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Pas de messes basses !

ÉPISODE 23 - Stéphane Descaves : Église, violence et non-violence, une experte témoigne

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17min |21/11/2024
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Description

Dans le dernier épisode de Pas de messes basses, nous avons eu le plaisir d'accueillir Stéphane Descaves, formatrice en régulation non violente des conflits.

Elle nous a expliqué l'importance de se former pour gérer les conflits de manière non violente et a cité le pape François pour illustrer le lien entre l'Église et la non-violence. Stéphane nous partage également son expérience personnelle, affirmant que la non-violence est un choix constant et une question d'humanité. Un entretien inspirant à ne pas manquer ! 🙏✨


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Pas de messe basse, bienvenue sur le podcast du diocèse de Troyes qui nous permet de donner la parole à des femmes, à des hommes, qu'ils soient laïcs ou religieux, il y sera question de l'actualité de l'Église dans l'aube et dans sa dimension universelle. Au micro, Aline Baudin et Jean-François Laville du service communication. Bonjour, bienvenue sur les podcasts et à l'écoute de ces podcasts du diocèse de Troyes, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Stéphane Descaves. Alors Stéphane, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour,

  • Speaker #0

    merci beaucoup pour votre présence. Je vous en prie, vous êtes formatrice en régulation non violente des conflits. J'aime beaucoup cet intitulé, mais vous allez nous le décrypter. Ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Cela part du principe très pragmatique que toute vie induit du conflit en puissance. On ne voit pas les choses de la même manière, on n'a pas les mêmes besoins, on n'a pas les mêmes objectifs. Donc, partant de ce constat pragmatique, il peut être intéressant de se former pour échanger avec autrui et dialoguer aussi avec soi-même pour arriver à ce que les conflits inévitables ne se transforment pas en violence.

  • Speaker #0

    Alors les conflits, il en existe évidemment à divers degrés. Conflits, pourquoi pas, dans une cour d'école, dans une famille, entre des États, avec différents mouvements terroristes. Tout est possible, y compris avec l'implication de l'Église. Nous allons le voir. Aujourd'hui, si on regarde un petit peu le monde, il est traversé justement par des violences, des conflits, des guerres. Comment situez-vous l'Église dans ce contexte, d'une manière très globale ?

  • Speaker #1

    Alors... Permettez-moi de vous faire un petit teasing. Je voudrais vous lire une citation et je vais demander à vos auditeurs et à vous-même aussi qui pourrait être l'auteur de cette citation. Je vous lis. Lorsqu'elles savent résister à la tentation de la vengeance, les victimes de la violence peuvent être les protagonistes les plus crédibles de processus non violents de construction de la paix. Depuis le niveau local et quotidien jusqu'à celui de l'ordre mondial, depuis... Puisse la non-violence devenir le style caractéristique de nos décisions, de nos relations, de nos actions, de la politique sous toutes ses formes. L'auteur, c'est le pape François, en célébration de la 50e journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2017. Je pense que là, tout est dit. C'est-à-dire qu'il y a un lien intrinsèque, me semble-t-il, entre l'Église et la non-violence. L'action la plus importante possible. pour fabriquer la paix. Et ici, ce que je trouve très intéressant, c'est que le pape fait un lien tout à fait évident entre l'action, le comportement non-violent, on va dire, à toutes les échelles, à l'échelle locale et à l'échelle mondiale, et l'état de paix. On dit souvent que la non-violence, c'est quelque chose d'un peu bisounours. C'est peut-être parce qu'on ne sait pas ce que c'est. On confond l'état de paix paix qui serait donnée par nature, et en fait le fait de construire la paix. Ce qu'il y a ici dans cette citation du pape et que j'aime énormément, c'est que la paix c'est le résultat d'un comportement non violent, d'une action non violente à toutes les échelles.

  • Speaker #0

    Alors vous avez tout à fait raison et le pape effectivement il a des paroles très très fortes en la matière. Si on se retourne quelques instants, on se rend compte quand même que l'église par rapport aux notions de violence, de conflit, était parfois très très impliquée. Il y avait un mélange des genres entre le pouvoir temporel et spirituel. Ça, c'est quelque chose qui a marqué quand même des siècles dans notre histoire.

  • Speaker #1

    Alors, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas du tout une spécialiste de l'Église. Je suis très heureuse d'être invitée aujourd'hui et je ne voudrais pas que mes propos soient pris comme ceux d'une donneuse de leçons. C'est très important pour moi. C'est simplement un témoignage d'une citoyenne qui s'interroge. Je suis née... En Europe, et j'ai moi-même suivi le catéchisme, j'ai aussi suivi un enseignement religieux, même si ensuite j'en suis abstraite. Il m'apparaît que l'Église a pu se livrer à des guerres de religion, par exemple, qu'il y a toute une histoire de l'Église qui est proche de la violence, y compris aujourd'hui, et j'espère que nous pourrons en parler. Ce qui m'apparaît, je reviens à Voltaire, le dictionnaire philosophique. c'est qu'effectivement, toute œuvre de fanatisme au nom d'une religion, quelle qu'elle soit, m'apparaît comme répréhensible, m'apparaît comme contraire à la vie. Et si je peux résumer, vous m'interrogez tout à l'heure sur qu'est-ce que c'est que la régulation non-violente des conflits ou qu'est-ce que c'est que la non-violence, moi je le vis comme une action humaine, intellectuelle, émotionnelle, qui permet de préserver la vie.

  • Speaker #0

    D'accord. Action humaine, là on est dans le temporel. La part du spirituel par rapport à la violence, comment vous la situez ?

  • Speaker #1

    Il faudrait poser la question à Dieu lui-même. Ce que je peux vous répondre ici, c'est que moi, pour décrypter une situation, en régulation non violente des conflits, nous avons cela, nous définissons différents types de violences. C'est-à-dire que plutôt que de parler de la violence en général, il y a plusieurs types de violences. Je suis très frappée, par exemple, dans les interviews, ou en tout cas à la radio, à la télévision, on parle toujours de la violence. Permettez-moi d'en distinguer quatre des types de violences, à voir si Dieu serait d'accord avec cela. En tout cas, peut-être le pape serait d'accord avec cela. Tout d'abord, des violences physiques, c'est clair, on les voit, on les observe très souvent. Ensuite, des violences psychologiques, qui sont les insultes, tout un tas de choses. Et puis, il y a deux autres types de violences qui me semblent très intéressants aussi, pour répondre à votre question sur les liens entre les pratiques violentes. et l'Église, il y a les violences morales. Et arrive ici, bien sûr, toute la question du fanatisme religieux ou laïque, soyons clairs. Les violences morales, c'est ce qui consiste à aller charcuter l'autre, à aller blesser l'autre dans ce qui fait sens pour sa vie, que ce soit ses croyances, qu'elles soient religieuses ou autres, ou quelque chose qui est très important pour lui ou pour elle, par exemple ses enfants. Mais, euh... Par rapport à la question des pratiques violentes et de l'Église, il y a peut-être une quatrième sorte de violence que l'on appelle les violences structurelles. Alors appelez-les les violences structurelles, appelez-les les violences sociétales, les violences systémiques, on les appelle de plusieurs manières. Celles-ci, elles concernent un groupe, et à partir de trois personnes, nous sommes un groupe. Il n'y a pas besoin forcément d'être l'Église au plan mondial, mais ça marche aussi au plan mondial. Et ici, ce qui se passe, c'est que c'est dans la structure de fonctionnement d'un groupe, bien souvent implicite, que peuvent se nicher toutes les violences possibles et imaginables. Pour répondre à votre question, ce qui m'apparaît, c'est que l'Église, elle n'est pas hors-sol. Précisément, vous parliez du temporel, l'Église, elle se décline dans l'humanité, nous sommes tous et toutes sur la Terre. Et donc, l'Église, elle est enracinée, et c'est bien, dans différentes sociétés. Et donc, bien évidemment, il y a des travers sociétaux qui consistent à ce que, systématiquement, un même groupe humain n'ait pas les mêmes droits que les autres.

  • Speaker #0

    Quand vous parlez de travers, on voit dans l'actualité aujourd'hui encore des groupements religieux qui s'impliquent dans des conflits ou qui soutiennent ou qui sont passifs face à des conflits.

  • Speaker #1

    Eh oui. Donc après, c'est l'épineuse question, et on travaille beaucoup là-dessus en régulation non-violente des conflits, de l'interprétation. C'est-à-dire que quand on est en train d'essayer d'expliquer à l'autre que c'est la vérité, c'est bien souvent... sa propre vérité qu'on est en train d'essayer d'imposer à l'autre. Pour ma part, et là je suis plus sur la fameuse CNV, qui est une branche parmi d'autres. CNV,

  • Speaker #0

    qu'est-ce qu'il signifie ?

  • Speaker #1

    Communication non-violente. C'est un processus, un protocole de communication. En CNV, le premier point pour arriver à échanger avec autrui et à sortir justement du conflit et de la violence, c'est de savoir qui a observé quoi. Ça c'est très intéressant par ces temps d'un fox et d'un tox de revenir, en tout cas d'essayer, à l'exactitude. C'est plus un concept différent par rapport à imposer la vérité, sa vérité, c'est vraiment l'exactitude. Et là on revient sur ce que vous évoquiez, si au nom de l'Église j'interviens ou je n'interviens pas dans tel ou tel conflit, d'abord la question c'est quels sont les faits ? quand vous commencez à interpréter. C'est-à-dire, quelle est la couche objective que j'ajoute ?

  • Speaker #0

    Un Fox et un Tux, si on mène à la vérité, vérité mène à la non-violence. Je crois que c'est Gandhi qui soutenait cette thèse.

  • Speaker #1

    Alors, en tout cas, c'est le fameux Satyagra, cher à Gandhi, lui aussi, qui n'était pas loin d'une pratique religieuse. Dans la non-violence, il y a des pratiques laïques et religieuses. Mais attention avec, encore une fois, l'interprétation du mot vérité. Ce qui se joue, en tout cas en non-violence, c'est de partir de ce que tout le monde peut observer, de ce que tout le monde a pu observer. Et au moins, avec l'adversaire, qui n'est pas forcément un ennemi, et avant qu'il ne devienne un ennemi, de se mettre d'accord sur les faits. Et si on est tous d'accord, avec les personnes justement avec qui on est en désaccord sur des faits minimums, Il y a quand même une base solide pour se dire qui a besoin de quoi par temps de ces faits et comment est-ce qu'on peut arriver à trouver une solution.

  • Speaker #0

    Stéphane Descartes, vous êtes donc une spécialiste des notions de non-violence. Comment vous pourriez définir cette notion ? Est-ce qu'on peut y placer l'idée d'acceptation ou de passivité ou pas du tout ?

  • Speaker #1

    Alors effectivement, quand je faisais référence tout à l'heure aux attaques comme quoi les non-violents seraient des peace and love, babacou, le bisounours, et j'en passe, c'est des meilleurs. Toute personne un tout petit peu formée sur cette question-là sait que… C'est complètement à l'opposé de ce qu'est la non-violence. Au contraire, la non-violence est une dimension éminemment active qui permet d'analyser, comme je le disais à l'instant, une situation de façon très active. Elle consiste aussi, et là on est aussi sur la lutte non-violente, il y a des références religieuses très célèbres en lutte non-violente. Il y a par exemple au Brésil Domaine Elder Camara, l'évêque. Il y a par exemple Lanzar del Vasto en Europe, en France. Par exemple, dans la lutte non violente, on mobilise une énergie et la phrase, et je reviens à la passivité, c'est à partir de quand je renonce à mes droits. Mais si effectivement j'estime qu'une situation, quelle qu'elle soit, me fait perdre mes droits, et si je ne réagis pas, et que là il y a des droits humains fondamentaux, importants, qui sont en frein, À ce moment-là, je dois mobiliser une énergie. Nous devons mobiliser une énergie à grande échelle, parfois sur le long terme, pour arriver à inverser les rapports de force et à faire bouger une situation. Pour citer par exemple un exemple connu, Gandhi, avec la question de la décolonisation de l'Inde, ça lui a pris quand même quelques dizaines d'années, à grande échelle.

  • Speaker #0

    Je vais être un peu provocateur. La non-violence, est-ce que c'est une utopie ?

  • Speaker #1

    Vous parliez du temporel et de l'idéal. Pour moi, en tout cas, je ne vous réponds que pour moi, c'est quelque chose, au contraire, de très concret et c'est une pratique extrêmement pragmatique. Il y a tout un volet aussi dans la non-violence qui est, et là je vous cite aussi une phrase religieuse que j'aime beaucoup, qui est Aime ton prochain comme tu aimes toi-même Oh, que c'est intéressant ! Mais est-ce que cela veut dire que je me connais bien moi-même ? Et vous parlez d'une utopie. Quand on parle d'utopie, on parle peut-être aussi des choses qui sont transparentes. Évidemment, il y a des choses transparentes qui sont les émotions qui me traversent et les besoins profonds qu'indiquent ces émotions. Et donc, moi je vous dirais plus, il y a peut-être des choses très pragmatiques, très concrètes que l'on observe, les faits. par exemple, la réalité. Mais il y a aussi tout ce qui est à l'intérieur de tout un chacun et qui permet d'aboutir à ses besoins. Qui a besoin de quoi ? C'est une grande clé en non-violence afin de trouver une solution.

  • Speaker #0

    Vous nous citiez tout à l'heure le pape François. Ses propos sur la paix, sur le fait de cesser les conflits sont réguliers et très forts. Mais est-ce que ces messages sont encore aujourd'hui audibles ?

  • Speaker #1

    Encore une fois, je vous dis que je ne parle pas comme une spécialiste de l'Église. Je prends toutes les sources qui m'arrivent. Et vous savez, il n'y a pas besoin d'être formé sur la non-violence et d'en mettre des tartines de concept pour avoir un comportement profondément non-violent, de mon point de vue. En tout cas, je... Effectivement, la question que vous posez et qui se pose à l'Église, mais pas seulement, c'est aujourd'hui, avec un tel déferlement de violence, en tout cas au plan mondial, la question c'est qu'est-ce qui peut être fait ? Je vous réponds en tant que formatrice. Je ne travaille pas sur les foules, en tout cas pas encore. Moi, je travaille avec des groupes de 10, 15, 20, 50, 100 personnes. La réponse que j'ai, c'est tout d'abord une réponse éducationnelle. Et je pense qu'on se forme tout au long de sa vie. Et je pense que si tout un chacun, à l'échelle individuelle, se forme sur ses éruptions volcaniques émotionnelles, déjà pour commencer, sur les besoins auxquels ses émotions aboutissent, je suis vraiment persuadée qu'on peut faire changer les choses à grande échelle. Mais effectivement, ça ne va pas se faire du jour au lendemain.

  • Speaker #0

    La régulation non violente des conflits, pour vous, c'est un métier. Est-ce qu'à titre personnel, c'est également un cheminement, une quête ?

  • Speaker #1

    Ah ! Si je peux m'exprimer ou faire un parallèle, je pense qu'on ne rentre pas en non-violence de façon neutre ou innocente. Pour ma part, je suis rentrée en non-violence parce que j'ai milité dans une ONG de protection de l'environnement dont les statuts mettaient très en avant l'exigence de non-violence. Donc je me suis formée à la non-violence comme quelque chose de très pragmatique, comme un principe d'action pour dénoncer des atteintes à l'environnement. Et j'ai effectivement constaté qu'en fait, même si ça n'est pas dit de façon intangible, à chaque seconde de ma vie, je m'observe en train de me dire est-ce que ton comportement est non-violent ? Est-ce que ton propos est non-violent ? Est-ce que le petit sourire méprisant que tu aurais envie d'envoyer à quelqu'un que tu ne connais pas dans la rue, qui vient te marcher dessus, c'est non-violent ? Donc je pense effectivement que bien plus qu'un principe d'action... Grande efficacité, il n'y a pas de souci là-dessus. C'est quelque chose qui infuse au plan personnel.

  • Speaker #0

    D'où ma dernière question, est-ce que c'est difficile d'être non-violent ?

  • Speaker #1

    J'ai envie de vous demander, est-ce que c'est difficile d'être humain ? Ce que j'aime beaucoup dans le mot humanité, c'est les trois lettres H-U-M. C'est la racine latine de humilité. de humidité, et notre corps est composé à une très forte proportion d'eau, tout ce qui est de humus également, et en fait tout ce qui est humain, c'est ce qui est lié au sol. Donc encore une fois, l'humanité, elle a les pieds sur terre, enfin en tout cas dans l'idéal, et je pense qu'effectivement, arriver à révéler son humanité, je pense que c'est une question éducationnelle, je pense que c'est un travail presque de chaque instant tout au long de sa vie. À nous de choisir. Effectivement, je pense que tout un chacun peut basculer dans la violence destructrice à tout instant. Et on a aussi de nombreux exemples, y compris dans l'Église, de gens qui résistent à cette tentation de la violence. Je pense que c'est un choix de chaque instant.

  • Speaker #0

    Merci Stéphane Descaves pour ce témoignage. À chacun maintenant décide d'être un peu moins violent peut-être. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci infiniment. Salut !

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Dans le dernier épisode de Pas de messes basses, nous avons eu le plaisir d'accueillir Stéphane Descaves, formatrice en régulation non violente des conflits.

Elle nous a expliqué l'importance de se former pour gérer les conflits de manière non violente et a cité le pape François pour illustrer le lien entre l'Église et la non-violence. Stéphane nous partage également son expérience personnelle, affirmant que la non-violence est un choix constant et une question d'humanité. Un entretien inspirant à ne pas manquer ! 🙏✨


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Pas de messe basse, bienvenue sur le podcast du diocèse de Troyes qui nous permet de donner la parole à des femmes, à des hommes, qu'ils soient laïcs ou religieux, il y sera question de l'actualité de l'Église dans l'aube et dans sa dimension universelle. Au micro, Aline Baudin et Jean-François Laville du service communication. Bonjour, bienvenue sur les podcasts et à l'écoute de ces podcasts du diocèse de Troyes, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Stéphane Descaves. Alors Stéphane, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour,

  • Speaker #0

    merci beaucoup pour votre présence. Je vous en prie, vous êtes formatrice en régulation non violente des conflits. J'aime beaucoup cet intitulé, mais vous allez nous le décrypter. Ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Cela part du principe très pragmatique que toute vie induit du conflit en puissance. On ne voit pas les choses de la même manière, on n'a pas les mêmes besoins, on n'a pas les mêmes objectifs. Donc, partant de ce constat pragmatique, il peut être intéressant de se former pour échanger avec autrui et dialoguer aussi avec soi-même pour arriver à ce que les conflits inévitables ne se transforment pas en violence.

  • Speaker #0

    Alors les conflits, il en existe évidemment à divers degrés. Conflits, pourquoi pas, dans une cour d'école, dans une famille, entre des États, avec différents mouvements terroristes. Tout est possible, y compris avec l'implication de l'Église. Nous allons le voir. Aujourd'hui, si on regarde un petit peu le monde, il est traversé justement par des violences, des conflits, des guerres. Comment situez-vous l'Église dans ce contexte, d'une manière très globale ?

  • Speaker #1

    Alors... Permettez-moi de vous faire un petit teasing. Je voudrais vous lire une citation et je vais demander à vos auditeurs et à vous-même aussi qui pourrait être l'auteur de cette citation. Je vous lis. Lorsqu'elles savent résister à la tentation de la vengeance, les victimes de la violence peuvent être les protagonistes les plus crédibles de processus non violents de construction de la paix. Depuis le niveau local et quotidien jusqu'à celui de l'ordre mondial, depuis... Puisse la non-violence devenir le style caractéristique de nos décisions, de nos relations, de nos actions, de la politique sous toutes ses formes. L'auteur, c'est le pape François, en célébration de la 50e journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2017. Je pense que là, tout est dit. C'est-à-dire qu'il y a un lien intrinsèque, me semble-t-il, entre l'Église et la non-violence. L'action la plus importante possible. pour fabriquer la paix. Et ici, ce que je trouve très intéressant, c'est que le pape fait un lien tout à fait évident entre l'action, le comportement non-violent, on va dire, à toutes les échelles, à l'échelle locale et à l'échelle mondiale, et l'état de paix. On dit souvent que la non-violence, c'est quelque chose d'un peu bisounours. C'est peut-être parce qu'on ne sait pas ce que c'est. On confond l'état de paix paix qui serait donnée par nature, et en fait le fait de construire la paix. Ce qu'il y a ici dans cette citation du pape et que j'aime énormément, c'est que la paix c'est le résultat d'un comportement non violent, d'une action non violente à toutes les échelles.

  • Speaker #0

    Alors vous avez tout à fait raison et le pape effectivement il a des paroles très très fortes en la matière. Si on se retourne quelques instants, on se rend compte quand même que l'église par rapport aux notions de violence, de conflit, était parfois très très impliquée. Il y avait un mélange des genres entre le pouvoir temporel et spirituel. Ça, c'est quelque chose qui a marqué quand même des siècles dans notre histoire.

  • Speaker #1

    Alors, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas du tout une spécialiste de l'Église. Je suis très heureuse d'être invitée aujourd'hui et je ne voudrais pas que mes propos soient pris comme ceux d'une donneuse de leçons. C'est très important pour moi. C'est simplement un témoignage d'une citoyenne qui s'interroge. Je suis née... En Europe, et j'ai moi-même suivi le catéchisme, j'ai aussi suivi un enseignement religieux, même si ensuite j'en suis abstraite. Il m'apparaît que l'Église a pu se livrer à des guerres de religion, par exemple, qu'il y a toute une histoire de l'Église qui est proche de la violence, y compris aujourd'hui, et j'espère que nous pourrons en parler. Ce qui m'apparaît, je reviens à Voltaire, le dictionnaire philosophique. c'est qu'effectivement, toute œuvre de fanatisme au nom d'une religion, quelle qu'elle soit, m'apparaît comme répréhensible, m'apparaît comme contraire à la vie. Et si je peux résumer, vous m'interrogez tout à l'heure sur qu'est-ce que c'est que la régulation non-violente des conflits ou qu'est-ce que c'est que la non-violence, moi je le vis comme une action humaine, intellectuelle, émotionnelle, qui permet de préserver la vie.

  • Speaker #0

    D'accord. Action humaine, là on est dans le temporel. La part du spirituel par rapport à la violence, comment vous la situez ?

  • Speaker #1

    Il faudrait poser la question à Dieu lui-même. Ce que je peux vous répondre ici, c'est que moi, pour décrypter une situation, en régulation non violente des conflits, nous avons cela, nous définissons différents types de violences. C'est-à-dire que plutôt que de parler de la violence en général, il y a plusieurs types de violences. Je suis très frappée, par exemple, dans les interviews, ou en tout cas à la radio, à la télévision, on parle toujours de la violence. Permettez-moi d'en distinguer quatre des types de violences, à voir si Dieu serait d'accord avec cela. En tout cas, peut-être le pape serait d'accord avec cela. Tout d'abord, des violences physiques, c'est clair, on les voit, on les observe très souvent. Ensuite, des violences psychologiques, qui sont les insultes, tout un tas de choses. Et puis, il y a deux autres types de violences qui me semblent très intéressants aussi, pour répondre à votre question sur les liens entre les pratiques violentes. et l'Église, il y a les violences morales. Et arrive ici, bien sûr, toute la question du fanatisme religieux ou laïque, soyons clairs. Les violences morales, c'est ce qui consiste à aller charcuter l'autre, à aller blesser l'autre dans ce qui fait sens pour sa vie, que ce soit ses croyances, qu'elles soient religieuses ou autres, ou quelque chose qui est très important pour lui ou pour elle, par exemple ses enfants. Mais, euh... Par rapport à la question des pratiques violentes et de l'Église, il y a peut-être une quatrième sorte de violence que l'on appelle les violences structurelles. Alors appelez-les les violences structurelles, appelez-les les violences sociétales, les violences systémiques, on les appelle de plusieurs manières. Celles-ci, elles concernent un groupe, et à partir de trois personnes, nous sommes un groupe. Il n'y a pas besoin forcément d'être l'Église au plan mondial, mais ça marche aussi au plan mondial. Et ici, ce qui se passe, c'est que c'est dans la structure de fonctionnement d'un groupe, bien souvent implicite, que peuvent se nicher toutes les violences possibles et imaginables. Pour répondre à votre question, ce qui m'apparaît, c'est que l'Église, elle n'est pas hors-sol. Précisément, vous parliez du temporel, l'Église, elle se décline dans l'humanité, nous sommes tous et toutes sur la Terre. Et donc, l'Église, elle est enracinée, et c'est bien, dans différentes sociétés. Et donc, bien évidemment, il y a des travers sociétaux qui consistent à ce que, systématiquement, un même groupe humain n'ait pas les mêmes droits que les autres.

  • Speaker #0

    Quand vous parlez de travers, on voit dans l'actualité aujourd'hui encore des groupements religieux qui s'impliquent dans des conflits ou qui soutiennent ou qui sont passifs face à des conflits.

  • Speaker #1

    Eh oui. Donc après, c'est l'épineuse question, et on travaille beaucoup là-dessus en régulation non-violente des conflits, de l'interprétation. C'est-à-dire que quand on est en train d'essayer d'expliquer à l'autre que c'est la vérité, c'est bien souvent... sa propre vérité qu'on est en train d'essayer d'imposer à l'autre. Pour ma part, et là je suis plus sur la fameuse CNV, qui est une branche parmi d'autres. CNV,

  • Speaker #0

    qu'est-ce qu'il signifie ?

  • Speaker #1

    Communication non-violente. C'est un processus, un protocole de communication. En CNV, le premier point pour arriver à échanger avec autrui et à sortir justement du conflit et de la violence, c'est de savoir qui a observé quoi. Ça c'est très intéressant par ces temps d'un fox et d'un tox de revenir, en tout cas d'essayer, à l'exactitude. C'est plus un concept différent par rapport à imposer la vérité, sa vérité, c'est vraiment l'exactitude. Et là on revient sur ce que vous évoquiez, si au nom de l'Église j'interviens ou je n'interviens pas dans tel ou tel conflit, d'abord la question c'est quels sont les faits ? quand vous commencez à interpréter. C'est-à-dire, quelle est la couche objective que j'ajoute ?

  • Speaker #0

    Un Fox et un Tux, si on mène à la vérité, vérité mène à la non-violence. Je crois que c'est Gandhi qui soutenait cette thèse.

  • Speaker #1

    Alors, en tout cas, c'est le fameux Satyagra, cher à Gandhi, lui aussi, qui n'était pas loin d'une pratique religieuse. Dans la non-violence, il y a des pratiques laïques et religieuses. Mais attention avec, encore une fois, l'interprétation du mot vérité. Ce qui se joue, en tout cas en non-violence, c'est de partir de ce que tout le monde peut observer, de ce que tout le monde a pu observer. Et au moins, avec l'adversaire, qui n'est pas forcément un ennemi, et avant qu'il ne devienne un ennemi, de se mettre d'accord sur les faits. Et si on est tous d'accord, avec les personnes justement avec qui on est en désaccord sur des faits minimums, Il y a quand même une base solide pour se dire qui a besoin de quoi par temps de ces faits et comment est-ce qu'on peut arriver à trouver une solution.

  • Speaker #0

    Stéphane Descartes, vous êtes donc une spécialiste des notions de non-violence. Comment vous pourriez définir cette notion ? Est-ce qu'on peut y placer l'idée d'acceptation ou de passivité ou pas du tout ?

  • Speaker #1

    Alors effectivement, quand je faisais référence tout à l'heure aux attaques comme quoi les non-violents seraient des peace and love, babacou, le bisounours, et j'en passe, c'est des meilleurs. Toute personne un tout petit peu formée sur cette question-là sait que… C'est complètement à l'opposé de ce qu'est la non-violence. Au contraire, la non-violence est une dimension éminemment active qui permet d'analyser, comme je le disais à l'instant, une situation de façon très active. Elle consiste aussi, et là on est aussi sur la lutte non-violente, il y a des références religieuses très célèbres en lutte non-violente. Il y a par exemple au Brésil Domaine Elder Camara, l'évêque. Il y a par exemple Lanzar del Vasto en Europe, en France. Par exemple, dans la lutte non violente, on mobilise une énergie et la phrase, et je reviens à la passivité, c'est à partir de quand je renonce à mes droits. Mais si effectivement j'estime qu'une situation, quelle qu'elle soit, me fait perdre mes droits, et si je ne réagis pas, et que là il y a des droits humains fondamentaux, importants, qui sont en frein, À ce moment-là, je dois mobiliser une énergie. Nous devons mobiliser une énergie à grande échelle, parfois sur le long terme, pour arriver à inverser les rapports de force et à faire bouger une situation. Pour citer par exemple un exemple connu, Gandhi, avec la question de la décolonisation de l'Inde, ça lui a pris quand même quelques dizaines d'années, à grande échelle.

  • Speaker #0

    Je vais être un peu provocateur. La non-violence, est-ce que c'est une utopie ?

  • Speaker #1

    Vous parliez du temporel et de l'idéal. Pour moi, en tout cas, je ne vous réponds que pour moi, c'est quelque chose, au contraire, de très concret et c'est une pratique extrêmement pragmatique. Il y a tout un volet aussi dans la non-violence qui est, et là je vous cite aussi une phrase religieuse que j'aime beaucoup, qui est Aime ton prochain comme tu aimes toi-même Oh, que c'est intéressant ! Mais est-ce que cela veut dire que je me connais bien moi-même ? Et vous parlez d'une utopie. Quand on parle d'utopie, on parle peut-être aussi des choses qui sont transparentes. Évidemment, il y a des choses transparentes qui sont les émotions qui me traversent et les besoins profonds qu'indiquent ces émotions. Et donc, moi je vous dirais plus, il y a peut-être des choses très pragmatiques, très concrètes que l'on observe, les faits. par exemple, la réalité. Mais il y a aussi tout ce qui est à l'intérieur de tout un chacun et qui permet d'aboutir à ses besoins. Qui a besoin de quoi ? C'est une grande clé en non-violence afin de trouver une solution.

  • Speaker #0

    Vous nous citiez tout à l'heure le pape François. Ses propos sur la paix, sur le fait de cesser les conflits sont réguliers et très forts. Mais est-ce que ces messages sont encore aujourd'hui audibles ?

  • Speaker #1

    Encore une fois, je vous dis que je ne parle pas comme une spécialiste de l'Église. Je prends toutes les sources qui m'arrivent. Et vous savez, il n'y a pas besoin d'être formé sur la non-violence et d'en mettre des tartines de concept pour avoir un comportement profondément non-violent, de mon point de vue. En tout cas, je... Effectivement, la question que vous posez et qui se pose à l'Église, mais pas seulement, c'est aujourd'hui, avec un tel déferlement de violence, en tout cas au plan mondial, la question c'est qu'est-ce qui peut être fait ? Je vous réponds en tant que formatrice. Je ne travaille pas sur les foules, en tout cas pas encore. Moi, je travaille avec des groupes de 10, 15, 20, 50, 100 personnes. La réponse que j'ai, c'est tout d'abord une réponse éducationnelle. Et je pense qu'on se forme tout au long de sa vie. Et je pense que si tout un chacun, à l'échelle individuelle, se forme sur ses éruptions volcaniques émotionnelles, déjà pour commencer, sur les besoins auxquels ses émotions aboutissent, je suis vraiment persuadée qu'on peut faire changer les choses à grande échelle. Mais effectivement, ça ne va pas se faire du jour au lendemain.

  • Speaker #0

    La régulation non violente des conflits, pour vous, c'est un métier. Est-ce qu'à titre personnel, c'est également un cheminement, une quête ?

  • Speaker #1

    Ah ! Si je peux m'exprimer ou faire un parallèle, je pense qu'on ne rentre pas en non-violence de façon neutre ou innocente. Pour ma part, je suis rentrée en non-violence parce que j'ai milité dans une ONG de protection de l'environnement dont les statuts mettaient très en avant l'exigence de non-violence. Donc je me suis formée à la non-violence comme quelque chose de très pragmatique, comme un principe d'action pour dénoncer des atteintes à l'environnement. Et j'ai effectivement constaté qu'en fait, même si ça n'est pas dit de façon intangible, à chaque seconde de ma vie, je m'observe en train de me dire est-ce que ton comportement est non-violent ? Est-ce que ton propos est non-violent ? Est-ce que le petit sourire méprisant que tu aurais envie d'envoyer à quelqu'un que tu ne connais pas dans la rue, qui vient te marcher dessus, c'est non-violent ? Donc je pense effectivement que bien plus qu'un principe d'action... Grande efficacité, il n'y a pas de souci là-dessus. C'est quelque chose qui infuse au plan personnel.

  • Speaker #0

    D'où ma dernière question, est-ce que c'est difficile d'être non-violent ?

  • Speaker #1

    J'ai envie de vous demander, est-ce que c'est difficile d'être humain ? Ce que j'aime beaucoup dans le mot humanité, c'est les trois lettres H-U-M. C'est la racine latine de humilité. de humidité, et notre corps est composé à une très forte proportion d'eau, tout ce qui est de humus également, et en fait tout ce qui est humain, c'est ce qui est lié au sol. Donc encore une fois, l'humanité, elle a les pieds sur terre, enfin en tout cas dans l'idéal, et je pense qu'effectivement, arriver à révéler son humanité, je pense que c'est une question éducationnelle, je pense que c'est un travail presque de chaque instant tout au long de sa vie. À nous de choisir. Effectivement, je pense que tout un chacun peut basculer dans la violence destructrice à tout instant. Et on a aussi de nombreux exemples, y compris dans l'Église, de gens qui résistent à cette tentation de la violence. Je pense que c'est un choix de chaque instant.

  • Speaker #0

    Merci Stéphane Descaves pour ce témoignage. À chacun maintenant décide d'être un peu moins violent peut-être. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci infiniment. Salut !

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Description

Dans le dernier épisode de Pas de messes basses, nous avons eu le plaisir d'accueillir Stéphane Descaves, formatrice en régulation non violente des conflits.

Elle nous a expliqué l'importance de se former pour gérer les conflits de manière non violente et a cité le pape François pour illustrer le lien entre l'Église et la non-violence. Stéphane nous partage également son expérience personnelle, affirmant que la non-violence est un choix constant et une question d'humanité. Un entretien inspirant à ne pas manquer ! 🙏✨


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Pas de messe basse, bienvenue sur le podcast du diocèse de Troyes qui nous permet de donner la parole à des femmes, à des hommes, qu'ils soient laïcs ou religieux, il y sera question de l'actualité de l'Église dans l'aube et dans sa dimension universelle. Au micro, Aline Baudin et Jean-François Laville du service communication. Bonjour, bienvenue sur les podcasts et à l'écoute de ces podcasts du diocèse de Troyes, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Stéphane Descaves. Alors Stéphane, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour,

  • Speaker #0

    merci beaucoup pour votre présence. Je vous en prie, vous êtes formatrice en régulation non violente des conflits. J'aime beaucoup cet intitulé, mais vous allez nous le décrypter. Ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Cela part du principe très pragmatique que toute vie induit du conflit en puissance. On ne voit pas les choses de la même manière, on n'a pas les mêmes besoins, on n'a pas les mêmes objectifs. Donc, partant de ce constat pragmatique, il peut être intéressant de se former pour échanger avec autrui et dialoguer aussi avec soi-même pour arriver à ce que les conflits inévitables ne se transforment pas en violence.

  • Speaker #0

    Alors les conflits, il en existe évidemment à divers degrés. Conflits, pourquoi pas, dans une cour d'école, dans une famille, entre des États, avec différents mouvements terroristes. Tout est possible, y compris avec l'implication de l'Église. Nous allons le voir. Aujourd'hui, si on regarde un petit peu le monde, il est traversé justement par des violences, des conflits, des guerres. Comment situez-vous l'Église dans ce contexte, d'une manière très globale ?

  • Speaker #1

    Alors... Permettez-moi de vous faire un petit teasing. Je voudrais vous lire une citation et je vais demander à vos auditeurs et à vous-même aussi qui pourrait être l'auteur de cette citation. Je vous lis. Lorsqu'elles savent résister à la tentation de la vengeance, les victimes de la violence peuvent être les protagonistes les plus crédibles de processus non violents de construction de la paix. Depuis le niveau local et quotidien jusqu'à celui de l'ordre mondial, depuis... Puisse la non-violence devenir le style caractéristique de nos décisions, de nos relations, de nos actions, de la politique sous toutes ses formes. L'auteur, c'est le pape François, en célébration de la 50e journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2017. Je pense que là, tout est dit. C'est-à-dire qu'il y a un lien intrinsèque, me semble-t-il, entre l'Église et la non-violence. L'action la plus importante possible. pour fabriquer la paix. Et ici, ce que je trouve très intéressant, c'est que le pape fait un lien tout à fait évident entre l'action, le comportement non-violent, on va dire, à toutes les échelles, à l'échelle locale et à l'échelle mondiale, et l'état de paix. On dit souvent que la non-violence, c'est quelque chose d'un peu bisounours. C'est peut-être parce qu'on ne sait pas ce que c'est. On confond l'état de paix paix qui serait donnée par nature, et en fait le fait de construire la paix. Ce qu'il y a ici dans cette citation du pape et que j'aime énormément, c'est que la paix c'est le résultat d'un comportement non violent, d'une action non violente à toutes les échelles.

  • Speaker #0

    Alors vous avez tout à fait raison et le pape effectivement il a des paroles très très fortes en la matière. Si on se retourne quelques instants, on se rend compte quand même que l'église par rapport aux notions de violence, de conflit, était parfois très très impliquée. Il y avait un mélange des genres entre le pouvoir temporel et spirituel. Ça, c'est quelque chose qui a marqué quand même des siècles dans notre histoire.

  • Speaker #1

    Alors, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas du tout une spécialiste de l'Église. Je suis très heureuse d'être invitée aujourd'hui et je ne voudrais pas que mes propos soient pris comme ceux d'une donneuse de leçons. C'est très important pour moi. C'est simplement un témoignage d'une citoyenne qui s'interroge. Je suis née... En Europe, et j'ai moi-même suivi le catéchisme, j'ai aussi suivi un enseignement religieux, même si ensuite j'en suis abstraite. Il m'apparaît que l'Église a pu se livrer à des guerres de religion, par exemple, qu'il y a toute une histoire de l'Église qui est proche de la violence, y compris aujourd'hui, et j'espère que nous pourrons en parler. Ce qui m'apparaît, je reviens à Voltaire, le dictionnaire philosophique. c'est qu'effectivement, toute œuvre de fanatisme au nom d'une religion, quelle qu'elle soit, m'apparaît comme répréhensible, m'apparaît comme contraire à la vie. Et si je peux résumer, vous m'interrogez tout à l'heure sur qu'est-ce que c'est que la régulation non-violente des conflits ou qu'est-ce que c'est que la non-violence, moi je le vis comme une action humaine, intellectuelle, émotionnelle, qui permet de préserver la vie.

  • Speaker #0

    D'accord. Action humaine, là on est dans le temporel. La part du spirituel par rapport à la violence, comment vous la situez ?

  • Speaker #1

    Il faudrait poser la question à Dieu lui-même. Ce que je peux vous répondre ici, c'est que moi, pour décrypter une situation, en régulation non violente des conflits, nous avons cela, nous définissons différents types de violences. C'est-à-dire que plutôt que de parler de la violence en général, il y a plusieurs types de violences. Je suis très frappée, par exemple, dans les interviews, ou en tout cas à la radio, à la télévision, on parle toujours de la violence. Permettez-moi d'en distinguer quatre des types de violences, à voir si Dieu serait d'accord avec cela. En tout cas, peut-être le pape serait d'accord avec cela. Tout d'abord, des violences physiques, c'est clair, on les voit, on les observe très souvent. Ensuite, des violences psychologiques, qui sont les insultes, tout un tas de choses. Et puis, il y a deux autres types de violences qui me semblent très intéressants aussi, pour répondre à votre question sur les liens entre les pratiques violentes. et l'Église, il y a les violences morales. Et arrive ici, bien sûr, toute la question du fanatisme religieux ou laïque, soyons clairs. Les violences morales, c'est ce qui consiste à aller charcuter l'autre, à aller blesser l'autre dans ce qui fait sens pour sa vie, que ce soit ses croyances, qu'elles soient religieuses ou autres, ou quelque chose qui est très important pour lui ou pour elle, par exemple ses enfants. Mais, euh... Par rapport à la question des pratiques violentes et de l'Église, il y a peut-être une quatrième sorte de violence que l'on appelle les violences structurelles. Alors appelez-les les violences structurelles, appelez-les les violences sociétales, les violences systémiques, on les appelle de plusieurs manières. Celles-ci, elles concernent un groupe, et à partir de trois personnes, nous sommes un groupe. Il n'y a pas besoin forcément d'être l'Église au plan mondial, mais ça marche aussi au plan mondial. Et ici, ce qui se passe, c'est que c'est dans la structure de fonctionnement d'un groupe, bien souvent implicite, que peuvent se nicher toutes les violences possibles et imaginables. Pour répondre à votre question, ce qui m'apparaît, c'est que l'Église, elle n'est pas hors-sol. Précisément, vous parliez du temporel, l'Église, elle se décline dans l'humanité, nous sommes tous et toutes sur la Terre. Et donc, l'Église, elle est enracinée, et c'est bien, dans différentes sociétés. Et donc, bien évidemment, il y a des travers sociétaux qui consistent à ce que, systématiquement, un même groupe humain n'ait pas les mêmes droits que les autres.

  • Speaker #0

    Quand vous parlez de travers, on voit dans l'actualité aujourd'hui encore des groupements religieux qui s'impliquent dans des conflits ou qui soutiennent ou qui sont passifs face à des conflits.

  • Speaker #1

    Eh oui. Donc après, c'est l'épineuse question, et on travaille beaucoup là-dessus en régulation non-violente des conflits, de l'interprétation. C'est-à-dire que quand on est en train d'essayer d'expliquer à l'autre que c'est la vérité, c'est bien souvent... sa propre vérité qu'on est en train d'essayer d'imposer à l'autre. Pour ma part, et là je suis plus sur la fameuse CNV, qui est une branche parmi d'autres. CNV,

  • Speaker #0

    qu'est-ce qu'il signifie ?

  • Speaker #1

    Communication non-violente. C'est un processus, un protocole de communication. En CNV, le premier point pour arriver à échanger avec autrui et à sortir justement du conflit et de la violence, c'est de savoir qui a observé quoi. Ça c'est très intéressant par ces temps d'un fox et d'un tox de revenir, en tout cas d'essayer, à l'exactitude. C'est plus un concept différent par rapport à imposer la vérité, sa vérité, c'est vraiment l'exactitude. Et là on revient sur ce que vous évoquiez, si au nom de l'Église j'interviens ou je n'interviens pas dans tel ou tel conflit, d'abord la question c'est quels sont les faits ? quand vous commencez à interpréter. C'est-à-dire, quelle est la couche objective que j'ajoute ?

  • Speaker #0

    Un Fox et un Tux, si on mène à la vérité, vérité mène à la non-violence. Je crois que c'est Gandhi qui soutenait cette thèse.

  • Speaker #1

    Alors, en tout cas, c'est le fameux Satyagra, cher à Gandhi, lui aussi, qui n'était pas loin d'une pratique religieuse. Dans la non-violence, il y a des pratiques laïques et religieuses. Mais attention avec, encore une fois, l'interprétation du mot vérité. Ce qui se joue, en tout cas en non-violence, c'est de partir de ce que tout le monde peut observer, de ce que tout le monde a pu observer. Et au moins, avec l'adversaire, qui n'est pas forcément un ennemi, et avant qu'il ne devienne un ennemi, de se mettre d'accord sur les faits. Et si on est tous d'accord, avec les personnes justement avec qui on est en désaccord sur des faits minimums, Il y a quand même une base solide pour se dire qui a besoin de quoi par temps de ces faits et comment est-ce qu'on peut arriver à trouver une solution.

  • Speaker #0

    Stéphane Descartes, vous êtes donc une spécialiste des notions de non-violence. Comment vous pourriez définir cette notion ? Est-ce qu'on peut y placer l'idée d'acceptation ou de passivité ou pas du tout ?

  • Speaker #1

    Alors effectivement, quand je faisais référence tout à l'heure aux attaques comme quoi les non-violents seraient des peace and love, babacou, le bisounours, et j'en passe, c'est des meilleurs. Toute personne un tout petit peu formée sur cette question-là sait que… C'est complètement à l'opposé de ce qu'est la non-violence. Au contraire, la non-violence est une dimension éminemment active qui permet d'analyser, comme je le disais à l'instant, une situation de façon très active. Elle consiste aussi, et là on est aussi sur la lutte non-violente, il y a des références religieuses très célèbres en lutte non-violente. Il y a par exemple au Brésil Domaine Elder Camara, l'évêque. Il y a par exemple Lanzar del Vasto en Europe, en France. Par exemple, dans la lutte non violente, on mobilise une énergie et la phrase, et je reviens à la passivité, c'est à partir de quand je renonce à mes droits. Mais si effectivement j'estime qu'une situation, quelle qu'elle soit, me fait perdre mes droits, et si je ne réagis pas, et que là il y a des droits humains fondamentaux, importants, qui sont en frein, À ce moment-là, je dois mobiliser une énergie. Nous devons mobiliser une énergie à grande échelle, parfois sur le long terme, pour arriver à inverser les rapports de force et à faire bouger une situation. Pour citer par exemple un exemple connu, Gandhi, avec la question de la décolonisation de l'Inde, ça lui a pris quand même quelques dizaines d'années, à grande échelle.

  • Speaker #0

    Je vais être un peu provocateur. La non-violence, est-ce que c'est une utopie ?

  • Speaker #1

    Vous parliez du temporel et de l'idéal. Pour moi, en tout cas, je ne vous réponds que pour moi, c'est quelque chose, au contraire, de très concret et c'est une pratique extrêmement pragmatique. Il y a tout un volet aussi dans la non-violence qui est, et là je vous cite aussi une phrase religieuse que j'aime beaucoup, qui est Aime ton prochain comme tu aimes toi-même Oh, que c'est intéressant ! Mais est-ce que cela veut dire que je me connais bien moi-même ? Et vous parlez d'une utopie. Quand on parle d'utopie, on parle peut-être aussi des choses qui sont transparentes. Évidemment, il y a des choses transparentes qui sont les émotions qui me traversent et les besoins profonds qu'indiquent ces émotions. Et donc, moi je vous dirais plus, il y a peut-être des choses très pragmatiques, très concrètes que l'on observe, les faits. par exemple, la réalité. Mais il y a aussi tout ce qui est à l'intérieur de tout un chacun et qui permet d'aboutir à ses besoins. Qui a besoin de quoi ? C'est une grande clé en non-violence afin de trouver une solution.

  • Speaker #0

    Vous nous citiez tout à l'heure le pape François. Ses propos sur la paix, sur le fait de cesser les conflits sont réguliers et très forts. Mais est-ce que ces messages sont encore aujourd'hui audibles ?

  • Speaker #1

    Encore une fois, je vous dis que je ne parle pas comme une spécialiste de l'Église. Je prends toutes les sources qui m'arrivent. Et vous savez, il n'y a pas besoin d'être formé sur la non-violence et d'en mettre des tartines de concept pour avoir un comportement profondément non-violent, de mon point de vue. En tout cas, je... Effectivement, la question que vous posez et qui se pose à l'Église, mais pas seulement, c'est aujourd'hui, avec un tel déferlement de violence, en tout cas au plan mondial, la question c'est qu'est-ce qui peut être fait ? Je vous réponds en tant que formatrice. Je ne travaille pas sur les foules, en tout cas pas encore. Moi, je travaille avec des groupes de 10, 15, 20, 50, 100 personnes. La réponse que j'ai, c'est tout d'abord une réponse éducationnelle. Et je pense qu'on se forme tout au long de sa vie. Et je pense que si tout un chacun, à l'échelle individuelle, se forme sur ses éruptions volcaniques émotionnelles, déjà pour commencer, sur les besoins auxquels ses émotions aboutissent, je suis vraiment persuadée qu'on peut faire changer les choses à grande échelle. Mais effectivement, ça ne va pas se faire du jour au lendemain.

  • Speaker #0

    La régulation non violente des conflits, pour vous, c'est un métier. Est-ce qu'à titre personnel, c'est également un cheminement, une quête ?

  • Speaker #1

    Ah ! Si je peux m'exprimer ou faire un parallèle, je pense qu'on ne rentre pas en non-violence de façon neutre ou innocente. Pour ma part, je suis rentrée en non-violence parce que j'ai milité dans une ONG de protection de l'environnement dont les statuts mettaient très en avant l'exigence de non-violence. Donc je me suis formée à la non-violence comme quelque chose de très pragmatique, comme un principe d'action pour dénoncer des atteintes à l'environnement. Et j'ai effectivement constaté qu'en fait, même si ça n'est pas dit de façon intangible, à chaque seconde de ma vie, je m'observe en train de me dire est-ce que ton comportement est non-violent ? Est-ce que ton propos est non-violent ? Est-ce que le petit sourire méprisant que tu aurais envie d'envoyer à quelqu'un que tu ne connais pas dans la rue, qui vient te marcher dessus, c'est non-violent ? Donc je pense effectivement que bien plus qu'un principe d'action... Grande efficacité, il n'y a pas de souci là-dessus. C'est quelque chose qui infuse au plan personnel.

  • Speaker #0

    D'où ma dernière question, est-ce que c'est difficile d'être non-violent ?

  • Speaker #1

    J'ai envie de vous demander, est-ce que c'est difficile d'être humain ? Ce que j'aime beaucoup dans le mot humanité, c'est les trois lettres H-U-M. C'est la racine latine de humilité. de humidité, et notre corps est composé à une très forte proportion d'eau, tout ce qui est de humus également, et en fait tout ce qui est humain, c'est ce qui est lié au sol. Donc encore une fois, l'humanité, elle a les pieds sur terre, enfin en tout cas dans l'idéal, et je pense qu'effectivement, arriver à révéler son humanité, je pense que c'est une question éducationnelle, je pense que c'est un travail presque de chaque instant tout au long de sa vie. À nous de choisir. Effectivement, je pense que tout un chacun peut basculer dans la violence destructrice à tout instant. Et on a aussi de nombreux exemples, y compris dans l'Église, de gens qui résistent à cette tentation de la violence. Je pense que c'est un choix de chaque instant.

  • Speaker #0

    Merci Stéphane Descaves pour ce témoignage. À chacun maintenant décide d'être un peu moins violent peut-être. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci infiniment. Salut !

Description

Dans le dernier épisode de Pas de messes basses, nous avons eu le plaisir d'accueillir Stéphane Descaves, formatrice en régulation non violente des conflits.

Elle nous a expliqué l'importance de se former pour gérer les conflits de manière non violente et a cité le pape François pour illustrer le lien entre l'Église et la non-violence. Stéphane nous partage également son expérience personnelle, affirmant que la non-violence est un choix constant et une question d'humanité. Un entretien inspirant à ne pas manquer ! 🙏✨


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Pas de messe basse, bienvenue sur le podcast du diocèse de Troyes qui nous permet de donner la parole à des femmes, à des hommes, qu'ils soient laïcs ou religieux, il y sera question de l'actualité de l'Église dans l'aube et dans sa dimension universelle. Au micro, Aline Baudin et Jean-François Laville du service communication. Bonjour, bienvenue sur les podcasts et à l'écoute de ces podcasts du diocèse de Troyes, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Stéphane Descaves. Alors Stéphane, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour,

  • Speaker #0

    merci beaucoup pour votre présence. Je vous en prie, vous êtes formatrice en régulation non violente des conflits. J'aime beaucoup cet intitulé, mais vous allez nous le décrypter. Ça veut dire quoi ?

  • Speaker #1

    Cela part du principe très pragmatique que toute vie induit du conflit en puissance. On ne voit pas les choses de la même manière, on n'a pas les mêmes besoins, on n'a pas les mêmes objectifs. Donc, partant de ce constat pragmatique, il peut être intéressant de se former pour échanger avec autrui et dialoguer aussi avec soi-même pour arriver à ce que les conflits inévitables ne se transforment pas en violence.

  • Speaker #0

    Alors les conflits, il en existe évidemment à divers degrés. Conflits, pourquoi pas, dans une cour d'école, dans une famille, entre des États, avec différents mouvements terroristes. Tout est possible, y compris avec l'implication de l'Église. Nous allons le voir. Aujourd'hui, si on regarde un petit peu le monde, il est traversé justement par des violences, des conflits, des guerres. Comment situez-vous l'Église dans ce contexte, d'une manière très globale ?

  • Speaker #1

    Alors... Permettez-moi de vous faire un petit teasing. Je voudrais vous lire une citation et je vais demander à vos auditeurs et à vous-même aussi qui pourrait être l'auteur de cette citation. Je vous lis. Lorsqu'elles savent résister à la tentation de la vengeance, les victimes de la violence peuvent être les protagonistes les plus crédibles de processus non violents de construction de la paix. Depuis le niveau local et quotidien jusqu'à celui de l'ordre mondial, depuis... Puisse la non-violence devenir le style caractéristique de nos décisions, de nos relations, de nos actions, de la politique sous toutes ses formes. L'auteur, c'est le pape François, en célébration de la 50e journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2017. Je pense que là, tout est dit. C'est-à-dire qu'il y a un lien intrinsèque, me semble-t-il, entre l'Église et la non-violence. L'action la plus importante possible. pour fabriquer la paix. Et ici, ce que je trouve très intéressant, c'est que le pape fait un lien tout à fait évident entre l'action, le comportement non-violent, on va dire, à toutes les échelles, à l'échelle locale et à l'échelle mondiale, et l'état de paix. On dit souvent que la non-violence, c'est quelque chose d'un peu bisounours. C'est peut-être parce qu'on ne sait pas ce que c'est. On confond l'état de paix paix qui serait donnée par nature, et en fait le fait de construire la paix. Ce qu'il y a ici dans cette citation du pape et que j'aime énormément, c'est que la paix c'est le résultat d'un comportement non violent, d'une action non violente à toutes les échelles.

  • Speaker #0

    Alors vous avez tout à fait raison et le pape effectivement il a des paroles très très fortes en la matière. Si on se retourne quelques instants, on se rend compte quand même que l'église par rapport aux notions de violence, de conflit, était parfois très très impliquée. Il y avait un mélange des genres entre le pouvoir temporel et spirituel. Ça, c'est quelque chose qui a marqué quand même des siècles dans notre histoire.

  • Speaker #1

    Alors, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas du tout une spécialiste de l'Église. Je suis très heureuse d'être invitée aujourd'hui et je ne voudrais pas que mes propos soient pris comme ceux d'une donneuse de leçons. C'est très important pour moi. C'est simplement un témoignage d'une citoyenne qui s'interroge. Je suis née... En Europe, et j'ai moi-même suivi le catéchisme, j'ai aussi suivi un enseignement religieux, même si ensuite j'en suis abstraite. Il m'apparaît que l'Église a pu se livrer à des guerres de religion, par exemple, qu'il y a toute une histoire de l'Église qui est proche de la violence, y compris aujourd'hui, et j'espère que nous pourrons en parler. Ce qui m'apparaît, je reviens à Voltaire, le dictionnaire philosophique. c'est qu'effectivement, toute œuvre de fanatisme au nom d'une religion, quelle qu'elle soit, m'apparaît comme répréhensible, m'apparaît comme contraire à la vie. Et si je peux résumer, vous m'interrogez tout à l'heure sur qu'est-ce que c'est que la régulation non-violente des conflits ou qu'est-ce que c'est que la non-violence, moi je le vis comme une action humaine, intellectuelle, émotionnelle, qui permet de préserver la vie.

  • Speaker #0

    D'accord. Action humaine, là on est dans le temporel. La part du spirituel par rapport à la violence, comment vous la situez ?

  • Speaker #1

    Il faudrait poser la question à Dieu lui-même. Ce que je peux vous répondre ici, c'est que moi, pour décrypter une situation, en régulation non violente des conflits, nous avons cela, nous définissons différents types de violences. C'est-à-dire que plutôt que de parler de la violence en général, il y a plusieurs types de violences. Je suis très frappée, par exemple, dans les interviews, ou en tout cas à la radio, à la télévision, on parle toujours de la violence. Permettez-moi d'en distinguer quatre des types de violences, à voir si Dieu serait d'accord avec cela. En tout cas, peut-être le pape serait d'accord avec cela. Tout d'abord, des violences physiques, c'est clair, on les voit, on les observe très souvent. Ensuite, des violences psychologiques, qui sont les insultes, tout un tas de choses. Et puis, il y a deux autres types de violences qui me semblent très intéressants aussi, pour répondre à votre question sur les liens entre les pratiques violentes. et l'Église, il y a les violences morales. Et arrive ici, bien sûr, toute la question du fanatisme religieux ou laïque, soyons clairs. Les violences morales, c'est ce qui consiste à aller charcuter l'autre, à aller blesser l'autre dans ce qui fait sens pour sa vie, que ce soit ses croyances, qu'elles soient religieuses ou autres, ou quelque chose qui est très important pour lui ou pour elle, par exemple ses enfants. Mais, euh... Par rapport à la question des pratiques violentes et de l'Église, il y a peut-être une quatrième sorte de violence que l'on appelle les violences structurelles. Alors appelez-les les violences structurelles, appelez-les les violences sociétales, les violences systémiques, on les appelle de plusieurs manières. Celles-ci, elles concernent un groupe, et à partir de trois personnes, nous sommes un groupe. Il n'y a pas besoin forcément d'être l'Église au plan mondial, mais ça marche aussi au plan mondial. Et ici, ce qui se passe, c'est que c'est dans la structure de fonctionnement d'un groupe, bien souvent implicite, que peuvent se nicher toutes les violences possibles et imaginables. Pour répondre à votre question, ce qui m'apparaît, c'est que l'Église, elle n'est pas hors-sol. Précisément, vous parliez du temporel, l'Église, elle se décline dans l'humanité, nous sommes tous et toutes sur la Terre. Et donc, l'Église, elle est enracinée, et c'est bien, dans différentes sociétés. Et donc, bien évidemment, il y a des travers sociétaux qui consistent à ce que, systématiquement, un même groupe humain n'ait pas les mêmes droits que les autres.

  • Speaker #0

    Quand vous parlez de travers, on voit dans l'actualité aujourd'hui encore des groupements religieux qui s'impliquent dans des conflits ou qui soutiennent ou qui sont passifs face à des conflits.

  • Speaker #1

    Eh oui. Donc après, c'est l'épineuse question, et on travaille beaucoup là-dessus en régulation non-violente des conflits, de l'interprétation. C'est-à-dire que quand on est en train d'essayer d'expliquer à l'autre que c'est la vérité, c'est bien souvent... sa propre vérité qu'on est en train d'essayer d'imposer à l'autre. Pour ma part, et là je suis plus sur la fameuse CNV, qui est une branche parmi d'autres. CNV,

  • Speaker #0

    qu'est-ce qu'il signifie ?

  • Speaker #1

    Communication non-violente. C'est un processus, un protocole de communication. En CNV, le premier point pour arriver à échanger avec autrui et à sortir justement du conflit et de la violence, c'est de savoir qui a observé quoi. Ça c'est très intéressant par ces temps d'un fox et d'un tox de revenir, en tout cas d'essayer, à l'exactitude. C'est plus un concept différent par rapport à imposer la vérité, sa vérité, c'est vraiment l'exactitude. Et là on revient sur ce que vous évoquiez, si au nom de l'Église j'interviens ou je n'interviens pas dans tel ou tel conflit, d'abord la question c'est quels sont les faits ? quand vous commencez à interpréter. C'est-à-dire, quelle est la couche objective que j'ajoute ?

  • Speaker #0

    Un Fox et un Tux, si on mène à la vérité, vérité mène à la non-violence. Je crois que c'est Gandhi qui soutenait cette thèse.

  • Speaker #1

    Alors, en tout cas, c'est le fameux Satyagra, cher à Gandhi, lui aussi, qui n'était pas loin d'une pratique religieuse. Dans la non-violence, il y a des pratiques laïques et religieuses. Mais attention avec, encore une fois, l'interprétation du mot vérité. Ce qui se joue, en tout cas en non-violence, c'est de partir de ce que tout le monde peut observer, de ce que tout le monde a pu observer. Et au moins, avec l'adversaire, qui n'est pas forcément un ennemi, et avant qu'il ne devienne un ennemi, de se mettre d'accord sur les faits. Et si on est tous d'accord, avec les personnes justement avec qui on est en désaccord sur des faits minimums, Il y a quand même une base solide pour se dire qui a besoin de quoi par temps de ces faits et comment est-ce qu'on peut arriver à trouver une solution.

  • Speaker #0

    Stéphane Descartes, vous êtes donc une spécialiste des notions de non-violence. Comment vous pourriez définir cette notion ? Est-ce qu'on peut y placer l'idée d'acceptation ou de passivité ou pas du tout ?

  • Speaker #1

    Alors effectivement, quand je faisais référence tout à l'heure aux attaques comme quoi les non-violents seraient des peace and love, babacou, le bisounours, et j'en passe, c'est des meilleurs. Toute personne un tout petit peu formée sur cette question-là sait que… C'est complètement à l'opposé de ce qu'est la non-violence. Au contraire, la non-violence est une dimension éminemment active qui permet d'analyser, comme je le disais à l'instant, une situation de façon très active. Elle consiste aussi, et là on est aussi sur la lutte non-violente, il y a des références religieuses très célèbres en lutte non-violente. Il y a par exemple au Brésil Domaine Elder Camara, l'évêque. Il y a par exemple Lanzar del Vasto en Europe, en France. Par exemple, dans la lutte non violente, on mobilise une énergie et la phrase, et je reviens à la passivité, c'est à partir de quand je renonce à mes droits. Mais si effectivement j'estime qu'une situation, quelle qu'elle soit, me fait perdre mes droits, et si je ne réagis pas, et que là il y a des droits humains fondamentaux, importants, qui sont en frein, À ce moment-là, je dois mobiliser une énergie. Nous devons mobiliser une énergie à grande échelle, parfois sur le long terme, pour arriver à inverser les rapports de force et à faire bouger une situation. Pour citer par exemple un exemple connu, Gandhi, avec la question de la décolonisation de l'Inde, ça lui a pris quand même quelques dizaines d'années, à grande échelle.

  • Speaker #0

    Je vais être un peu provocateur. La non-violence, est-ce que c'est une utopie ?

  • Speaker #1

    Vous parliez du temporel et de l'idéal. Pour moi, en tout cas, je ne vous réponds que pour moi, c'est quelque chose, au contraire, de très concret et c'est une pratique extrêmement pragmatique. Il y a tout un volet aussi dans la non-violence qui est, et là je vous cite aussi une phrase religieuse que j'aime beaucoup, qui est Aime ton prochain comme tu aimes toi-même Oh, que c'est intéressant ! Mais est-ce que cela veut dire que je me connais bien moi-même ? Et vous parlez d'une utopie. Quand on parle d'utopie, on parle peut-être aussi des choses qui sont transparentes. Évidemment, il y a des choses transparentes qui sont les émotions qui me traversent et les besoins profonds qu'indiquent ces émotions. Et donc, moi je vous dirais plus, il y a peut-être des choses très pragmatiques, très concrètes que l'on observe, les faits. par exemple, la réalité. Mais il y a aussi tout ce qui est à l'intérieur de tout un chacun et qui permet d'aboutir à ses besoins. Qui a besoin de quoi ? C'est une grande clé en non-violence afin de trouver une solution.

  • Speaker #0

    Vous nous citiez tout à l'heure le pape François. Ses propos sur la paix, sur le fait de cesser les conflits sont réguliers et très forts. Mais est-ce que ces messages sont encore aujourd'hui audibles ?

  • Speaker #1

    Encore une fois, je vous dis que je ne parle pas comme une spécialiste de l'Église. Je prends toutes les sources qui m'arrivent. Et vous savez, il n'y a pas besoin d'être formé sur la non-violence et d'en mettre des tartines de concept pour avoir un comportement profondément non-violent, de mon point de vue. En tout cas, je... Effectivement, la question que vous posez et qui se pose à l'Église, mais pas seulement, c'est aujourd'hui, avec un tel déferlement de violence, en tout cas au plan mondial, la question c'est qu'est-ce qui peut être fait ? Je vous réponds en tant que formatrice. Je ne travaille pas sur les foules, en tout cas pas encore. Moi, je travaille avec des groupes de 10, 15, 20, 50, 100 personnes. La réponse que j'ai, c'est tout d'abord une réponse éducationnelle. Et je pense qu'on se forme tout au long de sa vie. Et je pense que si tout un chacun, à l'échelle individuelle, se forme sur ses éruptions volcaniques émotionnelles, déjà pour commencer, sur les besoins auxquels ses émotions aboutissent, je suis vraiment persuadée qu'on peut faire changer les choses à grande échelle. Mais effectivement, ça ne va pas se faire du jour au lendemain.

  • Speaker #0

    La régulation non violente des conflits, pour vous, c'est un métier. Est-ce qu'à titre personnel, c'est également un cheminement, une quête ?

  • Speaker #1

    Ah ! Si je peux m'exprimer ou faire un parallèle, je pense qu'on ne rentre pas en non-violence de façon neutre ou innocente. Pour ma part, je suis rentrée en non-violence parce que j'ai milité dans une ONG de protection de l'environnement dont les statuts mettaient très en avant l'exigence de non-violence. Donc je me suis formée à la non-violence comme quelque chose de très pragmatique, comme un principe d'action pour dénoncer des atteintes à l'environnement. Et j'ai effectivement constaté qu'en fait, même si ça n'est pas dit de façon intangible, à chaque seconde de ma vie, je m'observe en train de me dire est-ce que ton comportement est non-violent ? Est-ce que ton propos est non-violent ? Est-ce que le petit sourire méprisant que tu aurais envie d'envoyer à quelqu'un que tu ne connais pas dans la rue, qui vient te marcher dessus, c'est non-violent ? Donc je pense effectivement que bien plus qu'un principe d'action... Grande efficacité, il n'y a pas de souci là-dessus. C'est quelque chose qui infuse au plan personnel.

  • Speaker #0

    D'où ma dernière question, est-ce que c'est difficile d'être non-violent ?

  • Speaker #1

    J'ai envie de vous demander, est-ce que c'est difficile d'être humain ? Ce que j'aime beaucoup dans le mot humanité, c'est les trois lettres H-U-M. C'est la racine latine de humilité. de humidité, et notre corps est composé à une très forte proportion d'eau, tout ce qui est de humus également, et en fait tout ce qui est humain, c'est ce qui est lié au sol. Donc encore une fois, l'humanité, elle a les pieds sur terre, enfin en tout cas dans l'idéal, et je pense qu'effectivement, arriver à révéler son humanité, je pense que c'est une question éducationnelle, je pense que c'est un travail presque de chaque instant tout au long de sa vie. À nous de choisir. Effectivement, je pense que tout un chacun peut basculer dans la violence destructrice à tout instant. Et on a aussi de nombreux exemples, y compris dans l'Église, de gens qui résistent à cette tentation de la violence. Je pense que c'est un choix de chaque instant.

  • Speaker #0

    Merci Stéphane Descaves pour ce témoignage. À chacun maintenant décide d'être un peu moins violent peut-être. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci infiniment. Salut !

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