- Speaker #0
Il sort de 17 ans de prison, il n'a pas envie de y retourner.
- Speaker #1
Il va falloir que quelqu'un intervienne. Mais en fait, c'est nous qui allons intervenir. On n'est jamais prêts, mais il faut assurer.
- Speaker #0
Police, le podcast, revient pour une deuxième saison.
- Speaker #1
On les a aidés à être connus en tant que victimes, et ça, c'est super important. Je me suis dit, c'est pour ça que je suis devenue policière.
- Speaker #0
Des flics vous racontent leurs histoires marquantes.
- Speaker #1
Des années après, je me souviens de tout. Des lieux, des odeurs, des visages.
- Speaker #0
Des affaires dont ils gardent en mémoire. les moindres détails. Dans la vie d'un policier, il y a beaucoup de travail, mais il y a un peu de chance aussi quand même.
- Speaker #1
Police, le podcast.
- Speaker #0
À l'occasion des 50 ans de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels, nous rencontrons des hommes et des femmes qui enquêtent sur le patrimoine. Aujourd'hui, Amandine nous embarque à la poursuite de l'Arsène Lupin ukrainien. L'homme, en plein jour et à coup de cutter, a réussi à dérober un chef-d'œuvre du pointillisme sans être inquiété.
- Speaker #1
Ce dossier-là, il débute en mai 2018. Il y a eu un vol d'un tableau de maître, donc en l'octurance Paul Signac.
- Speaker #0
Tout le monde a déjà entendu parler de la légende d'Arsène Moutin, d'un clomane cambriolet.
- Speaker #1
C'est le port de la Rochelle qui avait été volé au Musée des Beaux-Arts de Nancy. Cette toile de maître avait été découpée au cutter. et enroulé pour être dissimulé dans la manche d'un manteau, basiquement. Et c'est vrai qu'à l'époque, ça avait été quand même assez rocambolesque. Et malheureusement, les collègues qui étaient sur place, donc la PJ de Nancy, n'avaient pas pu remonter les auteurs des faits. Et ce dossier-là avait été classé. Un an après, en avril 2019, il y a eu un rebondissement. Ce tableau a été retrouvé chez un individu en Ukraine. C'est improbable. Cet individu-là a été arrêté pour meurtre là-bas dans son pays. Et lors de la perquisition par la police ukrainienne, il découvre que cet individu a plein de tableaux chez lui et ce tableau volé à Nancy. Et donc là, forcément, une enquête s'ouvre en France. Et donc là, on reprend tout depuis le début.
- Speaker #0
L'OCBC est alors saisie de l'enquête, qui connaît dans le même temps une avancée majeure.
- Speaker #1
Parallèlement, Notre enquête rebondit également en Europe, notamment en Autriche, par le vol d'un tableau de Renoir dans un musée autrichien commis par trois individus, dont l'un des trois se trouve être notre individu ukrainien qui possédait le tableau de Polsignac. Notre individu ukrainien, du coup, lui, il purge sa peine en Ukraine pour meurtre. Et ses deux autres complices, notamment un, Ouzva, en fait, lui, se fait arrêter aux Pays-Bas, extradé en Autriche. Du coup, il est jugé pour l'effet autrichien qu'il a commis, pareil, en 2018. Et ensuite, il se fait extrader en France. Donc, il arrive chez nous en juin 2020. Et du coup, moi, mon travail a consisté en fait à remonter l'effet commis en France.
- Speaker #0
Amandine commence un travail de fourmi pour retrouver l'ensemble des faits perpétrés par la bande sur le territoire. Rapidement, grâce aux caméras de surveillance, elle identifie deux vols. commis dans des maisons de vente à Paris et Saint-Germain-en-Laye. Un mode opératoire semble se dessiner.
- Speaker #1
Mon travail et le travail aussi de la documentation opérationnelle a consisté, avec ce mode opératoire, à vérifier tous les faits commis sur le territoire français entre 2017 et 2018, puisqu'il se fait arrêter fin 2018 aux Pays-Bas. Et bizarrement, il n'y a plus rien qui se passe en France. C'est-à-dire qu'en fait, on va donner nos critères de recherche à nos collègues de la... documentation opérationnelle en leur disant « Voilà, j'aimerais que vous recherchiez dans les fichiers, dans tout ce qui va être dépôt de plainte ou enquête en cours, des vols de tableaux, soit une toile découpée au cutter, comme ce fut le cas pour le tableau de Paul Signac à Nancy, soit des vols d'objets d'art directement en maison de vente ou directement chez des antiquaires. Ce fameux Ouzva, il a deux façons de procéder. En 2017, il est en couple avec une femme. En fait, il se... Ils ne prennent pas la tête. Un objet leur plaît, ils l'arrachent du mur, ils le détachent, ils le mettent dans le sac. Ou alors, quand il a excès complice les deux autres hommes, dont celui qui est incarcéré en Ukraine, ils découpent au cutter. On a quand même en toile de fond l'Europe de l'Est, parce qu'on a aussi des objets, notamment je pense au vol de Drouot, où c'est un livre en fait écrit en cyrillique. Et on a aussi deux objets avec ce qu'on appelle des icônes orthodoxes. Donc voilà, on a quand même en toile de fond... Un peu ce milieu-là, ces origines-là. Grâce à ce mode opératoire-là, ce signalement, on identifie cinq faits qui seraient commis par lui et ses complices.
- Speaker #0
L'arrestation du principal suspect aux Pays-Bas a permis au policier de récupérer son portable. Amandine essaie donc de faire parler ce téléphone. L'objectif, retracer les trajets de la bande en France.
- Speaker #1
Ça nécessite des techniques d'enquête particulières pour retrouver si la ligne a géolocalisé en France, et si c'est le cas où exactement. Et après, il y avait une grosse partie aussi sur la logistique de ces gens-là. Où ils ont dormi, comment ils sont arrivés en France, est-ce qu'ils ont pris la voiture, est-ce qu'ils ont pris l'avion. Après, comment ils se sont déplacés, en train, en voiture, enfin voilà. Il y avait tous ces feux-là remontés, en sachant que ces individus-là étaient complètement inconnus sur le territoire. C'est-à-dire qu'ils n'avaient jamais demandé de titre de séjour, ils n'avaient aucune trace administrative via les impôts, enfin voilà. Administrativement, sur le sol français, ils n'existaient pas. Donc il a fallu les rechercher comme des touristes lambda, en fait. Au lieu de partir en vacances et d'aller visiter un musée, eux, du coup, ils repartaient avec un souvenir. Il a fallu que je fasse ce qu'on appelle les réquisitions judiciaires, notamment à tous les loueurs de véhicules, en mettant bien mes périodes 2017-2018. Grâce aux véhicules, j'avais les périodes où je me disais, bon, s'il a loué de telle date à telle date, donc après, je pouvais remonter les avions plus ou moins un jour près. Il arrivait, il repartait. Et après, il y avait un gros travail aussi de coopération internationale avec l'Ukraine, où on leur demandait de nous fournir toutes les entrées et les sorties de territoire. Donc ça nous permettait aussi d'avoir une visibilité sur leurs allées et venues en France, ou en tout cas, leur sortie d'Ukraine.
- Speaker #0
Le parcours des mises en cause se précise. Amandine arrive à détailler leur emploi du temps et à prouver qu'ils étaient bien sur place au moment des vols.
- Speaker #1
L'enquête a pu déterminer qu'ils avaient loué des hôtels à proximité de Nancy. Un mois ou deux mois avant, ils étaient venus en repérage. Ils avaient pris des entrées au musée. Et du coup, ils avaient regardé où se situaient les vidéos de surveillance, ils avaient pu se dire quel tableau, angle mort, etc. Et Paul Signac, malheureusement, faisait partie des tableaux angle mort de vidéos de surveillance.
- Speaker #0
En parallèle, la juge d'instruction et l'officier d'Amandine partent en Ukraine pour interroger le complice chez lequel le tableau a été retrouvé. Ils en apprennent encore un peu plus sur le mode opératoire.
- Speaker #1
Celui qui est incarcéré en Ukraine nous a expliqué comment il avait procédé. que ses complices faisaient le guet pendant que lui découpait et après il allait se planquer, il nous expliquait dans la sortie de secours pour essayer de mettre ça dans son manteau tant bien que mal. Mais vraiment quand vous lisez son audition c'était buesque parce qu'on se dit mais ça ressemble en rien à un truc hyper carré, hyper propre. Ils ont fait comme ils ont pu, un peu à l'arrache entre guillemets. C'est assez dingue quand vous pensez que le tableau de Paul Chignac, il vaut plus d'un million d'euros, entre un million deux, un million cinq d'évalué. Donc après, il repartait en avion. Alors ça, on ne saura jamais véritablement s'il sortait les œuvres directement dans leur valise, en soute ou bagage à main. Ou alors, est-ce qu'il repartait en voiture ? Je ne sais pas, est-ce qu'il prenait un car, un bus ? Mais en tout cas, la certitude, c'est que Ouzva, lui, il avait beaucoup d'allers-retours à Moscou. Donc on en a déduit qui vendaient tout là-bas, au marché noir. On a intercepté des conversations justement, ces textos notamment, avec un marchand d'art en Russie, pour des tableaux qu'il revendait dix fois moins. Pour un tableau de 100 000, il revendait 10 000. Notre travail aussi dans le Quai Tart, c'était de recouper la logistique, donc la location de véhicules. Donc ça, voilà, on avait tous les véhicules qu'il avait pu louer sur 2017-2018. On avait également tous les hôtels qu'il a pu louer. Donc ça, c'est pareil, la coopération avec l'international. Donc en l'occurrence, là, c'était Booking. Donc il a fallu faire une demande d'entraide internationale avec les Pays-Bas pour que Booking nous donne la liste complète de toutes les locations faites par nos malfaiteurs. Et après, les policiers de la PJ de 78 avaient eu la bonne idée, en fait, de... récupérer les bandes des vidéos de surveillance de la ville au moment du vol. Et moi, derrière, quand je les ai exploitées, bingo, je vois la voiture de location 12V qui passe pile au moment des faits. Donc voilà, on a aussi des éléments matériels concrets qui placent les malfaiteurs au moment des faits. L'enquête, elle ouvre en avril 2019, avec l'arrestation. de l'Ukrainien pour meurtre et la découverte du tableau de Signac. Donc en avril 2019, on est saisi. Et moi, je rends le dossier en mai 2021. Donc pile deux ans. Ça prend deux ans, avec tout ce que ça implique, de recherche, de coopération, d'audition. C'est quand même pas commun qu'on puisse vraiment identifier chaque individu. quel rôle il a joué, qu'on puisse vraiment démontrer la bande, l'organisation, la pyramide et le rôle de chacun. J'ai vraiment aimé ce dossier-là aussi, avec cette dimension de pouvoir recouper les faits, d'élargir sur tout le territoire et rechercher tout ce qu'ils avaient pu commettre, parce qu'on savait que ce n'était pas juste du one-shot. Eux, à chaque fois qu'ils venaient en France, on savait que c'était pour voler. Et du coup, c'était ça qui était hyper intéressant. c'est de pouvoir justement gratter, remonter, recouper, et derrière, pouvoir identifier des faits, identifier des voleurs, avec malheureusement la frustration de ne pas avoir retrouvé les objets. On n'a retrouvé que le tableau de Paul Sinek, moi c'était plus cher, mais bon, peu importe. Toujours est-il que les autres tableaux, ils resteront, j'ai envie de dire, dans la nature. Il y a aussi cette envie, quand on travaille... sur des objets, de pouvoir les retrouver et de les restituer justement à leur légitime propriétaire. Ça aussi, ça fait partie du job, c'est-à-dire au-delà d'arrêter des gens, c'est aussi de pouvoir retrouver les objets. C'est une joie, c'est une satisfaction, et puis voilà, on est fiers aussi de se dire qu'on a contribué à rendre un objet à son légitime propriétaire, que ce soit une institution comme le musée ou que ce soit en particulier, là je pense à un autre dossier aussi. Le monsieur, il s'était fait cambrioler de deux toiles qui étaient dans sa famille depuis X années. Et voilà, à la fin, on a pu lui rendre au bout d'un an et demi. Et voilà, il y a de l'émotion. Et ça aussi, ça fait partie du job. Et c'est agréable aussi quand on peut donner de la joie aux gens.