#32 Philippe Madec : vers une architecture frugale, heureuse et créative cover
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Sacrément Beau

#32 Philippe Madec : vers une architecture frugale, heureuse et créative

#32 Philippe Madec : vers une architecture frugale, heureuse et créative

52min |18/09/2023
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#32 Philippe Madec : vers une architecture frugale, heureuse et créative

#32 Philippe Madec : vers une architecture frugale, heureuse et créative

52min |18/09/2023
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Description

Bâtir des murs en harmonie avec la Terre - c’est la mission que s’est donné mon invité du jour.


Qu’il soit implanté en milieu rural ou urbain, le bâtiment frugal puise son inspiration dans les sols, l’air et se nourris des cultures environnante pour proposer une histoire à vivre à ses habitants. 


Pionnier d’une architecture et d’un urbanisme éco-responsable, mon invité du jour est architecte formé au Grand-Palais à Paris, et urbaniste. 

Il nous enseigne l’art de co-habiter avec la nature. 


Il est le co-auteur du manifeste pour une Frugalité heureuse et créative dans l'aménagement des territoires urbains et ruraux. Un mouvement créé en 2018, et soutenu par plus de 15 000 personnes issues du monde des bâtisseurs. 


Il est aussi l’auteur du livre intitulé « Mieux avec moins » aux éditions Terre Urbaine. 

Un essai qui présente les urgences écologiques dans le domaine de l'architecture et des territoires, et qui prône la pratique d’une intelligence collective au service d’une architecture plus juste. 


J’ai la grande joie de recevoir sur Ma déco fait boum, Philippe Madec.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la saison 3 de Madécofé Boom, le podcast qui parle d'intérieur, qui fait battre le cœur. Je suis Leïla Fégoul, la fondatrice de ce podcast et communiquante au service du vivant. Madécofé Boom est un média indépendant qui porte la voix de celles et ceux qui œuvrent chaque jour pour créer des lieux de vie durables et désirables. Au fil des épisodes, je vous emmène avec moi faire la rencontre de personnalités engagées et porteuses de projets à séance pour aborder des sujets inspirants. autour du cadre de vie et de l'impact de nos environnements sur nos états d'être. Ici, mes invités bousculent le beau et l'architecture conventionnelle. Design, bien-être et histoire de nos décors, cheminons ensemble vers une conscience de ce qui nous entoure et désirons ce qui nous rend vivants, à l'intérieur pour l'extérieur. Bâtir des murs en harmonie avec la terre, c'est la mission que s'est donnée mon invité du jour. Qu'il soit implanté en milieu rural ou urbain, le bâtiment frugal puise son inspiration dans les sols, l'air, et se nourrit des cultures environnantes pour proposer une histoire à vivre à ses habitants. Pionnier d'une architecture et d'un urbanisme éco-responsable, mon invité du jour est architecte formé au Grand Palais à Paris et urbaniste. Il nous enseigne l'art de cohabiter avec la nature. Il est le co-fondateur du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative dans l'aménagement des territoires urbains et ruraux, un mouvement créé en 2018 et soutenu par plus de 15 000 personnes issues du monde des bâtisseurs. Il est aussi l'auteur du livre intitulé Mieux avec moins aux éditions Terre Urbaine, Un essai qui présente les urgences écologiques dans le domaine de l'architecture et des territoires et qui prône une intelligence collective au service d'une architecture plus juste. J'ai la grande joie de recevoir sur le podcast de Madeco Feboom, Philippe Madec. Bonjour Philippe, comment allez-vous ?

  • Speaker #1

    Bonjour, je vais très bien, je vous remercie pour cette invitation.

  • Speaker #0

    Je vous remercie à vous de l'avoir accepté, merci d'être là. Alors je vous propose de commencer cette interview avec ma première question. Alors, je l'ai dit en introduction, vous êtes le co-auteur du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative. Alors, je ne vais pour l'instant pas m'arrêter sur le terme de frugalité, même si je pense qu'on reviendra dessus un peu après. Je préfère m'attarder un instant sur celui de créativité. Alors, ma question la voici. Quel rôle joue la créativité pour la frugalité ? Pourquoi est-ce que vous faites rimer frugalité et créativité, justement ?

  • Speaker #1

    En fait, nous vivons une période historique. très singulière et qui demande, pour réussir à s'extraire de l'héritage du modernisme, pour réussir à s'extraire de l'héritage du XXe siècle, qui demande de l'intelligence créative, qui demande une capacité d'innovation, d'invention, de solution adéquate, légère et efficace, et partager pourquoi la créativité est indispensable et la frugalité autorise. cette créativité. Elle l'autorise à au moins deux titres. Le premier est que la frugalité est une écologie. Nous nous attachons à ménager ce qui est là et c'est aussi une économie. Nous savons faire mieux avec moins. Et donc, mettez ensemble cette économie, cette écologie, ménagez le monde déjà là en faisant mieux avec moins. Et vous comprendrez que tout ça est évidemment l'objet d'une nécessaire créativité pour se sortir de la surconsommation du XXe siècle, de la perte de gaz de gîte dont nous sortons.

  • Speaker #0

    Et alors si on revient un instant sur le mot de frugalité, est-ce que vous pouvez nous l'expliquer ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est un mot qui pour nous est évidemment très porteur de sens. Il y a... Il y a maintenant 5 ans, avec Alain Bornarelle et Dominique Vosin-Muller, quand on a décidé d'écrire ce manifeste pour une frugalité rose et créative, nous aurions pu utiliser le mot de sobriété, par exemple, puisque Pierre Rabhi... des colibris qui utilisent la sobriété heureuse, que Ivan Ilyich, dans les années 60, parlait de sobriété volontaire, et qu'une autre association parmi nos amis, qui s'appelle Negawalt, parle de sobriété énergétique. Mais en fait, le mot sobriété, pour nous, ne portait pas une joie absolument nécessaire pour construire un récit d'avenir, et on le voit très bien en ce moment. On voit à quel point le monde politique et le monde économique s'est emparé du mot sobriété pour en faire une injonction. Il faut moins consommer, il faut moins émettre de CO2. Mais on ne fabrique pas un récit d'avenir autour d'une injonction. Il fallait trouver quelque chose de porteur d'espoir. Et l'infrigalité a cette grande qualité, c'est que ça n'est pas se serrer la ceinture, l'infrigalité. L'infrigalité... c'est la récolte des fruits de la terre. En fait, frugalité vient du latin frux frugis, qui veut dire le fruit, et frugal veut dire la récolte du fruit de la terre. Et cette récolte est fructueuse, c'est la même origine, fruit, fructueuse, quand elle ne blesse pas la terre et quand elle rassasit ceux qui la font. Voilà pourquoi, pour nous, évidemment, la frugalité qui parle de cet élan vital de la nature, qui produit des fruits, et qui produit des fruits à notre attention. Cette notion de frugalité nous semblait porteuse du récit d'avenir que nous souhaitions.

  • Speaker #0

    Les mots sont importants, Philippe, dans ce genre de combat, d'ambition que vous menez ?

  • Speaker #1

    Oui, les mots sont importants. Je suis aussi écrivain et c'est parce que j'aime les mots que je le suis. Et ici, oui, choisir frugalité et pas sobriété, ça porte évidemment une... On a une orientation d'avenir, une orientation historique qui est très différente.

  • Speaker #0

    Alors revenons un instant sur ce manifeste. Alors de quoi s'agit-il exactement ? Et deuxième question en plus de celle-ci, comment ce manifeste ? Se manifeste-t-il justement de manière concrète au sein du groupe des personnes qui adhèrent aujourd'hui à ces valeurs ?

  • Speaker #1

    En fait, quand on a écrit ce manifeste, on voulait... On voulait au moins faire deux choses. La première, c'était reconnaître la responsabilité du monde des bâtisseurs dans le dérèglement global. Et finalement, assumer la responsabilité de ce rôle désastreux des bâtisseurs. Le rôle des bâtisseurs est de créer un abri heureux, un abri serein pour les hommes sur Terre. Et au-delà de tout ça... Pendant le modernisme, les bâtisseurs ont détruit la planète, ont absolument changé pour le pire le visage de la planète. Nous voulions assumer cette responsabilité et dire qu'il y a d'autres voies pour faire l'établissement humain, pour construire cet établissement humain sur Terre, et que ces autres voies-là, ce ne sont pas des utopies, ce ne sont pas des voies qu'il va falloir ouvrir, elles sont déjà ouvertes. Elles sont déjà empruntées et elles suivent, on va dire, quatre chemins. Il est nécessaire d'être frugal en matière, il est nécessaire d'être frugal en technologie, nécessaire d'être frugal en énergie et nécessaire d'être frugal en territoire. Donc cette position est une position de bâtisseur et je pense que c'est aussi une des forces de notre manifeste. Nous n'essayons pas de faire un mouvement... juste pour pouvoir rassembler les gens, nous rassemblons effectivement des gens qui ont la même ambition et qui, en fait, ne savaient pas qu'ils étaient peut-être aussi nombreux, parce qu'ils étaient souvent solitaires et dans la difficulté de leur métier, ils ne savaient sans doute pas qu'ils étaient aussi nombreux et qu'ensemble, ils pourraient arriver à faire changer des choses. Donc voilà, quand on a lancé ce manifeste, ce qui s'est manifesté, pour reprendre votre réemploi deux fois du mot manifeste, le manifeste a manifesté qu'il existe un peuple de l'afro-gayité, qu'il existe un peuple nombreux de gens engagés pour faire autrement la construction de l'établissement humain.

  • Speaker #0

    Alors, on va revenir un instant sur la notion de responsabilité des bâtisseurs. Alors, comme je l'ai dit dans l'introduction, vous êtes l'auteur du livre Mieux avec moi donc aux éditions Terre Urbaine. Je pourrais mettre les informations de ce livre dans les notes de cet épisode. En tous les cas, le premier chapitre de votre livre, il s'intitule Les bâtisseurs aux bandes des accusés Comment vous expliquez qu'on ait attendu aussi longtemps pour... pour parler de la responsabilité des bâtisseurs dans la préservation de notre environnement, parce qu'on a un petit peu l'impression que le sujet est très médiatisé seulement depuis ces quelques dernières années. Oui,

  • Speaker #1

    c'est très juste. Je dois dire que je n'ai pas la réponse à la question que vous posez, mais juste des intuitions. C'est seulement en 2018 que l'ONU annonce que l'impact du monde de la construction correspond à 40% des émissions de gaz à effet de serre. Ce 40% c'est quand même important, et vous ajoutez à ça des déplacements qui sont liés à l'urbanisme, et vous voyez bien que... Mon métier d'architecte et d'urbaniste me met en situation d'être responsable de plus de 60% des émissions de gaz à effet de serre. Alors cette conscience mondiale, elle est différente des consciences individuelles, puisque des pionniers dans notre métier, il en existait déjà, mais au niveau mondial, il faut comprendre que le seul sommet onusien, le seul sommet de l'ONU qui ne se tient que tous les 20 ans, c'est le sommet qui s'appelle Habitat. C'est-à-dire que le seul sommet où on parle de l'établissement humain, c'est-à-dire de ce qui est le quotidien des êtres sur Terre, où est-ce que j'habite, comment j'habite et dans quoi j'habite, n'était débattu que tous les 20 ans. Donc 1976, 1996, 2016. Donc vous imaginez, chaque fois il s'est passé quelque chose. Et donc pendant ce temps-là, d'une certaine manière, au niveau mondial, on ne mettait pas en avant suffisamment le... poids des bâtisseurs dans le dérèglement mondial. Alors après, vous savez, les lobbies, ça existe. Les lobbies qui sont liées au monde de la construction sont présents partout et je pense qu'ils ont continué à faire leur travail comme ils continuent à le faire aujourd'hui pour éviter que l'on parle de cet impact-là qui rapporte beaucoup d'argent par ailleurs.

  • Speaker #0

    Et alors, qu'est-ce qui se joue sur le plan humain et social selon vous dans l'expérience d'une telle frugalité de manière générale ?

  • Speaker #1

    Bon, vous savez, le... C'est terminé le temps où on pensait que l'écologie c'était pour les bobos, et que les écoquartiers c'était pour les bobos. C'est fini cette chose-là. J'ai livré, il y a maintenant 4 ans, et je suis en train d'écrire un livre d'ailleurs à ce sujet, j'ai livré un écoquartier qui s'appelle les Noé à Val-de-Reuil, les Coamodé-Noé à Val-de-Reuil, qui est un écoquartier entièrement de logement social, en accession et en location. Et quand il y a eu les crises des nuées jaunes, vous vous souvenez du slogan fin du mois ou fin du monde les radios et les télévisions sont arrivées dans cet éco-village dénoué parce qu'il était connu que les gens qui habitent dans ces logements ne payent pas de chauffage. La conception a été tellement bien faite qu'on a eu une bonne orientation qui apporte... une solarisation gratuite, une bonne isolation par extérieur, une bonne inertie à apporter au logement. Les gens en hiver n'ont pas vraiment besoin d'utiliser leur chauffage. Et l'eau chaude est produite par une chaufferie collective au bois. Et donc, Libération est venue sur place et a aussi considéré que c'était une vraie solution qui était à apporter là, et a très bien montré que voilà le... L'enjeu, pour faire en sorte que ceux qui sont dans le besoin vivent plus heureux, l'enjeu consiste à faire en sorte que l'on ait moins besoin de se chauffer pour pouvoir vivre des revenus que l'on a et de ne pas être déçu suite à une mauvaise conception des logements dans lesquels on habite. C'est vrai pour le trop chaud. l'été ou trop froid l'hiver. Donc l'enveu, c'est vraiment de faire en sorte que tout ce travail-là aide surtout les plus démunis, aide tout le monde évidemment, mais aide aussi et ne laisse pas sur le bas-côté de la route les plus démunis, mais bien au contraire.

  • Speaker #0

    Alors, vous avez pu raconter une anecdote intéressante dans une autre interview que vous avez donnée. Je crois que votre grand-père était sourcier. Vous racontez qu'il vous a un jour mis entre les mains une baguette de coudrier, et ce jour-là, vous comprenez que vous êtes traversé par les ondes telluriques. Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui s'est joué ? Qu'est-ce qui s'est passé à cet instant pour vous ?

  • Speaker #1

    En fait, vous réalisez qu'il se passe dans votre main quelque chose que vous ne décidez pas, alors que grosso modo, vos mains ne servent qu'à faire des choses que vous décidez. Et là, il se passe quelque chose que je ne maîtrise pas. Et donc, je comprends. que finalement ce qui est en train de s'exprimer dans ce bâton, c'est que nous sommes tous traversés par les ondes telluriques. Et que donc la nature est toujours là, même dans les secteurs les plus... artificialisés sauf on va dire dans des cases de faraday partout la nature est là et si vous voulez un autre exemple que les ondes telluriques c'est le temps le temps c'est la vie le temps c'est une expression de la nature et le temps nous traverse donc accepter simplement de comprendre cette relation intime À la nature, ça m'a été donné quand j'étais jeune. J'avais à la fois un grand-père meunier qui faisait son électricité à partir de la chute d'eau de l'étang, et j'étais fils d'ostriculteur. Et donc la marée, deux fois par jour, c'était une façon pour la nature de se rappeler à mon bon souvenir, mais je n'en avais pas besoin.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, quelle est la marge de manœuvre des architectes ? pour aller vers des projets plus frugaux, c'est-à-dire dans quelle mesure ils sont décisionnaires concernant les grandes orientations un peu stratégiques d'un projet qui serait vertueux, parce qu'on pourrait penser qu'ils seraient comme des garde-fous d'une réglementation en la matière, par exemple.

  • Speaker #1

    S'ils décidaient, et ce sont les architectes qui portent ces choix-là, bien sûr qu'ils discutent avec leur maître d'ouvrage, mais ce sont les architectes qui font les propositions. décider de n'utiliser le béton qu'au minimum pour ce qu'il essaie de faire sans autre possibilité, par un autre matériau, c'est un pouvoir des architectes. Et puis, vous savez, les architectes sont des êtres libres, et ils sont tout à fait capables de dire non quand on leur impose de faire quelque chose. à l'absolue conscience que ça détruit la planète. Donc individuellement, ils peuvent répondre, et je pense que tous ceux qui ont signé le manifeste de la priorité aux éclatifs ont cette ambition-là. Collectivement, ils peuvent faire changer les lois. Une association qui s'appelle l'ICEP, qui est l'Institut pour la construction environnementale du bâtiment, a fait deux ouvrages magnifiques il y a une dizaine d'années maintenant qui s'appellent Hors la loi pour faire changer les lois parce que finalement, ce que nous savons faire depuis si longtemps, petit à petit, est regardé et rendu possible. Par exemple, je fais de la ventilation naturelle dans mes bâtiments en métropole depuis 2002. Et la ventilation naturelle n'était, on va dire, pas intégrée dans les réglementations, voire un peu combattue, voire encore un peu interdite dans certains cas de figure. Maintenant, avec le permis de faire ou le permis d'innover, porté par des lois, il y a la possibilité de déroger en matière de structure, en matière d'accessibilité, en matière de ventilation, etc. Donc même la loi nous donne la possibilité de faire autrement, bien sûr dans des contextes de garantie. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi et faire en sorte que la sécurité publique soit mise à... mis à mal. Tout ça se fait avec des gens qui sont des gens sérieux, qui sont des gens qui ont un engagement par rapport à l'avenir et un engagement par rapport aux sociétés dans lesquelles ils travaillent. Je vais vous donner un exemple. À l'heure actuelle, j'ai lancé une pétition pour baisser les taux de TVA sur les matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi, de telle manière que ces matériaux qui, aujourd'hui, sont chers, ne soient plus ne soient pas plus chers que les matériaux qui, eux, ne sont pas vertueux et issus de la pétrochimie. Donc ce travail autour d'une pétition est là pour faire changer les choses, et on va aller jusqu'au bout de cette histoire. Et puis après, il y a des projets. Par exemple, et c'est le second exemple, je vais me dire deux fois exemple, voire trois fois maintenant, je réalise à Bordeaux des logements collectifs, des logements sociaux collectifs, dans lesquels il n'y a pas du tout... de système de ventilation. Rien, rien, rien. Pas de système de VMC, comme on dit, simple flux ou double flux, pas de système de ventilation naturelle assistée contrôlée, ni simple flux, ni double flux, rien. En fait, tout ça est rendu possible parce que j'ai dessiné des logements qui ont des fenêtres dans toutes les pièces. Les logements sont tous traversants. Et deux, il y a des fenêtres dans toutes les pièces, y compris dans les WC, dans les salles de bain, dans les cuisines et bien sûr les chambres et les séjours. Ce dispositif qui est un dispositif de bonheur, ça rend quand même heureux les gens le matin d'aller vers la lumière plutôt que dans deux placards. Aujourd'hui, dans les logements neufs, les WC et les salles de bain sont des placards. Ce dispositif qui rend les gens heureux. et qui donne un air sain, bien sûr, c'est une proposition d'un architecte avec un ingénieur, Alain Bonnarelle de Tribus, le co-auteur du Manifeste de la frugalité heureuse et créative. Mais tout ça n'est rendu possible que parce qu'on a l'accord du ministère de la Santé, il s'agit bien de la santé publique avec la qualité de l'air, et que tout ça reçoit aussi l'accord du... du ministère de l'écologie, et qu'on est suivi par des organismes qui vont instrumenter le projet de telle manière de montrer que les gens y vivent bien et pas du tout dans des conditions désastreuses. Donc vous voyez le rôle de l'architecte est de ce niveau-là. À la fois il rédiste et en même temps il fait des propositions.

  • Speaker #0

    Peut-on parler... de frugalité heureuse et créative à tout le monde ? Est-ce que toutes les catégories sociales peuvent recevoir et appréhender ce concept de la même manière ? Je pose cette question pour une raison bien précise, c'est qu'on sait que parmi les personnes qui subissent directement ce réchauffement climatique et les atteintes à la nature qui sont engendrées par nos excès de consommation, on retrouve très souvent des personnes aux revenus modestes qui sont d'ailleurs les premières victimes de cette pollution, des risques pour leur santé, et en général, ce sont des personnes qui n'ont pas de... toujours choisi les lieux où elle habite aujourd'hui. Est-ce que le discours faire mieux avec moins est-il entendable dans ces cas-là ?

  • Speaker #1

    Plutôt, oui. Donc, l'enjeu, c'est le mieux. Le moins, c'est juste des outils. Donc, mieux, c'est l'enjeu. Le mieux, c'est qu'il faut que les logements, y compris les logements sociaux, soient isolés par l'extérieur. avec de bonnes fenêtres et qu'il soit avec des protections solaires pour l'été, de telle manière que ceux qui y habitent ne se retrouvent pas dans des situations d'inconfort terribles. Vous savez que certains logements sociaux, qui sont dans des bars et qui sont mono-orientés à l'ouest, font que le soir il fait 50 degrés dans les logements, et que les gens ne peuvent pas vivre dans ces logements-là parce que ce sont des bouilloires thermiques. Donc ni passoire thermique, ni bouilloire thermique, il faut... réussir à faire une isolation en utilisant moins de technologies, plus de technologies, on va dire, robustes, de telle manière que les gens vivent mieux. La question, ce n'est pas de faire en sorte que les gens soient malheureux. On est dans une logique qui est celle d'un rapport du Club de Rome de 1997 qui s'appelait Facteur 4 dont le sous-titre, c'est Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources Il n'y a pas d'autre projet d'avenir que celui-là. Deux fois plus de bien-être, c'est ce que je vous dis. y compris pour les gens qui sont dans des bars et dans des tours malheureux, dans des passoires thermiques et des bouilloires thermiques. Et on sait très bien que maintenant, nous ne pouvons pas arriver vers ce mieux-être qu'en utilisant de formes de ressources.

  • Speaker #0

    Les politiques font-elles suffisamment sur le sujet, selon vous, aujourd'hui, Philippe ?

  • Speaker #1

    Ça se saurait, non ? Non, il y a des choses qui sont totalement incompréhensibles. Il y a des milliards qui sont déversés par notre gouvernement pour dépolluer des sites industriels. Mais des milliards, je ne sais pas si vous avez vu passer ça, c'était l'année dernière, des grandes annonces sur 50 sites industriels pollueurs. Les plus pollueurs de France reçoivent des milliards de l'État pour être moins pollueurs. Vous savez qui c'est, ces sites ? 28 sites sur les 25 ans sont des cimenteries, donc Lafarge, Vicard, etc. Les autres, ce sont des sites issus de la pétrochimie, donc chimie, enfin à la fois des sites pétroliers et des sites de la pétrochimie. Est-ce que vous pensez vraiment que les fabricants de ciment et ceux qui font de l'essence, ceux qui vivent de la pétrochimie, ont besoin de nos milliards à nous pour se dépolluer ? Ces milliards-là devraient être... données, mises en place, utilisées pour la réhabilitation systématique du bâti en France.

  • Speaker #0

    Alors, vous parlez souvent d'architecture bioclimatique, c'est un de vos sujets de prédilection. Alors déjà, dans un premier temps, pouvez-vous nous rappeler ce qu'est l'architecture bioclimatique ? Et puis, deuxième question, peut-on encore la pratiquer aujourd'hui quand on sait que les conditions climatiques d'hier ne sont plus celles d'aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    L'architecture bioclimatique... c'est une architecture qui se sert de ce que l'environnement lui apporte. C'est une architecture qui vient chercher le soleil pour la lumière, pour la chaleur. Il va chercher l'ombre des arbres alentours. Il va chercher la fraîcheur du sol, si nécessaire, pour l'été. qui va chercher les vents pour être ventilé de belle manière. Donc cette architecture-là se dessine sans effort technologique. C'est juste un travail de coupe et de plan, et d'intelligence des conditions de contexte. La conception de l'eau climatique ne coûte rien. Vous voyez, c'est juste une façon de faire intelligente, une façon de regarder les plans qui intègrent les conditions de contexte. L'architecture bioclimatique en tant que champ de l'architecture apparaît dans les années 60 aux États-Unis. Et l'architecture bioclimatique va évidemment aussi étudier des dispositions qui sont issues de ce qu'on appelle l'architecture vernaculaire, c'est-à-dire l'architecture traditionnelle, celle construite par les gens, pour les gens dans les villages de pays de plus de 10 siècles. Mais l'enjeu...... du bio-climatique, ça n'est pas de reproduire exactement le vernaculaire d'hier puisque les conditions historiques dans lesquelles nous vivons aujourd'hui nous permettent de nous nourrir d'une intelligence des anciens mais nous avons des choses beaucoup plus complexes à régler et donc l'architecture bio-climatique, par exemple, quand elle doit faire une réhabilitation de barres et de tours vous comprenez bien que ce n'est pas une chaumière normande qui va l'aider beaucoup. Oui, cette posture bioclimatique passive, finalement, comme on dit, c'est une architecture pensée intelligemment, bien isolée, bien ventilée, bien solarisée, bien protégée du soleil. C'est la base. J'ai même tendance à dire aujourd'hui, il n'y a pas d'architecture qui ne soit pas bioclimatique, ou autant ce n'est pas de l'archive.

  • Speaker #0

    Quelle est la différence, s'il existe une différence d'ailleurs, avec l'architecture biomimétique ?

  • Speaker #1

    Alors, bioclimatique, dans tout... Si vous voulez, bio, ça veut dire la vie, donc tout ça est lié au vivant, bien entendu. Alors, il y a biomimétique, puis je rajouterais un mot qui est bio-inspiré. Alors, biomimétique, c'est vous regardez des dispositions qui sont des dispositions dans la nature et vous les reproduisez quasiment telles quelles. Par exemple, c'est ce qu'on appelle le dôme géodésique, qui est une invention qui est faite, à mon avis, dans les années 60. du siècle passé par Bugminster Fuller, où il a regardé comment les assemblages pouvaient se faire à partir de petits éléments dans les yeux des abeilles, dans plein de dispositifs naturels, et il a reproduit pour faire une structure, il a reproduit cette forme. Donc ça, c'est du biomimétisme. Il y a là une inspiration. le réemploi quasiment direct d'une technique. Donc le biomimétisme existe, se retrouve en médecine, se retrouve dans des techniques y compris pour faire des cols et des adhésifs, etc. Donc on va dire que l'industrie se nourrit du biomimétisme. Nous, dans la frugalité, on est plutôt bio-inspiré. Vous savez, la façon dont la nature gère le vivant est frugale. Et c'est ce qui nous inspire, la nature n'utilise pas plus que ce dont elle a besoin, la nature recycle tout, la nature est pour la coopération, etc. Donc oui, nous nous sommes bio-inspirés, mais certains d'entre nous, peut-être, ont du biomimétisme, mais en ce qui concerne le bio-climatique, ça n'est pas un enjeu direct du biomimétisme. Même s'ils ne s'interdisent pas, évidemment.

  • Speaker #0

    Alors, on voit de plus en plus apparaître des manières alternatives d'habiter. On pense, par exemple, au co-living, pour n'en donner qu'un seul exemple, comme ça. On décide, en fait, de partager des lieux en commun. Du coup, quel est l'avenir de la maison individuelle aujourd'hui ? La frugalité laisse-t-elle plus de place, finalement, à une forme de mutualisation par rapport à... à une privatisation ? Est-ce que c'est une rupture avec l'individualisme qu'on connaît ?

  • Speaker #1

    Ah oui, on le voit bien, mais d'une certaine manière, ce n'est pas la frugalité qui le promeut, c'est l'histoire, même, aujourd'hui.

  • Speaker #0

    les jeunes générations n'ont pas de souci pour inviter dans des habitats partagés plutôt que d'avoir chacun son appartement seul dans un coin. Tous les projets qu'on appelle, vous parlez du colibri, mais il y a aussi tous ces espaces portés par les colibris par exemple, d'habitats partagés en fait, c'est le nom qui convient. font en sorte que les gens à la fois ont leur propre logement, mais ils ont aussi dans l'ensemble qui les habite des éléments, des pièces qui sont mutualisées. J'ai récemment livré à Bordeaux aussi un habitat coopératif, comme on dit, qui a été dessiné avec douze familles. Et parmi les endroits qu'ils ont souhaités à partager ensemble, il y avait des très larges coursives, ils voulaient que les enfants puissent jouer sur les coursives. Il y a un espace collectif, qui est un espace avec une possibilité de cuisine, pour faire des réceptions que l'on ne peut pas faire dans sa maison, ou même pour inviter des gens d'extérieur. Il y a une chambre d'amis qui est partagée. Vous avez besoin d'inviter vos parents, par exemple, ou des amis. et vous n'avez pas la place dans votre appartement. Donc il y a une pièce qui sert à ça, qui est un studio, qui est partagé. Les espaces de jeu sont comme ça. Il y a une très grande terrasse collective qui est aussi partagée. Aujourd'hui, le partage est une vertu qui est très puissante et qui fait que les gens réalisent qu'ils n'ont peut-être pas les moyens de s'acheter tout ce qu'ils voulaient et que le partage autorise une qualité de vie. des fois plus de bien-être en consommant de formes et de ressources. Vous voyez, ça se joue aussi à ce niveau-là.

  • Speaker #1

    Il y en a beaucoup des projets comme ça, Philippe. C'est vrai que quand je vous entends parler, je me dis que c'est absolument formidable de voir naître des projets d'architecture comme ça, d'ailleurs que ce soit pour des logements sociaux ou pour des logements qui ne font pas partie de cette catégorie-là. Mais est-ce qu'il y en a beaucoup aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Ce principe coopératif existe beaucoup en Suisse. Je pense que la majorité des logements suisses sont coopératifs, figurez-vous. En tout cas, ils sont portés par des coopératifs. En France, c'est de plus en plus important. On en trouve vraiment partout. Je ne vais pas vous dire que c'est la majorité de ce qui se fait. Bien au contraire, on n'y est pas encore. Mais ces logements coopératifs, écoutez, je... Je connais plein de mes amis architectes et signataires de la friabilité qui en ont réalisé et qui continueraient à le faire. Pour ma part, après avoir terminé le projet qui s'appelle Bon Pati à Bordeaux, mon atelier est en train de concevoir un ensemble plus important de logements de ce type-là à Angers, dans le quartier des Bretonnières. Et on a les familles qui sont là, les réunions se font ensemble. Quand on est arrivé au projet, tout le monde est ému d'avoir réussi à trouver une solution qui convienne. Et on n'attend plus qu'une seule chose, c'est que le chantier se construise, et que peut-être ils mettent la main à la pâte, et qu'au bout du compte, ils aient des conditions de vie qui fonctionnent très bien. En fait, une des clés de ces logements coopératifs, c'est la présence des jeunes enfants, qui font du lien. pas simplement, très naturellement, entre les familles. Mais bien sûr, les familles qui font ce choix-là ont aussi un goût du partage. Pour répondre à votre question, c'est oui, il y en a davantage et beaucoup plus en France maintenant que comparé à vous.

  • Speaker #1

    Alors, j'ai remarqué qu'on vous posait souvent la question du coût, c'est normal. Évidemment, on se pose tous la question de est-ce que ça coûte moins cher, plus cher ? Bon, on sait que globalement... Peut-être qu'aujourd'hui, c'est encore un petit peu plus cher que lorsqu'on décide de construire en polluant. Cela dit, quand on vous pose la question de savoir si ça peut être plus avantageux financièrement, vous, vous parlez de mettre l'argent de manière stratégique sur le clos et le couvert. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Mais je veux revenir sur la question du coût. Tout à l'heure, j'ai évoqué avec vous la pétition de faire une baisse de la TVA. concernant les matériaux biosourcés, géosourcés et doréants. Bon, il est vrai qu'aujourd'hui, vous n'avez pas plus cher qu'un mur construit en parpaing, isolé en polystyrène et avec une menuiserie en PVC et avec un enduit plastique à l'extérieur. Tout ça est issu de la pétrochimie et ça ne coûte pas cher. Et ce ne sont pas des matériaux vertueux, c'est des matériaux catastrophiques. Les matériaux vertueux, eux, ne sont pas produits de manière industrielle, souvent sur les matériaux locaux, donc ils coûtent plus cher que les matériaux non vertueux. Moi, mon idée, c'est qu'il faut qu'on arrive au durable, mais au prix du leu-table. Il faut qu'on réussisse à faire ce travail-là, et la fiscalité est un outil pour ça. Et donc, baisser la TVA, voire supprimer la TVA sur les matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi. permettrait qu'au moment où les gens font des choix d'investissement, ils puissent avoir un vrai choix sur la qualité des matériaux qu'ils veulent mettre en œuvre. Parce que l'enjeu réellement, ce n'est pas de comparer les matériaux, mais de comparer les projets. Le projet bioclimatique n'est pas comme le projet qui n'est pas bioclimatique. Le projet frugal n'est pas comme le projet qui n'est pas frugal. Qu'est-ce qu'un projet frugal aujourd'hui ? C'est un projet qui est prêt pour les 30 ans à venir, les 40 ans à venir, les 70 ans à venir. C'est un projet qui est prêt à résister à l'évolution du climat, dont on sait tous qu'elle va être terrible, puisque l'augmentation de plus 1,5 degré, qui était considérée comme une évolution à ne pas dépasser. et qui était l'enjeu pour la fin du siècle, on sait maintenant que c'est en 2030 qu'on va avoir dépassé plus 1,5 degré, et qu'à la fin du siècle, on sera plus proche de plus 2,8 degré, voire dans certains endroits, plus 4 degré. Et que donc ce qui est fait aujourd'hui ne peut pas être obsolète au moment où on le livre, ne peut pas être à ce point impensé. que ceux qui achètent ou ceux qui louent leur logement se trouvent dans des situations invivables. Donc, une fois qu'on a dit ça, une fois qu'on sait qu'il faut se préparer et ne pas gâcher son argent, on le met sur ce qui est le plus important, le clou et le couvert. Il ne faut pas que nous soyons obligés de réhabiliter les architectures que l'on fait, qu'on soit obligés de les réhabiliter dans 20 ans, dans 30 ans ou dans 40 ans. Il faut les préparer à ce qui va se passer. Et donc, il faut mettre l'argent sur le clos et le couvert, c'est-à-dire sur les murs, sur les sols, sur les toits, sur les fenêtres, sur les doublages, sur tout ça, sur les isolations, les protections solaires. C'est là que l'argent va être investi. Et tout de suite, il ne faut pas attendre. Le second œuvre... Lui, il peut changer. Ce n'est pas le second œuvre qui va faire changer beaucoup la capacité d'une maison à résister aux dérèglements climatiques. Donc, ce n'est pas sur le second œuvre qu'il faut investir le plus. Ou alors, il faut, il convient plutôt qu'il faut, il convient de réfléchir à une déco, à une décoration, à un aménagement intérieur. en se demandant comment est-ce que je peux faire aussi bien en utilisant moins de ressources. Ce qui est un enjeu très joyeux, c'est un enjeu très inventif. On parlait de la créativité tout à l'heure, vous avez là une des conditions de créativité essentielles. Il y a une grande architecte autrichienne qui s'appelle Anna Ehringer, qui est une des signatrices du Monde de la Foguille des Théoriques et des Créatives, et qui l'expliquait récemment à quel point il y avait du plaisir à se demander comment est-ce que je peux faire mieux. en utilisant moins de ressources. Ça devient un vrai jeu, et un jeu vital.

  • Speaker #1

    Alors justement, je vais rebondir sur ce que vous disiez sur la réhabilitation, vous en parliez, vous avez pu aussi parler dans d'autres interviews des fameuses réhabilitations, des rénovations, qui seraient évidemment préférables à la construction du neuf. La ville de demain, c'est donc celle qui est déjà là, devant nous, mais alors peut-on toujours tiré parti de l'ancien bâti, est-ce qu'il existe des limites à la rénovation ?

  • Speaker #0

    C'est la limite planétaire. Nos limites, c'est terminé. Aujourd'hui, on a une intelligence accrue du réel. Et donc, dans tous nos projets, que ce soit du neuf ou que ce soit de la réhabilitation, il y a des limites. Alors quelle est la limite qu'il y a dans la réhabilitation ? Peut-être la capacité de la structure à évoluer, à accepter d'autres surcharges par exemple. Mais c'est peut-être la seule que je vois. Pour le reste, on peut tout faire mieux avec moins dans le bâtiment existant. Et je dois vous dire que ce que c'est même... C'est même très... comment dire... Travailler sur l'existant permet d'inventer plus que quand on parle d'une fabule. Et quand vous travaillez sur l'existant, parfois vous travaillez sur des espaces que vous ne pourriez pas vous payer aujourd'hui, qui sont de beaux et grands espaces, et puis vous ne pourriez pas réaliser un certain nombre d'éléments qu'on ne sait plus faire aujourd'hui. Donc travailler sur l'existant, sur ce qui est déjà là... permet d'innover vraiment, et je suis en train de le faire à Paris, pour la médiathèque du 19ème arrondissement de Paris, qui s'appelle James Baldwin, et la première maison des réfugiés de Paris, où on a conservé tous les bâtiments du lycée Hôtelige d'Ancary, qui étaient présents sur place. Et en fait, ça nous a amenés à faire une architecture qui est aujourd'hui très lumineuse, très heureuse, très ouverte. Voilà, avec de grands espaces et même des surfaces plus grandes que ce dont on avait besoin. Non, travailler sur l'existant est une joie. Et effectivement, comme vous le disiez tout à l'heure, la ville de demain est déjà là.

  • Speaker #1

    Quand je vous écoute, Philippe, je remarque que vous utilisez beaucoup le champ lexical heureux joie joyeuse architecture joyeuse Il y a une raison à ça ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a... Bon déjà je fais un métier pour des gens qui veulent qu'on les rende heureux. Aucun de mes clients et de mes maîtres d'ouvrage ne me demande Fais-moi une architecture qui me rend malheureux Personne. Et puis c'est un métier qui est peut-être un métier difficile, mais qui donne des joies, de très grandes joies, quand on voit les gens qui entrent dans les lieux, qui les découvrent, qui se les approprient, ou même des gens qui collaborent avec nous au moment de la conception. C'est cette... Cette possibilité du partage, du faire ensemble, oui, pour le coup, c'est joyeux. Je ne vais pas vous dire que c'est tous les jours facile, un chantier, mais ça, on le sait tous. Mais voilà, l'architecture est un vecteur de bien-être, donc de bonheur. Bien-être et bonheur, c'est la même chose.

  • Speaker #1

    La frugalité mène-t-elle à une forme d'abondance ?

  • Speaker #0

    Oui. Et je dois vous dire que dans un premier temps, je ne m'y attendais pas à ce point-là, même si grosso modo je pressentais. En fait, une fois que vous vous êtes débarrassé de la monoculture du béton, du projet générique des modernes, le même bâtiment que vous pouvez construire aux quatre coins du monde, à partir du moment où il y a de l'énergie pour que la climatisation à l'intérieur fonctionne, une fois que vous laissez tomber... de côté ces solutions pré-mâchées, et que vous avez envie de trouver dans les lieux les ressources physiques et les ressources humaines qui sont disponibles, finalement c'est un panel incroyable de matière qui arrive. Il y avait le béton d'un côté, bon le béton est toujours là, qu'on ne peut pas faire autrement, mais vous retrouvez le bois, la pierre, la terre, les fibres. d'un seul coup on est face à une palette d'outils extrêmement grande. Et comme nous, nous ajoutons à ces matières solides de l'architecture, comme nous, nous ajoutons les matières fluides de l'architecture, qui sont la chaleur, l'air, la lumière, et que la rencontre entre ces matières fluides et ces matières solides démultiplie les possibilités, eh bien, on est là dans une abondance incroyable qui est en plus démultipliée par les climats, puisque quand vous faites une architecture bioclimatique, c'est à chaque climat que vous répondez, et qui est encore démultipliée par les sociétés, parce que nous, quand nous travaillons, nous ne travaillons pas en, comment dire, en fermé dans nos ateliers, nous travaillons avec les sociétés pour lesquelles nous sommes à l'aise. par lesquels nous sommes appelés à travailler. Et donc, vous voyez, ça n'en finit pas de se démultiplier, et jamais un de nos projets sont pareils. C'est impensable, ça n'a pas de sens. Ça voudrait dire qu'on a mal travaillé, qu'on n'a pas pris en compte les milieux, les lieux, les sociétés, enfin, toutes ces choses-là, qui est la grande richesse du monde. En fait, la Terre est d'une beauté infinie, mais cette beauté infinie, il faut accepter de la voir. Il faut accepter de voir ce qui est différent, il faut accepter de voir ce qui est divers, il faut accepter de se donner l'envie de travailler avec ces diversités-là. Et quand c'est fait, c'est de l'abondance. Ça déborde, en fait.

  • Speaker #1

    Vous me faites une parfaite transition pour ma prochaine question. Je vais de nouveau vous citer. Vous avez pu dire dans les médias, Ce qui est universel, c'est la différence, c'est une richesse, et cela passe par le rapport à la ressource. On ne construit pas nos bâtis de la même manière selon la culture, alors, Philippe ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. En fait, ce qui est intéressant de voir, c'est que... Les cultures sont aussi originaires ou trouvent leur origine ou leur raison dans une relation au contexte. La culture inuite n'est pas la culture des peules, parce que la manière de vivre la banquise n'est pas la même que celle de vivre le désert. Bien sûr, j'ai pris des choix très opposés, mais parce que même... Même, vous prenez la France et vous savez qu'on ne vit pas de la même manière en Méditerranée aujourd'hui, ou en Bretagne. Et en fait, les cultures naissent de cette relation-là, au milieu et au lieu. Et les architectures en sont aussi nées. Et donc oui, c'est ça, ne pas arriver avec des solutions toutes faites. arriver avec une vraie envie de découvrir les lieux dans lesquels vous êtes invité à travailler, ça demande de la bienveillance, je pense que ça demande de l'amour tout court, de comprendre ce qui se passe et d'avoir envie de faire en sorte que ça se passe mieux. Tout ça lie les cultures au milieu, aux géographies, au climat, aux sociétés. Et comme je vous l'ai dit tout à l'heure, cet assemblage culture, climat, géographie, société, se rejoue presque d'une commune à l'autre. Bon, j'exagère un peu là, mais pas tant que ça. Parfois dans une même commune, si vous avez un plateau et une vallée, dans la vallée, on ne vit pas comme sur le plateau.

  • Speaker #1

    Je crois que vous donniez un exemple d'architecture. Alors, je ne sais plus si c'était en Suède ou en tout cas les pays du Nord. Et vous preniez l'exemple des fenêtres, de la construction des fenêtres. La fenêtre est un parfait exemple justement de différence des cultures d'un territoire à l'autre en architecture.

  • Speaker #0

    Oui, c'est considérable. En fait, je comparais, et c'est une comparaison que je fais encore, je comparais une fenêtre en Hollande, dans les vieilles maisons hollandaises, et une fenêtre dans la Durance en France. Donc la fenêtre dans la Durance, c'est une fenêtre dans un mur en pierre. La fenêtre est mise à l'intérieur et elle est protégée par les volets. Et donc vous comprenez que la fenêtre qui est en retrait d'un mur épais en pierre, qui apporte de l'inertie avec des volets qui viennent devant pour apporter de l'ombre, tout ça est une façon d'écrire la relation que la société de la violence a avec son propre climat. Quand vous regardez une vieille architecture hollandaise, où les maisons sont en briques et les fenêtres sont au nu extérieur. Et elles ne sont pas protégées par les volets. Ce qui veut dire que les fenêtres hollandaises ne sont jamais dans l'ombre. Elles viennent en fait chercher le soleil dès que le soleil est possible. Elles ne laissent pas la neige s'installer sur la puce fenêtre. Et finalement, ça amène une très grande transparence. qui est d'ailleurs aussi une des qualités de la culture hollandaise. Et vous voyez à quel point... Je vous remercie d'avoir fait parler des fenêtres, parce que oui, les fenêtres sont des indicateurs extrêmement forts de cette présence culturelle dans la fabrication d'architectures.

  • Speaker #1

    Vous en parliez tout à l'heure en donnant quelques exemples des projets que vous avez menés, des projets coopératifs. Si on reprend un petit peu ces exemples-là, ces types de projets, est-ce que ces projets-là sont aussi l'opportunité de créer du lien social et plus de convivialité entre les individus ?

  • Speaker #0

    Le choix coopératif, c'est le choix de coopérer, c'est faire ensemble, c'est mettre toutes les énergies disponibles. les uns et les autres dans le sens d'un but commun. Oui, cette ambition, à la fois dans des projets de maison, mais aussi dans les projets de territoire, cette ambition de faire les choses de manière coopérative est une des caractéristiques de notre époque.

  • Speaker #1

    C'est aller vers une économie sociale et solidaire, c'est ça l'enjeu de la frugalité d'aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    La frugalité s'inscrit tout à fait dans cet objectif de l'économie sociale et solidaire, mais aussi de l'économie circulaire, de l'économie de la proximité, toute cette autre manière non internationale, non mondialisée de penser l'économie.

  • Speaker #1

    À qui s'adresse votre livre ?

  • Speaker #0

    Tous les gens, on vit des architectures. Tous les soirs, vous rentrez chez vous. et vous confiez au mur qui est à côté de votre lit, vous vous confiez. Et si vous n'avez pas cette possibilité de confiance, vous ne vous effondrez pas dans la nuit, vous en avez besoin pour vous réveiller en toujours humain. Et donc tout le monde a cette relation intime, profonde, nécessaire, vitale à l'architecture. Il y a cette relation individuelle et puis il y a cette relation collective. Il s'agit bien de la maison, mais il s'agit aussi de l'établissement humain. Le fait que nous sommes ensemble sur Terre, et donc tous ceux qui ont à la fois une conscience de leur être individuel et de leur être politique, de leur être social, peuvent trouver dans être avec moi, dans être avec moi, dans mieux avec moi, peuvent trouver des réponses, je pense.

  • Speaker #1

    C'est un joli lapsus, vous avez utilisé le mot être.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est mieux être.

  • Speaker #1

    Alors, nous arrivons à la fin de cet épisode de podcast et je vais donc vous poser une dernière question, Philippe. Quel message avez-vous envie de faire passer à nos auditrices et à nos auditeurs ?

  • Speaker #0

    On n'a pas de temps à perdre. On n'a pas de temps à perdre. Ce n'est pas pour demain, ce qu'on s'est dit, c'est pour maintenant.

  • Speaker #1

    Merci Philippe pour cet échange. C'était un plaisir de vous recevoir sur le podcast.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Leïla.

  • Speaker #1

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Description

Bâtir des murs en harmonie avec la Terre - c’est la mission que s’est donné mon invité du jour.


Qu’il soit implanté en milieu rural ou urbain, le bâtiment frugal puise son inspiration dans les sols, l’air et se nourris des cultures environnante pour proposer une histoire à vivre à ses habitants. 


Pionnier d’une architecture et d’un urbanisme éco-responsable, mon invité du jour est architecte formé au Grand-Palais à Paris, et urbaniste. 

Il nous enseigne l’art de co-habiter avec la nature. 


Il est le co-auteur du manifeste pour une Frugalité heureuse et créative dans l'aménagement des territoires urbains et ruraux. Un mouvement créé en 2018, et soutenu par plus de 15 000 personnes issues du monde des bâtisseurs. 


Il est aussi l’auteur du livre intitulé « Mieux avec moins » aux éditions Terre Urbaine. 

Un essai qui présente les urgences écologiques dans le domaine de l'architecture et des territoires, et qui prône la pratique d’une intelligence collective au service d’une architecture plus juste. 


J’ai la grande joie de recevoir sur Ma déco fait boum, Philippe Madec.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la saison 3 de Madécofé Boom, le podcast qui parle d'intérieur, qui fait battre le cœur. Je suis Leïla Fégoul, la fondatrice de ce podcast et communiquante au service du vivant. Madécofé Boom est un média indépendant qui porte la voix de celles et ceux qui œuvrent chaque jour pour créer des lieux de vie durables et désirables. Au fil des épisodes, je vous emmène avec moi faire la rencontre de personnalités engagées et porteuses de projets à séance pour aborder des sujets inspirants. autour du cadre de vie et de l'impact de nos environnements sur nos états d'être. Ici, mes invités bousculent le beau et l'architecture conventionnelle. Design, bien-être et histoire de nos décors, cheminons ensemble vers une conscience de ce qui nous entoure et désirons ce qui nous rend vivants, à l'intérieur pour l'extérieur. Bâtir des murs en harmonie avec la terre, c'est la mission que s'est donnée mon invité du jour. Qu'il soit implanté en milieu rural ou urbain, le bâtiment frugal puise son inspiration dans les sols, l'air, et se nourrit des cultures environnantes pour proposer une histoire à vivre à ses habitants. Pionnier d'une architecture et d'un urbanisme éco-responsable, mon invité du jour est architecte formé au Grand Palais à Paris et urbaniste. Il nous enseigne l'art de cohabiter avec la nature. Il est le co-fondateur du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative dans l'aménagement des territoires urbains et ruraux, un mouvement créé en 2018 et soutenu par plus de 15 000 personnes issues du monde des bâtisseurs. Il est aussi l'auteur du livre intitulé Mieux avec moins aux éditions Terre Urbaine, Un essai qui présente les urgences écologiques dans le domaine de l'architecture et des territoires et qui prône une intelligence collective au service d'une architecture plus juste. J'ai la grande joie de recevoir sur le podcast de Madeco Feboom, Philippe Madec. Bonjour Philippe, comment allez-vous ?

  • Speaker #1

    Bonjour, je vais très bien, je vous remercie pour cette invitation.

  • Speaker #0

    Je vous remercie à vous de l'avoir accepté, merci d'être là. Alors je vous propose de commencer cette interview avec ma première question. Alors, je l'ai dit en introduction, vous êtes le co-auteur du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative. Alors, je ne vais pour l'instant pas m'arrêter sur le terme de frugalité, même si je pense qu'on reviendra dessus un peu après. Je préfère m'attarder un instant sur celui de créativité. Alors, ma question la voici. Quel rôle joue la créativité pour la frugalité ? Pourquoi est-ce que vous faites rimer frugalité et créativité, justement ?

  • Speaker #1

    En fait, nous vivons une période historique. très singulière et qui demande, pour réussir à s'extraire de l'héritage du modernisme, pour réussir à s'extraire de l'héritage du XXe siècle, qui demande de l'intelligence créative, qui demande une capacité d'innovation, d'invention, de solution adéquate, légère et efficace, et partager pourquoi la créativité est indispensable et la frugalité autorise. cette créativité. Elle l'autorise à au moins deux titres. Le premier est que la frugalité est une écologie. Nous nous attachons à ménager ce qui est là et c'est aussi une économie. Nous savons faire mieux avec moins. Et donc, mettez ensemble cette économie, cette écologie, ménagez le monde déjà là en faisant mieux avec moins. Et vous comprendrez que tout ça est évidemment l'objet d'une nécessaire créativité pour se sortir de la surconsommation du XXe siècle, de la perte de gaz de gîte dont nous sortons.

  • Speaker #0

    Et alors si on revient un instant sur le mot de frugalité, est-ce que vous pouvez nous l'expliquer ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est un mot qui pour nous est évidemment très porteur de sens. Il y a... Il y a maintenant 5 ans, avec Alain Bornarelle et Dominique Vosin-Muller, quand on a décidé d'écrire ce manifeste pour une frugalité rose et créative, nous aurions pu utiliser le mot de sobriété, par exemple, puisque Pierre Rabhi... des colibris qui utilisent la sobriété heureuse, que Ivan Ilyich, dans les années 60, parlait de sobriété volontaire, et qu'une autre association parmi nos amis, qui s'appelle Negawalt, parle de sobriété énergétique. Mais en fait, le mot sobriété, pour nous, ne portait pas une joie absolument nécessaire pour construire un récit d'avenir, et on le voit très bien en ce moment. On voit à quel point le monde politique et le monde économique s'est emparé du mot sobriété pour en faire une injonction. Il faut moins consommer, il faut moins émettre de CO2. Mais on ne fabrique pas un récit d'avenir autour d'une injonction. Il fallait trouver quelque chose de porteur d'espoir. Et l'infrigalité a cette grande qualité, c'est que ça n'est pas se serrer la ceinture, l'infrigalité. L'infrigalité... c'est la récolte des fruits de la terre. En fait, frugalité vient du latin frux frugis, qui veut dire le fruit, et frugal veut dire la récolte du fruit de la terre. Et cette récolte est fructueuse, c'est la même origine, fruit, fructueuse, quand elle ne blesse pas la terre et quand elle rassasit ceux qui la font. Voilà pourquoi, pour nous, évidemment, la frugalité qui parle de cet élan vital de la nature, qui produit des fruits, et qui produit des fruits à notre attention. Cette notion de frugalité nous semblait porteuse du récit d'avenir que nous souhaitions.

  • Speaker #0

    Les mots sont importants, Philippe, dans ce genre de combat, d'ambition que vous menez ?

  • Speaker #1

    Oui, les mots sont importants. Je suis aussi écrivain et c'est parce que j'aime les mots que je le suis. Et ici, oui, choisir frugalité et pas sobriété, ça porte évidemment une... On a une orientation d'avenir, une orientation historique qui est très différente.

  • Speaker #0

    Alors revenons un instant sur ce manifeste. Alors de quoi s'agit-il exactement ? Et deuxième question en plus de celle-ci, comment ce manifeste ? Se manifeste-t-il justement de manière concrète au sein du groupe des personnes qui adhèrent aujourd'hui à ces valeurs ?

  • Speaker #1

    En fait, quand on a écrit ce manifeste, on voulait... On voulait au moins faire deux choses. La première, c'était reconnaître la responsabilité du monde des bâtisseurs dans le dérèglement global. Et finalement, assumer la responsabilité de ce rôle désastreux des bâtisseurs. Le rôle des bâtisseurs est de créer un abri heureux, un abri serein pour les hommes sur Terre. Et au-delà de tout ça... Pendant le modernisme, les bâtisseurs ont détruit la planète, ont absolument changé pour le pire le visage de la planète. Nous voulions assumer cette responsabilité et dire qu'il y a d'autres voies pour faire l'établissement humain, pour construire cet établissement humain sur Terre, et que ces autres voies-là, ce ne sont pas des utopies, ce ne sont pas des voies qu'il va falloir ouvrir, elles sont déjà ouvertes. Elles sont déjà empruntées et elles suivent, on va dire, quatre chemins. Il est nécessaire d'être frugal en matière, il est nécessaire d'être frugal en technologie, nécessaire d'être frugal en énergie et nécessaire d'être frugal en territoire. Donc cette position est une position de bâtisseur et je pense que c'est aussi une des forces de notre manifeste. Nous n'essayons pas de faire un mouvement... juste pour pouvoir rassembler les gens, nous rassemblons effectivement des gens qui ont la même ambition et qui, en fait, ne savaient pas qu'ils étaient peut-être aussi nombreux, parce qu'ils étaient souvent solitaires et dans la difficulté de leur métier, ils ne savaient sans doute pas qu'ils étaient aussi nombreux et qu'ensemble, ils pourraient arriver à faire changer des choses. Donc voilà, quand on a lancé ce manifeste, ce qui s'est manifesté, pour reprendre votre réemploi deux fois du mot manifeste, le manifeste a manifesté qu'il existe un peuple de l'afro-gayité, qu'il existe un peuple nombreux de gens engagés pour faire autrement la construction de l'établissement humain.

  • Speaker #0

    Alors, on va revenir un instant sur la notion de responsabilité des bâtisseurs. Alors, comme je l'ai dit dans l'introduction, vous êtes l'auteur du livre Mieux avec moi donc aux éditions Terre Urbaine. Je pourrais mettre les informations de ce livre dans les notes de cet épisode. En tous les cas, le premier chapitre de votre livre, il s'intitule Les bâtisseurs aux bandes des accusés Comment vous expliquez qu'on ait attendu aussi longtemps pour... pour parler de la responsabilité des bâtisseurs dans la préservation de notre environnement, parce qu'on a un petit peu l'impression que le sujet est très médiatisé seulement depuis ces quelques dernières années. Oui,

  • Speaker #1

    c'est très juste. Je dois dire que je n'ai pas la réponse à la question que vous posez, mais juste des intuitions. C'est seulement en 2018 que l'ONU annonce que l'impact du monde de la construction correspond à 40% des émissions de gaz à effet de serre. Ce 40% c'est quand même important, et vous ajoutez à ça des déplacements qui sont liés à l'urbanisme, et vous voyez bien que... Mon métier d'architecte et d'urbaniste me met en situation d'être responsable de plus de 60% des émissions de gaz à effet de serre. Alors cette conscience mondiale, elle est différente des consciences individuelles, puisque des pionniers dans notre métier, il en existait déjà, mais au niveau mondial, il faut comprendre que le seul sommet onusien, le seul sommet de l'ONU qui ne se tient que tous les 20 ans, c'est le sommet qui s'appelle Habitat. C'est-à-dire que le seul sommet où on parle de l'établissement humain, c'est-à-dire de ce qui est le quotidien des êtres sur Terre, où est-ce que j'habite, comment j'habite et dans quoi j'habite, n'était débattu que tous les 20 ans. Donc 1976, 1996, 2016. Donc vous imaginez, chaque fois il s'est passé quelque chose. Et donc pendant ce temps-là, d'une certaine manière, au niveau mondial, on ne mettait pas en avant suffisamment le... poids des bâtisseurs dans le dérèglement mondial. Alors après, vous savez, les lobbies, ça existe. Les lobbies qui sont liées au monde de la construction sont présents partout et je pense qu'ils ont continué à faire leur travail comme ils continuent à le faire aujourd'hui pour éviter que l'on parle de cet impact-là qui rapporte beaucoup d'argent par ailleurs.

  • Speaker #0

    Et alors, qu'est-ce qui se joue sur le plan humain et social selon vous dans l'expérience d'une telle frugalité de manière générale ?

  • Speaker #1

    Bon, vous savez, le... C'est terminé le temps où on pensait que l'écologie c'était pour les bobos, et que les écoquartiers c'était pour les bobos. C'est fini cette chose-là. J'ai livré, il y a maintenant 4 ans, et je suis en train d'écrire un livre d'ailleurs à ce sujet, j'ai livré un écoquartier qui s'appelle les Noé à Val-de-Reuil, les Coamodé-Noé à Val-de-Reuil, qui est un écoquartier entièrement de logement social, en accession et en location. Et quand il y a eu les crises des nuées jaunes, vous vous souvenez du slogan fin du mois ou fin du monde les radios et les télévisions sont arrivées dans cet éco-village dénoué parce qu'il était connu que les gens qui habitent dans ces logements ne payent pas de chauffage. La conception a été tellement bien faite qu'on a eu une bonne orientation qui apporte... une solarisation gratuite, une bonne isolation par extérieur, une bonne inertie à apporter au logement. Les gens en hiver n'ont pas vraiment besoin d'utiliser leur chauffage. Et l'eau chaude est produite par une chaufferie collective au bois. Et donc, Libération est venue sur place et a aussi considéré que c'était une vraie solution qui était à apporter là, et a très bien montré que voilà le... L'enjeu, pour faire en sorte que ceux qui sont dans le besoin vivent plus heureux, l'enjeu consiste à faire en sorte que l'on ait moins besoin de se chauffer pour pouvoir vivre des revenus que l'on a et de ne pas être déçu suite à une mauvaise conception des logements dans lesquels on habite. C'est vrai pour le trop chaud. l'été ou trop froid l'hiver. Donc l'enveu, c'est vraiment de faire en sorte que tout ce travail-là aide surtout les plus démunis, aide tout le monde évidemment, mais aide aussi et ne laisse pas sur le bas-côté de la route les plus démunis, mais bien au contraire.

  • Speaker #0

    Alors, vous avez pu raconter une anecdote intéressante dans une autre interview que vous avez donnée. Je crois que votre grand-père était sourcier. Vous racontez qu'il vous a un jour mis entre les mains une baguette de coudrier, et ce jour-là, vous comprenez que vous êtes traversé par les ondes telluriques. Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui s'est joué ? Qu'est-ce qui s'est passé à cet instant pour vous ?

  • Speaker #1

    En fait, vous réalisez qu'il se passe dans votre main quelque chose que vous ne décidez pas, alors que grosso modo, vos mains ne servent qu'à faire des choses que vous décidez. Et là, il se passe quelque chose que je ne maîtrise pas. Et donc, je comprends. que finalement ce qui est en train de s'exprimer dans ce bâton, c'est que nous sommes tous traversés par les ondes telluriques. Et que donc la nature est toujours là, même dans les secteurs les plus... artificialisés sauf on va dire dans des cases de faraday partout la nature est là et si vous voulez un autre exemple que les ondes telluriques c'est le temps le temps c'est la vie le temps c'est une expression de la nature et le temps nous traverse donc accepter simplement de comprendre cette relation intime À la nature, ça m'a été donné quand j'étais jeune. J'avais à la fois un grand-père meunier qui faisait son électricité à partir de la chute d'eau de l'étang, et j'étais fils d'ostriculteur. Et donc la marée, deux fois par jour, c'était une façon pour la nature de se rappeler à mon bon souvenir, mais je n'en avais pas besoin.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, quelle est la marge de manœuvre des architectes ? pour aller vers des projets plus frugaux, c'est-à-dire dans quelle mesure ils sont décisionnaires concernant les grandes orientations un peu stratégiques d'un projet qui serait vertueux, parce qu'on pourrait penser qu'ils seraient comme des garde-fous d'une réglementation en la matière, par exemple.

  • Speaker #1

    S'ils décidaient, et ce sont les architectes qui portent ces choix-là, bien sûr qu'ils discutent avec leur maître d'ouvrage, mais ce sont les architectes qui font les propositions. décider de n'utiliser le béton qu'au minimum pour ce qu'il essaie de faire sans autre possibilité, par un autre matériau, c'est un pouvoir des architectes. Et puis, vous savez, les architectes sont des êtres libres, et ils sont tout à fait capables de dire non quand on leur impose de faire quelque chose. à l'absolue conscience que ça détruit la planète. Donc individuellement, ils peuvent répondre, et je pense que tous ceux qui ont signé le manifeste de la priorité aux éclatifs ont cette ambition-là. Collectivement, ils peuvent faire changer les lois. Une association qui s'appelle l'ICEP, qui est l'Institut pour la construction environnementale du bâtiment, a fait deux ouvrages magnifiques il y a une dizaine d'années maintenant qui s'appellent Hors la loi pour faire changer les lois parce que finalement, ce que nous savons faire depuis si longtemps, petit à petit, est regardé et rendu possible. Par exemple, je fais de la ventilation naturelle dans mes bâtiments en métropole depuis 2002. Et la ventilation naturelle n'était, on va dire, pas intégrée dans les réglementations, voire un peu combattue, voire encore un peu interdite dans certains cas de figure. Maintenant, avec le permis de faire ou le permis d'innover, porté par des lois, il y a la possibilité de déroger en matière de structure, en matière d'accessibilité, en matière de ventilation, etc. Donc même la loi nous donne la possibilité de faire autrement, bien sûr dans des contextes de garantie. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi et faire en sorte que la sécurité publique soit mise à... mis à mal. Tout ça se fait avec des gens qui sont des gens sérieux, qui sont des gens qui ont un engagement par rapport à l'avenir et un engagement par rapport aux sociétés dans lesquelles ils travaillent. Je vais vous donner un exemple. À l'heure actuelle, j'ai lancé une pétition pour baisser les taux de TVA sur les matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi, de telle manière que ces matériaux qui, aujourd'hui, sont chers, ne soient plus ne soient pas plus chers que les matériaux qui, eux, ne sont pas vertueux et issus de la pétrochimie. Donc ce travail autour d'une pétition est là pour faire changer les choses, et on va aller jusqu'au bout de cette histoire. Et puis après, il y a des projets. Par exemple, et c'est le second exemple, je vais me dire deux fois exemple, voire trois fois maintenant, je réalise à Bordeaux des logements collectifs, des logements sociaux collectifs, dans lesquels il n'y a pas du tout... de système de ventilation. Rien, rien, rien. Pas de système de VMC, comme on dit, simple flux ou double flux, pas de système de ventilation naturelle assistée contrôlée, ni simple flux, ni double flux, rien. En fait, tout ça est rendu possible parce que j'ai dessiné des logements qui ont des fenêtres dans toutes les pièces. Les logements sont tous traversants. Et deux, il y a des fenêtres dans toutes les pièces, y compris dans les WC, dans les salles de bain, dans les cuisines et bien sûr les chambres et les séjours. Ce dispositif qui est un dispositif de bonheur, ça rend quand même heureux les gens le matin d'aller vers la lumière plutôt que dans deux placards. Aujourd'hui, dans les logements neufs, les WC et les salles de bain sont des placards. Ce dispositif qui rend les gens heureux. et qui donne un air sain, bien sûr, c'est une proposition d'un architecte avec un ingénieur, Alain Bonnarelle de Tribus, le co-auteur du Manifeste de la frugalité heureuse et créative. Mais tout ça n'est rendu possible que parce qu'on a l'accord du ministère de la Santé, il s'agit bien de la santé publique avec la qualité de l'air, et que tout ça reçoit aussi l'accord du... du ministère de l'écologie, et qu'on est suivi par des organismes qui vont instrumenter le projet de telle manière de montrer que les gens y vivent bien et pas du tout dans des conditions désastreuses. Donc vous voyez le rôle de l'architecte est de ce niveau-là. À la fois il rédiste et en même temps il fait des propositions.

  • Speaker #0

    Peut-on parler... de frugalité heureuse et créative à tout le monde ? Est-ce que toutes les catégories sociales peuvent recevoir et appréhender ce concept de la même manière ? Je pose cette question pour une raison bien précise, c'est qu'on sait que parmi les personnes qui subissent directement ce réchauffement climatique et les atteintes à la nature qui sont engendrées par nos excès de consommation, on retrouve très souvent des personnes aux revenus modestes qui sont d'ailleurs les premières victimes de cette pollution, des risques pour leur santé, et en général, ce sont des personnes qui n'ont pas de... toujours choisi les lieux où elle habite aujourd'hui. Est-ce que le discours faire mieux avec moins est-il entendable dans ces cas-là ?

  • Speaker #1

    Plutôt, oui. Donc, l'enjeu, c'est le mieux. Le moins, c'est juste des outils. Donc, mieux, c'est l'enjeu. Le mieux, c'est qu'il faut que les logements, y compris les logements sociaux, soient isolés par l'extérieur. avec de bonnes fenêtres et qu'il soit avec des protections solaires pour l'été, de telle manière que ceux qui y habitent ne se retrouvent pas dans des situations d'inconfort terribles. Vous savez que certains logements sociaux, qui sont dans des bars et qui sont mono-orientés à l'ouest, font que le soir il fait 50 degrés dans les logements, et que les gens ne peuvent pas vivre dans ces logements-là parce que ce sont des bouilloires thermiques. Donc ni passoire thermique, ni bouilloire thermique, il faut... réussir à faire une isolation en utilisant moins de technologies, plus de technologies, on va dire, robustes, de telle manière que les gens vivent mieux. La question, ce n'est pas de faire en sorte que les gens soient malheureux. On est dans une logique qui est celle d'un rapport du Club de Rome de 1997 qui s'appelait Facteur 4 dont le sous-titre, c'est Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources Il n'y a pas d'autre projet d'avenir que celui-là. Deux fois plus de bien-être, c'est ce que je vous dis. y compris pour les gens qui sont dans des bars et dans des tours malheureux, dans des passoires thermiques et des bouilloires thermiques. Et on sait très bien que maintenant, nous ne pouvons pas arriver vers ce mieux-être qu'en utilisant de formes de ressources.

  • Speaker #0

    Les politiques font-elles suffisamment sur le sujet, selon vous, aujourd'hui, Philippe ?

  • Speaker #1

    Ça se saurait, non ? Non, il y a des choses qui sont totalement incompréhensibles. Il y a des milliards qui sont déversés par notre gouvernement pour dépolluer des sites industriels. Mais des milliards, je ne sais pas si vous avez vu passer ça, c'était l'année dernière, des grandes annonces sur 50 sites industriels pollueurs. Les plus pollueurs de France reçoivent des milliards de l'État pour être moins pollueurs. Vous savez qui c'est, ces sites ? 28 sites sur les 25 ans sont des cimenteries, donc Lafarge, Vicard, etc. Les autres, ce sont des sites issus de la pétrochimie, donc chimie, enfin à la fois des sites pétroliers et des sites de la pétrochimie. Est-ce que vous pensez vraiment que les fabricants de ciment et ceux qui font de l'essence, ceux qui vivent de la pétrochimie, ont besoin de nos milliards à nous pour se dépolluer ? Ces milliards-là devraient être... données, mises en place, utilisées pour la réhabilitation systématique du bâti en France.

  • Speaker #0

    Alors, vous parlez souvent d'architecture bioclimatique, c'est un de vos sujets de prédilection. Alors déjà, dans un premier temps, pouvez-vous nous rappeler ce qu'est l'architecture bioclimatique ? Et puis, deuxième question, peut-on encore la pratiquer aujourd'hui quand on sait que les conditions climatiques d'hier ne sont plus celles d'aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    L'architecture bioclimatique... c'est une architecture qui se sert de ce que l'environnement lui apporte. C'est une architecture qui vient chercher le soleil pour la lumière, pour la chaleur. Il va chercher l'ombre des arbres alentours. Il va chercher la fraîcheur du sol, si nécessaire, pour l'été. qui va chercher les vents pour être ventilé de belle manière. Donc cette architecture-là se dessine sans effort technologique. C'est juste un travail de coupe et de plan, et d'intelligence des conditions de contexte. La conception de l'eau climatique ne coûte rien. Vous voyez, c'est juste une façon de faire intelligente, une façon de regarder les plans qui intègrent les conditions de contexte. L'architecture bioclimatique en tant que champ de l'architecture apparaît dans les années 60 aux États-Unis. Et l'architecture bioclimatique va évidemment aussi étudier des dispositions qui sont issues de ce qu'on appelle l'architecture vernaculaire, c'est-à-dire l'architecture traditionnelle, celle construite par les gens, pour les gens dans les villages de pays de plus de 10 siècles. Mais l'enjeu...... du bio-climatique, ça n'est pas de reproduire exactement le vernaculaire d'hier puisque les conditions historiques dans lesquelles nous vivons aujourd'hui nous permettent de nous nourrir d'une intelligence des anciens mais nous avons des choses beaucoup plus complexes à régler et donc l'architecture bio-climatique, par exemple, quand elle doit faire une réhabilitation de barres et de tours vous comprenez bien que ce n'est pas une chaumière normande qui va l'aider beaucoup. Oui, cette posture bioclimatique passive, finalement, comme on dit, c'est une architecture pensée intelligemment, bien isolée, bien ventilée, bien solarisée, bien protégée du soleil. C'est la base. J'ai même tendance à dire aujourd'hui, il n'y a pas d'architecture qui ne soit pas bioclimatique, ou autant ce n'est pas de l'archive.

  • Speaker #0

    Quelle est la différence, s'il existe une différence d'ailleurs, avec l'architecture biomimétique ?

  • Speaker #1

    Alors, bioclimatique, dans tout... Si vous voulez, bio, ça veut dire la vie, donc tout ça est lié au vivant, bien entendu. Alors, il y a biomimétique, puis je rajouterais un mot qui est bio-inspiré. Alors, biomimétique, c'est vous regardez des dispositions qui sont des dispositions dans la nature et vous les reproduisez quasiment telles quelles. Par exemple, c'est ce qu'on appelle le dôme géodésique, qui est une invention qui est faite, à mon avis, dans les années 60. du siècle passé par Bugminster Fuller, où il a regardé comment les assemblages pouvaient se faire à partir de petits éléments dans les yeux des abeilles, dans plein de dispositifs naturels, et il a reproduit pour faire une structure, il a reproduit cette forme. Donc ça, c'est du biomimétisme. Il y a là une inspiration. le réemploi quasiment direct d'une technique. Donc le biomimétisme existe, se retrouve en médecine, se retrouve dans des techniques y compris pour faire des cols et des adhésifs, etc. Donc on va dire que l'industrie se nourrit du biomimétisme. Nous, dans la frugalité, on est plutôt bio-inspiré. Vous savez, la façon dont la nature gère le vivant est frugale. Et c'est ce qui nous inspire, la nature n'utilise pas plus que ce dont elle a besoin, la nature recycle tout, la nature est pour la coopération, etc. Donc oui, nous nous sommes bio-inspirés, mais certains d'entre nous, peut-être, ont du biomimétisme, mais en ce qui concerne le bio-climatique, ça n'est pas un enjeu direct du biomimétisme. Même s'ils ne s'interdisent pas, évidemment.

  • Speaker #0

    Alors, on voit de plus en plus apparaître des manières alternatives d'habiter. On pense, par exemple, au co-living, pour n'en donner qu'un seul exemple, comme ça. On décide, en fait, de partager des lieux en commun. Du coup, quel est l'avenir de la maison individuelle aujourd'hui ? La frugalité laisse-t-elle plus de place, finalement, à une forme de mutualisation par rapport à... à une privatisation ? Est-ce que c'est une rupture avec l'individualisme qu'on connaît ?

  • Speaker #1

    Ah oui, on le voit bien, mais d'une certaine manière, ce n'est pas la frugalité qui le promeut, c'est l'histoire, même, aujourd'hui.

  • Speaker #0

    les jeunes générations n'ont pas de souci pour inviter dans des habitats partagés plutôt que d'avoir chacun son appartement seul dans un coin. Tous les projets qu'on appelle, vous parlez du colibri, mais il y a aussi tous ces espaces portés par les colibris par exemple, d'habitats partagés en fait, c'est le nom qui convient. font en sorte que les gens à la fois ont leur propre logement, mais ils ont aussi dans l'ensemble qui les habite des éléments, des pièces qui sont mutualisées. J'ai récemment livré à Bordeaux aussi un habitat coopératif, comme on dit, qui a été dessiné avec douze familles. Et parmi les endroits qu'ils ont souhaités à partager ensemble, il y avait des très larges coursives, ils voulaient que les enfants puissent jouer sur les coursives. Il y a un espace collectif, qui est un espace avec une possibilité de cuisine, pour faire des réceptions que l'on ne peut pas faire dans sa maison, ou même pour inviter des gens d'extérieur. Il y a une chambre d'amis qui est partagée. Vous avez besoin d'inviter vos parents, par exemple, ou des amis. et vous n'avez pas la place dans votre appartement. Donc il y a une pièce qui sert à ça, qui est un studio, qui est partagé. Les espaces de jeu sont comme ça. Il y a une très grande terrasse collective qui est aussi partagée. Aujourd'hui, le partage est une vertu qui est très puissante et qui fait que les gens réalisent qu'ils n'ont peut-être pas les moyens de s'acheter tout ce qu'ils voulaient et que le partage autorise une qualité de vie. des fois plus de bien-être en consommant de formes et de ressources. Vous voyez, ça se joue aussi à ce niveau-là.

  • Speaker #1

    Il y en a beaucoup des projets comme ça, Philippe. C'est vrai que quand je vous entends parler, je me dis que c'est absolument formidable de voir naître des projets d'architecture comme ça, d'ailleurs que ce soit pour des logements sociaux ou pour des logements qui ne font pas partie de cette catégorie-là. Mais est-ce qu'il y en a beaucoup aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Ce principe coopératif existe beaucoup en Suisse. Je pense que la majorité des logements suisses sont coopératifs, figurez-vous. En tout cas, ils sont portés par des coopératifs. En France, c'est de plus en plus important. On en trouve vraiment partout. Je ne vais pas vous dire que c'est la majorité de ce qui se fait. Bien au contraire, on n'y est pas encore. Mais ces logements coopératifs, écoutez, je... Je connais plein de mes amis architectes et signataires de la friabilité qui en ont réalisé et qui continueraient à le faire. Pour ma part, après avoir terminé le projet qui s'appelle Bon Pati à Bordeaux, mon atelier est en train de concevoir un ensemble plus important de logements de ce type-là à Angers, dans le quartier des Bretonnières. Et on a les familles qui sont là, les réunions se font ensemble. Quand on est arrivé au projet, tout le monde est ému d'avoir réussi à trouver une solution qui convienne. Et on n'attend plus qu'une seule chose, c'est que le chantier se construise, et que peut-être ils mettent la main à la pâte, et qu'au bout du compte, ils aient des conditions de vie qui fonctionnent très bien. En fait, une des clés de ces logements coopératifs, c'est la présence des jeunes enfants, qui font du lien. pas simplement, très naturellement, entre les familles. Mais bien sûr, les familles qui font ce choix-là ont aussi un goût du partage. Pour répondre à votre question, c'est oui, il y en a davantage et beaucoup plus en France maintenant que comparé à vous.

  • Speaker #1

    Alors, j'ai remarqué qu'on vous posait souvent la question du coût, c'est normal. Évidemment, on se pose tous la question de est-ce que ça coûte moins cher, plus cher ? Bon, on sait que globalement... Peut-être qu'aujourd'hui, c'est encore un petit peu plus cher que lorsqu'on décide de construire en polluant. Cela dit, quand on vous pose la question de savoir si ça peut être plus avantageux financièrement, vous, vous parlez de mettre l'argent de manière stratégique sur le clos et le couvert. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Mais je veux revenir sur la question du coût. Tout à l'heure, j'ai évoqué avec vous la pétition de faire une baisse de la TVA. concernant les matériaux biosourcés, géosourcés et doréants. Bon, il est vrai qu'aujourd'hui, vous n'avez pas plus cher qu'un mur construit en parpaing, isolé en polystyrène et avec une menuiserie en PVC et avec un enduit plastique à l'extérieur. Tout ça est issu de la pétrochimie et ça ne coûte pas cher. Et ce ne sont pas des matériaux vertueux, c'est des matériaux catastrophiques. Les matériaux vertueux, eux, ne sont pas produits de manière industrielle, souvent sur les matériaux locaux, donc ils coûtent plus cher que les matériaux non vertueux. Moi, mon idée, c'est qu'il faut qu'on arrive au durable, mais au prix du leu-table. Il faut qu'on réussisse à faire ce travail-là, et la fiscalité est un outil pour ça. Et donc, baisser la TVA, voire supprimer la TVA sur les matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi. permettrait qu'au moment où les gens font des choix d'investissement, ils puissent avoir un vrai choix sur la qualité des matériaux qu'ils veulent mettre en œuvre. Parce que l'enjeu réellement, ce n'est pas de comparer les matériaux, mais de comparer les projets. Le projet bioclimatique n'est pas comme le projet qui n'est pas bioclimatique. Le projet frugal n'est pas comme le projet qui n'est pas frugal. Qu'est-ce qu'un projet frugal aujourd'hui ? C'est un projet qui est prêt pour les 30 ans à venir, les 40 ans à venir, les 70 ans à venir. C'est un projet qui est prêt à résister à l'évolution du climat, dont on sait tous qu'elle va être terrible, puisque l'augmentation de plus 1,5 degré, qui était considérée comme une évolution à ne pas dépasser. et qui était l'enjeu pour la fin du siècle, on sait maintenant que c'est en 2030 qu'on va avoir dépassé plus 1,5 degré, et qu'à la fin du siècle, on sera plus proche de plus 2,8 degré, voire dans certains endroits, plus 4 degré. Et que donc ce qui est fait aujourd'hui ne peut pas être obsolète au moment où on le livre, ne peut pas être à ce point impensé. que ceux qui achètent ou ceux qui louent leur logement se trouvent dans des situations invivables. Donc, une fois qu'on a dit ça, une fois qu'on sait qu'il faut se préparer et ne pas gâcher son argent, on le met sur ce qui est le plus important, le clou et le couvert. Il ne faut pas que nous soyons obligés de réhabiliter les architectures que l'on fait, qu'on soit obligés de les réhabiliter dans 20 ans, dans 30 ans ou dans 40 ans. Il faut les préparer à ce qui va se passer. Et donc, il faut mettre l'argent sur le clos et le couvert, c'est-à-dire sur les murs, sur les sols, sur les toits, sur les fenêtres, sur les doublages, sur tout ça, sur les isolations, les protections solaires. C'est là que l'argent va être investi. Et tout de suite, il ne faut pas attendre. Le second œuvre... Lui, il peut changer. Ce n'est pas le second œuvre qui va faire changer beaucoup la capacité d'une maison à résister aux dérèglements climatiques. Donc, ce n'est pas sur le second œuvre qu'il faut investir le plus. Ou alors, il faut, il convient plutôt qu'il faut, il convient de réfléchir à une déco, à une décoration, à un aménagement intérieur. en se demandant comment est-ce que je peux faire aussi bien en utilisant moins de ressources. Ce qui est un enjeu très joyeux, c'est un enjeu très inventif. On parlait de la créativité tout à l'heure, vous avez là une des conditions de créativité essentielles. Il y a une grande architecte autrichienne qui s'appelle Anna Ehringer, qui est une des signatrices du Monde de la Foguille des Théoriques et des Créatives, et qui l'expliquait récemment à quel point il y avait du plaisir à se demander comment est-ce que je peux faire mieux. en utilisant moins de ressources. Ça devient un vrai jeu, et un jeu vital.

  • Speaker #1

    Alors justement, je vais rebondir sur ce que vous disiez sur la réhabilitation, vous en parliez, vous avez pu aussi parler dans d'autres interviews des fameuses réhabilitations, des rénovations, qui seraient évidemment préférables à la construction du neuf. La ville de demain, c'est donc celle qui est déjà là, devant nous, mais alors peut-on toujours tiré parti de l'ancien bâti, est-ce qu'il existe des limites à la rénovation ?

  • Speaker #0

    C'est la limite planétaire. Nos limites, c'est terminé. Aujourd'hui, on a une intelligence accrue du réel. Et donc, dans tous nos projets, que ce soit du neuf ou que ce soit de la réhabilitation, il y a des limites. Alors quelle est la limite qu'il y a dans la réhabilitation ? Peut-être la capacité de la structure à évoluer, à accepter d'autres surcharges par exemple. Mais c'est peut-être la seule que je vois. Pour le reste, on peut tout faire mieux avec moins dans le bâtiment existant. Et je dois vous dire que ce que c'est même... C'est même très... comment dire... Travailler sur l'existant permet d'inventer plus que quand on parle d'une fabule. Et quand vous travaillez sur l'existant, parfois vous travaillez sur des espaces que vous ne pourriez pas vous payer aujourd'hui, qui sont de beaux et grands espaces, et puis vous ne pourriez pas réaliser un certain nombre d'éléments qu'on ne sait plus faire aujourd'hui. Donc travailler sur l'existant, sur ce qui est déjà là... permet d'innover vraiment, et je suis en train de le faire à Paris, pour la médiathèque du 19ème arrondissement de Paris, qui s'appelle James Baldwin, et la première maison des réfugiés de Paris, où on a conservé tous les bâtiments du lycée Hôtelige d'Ancary, qui étaient présents sur place. Et en fait, ça nous a amenés à faire une architecture qui est aujourd'hui très lumineuse, très heureuse, très ouverte. Voilà, avec de grands espaces et même des surfaces plus grandes que ce dont on avait besoin. Non, travailler sur l'existant est une joie. Et effectivement, comme vous le disiez tout à l'heure, la ville de demain est déjà là.

  • Speaker #1

    Quand je vous écoute, Philippe, je remarque que vous utilisez beaucoup le champ lexical heureux joie joyeuse architecture joyeuse Il y a une raison à ça ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a... Bon déjà je fais un métier pour des gens qui veulent qu'on les rende heureux. Aucun de mes clients et de mes maîtres d'ouvrage ne me demande Fais-moi une architecture qui me rend malheureux Personne. Et puis c'est un métier qui est peut-être un métier difficile, mais qui donne des joies, de très grandes joies, quand on voit les gens qui entrent dans les lieux, qui les découvrent, qui se les approprient, ou même des gens qui collaborent avec nous au moment de la conception. C'est cette... Cette possibilité du partage, du faire ensemble, oui, pour le coup, c'est joyeux. Je ne vais pas vous dire que c'est tous les jours facile, un chantier, mais ça, on le sait tous. Mais voilà, l'architecture est un vecteur de bien-être, donc de bonheur. Bien-être et bonheur, c'est la même chose.

  • Speaker #1

    La frugalité mène-t-elle à une forme d'abondance ?

  • Speaker #0

    Oui. Et je dois vous dire que dans un premier temps, je ne m'y attendais pas à ce point-là, même si grosso modo je pressentais. En fait, une fois que vous vous êtes débarrassé de la monoculture du béton, du projet générique des modernes, le même bâtiment que vous pouvez construire aux quatre coins du monde, à partir du moment où il y a de l'énergie pour que la climatisation à l'intérieur fonctionne, une fois que vous laissez tomber... de côté ces solutions pré-mâchées, et que vous avez envie de trouver dans les lieux les ressources physiques et les ressources humaines qui sont disponibles, finalement c'est un panel incroyable de matière qui arrive. Il y avait le béton d'un côté, bon le béton est toujours là, qu'on ne peut pas faire autrement, mais vous retrouvez le bois, la pierre, la terre, les fibres. d'un seul coup on est face à une palette d'outils extrêmement grande. Et comme nous, nous ajoutons à ces matières solides de l'architecture, comme nous, nous ajoutons les matières fluides de l'architecture, qui sont la chaleur, l'air, la lumière, et que la rencontre entre ces matières fluides et ces matières solides démultiplie les possibilités, eh bien, on est là dans une abondance incroyable qui est en plus démultipliée par les climats, puisque quand vous faites une architecture bioclimatique, c'est à chaque climat que vous répondez, et qui est encore démultipliée par les sociétés, parce que nous, quand nous travaillons, nous ne travaillons pas en, comment dire, en fermé dans nos ateliers, nous travaillons avec les sociétés pour lesquelles nous sommes à l'aise. par lesquels nous sommes appelés à travailler. Et donc, vous voyez, ça n'en finit pas de se démultiplier, et jamais un de nos projets sont pareils. C'est impensable, ça n'a pas de sens. Ça voudrait dire qu'on a mal travaillé, qu'on n'a pas pris en compte les milieux, les lieux, les sociétés, enfin, toutes ces choses-là, qui est la grande richesse du monde. En fait, la Terre est d'une beauté infinie, mais cette beauté infinie, il faut accepter de la voir. Il faut accepter de voir ce qui est différent, il faut accepter de voir ce qui est divers, il faut accepter de se donner l'envie de travailler avec ces diversités-là. Et quand c'est fait, c'est de l'abondance. Ça déborde, en fait.

  • Speaker #1

    Vous me faites une parfaite transition pour ma prochaine question. Je vais de nouveau vous citer. Vous avez pu dire dans les médias, Ce qui est universel, c'est la différence, c'est une richesse, et cela passe par le rapport à la ressource. On ne construit pas nos bâtis de la même manière selon la culture, alors, Philippe ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. En fait, ce qui est intéressant de voir, c'est que... Les cultures sont aussi originaires ou trouvent leur origine ou leur raison dans une relation au contexte. La culture inuite n'est pas la culture des peules, parce que la manière de vivre la banquise n'est pas la même que celle de vivre le désert. Bien sûr, j'ai pris des choix très opposés, mais parce que même... Même, vous prenez la France et vous savez qu'on ne vit pas de la même manière en Méditerranée aujourd'hui, ou en Bretagne. Et en fait, les cultures naissent de cette relation-là, au milieu et au lieu. Et les architectures en sont aussi nées. Et donc oui, c'est ça, ne pas arriver avec des solutions toutes faites. arriver avec une vraie envie de découvrir les lieux dans lesquels vous êtes invité à travailler, ça demande de la bienveillance, je pense que ça demande de l'amour tout court, de comprendre ce qui se passe et d'avoir envie de faire en sorte que ça se passe mieux. Tout ça lie les cultures au milieu, aux géographies, au climat, aux sociétés. Et comme je vous l'ai dit tout à l'heure, cet assemblage culture, climat, géographie, société, se rejoue presque d'une commune à l'autre. Bon, j'exagère un peu là, mais pas tant que ça. Parfois dans une même commune, si vous avez un plateau et une vallée, dans la vallée, on ne vit pas comme sur le plateau.

  • Speaker #1

    Je crois que vous donniez un exemple d'architecture. Alors, je ne sais plus si c'était en Suède ou en tout cas les pays du Nord. Et vous preniez l'exemple des fenêtres, de la construction des fenêtres. La fenêtre est un parfait exemple justement de différence des cultures d'un territoire à l'autre en architecture.

  • Speaker #0

    Oui, c'est considérable. En fait, je comparais, et c'est une comparaison que je fais encore, je comparais une fenêtre en Hollande, dans les vieilles maisons hollandaises, et une fenêtre dans la Durance en France. Donc la fenêtre dans la Durance, c'est une fenêtre dans un mur en pierre. La fenêtre est mise à l'intérieur et elle est protégée par les volets. Et donc vous comprenez que la fenêtre qui est en retrait d'un mur épais en pierre, qui apporte de l'inertie avec des volets qui viennent devant pour apporter de l'ombre, tout ça est une façon d'écrire la relation que la société de la violence a avec son propre climat. Quand vous regardez une vieille architecture hollandaise, où les maisons sont en briques et les fenêtres sont au nu extérieur. Et elles ne sont pas protégées par les volets. Ce qui veut dire que les fenêtres hollandaises ne sont jamais dans l'ombre. Elles viennent en fait chercher le soleil dès que le soleil est possible. Elles ne laissent pas la neige s'installer sur la puce fenêtre. Et finalement, ça amène une très grande transparence. qui est d'ailleurs aussi une des qualités de la culture hollandaise. Et vous voyez à quel point... Je vous remercie d'avoir fait parler des fenêtres, parce que oui, les fenêtres sont des indicateurs extrêmement forts de cette présence culturelle dans la fabrication d'architectures.

  • Speaker #1

    Vous en parliez tout à l'heure en donnant quelques exemples des projets que vous avez menés, des projets coopératifs. Si on reprend un petit peu ces exemples-là, ces types de projets, est-ce que ces projets-là sont aussi l'opportunité de créer du lien social et plus de convivialité entre les individus ?

  • Speaker #0

    Le choix coopératif, c'est le choix de coopérer, c'est faire ensemble, c'est mettre toutes les énergies disponibles. les uns et les autres dans le sens d'un but commun. Oui, cette ambition, à la fois dans des projets de maison, mais aussi dans les projets de territoire, cette ambition de faire les choses de manière coopérative est une des caractéristiques de notre époque.

  • Speaker #1

    C'est aller vers une économie sociale et solidaire, c'est ça l'enjeu de la frugalité d'aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    La frugalité s'inscrit tout à fait dans cet objectif de l'économie sociale et solidaire, mais aussi de l'économie circulaire, de l'économie de la proximité, toute cette autre manière non internationale, non mondialisée de penser l'économie.

  • Speaker #1

    À qui s'adresse votre livre ?

  • Speaker #0

    Tous les gens, on vit des architectures. Tous les soirs, vous rentrez chez vous. et vous confiez au mur qui est à côté de votre lit, vous vous confiez. Et si vous n'avez pas cette possibilité de confiance, vous ne vous effondrez pas dans la nuit, vous en avez besoin pour vous réveiller en toujours humain. Et donc tout le monde a cette relation intime, profonde, nécessaire, vitale à l'architecture. Il y a cette relation individuelle et puis il y a cette relation collective. Il s'agit bien de la maison, mais il s'agit aussi de l'établissement humain. Le fait que nous sommes ensemble sur Terre, et donc tous ceux qui ont à la fois une conscience de leur être individuel et de leur être politique, de leur être social, peuvent trouver dans être avec moi, dans être avec moi, dans mieux avec moi, peuvent trouver des réponses, je pense.

  • Speaker #1

    C'est un joli lapsus, vous avez utilisé le mot être.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est mieux être.

  • Speaker #1

    Alors, nous arrivons à la fin de cet épisode de podcast et je vais donc vous poser une dernière question, Philippe. Quel message avez-vous envie de faire passer à nos auditrices et à nos auditeurs ?

  • Speaker #0

    On n'a pas de temps à perdre. On n'a pas de temps à perdre. Ce n'est pas pour demain, ce qu'on s'est dit, c'est pour maintenant.

  • Speaker #1

    Merci Philippe pour cet échange. C'était un plaisir de vous recevoir sur le podcast.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Leïla.

  • Speaker #1

    Si vous avez aimé ce podcast, n'hésitez pas à lui donner 5 étoiles sur Spotify ou Apple Podcasts. Et surtout, abonnez-vous sur votre plateforme d'écoute préférée pour ne manquer aucun épisode. Découvrez mes invités en avant-première sur Instagram à l'adresse madecofeboompodcast et abonnez-vous aussi gratuitement dès maintenant à la newsletter Madecofeboom pour être au courant de nos dernières actualités. Pour cela, rendez-vous sur le lien dans les notes de cet épisode.

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Description

Bâtir des murs en harmonie avec la Terre - c’est la mission que s’est donné mon invité du jour.


Qu’il soit implanté en milieu rural ou urbain, le bâtiment frugal puise son inspiration dans les sols, l’air et se nourris des cultures environnante pour proposer une histoire à vivre à ses habitants. 


Pionnier d’une architecture et d’un urbanisme éco-responsable, mon invité du jour est architecte formé au Grand-Palais à Paris, et urbaniste. 

Il nous enseigne l’art de co-habiter avec la nature. 


Il est le co-auteur du manifeste pour une Frugalité heureuse et créative dans l'aménagement des territoires urbains et ruraux. Un mouvement créé en 2018, et soutenu par plus de 15 000 personnes issues du monde des bâtisseurs. 


Il est aussi l’auteur du livre intitulé « Mieux avec moins » aux éditions Terre Urbaine. 

Un essai qui présente les urgences écologiques dans le domaine de l'architecture et des territoires, et qui prône la pratique d’une intelligence collective au service d’une architecture plus juste. 


J’ai la grande joie de recevoir sur Ma déco fait boum, Philippe Madec.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la saison 3 de Madécofé Boom, le podcast qui parle d'intérieur, qui fait battre le cœur. Je suis Leïla Fégoul, la fondatrice de ce podcast et communiquante au service du vivant. Madécofé Boom est un média indépendant qui porte la voix de celles et ceux qui œuvrent chaque jour pour créer des lieux de vie durables et désirables. Au fil des épisodes, je vous emmène avec moi faire la rencontre de personnalités engagées et porteuses de projets à séance pour aborder des sujets inspirants. autour du cadre de vie et de l'impact de nos environnements sur nos états d'être. Ici, mes invités bousculent le beau et l'architecture conventionnelle. Design, bien-être et histoire de nos décors, cheminons ensemble vers une conscience de ce qui nous entoure et désirons ce qui nous rend vivants, à l'intérieur pour l'extérieur. Bâtir des murs en harmonie avec la terre, c'est la mission que s'est donnée mon invité du jour. Qu'il soit implanté en milieu rural ou urbain, le bâtiment frugal puise son inspiration dans les sols, l'air, et se nourrit des cultures environnantes pour proposer une histoire à vivre à ses habitants. Pionnier d'une architecture et d'un urbanisme éco-responsable, mon invité du jour est architecte formé au Grand Palais à Paris et urbaniste. Il nous enseigne l'art de cohabiter avec la nature. Il est le co-fondateur du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative dans l'aménagement des territoires urbains et ruraux, un mouvement créé en 2018 et soutenu par plus de 15 000 personnes issues du monde des bâtisseurs. Il est aussi l'auteur du livre intitulé Mieux avec moins aux éditions Terre Urbaine, Un essai qui présente les urgences écologiques dans le domaine de l'architecture et des territoires et qui prône une intelligence collective au service d'une architecture plus juste. J'ai la grande joie de recevoir sur le podcast de Madeco Feboom, Philippe Madec. Bonjour Philippe, comment allez-vous ?

  • Speaker #1

    Bonjour, je vais très bien, je vous remercie pour cette invitation.

  • Speaker #0

    Je vous remercie à vous de l'avoir accepté, merci d'être là. Alors je vous propose de commencer cette interview avec ma première question. Alors, je l'ai dit en introduction, vous êtes le co-auteur du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative. Alors, je ne vais pour l'instant pas m'arrêter sur le terme de frugalité, même si je pense qu'on reviendra dessus un peu après. Je préfère m'attarder un instant sur celui de créativité. Alors, ma question la voici. Quel rôle joue la créativité pour la frugalité ? Pourquoi est-ce que vous faites rimer frugalité et créativité, justement ?

  • Speaker #1

    En fait, nous vivons une période historique. très singulière et qui demande, pour réussir à s'extraire de l'héritage du modernisme, pour réussir à s'extraire de l'héritage du XXe siècle, qui demande de l'intelligence créative, qui demande une capacité d'innovation, d'invention, de solution adéquate, légère et efficace, et partager pourquoi la créativité est indispensable et la frugalité autorise. cette créativité. Elle l'autorise à au moins deux titres. Le premier est que la frugalité est une écologie. Nous nous attachons à ménager ce qui est là et c'est aussi une économie. Nous savons faire mieux avec moins. Et donc, mettez ensemble cette économie, cette écologie, ménagez le monde déjà là en faisant mieux avec moins. Et vous comprendrez que tout ça est évidemment l'objet d'une nécessaire créativité pour se sortir de la surconsommation du XXe siècle, de la perte de gaz de gîte dont nous sortons.

  • Speaker #0

    Et alors si on revient un instant sur le mot de frugalité, est-ce que vous pouvez nous l'expliquer ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est un mot qui pour nous est évidemment très porteur de sens. Il y a... Il y a maintenant 5 ans, avec Alain Bornarelle et Dominique Vosin-Muller, quand on a décidé d'écrire ce manifeste pour une frugalité rose et créative, nous aurions pu utiliser le mot de sobriété, par exemple, puisque Pierre Rabhi... des colibris qui utilisent la sobriété heureuse, que Ivan Ilyich, dans les années 60, parlait de sobriété volontaire, et qu'une autre association parmi nos amis, qui s'appelle Negawalt, parle de sobriété énergétique. Mais en fait, le mot sobriété, pour nous, ne portait pas une joie absolument nécessaire pour construire un récit d'avenir, et on le voit très bien en ce moment. On voit à quel point le monde politique et le monde économique s'est emparé du mot sobriété pour en faire une injonction. Il faut moins consommer, il faut moins émettre de CO2. Mais on ne fabrique pas un récit d'avenir autour d'une injonction. Il fallait trouver quelque chose de porteur d'espoir. Et l'infrigalité a cette grande qualité, c'est que ça n'est pas se serrer la ceinture, l'infrigalité. L'infrigalité... c'est la récolte des fruits de la terre. En fait, frugalité vient du latin frux frugis, qui veut dire le fruit, et frugal veut dire la récolte du fruit de la terre. Et cette récolte est fructueuse, c'est la même origine, fruit, fructueuse, quand elle ne blesse pas la terre et quand elle rassasit ceux qui la font. Voilà pourquoi, pour nous, évidemment, la frugalité qui parle de cet élan vital de la nature, qui produit des fruits, et qui produit des fruits à notre attention. Cette notion de frugalité nous semblait porteuse du récit d'avenir que nous souhaitions.

  • Speaker #0

    Les mots sont importants, Philippe, dans ce genre de combat, d'ambition que vous menez ?

  • Speaker #1

    Oui, les mots sont importants. Je suis aussi écrivain et c'est parce que j'aime les mots que je le suis. Et ici, oui, choisir frugalité et pas sobriété, ça porte évidemment une... On a une orientation d'avenir, une orientation historique qui est très différente.

  • Speaker #0

    Alors revenons un instant sur ce manifeste. Alors de quoi s'agit-il exactement ? Et deuxième question en plus de celle-ci, comment ce manifeste ? Se manifeste-t-il justement de manière concrète au sein du groupe des personnes qui adhèrent aujourd'hui à ces valeurs ?

  • Speaker #1

    En fait, quand on a écrit ce manifeste, on voulait... On voulait au moins faire deux choses. La première, c'était reconnaître la responsabilité du monde des bâtisseurs dans le dérèglement global. Et finalement, assumer la responsabilité de ce rôle désastreux des bâtisseurs. Le rôle des bâtisseurs est de créer un abri heureux, un abri serein pour les hommes sur Terre. Et au-delà de tout ça... Pendant le modernisme, les bâtisseurs ont détruit la planète, ont absolument changé pour le pire le visage de la planète. Nous voulions assumer cette responsabilité et dire qu'il y a d'autres voies pour faire l'établissement humain, pour construire cet établissement humain sur Terre, et que ces autres voies-là, ce ne sont pas des utopies, ce ne sont pas des voies qu'il va falloir ouvrir, elles sont déjà ouvertes. Elles sont déjà empruntées et elles suivent, on va dire, quatre chemins. Il est nécessaire d'être frugal en matière, il est nécessaire d'être frugal en technologie, nécessaire d'être frugal en énergie et nécessaire d'être frugal en territoire. Donc cette position est une position de bâtisseur et je pense que c'est aussi une des forces de notre manifeste. Nous n'essayons pas de faire un mouvement... juste pour pouvoir rassembler les gens, nous rassemblons effectivement des gens qui ont la même ambition et qui, en fait, ne savaient pas qu'ils étaient peut-être aussi nombreux, parce qu'ils étaient souvent solitaires et dans la difficulté de leur métier, ils ne savaient sans doute pas qu'ils étaient aussi nombreux et qu'ensemble, ils pourraient arriver à faire changer des choses. Donc voilà, quand on a lancé ce manifeste, ce qui s'est manifesté, pour reprendre votre réemploi deux fois du mot manifeste, le manifeste a manifesté qu'il existe un peuple de l'afro-gayité, qu'il existe un peuple nombreux de gens engagés pour faire autrement la construction de l'établissement humain.

  • Speaker #0

    Alors, on va revenir un instant sur la notion de responsabilité des bâtisseurs. Alors, comme je l'ai dit dans l'introduction, vous êtes l'auteur du livre Mieux avec moi donc aux éditions Terre Urbaine. Je pourrais mettre les informations de ce livre dans les notes de cet épisode. En tous les cas, le premier chapitre de votre livre, il s'intitule Les bâtisseurs aux bandes des accusés Comment vous expliquez qu'on ait attendu aussi longtemps pour... pour parler de la responsabilité des bâtisseurs dans la préservation de notre environnement, parce qu'on a un petit peu l'impression que le sujet est très médiatisé seulement depuis ces quelques dernières années. Oui,

  • Speaker #1

    c'est très juste. Je dois dire que je n'ai pas la réponse à la question que vous posez, mais juste des intuitions. C'est seulement en 2018 que l'ONU annonce que l'impact du monde de la construction correspond à 40% des émissions de gaz à effet de serre. Ce 40% c'est quand même important, et vous ajoutez à ça des déplacements qui sont liés à l'urbanisme, et vous voyez bien que... Mon métier d'architecte et d'urbaniste me met en situation d'être responsable de plus de 60% des émissions de gaz à effet de serre. Alors cette conscience mondiale, elle est différente des consciences individuelles, puisque des pionniers dans notre métier, il en existait déjà, mais au niveau mondial, il faut comprendre que le seul sommet onusien, le seul sommet de l'ONU qui ne se tient que tous les 20 ans, c'est le sommet qui s'appelle Habitat. C'est-à-dire que le seul sommet où on parle de l'établissement humain, c'est-à-dire de ce qui est le quotidien des êtres sur Terre, où est-ce que j'habite, comment j'habite et dans quoi j'habite, n'était débattu que tous les 20 ans. Donc 1976, 1996, 2016. Donc vous imaginez, chaque fois il s'est passé quelque chose. Et donc pendant ce temps-là, d'une certaine manière, au niveau mondial, on ne mettait pas en avant suffisamment le... poids des bâtisseurs dans le dérèglement mondial. Alors après, vous savez, les lobbies, ça existe. Les lobbies qui sont liées au monde de la construction sont présents partout et je pense qu'ils ont continué à faire leur travail comme ils continuent à le faire aujourd'hui pour éviter que l'on parle de cet impact-là qui rapporte beaucoup d'argent par ailleurs.

  • Speaker #0

    Et alors, qu'est-ce qui se joue sur le plan humain et social selon vous dans l'expérience d'une telle frugalité de manière générale ?

  • Speaker #1

    Bon, vous savez, le... C'est terminé le temps où on pensait que l'écologie c'était pour les bobos, et que les écoquartiers c'était pour les bobos. C'est fini cette chose-là. J'ai livré, il y a maintenant 4 ans, et je suis en train d'écrire un livre d'ailleurs à ce sujet, j'ai livré un écoquartier qui s'appelle les Noé à Val-de-Reuil, les Coamodé-Noé à Val-de-Reuil, qui est un écoquartier entièrement de logement social, en accession et en location. Et quand il y a eu les crises des nuées jaunes, vous vous souvenez du slogan fin du mois ou fin du monde les radios et les télévisions sont arrivées dans cet éco-village dénoué parce qu'il était connu que les gens qui habitent dans ces logements ne payent pas de chauffage. La conception a été tellement bien faite qu'on a eu une bonne orientation qui apporte... une solarisation gratuite, une bonne isolation par extérieur, une bonne inertie à apporter au logement. Les gens en hiver n'ont pas vraiment besoin d'utiliser leur chauffage. Et l'eau chaude est produite par une chaufferie collective au bois. Et donc, Libération est venue sur place et a aussi considéré que c'était une vraie solution qui était à apporter là, et a très bien montré que voilà le... L'enjeu, pour faire en sorte que ceux qui sont dans le besoin vivent plus heureux, l'enjeu consiste à faire en sorte que l'on ait moins besoin de se chauffer pour pouvoir vivre des revenus que l'on a et de ne pas être déçu suite à une mauvaise conception des logements dans lesquels on habite. C'est vrai pour le trop chaud. l'été ou trop froid l'hiver. Donc l'enveu, c'est vraiment de faire en sorte que tout ce travail-là aide surtout les plus démunis, aide tout le monde évidemment, mais aide aussi et ne laisse pas sur le bas-côté de la route les plus démunis, mais bien au contraire.

  • Speaker #0

    Alors, vous avez pu raconter une anecdote intéressante dans une autre interview que vous avez donnée. Je crois que votre grand-père était sourcier. Vous racontez qu'il vous a un jour mis entre les mains une baguette de coudrier, et ce jour-là, vous comprenez que vous êtes traversé par les ondes telluriques. Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui s'est joué ? Qu'est-ce qui s'est passé à cet instant pour vous ?

  • Speaker #1

    En fait, vous réalisez qu'il se passe dans votre main quelque chose que vous ne décidez pas, alors que grosso modo, vos mains ne servent qu'à faire des choses que vous décidez. Et là, il se passe quelque chose que je ne maîtrise pas. Et donc, je comprends. que finalement ce qui est en train de s'exprimer dans ce bâton, c'est que nous sommes tous traversés par les ondes telluriques. Et que donc la nature est toujours là, même dans les secteurs les plus... artificialisés sauf on va dire dans des cases de faraday partout la nature est là et si vous voulez un autre exemple que les ondes telluriques c'est le temps le temps c'est la vie le temps c'est une expression de la nature et le temps nous traverse donc accepter simplement de comprendre cette relation intime À la nature, ça m'a été donné quand j'étais jeune. J'avais à la fois un grand-père meunier qui faisait son électricité à partir de la chute d'eau de l'étang, et j'étais fils d'ostriculteur. Et donc la marée, deux fois par jour, c'était une façon pour la nature de se rappeler à mon bon souvenir, mais je n'en avais pas besoin.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, quelle est la marge de manœuvre des architectes ? pour aller vers des projets plus frugaux, c'est-à-dire dans quelle mesure ils sont décisionnaires concernant les grandes orientations un peu stratégiques d'un projet qui serait vertueux, parce qu'on pourrait penser qu'ils seraient comme des garde-fous d'une réglementation en la matière, par exemple.

  • Speaker #1

    S'ils décidaient, et ce sont les architectes qui portent ces choix-là, bien sûr qu'ils discutent avec leur maître d'ouvrage, mais ce sont les architectes qui font les propositions. décider de n'utiliser le béton qu'au minimum pour ce qu'il essaie de faire sans autre possibilité, par un autre matériau, c'est un pouvoir des architectes. Et puis, vous savez, les architectes sont des êtres libres, et ils sont tout à fait capables de dire non quand on leur impose de faire quelque chose. à l'absolue conscience que ça détruit la planète. Donc individuellement, ils peuvent répondre, et je pense que tous ceux qui ont signé le manifeste de la priorité aux éclatifs ont cette ambition-là. Collectivement, ils peuvent faire changer les lois. Une association qui s'appelle l'ICEP, qui est l'Institut pour la construction environnementale du bâtiment, a fait deux ouvrages magnifiques il y a une dizaine d'années maintenant qui s'appellent Hors la loi pour faire changer les lois parce que finalement, ce que nous savons faire depuis si longtemps, petit à petit, est regardé et rendu possible. Par exemple, je fais de la ventilation naturelle dans mes bâtiments en métropole depuis 2002. Et la ventilation naturelle n'était, on va dire, pas intégrée dans les réglementations, voire un peu combattue, voire encore un peu interdite dans certains cas de figure. Maintenant, avec le permis de faire ou le permis d'innover, porté par des lois, il y a la possibilité de déroger en matière de structure, en matière d'accessibilité, en matière de ventilation, etc. Donc même la loi nous donne la possibilité de faire autrement, bien sûr dans des contextes de garantie. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi et faire en sorte que la sécurité publique soit mise à... mis à mal. Tout ça se fait avec des gens qui sont des gens sérieux, qui sont des gens qui ont un engagement par rapport à l'avenir et un engagement par rapport aux sociétés dans lesquelles ils travaillent. Je vais vous donner un exemple. À l'heure actuelle, j'ai lancé une pétition pour baisser les taux de TVA sur les matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi, de telle manière que ces matériaux qui, aujourd'hui, sont chers, ne soient plus ne soient pas plus chers que les matériaux qui, eux, ne sont pas vertueux et issus de la pétrochimie. Donc ce travail autour d'une pétition est là pour faire changer les choses, et on va aller jusqu'au bout de cette histoire. Et puis après, il y a des projets. Par exemple, et c'est le second exemple, je vais me dire deux fois exemple, voire trois fois maintenant, je réalise à Bordeaux des logements collectifs, des logements sociaux collectifs, dans lesquels il n'y a pas du tout... de système de ventilation. Rien, rien, rien. Pas de système de VMC, comme on dit, simple flux ou double flux, pas de système de ventilation naturelle assistée contrôlée, ni simple flux, ni double flux, rien. En fait, tout ça est rendu possible parce que j'ai dessiné des logements qui ont des fenêtres dans toutes les pièces. Les logements sont tous traversants. Et deux, il y a des fenêtres dans toutes les pièces, y compris dans les WC, dans les salles de bain, dans les cuisines et bien sûr les chambres et les séjours. Ce dispositif qui est un dispositif de bonheur, ça rend quand même heureux les gens le matin d'aller vers la lumière plutôt que dans deux placards. Aujourd'hui, dans les logements neufs, les WC et les salles de bain sont des placards. Ce dispositif qui rend les gens heureux. et qui donne un air sain, bien sûr, c'est une proposition d'un architecte avec un ingénieur, Alain Bonnarelle de Tribus, le co-auteur du Manifeste de la frugalité heureuse et créative. Mais tout ça n'est rendu possible que parce qu'on a l'accord du ministère de la Santé, il s'agit bien de la santé publique avec la qualité de l'air, et que tout ça reçoit aussi l'accord du... du ministère de l'écologie, et qu'on est suivi par des organismes qui vont instrumenter le projet de telle manière de montrer que les gens y vivent bien et pas du tout dans des conditions désastreuses. Donc vous voyez le rôle de l'architecte est de ce niveau-là. À la fois il rédiste et en même temps il fait des propositions.

  • Speaker #0

    Peut-on parler... de frugalité heureuse et créative à tout le monde ? Est-ce que toutes les catégories sociales peuvent recevoir et appréhender ce concept de la même manière ? Je pose cette question pour une raison bien précise, c'est qu'on sait que parmi les personnes qui subissent directement ce réchauffement climatique et les atteintes à la nature qui sont engendrées par nos excès de consommation, on retrouve très souvent des personnes aux revenus modestes qui sont d'ailleurs les premières victimes de cette pollution, des risques pour leur santé, et en général, ce sont des personnes qui n'ont pas de... toujours choisi les lieux où elle habite aujourd'hui. Est-ce que le discours faire mieux avec moins est-il entendable dans ces cas-là ?

  • Speaker #1

    Plutôt, oui. Donc, l'enjeu, c'est le mieux. Le moins, c'est juste des outils. Donc, mieux, c'est l'enjeu. Le mieux, c'est qu'il faut que les logements, y compris les logements sociaux, soient isolés par l'extérieur. avec de bonnes fenêtres et qu'il soit avec des protections solaires pour l'été, de telle manière que ceux qui y habitent ne se retrouvent pas dans des situations d'inconfort terribles. Vous savez que certains logements sociaux, qui sont dans des bars et qui sont mono-orientés à l'ouest, font que le soir il fait 50 degrés dans les logements, et que les gens ne peuvent pas vivre dans ces logements-là parce que ce sont des bouilloires thermiques. Donc ni passoire thermique, ni bouilloire thermique, il faut... réussir à faire une isolation en utilisant moins de technologies, plus de technologies, on va dire, robustes, de telle manière que les gens vivent mieux. La question, ce n'est pas de faire en sorte que les gens soient malheureux. On est dans une logique qui est celle d'un rapport du Club de Rome de 1997 qui s'appelait Facteur 4 dont le sous-titre, c'est Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources Il n'y a pas d'autre projet d'avenir que celui-là. Deux fois plus de bien-être, c'est ce que je vous dis. y compris pour les gens qui sont dans des bars et dans des tours malheureux, dans des passoires thermiques et des bouilloires thermiques. Et on sait très bien que maintenant, nous ne pouvons pas arriver vers ce mieux-être qu'en utilisant de formes de ressources.

  • Speaker #0

    Les politiques font-elles suffisamment sur le sujet, selon vous, aujourd'hui, Philippe ?

  • Speaker #1

    Ça se saurait, non ? Non, il y a des choses qui sont totalement incompréhensibles. Il y a des milliards qui sont déversés par notre gouvernement pour dépolluer des sites industriels. Mais des milliards, je ne sais pas si vous avez vu passer ça, c'était l'année dernière, des grandes annonces sur 50 sites industriels pollueurs. Les plus pollueurs de France reçoivent des milliards de l'État pour être moins pollueurs. Vous savez qui c'est, ces sites ? 28 sites sur les 25 ans sont des cimenteries, donc Lafarge, Vicard, etc. Les autres, ce sont des sites issus de la pétrochimie, donc chimie, enfin à la fois des sites pétroliers et des sites de la pétrochimie. Est-ce que vous pensez vraiment que les fabricants de ciment et ceux qui font de l'essence, ceux qui vivent de la pétrochimie, ont besoin de nos milliards à nous pour se dépolluer ? Ces milliards-là devraient être... données, mises en place, utilisées pour la réhabilitation systématique du bâti en France.

  • Speaker #0

    Alors, vous parlez souvent d'architecture bioclimatique, c'est un de vos sujets de prédilection. Alors déjà, dans un premier temps, pouvez-vous nous rappeler ce qu'est l'architecture bioclimatique ? Et puis, deuxième question, peut-on encore la pratiquer aujourd'hui quand on sait que les conditions climatiques d'hier ne sont plus celles d'aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    L'architecture bioclimatique... c'est une architecture qui se sert de ce que l'environnement lui apporte. C'est une architecture qui vient chercher le soleil pour la lumière, pour la chaleur. Il va chercher l'ombre des arbres alentours. Il va chercher la fraîcheur du sol, si nécessaire, pour l'été. qui va chercher les vents pour être ventilé de belle manière. Donc cette architecture-là se dessine sans effort technologique. C'est juste un travail de coupe et de plan, et d'intelligence des conditions de contexte. La conception de l'eau climatique ne coûte rien. Vous voyez, c'est juste une façon de faire intelligente, une façon de regarder les plans qui intègrent les conditions de contexte. L'architecture bioclimatique en tant que champ de l'architecture apparaît dans les années 60 aux États-Unis. Et l'architecture bioclimatique va évidemment aussi étudier des dispositions qui sont issues de ce qu'on appelle l'architecture vernaculaire, c'est-à-dire l'architecture traditionnelle, celle construite par les gens, pour les gens dans les villages de pays de plus de 10 siècles. Mais l'enjeu...... du bio-climatique, ça n'est pas de reproduire exactement le vernaculaire d'hier puisque les conditions historiques dans lesquelles nous vivons aujourd'hui nous permettent de nous nourrir d'une intelligence des anciens mais nous avons des choses beaucoup plus complexes à régler et donc l'architecture bio-climatique, par exemple, quand elle doit faire une réhabilitation de barres et de tours vous comprenez bien que ce n'est pas une chaumière normande qui va l'aider beaucoup. Oui, cette posture bioclimatique passive, finalement, comme on dit, c'est une architecture pensée intelligemment, bien isolée, bien ventilée, bien solarisée, bien protégée du soleil. C'est la base. J'ai même tendance à dire aujourd'hui, il n'y a pas d'architecture qui ne soit pas bioclimatique, ou autant ce n'est pas de l'archive.

  • Speaker #0

    Quelle est la différence, s'il existe une différence d'ailleurs, avec l'architecture biomimétique ?

  • Speaker #1

    Alors, bioclimatique, dans tout... Si vous voulez, bio, ça veut dire la vie, donc tout ça est lié au vivant, bien entendu. Alors, il y a biomimétique, puis je rajouterais un mot qui est bio-inspiré. Alors, biomimétique, c'est vous regardez des dispositions qui sont des dispositions dans la nature et vous les reproduisez quasiment telles quelles. Par exemple, c'est ce qu'on appelle le dôme géodésique, qui est une invention qui est faite, à mon avis, dans les années 60. du siècle passé par Bugminster Fuller, où il a regardé comment les assemblages pouvaient se faire à partir de petits éléments dans les yeux des abeilles, dans plein de dispositifs naturels, et il a reproduit pour faire une structure, il a reproduit cette forme. Donc ça, c'est du biomimétisme. Il y a là une inspiration. le réemploi quasiment direct d'une technique. Donc le biomimétisme existe, se retrouve en médecine, se retrouve dans des techniques y compris pour faire des cols et des adhésifs, etc. Donc on va dire que l'industrie se nourrit du biomimétisme. Nous, dans la frugalité, on est plutôt bio-inspiré. Vous savez, la façon dont la nature gère le vivant est frugale. Et c'est ce qui nous inspire, la nature n'utilise pas plus que ce dont elle a besoin, la nature recycle tout, la nature est pour la coopération, etc. Donc oui, nous nous sommes bio-inspirés, mais certains d'entre nous, peut-être, ont du biomimétisme, mais en ce qui concerne le bio-climatique, ça n'est pas un enjeu direct du biomimétisme. Même s'ils ne s'interdisent pas, évidemment.

  • Speaker #0

    Alors, on voit de plus en plus apparaître des manières alternatives d'habiter. On pense, par exemple, au co-living, pour n'en donner qu'un seul exemple, comme ça. On décide, en fait, de partager des lieux en commun. Du coup, quel est l'avenir de la maison individuelle aujourd'hui ? La frugalité laisse-t-elle plus de place, finalement, à une forme de mutualisation par rapport à... à une privatisation ? Est-ce que c'est une rupture avec l'individualisme qu'on connaît ?

  • Speaker #1

    Ah oui, on le voit bien, mais d'une certaine manière, ce n'est pas la frugalité qui le promeut, c'est l'histoire, même, aujourd'hui.

  • Speaker #0

    les jeunes générations n'ont pas de souci pour inviter dans des habitats partagés plutôt que d'avoir chacun son appartement seul dans un coin. Tous les projets qu'on appelle, vous parlez du colibri, mais il y a aussi tous ces espaces portés par les colibris par exemple, d'habitats partagés en fait, c'est le nom qui convient. font en sorte que les gens à la fois ont leur propre logement, mais ils ont aussi dans l'ensemble qui les habite des éléments, des pièces qui sont mutualisées. J'ai récemment livré à Bordeaux aussi un habitat coopératif, comme on dit, qui a été dessiné avec douze familles. Et parmi les endroits qu'ils ont souhaités à partager ensemble, il y avait des très larges coursives, ils voulaient que les enfants puissent jouer sur les coursives. Il y a un espace collectif, qui est un espace avec une possibilité de cuisine, pour faire des réceptions que l'on ne peut pas faire dans sa maison, ou même pour inviter des gens d'extérieur. Il y a une chambre d'amis qui est partagée. Vous avez besoin d'inviter vos parents, par exemple, ou des amis. et vous n'avez pas la place dans votre appartement. Donc il y a une pièce qui sert à ça, qui est un studio, qui est partagé. Les espaces de jeu sont comme ça. Il y a une très grande terrasse collective qui est aussi partagée. Aujourd'hui, le partage est une vertu qui est très puissante et qui fait que les gens réalisent qu'ils n'ont peut-être pas les moyens de s'acheter tout ce qu'ils voulaient et que le partage autorise une qualité de vie. des fois plus de bien-être en consommant de formes et de ressources. Vous voyez, ça se joue aussi à ce niveau-là.

  • Speaker #1

    Il y en a beaucoup des projets comme ça, Philippe. C'est vrai que quand je vous entends parler, je me dis que c'est absolument formidable de voir naître des projets d'architecture comme ça, d'ailleurs que ce soit pour des logements sociaux ou pour des logements qui ne font pas partie de cette catégorie-là. Mais est-ce qu'il y en a beaucoup aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Ce principe coopératif existe beaucoup en Suisse. Je pense que la majorité des logements suisses sont coopératifs, figurez-vous. En tout cas, ils sont portés par des coopératifs. En France, c'est de plus en plus important. On en trouve vraiment partout. Je ne vais pas vous dire que c'est la majorité de ce qui se fait. Bien au contraire, on n'y est pas encore. Mais ces logements coopératifs, écoutez, je... Je connais plein de mes amis architectes et signataires de la friabilité qui en ont réalisé et qui continueraient à le faire. Pour ma part, après avoir terminé le projet qui s'appelle Bon Pati à Bordeaux, mon atelier est en train de concevoir un ensemble plus important de logements de ce type-là à Angers, dans le quartier des Bretonnières. Et on a les familles qui sont là, les réunions se font ensemble. Quand on est arrivé au projet, tout le monde est ému d'avoir réussi à trouver une solution qui convienne. Et on n'attend plus qu'une seule chose, c'est que le chantier se construise, et que peut-être ils mettent la main à la pâte, et qu'au bout du compte, ils aient des conditions de vie qui fonctionnent très bien. En fait, une des clés de ces logements coopératifs, c'est la présence des jeunes enfants, qui font du lien. pas simplement, très naturellement, entre les familles. Mais bien sûr, les familles qui font ce choix-là ont aussi un goût du partage. Pour répondre à votre question, c'est oui, il y en a davantage et beaucoup plus en France maintenant que comparé à vous.

  • Speaker #1

    Alors, j'ai remarqué qu'on vous posait souvent la question du coût, c'est normal. Évidemment, on se pose tous la question de est-ce que ça coûte moins cher, plus cher ? Bon, on sait que globalement... Peut-être qu'aujourd'hui, c'est encore un petit peu plus cher que lorsqu'on décide de construire en polluant. Cela dit, quand on vous pose la question de savoir si ça peut être plus avantageux financièrement, vous, vous parlez de mettre l'argent de manière stratégique sur le clos et le couvert. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Mais je veux revenir sur la question du coût. Tout à l'heure, j'ai évoqué avec vous la pétition de faire une baisse de la TVA. concernant les matériaux biosourcés, géosourcés et doréants. Bon, il est vrai qu'aujourd'hui, vous n'avez pas plus cher qu'un mur construit en parpaing, isolé en polystyrène et avec une menuiserie en PVC et avec un enduit plastique à l'extérieur. Tout ça est issu de la pétrochimie et ça ne coûte pas cher. Et ce ne sont pas des matériaux vertueux, c'est des matériaux catastrophiques. Les matériaux vertueux, eux, ne sont pas produits de manière industrielle, souvent sur les matériaux locaux, donc ils coûtent plus cher que les matériaux non vertueux. Moi, mon idée, c'est qu'il faut qu'on arrive au durable, mais au prix du leu-table. Il faut qu'on réussisse à faire ce travail-là, et la fiscalité est un outil pour ça. Et donc, baisser la TVA, voire supprimer la TVA sur les matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi. permettrait qu'au moment où les gens font des choix d'investissement, ils puissent avoir un vrai choix sur la qualité des matériaux qu'ils veulent mettre en œuvre. Parce que l'enjeu réellement, ce n'est pas de comparer les matériaux, mais de comparer les projets. Le projet bioclimatique n'est pas comme le projet qui n'est pas bioclimatique. Le projet frugal n'est pas comme le projet qui n'est pas frugal. Qu'est-ce qu'un projet frugal aujourd'hui ? C'est un projet qui est prêt pour les 30 ans à venir, les 40 ans à venir, les 70 ans à venir. C'est un projet qui est prêt à résister à l'évolution du climat, dont on sait tous qu'elle va être terrible, puisque l'augmentation de plus 1,5 degré, qui était considérée comme une évolution à ne pas dépasser. et qui était l'enjeu pour la fin du siècle, on sait maintenant que c'est en 2030 qu'on va avoir dépassé plus 1,5 degré, et qu'à la fin du siècle, on sera plus proche de plus 2,8 degré, voire dans certains endroits, plus 4 degré. Et que donc ce qui est fait aujourd'hui ne peut pas être obsolète au moment où on le livre, ne peut pas être à ce point impensé. que ceux qui achètent ou ceux qui louent leur logement se trouvent dans des situations invivables. Donc, une fois qu'on a dit ça, une fois qu'on sait qu'il faut se préparer et ne pas gâcher son argent, on le met sur ce qui est le plus important, le clou et le couvert. Il ne faut pas que nous soyons obligés de réhabiliter les architectures que l'on fait, qu'on soit obligés de les réhabiliter dans 20 ans, dans 30 ans ou dans 40 ans. Il faut les préparer à ce qui va se passer. Et donc, il faut mettre l'argent sur le clos et le couvert, c'est-à-dire sur les murs, sur les sols, sur les toits, sur les fenêtres, sur les doublages, sur tout ça, sur les isolations, les protections solaires. C'est là que l'argent va être investi. Et tout de suite, il ne faut pas attendre. Le second œuvre... Lui, il peut changer. Ce n'est pas le second œuvre qui va faire changer beaucoup la capacité d'une maison à résister aux dérèglements climatiques. Donc, ce n'est pas sur le second œuvre qu'il faut investir le plus. Ou alors, il faut, il convient plutôt qu'il faut, il convient de réfléchir à une déco, à une décoration, à un aménagement intérieur. en se demandant comment est-ce que je peux faire aussi bien en utilisant moins de ressources. Ce qui est un enjeu très joyeux, c'est un enjeu très inventif. On parlait de la créativité tout à l'heure, vous avez là une des conditions de créativité essentielles. Il y a une grande architecte autrichienne qui s'appelle Anna Ehringer, qui est une des signatrices du Monde de la Foguille des Théoriques et des Créatives, et qui l'expliquait récemment à quel point il y avait du plaisir à se demander comment est-ce que je peux faire mieux. en utilisant moins de ressources. Ça devient un vrai jeu, et un jeu vital.

  • Speaker #1

    Alors justement, je vais rebondir sur ce que vous disiez sur la réhabilitation, vous en parliez, vous avez pu aussi parler dans d'autres interviews des fameuses réhabilitations, des rénovations, qui seraient évidemment préférables à la construction du neuf. La ville de demain, c'est donc celle qui est déjà là, devant nous, mais alors peut-on toujours tiré parti de l'ancien bâti, est-ce qu'il existe des limites à la rénovation ?

  • Speaker #0

    C'est la limite planétaire. Nos limites, c'est terminé. Aujourd'hui, on a une intelligence accrue du réel. Et donc, dans tous nos projets, que ce soit du neuf ou que ce soit de la réhabilitation, il y a des limites. Alors quelle est la limite qu'il y a dans la réhabilitation ? Peut-être la capacité de la structure à évoluer, à accepter d'autres surcharges par exemple. Mais c'est peut-être la seule que je vois. Pour le reste, on peut tout faire mieux avec moins dans le bâtiment existant. Et je dois vous dire que ce que c'est même... C'est même très... comment dire... Travailler sur l'existant permet d'inventer plus que quand on parle d'une fabule. Et quand vous travaillez sur l'existant, parfois vous travaillez sur des espaces que vous ne pourriez pas vous payer aujourd'hui, qui sont de beaux et grands espaces, et puis vous ne pourriez pas réaliser un certain nombre d'éléments qu'on ne sait plus faire aujourd'hui. Donc travailler sur l'existant, sur ce qui est déjà là... permet d'innover vraiment, et je suis en train de le faire à Paris, pour la médiathèque du 19ème arrondissement de Paris, qui s'appelle James Baldwin, et la première maison des réfugiés de Paris, où on a conservé tous les bâtiments du lycée Hôtelige d'Ancary, qui étaient présents sur place. Et en fait, ça nous a amenés à faire une architecture qui est aujourd'hui très lumineuse, très heureuse, très ouverte. Voilà, avec de grands espaces et même des surfaces plus grandes que ce dont on avait besoin. Non, travailler sur l'existant est une joie. Et effectivement, comme vous le disiez tout à l'heure, la ville de demain est déjà là.

  • Speaker #1

    Quand je vous écoute, Philippe, je remarque que vous utilisez beaucoup le champ lexical heureux joie joyeuse architecture joyeuse Il y a une raison à ça ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a... Bon déjà je fais un métier pour des gens qui veulent qu'on les rende heureux. Aucun de mes clients et de mes maîtres d'ouvrage ne me demande Fais-moi une architecture qui me rend malheureux Personne. Et puis c'est un métier qui est peut-être un métier difficile, mais qui donne des joies, de très grandes joies, quand on voit les gens qui entrent dans les lieux, qui les découvrent, qui se les approprient, ou même des gens qui collaborent avec nous au moment de la conception. C'est cette... Cette possibilité du partage, du faire ensemble, oui, pour le coup, c'est joyeux. Je ne vais pas vous dire que c'est tous les jours facile, un chantier, mais ça, on le sait tous. Mais voilà, l'architecture est un vecteur de bien-être, donc de bonheur. Bien-être et bonheur, c'est la même chose.

  • Speaker #1

    La frugalité mène-t-elle à une forme d'abondance ?

  • Speaker #0

    Oui. Et je dois vous dire que dans un premier temps, je ne m'y attendais pas à ce point-là, même si grosso modo je pressentais. En fait, une fois que vous vous êtes débarrassé de la monoculture du béton, du projet générique des modernes, le même bâtiment que vous pouvez construire aux quatre coins du monde, à partir du moment où il y a de l'énergie pour que la climatisation à l'intérieur fonctionne, une fois que vous laissez tomber... de côté ces solutions pré-mâchées, et que vous avez envie de trouver dans les lieux les ressources physiques et les ressources humaines qui sont disponibles, finalement c'est un panel incroyable de matière qui arrive. Il y avait le béton d'un côté, bon le béton est toujours là, qu'on ne peut pas faire autrement, mais vous retrouvez le bois, la pierre, la terre, les fibres. d'un seul coup on est face à une palette d'outils extrêmement grande. Et comme nous, nous ajoutons à ces matières solides de l'architecture, comme nous, nous ajoutons les matières fluides de l'architecture, qui sont la chaleur, l'air, la lumière, et que la rencontre entre ces matières fluides et ces matières solides démultiplie les possibilités, eh bien, on est là dans une abondance incroyable qui est en plus démultipliée par les climats, puisque quand vous faites une architecture bioclimatique, c'est à chaque climat que vous répondez, et qui est encore démultipliée par les sociétés, parce que nous, quand nous travaillons, nous ne travaillons pas en, comment dire, en fermé dans nos ateliers, nous travaillons avec les sociétés pour lesquelles nous sommes à l'aise. par lesquels nous sommes appelés à travailler. Et donc, vous voyez, ça n'en finit pas de se démultiplier, et jamais un de nos projets sont pareils. C'est impensable, ça n'a pas de sens. Ça voudrait dire qu'on a mal travaillé, qu'on n'a pas pris en compte les milieux, les lieux, les sociétés, enfin, toutes ces choses-là, qui est la grande richesse du monde. En fait, la Terre est d'une beauté infinie, mais cette beauté infinie, il faut accepter de la voir. Il faut accepter de voir ce qui est différent, il faut accepter de voir ce qui est divers, il faut accepter de se donner l'envie de travailler avec ces diversités-là. Et quand c'est fait, c'est de l'abondance. Ça déborde, en fait.

  • Speaker #1

    Vous me faites une parfaite transition pour ma prochaine question. Je vais de nouveau vous citer. Vous avez pu dire dans les médias, Ce qui est universel, c'est la différence, c'est une richesse, et cela passe par le rapport à la ressource. On ne construit pas nos bâtis de la même manière selon la culture, alors, Philippe ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. En fait, ce qui est intéressant de voir, c'est que... Les cultures sont aussi originaires ou trouvent leur origine ou leur raison dans une relation au contexte. La culture inuite n'est pas la culture des peules, parce que la manière de vivre la banquise n'est pas la même que celle de vivre le désert. Bien sûr, j'ai pris des choix très opposés, mais parce que même... Même, vous prenez la France et vous savez qu'on ne vit pas de la même manière en Méditerranée aujourd'hui, ou en Bretagne. Et en fait, les cultures naissent de cette relation-là, au milieu et au lieu. Et les architectures en sont aussi nées. Et donc oui, c'est ça, ne pas arriver avec des solutions toutes faites. arriver avec une vraie envie de découvrir les lieux dans lesquels vous êtes invité à travailler, ça demande de la bienveillance, je pense que ça demande de l'amour tout court, de comprendre ce qui se passe et d'avoir envie de faire en sorte que ça se passe mieux. Tout ça lie les cultures au milieu, aux géographies, au climat, aux sociétés. Et comme je vous l'ai dit tout à l'heure, cet assemblage culture, climat, géographie, société, se rejoue presque d'une commune à l'autre. Bon, j'exagère un peu là, mais pas tant que ça. Parfois dans une même commune, si vous avez un plateau et une vallée, dans la vallée, on ne vit pas comme sur le plateau.

  • Speaker #1

    Je crois que vous donniez un exemple d'architecture. Alors, je ne sais plus si c'était en Suède ou en tout cas les pays du Nord. Et vous preniez l'exemple des fenêtres, de la construction des fenêtres. La fenêtre est un parfait exemple justement de différence des cultures d'un territoire à l'autre en architecture.

  • Speaker #0

    Oui, c'est considérable. En fait, je comparais, et c'est une comparaison que je fais encore, je comparais une fenêtre en Hollande, dans les vieilles maisons hollandaises, et une fenêtre dans la Durance en France. Donc la fenêtre dans la Durance, c'est une fenêtre dans un mur en pierre. La fenêtre est mise à l'intérieur et elle est protégée par les volets. Et donc vous comprenez que la fenêtre qui est en retrait d'un mur épais en pierre, qui apporte de l'inertie avec des volets qui viennent devant pour apporter de l'ombre, tout ça est une façon d'écrire la relation que la société de la violence a avec son propre climat. Quand vous regardez une vieille architecture hollandaise, où les maisons sont en briques et les fenêtres sont au nu extérieur. Et elles ne sont pas protégées par les volets. Ce qui veut dire que les fenêtres hollandaises ne sont jamais dans l'ombre. Elles viennent en fait chercher le soleil dès que le soleil est possible. Elles ne laissent pas la neige s'installer sur la puce fenêtre. Et finalement, ça amène une très grande transparence. qui est d'ailleurs aussi une des qualités de la culture hollandaise. Et vous voyez à quel point... Je vous remercie d'avoir fait parler des fenêtres, parce que oui, les fenêtres sont des indicateurs extrêmement forts de cette présence culturelle dans la fabrication d'architectures.

  • Speaker #1

    Vous en parliez tout à l'heure en donnant quelques exemples des projets que vous avez menés, des projets coopératifs. Si on reprend un petit peu ces exemples-là, ces types de projets, est-ce que ces projets-là sont aussi l'opportunité de créer du lien social et plus de convivialité entre les individus ?

  • Speaker #0

    Le choix coopératif, c'est le choix de coopérer, c'est faire ensemble, c'est mettre toutes les énergies disponibles. les uns et les autres dans le sens d'un but commun. Oui, cette ambition, à la fois dans des projets de maison, mais aussi dans les projets de territoire, cette ambition de faire les choses de manière coopérative est une des caractéristiques de notre époque.

  • Speaker #1

    C'est aller vers une économie sociale et solidaire, c'est ça l'enjeu de la frugalité d'aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    La frugalité s'inscrit tout à fait dans cet objectif de l'économie sociale et solidaire, mais aussi de l'économie circulaire, de l'économie de la proximité, toute cette autre manière non internationale, non mondialisée de penser l'économie.

  • Speaker #1

    À qui s'adresse votre livre ?

  • Speaker #0

    Tous les gens, on vit des architectures. Tous les soirs, vous rentrez chez vous. et vous confiez au mur qui est à côté de votre lit, vous vous confiez. Et si vous n'avez pas cette possibilité de confiance, vous ne vous effondrez pas dans la nuit, vous en avez besoin pour vous réveiller en toujours humain. Et donc tout le monde a cette relation intime, profonde, nécessaire, vitale à l'architecture. Il y a cette relation individuelle et puis il y a cette relation collective. Il s'agit bien de la maison, mais il s'agit aussi de l'établissement humain. Le fait que nous sommes ensemble sur Terre, et donc tous ceux qui ont à la fois une conscience de leur être individuel et de leur être politique, de leur être social, peuvent trouver dans être avec moi, dans être avec moi, dans mieux avec moi, peuvent trouver des réponses, je pense.

  • Speaker #1

    C'est un joli lapsus, vous avez utilisé le mot être.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est mieux être.

  • Speaker #1

    Alors, nous arrivons à la fin de cet épisode de podcast et je vais donc vous poser une dernière question, Philippe. Quel message avez-vous envie de faire passer à nos auditrices et à nos auditeurs ?

  • Speaker #0

    On n'a pas de temps à perdre. On n'a pas de temps à perdre. Ce n'est pas pour demain, ce qu'on s'est dit, c'est pour maintenant.

  • Speaker #1

    Merci Philippe pour cet échange. C'était un plaisir de vous recevoir sur le podcast.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Leïla.

  • Speaker #1

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Description

Bâtir des murs en harmonie avec la Terre - c’est la mission que s’est donné mon invité du jour.


Qu’il soit implanté en milieu rural ou urbain, le bâtiment frugal puise son inspiration dans les sols, l’air et se nourris des cultures environnante pour proposer une histoire à vivre à ses habitants. 


Pionnier d’une architecture et d’un urbanisme éco-responsable, mon invité du jour est architecte formé au Grand-Palais à Paris, et urbaniste. 

Il nous enseigne l’art de co-habiter avec la nature. 


Il est le co-auteur du manifeste pour une Frugalité heureuse et créative dans l'aménagement des territoires urbains et ruraux. Un mouvement créé en 2018, et soutenu par plus de 15 000 personnes issues du monde des bâtisseurs. 


Il est aussi l’auteur du livre intitulé « Mieux avec moins » aux éditions Terre Urbaine. 

Un essai qui présente les urgences écologiques dans le domaine de l'architecture et des territoires, et qui prône la pratique d’une intelligence collective au service d’une architecture plus juste. 


J’ai la grande joie de recevoir sur Ma déco fait boum, Philippe Madec.

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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la saison 3 de Madécofé Boom, le podcast qui parle d'intérieur, qui fait battre le cœur. Je suis Leïla Fégoul, la fondatrice de ce podcast et communiquante au service du vivant. Madécofé Boom est un média indépendant qui porte la voix de celles et ceux qui œuvrent chaque jour pour créer des lieux de vie durables et désirables. Au fil des épisodes, je vous emmène avec moi faire la rencontre de personnalités engagées et porteuses de projets à séance pour aborder des sujets inspirants. autour du cadre de vie et de l'impact de nos environnements sur nos états d'être. Ici, mes invités bousculent le beau et l'architecture conventionnelle. Design, bien-être et histoire de nos décors, cheminons ensemble vers une conscience de ce qui nous entoure et désirons ce qui nous rend vivants, à l'intérieur pour l'extérieur. Bâtir des murs en harmonie avec la terre, c'est la mission que s'est donnée mon invité du jour. Qu'il soit implanté en milieu rural ou urbain, le bâtiment frugal puise son inspiration dans les sols, l'air, et se nourrit des cultures environnantes pour proposer une histoire à vivre à ses habitants. Pionnier d'une architecture et d'un urbanisme éco-responsable, mon invité du jour est architecte formé au Grand Palais à Paris et urbaniste. Il nous enseigne l'art de cohabiter avec la nature. Il est le co-fondateur du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative dans l'aménagement des territoires urbains et ruraux, un mouvement créé en 2018 et soutenu par plus de 15 000 personnes issues du monde des bâtisseurs. Il est aussi l'auteur du livre intitulé Mieux avec moins aux éditions Terre Urbaine, Un essai qui présente les urgences écologiques dans le domaine de l'architecture et des territoires et qui prône une intelligence collective au service d'une architecture plus juste. J'ai la grande joie de recevoir sur le podcast de Madeco Feboom, Philippe Madec. Bonjour Philippe, comment allez-vous ?

  • Speaker #1

    Bonjour, je vais très bien, je vous remercie pour cette invitation.

  • Speaker #0

    Je vous remercie à vous de l'avoir accepté, merci d'être là. Alors je vous propose de commencer cette interview avec ma première question. Alors, je l'ai dit en introduction, vous êtes le co-auteur du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative. Alors, je ne vais pour l'instant pas m'arrêter sur le terme de frugalité, même si je pense qu'on reviendra dessus un peu après. Je préfère m'attarder un instant sur celui de créativité. Alors, ma question la voici. Quel rôle joue la créativité pour la frugalité ? Pourquoi est-ce que vous faites rimer frugalité et créativité, justement ?

  • Speaker #1

    En fait, nous vivons une période historique. très singulière et qui demande, pour réussir à s'extraire de l'héritage du modernisme, pour réussir à s'extraire de l'héritage du XXe siècle, qui demande de l'intelligence créative, qui demande une capacité d'innovation, d'invention, de solution adéquate, légère et efficace, et partager pourquoi la créativité est indispensable et la frugalité autorise. cette créativité. Elle l'autorise à au moins deux titres. Le premier est que la frugalité est une écologie. Nous nous attachons à ménager ce qui est là et c'est aussi une économie. Nous savons faire mieux avec moins. Et donc, mettez ensemble cette économie, cette écologie, ménagez le monde déjà là en faisant mieux avec moins. Et vous comprendrez que tout ça est évidemment l'objet d'une nécessaire créativité pour se sortir de la surconsommation du XXe siècle, de la perte de gaz de gîte dont nous sortons.

  • Speaker #0

    Et alors si on revient un instant sur le mot de frugalité, est-ce que vous pouvez nous l'expliquer ?

  • Speaker #1

    Bien sûr, c'est un mot qui pour nous est évidemment très porteur de sens. Il y a... Il y a maintenant 5 ans, avec Alain Bornarelle et Dominique Vosin-Muller, quand on a décidé d'écrire ce manifeste pour une frugalité rose et créative, nous aurions pu utiliser le mot de sobriété, par exemple, puisque Pierre Rabhi... des colibris qui utilisent la sobriété heureuse, que Ivan Ilyich, dans les années 60, parlait de sobriété volontaire, et qu'une autre association parmi nos amis, qui s'appelle Negawalt, parle de sobriété énergétique. Mais en fait, le mot sobriété, pour nous, ne portait pas une joie absolument nécessaire pour construire un récit d'avenir, et on le voit très bien en ce moment. On voit à quel point le monde politique et le monde économique s'est emparé du mot sobriété pour en faire une injonction. Il faut moins consommer, il faut moins émettre de CO2. Mais on ne fabrique pas un récit d'avenir autour d'une injonction. Il fallait trouver quelque chose de porteur d'espoir. Et l'infrigalité a cette grande qualité, c'est que ça n'est pas se serrer la ceinture, l'infrigalité. L'infrigalité... c'est la récolte des fruits de la terre. En fait, frugalité vient du latin frux frugis, qui veut dire le fruit, et frugal veut dire la récolte du fruit de la terre. Et cette récolte est fructueuse, c'est la même origine, fruit, fructueuse, quand elle ne blesse pas la terre et quand elle rassasit ceux qui la font. Voilà pourquoi, pour nous, évidemment, la frugalité qui parle de cet élan vital de la nature, qui produit des fruits, et qui produit des fruits à notre attention. Cette notion de frugalité nous semblait porteuse du récit d'avenir que nous souhaitions.

  • Speaker #0

    Les mots sont importants, Philippe, dans ce genre de combat, d'ambition que vous menez ?

  • Speaker #1

    Oui, les mots sont importants. Je suis aussi écrivain et c'est parce que j'aime les mots que je le suis. Et ici, oui, choisir frugalité et pas sobriété, ça porte évidemment une... On a une orientation d'avenir, une orientation historique qui est très différente.

  • Speaker #0

    Alors revenons un instant sur ce manifeste. Alors de quoi s'agit-il exactement ? Et deuxième question en plus de celle-ci, comment ce manifeste ? Se manifeste-t-il justement de manière concrète au sein du groupe des personnes qui adhèrent aujourd'hui à ces valeurs ?

  • Speaker #1

    En fait, quand on a écrit ce manifeste, on voulait... On voulait au moins faire deux choses. La première, c'était reconnaître la responsabilité du monde des bâtisseurs dans le dérèglement global. Et finalement, assumer la responsabilité de ce rôle désastreux des bâtisseurs. Le rôle des bâtisseurs est de créer un abri heureux, un abri serein pour les hommes sur Terre. Et au-delà de tout ça... Pendant le modernisme, les bâtisseurs ont détruit la planète, ont absolument changé pour le pire le visage de la planète. Nous voulions assumer cette responsabilité et dire qu'il y a d'autres voies pour faire l'établissement humain, pour construire cet établissement humain sur Terre, et que ces autres voies-là, ce ne sont pas des utopies, ce ne sont pas des voies qu'il va falloir ouvrir, elles sont déjà ouvertes. Elles sont déjà empruntées et elles suivent, on va dire, quatre chemins. Il est nécessaire d'être frugal en matière, il est nécessaire d'être frugal en technologie, nécessaire d'être frugal en énergie et nécessaire d'être frugal en territoire. Donc cette position est une position de bâtisseur et je pense que c'est aussi une des forces de notre manifeste. Nous n'essayons pas de faire un mouvement... juste pour pouvoir rassembler les gens, nous rassemblons effectivement des gens qui ont la même ambition et qui, en fait, ne savaient pas qu'ils étaient peut-être aussi nombreux, parce qu'ils étaient souvent solitaires et dans la difficulté de leur métier, ils ne savaient sans doute pas qu'ils étaient aussi nombreux et qu'ensemble, ils pourraient arriver à faire changer des choses. Donc voilà, quand on a lancé ce manifeste, ce qui s'est manifesté, pour reprendre votre réemploi deux fois du mot manifeste, le manifeste a manifesté qu'il existe un peuple de l'afro-gayité, qu'il existe un peuple nombreux de gens engagés pour faire autrement la construction de l'établissement humain.

  • Speaker #0

    Alors, on va revenir un instant sur la notion de responsabilité des bâtisseurs. Alors, comme je l'ai dit dans l'introduction, vous êtes l'auteur du livre Mieux avec moi donc aux éditions Terre Urbaine. Je pourrais mettre les informations de ce livre dans les notes de cet épisode. En tous les cas, le premier chapitre de votre livre, il s'intitule Les bâtisseurs aux bandes des accusés Comment vous expliquez qu'on ait attendu aussi longtemps pour... pour parler de la responsabilité des bâtisseurs dans la préservation de notre environnement, parce qu'on a un petit peu l'impression que le sujet est très médiatisé seulement depuis ces quelques dernières années. Oui,

  • Speaker #1

    c'est très juste. Je dois dire que je n'ai pas la réponse à la question que vous posez, mais juste des intuitions. C'est seulement en 2018 que l'ONU annonce que l'impact du monde de la construction correspond à 40% des émissions de gaz à effet de serre. Ce 40% c'est quand même important, et vous ajoutez à ça des déplacements qui sont liés à l'urbanisme, et vous voyez bien que... Mon métier d'architecte et d'urbaniste me met en situation d'être responsable de plus de 60% des émissions de gaz à effet de serre. Alors cette conscience mondiale, elle est différente des consciences individuelles, puisque des pionniers dans notre métier, il en existait déjà, mais au niveau mondial, il faut comprendre que le seul sommet onusien, le seul sommet de l'ONU qui ne se tient que tous les 20 ans, c'est le sommet qui s'appelle Habitat. C'est-à-dire que le seul sommet où on parle de l'établissement humain, c'est-à-dire de ce qui est le quotidien des êtres sur Terre, où est-ce que j'habite, comment j'habite et dans quoi j'habite, n'était débattu que tous les 20 ans. Donc 1976, 1996, 2016. Donc vous imaginez, chaque fois il s'est passé quelque chose. Et donc pendant ce temps-là, d'une certaine manière, au niveau mondial, on ne mettait pas en avant suffisamment le... poids des bâtisseurs dans le dérèglement mondial. Alors après, vous savez, les lobbies, ça existe. Les lobbies qui sont liées au monde de la construction sont présents partout et je pense qu'ils ont continué à faire leur travail comme ils continuent à le faire aujourd'hui pour éviter que l'on parle de cet impact-là qui rapporte beaucoup d'argent par ailleurs.

  • Speaker #0

    Et alors, qu'est-ce qui se joue sur le plan humain et social selon vous dans l'expérience d'une telle frugalité de manière générale ?

  • Speaker #1

    Bon, vous savez, le... C'est terminé le temps où on pensait que l'écologie c'était pour les bobos, et que les écoquartiers c'était pour les bobos. C'est fini cette chose-là. J'ai livré, il y a maintenant 4 ans, et je suis en train d'écrire un livre d'ailleurs à ce sujet, j'ai livré un écoquartier qui s'appelle les Noé à Val-de-Reuil, les Coamodé-Noé à Val-de-Reuil, qui est un écoquartier entièrement de logement social, en accession et en location. Et quand il y a eu les crises des nuées jaunes, vous vous souvenez du slogan fin du mois ou fin du monde les radios et les télévisions sont arrivées dans cet éco-village dénoué parce qu'il était connu que les gens qui habitent dans ces logements ne payent pas de chauffage. La conception a été tellement bien faite qu'on a eu une bonne orientation qui apporte... une solarisation gratuite, une bonne isolation par extérieur, une bonne inertie à apporter au logement. Les gens en hiver n'ont pas vraiment besoin d'utiliser leur chauffage. Et l'eau chaude est produite par une chaufferie collective au bois. Et donc, Libération est venue sur place et a aussi considéré que c'était une vraie solution qui était à apporter là, et a très bien montré que voilà le... L'enjeu, pour faire en sorte que ceux qui sont dans le besoin vivent plus heureux, l'enjeu consiste à faire en sorte que l'on ait moins besoin de se chauffer pour pouvoir vivre des revenus que l'on a et de ne pas être déçu suite à une mauvaise conception des logements dans lesquels on habite. C'est vrai pour le trop chaud. l'été ou trop froid l'hiver. Donc l'enveu, c'est vraiment de faire en sorte que tout ce travail-là aide surtout les plus démunis, aide tout le monde évidemment, mais aide aussi et ne laisse pas sur le bas-côté de la route les plus démunis, mais bien au contraire.

  • Speaker #0

    Alors, vous avez pu raconter une anecdote intéressante dans une autre interview que vous avez donnée. Je crois que votre grand-père était sourcier. Vous racontez qu'il vous a un jour mis entre les mains une baguette de coudrier, et ce jour-là, vous comprenez que vous êtes traversé par les ondes telluriques. Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui s'est joué ? Qu'est-ce qui s'est passé à cet instant pour vous ?

  • Speaker #1

    En fait, vous réalisez qu'il se passe dans votre main quelque chose que vous ne décidez pas, alors que grosso modo, vos mains ne servent qu'à faire des choses que vous décidez. Et là, il se passe quelque chose que je ne maîtrise pas. Et donc, je comprends. que finalement ce qui est en train de s'exprimer dans ce bâton, c'est que nous sommes tous traversés par les ondes telluriques. Et que donc la nature est toujours là, même dans les secteurs les plus... artificialisés sauf on va dire dans des cases de faraday partout la nature est là et si vous voulez un autre exemple que les ondes telluriques c'est le temps le temps c'est la vie le temps c'est une expression de la nature et le temps nous traverse donc accepter simplement de comprendre cette relation intime À la nature, ça m'a été donné quand j'étais jeune. J'avais à la fois un grand-père meunier qui faisait son électricité à partir de la chute d'eau de l'étang, et j'étais fils d'ostriculteur. Et donc la marée, deux fois par jour, c'était une façon pour la nature de se rappeler à mon bon souvenir, mais je n'en avais pas besoin.

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, quelle est la marge de manœuvre des architectes ? pour aller vers des projets plus frugaux, c'est-à-dire dans quelle mesure ils sont décisionnaires concernant les grandes orientations un peu stratégiques d'un projet qui serait vertueux, parce qu'on pourrait penser qu'ils seraient comme des garde-fous d'une réglementation en la matière, par exemple.

  • Speaker #1

    S'ils décidaient, et ce sont les architectes qui portent ces choix-là, bien sûr qu'ils discutent avec leur maître d'ouvrage, mais ce sont les architectes qui font les propositions. décider de n'utiliser le béton qu'au minimum pour ce qu'il essaie de faire sans autre possibilité, par un autre matériau, c'est un pouvoir des architectes. Et puis, vous savez, les architectes sont des êtres libres, et ils sont tout à fait capables de dire non quand on leur impose de faire quelque chose. à l'absolue conscience que ça détruit la planète. Donc individuellement, ils peuvent répondre, et je pense que tous ceux qui ont signé le manifeste de la priorité aux éclatifs ont cette ambition-là. Collectivement, ils peuvent faire changer les lois. Une association qui s'appelle l'ICEP, qui est l'Institut pour la construction environnementale du bâtiment, a fait deux ouvrages magnifiques il y a une dizaine d'années maintenant qui s'appellent Hors la loi pour faire changer les lois parce que finalement, ce que nous savons faire depuis si longtemps, petit à petit, est regardé et rendu possible. Par exemple, je fais de la ventilation naturelle dans mes bâtiments en métropole depuis 2002. Et la ventilation naturelle n'était, on va dire, pas intégrée dans les réglementations, voire un peu combattue, voire encore un peu interdite dans certains cas de figure. Maintenant, avec le permis de faire ou le permis d'innover, porté par des lois, il y a la possibilité de déroger en matière de structure, en matière d'accessibilité, en matière de ventilation, etc. Donc même la loi nous donne la possibilité de faire autrement, bien sûr dans des contextes de garantie. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi et faire en sorte que la sécurité publique soit mise à... mis à mal. Tout ça se fait avec des gens qui sont des gens sérieux, qui sont des gens qui ont un engagement par rapport à l'avenir et un engagement par rapport aux sociétés dans lesquelles ils travaillent. Je vais vous donner un exemple. À l'heure actuelle, j'ai lancé une pétition pour baisser les taux de TVA sur les matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi, de telle manière que ces matériaux qui, aujourd'hui, sont chers, ne soient plus ne soient pas plus chers que les matériaux qui, eux, ne sont pas vertueux et issus de la pétrochimie. Donc ce travail autour d'une pétition est là pour faire changer les choses, et on va aller jusqu'au bout de cette histoire. Et puis après, il y a des projets. Par exemple, et c'est le second exemple, je vais me dire deux fois exemple, voire trois fois maintenant, je réalise à Bordeaux des logements collectifs, des logements sociaux collectifs, dans lesquels il n'y a pas du tout... de système de ventilation. Rien, rien, rien. Pas de système de VMC, comme on dit, simple flux ou double flux, pas de système de ventilation naturelle assistée contrôlée, ni simple flux, ni double flux, rien. En fait, tout ça est rendu possible parce que j'ai dessiné des logements qui ont des fenêtres dans toutes les pièces. Les logements sont tous traversants. Et deux, il y a des fenêtres dans toutes les pièces, y compris dans les WC, dans les salles de bain, dans les cuisines et bien sûr les chambres et les séjours. Ce dispositif qui est un dispositif de bonheur, ça rend quand même heureux les gens le matin d'aller vers la lumière plutôt que dans deux placards. Aujourd'hui, dans les logements neufs, les WC et les salles de bain sont des placards. Ce dispositif qui rend les gens heureux. et qui donne un air sain, bien sûr, c'est une proposition d'un architecte avec un ingénieur, Alain Bonnarelle de Tribus, le co-auteur du Manifeste de la frugalité heureuse et créative. Mais tout ça n'est rendu possible que parce qu'on a l'accord du ministère de la Santé, il s'agit bien de la santé publique avec la qualité de l'air, et que tout ça reçoit aussi l'accord du... du ministère de l'écologie, et qu'on est suivi par des organismes qui vont instrumenter le projet de telle manière de montrer que les gens y vivent bien et pas du tout dans des conditions désastreuses. Donc vous voyez le rôle de l'architecte est de ce niveau-là. À la fois il rédiste et en même temps il fait des propositions.

  • Speaker #0

    Peut-on parler... de frugalité heureuse et créative à tout le monde ? Est-ce que toutes les catégories sociales peuvent recevoir et appréhender ce concept de la même manière ? Je pose cette question pour une raison bien précise, c'est qu'on sait que parmi les personnes qui subissent directement ce réchauffement climatique et les atteintes à la nature qui sont engendrées par nos excès de consommation, on retrouve très souvent des personnes aux revenus modestes qui sont d'ailleurs les premières victimes de cette pollution, des risques pour leur santé, et en général, ce sont des personnes qui n'ont pas de... toujours choisi les lieux où elle habite aujourd'hui. Est-ce que le discours faire mieux avec moins est-il entendable dans ces cas-là ?

  • Speaker #1

    Plutôt, oui. Donc, l'enjeu, c'est le mieux. Le moins, c'est juste des outils. Donc, mieux, c'est l'enjeu. Le mieux, c'est qu'il faut que les logements, y compris les logements sociaux, soient isolés par l'extérieur. avec de bonnes fenêtres et qu'il soit avec des protections solaires pour l'été, de telle manière que ceux qui y habitent ne se retrouvent pas dans des situations d'inconfort terribles. Vous savez que certains logements sociaux, qui sont dans des bars et qui sont mono-orientés à l'ouest, font que le soir il fait 50 degrés dans les logements, et que les gens ne peuvent pas vivre dans ces logements-là parce que ce sont des bouilloires thermiques. Donc ni passoire thermique, ni bouilloire thermique, il faut... réussir à faire une isolation en utilisant moins de technologies, plus de technologies, on va dire, robustes, de telle manière que les gens vivent mieux. La question, ce n'est pas de faire en sorte que les gens soient malheureux. On est dans une logique qui est celle d'un rapport du Club de Rome de 1997 qui s'appelait Facteur 4 dont le sous-titre, c'est Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources Il n'y a pas d'autre projet d'avenir que celui-là. Deux fois plus de bien-être, c'est ce que je vous dis. y compris pour les gens qui sont dans des bars et dans des tours malheureux, dans des passoires thermiques et des bouilloires thermiques. Et on sait très bien que maintenant, nous ne pouvons pas arriver vers ce mieux-être qu'en utilisant de formes de ressources.

  • Speaker #0

    Les politiques font-elles suffisamment sur le sujet, selon vous, aujourd'hui, Philippe ?

  • Speaker #1

    Ça se saurait, non ? Non, il y a des choses qui sont totalement incompréhensibles. Il y a des milliards qui sont déversés par notre gouvernement pour dépolluer des sites industriels. Mais des milliards, je ne sais pas si vous avez vu passer ça, c'était l'année dernière, des grandes annonces sur 50 sites industriels pollueurs. Les plus pollueurs de France reçoivent des milliards de l'État pour être moins pollueurs. Vous savez qui c'est, ces sites ? 28 sites sur les 25 ans sont des cimenteries, donc Lafarge, Vicard, etc. Les autres, ce sont des sites issus de la pétrochimie, donc chimie, enfin à la fois des sites pétroliers et des sites de la pétrochimie. Est-ce que vous pensez vraiment que les fabricants de ciment et ceux qui font de l'essence, ceux qui vivent de la pétrochimie, ont besoin de nos milliards à nous pour se dépolluer ? Ces milliards-là devraient être... données, mises en place, utilisées pour la réhabilitation systématique du bâti en France.

  • Speaker #0

    Alors, vous parlez souvent d'architecture bioclimatique, c'est un de vos sujets de prédilection. Alors déjà, dans un premier temps, pouvez-vous nous rappeler ce qu'est l'architecture bioclimatique ? Et puis, deuxième question, peut-on encore la pratiquer aujourd'hui quand on sait que les conditions climatiques d'hier ne sont plus celles d'aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    L'architecture bioclimatique... c'est une architecture qui se sert de ce que l'environnement lui apporte. C'est une architecture qui vient chercher le soleil pour la lumière, pour la chaleur. Il va chercher l'ombre des arbres alentours. Il va chercher la fraîcheur du sol, si nécessaire, pour l'été. qui va chercher les vents pour être ventilé de belle manière. Donc cette architecture-là se dessine sans effort technologique. C'est juste un travail de coupe et de plan, et d'intelligence des conditions de contexte. La conception de l'eau climatique ne coûte rien. Vous voyez, c'est juste une façon de faire intelligente, une façon de regarder les plans qui intègrent les conditions de contexte. L'architecture bioclimatique en tant que champ de l'architecture apparaît dans les années 60 aux États-Unis. Et l'architecture bioclimatique va évidemment aussi étudier des dispositions qui sont issues de ce qu'on appelle l'architecture vernaculaire, c'est-à-dire l'architecture traditionnelle, celle construite par les gens, pour les gens dans les villages de pays de plus de 10 siècles. Mais l'enjeu...... du bio-climatique, ça n'est pas de reproduire exactement le vernaculaire d'hier puisque les conditions historiques dans lesquelles nous vivons aujourd'hui nous permettent de nous nourrir d'une intelligence des anciens mais nous avons des choses beaucoup plus complexes à régler et donc l'architecture bio-climatique, par exemple, quand elle doit faire une réhabilitation de barres et de tours vous comprenez bien que ce n'est pas une chaumière normande qui va l'aider beaucoup. Oui, cette posture bioclimatique passive, finalement, comme on dit, c'est une architecture pensée intelligemment, bien isolée, bien ventilée, bien solarisée, bien protégée du soleil. C'est la base. J'ai même tendance à dire aujourd'hui, il n'y a pas d'architecture qui ne soit pas bioclimatique, ou autant ce n'est pas de l'archive.

  • Speaker #0

    Quelle est la différence, s'il existe une différence d'ailleurs, avec l'architecture biomimétique ?

  • Speaker #1

    Alors, bioclimatique, dans tout... Si vous voulez, bio, ça veut dire la vie, donc tout ça est lié au vivant, bien entendu. Alors, il y a biomimétique, puis je rajouterais un mot qui est bio-inspiré. Alors, biomimétique, c'est vous regardez des dispositions qui sont des dispositions dans la nature et vous les reproduisez quasiment telles quelles. Par exemple, c'est ce qu'on appelle le dôme géodésique, qui est une invention qui est faite, à mon avis, dans les années 60. du siècle passé par Bugminster Fuller, où il a regardé comment les assemblages pouvaient se faire à partir de petits éléments dans les yeux des abeilles, dans plein de dispositifs naturels, et il a reproduit pour faire une structure, il a reproduit cette forme. Donc ça, c'est du biomimétisme. Il y a là une inspiration. le réemploi quasiment direct d'une technique. Donc le biomimétisme existe, se retrouve en médecine, se retrouve dans des techniques y compris pour faire des cols et des adhésifs, etc. Donc on va dire que l'industrie se nourrit du biomimétisme. Nous, dans la frugalité, on est plutôt bio-inspiré. Vous savez, la façon dont la nature gère le vivant est frugale. Et c'est ce qui nous inspire, la nature n'utilise pas plus que ce dont elle a besoin, la nature recycle tout, la nature est pour la coopération, etc. Donc oui, nous nous sommes bio-inspirés, mais certains d'entre nous, peut-être, ont du biomimétisme, mais en ce qui concerne le bio-climatique, ça n'est pas un enjeu direct du biomimétisme. Même s'ils ne s'interdisent pas, évidemment.

  • Speaker #0

    Alors, on voit de plus en plus apparaître des manières alternatives d'habiter. On pense, par exemple, au co-living, pour n'en donner qu'un seul exemple, comme ça. On décide, en fait, de partager des lieux en commun. Du coup, quel est l'avenir de la maison individuelle aujourd'hui ? La frugalité laisse-t-elle plus de place, finalement, à une forme de mutualisation par rapport à... à une privatisation ? Est-ce que c'est une rupture avec l'individualisme qu'on connaît ?

  • Speaker #1

    Ah oui, on le voit bien, mais d'une certaine manière, ce n'est pas la frugalité qui le promeut, c'est l'histoire, même, aujourd'hui.

  • Speaker #0

    les jeunes générations n'ont pas de souci pour inviter dans des habitats partagés plutôt que d'avoir chacun son appartement seul dans un coin. Tous les projets qu'on appelle, vous parlez du colibri, mais il y a aussi tous ces espaces portés par les colibris par exemple, d'habitats partagés en fait, c'est le nom qui convient. font en sorte que les gens à la fois ont leur propre logement, mais ils ont aussi dans l'ensemble qui les habite des éléments, des pièces qui sont mutualisées. J'ai récemment livré à Bordeaux aussi un habitat coopératif, comme on dit, qui a été dessiné avec douze familles. Et parmi les endroits qu'ils ont souhaités à partager ensemble, il y avait des très larges coursives, ils voulaient que les enfants puissent jouer sur les coursives. Il y a un espace collectif, qui est un espace avec une possibilité de cuisine, pour faire des réceptions que l'on ne peut pas faire dans sa maison, ou même pour inviter des gens d'extérieur. Il y a une chambre d'amis qui est partagée. Vous avez besoin d'inviter vos parents, par exemple, ou des amis. et vous n'avez pas la place dans votre appartement. Donc il y a une pièce qui sert à ça, qui est un studio, qui est partagé. Les espaces de jeu sont comme ça. Il y a une très grande terrasse collective qui est aussi partagée. Aujourd'hui, le partage est une vertu qui est très puissante et qui fait que les gens réalisent qu'ils n'ont peut-être pas les moyens de s'acheter tout ce qu'ils voulaient et que le partage autorise une qualité de vie. des fois plus de bien-être en consommant de formes et de ressources. Vous voyez, ça se joue aussi à ce niveau-là.

  • Speaker #1

    Il y en a beaucoup des projets comme ça, Philippe. C'est vrai que quand je vous entends parler, je me dis que c'est absolument formidable de voir naître des projets d'architecture comme ça, d'ailleurs que ce soit pour des logements sociaux ou pour des logements qui ne font pas partie de cette catégorie-là. Mais est-ce qu'il y en a beaucoup aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Ce principe coopératif existe beaucoup en Suisse. Je pense que la majorité des logements suisses sont coopératifs, figurez-vous. En tout cas, ils sont portés par des coopératifs. En France, c'est de plus en plus important. On en trouve vraiment partout. Je ne vais pas vous dire que c'est la majorité de ce qui se fait. Bien au contraire, on n'y est pas encore. Mais ces logements coopératifs, écoutez, je... Je connais plein de mes amis architectes et signataires de la friabilité qui en ont réalisé et qui continueraient à le faire. Pour ma part, après avoir terminé le projet qui s'appelle Bon Pati à Bordeaux, mon atelier est en train de concevoir un ensemble plus important de logements de ce type-là à Angers, dans le quartier des Bretonnières. Et on a les familles qui sont là, les réunions se font ensemble. Quand on est arrivé au projet, tout le monde est ému d'avoir réussi à trouver une solution qui convienne. Et on n'attend plus qu'une seule chose, c'est que le chantier se construise, et que peut-être ils mettent la main à la pâte, et qu'au bout du compte, ils aient des conditions de vie qui fonctionnent très bien. En fait, une des clés de ces logements coopératifs, c'est la présence des jeunes enfants, qui font du lien. pas simplement, très naturellement, entre les familles. Mais bien sûr, les familles qui font ce choix-là ont aussi un goût du partage. Pour répondre à votre question, c'est oui, il y en a davantage et beaucoup plus en France maintenant que comparé à vous.

  • Speaker #1

    Alors, j'ai remarqué qu'on vous posait souvent la question du coût, c'est normal. Évidemment, on se pose tous la question de est-ce que ça coûte moins cher, plus cher ? Bon, on sait que globalement... Peut-être qu'aujourd'hui, c'est encore un petit peu plus cher que lorsqu'on décide de construire en polluant. Cela dit, quand on vous pose la question de savoir si ça peut être plus avantageux financièrement, vous, vous parlez de mettre l'argent de manière stratégique sur le clos et le couvert. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Mais je veux revenir sur la question du coût. Tout à l'heure, j'ai évoqué avec vous la pétition de faire une baisse de la TVA. concernant les matériaux biosourcés, géosourcés et doréants. Bon, il est vrai qu'aujourd'hui, vous n'avez pas plus cher qu'un mur construit en parpaing, isolé en polystyrène et avec une menuiserie en PVC et avec un enduit plastique à l'extérieur. Tout ça est issu de la pétrochimie et ça ne coûte pas cher. Et ce ne sont pas des matériaux vertueux, c'est des matériaux catastrophiques. Les matériaux vertueux, eux, ne sont pas produits de manière industrielle, souvent sur les matériaux locaux, donc ils coûtent plus cher que les matériaux non vertueux. Moi, mon idée, c'est qu'il faut qu'on arrive au durable, mais au prix du leu-table. Il faut qu'on réussisse à faire ce travail-là, et la fiscalité est un outil pour ça. Et donc, baisser la TVA, voire supprimer la TVA sur les matériaux biosourcés, géosourcés et de réemploi. permettrait qu'au moment où les gens font des choix d'investissement, ils puissent avoir un vrai choix sur la qualité des matériaux qu'ils veulent mettre en œuvre. Parce que l'enjeu réellement, ce n'est pas de comparer les matériaux, mais de comparer les projets. Le projet bioclimatique n'est pas comme le projet qui n'est pas bioclimatique. Le projet frugal n'est pas comme le projet qui n'est pas frugal. Qu'est-ce qu'un projet frugal aujourd'hui ? C'est un projet qui est prêt pour les 30 ans à venir, les 40 ans à venir, les 70 ans à venir. C'est un projet qui est prêt à résister à l'évolution du climat, dont on sait tous qu'elle va être terrible, puisque l'augmentation de plus 1,5 degré, qui était considérée comme une évolution à ne pas dépasser. et qui était l'enjeu pour la fin du siècle, on sait maintenant que c'est en 2030 qu'on va avoir dépassé plus 1,5 degré, et qu'à la fin du siècle, on sera plus proche de plus 2,8 degré, voire dans certains endroits, plus 4 degré. Et que donc ce qui est fait aujourd'hui ne peut pas être obsolète au moment où on le livre, ne peut pas être à ce point impensé. que ceux qui achètent ou ceux qui louent leur logement se trouvent dans des situations invivables. Donc, une fois qu'on a dit ça, une fois qu'on sait qu'il faut se préparer et ne pas gâcher son argent, on le met sur ce qui est le plus important, le clou et le couvert. Il ne faut pas que nous soyons obligés de réhabiliter les architectures que l'on fait, qu'on soit obligés de les réhabiliter dans 20 ans, dans 30 ans ou dans 40 ans. Il faut les préparer à ce qui va se passer. Et donc, il faut mettre l'argent sur le clos et le couvert, c'est-à-dire sur les murs, sur les sols, sur les toits, sur les fenêtres, sur les doublages, sur tout ça, sur les isolations, les protections solaires. C'est là que l'argent va être investi. Et tout de suite, il ne faut pas attendre. Le second œuvre... Lui, il peut changer. Ce n'est pas le second œuvre qui va faire changer beaucoup la capacité d'une maison à résister aux dérèglements climatiques. Donc, ce n'est pas sur le second œuvre qu'il faut investir le plus. Ou alors, il faut, il convient plutôt qu'il faut, il convient de réfléchir à une déco, à une décoration, à un aménagement intérieur. en se demandant comment est-ce que je peux faire aussi bien en utilisant moins de ressources. Ce qui est un enjeu très joyeux, c'est un enjeu très inventif. On parlait de la créativité tout à l'heure, vous avez là une des conditions de créativité essentielles. Il y a une grande architecte autrichienne qui s'appelle Anna Ehringer, qui est une des signatrices du Monde de la Foguille des Théoriques et des Créatives, et qui l'expliquait récemment à quel point il y avait du plaisir à se demander comment est-ce que je peux faire mieux. en utilisant moins de ressources. Ça devient un vrai jeu, et un jeu vital.

  • Speaker #1

    Alors justement, je vais rebondir sur ce que vous disiez sur la réhabilitation, vous en parliez, vous avez pu aussi parler dans d'autres interviews des fameuses réhabilitations, des rénovations, qui seraient évidemment préférables à la construction du neuf. La ville de demain, c'est donc celle qui est déjà là, devant nous, mais alors peut-on toujours tiré parti de l'ancien bâti, est-ce qu'il existe des limites à la rénovation ?

  • Speaker #0

    C'est la limite planétaire. Nos limites, c'est terminé. Aujourd'hui, on a une intelligence accrue du réel. Et donc, dans tous nos projets, que ce soit du neuf ou que ce soit de la réhabilitation, il y a des limites. Alors quelle est la limite qu'il y a dans la réhabilitation ? Peut-être la capacité de la structure à évoluer, à accepter d'autres surcharges par exemple. Mais c'est peut-être la seule que je vois. Pour le reste, on peut tout faire mieux avec moins dans le bâtiment existant. Et je dois vous dire que ce que c'est même... C'est même très... comment dire... Travailler sur l'existant permet d'inventer plus que quand on parle d'une fabule. Et quand vous travaillez sur l'existant, parfois vous travaillez sur des espaces que vous ne pourriez pas vous payer aujourd'hui, qui sont de beaux et grands espaces, et puis vous ne pourriez pas réaliser un certain nombre d'éléments qu'on ne sait plus faire aujourd'hui. Donc travailler sur l'existant, sur ce qui est déjà là... permet d'innover vraiment, et je suis en train de le faire à Paris, pour la médiathèque du 19ème arrondissement de Paris, qui s'appelle James Baldwin, et la première maison des réfugiés de Paris, où on a conservé tous les bâtiments du lycée Hôtelige d'Ancary, qui étaient présents sur place. Et en fait, ça nous a amenés à faire une architecture qui est aujourd'hui très lumineuse, très heureuse, très ouverte. Voilà, avec de grands espaces et même des surfaces plus grandes que ce dont on avait besoin. Non, travailler sur l'existant est une joie. Et effectivement, comme vous le disiez tout à l'heure, la ville de demain est déjà là.

  • Speaker #1

    Quand je vous écoute, Philippe, je remarque que vous utilisez beaucoup le champ lexical heureux joie joyeuse architecture joyeuse Il y a une raison à ça ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a... Bon déjà je fais un métier pour des gens qui veulent qu'on les rende heureux. Aucun de mes clients et de mes maîtres d'ouvrage ne me demande Fais-moi une architecture qui me rend malheureux Personne. Et puis c'est un métier qui est peut-être un métier difficile, mais qui donne des joies, de très grandes joies, quand on voit les gens qui entrent dans les lieux, qui les découvrent, qui se les approprient, ou même des gens qui collaborent avec nous au moment de la conception. C'est cette... Cette possibilité du partage, du faire ensemble, oui, pour le coup, c'est joyeux. Je ne vais pas vous dire que c'est tous les jours facile, un chantier, mais ça, on le sait tous. Mais voilà, l'architecture est un vecteur de bien-être, donc de bonheur. Bien-être et bonheur, c'est la même chose.

  • Speaker #1

    La frugalité mène-t-elle à une forme d'abondance ?

  • Speaker #0

    Oui. Et je dois vous dire que dans un premier temps, je ne m'y attendais pas à ce point-là, même si grosso modo je pressentais. En fait, une fois que vous vous êtes débarrassé de la monoculture du béton, du projet générique des modernes, le même bâtiment que vous pouvez construire aux quatre coins du monde, à partir du moment où il y a de l'énergie pour que la climatisation à l'intérieur fonctionne, une fois que vous laissez tomber... de côté ces solutions pré-mâchées, et que vous avez envie de trouver dans les lieux les ressources physiques et les ressources humaines qui sont disponibles, finalement c'est un panel incroyable de matière qui arrive. Il y avait le béton d'un côté, bon le béton est toujours là, qu'on ne peut pas faire autrement, mais vous retrouvez le bois, la pierre, la terre, les fibres. d'un seul coup on est face à une palette d'outils extrêmement grande. Et comme nous, nous ajoutons à ces matières solides de l'architecture, comme nous, nous ajoutons les matières fluides de l'architecture, qui sont la chaleur, l'air, la lumière, et que la rencontre entre ces matières fluides et ces matières solides démultiplie les possibilités, eh bien, on est là dans une abondance incroyable qui est en plus démultipliée par les climats, puisque quand vous faites une architecture bioclimatique, c'est à chaque climat que vous répondez, et qui est encore démultipliée par les sociétés, parce que nous, quand nous travaillons, nous ne travaillons pas en, comment dire, en fermé dans nos ateliers, nous travaillons avec les sociétés pour lesquelles nous sommes à l'aise. par lesquels nous sommes appelés à travailler. Et donc, vous voyez, ça n'en finit pas de se démultiplier, et jamais un de nos projets sont pareils. C'est impensable, ça n'a pas de sens. Ça voudrait dire qu'on a mal travaillé, qu'on n'a pas pris en compte les milieux, les lieux, les sociétés, enfin, toutes ces choses-là, qui est la grande richesse du monde. En fait, la Terre est d'une beauté infinie, mais cette beauté infinie, il faut accepter de la voir. Il faut accepter de voir ce qui est différent, il faut accepter de voir ce qui est divers, il faut accepter de se donner l'envie de travailler avec ces diversités-là. Et quand c'est fait, c'est de l'abondance. Ça déborde, en fait.

  • Speaker #1

    Vous me faites une parfaite transition pour ma prochaine question. Je vais de nouveau vous citer. Vous avez pu dire dans les médias, Ce qui est universel, c'est la différence, c'est une richesse, et cela passe par le rapport à la ressource. On ne construit pas nos bâtis de la même manière selon la culture, alors, Philippe ?

  • Speaker #0

    Bien sûr. En fait, ce qui est intéressant de voir, c'est que... Les cultures sont aussi originaires ou trouvent leur origine ou leur raison dans une relation au contexte. La culture inuite n'est pas la culture des peules, parce que la manière de vivre la banquise n'est pas la même que celle de vivre le désert. Bien sûr, j'ai pris des choix très opposés, mais parce que même... Même, vous prenez la France et vous savez qu'on ne vit pas de la même manière en Méditerranée aujourd'hui, ou en Bretagne. Et en fait, les cultures naissent de cette relation-là, au milieu et au lieu. Et les architectures en sont aussi nées. Et donc oui, c'est ça, ne pas arriver avec des solutions toutes faites. arriver avec une vraie envie de découvrir les lieux dans lesquels vous êtes invité à travailler, ça demande de la bienveillance, je pense que ça demande de l'amour tout court, de comprendre ce qui se passe et d'avoir envie de faire en sorte que ça se passe mieux. Tout ça lie les cultures au milieu, aux géographies, au climat, aux sociétés. Et comme je vous l'ai dit tout à l'heure, cet assemblage culture, climat, géographie, société, se rejoue presque d'une commune à l'autre. Bon, j'exagère un peu là, mais pas tant que ça. Parfois dans une même commune, si vous avez un plateau et une vallée, dans la vallée, on ne vit pas comme sur le plateau.

  • Speaker #1

    Je crois que vous donniez un exemple d'architecture. Alors, je ne sais plus si c'était en Suède ou en tout cas les pays du Nord. Et vous preniez l'exemple des fenêtres, de la construction des fenêtres. La fenêtre est un parfait exemple justement de différence des cultures d'un territoire à l'autre en architecture.

  • Speaker #0

    Oui, c'est considérable. En fait, je comparais, et c'est une comparaison que je fais encore, je comparais une fenêtre en Hollande, dans les vieilles maisons hollandaises, et une fenêtre dans la Durance en France. Donc la fenêtre dans la Durance, c'est une fenêtre dans un mur en pierre. La fenêtre est mise à l'intérieur et elle est protégée par les volets. Et donc vous comprenez que la fenêtre qui est en retrait d'un mur épais en pierre, qui apporte de l'inertie avec des volets qui viennent devant pour apporter de l'ombre, tout ça est une façon d'écrire la relation que la société de la violence a avec son propre climat. Quand vous regardez une vieille architecture hollandaise, où les maisons sont en briques et les fenêtres sont au nu extérieur. Et elles ne sont pas protégées par les volets. Ce qui veut dire que les fenêtres hollandaises ne sont jamais dans l'ombre. Elles viennent en fait chercher le soleil dès que le soleil est possible. Elles ne laissent pas la neige s'installer sur la puce fenêtre. Et finalement, ça amène une très grande transparence. qui est d'ailleurs aussi une des qualités de la culture hollandaise. Et vous voyez à quel point... Je vous remercie d'avoir fait parler des fenêtres, parce que oui, les fenêtres sont des indicateurs extrêmement forts de cette présence culturelle dans la fabrication d'architectures.

  • Speaker #1

    Vous en parliez tout à l'heure en donnant quelques exemples des projets que vous avez menés, des projets coopératifs. Si on reprend un petit peu ces exemples-là, ces types de projets, est-ce que ces projets-là sont aussi l'opportunité de créer du lien social et plus de convivialité entre les individus ?

  • Speaker #0

    Le choix coopératif, c'est le choix de coopérer, c'est faire ensemble, c'est mettre toutes les énergies disponibles. les uns et les autres dans le sens d'un but commun. Oui, cette ambition, à la fois dans des projets de maison, mais aussi dans les projets de territoire, cette ambition de faire les choses de manière coopérative est une des caractéristiques de notre époque.

  • Speaker #1

    C'est aller vers une économie sociale et solidaire, c'est ça l'enjeu de la frugalité d'aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    La frugalité s'inscrit tout à fait dans cet objectif de l'économie sociale et solidaire, mais aussi de l'économie circulaire, de l'économie de la proximité, toute cette autre manière non internationale, non mondialisée de penser l'économie.

  • Speaker #1

    À qui s'adresse votre livre ?

  • Speaker #0

    Tous les gens, on vit des architectures. Tous les soirs, vous rentrez chez vous. et vous confiez au mur qui est à côté de votre lit, vous vous confiez. Et si vous n'avez pas cette possibilité de confiance, vous ne vous effondrez pas dans la nuit, vous en avez besoin pour vous réveiller en toujours humain. Et donc tout le monde a cette relation intime, profonde, nécessaire, vitale à l'architecture. Il y a cette relation individuelle et puis il y a cette relation collective. Il s'agit bien de la maison, mais il s'agit aussi de l'établissement humain. Le fait que nous sommes ensemble sur Terre, et donc tous ceux qui ont à la fois une conscience de leur être individuel et de leur être politique, de leur être social, peuvent trouver dans être avec moi, dans être avec moi, dans mieux avec moi, peuvent trouver des réponses, je pense.

  • Speaker #1

    C'est un joli lapsus, vous avez utilisé le mot être.

  • Speaker #0

    Oui, parce que c'est mieux être.

  • Speaker #1

    Alors, nous arrivons à la fin de cet épisode de podcast et je vais donc vous poser une dernière question, Philippe. Quel message avez-vous envie de faire passer à nos auditrices et à nos auditeurs ?

  • Speaker #0

    On n'a pas de temps à perdre. On n'a pas de temps à perdre. Ce n'est pas pour demain, ce qu'on s'est dit, c'est pour maintenant.

  • Speaker #1

    Merci Philippe pour cet échange. C'était un plaisir de vous recevoir sur le podcast.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, Leïla.

  • Speaker #1

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