- Speaker #0
Radio Copalim, Radio Copalim, le podcast de la plus grande coopération associative d'Occitanie.
- Speaker #1
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Radio Copalim, le podcast de la plus grande coopération associative d'Occitanie. Vous le savez, Radio Copalim, c'est un sujet phare avec une interview débat, mais aussi deux séquences importantes, Culture Copalim, qui décrypte le jargon de l'aide alimentaire. Et la Minute des bénévoles, où un ou une bénévole vient témoigner de son parcours. Alors j'en ai parlé lors du premier épisode. Aujourd'hui, je vous propose de plonger dans l'histoire de l'aide alimentaire. Donc nous sommes à nouveau au siège toulousain du Secours populaire. Et Copalim Occitanie est avec moi autour de la table. Donc j'accueille Bernard Cabrol, chargé de mission pour les banques alimentaires d'Occitanie. Jean-Louis Clément, président... du groupement des épiceries sociales et solidaires d'Occitanie, le GESMIP, Audrey Guéraud, chargée de projet accès digne à l'alimentation pour le secours catholique Occitanie, Firas Jaidi, animateur du réseau Andes, le réseau des épiceries sociales et solidaires national, Maud Mouissé, chargée de mission soutien aux délégations Occitanie de la Croix-Rouge française et Ouria Tareb, secrétaire générale du secours populaire Haute-Garonne. Messieurs, dames, Bonjour !
- Speaker #2
Bonjour !
- Speaker #1
Alors comme je l'ai dit, nous allons remonter le temps aujourd'hui pour comprendre les racines de l'aide alimentaire. Quand ? Comment ? Pourquoi est-ce qu'elle est apparue en France ? Avec vos témoignages sur la création de vos associations et de vos structures. L'histoire de l'aide alimentaire, c'est tout de suite dans Radio Copalime. Alors j'avais envie de commencer cette émission par une définition, parce qu'on aime bien les définitions dans Radio Copalim. Donc je voulais savoir si vous connaissiez le mot évergétisme. Est-ce que vous savez ce que c'est ?
- Speaker #0
Depuis peu, depuis être allé sur l'internet pour savoir ce que c'était et m'être aperçu qu'effectivement c'était ancien et que ça concernait les personnes riches à l'époque qui donnaient aux plus pauvres.
- Speaker #1
Exactement Bernard, l'évergétisme a une particularité, est-ce que vous savez ce que c'est ? Audrey ?
- Speaker #3
Je ne sais pas, est-ce qu'on peut qualifier comme particularité le fait que ce soit un don intéressé ? Je me permets ça parce que j'ai fait comme Bernard, je suis allée sur internet, ce que je ne connaissais pas avant, et j'ai pu voir que ce n'était pas des dons gratuits, il y avait la volonté de la personne qui faisait ce don là de de Ce n'est pas défini comme du contrôle, mais en tout cas avoir un appui sur les personnes pour qui elles donnent.
- Speaker #1
Alors moi, ce que j'ai vu notamment dans un rapport de la Cour des comptes en 2009 sur les circuits et mécanismes financiers concourant à l'aide alimentaire en France, c'est que dans l'Antiquité, l'aide alimentaire était prodiguée sans distinction de classe sociale. Donc oui, ça rejoint ce que vous dites, Audrey, sur le fait que c'était sans doute intéressé. Et c'est au Moyen-Âge, en fait, qu'avec l'Église, le rôle de l'Église médiévale, la distribution de nourriture a été ciblée pour les infirmes, les orphelins et les vieillards notamment. Et le document précise, et ça, je pense que ça va vous intéresser, qu'à cette époque, on parlait déjà de bénéficiaires qui devaient réaliser des travaux pénibles en échange... d'une rétribution. Qu'est-ce que ça vous évoque de savoir qu'au Moyen-Âge, on parlait déjà de bénéficiaire,
- Speaker #2
Ausha ? Parce qu'on était sur la question de « je donne, j'aide » . Aujourd'hui, on est encore dans ce cheminement-là, dans notre tête.
- Speaker #1
Oui, c'est-à-dire qu'en bénéficiaire, effectivement, on était dans cette posture de « je donne à mon prochain » . Et je le mets dans une position passive et pas dans une position active. Donc là, on est au Moyen-Âge. On a cette société qui est très organisée, avec des privilèges pour la noblesse, pour le clergé, et donc des non-privilèges pour le reste de la population. On va traverser le XVIIIe siècle, qui est le siècle des Lumières aussi, avec cette même philosophie. Il faut savoir que le statut de travailleur pauvre apparaît à ce moment-là. Et on arrive... Donc au XIXe siècle. Je ne vais pas vous faire un cours d'histoire sur le XIXe siècle parce que le XIXe siècle est très complexe. Il est marqué par une grande instabilité politique, notamment en France. On est juste après la grande révolution de 1789, jusqu'à la Troisième République à la fin du XIXe qui a lieu en 1870. J'aimerais qu'on écoute Éric Pélisson, qui est commissaire à la prévention et la lutte contre la pauvreté de la région Occitanie. qui est féru d'histoire, nous résumer cette période.
- Speaker #0
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- Speaker #4
Copalime. C'est vrai qu'avant d'être commissaire auprès du préfet de région, j'ai été professeur d'histoire il y a de ça bien longtemps. Et juste un mot avant de vous parler du 19e siècle pour dire que déjà sous la République romaine et sous l'Empire romain, il y avait effectivement des personnes en charge de l'alimentation en blé de la population romaine, puisqu'il y avait un million d'habitants, qu'on appelait donc les édiles. Ce qui est très drôle, c'est qu'effectivement, le Sénat avait créé des commissaires en période de famine, qui étaient chargés d'importer des céréales. Et puis à l'époque d'Auguste, sous l'Empire, on a créé ce qu'on a appelé le préfet de la nonne. C'est juste pour rappeler que l'aide alimentaire, ça remonte à loin. Alors, le XIXe siècle, il y a plusieurs particularités. D'abord, la continuité. Il faut savoir qu'à l'époque des rois de France, que ce soit au Moyen-Âge ou sous l'époque moderne, les rois faisaient venir du blé de Russie quand il y avait des famines. que par ailleurs l'église à l'époque s'occupait effectivement des indigents, s'occupait des veuves, des orphelins, des personnes à la rue. Et donc au XIXe siècle, on a eu plusieurs choses. D'abord l'apparition de la société philanthropique qui a distribué à peu près l'équivalent de 2 millions de soupes populaires par an jusque dans la fin des années 50 en France, donc pendant un siècle et demi. Et elle s'appelait comme ça parce que c'était avant la loi de 1901 sur les associations. Les associations étaient interdites au XIXe siècle. Par ailleurs, à côté de la société philanthropique, il y avait effectivement les bureaux de bienfaisance qui étaient les ancêtres des CCAS, les centres communaux d'action sociale, donc rattachés aux mairies. La distribution se faisait sous forme de colis. Et puis enfin, il ne faut pas oublier non plus que dans le cadre du paternalisme ouvrier, les chefs d'entreprise faisaient des distributions à leurs ouvriers et par exemple, tenaient des épiceries. Alors pas tellement sociales parce que par exemple, dans Germinal de Zola, On voit qu'à un moment, les mineurs s'en prennent à l'épicier, parce que justement, c'est plutôt, au contraire, une forme d'exploitation. Ensuite, il y a eu effectivement l'origine des mutuelles, qui étaient des sociétés de secours mutuelles, qui étaient des sociétés d'entraide entre les personnes, qui sont à l'origine des mutuelles d'aujourd'hui. Et ça n'est qu'en 1901 qu'apparaissent effectivement les associations.
- Speaker #0
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- Speaker #1
Copalime. Donc c'est un siècle qui est très violent, qui est marqué par des guerres civiles. Mais malgré ça, l'aide alimentaire continue à perdurer, notamment avec les fourneaux économiques. Est-ce que vous savez ce que c'est que les fourneaux économiques ? Je vois des gens qui me font non autour de la table. Je vais vous dire ce que c'est. D'après le portail national des archives françaises, les fourneaux économiques sont les précurseurs de la soupe populaire. En fait, ce sont des endroits où on distribuait des repas chauds aux démunis et où en période de fête, on distribuait aussi du pain à la population. On est... juste à la fin de ce XIXe siècle. Et ça y est, on va avoir des formes d'aide aux prochains qui vont commencer à se structurer. Et j'aimerais qu'on écoute un extrait d'Elvecticus, qui est un programme d'animation qui explique l'histoire de la Suisse aux enfants, à propos d'un homme d'affaires qui s'appelle Henri Dunant. Notre histoire se passe à Solferino, en Italie, et à Genève.
- Speaker #0
Nous voici avec Henri Dunant.
- Speaker #1
Un homme d'affaires qui part à la rencontre de l'empereur de France avec qui il ne veut pas. Le voyage arrive à son terme lorsque soudain... Vous qui représentez la Croix-Rouge française, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se passe ensuite pour Henri Dunant lorsqu'il arrive sur ce champ de bataille ?
- Speaker #5
Oui, bien sûr. Henri Dunant part à Solferino pour rencontrer Napoléon III pour des raisons d'affaires. C'est un banquier homme d'affaires suisse. Et il tombe sur la bataille de Solferino. Donc il est témoin direct de la guerre à ce moment-là. Et il est témoin de ses horreurs, c'est-à-dire des milliers de morts dans les deux camps. Et face à ça, il organise de façon assez improvisée des secours avec les civils, avec les habitants des communes locales, pour venir en aide aux soldats des deux camps qui sont blessés. Donc voilà. Il va poser les bases de la Croix-Rouge, c'est-à-dire venir en aide aux personnes de façon impartiale.
- Speaker #1
Quelle que soit leur nationalité, on aide tout le monde. Exactement. Et on soigne les militaires comme les civils des deux camps. Et donc, la Croix-Rouge française se crée en fait à ce moment-là.
- Speaker #5
La Croix-Rouge se crée, il rentre, il va réfléchir à son expérience et il va écrire en 1962 un souvenir de Solferino dans lequel il va poser les bases de ce qu'il adviendra. Un an plus tard, en 1963, le comité international de la Croix-Rouge pose ses valeurs d'impartialité et de neutralité. On vient en aide aux personnes. peu importe leur camp, j'ai envie de dire. Et donc en 1963 va naître le Comité international de la Croix-Rouge qui donnera également la Convention de Genève et qui posera les bases du droit international humanitaire à ce moment-là et l'emblème de la Croix-Rouge qui est donc la Croix suisse à l'envers.
- Speaker #1
Donc la Croix-Rouge se crée effectivement à ce moment-là, donc dans une optique comme l'armée du salut d'ailleurs, qui va se créer aussi pas longtemps après, d'aider, de soigner des blessés de guerre. Donc là, on arrive au XXe siècle, deux guerres mondiales, une France qui est exsangue après la Seconde Guerre mondiale, de lourdes pertes humaines, un pays qui est dévasté, une production agricole qui est insuffisante, et va se décider un élément majeur qui va commencer aussi à structurer l'aide alimentaire, qui est le plan Marshall. le programme de rétablissement européen. Et là, je me tourne vers Ourya et Audrey. Expliquez-nous ce qui se passe à ce moment-là. On va suivre l'ordre chronologique, puisqu'on va parler peut-être d'abord du Secours populaire. Donc Ourya, expliquez-nous comment est né le Secours populaire à ce moment-là.
- Speaker #2
Le Secours populaire a été créé en 1945, mais le mouvement existait bien avant. Dans les années 1920, pendant la guerre, c'est un mouvement du peuple, de personnes, de résistants notamment, qui avait pour objectif de soutenir tous les emprisonnés, les ouvriers qui ont été licenciés, les syndicalistes, toutes les personnes qui ont vécu des discriminations. Et l'idée c'était de les soutenir. sur le plan moral, juridique et d'aider les familles, surtout au niveau matériel, donc tout ce qui était d'alimentaire, etc. Et ils étaient très actifs dans le monde, en Europe et dans le monde. Et quand ils ont créé le Secours populaire en 1945, où ils ont décidé, en fait, finalement, d'essayer de mobiliser le plus de personnes possible. Donc, ils ont un peu quitté, on va dire, le parti communiste, puisque c'était la plupart des... des fondateurs sont issus du Parti communiste et ils ont décidé d'ouvrir l'association en 1945 et d'ouvrir tous les champs d'action et d'agir en France puisque leur activité au départ était vraiment basée sur la solidarité internationale. Voilà comment le Scopopler a été créé et donc ils sont intervenus. Et je crois que les premières solidarités qui ont été faites juste après la guerre, c'était de permettre à des enfants de partir en vacances parce que c'était important pour l'association de faire vivre autre chose. Puisque la plupart des enfants avaient connu des horreurs, y compris les parents. Certains ont perdu leur père, etc. C'était de leur proposer un moment de bonheur. Donc, une activité qu'on continue à développer et qui est très importante pour l'association.
- Speaker #1
et donc c'est pour ça que Quand vous disiez effectivement que ça avait été créé avant 1945, au départ c'était le secours rouge. Et on dit que le secours populaire est un enfant de la résistance, justement aussi pour ça.
- Speaker #2
Tout à fait. Il s'est appelé le secours populaire rouge, ensuite le secours populaire français des colonies, parce qu'il était composé essentiellement de jeunes qui étaient très très très investis. Notre président, il avait 17 ans, enfin 16 ans quand il est rentré au secours populaire. et 17 ans quand il a été responsable de l'association. Donc voilà, c'était des jeunes très engagés à l'époque.
- Speaker #1
Très engagés et très concernés par leur société. Audrey, vous qui êtes au Secours catholique, le Secours catholique se crée aussi à cette époque-là. Est-ce que vous pouvez nous en dire quelques mots ?
- Speaker #3
Alors nous, c'est l'Église de France qui décide de la création du Secours catholique et donne mission à un prêtre qui... Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jean Rodin était aumônier des prisonniers de guerre et allait rendre visite aux prisonniers de guerre qui étaient en Allemagne. L'Assemblée des Cardinaux et des Archevêques de France, réunie à Lourdes, lors du retour des prisonniers de guerre, il y a eu un grand pèlerinage. Et lors de ce pèlerinage à Lourdes, cette Assemblée confie à Jean Rodin la création du Secours catholique français qui sera... la main charitable, on va dire, de l'église de France. Je rejoins un peu Ouria parce que dans les premiers principes du Secours Catholique en 1946, ce sera de permettre aux enfants des villes, où la France est quand même dans une situation économique compliquée, de permettre pendant les vacances scolaires aux enfants des villes de pouvoir aller dans des familles d'agriculteurs à la campagne. est née une activité intéressante qui existe toujours au Secours catholique, qui s'appelle l'accueil familial de vacances, où des petits des villes sont allés dans les familles de paysans à la campagne pendant toutes les vacances scolaires d'été, pour reprendre un petit peu d'efforts, avoir accès à une alimentation pendant leurs vacances. Donc ça a été une des premières actions, tout comme, tu l'as dit Christelle, la distribution de l'aide alimentaire via le plan Marshall.
- Speaker #1
Oui, d'accord. Donc des actions qui sont ciblées pour les enfants, pour vos deux associations à leur création. C'est aussi à cette époque que, vous savez, on a parlé des fourneaux économiques, qui sont devenus en fait des restaurants municipaux. Et ils vont devenir aussi, juste après la guerre, ce qu'on appelle des restaurants sociaux, qui sont gérés, qui existent toujours aujourd'hui, et qui sont gérés par les centres communaux d'action sociale, les CCAS, que vous connaissez. Donc juste après la guerre arrive... les 30 glorieuses. C'est la Cour des comptes qui l'affirme dans un rapport. À ce moment-là, il y a une diminution des publics concernés par l'aide alimentaire. Est-ce que, vous qui connaissez vos structures, vous êtes d'accord avec cette affirmation ? Est-ce que certains d'entre vous ont des éléments qui pourraient en attester qu'à l'époque des 30 glorieuses, on a moins de publics qui est concerné finalement par l'aide alimentaire ? Je vois Audrey qui fait non de la tête.
- Speaker #3
Non, moi, je n'ai pas des chiffres. J'ai juste un positionnement politique du secours catholique qui est peut-être lié à ça, en fait. Mais Aude avait l'air de dire que l'inverse.
- Speaker #1
Aude ?
- Speaker #3
Aude, pardon.
- Speaker #5
Il y a eu une surproduction. Le monde économique allait bien, on va dire. Donc, effectivement, il y avait moins de personnes. Le budget alimentaire, de ma connaissance, le budget alimentaire pesait moins sur les ménages. Et donc, effectivement, moins de personnes qui ont eu besoin d'avoir recours à... à l'aide alimentaire partée par les structures ?
- Speaker #1
La fin des troubles glorieux, c'est deux chocs pétroliers, en 71 et en 73, qui, par interdépendance, via la hausse du prix du pétrole, va aussi augmenter le coût de la vie. On a une montée du chômage en France et on a aussi des politiques de modération salariale forte qui vont amener à l'apparition de ce qu'on va appeler les nouveaux pauvres. Et là, à nouveau, On va avoir des créations de structures d'aide alimentaire. Nous sommes en 1984. J'aimerais qu'on écoute Bernard Dandrel au micro d'une radio de l'époque. J'ai eu la visite de Sorsesil Vigo, qui venait d'écrire un article dans La Croix, exprimant son scandale de voir dans son quartier très pauvre de Paris, des nourritures jetées dans les poubelles, alors qu'il y avait des gens... qui avaient faim et qui bouillaient ensuite dans ces poubelles pour se nourrir. Donc Bernard d'Andrel, évidemment je me tourne vers Bernard Cabrol pour nous en parler, mais peut-être aussi vers Audrey, puisque Bernard d'Andrel était au Secours catholique à cette époque. Dites-nous ce qu'il a fait ensuite.
- Speaker #0
Alors Bernard d'Andrel, il était directeur dans une banque et militant au Secours catholique. Il fait un voyage d'études aux Etats-Unis, il voit les footbanks. Il revient en France et il voit l'appel de cette sœur dont il parlait. Et il dit c'est ce qu'il faut créer en France. Il demande l'accord du secours catholique, le secours catholique lui donne le feu vert. Il quitte son poste de directeur de banque. Pour avoir un salaire au secours catholique, ce n'est pas le même niveau. Et puis, il demande à l'évêché de Paris de lui trouver un local. On lui donne une église désacralisée à Arcueil, qui est toujours un lieu de dépôt de la banque alimentaire. Et puis, son premier don, c'est les moulins de Paris qui lui donnent le pain de la veille qui n'a pas été distribué. Et ensuite, Fendus qui lui donne du poisson surgelé, d'ailleurs avec les congélateurs. Et lui, en fervent catholique, il se dit, dans une église... Du pain, du poisson, ça ne peut que marcher. Et voilà, le départ des banques alimentaires se fait à partir de 1984, petit à petit. Il va y avoir des banques alimentaires dans tous les départements de France territoriales et extraterritoriales.
- Speaker #1
Et est-ce que, vous savez Bernard... Pourquoi en fait, s'il y a eu besoin d'avoir des banques alimentaires ? Parce que donc, il y avait déjà d'autres associations qui étaient créées. Est-ce que Bernard Dandré, il avait cette idée de déjà de se dire, on va créer cette banque alimentaire pour justement irriguer les associations qui font de l'aide aux plus démunis ?
- Speaker #0
Alors déjà, Bernard Dandré, lui, son leitmotiv, c'était aider l'homme à se restaurer pour éviter le gaspillage alimentaire. C'est lui qui a démarré avec ça, parce qu'effectivement, ça a été... L'ADN des banques alimentaires a été récupéré dans les grandes surfaces chez les producteurs agricoles. Tout ce qui va être jeté et qui était consommable. Et c'est aujourd'hui encore une des plus grandes ressources des banques alimentaires, même si c'est un peu tendance à diminuer, mais ça fait partie des ressources importantes. Et puis, il a vu aussi que pour... Pour pouvoir toucher les bénéficiaires au plus près, il passait par des associations qui commençaient déjà la distribution et il a alimenté les associations. Ce qui fait que les banques alimentaires sont des banques au sens originel du terme, c'est-à-dire un comptoir, une sorte de grossiste, mais ne distribue pas directement aux bénéficiaires, mais simplement aux associations, partenaires qui, elles, se chargent de distribuer aux personnes accueillies.
- Speaker #1
Merci Bernard. On va écouter un second extrait qui, lui, date de 1985 et qui, je pense, parlera à tout le monde.
- Speaker #0
S'il y a des gens qui sont intéressés par sponsorer une cantine gratuite qu'on pourrait commencer par faire à Paris, par exemple, et qu'on étalerait après dans les grandes villes de France, nous,
- Speaker #3
on est prêts à aider une entreprise comme ça,
- Speaker #1
qui ferait un resto,
- Speaker #0
par exemple, qui aurait comme ambition au départ de faire 2000. 3 000 couverts par jour gratuitement.
- Speaker #1
J'accueille Louis Rouget. Bonjour Louis.
- Speaker #6
Bonjour.
- Speaker #1
Donc Louis, vous êtes chargé de développement régional pour la délégation régionale Octitanie des Restos du Coeur, c'est bien ça ? Tout à fait. Et comme on vient de l'entendre, Coluche a lancé son appel pour créer des cantines gratuites. Est-ce que vous pouvez nous expliquer, Louis, qu'est-ce qui se passe ensuite ?
- Speaker #6
Oui, tout à fait. Alors peut-être sur l'appel du 26 septembre 1985, l'appel de Colujaï s'inscrit dans un contexte particulier. On est dans les années... Donc en 1985, effectivement, on est dans une période aussi un petit peu à tournant de rigueur, avec une inflation, avec une situation qui rend la vie quotidienne des personnes les plus précaires encore plus difficile qu'elle ne l'était. donc cet appel il a un intérêt Aussi de montrer que c'est un problème qui est collectif, qui est partagé, puisque l'appel s'adresse avant tout au grand public et aussi aux entreprises. Dès le début, Coluche imprime cette marque aussi de dire que la question des personnes qui ont faim, c'est notre problème à tous, on l'entend dans la chanson des restos, c'est notre problème si on n'y fait rien. Donc l'idée c'est d'agir directement, concrètement pour les personnes. Dès 1985, les restos commencent avec une première campagne et tout de suite on rentre dans une action direct vers les personnes accueillies, qui va nous permettre à l'époque de distribuer, je crois qu'on arrive à presque un million de repas distribués, avec 5000 bénévoles mobilisés dès la première campagne.
- Speaker #1
Merci Louis. Je me tourne maintenant vers les autres associations. Donc on vient de comprendre comment les Restos du Coeur se sont créés. En quoi l'appel de Coluche résonne avec vos enjeux à vous, Bernard ?
- Speaker #0
L'appel de Coluche et ensuite... C'est vrai l'impact qu'il a eu, qui a donné la fameuse loi Coluche, qui a obligé les excédents alimentaires agricoles qui étaient détruits à aller vers les associations qui distribuent de l'aide alimentaire. Ça a été super important. Et pendant des années, toutes les associations... D'aide alimentaire, que ce soit les banques alimentaires, le Secours populaire, les Restos du Coeur, ont bénéficié de cet accord Coluche, qui a été remis en cause il y a quelques années, maintenant ça se fait sous forme de subvention, puisque avec la réorganisation des marchés agricoles européens, il n'y a plus d'excédents agricoles, donc ça ne pouvait pas continuer sur la distribution des excédents agricoles, mais c'est devenu maintenant une aide financière européenne, donc ça a été quand même un moment. très important pour l'aide alimentaire en France.
- Speaker #1
Et oui, parce que c'est vrai qu'on dit que les années 80, finalement, c'est l'époque de l'institutionnalisation de l'aide alimentaire. Et vous avez parlé de l'Europe, Bernard, qui veut nous apporter un éclairage justement sur ce programme d'aide alimentaire européenne. Est-ce qu'il y a l'un de vous qui a envie d'expliquer aux auditeurs en quoi il consiste et ce qu'il apporte aux associations ?
- Speaker #2
Le Fonds européen d'aide alimentaire aujourd'hui, c'est un fonds qui permet aux associations, mais pas que en France, c'est un pourcentage, je crois que c'est l'équivalent de 1% sur le budget du volet social, on va dire. qui est destiné à soutenir les personnes en précarité au niveau de l'aide alimentaire. En fonction des pays, chacun l'utilise comme il veut, entre guillemets. Je sais que dans certains pays européens, c'est souvent l'État qui le gère, qui le distribue soit sous forme de chèques, soit sous forme d'aide alimentaire, mais en lien avec des associations qui sont soutenues par... en tout cas qui sont financées par l'État. Et en France, en fait, c'est une enveloppe budgétaire qui est répartie aux quatre associations de collecte, qui sont la Banque Alimentaire, Restaurants du Coeur, Secours Populaire et Croix-Rouge. Donc on a une enveloppe financière et on a l'État qui achète les produits pour nous puisque finalement l'intérêt c'est qu'on arrive à avoir des... quantité importante et des coûts. Plus on va acheter, en fait, et mieux on aura de produits, puisque l'idée, c'était de pouvoir apporter ce soutien à toutes les populations en précarité en France.
- Speaker #1
Très bien. Bernard, vous voulez ajouter un mot ?
- Speaker #0
Une petite spécificité pour l'aide européenne, c'est que dans les textes européens, il a été ajouté une petite ligne qui dit que l'aide qui est donnée ne doit être compensée par aucune contribution financière. Ce qui fait que ça exclut toutes les épiceries sociales et solidaires de l'aide alimentaire. Donc les épiceries sociales ne peuvent pas bénéficier de l'aide alimentaire européenne. Alors l'État français compense par un fonds qu'ils ont appelé le CNES comme le programme spatial mais ce n'est pas le même, mais qui est quand même bien inférieur Merci. et en qualité et en quantité. Et ça, c'est vraiment un gros problème qu'on a à gérer pour les épiceries sociales.
- Speaker #1
D'accord. Audrey, vous rajoutez quelque chose aussi ?
- Speaker #3
Oui, peut-être rapidement. Pour le Secours catholique, ça marque quand même un changement dans notre politique. Justement, cette institutionnalisation de l'aide alimentaire et la distribution des surplus de la PAC. Le Secours catholique décide à ce moment-là de prendre un petit peu des distances vis-à-vis de la distribution de l'aide alimentaire. et se dit que ça ne peut être pour nous qu'une aide d'urgence, ça ne peut pas durer auprès des familles. En revanche, on met plus en avant, à partir de ce moment-là, la rencontre, la relation fraternelle et l'accompagnement des personnes. On va petit à petit arrêter au Secours catholique la distribution directe de denrées, à partir de ce moment-là.
- Speaker #1
D'accord, et du coup, ça va être remplacé par quoi ? Je peux me poser la question.
- Speaker #3
Au niveau alimentaire, à cette époque-là, ça va être des tickets-services, des bons alimentaires, les personnes vont pouvoir aller faire des courses dans des magasins. Mais petit à petit, on va arrêter la distribution directe de denrées. D'accord. Et on va créer des épiceries sociales et solidaires en partenariat qui vont avoir vocation à faire ce travail-là.
- Speaker #1
Je comprends tout à fait. Donc, si on passe maintenant effectivement aux années 2000, donc plus proche de nous. On peut dire que ces années-là sont marquées par plusieurs facteurs. Le commerce international, évidemment, qui s'amplifie, l'explosion des télécommunications, le terrorisme qui apparaît et, à l'échelle mondiale, des récessions qui arrivent après des crises comme le krach boursier de 2008 ou la pandémie de 2020. Avant, effectivement, de passer en revue peut-être les deux lois phares. que sont la loi Garraud et la loi Egalim de cette période, on a la création d'Andès et du GESMIP qui intervient dans les années 2000. Firas, je me tourne vers vous. À quel besoin répond la création d'Andès ?
- Speaker #0
Et comment ça s'est passé ?
- Speaker #1
En fait, les premières épiceries solidaires se sont créées vers la moitié des années 90 et en se proposant d'être en complémentarité des autres formes d'aide alimentaire telles qu'elles étaient jusque-là mises en œuvre par le Secours populaire, par les structures partenaires des banques alimentaires et ainsi de suite, avec une approche un petit peu différente, aussi bien sur le fond que sur la forme, avec cette question de libre choix des denrées. Les épiceries solidaires se présentent un petit peu comme des magasins de proximité avec des personnes qui viennent et contribuent financièrement à l'enchaînement des denrées, entre 10 et 30% de leurs valeurs marchandes. Du coup, une approche où l'aide alimentaire est un outil d'accompagnement social, étant donné que les personnes fréquentent les épiceries solidaires pour une période déterminée, avec un projet à réaliser. Ce projet peut être à la fois aussi bien le solde d'une dette, que de partir en vacances, d'inscrire les enfants à un club de sport ou ainsi de suite. Et donc très rapidement est apparue la nécessité de ces différentes épiceries solidaires qui se sont créées un petit peu partout sur le territoire, de se mettre en réseau et de créer du commun. Et c'est là où sont apparus des réseaux spécifiques qui répondent à ces besoins-là, notamment Andès. Andès a été créé dans les années 2000 par un collectif d'épiceries solidaires et petit à petit... différents services ont été proposés au sein d'Andes, qui a assez rapidement été reconnu d'intérêt général et en tant que tête de réseau de l'aide alimentaire, donc a pu bénéficier de financements spécifiques à destination du réseau, notamment le CNES qu'évoquait Bernard il y a quelques minutes. Et aujourd'hui, Andes, comme d'autres têtes de réseau des épiceries solidaires, bénéficie depuis les années 2000 du CNES et le redistribue aux épiceries solidaires de son réseau, adhérentes au réseau, qui le souhaitent bien évidemment. Au-delà de cette redistribution de subventions, il y a aussi le fait de faire monter en compétence l'ensemble des équipes des épiceries solidaires, qui pour la plupart d'entre elles sont des équipes bénévoles. Notamment la formation a des aspects très spécifiques du métier des épiceries solidaires et de l'aide alimentaire. On peut parler de l'hygiène, de la sécurité alimentaire, de la traçabilité des denrées, mais aussi des formations à l'estime de soi, des formations à l'accueil du public et ainsi de suite.
- Speaker #0
Jean-Louis, est-ce que vous voulez compléter du coup avec la création du GESMIP ?
- Speaker #2
Oui, donc le GESMIP, c'est le petit, petit, arrière-petit-enfant de toutes ces grandes structures de l'aide alimentaire. On est dernièrement arrivé, c'était en 2010 exactement. Cela représentait à peu près les mêmes objectifs que l'ANDES. Et je ne vais pas réenchérir sur ce qui a été dit au niveau de l'accompagnement des publics. ... Ce qui nous a semblé important au niveau du GESMIP, c'était de mettre en avant, et on a ce slogan un petit peu, c'est la personne a de la valeur. C'est accueillir les personnes en difficulté d'une façon beaucoup plus digne, en leur laissant le choix aussi de l'alimentation, en leur permettant de donner une participation qui contribue aussi à leur valorisation, à leur dignité. Et ça, c'était très important. Et le fait qu'on se soit constitué en réseau régional part un peu du même principe, c'est-à-dire qu'entre structures locales, Ça a été intéressant pour nous, plus qu'intéressant, mais motivant de se retrouver ensemble pour mutualiser, coopérer, développer, échanger. Parce que aussi, chaque structure a ses capacités propres, ses qualités propres. Et le fait de les échanger aussi au service, bien sûr, des plus démunis, c'était aussi une façon pour nous de vivre la solidarité d'une façon encore plus complète, je dirais.
- Speaker #0
de retracer l'histoire de l'aide alimentaire. Est-ce que vous avez une réaction par rapport à tout ça, tout ce qu'on s'est dit ?
- Speaker #3
Oui, en termes de réaction, on voit que c'est un problème qui est continu dans l'histoire. La question de ceux qui n'ont pas de quoi se nourrir. On voit bien que c'est... Alors même que c'est un besoin fondamental de pouvoir se nourrir, la question au travers de l'histoire et au travers des sociétés s'est toujours posée pour les pouvoirs publics. alors elle s'est posée les réponses ont été différentes selon les époques on le voit, on voit qu'il y a une évolution vers justement une institutionnalisation de cette question là M. Pélisson l'a expliqué au cours du 19ème siècle notamment avec notamment des rapports sociaux qui évoluent et qui de fait vont structurer aussi cette question là et aujourd'hui on va dire qu'on entre aussi à partir des années 80 justement et de l'appel de Coluche et de l'émergence de Restos du Coeur sur aussi une dimension beaucoup plus systémique de l'aide alimentaire. Ce que j'entends par là, c'est qu'on va mobiliser des acteurs beaucoup plus larges, beaucoup plus variés. Ce n'est pas que l'affaire de l'État, des pouvoirs publics et puis des personnes qui ont faim. C'est l'affaire aussi de la société dans son ensemble. L'appel de Coluche résonne en ça surtout. Comment on mobilise le grand public autour de cette question-là et comment on mobilise aussi le secteur des entreprises comme je l'ai évoqué.
- Speaker #0
Merci Louis. Et vous, M. Pélisson, je me tourne vers vous. Qu'est-ce que cela vous évoque ?
- Speaker #4
De tout temps, je pense que dans le passé, c'était beaucoup lié au monde urbain. Contrairement à une idée répandue, on mourait beaucoup dans le monde urbain. Parce que les épidémies étaient évidemment plus fréquentes, parce que les incendies aussi, on peut penser aux grands incendies de Londres en 1609. Et donc, le monde urbain était un monde particulièrement fragile. Et comme il ne produisait pas suffisamment d'alimentation, même s'il y avait du maraîchage autour des villes, qui est en train de revenir d'ailleurs aujourd'hui, on réinvente le maraîchage urbain et périurbain. c'était les campagnes qui alimentaient les villes. Et donc, il fallait bien que les pouvoirs publics s'en occupent et organisent l'alimentation des villes. Alors, les villes en France étaient petites en dehors de Paris. Je citais tout à l'heure la ville de Rome qui faisait un million d'habitants sous l'Empire romain, c'était monstrueux. Donc, il y avait toute une flotte qui alimentait les villes. Mais donc, on voit bien que les pouvoirs publics n'ont jamais pu se désintéresser de ce sujet-là, parce qu'il y a toujours eu des riches et des pauvres, et des très pauvres qui crevaient de faim. Et deuxièmement, parce que la ville en tant que telle ne pouvait pas subvenir à ses besoins, d'où le besoin de s'organiser collectivement.
- Speaker #0
Vous avez aimé cet épisode dédié à l'histoire de l'aide alimentaire ? Vous voulez en savoir plus ? Eh bien, sachez que Copalimox Italie reste avec moi à mon micro pour le prochain épisode le mois prochain. On évoquera cette fois-ci les enjeux. actuel de l'aide alimentaire et les futurs envisageables. Si vous avez aimé ce podcast, n'hésitez pas à nous laisser un pouce ou un commentaire, à le noter 5 étoiles sur votre plateforme d'écoute préférée et en attendant, je vous souhaite de très belles fêtes de fin d'année. A bientôt sur Radio Copalime !