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La Guadeloupe En Débat : Votre rendez-vous pour comprendre l'archipel

Face aux Sargasses : Comprendre la Crise, Bâtir les Solutions

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08min |08/07/2025|

7

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08min |08/07/2025|

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Description

Depuis plus de dix ans, la Guadeloupe subit une affliction chronique : les échouages massifs d'algues sargasses. Bien plus qu'une simple nuisance olfactive, ce phénomène est devenu une crise structurelle qui asphyxie l'économie, menace la santé publique et dégrade durablement les écosystèmes côtiers de l'archipel.


Ce podcast vous plonge au cœur d'une enquête de fond pour décrypter ce fléau aux multiples facettes.




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce Deep Dive. Aujourd'hui, on se penche sur un dossier assez lourd. La crise des sargasses en Guadeloupe. Notre mission, c'est de décortiquer un peu ce phénomène complexe qui est devenu une vraie plaie pour la santé, l'environnement et l'économie là-bas.

  • Speaker #1

    Absolument. On a pas mal de sources qui couvrent l'historique, les impacts, et ils sont nombreux. La réponse publique aussi, et puis les pistes de solutions. On va essayer d'en tirer l'essentiel.

  • Speaker #0

    Pour commencer, ce qui est frappant, c'est qu'avant 2011, les sargasses, ce n'était pas vraiment un sujet en Guadeloupe. Et puis d'un coup, des échouages massifs jamais vus.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et ce qui était ponctuel au début est devenu quasi permanent, surtout depuis 2018. C'est une sorte de nouvelle normalité très problématique.

  • Speaker #0

    D'où ça vient, ce changement radical ? C'est quoi l'origine de toutes ces algues ?

  • Speaker #1

    La source principale maintenant identifiée, c'est ce qu'on appelle la grande ceinture. atlantique de Sargas. Il faut imaginer une zone immense, vraiment gigantesque, de prolifération dans l'Atlantique équatoriale.

  • Speaker #0

    Une ceinture d'algues.

  • Speaker #1

    Exactement. Et sa formation serait liée probablement à un afflux de nutriments venant des grands fleuves, l'Amazone, le Congo, possiblement à cause de la déforestation, l'agriculture intensive au loin. Et à ça s'ajoute le changement climatique, le réchauffement de l'eau, la modification des courants. Tout ça, ça favorise leur croissance et leur dérive vers les Caraïbes.

  • Speaker #0

    Et la Guadeloupe, comme d'autres îles, se retrouve pile sur la trajectoire.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Surtout les côtes Est et Sud. Mais Marie-Galante, les Saintes, la Désirade aussi sont très touchées. Pour donner une idée, on parle de 83 km de côtes régulièrement impactées. C'est énorme. Et près de 24 000 bâtiments se trouvent à moins de 300 mètres de ces zones. Donc ça touche beaucoup de monde directement.

  • Speaker #0

    Une fois qu'elles sont là, sur les plages, qu'est-ce qui se passe ? C'est juste moche ?

  • Speaker #1

    Ah non, si seulement ! Le problème, c'est qu'elles pourrissent très vite, souvent en moins de 48 heures. Et là, elles dégagent des gaz, principalement du sulfure d'hydrogène, le H2S.

  • Speaker #0

    Ah oui, la fameuse odeur d'œuf pourri.

  • Speaker #1

    C'est ça, et aussi de l'ammoniaque. Et ce H2S, c'est pas juste désagréable, hein ?

  • Speaker #0

    C'est là que ça devient un problème de santé, j'imagine.

  • Speaker #1

    Exactement, ça provoque des irritations des yeux, du nez, de la gorge, des voies respiratoires, des maux de tête, des nausées.

  • Speaker #0

    Surtout pour les plus fragiles.

  • Speaker #1

    Oui, c'est particulièrement risqué pour les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, les asthmatiques, les personnes avec des problèmes respiratoires chroniques. L'ARS, l'Agence régionale de santé, a même des seuils d'alerte.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    Si la concentration de H2S dans l'air dépasse 5 ppm, 5 parties par million, on peut envisager l'évacuation de ces personnes vulnérables. Donc c'est sérieux.

  • Speaker #0

    Carrément. Et l'environnement marin dans tout ça, il doit souffrir aussi ?

  • Speaker #1

    Énormément. En mer, déjà, les grosses nappes d'algues bloquent la lumière du soleil. Ça empêche la photosynthèse pour les herbiers marins, les coraux en dessous. Ça les étouffe, en gros. Et puis, la décomposition de ces énormes quantités d'algues consomme tout l'oxygène dans l'eau. Ça crée des zones mortes, anoxiques, où poissons et crustacés ne peuvent plus survivre.

  • Speaker #0

    Un désastre écologique.

  • Speaker #1

    Oui. Et sur terre, ça bloque l'accès aux plages pour les tortues marines qui viennent pondre. Et le ramassage lui-même, surtout s'il est fait avec de gros engins, peut abîmer les plages, accélérer l'érosion.

  • Speaker #0

    Et j'ai lu aussi qu'il y avait un problème de pollution associé, que les algues elles-mêmes pouvaient être chargées.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un point très préoccupant. Les sargasses, en dérivant, peuvent accumuler des polluants présents dans l'eau. On parle notamment d'arsénique. Et c'est particulièrement sensible en Guadeloupe, de chlordécone. Le pesticide ? Exactement. Ce pesticide qui a déjà causé une pollution historique des sols et des eaux. Donc quand on ramasse ces algues chargées en polluants et qu'on les stocke à terre, il y a un risque réel de contaminer les sols, les nappes phréatiques.

  • Speaker #0

    Ce qui doit rendre leur gestion encore plus compliquée. Et pour l'économie locale, les conséquences ?

  • Speaker #1

    C'est une catastrophe. Le tourisme, évidemment, est très touché. Les plages couvertes d'algues puantes, ça n'attire personne. Les hôtels, les restaurants, les activités nautiques souffrent.

  • Speaker #0

    La pêche aussi, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Oui, la pêche aussi. Les pêcheurs ont parfois du mal à sortir du port. Les filets se prennent dans les algues. Et puis, il y a la question de la ressource, des poissons qui fuient ces zones ou meurent. Et il y a un autre impact, plus insidieux peut-être. Le H2S est très corrosif. Ça attaque le métal, donc le matériel électronique, l'électroménager, les climatiseurs, les voitures. Tout vieillit prématurément.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça chiffre vite pour les habitants et les entreprises.

  • Speaker #1

    Énormément. Sans parler de la dépréciation de la valeur de maison près des côtes touchées. Et pour les communes, le coût du ramassage, c'est un fardeau financier énorme.

  • Speaker #0

    Face à ce tableau quand même assez sombre... Euh... Quelle est la réponse des autorités ? Il y a des plans, non ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a eu plusieurs plans. Actuellement, c'est le plan Sargas E2 pour 2022-2025. Il y a un budget de 36 millions d'euros.

  • Speaker #0

    Et ils visent quoi, ce plan ?

  • Speaker #1

    Plusieurs choses. Améliorer la prévision des arrivages grâce à Météo France notamment. Renforcer la surveillance sanitaire avec l'ARS. Optimiser la collecte. L'idéal, c'est d'enlever les algues en moins de 48 heures avant la décomposition et les gaz. Et puis un gros volet sur la recherche de solutions de valorisation. Parce que c'est bien de ramasser, mais qu'est-ce qu'on en fait après ?

  • Speaker #0

    Justement, sur le terrain, concrètement, ça se passe comment ? On voit des barrages ?

  • Speaker #1

    Oui, on utilise des barrages flottants pour essayer de dévier ou contenir les nappes avant qu'elles n'arrivent sur la plage. Mais bon, leur efficacité est limitée, surtout quand la mer est agitée.

  • Speaker #0

    Et le ramassage ?

  • Speaker #1

    Il se fait soit à la main avec des bénévoles, des associations, des brigades vertes, soit avec des engins mécaniques sur les plages ou même en mer avec des bateaux spéciaux. Mais le gros point noir, ça reste le stockage et la valorisation.

  • Speaker #0

    Pourquoi ? On ne sait pas quoi en faire.

  • Speaker #1

    Environ 90% de ce qui est collecté est juste stocké quelque part, souvent dans des conditions pas idéales, il faut de mieux. La valorisation, c'est compliqué.

  • Speaker #0

    On entend parler d'idées, compost, énergie, matériaux de construction.

  • Speaker #1

    Oui, les pistes existent. Faire du compost, de la méthanisation pour produire du biogaz, des écomatériaux comme des briques ou des panneaux. Mais ça coince pour deux raisons principales, d'après nos sources.

  • Speaker #0

    Lesquelles ?

  • Speaker #1

    D'abord, l'irrégularité des arrivages. C'est difficile pour une usine de fonctionner si elle ne sait pas quand et combien d'algues elle va recevoir. Et surtout, le problème majeur, cette contamination en arsénique et en chlordécone.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça revient toujours.

  • Speaker #1

    Ça impose des contraintes sanitaires très très strictes. pour n'importe quel processus de transformation pour s'assurer qu'on ne disperse pas ces polluants. Ça rend tout beaucoup plus cher et techniquement complexe.

  • Speaker #0

    D'accord. Et il y a aussi une difficulté propre à la Guadeloupe dans l'organisation de tout ça, non ? Une histoire de gouvernance ?

  • Speaker #1

    Oui, et c'est un point qui ressort fortement. Contrairement à la Martinique, où une structure dédiée fonctionne, en Guadeloupe, le JPSARGIP, le groupement d'intérêts publics qui devait coordonner toute la lutte, eh bien il n'a jamais vraiment été opérationnel.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Les sources parlent carrément d'échecs. Apparemment, des blocages politiques, un manque de consensus, de coopération entre les différentes collectivités, l'État. Résultat, il y a un vide dans le pilotage, ce qui nuit forcément à l'efficacité de l'action sur le terrain.

  • Speaker #0

    Donc, si on essaye de résumer ce deep dize, on a une crise qui était au départ environnementale, mais qui est devenue sanitaire, économique, sociale et qui est maintenant structurelle. chronique.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est plus un événement exceptionnel, c'est installé.

  • Speaker #0

    Et la réponse publique, elle existe sur le papier avec des moyens, des plans mais elle se heurte à des obstacles techniques, très lourds, comme la contamination des algues et en Guadeloupe spécifiquement à un vrai souci de gouvernance de qui fait quoi et comment on travaille ensemble.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne synthèse. L'urgence, elle est vraiment là. Il faut une gouvernance qui fonctionne, qui soit opérationnelle. Il faut innover pour trouver des moyens de valoriser ces algues de façon sûre, malgré les polluants. Et il y a aussi tout un flou juridique autour de l'indemnisation des gens, des entreprises, pour les préjudices qu'ils subissent. Ça aussi, c'est un chantier important.

  • Speaker #0

    Une dernière réflexion peut-être pour nos auditeurs. Cette grande ceinture de sargasses, son origine est liée à des phénomènes globaux. Le changement climatique, peut-être l'agriculture en Amérique du Sud ou en Afrique. Ça dépasse complètement les frontières de la Guadeloupe ou des Caraïbes. Alors, la question qui se pose, c'est... Où se situe la responsabilité finale ? Qui doit payer pour gérer cette crise et compenser les impacts locaux quand les causes sont si lointaines et diffuses ? C'est une question complexe.

  • Speaker #1

    Extrêmement complexe et elle est au cœur des discussions internationales sur les pertes et préjudices liés au climat et à l'environnement. Il n'y a pas de réponse simple aujourd'hui.

Description

Depuis plus de dix ans, la Guadeloupe subit une affliction chronique : les échouages massifs d'algues sargasses. Bien plus qu'une simple nuisance olfactive, ce phénomène est devenu une crise structurelle qui asphyxie l'économie, menace la santé publique et dégrade durablement les écosystèmes côtiers de l'archipel.


Ce podcast vous plonge au cœur d'une enquête de fond pour décrypter ce fléau aux multiples facettes.




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce Deep Dive. Aujourd'hui, on se penche sur un dossier assez lourd. La crise des sargasses en Guadeloupe. Notre mission, c'est de décortiquer un peu ce phénomène complexe qui est devenu une vraie plaie pour la santé, l'environnement et l'économie là-bas.

  • Speaker #1

    Absolument. On a pas mal de sources qui couvrent l'historique, les impacts, et ils sont nombreux. La réponse publique aussi, et puis les pistes de solutions. On va essayer d'en tirer l'essentiel.

  • Speaker #0

    Pour commencer, ce qui est frappant, c'est qu'avant 2011, les sargasses, ce n'était pas vraiment un sujet en Guadeloupe. Et puis d'un coup, des échouages massifs jamais vus.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et ce qui était ponctuel au début est devenu quasi permanent, surtout depuis 2018. C'est une sorte de nouvelle normalité très problématique.

  • Speaker #0

    D'où ça vient, ce changement radical ? C'est quoi l'origine de toutes ces algues ?

  • Speaker #1

    La source principale maintenant identifiée, c'est ce qu'on appelle la grande ceinture. atlantique de Sargas. Il faut imaginer une zone immense, vraiment gigantesque, de prolifération dans l'Atlantique équatoriale.

  • Speaker #0

    Une ceinture d'algues.

  • Speaker #1

    Exactement. Et sa formation serait liée probablement à un afflux de nutriments venant des grands fleuves, l'Amazone, le Congo, possiblement à cause de la déforestation, l'agriculture intensive au loin. Et à ça s'ajoute le changement climatique, le réchauffement de l'eau, la modification des courants. Tout ça, ça favorise leur croissance et leur dérive vers les Caraïbes.

  • Speaker #0

    Et la Guadeloupe, comme d'autres îles, se retrouve pile sur la trajectoire.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Surtout les côtes Est et Sud. Mais Marie-Galante, les Saintes, la Désirade aussi sont très touchées. Pour donner une idée, on parle de 83 km de côtes régulièrement impactées. C'est énorme. Et près de 24 000 bâtiments se trouvent à moins de 300 mètres de ces zones. Donc ça touche beaucoup de monde directement.

  • Speaker #0

    Une fois qu'elles sont là, sur les plages, qu'est-ce qui se passe ? C'est juste moche ?

  • Speaker #1

    Ah non, si seulement ! Le problème, c'est qu'elles pourrissent très vite, souvent en moins de 48 heures. Et là, elles dégagent des gaz, principalement du sulfure d'hydrogène, le H2S.

  • Speaker #0

    Ah oui, la fameuse odeur d'œuf pourri.

  • Speaker #1

    C'est ça, et aussi de l'ammoniaque. Et ce H2S, c'est pas juste désagréable, hein ?

  • Speaker #0

    C'est là que ça devient un problème de santé, j'imagine.

  • Speaker #1

    Exactement, ça provoque des irritations des yeux, du nez, de la gorge, des voies respiratoires, des maux de tête, des nausées.

  • Speaker #0

    Surtout pour les plus fragiles.

  • Speaker #1

    Oui, c'est particulièrement risqué pour les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, les asthmatiques, les personnes avec des problèmes respiratoires chroniques. L'ARS, l'Agence régionale de santé, a même des seuils d'alerte.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    Si la concentration de H2S dans l'air dépasse 5 ppm, 5 parties par million, on peut envisager l'évacuation de ces personnes vulnérables. Donc c'est sérieux.

  • Speaker #0

    Carrément. Et l'environnement marin dans tout ça, il doit souffrir aussi ?

  • Speaker #1

    Énormément. En mer, déjà, les grosses nappes d'algues bloquent la lumière du soleil. Ça empêche la photosynthèse pour les herbiers marins, les coraux en dessous. Ça les étouffe, en gros. Et puis, la décomposition de ces énormes quantités d'algues consomme tout l'oxygène dans l'eau. Ça crée des zones mortes, anoxiques, où poissons et crustacés ne peuvent plus survivre.

  • Speaker #0

    Un désastre écologique.

  • Speaker #1

    Oui. Et sur terre, ça bloque l'accès aux plages pour les tortues marines qui viennent pondre. Et le ramassage lui-même, surtout s'il est fait avec de gros engins, peut abîmer les plages, accélérer l'érosion.

  • Speaker #0

    Et j'ai lu aussi qu'il y avait un problème de pollution associé, que les algues elles-mêmes pouvaient être chargées.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un point très préoccupant. Les sargasses, en dérivant, peuvent accumuler des polluants présents dans l'eau. On parle notamment d'arsénique. Et c'est particulièrement sensible en Guadeloupe, de chlordécone. Le pesticide ? Exactement. Ce pesticide qui a déjà causé une pollution historique des sols et des eaux. Donc quand on ramasse ces algues chargées en polluants et qu'on les stocke à terre, il y a un risque réel de contaminer les sols, les nappes phréatiques.

  • Speaker #0

    Ce qui doit rendre leur gestion encore plus compliquée. Et pour l'économie locale, les conséquences ?

  • Speaker #1

    C'est une catastrophe. Le tourisme, évidemment, est très touché. Les plages couvertes d'algues puantes, ça n'attire personne. Les hôtels, les restaurants, les activités nautiques souffrent.

  • Speaker #0

    La pêche aussi, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Oui, la pêche aussi. Les pêcheurs ont parfois du mal à sortir du port. Les filets se prennent dans les algues. Et puis, il y a la question de la ressource, des poissons qui fuient ces zones ou meurent. Et il y a un autre impact, plus insidieux peut-être. Le H2S est très corrosif. Ça attaque le métal, donc le matériel électronique, l'électroménager, les climatiseurs, les voitures. Tout vieillit prématurément.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça chiffre vite pour les habitants et les entreprises.

  • Speaker #1

    Énormément. Sans parler de la dépréciation de la valeur de maison près des côtes touchées. Et pour les communes, le coût du ramassage, c'est un fardeau financier énorme.

  • Speaker #0

    Face à ce tableau quand même assez sombre... Euh... Quelle est la réponse des autorités ? Il y a des plans, non ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a eu plusieurs plans. Actuellement, c'est le plan Sargas E2 pour 2022-2025. Il y a un budget de 36 millions d'euros.

  • Speaker #0

    Et ils visent quoi, ce plan ?

  • Speaker #1

    Plusieurs choses. Améliorer la prévision des arrivages grâce à Météo France notamment. Renforcer la surveillance sanitaire avec l'ARS. Optimiser la collecte. L'idéal, c'est d'enlever les algues en moins de 48 heures avant la décomposition et les gaz. Et puis un gros volet sur la recherche de solutions de valorisation. Parce que c'est bien de ramasser, mais qu'est-ce qu'on en fait après ?

  • Speaker #0

    Justement, sur le terrain, concrètement, ça se passe comment ? On voit des barrages ?

  • Speaker #1

    Oui, on utilise des barrages flottants pour essayer de dévier ou contenir les nappes avant qu'elles n'arrivent sur la plage. Mais bon, leur efficacité est limitée, surtout quand la mer est agitée.

  • Speaker #0

    Et le ramassage ?

  • Speaker #1

    Il se fait soit à la main avec des bénévoles, des associations, des brigades vertes, soit avec des engins mécaniques sur les plages ou même en mer avec des bateaux spéciaux. Mais le gros point noir, ça reste le stockage et la valorisation.

  • Speaker #0

    Pourquoi ? On ne sait pas quoi en faire.

  • Speaker #1

    Environ 90% de ce qui est collecté est juste stocké quelque part, souvent dans des conditions pas idéales, il faut de mieux. La valorisation, c'est compliqué.

  • Speaker #0

    On entend parler d'idées, compost, énergie, matériaux de construction.

  • Speaker #1

    Oui, les pistes existent. Faire du compost, de la méthanisation pour produire du biogaz, des écomatériaux comme des briques ou des panneaux. Mais ça coince pour deux raisons principales, d'après nos sources.

  • Speaker #0

    Lesquelles ?

  • Speaker #1

    D'abord, l'irrégularité des arrivages. C'est difficile pour une usine de fonctionner si elle ne sait pas quand et combien d'algues elle va recevoir. Et surtout, le problème majeur, cette contamination en arsénique et en chlordécone.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça revient toujours.

  • Speaker #1

    Ça impose des contraintes sanitaires très très strictes. pour n'importe quel processus de transformation pour s'assurer qu'on ne disperse pas ces polluants. Ça rend tout beaucoup plus cher et techniquement complexe.

  • Speaker #0

    D'accord. Et il y a aussi une difficulté propre à la Guadeloupe dans l'organisation de tout ça, non ? Une histoire de gouvernance ?

  • Speaker #1

    Oui, et c'est un point qui ressort fortement. Contrairement à la Martinique, où une structure dédiée fonctionne, en Guadeloupe, le JPSARGIP, le groupement d'intérêts publics qui devait coordonner toute la lutte, eh bien il n'a jamais vraiment été opérationnel.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Les sources parlent carrément d'échecs. Apparemment, des blocages politiques, un manque de consensus, de coopération entre les différentes collectivités, l'État. Résultat, il y a un vide dans le pilotage, ce qui nuit forcément à l'efficacité de l'action sur le terrain.

  • Speaker #0

    Donc, si on essaye de résumer ce deep dize, on a une crise qui était au départ environnementale, mais qui est devenue sanitaire, économique, sociale et qui est maintenant structurelle. chronique.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est plus un événement exceptionnel, c'est installé.

  • Speaker #0

    Et la réponse publique, elle existe sur le papier avec des moyens, des plans mais elle se heurte à des obstacles techniques, très lourds, comme la contamination des algues et en Guadeloupe spécifiquement à un vrai souci de gouvernance de qui fait quoi et comment on travaille ensemble.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne synthèse. L'urgence, elle est vraiment là. Il faut une gouvernance qui fonctionne, qui soit opérationnelle. Il faut innover pour trouver des moyens de valoriser ces algues de façon sûre, malgré les polluants. Et il y a aussi tout un flou juridique autour de l'indemnisation des gens, des entreprises, pour les préjudices qu'ils subissent. Ça aussi, c'est un chantier important.

  • Speaker #0

    Une dernière réflexion peut-être pour nos auditeurs. Cette grande ceinture de sargasses, son origine est liée à des phénomènes globaux. Le changement climatique, peut-être l'agriculture en Amérique du Sud ou en Afrique. Ça dépasse complètement les frontières de la Guadeloupe ou des Caraïbes. Alors, la question qui se pose, c'est... Où se situe la responsabilité finale ? Qui doit payer pour gérer cette crise et compenser les impacts locaux quand les causes sont si lointaines et diffuses ? C'est une question complexe.

  • Speaker #1

    Extrêmement complexe et elle est au cœur des discussions internationales sur les pertes et préjudices liés au climat et à l'environnement. Il n'y a pas de réponse simple aujourd'hui.

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Depuis plus de dix ans, la Guadeloupe subit une affliction chronique : les échouages massifs d'algues sargasses. Bien plus qu'une simple nuisance olfactive, ce phénomène est devenu une crise structurelle qui asphyxie l'économie, menace la santé publique et dégrade durablement les écosystèmes côtiers de l'archipel.


Ce podcast vous plonge au cœur d'une enquête de fond pour décrypter ce fléau aux multiples facettes.




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce Deep Dive. Aujourd'hui, on se penche sur un dossier assez lourd. La crise des sargasses en Guadeloupe. Notre mission, c'est de décortiquer un peu ce phénomène complexe qui est devenu une vraie plaie pour la santé, l'environnement et l'économie là-bas.

  • Speaker #1

    Absolument. On a pas mal de sources qui couvrent l'historique, les impacts, et ils sont nombreux. La réponse publique aussi, et puis les pistes de solutions. On va essayer d'en tirer l'essentiel.

  • Speaker #0

    Pour commencer, ce qui est frappant, c'est qu'avant 2011, les sargasses, ce n'était pas vraiment un sujet en Guadeloupe. Et puis d'un coup, des échouages massifs jamais vus.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et ce qui était ponctuel au début est devenu quasi permanent, surtout depuis 2018. C'est une sorte de nouvelle normalité très problématique.

  • Speaker #0

    D'où ça vient, ce changement radical ? C'est quoi l'origine de toutes ces algues ?

  • Speaker #1

    La source principale maintenant identifiée, c'est ce qu'on appelle la grande ceinture. atlantique de Sargas. Il faut imaginer une zone immense, vraiment gigantesque, de prolifération dans l'Atlantique équatoriale.

  • Speaker #0

    Une ceinture d'algues.

  • Speaker #1

    Exactement. Et sa formation serait liée probablement à un afflux de nutriments venant des grands fleuves, l'Amazone, le Congo, possiblement à cause de la déforestation, l'agriculture intensive au loin. Et à ça s'ajoute le changement climatique, le réchauffement de l'eau, la modification des courants. Tout ça, ça favorise leur croissance et leur dérive vers les Caraïbes.

  • Speaker #0

    Et la Guadeloupe, comme d'autres îles, se retrouve pile sur la trajectoire.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Surtout les côtes Est et Sud. Mais Marie-Galante, les Saintes, la Désirade aussi sont très touchées. Pour donner une idée, on parle de 83 km de côtes régulièrement impactées. C'est énorme. Et près de 24 000 bâtiments se trouvent à moins de 300 mètres de ces zones. Donc ça touche beaucoup de monde directement.

  • Speaker #0

    Une fois qu'elles sont là, sur les plages, qu'est-ce qui se passe ? C'est juste moche ?

  • Speaker #1

    Ah non, si seulement ! Le problème, c'est qu'elles pourrissent très vite, souvent en moins de 48 heures. Et là, elles dégagent des gaz, principalement du sulfure d'hydrogène, le H2S.

  • Speaker #0

    Ah oui, la fameuse odeur d'œuf pourri.

  • Speaker #1

    C'est ça, et aussi de l'ammoniaque. Et ce H2S, c'est pas juste désagréable, hein ?

  • Speaker #0

    C'est là que ça devient un problème de santé, j'imagine.

  • Speaker #1

    Exactement, ça provoque des irritations des yeux, du nez, de la gorge, des voies respiratoires, des maux de tête, des nausées.

  • Speaker #0

    Surtout pour les plus fragiles.

  • Speaker #1

    Oui, c'est particulièrement risqué pour les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, les asthmatiques, les personnes avec des problèmes respiratoires chroniques. L'ARS, l'Agence régionale de santé, a même des seuils d'alerte.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    Si la concentration de H2S dans l'air dépasse 5 ppm, 5 parties par million, on peut envisager l'évacuation de ces personnes vulnérables. Donc c'est sérieux.

  • Speaker #0

    Carrément. Et l'environnement marin dans tout ça, il doit souffrir aussi ?

  • Speaker #1

    Énormément. En mer, déjà, les grosses nappes d'algues bloquent la lumière du soleil. Ça empêche la photosynthèse pour les herbiers marins, les coraux en dessous. Ça les étouffe, en gros. Et puis, la décomposition de ces énormes quantités d'algues consomme tout l'oxygène dans l'eau. Ça crée des zones mortes, anoxiques, où poissons et crustacés ne peuvent plus survivre.

  • Speaker #0

    Un désastre écologique.

  • Speaker #1

    Oui. Et sur terre, ça bloque l'accès aux plages pour les tortues marines qui viennent pondre. Et le ramassage lui-même, surtout s'il est fait avec de gros engins, peut abîmer les plages, accélérer l'érosion.

  • Speaker #0

    Et j'ai lu aussi qu'il y avait un problème de pollution associé, que les algues elles-mêmes pouvaient être chargées.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un point très préoccupant. Les sargasses, en dérivant, peuvent accumuler des polluants présents dans l'eau. On parle notamment d'arsénique. Et c'est particulièrement sensible en Guadeloupe, de chlordécone. Le pesticide ? Exactement. Ce pesticide qui a déjà causé une pollution historique des sols et des eaux. Donc quand on ramasse ces algues chargées en polluants et qu'on les stocke à terre, il y a un risque réel de contaminer les sols, les nappes phréatiques.

  • Speaker #0

    Ce qui doit rendre leur gestion encore plus compliquée. Et pour l'économie locale, les conséquences ?

  • Speaker #1

    C'est une catastrophe. Le tourisme, évidemment, est très touché. Les plages couvertes d'algues puantes, ça n'attire personne. Les hôtels, les restaurants, les activités nautiques souffrent.

  • Speaker #0

    La pêche aussi, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Oui, la pêche aussi. Les pêcheurs ont parfois du mal à sortir du port. Les filets se prennent dans les algues. Et puis, il y a la question de la ressource, des poissons qui fuient ces zones ou meurent. Et il y a un autre impact, plus insidieux peut-être. Le H2S est très corrosif. Ça attaque le métal, donc le matériel électronique, l'électroménager, les climatiseurs, les voitures. Tout vieillit prématurément.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça chiffre vite pour les habitants et les entreprises.

  • Speaker #1

    Énormément. Sans parler de la dépréciation de la valeur de maison près des côtes touchées. Et pour les communes, le coût du ramassage, c'est un fardeau financier énorme.

  • Speaker #0

    Face à ce tableau quand même assez sombre... Euh... Quelle est la réponse des autorités ? Il y a des plans, non ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a eu plusieurs plans. Actuellement, c'est le plan Sargas E2 pour 2022-2025. Il y a un budget de 36 millions d'euros.

  • Speaker #0

    Et ils visent quoi, ce plan ?

  • Speaker #1

    Plusieurs choses. Améliorer la prévision des arrivages grâce à Météo France notamment. Renforcer la surveillance sanitaire avec l'ARS. Optimiser la collecte. L'idéal, c'est d'enlever les algues en moins de 48 heures avant la décomposition et les gaz. Et puis un gros volet sur la recherche de solutions de valorisation. Parce que c'est bien de ramasser, mais qu'est-ce qu'on en fait après ?

  • Speaker #0

    Justement, sur le terrain, concrètement, ça se passe comment ? On voit des barrages ?

  • Speaker #1

    Oui, on utilise des barrages flottants pour essayer de dévier ou contenir les nappes avant qu'elles n'arrivent sur la plage. Mais bon, leur efficacité est limitée, surtout quand la mer est agitée.

  • Speaker #0

    Et le ramassage ?

  • Speaker #1

    Il se fait soit à la main avec des bénévoles, des associations, des brigades vertes, soit avec des engins mécaniques sur les plages ou même en mer avec des bateaux spéciaux. Mais le gros point noir, ça reste le stockage et la valorisation.

  • Speaker #0

    Pourquoi ? On ne sait pas quoi en faire.

  • Speaker #1

    Environ 90% de ce qui est collecté est juste stocké quelque part, souvent dans des conditions pas idéales, il faut de mieux. La valorisation, c'est compliqué.

  • Speaker #0

    On entend parler d'idées, compost, énergie, matériaux de construction.

  • Speaker #1

    Oui, les pistes existent. Faire du compost, de la méthanisation pour produire du biogaz, des écomatériaux comme des briques ou des panneaux. Mais ça coince pour deux raisons principales, d'après nos sources.

  • Speaker #0

    Lesquelles ?

  • Speaker #1

    D'abord, l'irrégularité des arrivages. C'est difficile pour une usine de fonctionner si elle ne sait pas quand et combien d'algues elle va recevoir. Et surtout, le problème majeur, cette contamination en arsénique et en chlordécone.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça revient toujours.

  • Speaker #1

    Ça impose des contraintes sanitaires très très strictes. pour n'importe quel processus de transformation pour s'assurer qu'on ne disperse pas ces polluants. Ça rend tout beaucoup plus cher et techniquement complexe.

  • Speaker #0

    D'accord. Et il y a aussi une difficulté propre à la Guadeloupe dans l'organisation de tout ça, non ? Une histoire de gouvernance ?

  • Speaker #1

    Oui, et c'est un point qui ressort fortement. Contrairement à la Martinique, où une structure dédiée fonctionne, en Guadeloupe, le JPSARGIP, le groupement d'intérêts publics qui devait coordonner toute la lutte, eh bien il n'a jamais vraiment été opérationnel.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Les sources parlent carrément d'échecs. Apparemment, des blocages politiques, un manque de consensus, de coopération entre les différentes collectivités, l'État. Résultat, il y a un vide dans le pilotage, ce qui nuit forcément à l'efficacité de l'action sur le terrain.

  • Speaker #0

    Donc, si on essaye de résumer ce deep dize, on a une crise qui était au départ environnementale, mais qui est devenue sanitaire, économique, sociale et qui est maintenant structurelle. chronique.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est plus un événement exceptionnel, c'est installé.

  • Speaker #0

    Et la réponse publique, elle existe sur le papier avec des moyens, des plans mais elle se heurte à des obstacles techniques, très lourds, comme la contamination des algues et en Guadeloupe spécifiquement à un vrai souci de gouvernance de qui fait quoi et comment on travaille ensemble.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne synthèse. L'urgence, elle est vraiment là. Il faut une gouvernance qui fonctionne, qui soit opérationnelle. Il faut innover pour trouver des moyens de valoriser ces algues de façon sûre, malgré les polluants. Et il y a aussi tout un flou juridique autour de l'indemnisation des gens, des entreprises, pour les préjudices qu'ils subissent. Ça aussi, c'est un chantier important.

  • Speaker #0

    Une dernière réflexion peut-être pour nos auditeurs. Cette grande ceinture de sargasses, son origine est liée à des phénomènes globaux. Le changement climatique, peut-être l'agriculture en Amérique du Sud ou en Afrique. Ça dépasse complètement les frontières de la Guadeloupe ou des Caraïbes. Alors, la question qui se pose, c'est... Où se situe la responsabilité finale ? Qui doit payer pour gérer cette crise et compenser les impacts locaux quand les causes sont si lointaines et diffuses ? C'est une question complexe.

  • Speaker #1

    Extrêmement complexe et elle est au cœur des discussions internationales sur les pertes et préjudices liés au climat et à l'environnement. Il n'y a pas de réponse simple aujourd'hui.

Description

Depuis plus de dix ans, la Guadeloupe subit une affliction chronique : les échouages massifs d'algues sargasses. Bien plus qu'une simple nuisance olfactive, ce phénomène est devenu une crise structurelle qui asphyxie l'économie, menace la santé publique et dégrade durablement les écosystèmes côtiers de l'archipel.


Ce podcast vous plonge au cœur d'une enquête de fond pour décrypter ce fléau aux multiples facettes.




Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans ce Deep Dive. Aujourd'hui, on se penche sur un dossier assez lourd. La crise des sargasses en Guadeloupe. Notre mission, c'est de décortiquer un peu ce phénomène complexe qui est devenu une vraie plaie pour la santé, l'environnement et l'économie là-bas.

  • Speaker #1

    Absolument. On a pas mal de sources qui couvrent l'historique, les impacts, et ils sont nombreux. La réponse publique aussi, et puis les pistes de solutions. On va essayer d'en tirer l'essentiel.

  • Speaker #0

    Pour commencer, ce qui est frappant, c'est qu'avant 2011, les sargasses, ce n'était pas vraiment un sujet en Guadeloupe. Et puis d'un coup, des échouages massifs jamais vus.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et ce qui était ponctuel au début est devenu quasi permanent, surtout depuis 2018. C'est une sorte de nouvelle normalité très problématique.

  • Speaker #0

    D'où ça vient, ce changement radical ? C'est quoi l'origine de toutes ces algues ?

  • Speaker #1

    La source principale maintenant identifiée, c'est ce qu'on appelle la grande ceinture. atlantique de Sargas. Il faut imaginer une zone immense, vraiment gigantesque, de prolifération dans l'Atlantique équatoriale.

  • Speaker #0

    Une ceinture d'algues.

  • Speaker #1

    Exactement. Et sa formation serait liée probablement à un afflux de nutriments venant des grands fleuves, l'Amazone, le Congo, possiblement à cause de la déforestation, l'agriculture intensive au loin. Et à ça s'ajoute le changement climatique, le réchauffement de l'eau, la modification des courants. Tout ça, ça favorise leur croissance et leur dérive vers les Caraïbes.

  • Speaker #0

    Et la Guadeloupe, comme d'autres îles, se retrouve pile sur la trajectoire.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Surtout les côtes Est et Sud. Mais Marie-Galante, les Saintes, la Désirade aussi sont très touchées. Pour donner une idée, on parle de 83 km de côtes régulièrement impactées. C'est énorme. Et près de 24 000 bâtiments se trouvent à moins de 300 mètres de ces zones. Donc ça touche beaucoup de monde directement.

  • Speaker #0

    Une fois qu'elles sont là, sur les plages, qu'est-ce qui se passe ? C'est juste moche ?

  • Speaker #1

    Ah non, si seulement ! Le problème, c'est qu'elles pourrissent très vite, souvent en moins de 48 heures. Et là, elles dégagent des gaz, principalement du sulfure d'hydrogène, le H2S.

  • Speaker #0

    Ah oui, la fameuse odeur d'œuf pourri.

  • Speaker #1

    C'est ça, et aussi de l'ammoniaque. Et ce H2S, c'est pas juste désagréable, hein ?

  • Speaker #0

    C'est là que ça devient un problème de santé, j'imagine.

  • Speaker #1

    Exactement, ça provoque des irritations des yeux, du nez, de la gorge, des voies respiratoires, des maux de tête, des nausées.

  • Speaker #0

    Surtout pour les plus fragiles.

  • Speaker #1

    Oui, c'est particulièrement risqué pour les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, les asthmatiques, les personnes avec des problèmes respiratoires chroniques. L'ARS, l'Agence régionale de santé, a même des seuils d'alerte.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    Si la concentration de H2S dans l'air dépasse 5 ppm, 5 parties par million, on peut envisager l'évacuation de ces personnes vulnérables. Donc c'est sérieux.

  • Speaker #0

    Carrément. Et l'environnement marin dans tout ça, il doit souffrir aussi ?

  • Speaker #1

    Énormément. En mer, déjà, les grosses nappes d'algues bloquent la lumière du soleil. Ça empêche la photosynthèse pour les herbiers marins, les coraux en dessous. Ça les étouffe, en gros. Et puis, la décomposition de ces énormes quantités d'algues consomme tout l'oxygène dans l'eau. Ça crée des zones mortes, anoxiques, où poissons et crustacés ne peuvent plus survivre.

  • Speaker #0

    Un désastre écologique.

  • Speaker #1

    Oui. Et sur terre, ça bloque l'accès aux plages pour les tortues marines qui viennent pondre. Et le ramassage lui-même, surtout s'il est fait avec de gros engins, peut abîmer les plages, accélérer l'érosion.

  • Speaker #0

    Et j'ai lu aussi qu'il y avait un problème de pollution associé, que les algues elles-mêmes pouvaient être chargées.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un point très préoccupant. Les sargasses, en dérivant, peuvent accumuler des polluants présents dans l'eau. On parle notamment d'arsénique. Et c'est particulièrement sensible en Guadeloupe, de chlordécone. Le pesticide ? Exactement. Ce pesticide qui a déjà causé une pollution historique des sols et des eaux. Donc quand on ramasse ces algues chargées en polluants et qu'on les stocke à terre, il y a un risque réel de contaminer les sols, les nappes phréatiques.

  • Speaker #0

    Ce qui doit rendre leur gestion encore plus compliquée. Et pour l'économie locale, les conséquences ?

  • Speaker #1

    C'est une catastrophe. Le tourisme, évidemment, est très touché. Les plages couvertes d'algues puantes, ça n'attire personne. Les hôtels, les restaurants, les activités nautiques souffrent.

  • Speaker #0

    La pêche aussi, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Oui, la pêche aussi. Les pêcheurs ont parfois du mal à sortir du port. Les filets se prennent dans les algues. Et puis, il y a la question de la ressource, des poissons qui fuient ces zones ou meurent. Et il y a un autre impact, plus insidieux peut-être. Le H2S est très corrosif. Ça attaque le métal, donc le matériel électronique, l'électroménager, les climatiseurs, les voitures. Tout vieillit prématurément.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça chiffre vite pour les habitants et les entreprises.

  • Speaker #1

    Énormément. Sans parler de la dépréciation de la valeur de maison près des côtes touchées. Et pour les communes, le coût du ramassage, c'est un fardeau financier énorme.

  • Speaker #0

    Face à ce tableau quand même assez sombre... Euh... Quelle est la réponse des autorités ? Il y a des plans, non ?

  • Speaker #1

    Oui, il y a eu plusieurs plans. Actuellement, c'est le plan Sargas E2 pour 2022-2025. Il y a un budget de 36 millions d'euros.

  • Speaker #0

    Et ils visent quoi, ce plan ?

  • Speaker #1

    Plusieurs choses. Améliorer la prévision des arrivages grâce à Météo France notamment. Renforcer la surveillance sanitaire avec l'ARS. Optimiser la collecte. L'idéal, c'est d'enlever les algues en moins de 48 heures avant la décomposition et les gaz. Et puis un gros volet sur la recherche de solutions de valorisation. Parce que c'est bien de ramasser, mais qu'est-ce qu'on en fait après ?

  • Speaker #0

    Justement, sur le terrain, concrètement, ça se passe comment ? On voit des barrages ?

  • Speaker #1

    Oui, on utilise des barrages flottants pour essayer de dévier ou contenir les nappes avant qu'elles n'arrivent sur la plage. Mais bon, leur efficacité est limitée, surtout quand la mer est agitée.

  • Speaker #0

    Et le ramassage ?

  • Speaker #1

    Il se fait soit à la main avec des bénévoles, des associations, des brigades vertes, soit avec des engins mécaniques sur les plages ou même en mer avec des bateaux spéciaux. Mais le gros point noir, ça reste le stockage et la valorisation.

  • Speaker #0

    Pourquoi ? On ne sait pas quoi en faire.

  • Speaker #1

    Environ 90% de ce qui est collecté est juste stocké quelque part, souvent dans des conditions pas idéales, il faut de mieux. La valorisation, c'est compliqué.

  • Speaker #0

    On entend parler d'idées, compost, énergie, matériaux de construction.

  • Speaker #1

    Oui, les pistes existent. Faire du compost, de la méthanisation pour produire du biogaz, des écomatériaux comme des briques ou des panneaux. Mais ça coince pour deux raisons principales, d'après nos sources.

  • Speaker #0

    Lesquelles ?

  • Speaker #1

    D'abord, l'irrégularité des arrivages. C'est difficile pour une usine de fonctionner si elle ne sait pas quand et combien d'algues elle va recevoir. Et surtout, le problème majeur, cette contamination en arsénique et en chlordécone.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça revient toujours.

  • Speaker #1

    Ça impose des contraintes sanitaires très très strictes. pour n'importe quel processus de transformation pour s'assurer qu'on ne disperse pas ces polluants. Ça rend tout beaucoup plus cher et techniquement complexe.

  • Speaker #0

    D'accord. Et il y a aussi une difficulté propre à la Guadeloupe dans l'organisation de tout ça, non ? Une histoire de gouvernance ?

  • Speaker #1

    Oui, et c'est un point qui ressort fortement. Contrairement à la Martinique, où une structure dédiée fonctionne, en Guadeloupe, le JPSARGIP, le groupement d'intérêts publics qui devait coordonner toute la lutte, eh bien il n'a jamais vraiment été opérationnel.

  • Speaker #0

    Ah bon ?

  • Speaker #1

    Pourquoi ? Les sources parlent carrément d'échecs. Apparemment, des blocages politiques, un manque de consensus, de coopération entre les différentes collectivités, l'État. Résultat, il y a un vide dans le pilotage, ce qui nuit forcément à l'efficacité de l'action sur le terrain.

  • Speaker #0

    Donc, si on essaye de résumer ce deep dize, on a une crise qui était au départ environnementale, mais qui est devenue sanitaire, économique, sociale et qui est maintenant structurelle. chronique.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est plus un événement exceptionnel, c'est installé.

  • Speaker #0

    Et la réponse publique, elle existe sur le papier avec des moyens, des plans mais elle se heurte à des obstacles techniques, très lourds, comme la contamination des algues et en Guadeloupe spécifiquement à un vrai souci de gouvernance de qui fait quoi et comment on travaille ensemble.

  • Speaker #1

    C'est une très bonne synthèse. L'urgence, elle est vraiment là. Il faut une gouvernance qui fonctionne, qui soit opérationnelle. Il faut innover pour trouver des moyens de valoriser ces algues de façon sûre, malgré les polluants. Et il y a aussi tout un flou juridique autour de l'indemnisation des gens, des entreprises, pour les préjudices qu'ils subissent. Ça aussi, c'est un chantier important.

  • Speaker #0

    Une dernière réflexion peut-être pour nos auditeurs. Cette grande ceinture de sargasses, son origine est liée à des phénomènes globaux. Le changement climatique, peut-être l'agriculture en Amérique du Sud ou en Afrique. Ça dépasse complètement les frontières de la Guadeloupe ou des Caraïbes. Alors, la question qui se pose, c'est... Où se situe la responsabilité finale ? Qui doit payer pour gérer cette crise et compenser les impacts locaux quand les causes sont si lointaines et diffuses ? C'est une question complexe.

  • Speaker #1

    Extrêmement complexe et elle est au cœur des discussions internationales sur les pertes et préjudices liés au climat et à l'environnement. Il n'y a pas de réponse simple aujourd'hui.

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