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Le Français par l'absurde

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Transcription

• Speaker #0

  Dictionnaire des idées confuses par François Herdé, épisode suivant. Cui, cui, bande d'instruits, pendant que vous peignez la girafe, la fauvette, elle, zinzinule. Et la girafe, vous le savez, la girafe mugit. Eh oui, je ne sais pas s'il vous est déjà arrivé... d'hésiter à acheter une toile de Salvador Dali ? Non ? Non, je suis surpris, je croyais m'adresser à un public de qualité. M'aurait-on trompé sur l'auditoire de Radio Giraffe ? Bon, ok, alors je reprends, je reprends. Chers auditeurs, vous est-il déjà arrivé d'hésiter à acheter une copie de lithographie de Salvador Dali ? Ouf ! J'ai l'impression d'être un peu plus raccord avec mon auditoire, et cela me rassure car le mot dont j'aimerais vous entretenir aujourd'hui est le mot lithosol. L-I-T-H-O-S-O-L Lithosol, donc nom masculin. Sol, très peu évolué, constitué de fragments mécaniques, provenant de la Ausha, sous-jacente. Bon, là, il faut quand même que je reconnaisse qu'il y a gênance, comme disent mes arrières petits-enfants, gênance. Oui, gênance, parce qu'on ne dit plus depuis longtemps que quelqu'un ou quelque chose est, je cite, « peu évolué » . Non mais, comme disait Baudelaire, qui es-tu toi pour me juger, moi ? Qui es-tu toi pour penser que le lithosol est peu évolué ? Hein ? Alors ? Donc, c'est au lithosol de nous dire s'il se sent évolué ou pas, à lui et à personne d'autre. Donc, le lithosol est un sol qui se sent plus ou moins évolué selon les jours. Tout comme moi, sur le liton passant. Juste en dessous, on apprend que le lit au sol est constitué de fragments mécaniques. Je ne sais pas à quoi ça vous fait penser, ça. Non ? Moi, ça me fait penser au Charlie Chaplin des temps modernes. Celui qui visse jusqu'à visser tout ce qui lui tombe sous la main. Il aurait vissé le lit au sol, Chaplin, ça c'est absolument certain. Mais il aurait eu tort. Car le lit au sol vient de, je cite, la roche-mère sous-jacente. Et là, moi, je dis chapeau, chapeau à la roche-mère sous-jacente de nous avoir donné le lit au sol. Car ce n'était pas donné à n'importe qui. Vous avez donné le lit au sol, vous ? Non. Bon, alors vous, d'accord. Vous, je ne sais pas. Mais moi... c'est sûr que je n'ai jamais donné de lit au sol. Jamais. Un ticket resto dans le métro, je ne dis pas. Mais un lit au sol, même un nécessiteux, jamais. Ça, vous pouvez me croire. Mais le plus intéressant dans le lit au sol, chers auditeurs, c'est le sol. Car le sol est tout. Je m'explique. Le sol est la clé de beaucoup de choses. Et entre autres, la musique. La clé de sol, c'est la base. Le jour où le lithosol se sent au sous-sol, c'est un lithosol bémol qui manie la clé de sol, manie donc l'humeur du lithosol. Et au lieu d'être un lithosol bémol, le lithosol devrait être fier de lui-même et de ses origines. Origines nettement ibériques d'ailleurs, soit dit en passant. Car comme en s'appelait la monnaie ? en France et en Espagne au grand siècle. Hein ? Le sol, bien sûr. Et quand Yves Montand vient réveiller Don Sallust dans la folie des grandeurs, il est l'or, mon seigneur, il est l'or, il est l'or du sol, oui. Mais attention, comme le dit si bien l'abbé Goscinny, l'Iber peut être rude. Et rude il l'a été lorsqu'il a conquis l'Amérique latine. Mais il y a aussi laissé une marque positive. Au Pérou, par exemple, la monnaie, la monnaie. N'est-elle pas restée le sol ? Tandis qu'en Europe, le sol sentait sans doute trop l'Ancien Régime. Donc on a changé le sol en francs et en pécétas. Mais est-ce que cela a rendu ces monnaies plus fières, plus fiables, en un mot plus forte ? Je vous le demande. Quoi sert de changer de régime si ce n'est pas pour devenir plus fort ? Et là, nous sommes obligés de convenir que la force a gagné en épaisseur depuis 250 ans. Je ne sais pas si vous avez déjà vu un Américain moyen. Ça m'étonnerait car depuis d'ici, il est encore plus difficile à voir qu'un Français moyen. Mais si jamais vous croisez un jour un Américain moyen, vous verrez qu'il a l'air, disons que physiquement, il lui arrive d'être fort. Voilà, c'est dit. Et là, on ne sent vraiment pas pourquoi le lit au sol. Il ne se sentirait pas évoluer, enfin. Et si le sol est si important, c'est aussi que c'est le mot espagnol pour soleil, et nous devons tout au soleil. Le jour et la nuit, la caresse du printemps, celle qui réveille les plantes et les humains, la puissance de l'été, le roi soleil, celui qui donne les moissons et les coups de soleil, la vieillesse en automne et la mort en hiver quand il n'est plus là. Et le miracle, chaque année renouvelé, de la sève qui remonte dans nos troncs de plus en plus vieux. Et par ceci, nous voyons que nous sommes tous des vitaux-sols. Cuit, cuit, fit la girafe. Et c'est ainsi que le caramel devint roux.