- Speaker #0
Mais si le système actuel vous convient, ne nous rejoignez surtout pas. Parce qu'on n'a pas l'intention de garder le même. Si tu soignes deux patients, dix séances, c'est deux fois mieux que de soigner un patient, vingt séances. Il ne suffit pas de dire à un acteur politique « j'ai besoin de gagner plus d'argent pour être écouté » . Et aujourd'hui, ils nous disent « comprenez donc qu'on ne peut pas beaucoup jouer sur l'effet cri. » Ben non, ça on ne comprend pas en fait. C'est terrible. Le gouvernement veut trouver des économies, elles sont là les économies. Arrêtez de faire des radios sur les longs-balgis. Arrêtez de faire flipper les patients quand ils voient qu'ils ont une mycopathie dégénérative. On sait très bien que ça ne peut pas être aussi grave que d'avoir des cheveux blancs. Il y a une inégalité d'accès aux soins. On a trouvé comme solution la régulation des modèles. Est-ce que c'était une bonne idée ? Un peu de rotation médiale. Toute posture est bonne, elle est mauvaise quand elle est maintenue.
- Speaker #1
Bonjour à tous, j'ai le plaisir aujourd'hui d'inviter Guillaume Rall pour le deuxième épisode de podcast de Seedstead & Repeat, un podcast dédié à la kinésithérapie, la rééducation et la santé. Aujourd'hui, on va parler modèle économique. Bonjour Guillaume Rall. Je t'invite déjà peut-être à me dire comment tu te sens aujourd'hui pour ce podcast.
- Speaker #0
Déjà, salut Max, bonjour à toutes et tous. Ravi d'être là, ravi de parler avec toi de modèle économique. C'est un sujet qui intéresse l'équiné, qui a toujours intéressé l'équiné, parce que quand on a un travail, on se pose toujours la question de comment on est valorisé pour le travail qu'on fait. Et j'ai envie de dire malheureusement c'est un sujet qui est de plus en plus prégnant parce que on est un petit peu on a l'impression que notre métier est un peu en perte de sens actuellement par rapport à ça c'est à dire que ça fait des années qu'on attend des revalorisations ça fait des années qu'on voit notre pouvoir d'achat qui se réduit petit à petit et donc la question est de savoir pourquoi et surtout est ce qu'il ya des solutions peut-être pour me présenter donc moi je suis guillaume ral je suis kinésithérapeute diplômé de l'école d'orléans comme toi depuis une petite quinzaine d'années. J'ai un parcours un peu particulier parce qu'après mes études de kiné, j'ai fait un petit peu de libéral, j'ai fait un master en politique et actions de santé publique à Rennes, et ensuite j'ai repris une activité clinique plus classique, mais j'ai passé un petit peu plus de temps à comprendre un peu comment fonctionnaient les organisations professionnelles, notamment les syndicats. Donc je me suis investi au SNMKR, que je préside maintenant depuis 2021. Le SNMKR, c'est le Syndicat National des Masseurs Kinesithérapeutes Rééducateurs. Il a été créé en 1977, donc près de 50 ans. Je suis loin d'être le premier président. Créé en 1977 et qui est dit représentatif des kinesithérapeutes. C'est-à-dire que quand on va avoir des institutions, on parle au nom de tous les kinesithérapeutes. Même si tous les kinesithérapeutes ne sont pas adhérents à des syndicats, on porte la voix des kinesithérapeutes, comme des syndicats de salariés peuvent porter la voix de tous les salariés. Il y a aujourd'hui trois syndicats représentatifs, donc on est l'un des trois syndicats qui représentent les kinésithérapeutes. Et aujourd'hui, notre champ de bataille, c'est plutôt, on aura probablement l'occasion d'en parler pendant cet échange, le sujet de la qualité des soins. C'est-à-dire que nous attachons une part importante à l'expertise professionnelle. Qu'est-ce que c'est être, entre guillemets, un bon kiné ? Comment on doit être valorisé pour ça ? Et comment le kiné... doit prendre sa place dans le système parce qu'il a une place indispensable mais on pense qu'au vu de l'évolution du système notre position elle doit évoluer aussi donc c'est un peu le message qu'on essaie de porter avec le SNMKR donc j'ai une activité on va dire j'ai deux jours j'arrive à garder deux jours par semaine au cabinet et c'est très important pour moi de les garder parce que j'adore mon métier de cliniciens par contre le rôle de président de syndicats national me prend énormément de temps et trois jours par semaine c'est pas de trop d'autant plus qu'on On se connaît aussi dans d'autres circonstances, notamment à l'école de kiné d'Orléans, où on a l'occasion de se croiser lors de nos enseignements. Donc j'enseigne également tout ce qui est santé publique, organisation du système de santé. Donc tous les sujets pour lesquels les étudiants viennent en disant « C'est quoi ce bordel ? Qu'est-ce qu'on va apprendre ? » Et mon objectif à la fin du cours, ce n'est pas qu'ils se disent « C'est formidable, en fait je veux devenir politicien ou mieux comprendre le système de santé parfaitement. » Mais au moins se dire « Tiens, ça sert à quelque chose de comprendre un peu l'écosystème dans lequel... » je vais exercer en tant que kiné. Donc voilà un peu comment fonctionne ma vie professionnelle.
- Speaker #1
Et donc dans tout ça, qu'est-ce qui t'a animé ces dernières années pour t'orienter vers finalement ce taxe plutôt syndicaliste ?
- Speaker #0
Moi, j'ai besoin de comprendre l'écosystème dans lequel j'exerce. Et c'est pour ça d'ailleurs que je le mets à disposition aussi d'étudiants dans le cadre des cours que je propose. Je suis kiné, je suis un acteur du système, je le sais, je connais mon métier, je sais qu'il y a d'autres professionnels qui travaillent autour de moi et je sais qu'il y a des règles qui organisent ce système. Mais j'avais l'impression qu'à la fin de mes études de kiné, on m'avait bien appris à faire mon métier, mais par contre on ne m'avait pas bien enseigné ce qui se passait autour. Et personnellement, j'avais déjà envie de comprendre ça. Et en comprenant ça, j'ai découvert le milieu politique, que j'avais un peu découvert à travers mes investissements au sein de la Fédération étudiante, la FNEC à l'époque. Et ce milieu politique, j'aime bien dire, m'a autant fasciné qu'il m'a déçu ou parfois même dégoûté. Et j'avais l'impression que la meilleure manière de défendre ce qu'on voulait, défendre notre profession, c'était de comprendre les acteurs avec qui on parlait, comprendre leur langage et se dire finalement, mais quel est le rôle d'une organisation professionnelle, d'un représentant professionnel ? En fait, c'est ça, c'est de prendre le langage du professionnel de terrain que nous sommes et de le traduire en langage politique. C'est pour ça d'ailleurs que c'est une posture qui est à la fois passionnante, mais qui est aussi parfois complexe parce que... Si jamais tu as trop le langage terrain, le politique ne t'écoute pas. Et si tu as trop le langage politique, le professionnel sur le terrain te dit « Mais attends, mais est-ce que tu continues à comprendre ce que je vis au quotidien ? » Alors la réponse est « Oui, ne vous inquiétez pas, on comprend parfaitement ce que je vis au quotidien, je le vis moi aussi, j'ai des journées complètes de 8h, 8h30, 19h au cabinet. » Maintenant, l'enjeu c'est de savoir comment le traduire. Comment le traduire et comment traduire parfois la colère, parfois les complexités du quotidien. auprès de ses représentants, notamment politiques. Donc c'est ça qui m'a plu. Savoir traduire de manière simple auprès d'acteurs politiques ce qu'on vit au quotidien. Maintenant, la deuxième chose, c'est aussi que j'ai eu cette impression, en fait, que j'avais une vision du système de santé et une vision de mon métier. Mais un petit peu comme on dit qu'il y a 65 millions de sélectionneurs quand on parle de l'équipe de France de foot. On a tous notre vision de comment on aimerait voir cette équipe jouer. et bien Moi, j'ai une vision de mon métier et tout le monde en a une. Ma vision n'est pas supérieure aux autres. Par contre, je me suis dit que j'avais envie d'y consacrer une partie de ma carrière professionnelle et de me dire, j'ai l'impression que si la profession, on arrive à l'emmener dans cette direction-là, je me sentirais mieux valorisé en tant que professionnel. Et par chance ou par malchance, j'ai l'impression que ce discours-là, il est peu défendu ailleurs. Donc finalement, est-ce que ça ne signifie pas que... Il faut porter cette voie là, on aura l'occasion d'en parler probablement tout à l'heure, mais finalement quel message moi j'ai envie de porter, et quel message on porte par l'intermédiaire notamment du SNMKR.
- Speaker #1
Ok, donc en fait si je résume bien, ce qui t'anime c'est d'être médiateur finalement entre le système, les institutions et finalement le terrain. Et ça c'est quelque chose que durant plusieurs années tu as expérimenté et tu t'es rendu compte que... Comment en fait il fonctionnait et en tout cas ça t'a permis d'affiner ce que tu souhaitais pour la profession ?
- Speaker #0
Il ne suffit pas de dire à un acteur politique j'ai besoin de gagner plus d'argent pour être écouté. Mais tout comme, c'est pas spécifique à notre activité, un salarié ne va pas aller demander à son patron j'aimerais 50% d'augmentation de salaire. Il peut, c'est pas comme ça que ça va fonctionner. Donc il faut avoir cette cohérence là. Par contre... On est, et peut-être qu'on rentre un peu dans le vif du sujet en disant ça, on est quand même dans une position qui est assez ingrate, et ça, et ce pour des raisons, j'ai presque envie de dire sociologiques. Position un peu ingrate du fait que notre profession s'est créée par délégation du monopole médical. C'est-à-dire, vous avez le droit de faire votre métier parce que la loi vous autorise à faire des trucs qui à la base n'étaient pas de votre ressort, mais qui étaient du ressort d'un autre métier. Donc déjà, le fait d'être profession prescrite... te positionne dans le système de santé comme tu ne fais pas ce sur quoi tu es compétent, tu fais ce sur quoi on t'a autorisé à travailler. Déjà, ça c'est la première chose. La deuxième chose, c'est que nous avons aujourd'hui une démographie qui augmente beaucoup. Et j'ai l'impression que c'est plutôt positif parce que les besoins sont énormément là et il commence à y avoir quelques zones en France où les listes d'attente diminuent, mais je pense que le sujet de « est-ce qu'il y a trop de kinés ? » On l'aura peut-être un jour, je pense même qu'on l'aura, mais pas tout de suite non plus. Puis parce que les besoins augmentent en fait. Il y a des besoins aujourd'hui, mais les besoins de demain, on sait qu'ils sont énormes, que ce soit sur la dépendance, le personnage et les pathologies chroniques, et même pas que sur le chronique, sur l'aigu, les troubles musculosquelétiques, la lutte contre la sédentarité, on a un enjeu énorme, et je n'ai même pas encore parlé de prévention. Donc notre place, elle est énorme. Mais dans le contexte économique actuel, on nous fait comprendre que, attention, Il y a peut-être des décisions à prendre. sur le fait qu'on ne peut pas faire exploser les dépenses comme on veut. Et aujourd'hui, c'est un peu l'injustice qu'on voit, c'est que le gouvernement nous dit, mais vous savez que l'enveloppe déclinée augmente. Oui, mais l'enveloppe financière déclinée, elle augmente en raison de ce qu'on appelle l'effet volume. On est de plus en plus. Et aujourd'hui, ils nous disent, comprenez donc qu'on ne peut pas beaucoup jouer sur l'effet prix. Ben non, ça, on ne comprend pas en fait. On ne comprend pas. Et le professionnel de terrain, il ne peut pas comprendre que parce qu'il y a plus de collègues à côté, pour un salarié, on va dire, de salaire, dans une entreprise, c'est quand même assez rare qu'on dise Non, je ne vais pas t'augmenter. parce que je vais recruter. Tu mérites d'être augmenté, tu es augmenté. Tu ne mérites pas d'être augmenté, tu n'es pas augmenté. Mais en général, il y a quand même, dans une entreprise qui fonctionne correctement, une prise en compte de l'inflation, une prise en compte des besoins, une promotion dans la carrière. Troisième ingratitude, il n'y a pas cette notion de promotion. Est-ce que c'est logique ? Peut-être, parce que finalement, est-ce que l'expérience vocalité, en partie, mais peut-être pas complètement non plus. Donc, finalement, aujourd'hui... dans notre métier de professionnel libéral, tu gagnes mieux ta vie au lendemain du diplôme que le jour où ta prévoyance coûte 500 balles par mois et où tu as trois enfants en bas âge et un prêt sur le dos parce que tu as eu le défaut de vouloir fonder une famille. Donc, on vit avec toutes ces ingratitudes qui font que ce dont on a besoin, en tout cas, moi, c'est ce que je ressens personnellement et j'ai presque envie de dire, je ne vais pas dire que je... parle au nom des kinés même si c'est mon rôle en tant que président de syndicat je vais dire aussi un peu ce que j'ai dans les tripes c'est à dire que moi ce que je veux c'est que le soir en rentrant chez moi je me dise d'une part j'ai servi à quelque chose j'ai rendu service aux patients et le la collectivité m'a reconnu financièrement pour ce que j'avais apporté aux gens et je pense que ça c'est peut-être le sujet sur lequel nous on doit agir et sur lequel ces dernières décennies je pense qu'on n'a pas assez fait et on en reviendra sur la notion modèle économique Aujourd'hui, est-ce qu'on a un intérêt à bien travailler économiquement ? Sur le plan déontologique, évidemment. Sur le plan économique, est-ce qu'on a un intérêt à bien travailler ? La réponse est non. Et c'est peut-être la phrase qui me rend le plus triste dans mon métier aujourd'hui. C'est qu'on n'a pas un intérêt économique à bien travailler. On a un intérêt économique à faire de la quantité, à être productif. Très bien, il faut être productif. Il y a beaucoup de monde qui a besoin. Mais est-ce qu'il n'y a pas une autre manière également de penser, de se dire qu'on peut valoriser autrement ? Moi, je suis convaincu que oui. Et c'est le travail qu'on a fait ces dernières années, dont on pourra parler tout à l'heure. C'est-à-dire, comment demain, dans un contexte où apparemment il y aura moins d'argent, où il y en aura un peu plus pour beaucoup plus de besoins, comment notre métier existera ? Nous, on a des solutions. Mais si on reste avec le même logiciel que depuis 70 ans, moi, je pense qu'on risque de se prendre un mur.
- Speaker #1
Très bien. Déjà, tu as, on va dire, une vue d'ensemble de tout ce qu'on allait aborder. On va essayer d'aller... plus précisément sur certaines thématiques, mais avant toute chose, j'aimerais bien avoir une petite parenthèse sur comment tu vis au quotidien cet engagement. Quel est, surtout ce qui s'est passé dernièrement, comment tu t'organises là-dessus, comment tu vis cette vie mixe clinique et politique. Voilà, un peu ton ressenti là-dessus, j'aimerais bien savoir.
- Speaker #0
Oui, je pense que je ne suis pas très différent ... des gens de notre génération qui est une génération où on ne se voit pas faire toute notre carrière la même chose et la même chose tout le temps toute la semaine moi je les ai mis au service de l'engagement syndical certains vont le mettre au service de la recherche d'autres d'un investissement maison de santé en cpts de la prévention mais aujourd'hui la génération notre génération elle a moins envie que celle d'avant de faire du 50 60 heures par semaine au cabinet parce qu'elle se voit exercer autrement elle se voit bien c'est peut-être un peu moins mieux concilié, vie pro, vie perso, et puis être stimulé par plein d'engagements professionnels différents. Donc à ce niveau-là, je pense que je ne suis pas différent, même si ma carrière professionnelle, elle est peut-être plus atypique que d'autres personnes. En fait, elle est hyper stimulante, donc ça, ça me plaît beaucoup. Elle est très fatigante aussi, parce qu'il y a une pression professionnelle, mais qui est normale. La pression professionnelle, c'est « mais vous nous représentez, donc vous devez être en mesure de proposer des solutions » . Dès lors qu'il y a une annonce du gouvernement, mais en fait derrière, on n'est pas des multinationales. On n'a pas 50 salariés qui travaillent à notre service toujours. Nous au SNMK, on a deux salariés et qui nous rendent des grands services. Donc heureusement qu'elles sont là, parce que ce sont deux femmes. Il y a une quinzaine d'élus nationaux, il y a quelques dizaines, centaines de représentants départementaux. Mais en fait, c'est un travail qui se fait le soir, le week-end. Parfois, dès que j'ai une annulation de patient, je vais répondre à... des adhérents, je vais répondre au ministère qui me demande, mais au fait, vous nous aviez dit, vous aviez des propositions sur l'accès direct ou sur le modèle économique, concrètement, c'est quoi ? C'est du temps de constitution, c'est du temps de débat aussi, parce que c'est pas parce que moi j'ai une vision de la kinésithérapie que mon rôle, c'est de l'imposer à mon organisation professionnelle, c'est plutôt de se dire, on a l'impression qu'on a envie d'aller ensemble dans la même direction, quelle est cette direction concrètement ? Et ça, ça prend du temps. Et c'est là où, en France, j'ai l'impression, mais c'est plus une... C'est pas nécessairement critique, c'est plutôt une analyse. J'ai l'impression qu'en France, on a un peu des injonctions paradoxales, dans le sens où on veut de la démocratie, on veut du débat, on veut de l'échange, on veut se sentir écouté, mais on veut que la décision soit prise rapidement. C'est compliqué. C'est compliqué de faire les deux. Et c'est pour ça que quelqu'un qui va prendre une décision vite, on va dire qu'elle n'écoute pas. Quelqu'un qui va prendre une décision lentement, on va lui dire qu'elle n'est pas assez réactive, alors qu'elle a écouté. Et c'est là où il faut jongler entre les deux. Mais tout comme quand on fait une information, par exemple. Quand on fait une information sur les réseaux sociaux, parce qu'aujourd'hui, les réseaux sociaux, c'est une manière de communiquer auprès des gens. Qu'est-ce que tu fais ? Est-ce que tu vulgarises une information au risque qu'on t'explique qu'il y a des biais dans ton explication ? Ouais. Ou alors est-ce que tu fais une contribution de 19 pages pour expliquer un concept et que là on te dise « On n'a rien compris et j'ai autre chose à foutre entre mes deux patients que de lire 19 pages. » C'est ces choses-là qu'il faut faire. Et donc on essaye d'arbitrer ces choses-là du mieux possible et les retours des gens sur le terrain sont intéressants. Mais globalement les gens sont assez bienveillants. Et puis ceux qui sont malveillants, au début ça te touche un petit peu, mais après tu t'en fiches. Parce que ce... Parce que ces gens-là ne contribuent pas intelligemment au système. Il y a un ancien syndicaliste pour qui j'ai beaucoup de respect qui utilisait le mot syndiclaviriste. Ceux qui font du syndicalisme derrière leur écran, qui passent leur temps à insulter ou faire des propositions, ou te dire « mais au fait, vous n'aviez pas pensé à demander une augmentation de nos honoraires ? » Ben si. Merci de nous l'avoir transmis, mais on y avait déjà pensé. Que ces gens-là viennent nous, voilà, viennent balancer leur colère du quotidien, c'est le jeu. C'est pas avec eux qu'on avance, mais heureusement, ils sont ultra minoritaires. On a quand même beaucoup de gens qui nous soutiennent, beaucoup de gens qui nous rejoignent aussi. La dynamique, elle est plutôt positive dans notre organisation. Maintenant, il faut continuer aussi, parce que ça, les politiques, ils le voient. C'est un des trucs qu'ils regardent. Le taux de participation aux élections professionnelles, le taux de syndicalisation, ils le regardent. Donc, il faut avoir conscience aussi que ça joue un petit peu. Donc... le vis bien je dirais pas que c'est pas fatigant mais mais c'est hyper stimulant et puis je sais que je fais pas ça toute ma vie non plus je ne suis que de passage je fais plein d'autres choses après mon mandat syndical et et j'ai pas peur que mon mandat s'arrête demain et je pense que c'est ça aussi qu'il faut se dire c'est que dans la vie de manière générale n'ayez
- Speaker #1
pas peur que les choses s'arrêtent faites de votre mieux et puis et puis on verra on verra ce que ça donnera merci pour cette dernière phrase très importante je trouve Surtout, voilà, aussi la question du résultat, peut-être il y a des moments où on s'investit beaucoup pour quelque chose en ayant des attentes, et là ce que tu veux que c'est ça, c'est cette énergie d'aller vers quelque chose, vers un certain cap, alors en effet qui n'est pas le tien, mais qui est celui qui est partagé aussi par un ensemble de personnes, mais il y a un moment où oui, il y a peut-être cette frustration de ça n'arrive pas au résultat souhaité, peut-être que ça arrive à autre chose et c'est tant mieux aussi.
- Speaker #0
Ouais, et puis, on peut évoquer un sujet aussi que tu connais très bien, et bien mieux que moi, c'est le sujet de la santé mentale. Je ne me tuerai pas dans mon mandat. Je ne me tuerai pas dans mon mandat. Je dépenserai toute l'énergie que je peux. Mais comme parfois on dépense une énergie folle pour nos patients, mais il faut prendre le temps de faire attention à nous aussi. On ne peut pas se laisser absorber par le système. Je n'arrive pas à trouver le terme, mais essorer, essorer par le système. Je ne me ferai pas essorer par mon mandat syndical. Je donne toute l'énergie que je peux. Les gens autour de moi donnent toute l'énergie qu'ils peuvent et il y a des gens aussi qui donnent toute leur énergie et qui ne sont pas dans les syndicats. Quand je dis aux gens qu'il faut s'investir, bien évidemment que je rêverais que 80% de la profession soit adhérent au SNMKR. Un jour ça arrivera. Mais c'est surtout que chacun, on sache pourquoi on fait les choses et qu'on prenne le temps de se dire, c'est notre travail, on a notre vie à côté. Il faut faire attention à ne pas se laisser griller par tout ça. et dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui, je pense qu'il faut arriver aussi à... à temps à temps prendre un peu de recul en disant je donne tout ce que je peux mais si j'y arrive pas c'est pas grave et si jamais il y a des choses graves bah là il faut agir donc je fais ce que je peux à ma très modeste place et puis surtout je le fais mais je suis pas seul du tout même si c'est moi qui suis peut-être plus visible et que c'est avec moi que tu fais ce podcast là aujourd'hui la raison pour laquelle moi je peux faire ce podcast et je peux te présenter les idées qu'on a Parce qu'il y a des dizaines, des centaines, des milliers de personnes qui travaillent derrière.
- Speaker #1
Tu parlais là de choisir tes combats. Quel serait le combat que tu choisirais ?
- Speaker #0
En une phrase, aujourd'hui, on en a parlé tout à l'heure, aujourd'hui, on n'a aucun intérêt financier à bien travailler. On n'a aucun intérêt financier à bien travailler. Cette phrase, je la trouve folle. Elle est folle. Aujourd'hui, on a un mode de rémunération qui est à l'acte. qui, je pense, est un bon mode de rémunération et qui favorise la productivité. Le problème, c'est qu'il est exclusif et qu'il n'est pas modulé. Donc, quel intérêt tu as à libérer ton patient de ton cabinet ? Est-ce qu'aujourd'hui, il n'y a pas un intérêt à entretenir ta liste d'attente ? D'autant plus que l'assurance maladie, elle contrôle peu la suractivité. Et pour le coup, que l'assurance maladie contrôle, c'est son rôle. Moi, ça ne me gêne pas. Mais aujourd'hui, est-ce qu'elle va contrôler ce qui est pertinent ? Aujourd'hui, elle va contrôler si on cote bien la cotation entre le 7,49 et le 7,52. Est-ce qu'il n'y a pas autre chose à aller chercher ? Est-ce qu'on ne peut pas se dire que quand on voit quelqu'un pour une lombalgie 60 séances, est-ce que c'est pertinent ? Je ne suis pas du tout en train de dire que ça n'est pas pertinent. Je suis juste en train de dire que ça me choquerait moins que la science maladie vienne nous voir pour qu'on justifie de pourquoi on a vu cette personne-là 60 fois, plutôt que nous emmerder avec de la cotation de nomenclature hyper traçante, pas forcément pertinente. Moi, c'est cette réflexion-là que je me pose depuis des années en me disant « Mais j'ai vu ce patient, cette patiente-là, 7 fois. Quel est l'intérêt ? » de l'avoir une huitième fois. Quel est l'intérêt d'avoir une neuvième fois ? Aujourd'hui, je me pose cette question, mais je n'ai aucun intérêt financier à le faire. Et c'est peut-être dommage. Si la personne va mieux au bout de huit séances, qu'on la libère rapidement et qu'on prenne quelqu'un d'autre. Il n'y a pas cet intérêt-là. Est-ce qu'il y a des solutions ? Nous, je pense qu'on en a trouvé. Et ce qui est sûr, c'est que le modèle actuel ne le permet pas. Par contre, le modèle actuel est malheureusement, même si l'avenant 7 proposait des revalorisations qui étaient attendues, d'accord. Mais c'était au détriment de contreparties énormes. Et surtout, les premiers gagnants, c'est ceux qui font 250 consultations par semaine. Et les deuxièmes gagnants, c'est ceux qui en font 200. Et les troisièmes gagnants, ce sont ceux qui en font 150. Moi, je pense que ce n'est pas comme ça qu'il faut envisager les choses. Parce qu'aujourd'hui, si tu essaies de prendre un patient par demi-heure, toute la semaine, tu es à quoi ? 75, 80 ? Allez, 90 actes. Déjà, au-delà de 100 actes, c'est quand même une grosse activité. je ne tomberai pas dans la caricature de « il faut prendre un patient par demi-heure pour bien travailler » . On peut très bien mal bosser avec un patient par demi-heure, voilà, il y a de très bonnes machines pour ça, et voir deux patients en même temps, si les objectifs thérapeutiques sont bien définis, que tu es sur un plateau technique où tu essaies de les autonomiser, de leur faire comprendre qu'ils sont acteurs de leurs soins, c'est très bien d'avoir deux patients en même temps. Donc il ne faut pas tomber non plus dans la caricature inverse, qui est de dire « voir un patient par demi-heure, ça doit être la base, et le reste est interdit, c'est... » C'est faux. Mais ces questions-là, j'ai l'impression qu'on ne se les pose pas ou qu'on ne se les ait jamais posées. Donc nous, on prend le parti de se les poser maintenant.
- Speaker #1
Ou on ne se les pose peut-être pas, on ne se permet pas de se les poser collectivement. Et en fait, c'est ce genre d'institution, les syndicats ou même d'autres organismes où on peut se poser ces questions-là. En effet, c'est important. Là, dans ce que tu énonces, il y a beaucoup, ce qui revient, c'est la qualité de soin. Concrètement, comment tu vois les choses dans un modèle futur pour améliorer cette qualité de soin, tout en que ça soit respectueux pour notre profession ? Évidemment, je pense que nos auditeurs sont plutôt dans une optique qu'on veut bien faire de la qualité de soin, mais il faut aussi que nous, on soit reconnus pour ce qu'on fait. Tu es médiateur entre ces deux discours-là, comment on arrive vers une convergence de tout ça ?
- Speaker #0
Ce que je te propose pour faire le parallèle de notre profession, je vais te présenter les réflexions un petit peu comme on présenterait un raisonnement clinique quand on accueille quelqu'un.
- Speaker #1
Super. Si ça te va. Ah non, ça me va très bien.
- Speaker #0
Tu parlais de la qualité des soins. C'est un terme qui est un peu... que tout le monde comprend mais qui est hyper fortou. C'est quoi la qualité des soins ? Est-ce que la qualité des soins, c'est avoir X quantité de solutions hydroalcooliques dans ton cabinet ? On va se regarder, on va dire non. Pourtant, respect de l'hygiène, c'est important. Ouais mais non, pas comme ça. La qualité d'échange c'est quoi ? Est-ce que c'est voir son patient le moins de fois possible ? Pourquoi pas, mais quelqu'un que tu vois pour une pathologie chronique, tu vas le voir 15 ans. Donc si tu comptes le nombre de séances, c'est que tu n'es pas efficace. Donc ça ne peut pas être que ça. Est-ce que c'est le fait que le patient se sente écouté, respecté, et qu'on définisse des objectifs thérapeutiques communs ? Oui, ok, d'accord. Ça, on pourrait tomber d'accord. Mais ça, comment l'objectif et comment la sécu est au courant de ça ? Et comment on le traduit financièrement ? C'est la question. Que l'idée, on ne va pas se le cacher, c'est que derrière ce mot de qualité des soins, il faut qu'on le traduit financièrement. On a eu l'occasion d'en parler juste avant de commencer à capter. Imaginons, je te lance une idée. En théorie, elle va être bonne. En pratique, je la trouve personnellement nullissime. On essaye de voir le patient le moins de fois possible parce que pour la prise en charge d'une lombalgie, l'idée c'est d'accueillir tôt, de prendre en charge sur le long cours. Il y a rarement besoin de voir trois fois par semaine. La littérature le dit clairement. Ça ne veut pas dire que c'est interdit, ça veut juste dire que ce n'est pas le plus pertinent. Et bien pourquoi on n'imaginerait pas une prime, un forfait, si jamais on voit notre patient moins de dix fois ? Ce n'est pas déconnant sur le papier, ça se réfléchit. Ok, mais si tu fais ça, il faut penser à l'effet qu'il y a derrière. Si tu fais ça, est-ce que tu ne crées pas le risque que finalement tu as envie de voir surtout des lombalgies aigües pour lesquelles tu vas obtenir ce forfait, et donc mettre de côté les patients atteints de pathologie chronique ? ou des longs balgies qui se chronicisent parce que la personne, vu que tu ne l'as pas vue en accès direct, elle est venue six mois après le début de l'affection. D'une idée qui, sur le papier, est bonne, crée une prime parce que tu as été efficace, tu te retrouves à explorer des patients chroniques. Donc, en fait, nous, c'est comme ça qu'on a réfléchi. L'idée, on l'a éliminée. Autre idée de ce type-là, il faudrait limiter le nombre de séances par prise en charge. Pareil, une longue balgie, c'est 10 séances. Donc, tu te dis, c'est bien parce que la séquelle pourrait se dire... Si on est limité à 10 ans, bien sûr on va vous mettre plus 2, plus 3 ou plus 4 euros. Si c'est limité à 10, c'est nickel. Ok, si ton patient a besoin d'une 11e, comment tu fais ? Tu es bloqué et il ne revient que l'année prochaine ? Encore une fois, c'est les patients qui vont se chroniciser qui vont être en difficulté. Et les patients qui se chronicisent, est-ce que c'est toujours des patients qui ne font pas leurs exercices ? Si c'était le cas, on pourrait se dire oui. Si on était sûr que quelqu'un qui se chronicise, c'est parce qu'il n'a pas bien bossé, que le kiné n'a pas bien bossé, on pourrait. Malheureusement, on n'est pas responsable d'une part de toute l'antériorité de son parcours, on n'est pas responsable de ses pathologies, on n'est pas responsable de ses antécédents, on n'est pas responsable de ses éventuels troubles du sommeil, de son éventuel mal-être au travail, de tout ce qu'on va appeler, nous, les drapeaux jaunes par exemple. Je ne suis pas responsable des drapeaux jaunes. Je fais une erreur si je n'en tiens pas compte, mais je ne peux pas être tenu responsable. Donc est-ce que c'est une bonne idée de limiter à 10 ? Nous, on a éliminé aussi cette idée-là, parce qu'on s'est dit... Ok, c'est facile à comprendre. C'est une idée qui est porteur. Et après, je te proposerai une autre idée porteuse que tout le monde adore. Mais je tenterai de la débunker pour montrer que nous, on déteste cette idée. D'une idée simple, on a créé des effets pervers presque pires qu'aujourd'hui. Et qui plaisent au gouvernement. Si demain, on va voir le gouvernement en disant, venez, on limite la lombalgie à distance. Ils sont chauds. Ça, il n'y a aucun problème. Mais en fait, on ne va pas résoudre le problème. Donc, ça ne va pas. Donc, on bat. Il faut qu'on continue. Autre idée qui est que certains prônent et qui est très appréciée sur les réseaux sociaux, il faut limiter le nombre de séances par jour. Pourquoi pas ? Ça évitera à certains kinés, une minorité heureusement, de faire n'importe quoi et d'accueillir 25 patients en même temps. Ok, pourquoi pas ? Combien par jour ? On a fait des sondages, il y en a qui pensent que c'est 20, il y en a qui pensent que c'est 40. Déjà la première chose, personne n'est d'accord sur le nombre de séances. Certains disent 36. Ok, ça fait 180 par semaine, c'est beaucoup. Quand tu dis ça fait un patient toutes les 20 minutes pendant 12 heures, tu dis, ouais, ok, c'est pas pareil. Finalement, c'est pas choquant. Ouais, mais donc ça veut dire que 180 patients par semaine, c'est forcément de la qualité des soins. Ça, c'est la première question. Si tu mets un seuil, on va prendre un seuil à 30. Si tu mets un seuil à 30, c'est que tu considères que 29, c'est bien, 31, c'est pas bien. Ah, tu peux très bien voir 31 patients par jour et tu peux faire n'importe quoi avec 29 patients. Donc ça n'est pas un critère de qualité des soins. Ça, c'est la première chose. Donc, cette règle-là, elle va créer un cut qui va faire chier quelques kinés qui vont de toute façon, qui sont des kinés qui aujourd'hui, d'une part, sont minoritaires. On va créer une règle pour une minorité et qui aujourd'hui tentent déjà de contourner les règles. Ils les contourneront d'une autre manière. Et les autres... celles et ceux qui essaient d'autonomiser les patients, ils ne vont pas mieux gagner leur vie, ils ne vont pas être plus mis en avant. A l'inverse, cette technique a été tentée il y a quelques décennies, de mettre un nombre limite des séances. Et qu'est-ce qui s'est passé ? Les gens sont tous montés au seuil. Ils étaient à 20 patients par jour. Vu qu'apparemment, en dessous de 30, tu n'es pas emmerdé, tu montes à 30, tu ne vas pas te casser la tête. Et c'est logique, c'est normal. il faut se dire que la manière dont on est rémunéré conditionne le comportement. Donc... Aujourd'hui, il ne faut pas en vouloir aux kinés qui ont augmenté leur volume ou qui ont vu plusieurs patients en même temps. Certains n'ont pas eu le choix. C'est pour ça aussi qu'il y a une minorité de la profession qui nous fait peut-être du mal. Et qui nous fait du mal, c'est une évidence. Mais on prend la courbe de Gauss, on est 100 000. Je suis persuadé que la très grande majorité bosse bien ou essaye de bien bosser. C'est une évidence. Et il y en a une partie qui est absolument exceptionnelle, qui sort du lot. Et il y en a une partie qu'on pourrait ne pas avoir. Mais cette partie-là, elle est minime. les autres, on essaie tous, quasiment tous, de bien faire. Mais avec la manière dont a évolué notre rémunération, on a du mal. Donc depuis tout à l'heure, avantage, on avance dans notre raisonnement, inconvénient, pour l'instant on n'a pas trouvé de solution. Si on en vient aux solutions, la première mesure qu'on propose et qui est probablement perfective et certains penseront que ce n'est peut-être pas une bonne idée. Et moi, je n'ai aucun souci avec ça. Notre rôle, ce n'est pas de mettre tout le monde d'accord, c'est de proposer une vision. Nous, on pense que l'une des mesures qui pourraient être intéressantes, notamment sur le champ musculo-squelettique, c'est de majorer les premières séances. Au lieu de se dire qu'on va augmenter de 2 euros sur 4 ans, comme on vient de faire tous les actes, donc la première séance de l'ombalgie comme la 60e, peut-être qu'il faut qu'on concentre sur les 10, 15 premières. et au lieu de prendre 1€ ou 2€ sur 4 ans, prendre 3€ d'un coup. mais que sur les premières séances. Quel intérêt ça a ? Tu as un intérêt à espacer tes séances, parce que si jamais tu ne les espaces pas, tu vas tomber sur de la séance à tarif dégressif. Donc, en gros, c'est comme si aujourd'hui, on montait les 10 premières séances en cotation 9,5 par rapport aux 7,5 aujourd'hui. Quel est ton intérêt ? Ton intérêt, c'est de rester sur du 9,5. Donc, d'espacer les séances pour que ta prise en charge aiguë, tu puisses rester le plus possible sur du 9,5. Ça, c'est une première idée. La deuxième idée. qu'on a, qui est un petit peu en lien, c'est de se dire qu'aujourd'hui, tu sais, on peut recoter des bilans toutes les 20 séances à partir de la 30e, plus toutes les 50 séances à partir de la 60e uniquement pour la neuro. Pourquoi ? Si, je sais pourquoi, j'étais en négociation à l'époque, mais il n'y a pas de raison pertinente. Pourquoi on ne se dit pas ? Et en plus, on a des référentiels qui nous disent que la lombalgie c'est 15, et puis l'entourage de chute c'est 10, et puis la PTG c'est 25. Personne ne les fait. Personne ne fait les référentiels, et la Sécu ne les contrôle pas. Donc on peut rester sur le fait que oui mais c'est la HAS qui l'a dit. Non mais très bien, mais personne ne l'est fait. Nous on a une proposition qui est beaucoup plus simple, qui est plus exigeante pour les kinés et plus simple pour les kinés. Tu crées un bilan de suivi obligatoire tous les trois mois. Tous les trois mois, pour pouvoir poursuivre les soins auprès d'un patient, tu dois pouvoir justifier de pourquoi tu continues les soins.
- Speaker #1
Donc pas un nombre de séances mais...
- Speaker #0
Non, mais non, pas un... Et ben non, parce qu'aujourd'hui avec un nombre de séances... Si tu veux refacturer ton bilan, tu as un intérêt à faire des séances. Si tu termines la prise en charge à 18 séances, moi je t'en refais deux pour refacturer un bilan. Évidemment, mais c'est normal. Le système t'incite à ça. Si tu fais un bilan de suivi tous les trois mois, et quand je parle de bilan de suivi, ça pourrait être un truc très simple. On ne va pas demander aux gens d'envoyer un courrier à la sécu ou d'aller chercher le DMP auquel on n'a toujours pas accès. Dans ton logiciel métier, on pourrait très facilement trouver un truc où tu es obligé de remplir deux, trois cases. Est-ce que les objectifs thérapeutiques ont été remplis ? Oui, non. Oui, la personne arrive à marcher sans difficulté, par contre, elle n'arrive pas encore à courir. Très bien. Quelles sont les évolutions ? Ces tests-là, au début, ils étaient positifs. Maintenant, ils sont négatifs. Par contre, ce test-là, il est encore positif. On voit qu'il y a encore une petite souffrance. Et quels sont les exercices proposés à date ? On est à la neuvième séance, au bout de trois mois. Ce ne sont plus les mêmes qu'en premier. Terminé. C'est une note de séance un tout petit peu plus élaborée. Moi, Et là je dis moi en tant que président de syndicat, je suis prêt à assumer politiquement le fait qu'il faille qu'on justifie plus de nos soins. Ça, ça ne me gêne pas. Et je préférerais que l'assurance maladie se concentre sur ça plutôt que nous emmerder avec la nomenclature, par exemple. Donc ça, qui va être perdant dans l'histoire ? Parce qu'aujourd'hui, dans le modèle actuel, on peut se dire « mais dis donc, la mesure elle est dure » . Ben oui, ceux qui sont perdants sont ceux qui ne font pas les bilans et ceux qui ne tracent pas leur bilan. Ok, ils vont être perdants. Mais aujourd'hui, tout le monde est perdant. Et même avec la négociation de l'avenant 7, tout le monde est perdant. Et les plus perdants, c'est ceux qui ont les plus petites activités ou qui essaient d'autonomiser le plus leurs patients. Moi, je trouve ça injuste. Moi, j'aimerais que ces gens-là soient les plus gagnants. Et que si jamais ça emmerde un kiné, on va dire une chose, ça emmerde un kiné d'écrire quatre lignes pour dire pourquoi je dois continuer à avoir un patient, moi, je ne suis pas traumatisé de ça. Et l'avantage... Tu fais un bilan de suivi tous les trois mois obligatoire, tu supprimes tous les référentiels. Il n'y a plus besoin des référentiels, de toute façon, ils ne sont pas faits, ils ne sont pas contrôlés. On dégage les référentiels et on justifie tous les trois mois, en quelques lignes, le fait que c'est fini ou le fait qu'on continue. En plus, ça peut être un moyen assez intéressant de dire parfois aux patients, je pense que nous avons fini. Ça peut même faire office de bilan final. Donc nous, on trouve que ces deux premières mesures, elles sont cohérentes. Tu autonomises les patients, tu as un intérêt à autonomiser tes patients quand c'est de l'aigu. et tu fais un bilan de suivi. Certains nous ont dit, ok, mais si jamais tu fais ça, un patient qui se chronicise, c'est un peu dégueulasse, parce que la prise en charge, elle est valorisée au début, elle n'est pas valorisée ensuite. Eh bien, dans notre proposition, après le bilan de suivi, tu pourrais refaire quelques séances majorées, pour tenir compte du fait que tu as des patients, tu dois les garder, parce qu'en post-opératoire, ça, c'est un peu compliqué, donc tu es obligé de continuer. Donc, c'est un modèle qui protège aussi les patients atteints de pathologies chroniques, parce que... tu aurais un intérêt à continuer avec eux. Je m'arrête là, je sais que c'était assez long, mais en même temps, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, si je l'avais expliqué en une minute. en fait, ça aurait été hyper réduit. Et on va quand même s'arrêter là pour l'instant.
- Speaker #1
Et puis, ce qui est bien, c'est que ça t'a permis de souligner en effet la difficulté qu'il y avait à définir des indicateurs et de relever finalement les effets contre-productifs de ceux ci. Et là, dans une situation de ce type là, typiquement, finalement, tu es allé jusqu'au bout du raisonnement en disant on tente ça pour telle raison. Cool.
- Speaker #0
Je fais un peu de rotation médiale tout à l'heure parce que là, être comme ça depuis... Ah là là, toute posture est bonne, mais elle est mauvaise quand elle est maintenue !
- Speaker #1
Donc là, tu viens de présenter deux propositions, qui sont à la fois la réforme des bilans et la majoration des premières séances. Tu as d'autres propositions, peut-être une troisième pour clore un peu ce chapitre ?
- Speaker #0
Oui, tout à fait. Il y a le fait que la majoration des premières séances, ça permet aussi de penser... l'enveloppe globale proposée parce que la dernière négociation on a revalorisé que les AMS et il y a des spécificités qui ont été oubliées. Il ne faut pas les oublier. Et dans ce projet-là, on libère des marges de manœuvre en investissant dans le musculo-squelettique au début pour pouvoir libérer des marges de manœuvre sur d'autres actes sur lesquels on demanderait une revalorisation normale. Après, il y a une dernière proposition qui est complètement innovante et on l'a un petit peu testée auprès des kinés et elle marche plutôt bien. Donc on est assez content parce qu'elle est vraiment nouvelle. C'est la création d'une rémunération forfaitaire. Le mot forfait fait toujours un petit peu peur. « Qu'est-ce qu'il y a derrière le forfait ? » D'ailleurs, tu as vu, forfait qualité des soins en fin de l'ombalgie, on a vu, ce n'est pas une bonne idée. En tout cas, nous, on pense que ce n'est pas une bonne idée. Ce serait un forfait patientel. Le forfait patientel, ce serait une rémunération forfaitaire annuelle par patient qu'on accueille au cabinet. Mais ce forfait dépendrait de certains critères que le patient a ou pas. C'est-à-dire que si le patient, il n'a aucun de ces critères-là, tu n'as pas de forfait pour ce patient. Si il a un critère, tu as. x euros, on va prendre par exemple 20 euros, et s'il a deux critères, tu as 2 fois 20 euros en fin d'année, etc. On a sélectionné 4 critères. Premier critère, l'âge. Moins de 18 ans, plus de 75 ans. Deuxième critère, le statut ALD. Troisième critère, le fait d'aller voir le patient à domicile. Quatrième critère, le fait qu'il soit couvert par une complémentaire santé solidaire ou une aide médicale d'État. Nous, on a l'impression que quand on accueille, quand on va voir à domicile une personne de 85 ans, Pour une pathologie prise en charge en ALD et couverte par la complémentaire santé solidaire, on est plutôt sur une prise en charge qu'on peut considérer comme complexe. Et l'avantage, c'est que tous ces critères-là, soit ils sont dans notre nomenclature, soit sur la carte vitale, le kiné n'aurait rien à faire pour obtenir ce forfait. Ce serait encore plus simple que le famille. Par contre, effectivement, on aurait zéro euro si jamais on prend une patiente, quatre supérieurs, qui s'est juste fait une petite lésion au disque jambier en faisant un footing et qui est en parfaite santé. Et pour le coup, ce n'est pas une situation complexe. C'est une situation qu'il faut voir tôt, donc il faut majorer les premières séances pour l'inciter à l'autonomiser et à espacer les séances, mais ça permet aussi de l'autre côté, avec ce forfait patientel, d'inciter à prendre des patients plus complexes. Donc on a l'impression avec toutes ces propositions-là qu'il y a une cohérence qui n'y a pas actuellement dans notre convention et surtout une cohérence qui n'a un projet qui n'a jamais été proposé. Je ne sais pas si le projet est le meilleur que la profession ait connu, par contre ce que je sais c'est qu'il est de loin le plus innovant. parce que jamais on n'a osé aller sur ces propositions-là. C'est pour ça qu'on le porte. Et pour l'instant, les retours sont plutôt bons de la part des kinés. Et les retours des institutions sont plutôt très bons aussi. Parce qu'ils se rendent compte bien qu'il y a un énorme travail de fond qui a été fait derrière. Donc, on continuera à le porter pendant des mois et des années.
- Speaker #1
J'aime beaucoup cette dernière proposition dans le sens où, en fait, c'est là, d'une certaine façon, pour réduire les inégalités d'accès aux soins. En fait, on le constate dans certains chiffres, dans certaines études. que l'accès aux soins par exemple des personnes qui ont une ALD ou une couverture CMU, en fait sont moins pris en charge. Et donc ce frein-là, en fait, où ils ont du mal finalement à accéder à un kiné, de ce fait-là, il fait d'autres paramètres. Donc ça pousserait déjà le kiné à prendre en patientelle ces patients-là, mais en plus de se dire J'ai tout intérêt aussi à attirer cette population-là pour ces raisons.
- Speaker #0
C'est ça. Ça ne sauvera pas le monde, mais ça corrige les effets du système. Et toutes nos propositions ne sauvent pas le monde, mais elles corrigent tous les effets un peu délétères du système actuel. C'est pour ça que c'est l'orientation qu'on va choisir. Dernière raison sur le forfait. Prenons un mauvais forfait. Le forfait à l'épisode de soins, pareil, pour une lombalgie. On se dit demain qu'une lombalgie, c'est 200 euros. En fait, pour tes patients chroniques, qu'est-ce qui va se passer ? Tu vas faire beaucoup de séances. t'auras pas intérêt à faire le forfait et pour les patients qui vont bien tu vas les voir que deux ou trois fois et tu vas prendre 200 euros pour trois séances. Alors c'est cool, mais si le système va être plus efficace... Pareil, c'est une fausse bonne idée. Alors oui, ça arrange le gouvernement de dire que l'emballage, ça coûte tout le temps 200 euros. Mais les situations sont tellement différentes que nous, on pense que le forfait à l'épisode de soins, auquel le gouvernement réfléchit, ce n'est pas une idée qu'on a eue, c'est eux qui nous l'avancent de plus en plus. Nous, on pense que pareil, c'est une fausse bonne idée.
- Speaker #1
Ok, très bien. C'est des belles perspectives et en effet, moi, ça m'enthousiasme ce que tu proposes. J'aimerais revenir sur d'autres sujets qui me préoccupent, mais je pense que les auditeurs aussi, sur la question, déjà, on parle énormément d'accès direct. Comment ça s'articulerait pour toi dans ce système de santé, dans ce modèle économique ?
- Speaker #0
Déjà, moi, je suis convaincu que l'accès direct, c'est l'avenir de la profession. Déjà, avant de parler de modèle économique, déjà dans l'intérêt du patient. Pourquoi ? Parce que nous sommes formés à identifier les situations de soins pour lesquelles on n'est pas compétent. On est formé. Et celles et ceux qui ne sont pas formés, ils ne feront pas l'accès direct. Et ce n'est pas grave. Tout comme moi, je ne me sens absolument pas compétent pour prendre des patients en rééducation vestibulaire. Donc ma déontologie m'impose de ne pas les prendre en charge si je ne me sens pas compétent. Pour l'accès direct, c'est pareil. Il n'y a pas 100 000 cliniques qui feront l'accès direct demain. Ce n'est pas grave. Par contre, ce qu'on sait, c'est qu'au regard de la littérature internationale, C'est particulièrement efficace et au regard du système français, ça pourrait être super efficace pour éviter de trimballer le patient dans énormément de prises en charge, que ce soit une consultation médicale, de l'imagerie non pertinente, l'imagerie non pertinente sur les pathologies musculosquelétiques, c'est terrible. Le gouvernement veut trouver des économies, elles sont là les économies. Arrêtez de faire des radios sur les longues algies. Arrêtez de faire flipper les patients quand ils voient qu'ils ont une nucléopathie dégénérative dont on sait très bien que ça ne peut pas être aussi grave que d'avoir des cheveux blancs. C'est l'exemple que je donne toujours. J'ai donné l'exemple directement au ministre. Je n'ai pas l'impression qu'il est pris personnellement parce qu'il avait des cheveux blancs, mais je commence à en avoir aussi, donc voilà, pas de vexation dessus. Mais là, il y a un véritable intérêt pour le patient. Il y a un intérêt pour le patient, il y a un intérêt pour le système. Et nous, on ne sera pas moins bon. On sera même peut-être meilleur parce qu'on n'aura pas tout ce temps à devoir déconstruire toutes les conneries. que les patients entendent avec mon dos est fragile, ma posture n'est pas bonne et en plus tout ça sur un bassin décalé, c'est terrible. Aujourd'hui, j'ai l'impression que dans ma pratique, c'est ce qui me prend le plus de temps. Et donc ces patients-là, tu ne les vois pas trois fois, tu les vois dix fois pour déconstruire tout ça. Donc si on a moins besoin de déconstruire ces idées-là, on sera tellement plus efficace. Donc déjà l'accès direct, c'est dans l'intérêt du patient et c'est dans l'intérêt de notre santé mentale aussi. L'argument qui est utilisé par les kinés pour dire « oui, mais est-ce que financez l'avenir ? » c'est aussi le côté économique. Il est vrai que pour l'instant, l'accès direct n'est pas valorisé financièrement. Oui, mais dans notre projet conventionnel, on propose la majoration des premières séances sur le champ musculo-squelettique. Donc si on voit les patients plus tôt et qu'on peut espacer les séances, ces séances-là seront majorées. Et en plus, la loi a dit que c'était 8 séances maximum quand le diagnostic médical n'était pas établi. C'est la loi qui l'a dit, on ne peut pas la changer. Très bien, faisons déjà un point sur ces 8 premières séances et on va se rendre compte qu'on peut faire plein de choses. J'ai la chance d'exercer dans le Loiret dans une CPTS, donc j'ai pu commencer à faire de l'accès direct. Les patients sont ravis, les patients sont ravis. La seule frustration que j'ai, ce n'est pas avoir ces premières séances majorées. Parce que je peux dire que je les espace à fond les séances et ça se passe très bien. Et on parle beaucoup de responsabilisation du patient aujourd'hui. Je pense qu'elle est indispensable. Le problème, c'est qu'on parle aujourd'hui de responsabilisation financière souvent du patient en disant pour que le patient soit responsable, il faut qu'il rack. Peut-être que c'est une idée, peut-être. Mais c'est une idée qui est beaucoup plus tolérée par les classes aisées que les classes populaires. Donc responsabiliser des gens qui n'ont pas d'argent, c'est toujours compliqué. Par contre, la responsabilité vis-à-vis de l'autonomisation et du fait que les patients fassent leurs exercices, ça, ça me semble indispensable. Il est aussi notre devoir de dire aux patients, non, ça fait cinq fois que je vous vois et que vous ne faites pas les exercices alors qu'ils fonctionnent en séance. Peut-être que... ça n'est pas le moment pour vous de faire de la kinésithérapie. Et bien dans notre nouveau modèle, j'aurais eu cinq séances majorées et j'aurais pu libérer le patient en disant, écoutez, je ne peux pas vous apporter plus et je prendrai quelqu'un de nouveau pour qui j'aurai des séances majorées. Dernier argument sur le sujet, puis on peut passer à autre chose. Certains disent, oui mais attends, c'est-à-dire que tu vas créer des situations dans lesquelles il y a peut-être des kinés qui vont avoir envie de libérer leur patient au bout des X séances majorées. Il y a un effet domaine qui est terrible, peut-être. Mais aujourd'hui ? Les kinés qui ont cette réflexion-là, si ce sont les kinés qui proposent des traitements passifs à leurs patients pendant 50 séances, je préfère qu'ils obtiennent 9 séances majorées et qu'ils libèrent leurs patients pour que les patients aient voire d'autres kinés, plutôt qu'ils continuent à les rendre passifs avec 50 séances d'électrode. Et encore une fois, je pense que ce n'est pas la majorité. Les kinés qui veulent contourner les règles continueront de contourner les règles. Et ce n'est pas le monopole de la kiné. Tout humain sur Terre qui a envie de contourner les règles continuera à les contourner. On n'est pas pire et on n'est pas mieux que les autres. Donc je pense que l'accès direct peut être en plus valorisé avec cette histoire de séance majorée. Et aussi d'abord dans l'intérêt du patient, parce qu'on travaille aussi pour l'intérêt du patient.
- Speaker #1
Ok, très bien. Je ne voyais en effet pas du tout le... L'intérêt que pouvait apporter l'accès direct sur en effet la déconstruction de croyances que tu citais tout à l'heure, qui est en effet super pertinent parce qu'en fait on vient en amont, donc en effet on tient un discours qui va éviter la chronicisation. Peut-être même qu'on repère la chronicisation bien avant, on la crée moins. Voilà, c'est très intéressant ce que tu as abordé.
- Speaker #0
Pour moi c'est l'argument le plus puissant. Oui, c'est même l'argument le plus puissant. Tant qu'on passe à déconstruire la représentation du patient, c'est...
- Speaker #1
C'est notre travail, mais en effet c'est quelque chose qui pourrait être plus minoritaire avec un travail de prévention en amont, qui est le simple fait de voir des professionnels qui tiennent un discours dès le départ et qui est pertinent. Et pas avoir en effet des discours variés, potentiellement nocebo ou en tout cas... qui changent la perception des patients vers une chronicisation. Donc, ouais, super. Merci pour cette perspective. Je voulais aborder avec toi aussi la question du zonage, parce qu'en effet, c'est une problématique qui m'interroge énormément en ce moment. Je ne te cache pas que là, typiquement, alors je travaille à l'hôpital, mais j'ai des retours de mes collègues libéraux à Tours, où il y a cette situation de zonage où on nous dit que c'est une zone qui est surdotée, et pour autant, les listes d'attente sont... très importante, voire même avec des discours qui sont « On est à Tours, si vous voulez des séances, allez sur Paris » . C'est la dernière chose que j'ai entendue, je trouve ça absurde et complètement loufoque dans notre système de santé. C'est une phrase, je pense qu'il faudrait aussi la sourcer et tout ça, mais en tout cas, ça amène cette réflexion de « il y a une surcharge quand même malgré tout de... » en termes de patients sur un territoire qui est quand même malgré tout surdoté. Comment ça se fait ? Comment tu pourrais expliquer ça ? Et qu'est-ce que tu pourrais apporter comme solution à cette problématique ?
- Speaker #0
On va recontextualiser. Et tu m'arrêtes si c'est trop long ou si c'est trop complexe. Le zonage, c'est quoi ? Le zonage, c'est le découpage du territoire français en plusieurs catégories de zones en fonction, pas que de la densité de kiné, mais de ce qu'on va appeler l'offre de soins disponible. Donc j'ai la première chose. à comprendre, c'est que le zonage, c'est un calcul de l'offre présente, ça n'est pas un calcul des besoins.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
C'est quelque chose déjà de très important. Ce qui déjà explique une partie. La deuxième chose, c'est qu'on découpe le territoire français en catégories de zones qu'on va classer en zones, avant on appelait ça surdotées, maintenant c'est non prioritaires, intermédiaires, sous-dotées, très sous-dotées. J'aime bien dire que par exemple, une zone intermédiaire, ce n'est pas une zone où il y a assez de kinés, C'est une zone... où c'est moins la merde qu'en zone sous-dotée, et où c'est encore moins, où c'est un peu plus la merde, mais moins la merde qu'en zone très sous-dotée. Donc, résultat, la zone non prioritaire est la zone où il y a relativement plus de kinés qu'ailleurs. C'est un classement relatif, le zonage. Ça, c'est très important à comprendre. D'où le fait qu'il y a des zones non prioritaires où les besoins ne sont pas couverts. Qu'est-ce qui se passe dans ces zones non prioritaires ? Un kiné peut rentrer que si un kiné s'en va, pour faire très simple. Et il y a un système de dérogation de temps en temps, parce que par exemple si... le kiné s'en va de ton cabinet mais qui s'installe dans la même zone, on ne peut pas faire rentrer quelqu'un. On peut parfois le faire rentrer au motif du risque économique du cabinet. Parce que s'il y a une cité à deux et que ton associé se barre et que toi tu dois gérer les charges du cabinet tout seul, c'est un petit peu chaud. Tu vas fermer si tu ne trouves pas quelqu'un. Donc il y a des dérogations.
- Speaker #1
Dérogations aussi sur des spécialités ?
- Speaker #0
Des dérogations sur ce qu'on appelle les spécificités des exercices, effectivement, comme rééducation pérennose sphinctarienne, vestibulaire maxillofaciale par exemple. Donc ça fait partie des spécificités. Maintenant, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'aujourd'hui, il y a une inégalité d'accès aux soins sur le territoire. Donc, il faut trouver des solutions. On a trouvé comme solution la régulation démographique. Est-ce que c'était une bonne idée ? Avec du recul, je pense qu'il fallait le faire. Maintenant, est-ce que ça veut dire que c'est la bonne idée ? Moi, je suis convaincu qu'il y en a plein d'autres. et d'ailleurs l'une des bonnes idées c'est peut-être travailler sur la qualité des soins Et ça, le gouvernement, il a du mal à l'entendre. Mais si en 20 séances, tu soignes deux patients en 10 séances, c'est deux fois mieux que soigner un patient en 20 séances. Voilà, c'est très simple. Donc améliorer l'accès aux soins, ça passe par le prisme de la qualité des soins. Ça, ils ont du mal à l'entendre et c'est un petit peu le message qu'on essaie de se transmettre. Donc maintenant, concernant la situation de Tours, Tours vient de passer en non-prioritaire, donc vient d'avoir ces règles-là. Le problème, les problèmes qu'il y a, le calcul du zonage, il n'est pas si mauvais, mais il est très quantitatif. Le maillage, la maille n'est pas assez serrée. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que par exemple, tout Tours est non-prioritaire. Peut-être que dans le Tour, il y a des quartiers qui sont plus favorisés et d'autres qui le sont moins. Il y a une ville aussi qui est assez emblématique par rapport à ça, c'est la ville de Nice, qui est très grande, très longue. Sur la promenade des Anglais, on est bien. Dans les quartiers plus populaires derrière, tu ne peux pas t'y installer alors que les besoins sont énormes. Et c'est aussi pour ça que l'idée du forfait patientel pour nous est intéressante, parce qu'elle incitera les kinés à aller dans ces populations-là. où il y a beaucoup d'ALD, beaucoup de C2S, etc. Donc, tu auras une incitation financière à aller là-bas. Donc, je pense qu'il y a un problème de maille. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est que le calcul du zonage est un calcul national qui ensuite est redistribué dans la région. En gros, on a fait le calcul national. Regardez dans vos régions, ça donne ça. Et ensuite, il y a une marge de manœuvre qui peut être utilisée par les ARS, c'est ce qu'on appelle les URPS, qui représentent les kinés libéraux. Le problème, c'est que cette marge de malheur, elle est ridicule. Les médecins, ils ont une marge de malheur quatre fois plus importante à la nôtre. Pourquoi nous ils ne veulent pas mettre plus de souplesse ? Parce qu'en fait il y a des inégalités d'accès aux soins et donc ils ont peur qu'on fasse des bêtises. C'est absurde, c'est complètement absurde. Parce qu'aujourd'hui on voit très bien que ça peut être pertinent à certains endroits, ça peut ne pas être pertinent à d'autres endroits. Et donc vu que ce zonage tient compte de l'offre de soins disponibles et pas des besoins, prenons l'exemple de Bordeaux, oui il y avait beaucoup de kinés à Bordeaux, mais avec la ligne grande vitesse qui s'est créée entre Paris et Bordeaux, la population bordelaise a explosé. Mais puis aucun kiné peut rentrer dans Bordeaux. Donc c'est beau de créer des règles, mais si on ne tient pas compte des dynamiques populationnelles, en fait, on oublie une case. Ça ne veut pas dire que la régulation démographique est mauvaise, ça veut juste dire qu'il faut de la méthode. Et que si jamais tu oublies des critères, mais comme quand tu fais de la recherche, quand tu fais de la science, si tu analyses un phénomène, mais que tu ne prends, tu ne tiens pas compte de tous les paramètres, ben t'as des biais. Et ben là, c'est la même chose. Donc cet outil, je pense qu'il est intéressant, mais qu'il est biaisé. Et la dernière chose... C'est que ça commence à venir, mais c'est compliqué. On ne tient pas compte aussi des besoins et on ne tient même pas compte toujours de critères sociaux. Par exemple, si ta population, la moyenne d'âge, elle est de 82 ans. Si tu as 85% de patients en ALD, si tu as 70% de patients C2S, peut-être que les besoins sont différents de si tu es dans un quartier où la moyenne d'âge est 50 ans inférieure et où si les gens ne sont pas en ALD. Et ça, c'est des critères dont on essaie de commencer à tenir compte, mais c'est compliqué. Voilà pourquoi tu as un zonage avec... une application sur le terrain qui est parfois déconnante parce que tout est devenu non prioritaire, parce que c'est là où c'est moins le bordel dans la région. Ça ne veut pas dire que tout va bien. Après, le nombre de kines est en train d'augmenter de manière générale en France. L'accès aux soins va s'améliorer et je pense que ces critères sont importants. Maintenant, la question est de savoir, est-ce qu'à chaque fois, il faut durcir le système ? Il faut le durcir s'il fonctionne. Et dans la négociation de l'avenant 7, on nous a à peine dit si ça fonctionnait. Nous, c'est ce qu'on a dit. nous on a dit mais Si ça fonctionne, ce qu'on a mis en oeuvre depuis des années, on continue à durcir les systèmes. Oui, c'est une contrepartie, mais peut-être qu'il n'y a pas le choix. On n'a pas eu ces chiffres-là. On les a eus très tardivement. Et donc, on a trouvé une autre solution qui était de placer les étudiants et les jeunes diplômés comme des pions dans les zones sous-dotées. Peut-être que ça va résoudre le problème. Maintenant, si on parle de santé mentale, si on parle d'épanouissement professionnel, je ne suis pas sûr que ça rende service à la profession. et encore une fois, si on pense que l'accès aux soins ça n'est pas lié à la qualité des soins pareil, je pense qu'on s'ampute complètement d'une solution. Donc ça c'est le raisonnement que nous on a.
- Speaker #1
Très bien, très bien. Je te propose, parce qu'on a survolé beaucoup de sujets, on pourrait en parler encore des heures je suppose, mais on va clore tranquillement. Qu'est-ce que tu pourrais, comme dernier mot finalement sur ce podcast, qu'est-ce que tu voudrais insister sur certaines choses, tu voudrais sortir des mots qui n'ont pas été abordés ? Je te laisse la parole pour conclure d'une certaine façon.
- Speaker #0
Je dirais que notre rôle en tant que représentant syndical, on ne va pas se le cacher, c'est de convaincre. Maintenant, moi je n'ai pas envie de convaincre au 100% décliné, je sais que je n'y arriverai pas. Pourquoi ? Parce que les gens 100% déclinés ne seront pas en accord avec la vision que je viens de te donner. Par contre, ce que j'aimerais, c'est que les gens qui partagent cette vision nous rejoignent. Et ceux qui ne sont pas d'accord, ils ne nous rejoignent pas, ce n'est pas grave. j'ai pas de problème avec ça parce que si tu plais à tout le monde Pour moi, c'est que soit tu es parfait, et ça n'existe pas, soit c'est que tu n'as pas d'identité. Et je préfère avoir une identité qui plaise à une partie de la population et qui rend indifférent les autres, ou au pire, déplaise. Ce n'est pas grave. Pour ça, il y a les autres syndicats, qui ont des visions sur le modèle économique qui sont différentes. Et j'ai un profond respect dessus. Je peux vous expliquer pendant des heures pourquoi je ne suis pas d'accord avec eux. Et je pense que c'est ce qu'on a fait, c'est pour ça qu'on n'a pas signé l'avenant 7. je ne suis pas d'accord avec eux mais certains vont être d'accord avec eux tant mieux pour eux J'ai aucun souci avec ça. Mais si vous êtes d'accord avec nous, rejoignez-nous. Et si je devais être un peu plus provocateur, aujourd'hui, je dirais, mais si le système actuel vous convient, ne nous rejoignez surtout pas. Parce qu'on n'a pas l'intention de garder le même. On n'a pas l'intention de garder les idées actuelles, et on n'a pas l'impression que continuer dans la direction dans laquelle on est, c'est quelque chose qui va dans le bon sens. Donc si l'avenance vous a convenu, si vous pensez que la qualité des soins, elle est aujourd'hui reconnue dans notre métier, Venez pas chez nous, vous serez déçus.
- Speaker #1
Merci à toi Guillaume Rall. C'est la fin de notre deuxième épisode de podcast de System and Repeat, un podcast dédié à la kinésithérapie, la rééducation et la santé. On a parlé de modèle économique. Je te remercie beaucoup Guillaume Rall pour cette présentation qui était très claire avec de belles métaphores. Je vous invite à nous suivre tous les deux.
- Speaker #0
On essaie de beaucoup communiquer sur les réseaux sociaux, sur Facebook, sur Instagram. N'hésitez pas à suivre les actualités, notamment du syndicat. On sait que vous êtes en demande d'informations. mais on ne va pas venir vous voler vos adresses mail pour vous donner de l'information sur la profession. Donc venez nous suivre, dites-nous si vous voulez plus d'informations, venez vers nous. Notre rôle, c'est de répondre à vos questions. Et puis ensuite, sur mes réseaux, n'hésitez pas aussi à m'interpeller. J'essaie de répondre autant que possible aux gens, dans la limite du harcèlement qui reste illégal. Mais voilà, j'essaie de répondre à tout le monde. Et donc n'hésitez pas, on est là pour vous. Et puis on n'est jamais contre des coups de main supplémentaires, parce que le syndicalisme, c'est quand même une belle aventure.
- Speaker #1
Merci Guillaume. Et vous pouvez me suivre sur YouTube, Instagram, LinkedIn, TikTok, Facebook. Je vous dis merci beaucoup d'avoir suivi cet épisode de podcast. Et puis, il y aura d'autres épisodes qui vont suivre. Donc, restez connectés.