcan, c'est quand même la bataille du rail, c'est un mec, enfin un monsieur, qui a traversé dans la résistance, enfin, qui était communiste, qui a été, enfin, tout ce qu'on sait de la guerre, donc voilà.
- Speaker #1
T'as appris à ses côtés, c'est-à-dire que même au-delà de humainement, professionnellement, t'as aussi été...
- Speaker #0
Bah, c'est quelqu'un, enfin voilà, c'était pas une école et tout, parce que je l'ai rencontré, j'étais vieux quand même, enfin, quand je dis vieux, en fait, c'est un monsieur qui m'a appris à ne plus avoir peur de la lumière. à Berlin et on était dans un hôtel et puis il était avec sa femme, je lui dis ah bah venez, enfin on sortait de l'ascenseur ou je sais pas quoi et puis j'avais mes voitures, on allait à une soirée officielle et je lui dis viens Henri et Nada, sa femme qui était elle script et pareil qui l'a suivi pendant toute sa vie elle a eu aussi elle professionnellement plein plein de bonnes choses et il se pose, il se met mais carrément entre j'ai presque de dire un contre-jour enfin à côté d'une lampe et tout, je lui dis mais je suis à contre-jour je sais pas, il me dit ça te sert à rien les flashs, plus rien et tout. Il dit laisse sentir ce que tu ressens dans ton cadre et tu tapes. Et j'ai fait ma série de photos, puis voilà, j'ai fait 5-6 photos et quand je suis rentré en France, c'est une des photos que j'avais sélectionnées parce que j'ai sélectionné une série d'images pour pouvoir monter une expo sur lui. Enfin, ce n'était pas le but au départ, mais je voulais qu'il soit beau, qu'il soit mis à l'honneur parce que c'était quand même quelqu'un de grand et d'important à mes yeux. Et donc j'ai fait cette photo et... Avec Nada. Sous-titrage ST'501
- Speaker #1
Donc là on est à l'intérieur de ton local, c'est une caverne aux merveilles. Je me retourne, je vois Gainsbourg, je vois Michel Serrault, je vois Gorbatchev.
- Speaker #0
Il avait été au prix Nobel de la paix et les éditions du Rocher, enfin me connaissant un petit peu, m'avaient demandé si je voulais assurer pour eux le reportage. Et bien sûr j'ai dit bah oui, la boucle allait se boucler, étant donné que la première fois où je suis allé à Moscou, Gorbatchev... Je venais d'être élu comme président là-bas et je suis arrivé avec Renaud à Moscou parce que j'ai fait partie de cette grande aventure de Renaud qui était ce concert à Moscou. Donc j'ai connu Moscou avec Renaud, etc. Avec toutes les rigueurs, enfin toutes les choses qu'était en train de faire Gorbatchev qui l'interdisait à l'alcool. Sa femme était là et il venait en voyage officiel en France et lui il venait faire la... la promo de son bouquin qui venait de sortir aux éditions du Rocher. Et donc, je suis parti le rejoindre à Lille et ensuite à Paris avec l'éternel circuit, avec la Sorbonne, les conférences. Et je fais tout un sujet sur Gorbatchev. Et puis, c'était des moments exceptionnels. J'avais fait un truc à Lille, d'ailleurs, dans le grand hôtel de Lille. J'avais une chambre là-bas aussi. Et j'avais installé un studio de fortune avec les chaises empilées. Comme ça, des grands hôtels et sur lesquels j'avais mis des grandes tentures, enfin des grands rideaux. Et j'avais recouvert mes chaises avec ça. J'avais mon matériel de studio, j'avais deux gros flashs Balkar. Et j'ai tapé une série d'images de Gorbatchev en studio comme ça, que j'avais appelé les fantômes du pouvoir. Ensuite à Paris, il m'a dédicacé sa photo que moi j'avais faite. J'ai trouvé ça génial.
- Speaker #1
Là je me retourne, je vois James Brown, je vois Michel Berger, je vois France Gall, Jane Birkin.
- Speaker #0
Alors le problème c'est que je ne me souviens pas de toutes mes images, il suffit que je vois une image et je me souviens où c'était, quand c'était, ce qui se passait.
- Speaker #1
Là je vois Belmondo,
- Speaker #0
Jean-Marie. Ah bah oui, ça c'était des... Pierre Richard. Ouais, des choses... De Gaulle, c'était exceptionnel. Le nom de Gaulle... J'ai fait un sujet et une série de photos avec lui. On avait été sur la tombe de Georges Brassens à Sète, avec De Vos, etc. J'ai toujours été très attaché à ceux qui savaient manier la langue française. Comme des Renauds, comme des Bedeau, comme des De Vos, comme des Saez, par exemple, des Gainsbourg.
- Speaker #1
Tu vois toute une série sur le festival de Cannes, je vois aussi Coluche. Coluche, il a une grande série de portraits inédits.
- Speaker #0
Oui, c'était des moments exceptionnels aussi. Comme je dis toujours, comment ne pas être qu'enthousiaste et plein d'espoir quand tu as eu la chance de rencontrer des gens comme ça, qui faisaient plein de choses pour les autres. Même l'abbé Pierre, tout ça, c'est cette même race de seigneurs, dirais-je.
- Speaker #1
Voilà, il y en a énormément partout. Est-ce que tu arrives à t'y retrouver ? Non.
- Speaker #0
Non ?
- Speaker #1
C'est un peu comme la mémoire, il y en a partout.
- Speaker #0
Si, je sais à peu près où, quand, quoi, parce qu'il y en a des archives. Et c'est absolument génial.
- Speaker #1
Je vois Tina Turner aussi. Et cette superbe photo d'Alain Bachung noir et blanc.
- Speaker #0
Bachung, on a fait des studios, on a fait des choses géniales. Il y a eu une expo où j'avais mélangé Bachung et Gainsbourg. C'était un porté et mon pote Candido, il y avait deux trois potes musiciens qui étaient sur scène, qui ont fait des reprises de... Et Candido sur scène repeignait sur mes photos ce que lui inspiraient les chansons. Donc la toile elle est au fond là-bas, sur la gauche, tu vois, là il y a mon souvenir.
- Speaker #1
Ouais, les couleurs, ça a tranché.
- Speaker #0
Oui, les couleurs de Candido, des vrais rouges, des vrais jaunes, des vrais blés. On a du Alcan.
- Speaker #1
Il y a vraiment une grande série de photos d'Alcan.
- Speaker #0
Bah oui, il fait un plaisir avec tout le monde. Sinon, comme je dis, j'y vais pas, je fais pas de photos. Tu vois, c'est pas le problème. Maintenant, de pouvoir être porteur de ce que eux nous ont laissé, moi d'en être un témoin, un privilégié, et de pouvoir le relayer, c'est exceptionnel, ça n'a pas de prix.
- Speaker #1
Il y a Delon, il y a Jean-Yann.
- Speaker #0
Ah Jean-Yann, oui, ça Jean-Yann c'est quelqu'un qui me manque, comme je sais aussi Bombe d'eau, Jean-Yann, toute la bande aussi, c'est des mecs... Voilà, ils n'avaient pas leur mouchoir dans la poche, comme on peut dire, ou leur langue dans la poche, ou ce qu'on veut, mais c'était des mecs qui étaient réglo, engagés, et qui n'avaient pas peur de dire est-ce que je t'emmerde ?
- Speaker #1
Si on avait besoin de te dire je t'emmerde Et tu travailles autant le noir et blanc que la couleur ? Oui. Les portraits sont souvent en noir et blanc quand même ? Non,
- Speaker #0
ça dépend de la lumière et ça dépend de tout ça. Mais il faut savoir que je faisais absolument tout. Les photographes de presse, on avait deux, trois appareils photos. C'était toujours. Très impressionnant, mais c'est normal. J'avais un boîtier qui était chargé en couleurs, un boîtier chargé en noir et blanc, parce qu'à l'époque, les quotidiens, comme l'Ibé par exemple, ils sortaient en noir et blanc. Il n'y a eu que très peu de temps, c'est que vers la fin des années 80 où c'est passé en couleurs. Mais avant, c'était du noir et blanc qui servait au niveau des quotidiens. Et j'avais un troisième boîtier qui était là uniquement pour me faire plaisir. C'est-à-dire, en fonction des trucs, je mettais un film négatif couleur. au lieu de mettre de l'Hectachrome, la diapositive pour ceux qui ne savent pas. Et puis je m'amusais avec un boîtier, c'était des images pour le fun pour moi, avec où je faisais un parti-prix et un choix de prise de vue, en mettant par exemple, en faisant toute la série, ou au 35 mm ou au 28 mm, avec un film noir et blanc, poussé à deux diaphragmes, enfin c'est des choses très techniques, ou à trois, pour avoir du grain et des choses comme ça.
- Speaker #1
Et tu as aussi dans ton local, dans tes réserves personnelles, tu as aussi des grands casiers avec ces tiroirs qui... qui comporte de A à Z, ces photos, mais c'est impressionnant, t'as classé vraiment les personnalités, les événements, etc., de A à Z.
- Speaker #0
C'était par ordre alphabétique, etc. T'as quatre casiers pour ce qui est la guerre, les manifs et les choses comme ça, et puis tout le reste de A à Z, t'as quatre tiroirs par casier, ça me fait sept casiers, au format de ce qu'on faisait au niveau...
- Speaker #1
Un peu archive, quoi, c'est ça ? Un peu archive,
- Speaker #0
oui, sur les panneaux d'IA, enfin, etc. plus tout ce que j'ai au niveau des négatifs noir et blanc, qui sont empochés de cristal, etc. Et j'ai trois cartons de négatifs comme ça, qui sont rangés les uns après les autres, en 24-36, en bande, fait par bande de 6, voilà.
- Speaker #1
Et donc on voit tout, on voit les festivals, les grands événements cinéma, les concerts, on voit les tournages aussi de films et de clips. Parce que t'as aussi un truc dans ton équipe ?
- Speaker #0
Ah oui, dans mon équipe, bien sûr. J'ai eu la chance de bosser avec Mondino, avec Telephone sur Un Autre Monde, j'ai bossé avec des mecs comme Mordiga. Et puis Renaud, enfin sur Mistral Gagnant.
- Speaker #1
T'as fait Love on the Beat aussi, on voit des photos.
- Speaker #0
Love on the Beat avec Gainsbourg, oui. Et puis Bamboo. J'avais eu à l'époque, il y a quelques années, à Rennes, c'était le Virgin de Rennes qui m'avait demandé toute une série d'images pour faire toute la déco au niveau, je crois que c'était le deuxième ou le troisième étage, où il y avait justement toute la chanson, la littérature, parce que j'ai bossé avec des mecs comme Algar La Rondo. Donc j'ai aussi des auteurs écrivains avec lesquels j'ai bossé, des séances photos comme ça. C'est génial.
- Speaker #1
Retour à la terrasse du café. C'est aussi dans les années 80 que tu vas documenter ce qu'on va appeler notamment ici la période Sida. Tu vas réaliser des reportages photos qui font encore l'objet aujourd'hui d'expositions et qui racontent cette période de l'histoire. Est-ce que tu peux nous raconter cette partie de ton travail qui est peut-être moins connue, mais qui est tout aussi importante ?
- Speaker #0
J'ai eu la chance de rencontrer un monsieur qui s'appelait Jean-Louis Terangle. Et Jean-Louis Terangle, en fait, c'était le monsieur du snob dans Casimir. Lui travaillait pour une association d'un attaché de presse qui s'appelait Bernard Dutre. qui était décédé du sida. Marie de Henzel, en fait, a monté une association pour justement faire l'accompagnement. C'était le début des soins palliatifs et avec tous les problèmes qu'on a pu connaître au niveau du VIH, avec les préservatifs, les pharmacies, le comportement des gens et tout. Et en fait, elle a fait un premier stage dans le désert avec quatre malades pour voir comment ça se faisait. Alors, on était dans la fin de vie, attention. Et puis... Puis elle a refait, quelques mois plus tard, un autre stage comme ça, où la photographie était très très importante, parce que c'était sur l'acceptation de son image. Et parce que quand tu as un cancer, quand tu fais de la chimio, quand toutes ces choses-là, et quand tu avais le VIH, alors tout le monde sait maintenant que tu ne mourrais pas du VIH, ça n'existe pas, donc tu mourrais de cancer, etc. Ça passait par les chimios, ça passait par tout ça. Et donc ils m'ont embarqué, je suis resté pendant 15 jours, Sur une île au large de Brest en Bretagne, qui s'appelle l'île de Molen. Et là, ça a été une grande expérience, parce que j'ai accompagné, photographié des gens qui allaient mourir, et sur l'acceptation de leur image, donc avec un travail au niveau psy. très très spécifique et pareil ils sont passés, ils faisaient leurs photos, on allait développer les films, ils sélectionnaient il y avait tout un travail au niveau L'art-thérapie, où ça allait jusqu'à leur propre enterrement. Il y avait tant des toxicaux que des homosexuels, hommes, femmes, les hétéros qui étaient partis et qui ont trompé leur femme ou la femme qui a trompé le mari et qui ramènent le VIH à toute la famille. Et là, on est dans les années 95.
- Speaker #1
C'est aussi dans les années 90 que tu vas progressivement te tourner vers le reportage de guerre. Donc ça, c'est une autre partie très importante de ton travail. Qu'est-ce qui t'a fait t'éloigner du milieu artistique ? Est-ce que c'est un choix ou est-ce que c'est le hasard encore ?
- Speaker #0
Alors, ça a été le hasard. Et puis, il y avait les gens que j'aimais. Il y en a un qui ne disait plus rien. Il y en a un second.
- Speaker #1
Tu penses à qui ? À Renaud.
- Speaker #0
Bon, Renaud, il ne disait plus grand-chose. Non plus. Gainsbourg. Bon, il est décédé. J'avais bossé avec Balavoine, qui était quand même très très engagée sur l'Aziza et tout. Et l'histoire est venue... Vraiment entre Balavoine et Renault. Renault, on avait une conversation justement à l'Olympia pour une soirée qui était en hommage à Daniel Balavoine. Et Balavoine m'avait toujours dit, Utilise tes boîtiers, enfin pas comme une arme, mais voilà, tu sais les servir, tu as tout ce côté sensibilité avec les gens, tu passes, tu as le respect. Voilà, c'est ça ton arme. Parce que j'ai toujours été frustré, par exemple, de ne pas savoir jouer d'instrument de musique.
- Speaker #1
Tu aurais aimé être musicien ? Oui !
- Speaker #0
Ah oui oui oui, mais après j'ai tellement honte, je me dis mais je peux pas, comment ? Je pourrais prétendre jouer au piano, au clavier, etc. Quand tu pars en tournée, que tu partages ton appartement et les choses avec des gens comme Matt Clifford, et qui a fait deux albums avec Mick Jagger, qui a été le chef d'orchestre des Stones après. Oui, non, on ne t'ose pas dire Attendez, je prends une guitare et je vais jouer. Ce n'est pas possible. Et si j'avais une passion sur laquelle partir, c'était mes boîtiers et pas la musique.
- Speaker #1
Donc, tu es parti couvrir d'abord le siège de Sarajevo, puis un peu plus tard, la guerre du Kosovo. Comment tu as envisagé ta place de photographe sur des terrains de guerre comme cela ? Ce n'est plus la même chose que de photographier un concert. Ce n'est plus la même place.
- Speaker #0
Ça a été très dur. J'ai appris à avoir froid, à avoir peur, à avoir faim, à avoir soif. J'ai appris des choses simples, très simples, mais qui sont vitales pour la vie et puis on apprend le respect aussi. Et la guerre c'est quelque chose de terrible.
- Speaker #1
Quand nous on ne mesure pas ici, quand on ne l'a pas connu. Non,
- Speaker #0
non. Et je montre très très rarement mes images parce que je ne veux pas que ça serve de... Je ne vais pas dire de... Je ne veux pas en faire la gloriol des photos de guerre. On ne se fait pas un nom, une réputation et des choses sur des photos de guerre. Bien qu'il y a des grands reporters au niveau, comme Macculine et tout ça, je suis en admiration devant leur travail ou des photographes qui ont eu des prix au niveau de la presse et les Pulitzer et tout ça. Je suis en admiration devant tous ces mecs-là. Mais je pense que ça... Enfin, moi, je l'ai gardé pour moi aussi et je l'ai remis... En épreuve, c'est des moments tellement durs, tellement horribles, avec parfois une telle humanité. Parce que tu t'aperçois que t'es rien en fait, t'es là, t'es qu'un éphémère passager de la vie quoi. T'es vivant et puis peut-être que cinq minutes après t'as sauté sur une mine. En Bosnie je suis tombé sur des fermiers, ils mettaient le terrain était miné et tout. Ils envoyaient dans certaines parcelles de terrain pour déminer les bêtes. Et voilà, enfin les choses étaient comme ça, t'apprends à partager. Puis j'ai surtout appris à avoir peur.
- Speaker #1
Tu vivais dans un hôtel à ce moment-là, avec la presse non ?
- Speaker #0
Non, non, j'étais un vrai squatter. Je partais avec une... carte bleue, mais il n'y avait pas grand-chose dessus, mes billets d'avion faits, etc. Et donc, en étant accrédité de défense et en ayant des reportages très précis, j'ai eu la chance qu'on m'embarque en transal, qu'on me largue dans des trucs et des coins. Et puis, je courais, j'allais comme ça, mais je n'étais pas... On dormait, par exemple, au Liban, j'étais chez des gens qui m'avaient hébergé. Un de leurs enfants était à Paris, il travaillait dans un magasin des zines de rock libanais, enfin voilà. Donc on me connaissait aussi un petit peu par le rock. C'est comme ça que c'est arrivé tout doucement. Après, il y a les mecs des ONG aussi, tu les croises sur un truc et quelques années après, tu les retrouves sur un autre conflit. Ah, ça va et tout. Et puis, voilà, quand je pouvais rendre service à certains d'ONG, rien qu'avec les téléphones satellites, par exemple, parce que tu peux pas, t'as plus de communication, t'as rien. Donc, ils étaient contents de pouvoir avec un téléphone satellite que j'allais négocier avec les commandants de droit, enfin, etc. On lousse des tiens, il peut appeler, etc.
- Speaker #1
réaliser des reportages d'actualité chaude, ou plutôt des reportages de fond.
- Speaker #0
J'ai essayé de travailler sur du fond parce que j'étais parti avec une centaine de péloches. Il y avait quelques photographes avec qui tu pouvais être ami, qui étaient entre autres Jean-Noël Kidu, qui était à l'époque chez Gamma, qui a fait partie des otages en Tchétchénie. C'est des mecs, on se connaissait de Paris, c'est toujours été très respectueux. Il rentrait, je lui disais tiens, tu peux me ramener mes bobines, et il ramenait.
- Speaker #1
Et dans quel état psychique et physique t'es rentré de ces des conflits ?
- Speaker #0
Ah bah, je suis toujours entré, pas terrible, c'est maintenant que je le paye.
- Speaker #1
C'est quoi, c'est des souvenirs, c'est des sensations ?
- Speaker #0
Ah, c'est terrible, c'est ce qu'ils appellent maintenant, ils ont mis des noms, c'est ce qu'ils appellent des troubles post-traumatiques. C'est-à-dire, ça peut être une couleur, une odeur, des bruits, n'importe quoi. Et là, ça a été très récent, entre autres, avec la guerre en Ukraine et les Russes. Quand j'ai fait le... Le Kosovo, j'ai fait une partie du sujet sur les enquêtes du tribunal pénal international. Comme en plus j'ai été accrédité défense et j'ai rencontré un colonel exceptionnel, un peu fou, colonel du groupement blindé de gendarmerie, le GBGM. À Satori, il y avait les mecs du GIGN et lui il avait décidé tout bonnement à Mitrovica de réinstaurer l'état de paix. Donc les gendarmes... En semisette, pas de gilet pare-balles, rien. en chemisette et pas d'armes, pour justement essayer de réconcilier les Serbes et les Albanais. C'est un monsieur qui m'a donné aussi pareil des... Des grandes leçons de ce que pouvait être la diplomatie, de l'acceptation des autres, c'était terrible. Ils m'ont fait rentrer par exemple à Mitrovica, dans l'hôpital de Mitrovica. Il y a le chef de l'hôpital qui disait comme ça Mais vous oubliez que... Ah non, on a soigné tant les Serbes que les Albanais et tout le monde. Parce que c'était comme ça, t'arrivais dans les morgues, t'allais... Les Serbes qui étaient encore entassés, mais les Albanais ou ce qui n'était pas vraiment Serbes, C'était dans le couloir, un peu au fond, comme ça. On n'avait rien, mais ils m'ont donné à manger des rations de combat pendant... Pendant des jours, quand ça cognait un peu trop, ils cherchaient même pas à comprendre. Ils me mettaient un gilet pare-balles et un casque.
- Speaker #1
Tu vivais comme eux, à la même distance que les événements ?
- Speaker #0
Oui, j'étais dedans, mais vraiment. Quand des fois ça allait pas trop, j'ai dormi dans des poulaillers. Et puis après, quand j'étais malade, on me récupérait. Et puis on me disait, tiens, au moins là, tu vas être à l'abri. Et puis ils s'occupaient de moi, parce qu'on laisse pas les gens comme ça crever. Et je... Je les en remercie.
- Speaker #1
Donc tu parlais tout à l'heure de toutes ces photos dont tu étais aujourd'hui le propriétaire. Donc ça représente une collection très impressionnante de photos. Aujourd'hui, tu les publies, tu les publies dans des ouvrages, dans des expositions. Comment tu l'as fait vivre vraiment cette collection de photos ?
- Speaker #0
Il y a eu des expositions de fêtes, etc. Là, je trouvais un éditeur dans cet état d'esprit. Comme ça se faisait, quand j'ai sorti le balavoine, c'était dans une maison d'édition qui s'appelle les éditions du félin, qui étaient les ex-éditions Lebeau. Et c'est vrai que ça a été aussi un moment magique parce que j'ai vu des gens qui étaient très attentionnés par rapport à mon travail, sur la mise en page des contrats signés, carrés, enfin sur les droits d'auteur. Tu partais, tu signais, on te faisait un chèque pour continuer à travailler. Je crois que ça n'existe plus du tout, mais je ne désespère pas. Je pense qu'il doit y avoir encore un peu de ça.
- Speaker #1
Est-ce que tu fais encore de la photo aujourd'hui ? Aujourd'hui, est-ce qu'il y a des sujets qui te donnent envie ?
- Speaker #0
J'ai commencé à travailler sur le cancer du sein, le cancer du sein chez l'homme ou chez la femme et tout, pour Octobre Rose. À un moment donné, voilà, là j'ai décroché, parce que j'ai photographié beaucoup de misère. Et à un moment donné, je ne peux pas et me soigner moi de... de troubles, de faire des stages d'hôpital, etc. Parce que j'ai... Voilà, la guerre, l'adrénaline et tout ça, ça casse un peu aussi. Donc moi, ça m'a cassé un peu le cœur. J'ai subi une opération à cœur ouvert, on m'a changé la horde. Voilà, c'était dû au stress, à l'adrénaline et tout. J'essaye de m'ménager par rapport à tout ça. Et puis, ouais, j'ai envie de me faire... de montrer, mais de me faire plaisir, quoi, par rapport à des sujets peut-être un peu plus légers. Mais bon, j'ai la chance d'avoir toutes ces archives. Toute ma jeunesse, elle est là aussi, quoi. L'art, il doit être accessible à tout le monde. Quand il y a eu la période Covid et tout, j'ai quand même trouvé des personnes pour pouvoir mettre des images, des toiles dans les cafés alors que c'était fermé. Je trouvais que c'était important que les gens aient quelque chose d'autre à voir que les masques et vous n'avez pas le droit de sortir, vous n'avez pas le droit de ceci, cela. Quand ils allaient faire leurs courses, il y avait comme par exemple ici, en bas de la ville, il y avait des lieux où, comme il y a eu sur l'affichage libre de la ville, Pareil, j'ai fait envahir et on a été coller des photos.
- Speaker #1
On parlait d'éthique tout à l'heure dans le travail. Quel regard tu portais, toi, sur les paparazzi, par exemple ? Est-ce que tu as vu ton métier évoluer avec les années ? Oui,
- Speaker #0
j'ai toujours prôné la véracité de l'image. Pour moi, une image, elle était vraie. Elles ne pouvaient pas trahir ou faire quoi que ce soit. Et maintenant, depuis qu'il y a eu le numérique, j'ai appris que la photographie était un leurre. Tu prends l'IA, bah oui, tu veux ta photo, ta série de photos avec des lunettes, beau gosse et tout, rasé et tout, bah tu vas l'avoir. Tu vas en faire ce que tu veux. Avant, quand tu faisais juste quelque chose de très simple, tu faisais un fond blanc, il y avait des règles pour faire un fond blanc blanc. Et bah là, c'est fini, complet. Quand je vois, des fois, on mettait deux heures pour faire notre lumière, pour tester. Donc, tant mieux. C'est du gain de temps, tout a échangé et c'est vrai que je dis que maintenant la photographie est devenue un leurre. Je garde toujours en mémoire une phrase, ce que m'avait expliqué au cours d'une discussion Henri Alcan, en faisant la différence entre la lumière juste et la lumière vraie. C'est ton âme, c'est ça la lumière vraie, c'est ce que la lumière va te donner exactement au niveau des ombres, tout. Alors qu'une lumière juste, tu prends avec ton diaph, c'est ce que va te donner le truc de ton appareil photo.
- Speaker #1
Est-ce que tu dirais que tu es un homme engagé ?
- Speaker #0
Vous pouvez répéter la question ? Ce n'est pas à moi de le dire, mais bien sûr, je pense qu'être un mec... engagé par rapport à être en phase avec moi-même, par rapport à mes engagements, par rapport... Je suis allé donner ma vie pour de l'image, pour les humains, pour arrêter les génocides, pour essayer de faire ce que je pouvais. Mais je me suis aperçu qu'avec un appareil photo, on ne faisait pas grand-chose.
- Speaker #1
Est-ce que tu dirais que tu as connu des échecs dans ton parcours ?
- Speaker #0
Oui, mais c'est important les échecs. C'est ce qui te fait évoluer, c'est ce qui te fait... et ce qui te met à te reposer des questions sur ceci, ça te remet en cause. C'est pour ça que c'est très important l'échec. Tu te trompes de sensibilité d'âge, tu te trompes de sensibilité de vie, Tu te trompes de hasard, tu te trompes de vitesse, tu te trompes de lumière, tu te trompes avec les gens, enfin bref. Mais tout ça, ça fait partie des échecs et c'est ce qui te fait évoluer. C'est pour ça que c'est très important à la fois de reconnaître ses échecs et d'essayer d'en tirer le maximum de profit pour pouvoir évoluer.
- Speaker #1
Pour toi, quelle est la plus belle et la pire des choses au monde ?
- Speaker #0
L'homme. C'est avec les hommes que j'ai vu les pires atrocités qu'eux ont fait. Et c'est avec les hommes que j'ai vu les plus belles choses.
- Speaker #1
La dernière n'est pas une question, c'est le mot de la fin. Et il est pour toi. Tu peux dire ce que tu veux aux auditeurs du podcast.
- Speaker #0
Restez vous-même. Voilà, il ne faut pas avoir peur de défendre ses opinions, quelles qu'elles soient, de savoir être en phase avec soi-même et avec les autres, et surtout de vivre en paix, parce que les hommes font tellement de dégâts, avec la nature, avec tout. La nature et la terre, c'est elle qui a toujours commandé, donc il n'y a pas de problème, ce n'est pas la terre qu'il faut protéger, c'est nous qu'il faut protéger. Vous venez d'écouter un épisode du podcast Parlons Plus Bas. Cette émission est disponible sur toutes les plateformes d'écoute. Réalisation Anthony Chenu, voix off Justine Leroux. Pour échanger avec nous, rendez-vous sur le compte Instagram de l'émission.