- Speaker #0
Bonne année, bonne santé, mais surtout bonne prise de décision. Voilà ce que j'ai envie de vous souhaiter pour ce nouveau cycle qui s'ouvre. Ou plutôt, bon discernement. Parce que parfois, faire des choix, c'est un peu comme essayer de trouver son chemin en plein novembre, à Brest, avec une double conjonctivite bactérienne. Oui, celle qui me colle aux yeux, on adore. Heureusement, telles deux phares dans le brouillard de nos errances mentales, Gilles Verviche et Camille Azoulay sont venues au micro de Socrate dans ma boîte pour éclairer de mille feux nos dilemmes. L'un dans son rôle de pop-philosophe spécialiste des questions de soin, et l'autre dans celui d'entrepreneur re-engagé jusqu'au bout de la patate tartinée. Vous verrez, après cette écoute, vous ne prendrez plus vos décisions de la même façon.
- Speaker #1
Green Story, l'agence de green branding et communication, présente Socrate dans ma boîte. Le podcast qui éclaire nos vies d'entrepreneurs à impact.
- Speaker #0
Hello, je suis Élodie, cofondatrice de l'agence Green Story et créatrice de Socrate dans ma boîte. Dans cet épisode, je découvre avec vous des guidelines puissantes pour aborder les prises de décisions le plus sereinement et efficacement possible. Et pour illustrer tout ça, la comédienne Emma Scali prête sa voix à la lecture d'extraits de textes inspirants. Bonjour Gilles.
- Speaker #1
Bonjour Elodie.
- Speaker #0
Merci d'être là. Et pour commencer, quelques mots pour te présenter. Alors tu es agrégé de philo, prof et auteur d'une dizaine d'ouvrages qui tentent de rendre la philosophie accessible et ludique. On peut citer Star Wars, la philo contre-attaque sortie en 2015, ou encore Peut-on réussir sans effort ni aucun talent ? Et puis par exemple, dernier ouvrage paru, Stranger Philo, comprendre la philosophie avec Stranger Things. Et depuis quelques années, tu as monté un spectacle de stand-up philo. Êtes-vous sûr d'avoir raison ? Aujourd'hui, avec toi, on parle aux entrepreneurs et par définition, l'entrepreneur, c'est une personne qui passe son temps à prendre des décisions pour faire avancer son entreprise, ses projets, qui passe son temps finalement à faire des choix, des petits, des moyens ou des gros, avec bien évidemment une seule chose en tête, ne pas se tromper dans les directions qu'il ou elle prend, bref, faire les fameux bons choix. Mais alors Gilles, pour commencer, est-ce qu'on peut préciser de quoi on parle ? C'est quoi un bon choix, une bonne décision ?
- Speaker #1
Alors, il peut y avoir trois manières, entre autres, sans doute mille autres, de comprendre un bon choix quand on dit vous avez fait le bon choix. Donc d'abord, c'est le bon choix au sens de l'efficacité, adapter les moyens aux fins, aux buts, aux objectifs que je me suis fixé. Est-ce que ça fonctionne ou pas ? Deuxièmement, le bon choix, c'est au contraire plutôt la question de la fin, du but que je poursuis. Est-ce que j'ai bien choisi de me donner cet objectif-là ? plutôt qu'un autre, puisque si on dit que la faim justifie les moyens, qu'est-ce qui justifie la faim ? Donc là, on est éventuellement sur une question peut-être plus morale. Que faut-il chercher ? L'argent ? L'écologie ? Est-ce que c'est bien ? Est-ce que c'est mal ? Et puis, troisièmement, plutôt qu'une question morale, je dirais une question éthique. Donc le bon choix, c'est ni en termes de morale, ni en termes de moyens, mais plutôt savoir si c'est le bon choix qui me correspond à moi, qui consiste à se demander. Quel genre de vie je veux mener ? Quelle entreprise, par exemple, je veux mener ?
- Speaker #0
Et tout ça, ce n'est pas facile.
- Speaker #1
Non, ce n'est pas facile, sinon on ne serait sans doute pas là à en parler. Alors, savoir faire le bon choix, ce n'est pas facile. Mais d'abord, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ne dépendent pas de moi dans les choix que je vais faire. Donc, je ne suis pas certain qu'ils fonctionnent. Il y a les circonstances extérieures en général. Et puis, si on parle d'entreprise, marché, il y a surtout les autres. Quels sont leurs désirs ? Quelles sont leurs envies ? D'ailleurs, c'est ce que voulait dire Sartre dans une fameuse formule que vous connaissez sans doute. L'enfer, c'est les autres. Que tout le monde a un petit peu mal interprété. Disons qu'il y a un gros contresens, je pense. L'enfer, c'est les autres. Ça ne veut pas dire que les autres me nuisent ou sont mauvais pour moi. Pour Sartre, ça veut dire l'enfer, c'est les autres. C'est-à-dire qu'il y a toujours les autres qui comptent les autres. Ils sont importants. Au contraire, le regard des autres est essentiel.
- Speaker #0
On doit tenir compte d'eux.
- Speaker #1
On doit tenir compte d'autres. Parce qu'il n'y a pas que nous. Voilà, c'est l'enfer. Deuxièmement, la décision est... pas forcément bonne ou mauvaise en elle-même, mais il y a ce que Aristote appelait le kairos, qui a été repris un peu par Machiavel, Nicolas Machiavel. Et donc Aristote, autant que Machiavel, vous parle du kairos, c'est-à-dire le temps opportun. Voilà, il y a un bon moment ou pas pour prendre une décision. Une décision n'est jamais bonne ou mauvaise au sens efficace ou pas en soi, ça dépend du moment où je vais la faire. Par exemple, je pense à... Star Wars à la fin de la revanche des Sith, Yoda qui part en retraite, qui va se cacher parce qu'il dit When the time is right quand ce sera le moment où on pourra ressortir. Pour l'instant, ce n'est pas le moment, là c'est l'Empereur qui est en train de gagner la partie. Il y a des moments où ce que je veux faire serait contre-productif. Il faut plutôt attendre un autre moment opportun. Ça va falloir accorder mon acte au moment. C'est ce qu'on appelle l'intelligence, d'ailleurs, s'adapter aux circonstances. Je pense que c'est ce que Machiavel appelle la vertu. les capacités personnelles. Et puis, enfin, le kairos est d'autant plus difficile à mesurer que, comme le dit là encore Aristote, le futur est incertain, ce qu'il appelle contingent, puisque par définition, ce qui va arriver dans le futur n'est pas encore écrit. Il peut à peu près tout arriver. Donc, si ça se trouve, une décision qui a l'air bonne, c'est même le moment opportun. Peut-être que demain, il va se passer un truc que je n'avais pas prévu. Par exemple, moi, personnellement, j'avais écrit à une époque où Un livre sur l'ennui qui me plaisait beaucoup. Je me suis dit, ça va plaire aux gens de réfléchir un peu. Et top, il est tombé en plein Covid. Et donc là, le Covid, les gens n'avaient pas du tout envie d'entendre parler d'ennui, puisqu'ils le vivaient déjà tous les jours. Voilà. Ce kairos n'était pas... Ce n'était pas le bon moment. Même si vous faites le bon choix, la fortune peut s'acharner contre vous.
- Speaker #0
C'est très stoïcien, ça.
- Speaker #1
C'est assez stoïcien, oui.
- Speaker #0
Et alors vraiment, on comprend que c'est difficile, très difficile de faire le bon choix, parce que le futur est... incertain, c'est ce que tu viens de dire, et ça met une grande pression. Justement, alors, sur la réflexion de notion de bon choix, en réécoutant, on parle des stoïciens, mais voilà, le premier épisode du podcast Socrate dans ma boîte, qui parlait de comment mieux vivre sa rentrée grâce aux stoïciens, je l'ai réécouté, parce que, mine de rien, il faut se rabâcher les bonnes leçons pour les intégrer, et en le réécoutant, ça a fait sens aussi pour le thème d'aujourd'hui, et je trouve une idée qui enlève de la pression quand on veut prendre une décision, c'est qu'en fait, en général, on se plaint face à un dilemme. On dit qu'on ne va pas pouvoir savoir à l'avance ce que tu disais, quelles sont les conséquences de notre action, qu'elle est frustrante, parce qu'on peut juger seulement a posteriori si le choix était bon ou non, finalement. Mais au bout du compte, si une décision s'avère mauvaise, rien ne nous dit que l'autre option n'aurait pas été pire, en fait. Et puis, voilà, je repense encore à ces fameux stoïciens. Je me dis que finalement, en définitive, ce qui arrivera ne dépend pas de moi. Par contre... Ma façon de penser ce qui m'arrive dans ce choix dépend de moi. Donc finalement, la seule question que j'ai à me poser le moment venu, c'est Bon ben j'en fais quoi maintenant ? Micro, aparté, petite illustration, nous à l'agence, on a vécu un épisode, une marque qui s'adresse à nous, nous demande de l'accompagner sur le social media, etc. Dès le début, équipe compliquée, gens compliqués, on sent qu'on va y passer du temps, qu'on ne va pas forcément se comprendre, etc. Et puis bon... On avait envie, on y a été. Et puis, ce qui devait arriver, arriva, au bout de quelques mois, on dit stop, on arrête là. Et puis, on pourrait se dire, la décision n'a pas été la bonne d'y aller. On aurait pu dès le départ se dire, j'y vais pas. Et finalement, là, on se dit, OK, j'en fais quoi maintenant de cette information ? Est-ce que je passe mon temps à grogner, à regretter tout le temps, l'énergie perdue, etc. ? La créativité qui n'a pas été bien utilisée. Ou on se dit, OK, en fait, Je vis ça comme une expérience éclairante qui m'aide à affiner la stratégie de mon entreprise, par exemple, qui m'aide à me dire, moi, à l'agence, qui et dans quelles conditions on a envie d'accompagner nos clients. Voilà, ça nous a aidé à cheminer pour faire des choix aussi de gens qu'on avait envie d'accompagner ou pas.
- Speaker #2
Aussi longtemps que nous errons en tous sens, En ne suivant d'autres guides que le tumulte discordant et les cris de gens qui nous appellent de divers côtés, notre courte vie sera consumée en errance, même si nous nous efforçons nuit et jour d'acquérir un esprit juste. Sénèque, la vie heureuse.
- Speaker #1
Deux choses. D'abord, j'ai envie de dire, ce n'est pas parce que ça n'a pas été au bout, parce que ça a échoué, que j'avais pris les mauvaises décisions. Je veux dire, puisqu'il y a des choses qui dépendent de nous, d'autres qui n'en dépendent pas d'après les stoïciens, je peux très bien réussir en ayant fait des mauvais choix parce que les circonstances m'ont pas mal aidé. Et puis à l'inverse, c'est pas parce qu'à la fin, j'atteins pas les objectifs que j'ai mal fait. Ce qui compte en fait, c'est d'avoir bien fait tout ce qui dépend de moi. C'est vraiment la leçon stoïcienne de dire qu'il y a des choses qui ne dépendent pas de moi, d'autres qui dépendent de moi. Ce qui compte, c'est de bien faire ce qui dépend de moi. Remords et regrets. Ça ne sert pas à grand chose. On retrouve ce genre de passion triste, en particulier chez Spinoza. Alors les stoïciens, eux, prônent l'indifférence, être sans désir, sans regret face au destin qui s'accomplit comme il l'entend. Donc ensuite, le remords, le regret, c'est des sentiments de tristesse liés au passé, qui est par définition, par nature, irréversible. Donc ça ne sert à rien. C'est complètement inutile de se demander. Finalement, si on doit définir ce qui est une bonne décision. On peut quand même s'accorder sur un point, c'est un choix qui me permet d'avancer vers l'atteinte de mon ou de mes objectifs. Une décision qui nourrit le bon chemin, reste à savoir lequel.
- Speaker #0
Ok, très clair Gilles, merci. Donc si on comprend bien, le prérequis à toute autre réflexion, c'est déjà d'avoir bien défini et précisé ses objectifs. En fait, il faut y voir clair. Et tous ses objectifs personnels, en tant que professionnel, et les objectifs même de son entreprise. C'est un peu notre étoile du berger à toujours garder dans un coin de la tête ou coller quelque part ou en tout cas visible. Moi, personnellement, je vous en avais parlé dans un autre podcast. Je travaille beaucoup avec Notion et le matin, quand j'ouvre mon outil de gestion de projet qui s'appelle ma boussole, tout en haut, j'ai en gros c'est quoi mon objectif de l'année, c'est quoi mon objectif de vie et ça me guide. Donc maintenant, Gilles, on veut connaître tous les autres critères à prendre en compte pour... Prendre une bonne décision. Donc là, vous ne me voyez pas, mais je fais le petit crochet avec les doigts. Prendre une bonne décision, on se comprend. Alors, on ne sait pas de recette toute faite. Il n'y a rien de miraculeux, il n'y a pas un conseil unique. En revanche, plusieurs éclairages philo possibles à prendre ou à laisser, à expérimenter en exclusivité. Peut-être que vous pouvez, dans tout ce qu'on va se raconter, se dire tiens, je vais essayer cette voie-là ou à combiner. Et on va voir que c'est intéressant de mettre en perspective tous ces différents éclairages. Oui,
- Speaker #1
voilà. Et des philosophes comme Aristote, philosophe de l'Antiquité, Kant, philosophe allemand du XVIIIe siècle, sont assez d'accord pour dire qu'il est difficile, voire impossible, quand même d'établir des règles ou des critères d'action qui vaudraient les mêmes pour tout le monde, puisque chacun n'a pas le même genre ou le même style de vie. On pourrait se demander de manière générale, est-il un art de vivre pour faire fonctionner sa petite entreprise ? Voilà, alors un art de vivre, oui, si on entend par là que chacun a ses propres objectifs, ses propres buts. Tout ce qu'on pourra dire là, il n'y a pas de recette, si vous voulez. Voilà, c'est peut-être des conseils qui résonneront plus ou moins chez les uns ou chez les autres. Qui dit art de vivre dit savoir-faire, dit que chacun doit l'adapter à son style propre à lui et à ses objectifs qui lui sont propres. Mais il n'y a pas de recette miracle.
- Speaker #0
Chacun doit donc réfléchir par lui-même, par rapport à lui-même. Et on peut commencer par évoquer une première idée. Déjà, quand on fait face à un choix à faire, un dilemme, on peut porter son attention, non pas sur tout ce que le choix A apporterait comme résultat versus tout ce que le choix B offrirait. Parce que ça, c'est vrai que c'est ce qu'on a tendance à faire. On se dit OK. Je dois choisir entre ça et ça. Qu'est-ce que ça m'apporte ? Qu'est-ce que ça m'apporte ? Mais on pourrait regarder le problème sous un autre angle, celui de ce qu'on est prêt à perdre ou pas. Qu'est-ce que je perds si je prends le chemin A ? Qu'est-ce que je perds si je prends le chemin B ? Alors, on connaît tous le célèbre bout de citation d'André Gide, Choisir, c'est renoncer Alors, Gilles, parlons-en. Parlons renoncement. Merci. Je ne peux pas renoncer c'est justement le titre de ton intervention TEDx de l'année dernière. Le renoncement, c'est un thème sur lequel tu as beaucoup planché, beaucoup travaillé, cette passion, on pourrait dire. Qu'est-ce qui est intéressant ?
- Speaker #1
La passion du renoncement.
- Speaker #0
Le courage de renoncer, la passion de renoncer. Oui,
- Speaker #1
c'est ça.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui est intéressant, selon toi, dans cette attitude qui, de prime abord, on pourrait trouver négative ?
- Speaker #1
Oui, ça m'a beaucoup intéressé parce que, effectivement, j'avais intitulé mon intervention Le courage de renoncer parce que ça paraît oxymorique comme ça, effectivement, Courage et renoncer à priori, c'est contradictoire. Non, mais… Parce que j'avais toujours entendu cette formule qui ne me plaisait pas complètement de Steve Jobs, le pape de l'entrepreneuriat justement, qui avait dit précisément, puisqu'on est dans le monde de l'entreprise, Je suis convaincu que ce qui sépare l'entrepreneur qui réussit de celui qui échoue, c'est pour moitié la pure persévérance. Déjà, si c'est pour moitié, ça veut dire que ce n'est pas la pure persévérance, puisqu'il y a autre chose qui est mélangée avec. Et puis on retrouve là l'éthique un peu clichée. Résumé dans la formule, si on veut, on peut, sauf qu'il m'a paru, moi, que c'était assez faux. Si on veut, on peut. Il ne suffit pas de persévérer, puisqu'on peut persévérer dans la mauvaise direction. Ce qui s'appelle s'obstiner ou s'acharner. J'avais un copain comme ça quand je faisais mes études de philosophie. Ça faisait quatre ans qu'il passait les concours. Il n'avait jamais été admissible à rien, jamais de bonne note, jamais d'indice. Éventuellement, ça peut faire partie d'un bon repère pour être sur le bon choix. C'est d'avoir... quelques signaux, même faibles, qu'il peut se passer quelque chose. Là, rien. Et puis, je lui dis, mais pourquoi ça fait quatre ans que tu passes un concours que, manifestement, tu n'auras jamais ? Voilà. Il me dit, c'est parce que je suis fait pour la philo. J'ai fait, mais peut-être que la philo n'est pas faite pour toi. Vous savez, dans ce genre de philosophie, on dit toujours, parce qu'ils ne savaient pas que c'était impossible, ils l'ont fait. Mais des fois, ça serait bien de savoir que c'est impossible parce qu'effectivement, tu n'y arriveras pas. Tu gagnerais du temps et des temps. Justement, voilà. Et donc, dans... Moi, ce qui m'avait plu, c'est que j'avais mis en exact cette formule du film Gladiator de Ridley Scott. Les hommes devraient savoir quand ils sont vaincus. Voilà, effectivement, des fois, on perd du temps à vouloir s'acharner à un but qui est manifestement, comme nous le disait Mike Cavell, vent et marée vont contre cet objectif. Voilà, et surtout, alors c'est surtout que l'idée du renoncement, en fait, c'est une question de point de vue. Choisir, c'est renoncer. Et donc, renoncer à une chose, ça veut dire en choisir une autre. C'est de comprendre, en fait. que ce n'est pas seulement négatif. Savoir par exemple si je dois divorcer ou rester avec mon conjoint, marié, avec qui vous voulez. Alors le préjugé comme ça, le cliché, c'est de se dire qu'a priori, le divorce, c'est plutôt un échec. Donc c'est plutôt négatif. C'est du renoncement alors qu'il faut s'accrocher à son couple et rester marié et aller voir un thérapeute, tout ce que vous voulez. Bon voilà, mais sauf que ça, c'est encore une question de point de vue. C'est-à-dire, est-ce que... en restant dans un couple qui manifestement va dans le mur, on n'est pas en train de renoncer à un autre genre de vie qui pourrait être un peu meilleur, est-ce que je manque pas le courage de renoncer ? Même pas courageux, mais intelligent.
- Speaker #2
Celui qui laisse le monde, ou du moins son entourage tracé pour lui le plan de sa vie, n'a besoin que de la faculté d'imitation des singes. Celui qui choisit lui-même sa façon de vivre utilise toutes ses facultés. L'observation pour voir, le raisonnement et le jugement pour prévoir, l'activité pour recueillir les matériaux en vue d'une décision, le discernement pour décider, et quand il a décidé, la fermeté et la maîtrise de soi pour s'en tenir à sa décision délibérée. John Stuart Mill, de la liberté.
- Speaker #1
Sacrifier, en général, ce que je dois être prêt à ne pas sacrifier, ce qu'il faut surtout pas perdre, comme le disait Stanley Cavell, entre autres philosophes américains, c'est ne pas perdre la cohérence avec moi-même. Quand vous avez une entreprise, par exemple, est-ce que vous êtes prêt à tout et n'importe quoi pour la faire fonctionner, pour la faire durer, pour gagner de l'argent, on va dire, puisque c'est quand même au départ le principe quand même, c'est de pouvoir se payer un salaire. Quelles sont les valeurs au nom desquelles vous l'avez créé, au nom desquelles vous continuez ? Est-ce que ce soir je pourrais me regarder dans la glace ? Je pense qu'un bon choix, un mauvais choix, je pense que c'est vraiment l'essentiel. Après, on va développer un peu, on va bricoler autour, mais c'est vraiment ça l'essentiel. Le bon choix, c'est celui qui me permet d'être cohérent avec moi-même, de construire la personne que je veux être, celle que je suis et celle que je veux être à l'avenir. Est-ce que quand j'aurai fait ces sacrifices, je serai prêt à me regarder ? Voilà.
- Speaker #0
Est-ce qu'on peut sentir, enfin voilà, c'est apprendre à sentir là où ça va, là où ça va par là. Je ne suis plus ok avec moi-même.
- Speaker #1
Voilà, ok avec vous. Alors, c'est un vocabulaire un peu qu'on rencontre dans la psychanalyse, la psychologie, dans le coaching, etc. Mais effectivement, c'est exactement ça. Est-ce que ça te ressemble ou pas ce que tu es en train de faire ? Si la réponse est non, c'est le mauvais choix.
- Speaker #2
Ce qui importe réellement, ce n'est pas seulement ce que font les hommes, mais le genre d'hommes qu'ils sont en le faisant. John Stuart Mill, de La Liberté.
- Speaker #0
Ok, donc finalement, plutôt que de se demander quel choix sera le bon, on peut tenter l'exercice de se dire quel renoncement sera ok pour moi. Et on peut parfois avoir l'impression de devenir schizo quand on se développe, parce que plus un projet impacte grossi, moins il pourrait être parfait. On ne peut pas cocher toutes les cases au sein de chaque pilier social, sociétal, environnemental. Par essence, un projet, c'est le résultat d'un ensemble de choix, donc le résultat d'un ensemble de renoncements. de plus en plus grands. Petit exemple récent, chez Green Story, on a recruté une chef de projet transversale. On a reçu de très nombreuses candidatures, donc super, un grand nombre de personnes étaient vraiment top pour le poste, et puis il faut faire des choix. En shortlist, super difficile choix, on s'est dit en rigolant avec les associés qu'il faudrait pouvoir hybrider nos derniers recrues pour avoir le profil parfait, ce qui bien sûr n'est pas possible, puisque la perfection n'est pas de ce monde, et tant mieux, ce serait bien boring. Donc on s'est posé la question, à quoi est-ce qu'on renonce ? Finalement, on a renoncé à une personne très chouette et qui maîtrisait certains outils clés de nos métiers parce qu'on n'a pas voulu renoncer en revanche à un profil qui nous avait donné la preuve à l'occasion d'une mise en situation qu'elle savait mettre intelligemment ses qualités humaines d'adaptation, de motivation d'équipe et de relationnel fluide au service de l'avancée d'un projet. Et ça, on n'était pas prêts à renoncer à ça. Donc pour pouvoir faire les bons renoncements, il faut... Bien se connaître, ça c'est un nouveau petit chapitre qu'on ouvre ensemble, Gilles. On a bien compris qu'après avoir défini clairement ses objectifs, son cap, c'était hyper important aussi de bien se connaître, sa personnalité, ses valeurs, ce qui compte le plus pour nous, notamment ses valeurs de référence.
- Speaker #1
La règle de base, c'est quand même de savoir qui suis-je, ce que je suis, et effectivement connaître bien mes désirs. C'est la phrase d'ailleurs... titre de la philosophie Connais-toi toi-même qui est inscrite au fronton du temple de Def. Voilà, qui aurait été inventé par les sept sages, dont le fameux Thalès, qui a inventé le théorème Connais-toi toi-même La question n'est donc pas tellement de savoir quand je fais un choix si c'est bien ou mal, moralement, ce qui est toujours un petit peu abstrait, mais comme le dit Sénèque dans La vie heureuse, vers quoi je tends ? Voilà, quels sont mes désirs ? Voilà. C'est-à-dire est-ce que je suis sûr que c'est ce que je veux ? Est-ce que ce que je choisis correspond à ma personnalité ? Parce que bien souvent, les choix qu'on fait sont plutôt influencés par l'extérieur, par la famille.
- Speaker #2
Rien n'a plus d'importance que d'éviter de suivre, comme le font les moutons. Le troupeau de ceux qui nous précèdent nous dirigeant non pas où il faut aller, mais où il va. Et pourtant, rien ne nous empêtre dans de plus grands mots que de nous régler sur les bruits qui courent, dans l'idée que le meilleur, c'est ce qui est généralement reçu, et c'est de vivre non selon la raison, mais par imitation. Nous guérirons pour peu que nous nous séparions de la foule.
- Speaker #1
Ces philosophes, John Stuart Mill ou Sénèque, nous disent de nous méfier un petit peu comme ça de choix qui ne seraient pas tant individuels que conformistes, en fait, et de savoir si ce que je veux faire, c'est bien un choix personnel ou si ça m'est influencé simplement par la société. Et donc, voilà, l'idée de plutôt que de faire un bon choix, je l'ai dit, moralement bon ou mauvais, c'est plutôt de savoir s'il va permettre, moi, de me perfectionner moi-même. Encore une fois, j'aime bien cette idée que j'ai découverte il n'y a pas longtemps, de perfectionnisme moral, qui n'a rien à voir avec la morale, en fait, au sens où on l'entend. Ce n'est pas bien ou c'est mal, mais c'est de me perfectionner moi-même. Aller le plus vers ce que... C'est Nietzsche, philosophe allemand, vous connaissez peut-être, avec sa grosse moustache, qui a dit deviens ce que tu es Voilà, et donc je pense que les bons choix sont ceux qui me permettent de devenir celui que je suis.
- Speaker #0
Et tout à fait, et en tant que personne dans sa sphère perso, et en tant que professionnelle dans sa sphère pro. Et maintenant on va écouter Emma, ma chère amie qui, entre autres, est la comédienne qui prête sa voix à la lecture des beaux textes des plus grands penseurs, pour Socrate dans ma boîte. Et elle va nous dire le fameux poème de l'écrivain britannique Rudyard Kipling. intitulé Tu seras un homme, mon fils Alors pourquoi je l'ai convié à nous partager ce joli texte ? C'est parce qu'en quelques paragraphes, l'auteur nous livre les qualités d'un bon preneur de décision. Ce texte, il se présente comme une salve de conseils précieux, certes exigeants, vous allez voir c'est un petit peu high level, mais qu'on peut voir comme des guidelines en fait, des guidelines de vie en général, des attitudes à nourrir chaque jour pour savoir prendre de bonnes décisions. Donc vous allez voir, on va retrouver être courageux, être émotionnellement équilibré, capable de prendre le juste recul sur les choses, être honnête, responsable, humble, indépendant, sage, mesuré, maître de soi et de ses comportements et finalement orienté vers son objectif.
- Speaker #2
Si tu peux voir détruire l'ouvrage de ta vie et sans dire un seul mot, te mettre à rebâtir. ou perdre en un seul coup le gain de cent parties sans un geste et sans un soupir, si tu peux être amant sans être fou d'amour, si tu peux être fort sans cesser d'être tendre, et te sentant haï sans haïr à ton tour pour t'en lutter et te défendre, si tu peux supporter d'entendre tes paroles travesties par des gueux pour exciter des sceaux, et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle sans mentir toi-même d'un mot, Si tu peux rester digne en étant populaire, si tu peux rester peuple en conseillant les rois, et si tu peux aimer tous tes amis en frères sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi. Si tu sais méditer, observer et connaître sans jamais devenir sceptique ou destructeur, rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître, penser sans n'être qu'un penseur, si tu peux être dur sans jamais être en rage, Si tu peux être brave et jamais imprudent, si tu sais être bon, si tu sais être sage sans être moral ni pédant, si tu peux rencontrer triomphe après défaite et recevoir ces deux menteurs d'un même front, si tu peux conserver ton courage et ta tête quand tous les autres les perdront, alors les rois, les dieux, la chance et la victoire seront à tout jamais tes esclaves soumis. Et ce qui vaut mieux que les rois et la gloire, tu seras un homme, mon fils.
- Speaker #0
Tu seras un entrepreneur à impact, mon ami.
- Speaker #1
Oui, j'aime beaucoup ce poème, notamment si tu peux voir en un jour l'œuvre de ta vie détruite et sans rien dire, recommencer, tu seras un homme, mon fils, ce qui paraît impossible. Imagine, tu viens d'écrire ta thèse de doctorat pendant quatre ans, j'ai vu ça une fois dans la bibliothèque de la Sarbonne, quelqu'un qui avait mis un petit mot, que celui qui m'a volé mon... Un ordinateur portable me rendra au moins la clé USB qu'il y avait dedans, puisqu'il y a toutes mes recherches depuis 4 ans. Et sans rien dire, on est vraiment sur les thèmes qu'on disait, c'est-à-dire inutile d'avoir des regrets ou des remords. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il faut continuer à avancer, mais c'est quasiment... surhumain, enfin c'est inhumain quoi effectivement, il faut être un Jedi pour faire ce qu'il dit là dedans, mais voilà au moins on sera cachés à même là. Oui,
- Speaker #0
il faut être un Socrate dans ma boîte et prête à faire la permanence pour que ça s'ancre en nous. Alors petit aparté qui va intéresser les professionnels qui travaillent pour des marques, n'importe quelle marque, chez GreenStory parmi nos expertises il y a un travail qu'on adore faire et on est un petit peu bons là dedans. C'est le travail sur la plateforme de marque. C'est ce fameux document fondateur qui permet ensuite de déployer les actions, notamment de communication. C'est un travail dans lequel on définit la vision, la mission, l'ambition de la marque avec les traits de personnalité, les valeurs et le big why, le grand pourquoi de la marque, son objectif, etc. Nous, on a une façon chez GreenStory de le travailler, c'est qu'on rajoute aussi une brique. c'est définir le combat prioritaire de cette marque. Parce que finalement, toutes les marques à impact ont une grande raison d'être qui est sauver le monde. Ou en tout cas, tendre vers un mieux-être pour le vivant. Mais ça ne distingue pas une marque d'une autre ou une même marque food ou une même marque de cosmétiques. Donc il faut aller plus loin. Par exemple, est-ce que votre combat prioritaire c'est l'anti-gaspi, la pollution de l'air, le zéro plastique, la souffrance animale ? Enfin, il faut choisir. Un big combat. Et puis, il y a un autre point. Nous, on a entre les mains souvent d'autres plateformes de marques parce que quand les entreprises viennent nous voir, soit ils ont déjà essayé de travailler quelque chose, soit ils remettent en question leur plateforme de marques existante. On voit dans la section qualité de la marque, experts, passionnés, transparents, éthiques, responsables. En réalité, ces qualités, elles le sont pour l'intégralité des entreprises à impact aujourd'hui. Ça n'est pas... pas singulier, ça ne dit rien de l'identité de la marque, donc c'est pas spécifique. Et en plus, on ne sait pas bien comment concrètement ça s'exprime. Donc nous, on a toujours rajouté à notre travail de plateforme de marque une section Parti-Prix engagement en fait, mais vraiment on l'a appelé parti-prix, où en fait on définit de façon claire les quelques parti-pris structurants de la marque, qui en plus après, une fois qu'ils sont rédigés, peuvent servir dans les manifestos, sur le site internet, les réseaux sociaux, même en boutique, enfin c'est quelque chose qui ensuite est réexploité. Et voilà, et à travers ces choix, c'est vraiment l'identité d'une marque qui s'affirme. Finalement ce petit quelque chose qui transforme un déo, un yaourt ou une paire de chaussettes en une chose dont on a... envie qu'ils fassent partie de notre vie, qu'ils nous parlent, qu'on aime, enfin bref. Ça s'applique aussi d'ailleurs à des services de mobilité douce. On a des clients sur la mobilité douce, les lieux de vacances éco-responsables ou même des apps mobiles pour le bien-être. Toutes ces entreprises sont des marques et elles ont besoin de définir des parties prises, de les exprimer et de les faire entendre à leur public. Donc, vous l'avez compris, la plateforme de marque, c'est une bible. Et c'est en fait, et c'est là où on revient quand même à notre sujet du jour, je ne me suis pas... De toute façon,
- Speaker #1
c'était notre sujet, puisque ce que tu viens de définir, c'est ce à quoi je ne veux surtout pas renoncer. J'ai mon pression, le parti pris, l'engagement, le big way. Je ne suis pas de ce monde-là, mais je sais que tu réfléchis un peu. Mais voilà, typiquement, tu pourrais leur demander à quoi vous n'êtes pas prêt à renoncer.
- Speaker #0
Exactement, c'est une façon de travailler la plateforme de marque qu'on trouve intelligente et qui va guider les choix. Parce que l'entreprise comme celle dont on parle est sans cesse confrontée à des petits moyens, grands choix. Ce n'est pas toujours évident d'être éclairé. Et si on a dans cette plateforme de marques des partis-prix fondateurs de ce qu'est cette marque, ça va nous éclairer pour les choix. Et après, d'ailleurs, pour des développements de produits, un recrutement en interne ou de prestataires, du sourcing de matières premières, des investissements. Finalement, tout peut être éclairé. Et donc, après avoir clarifié ces objectifs, après avoir eu une grande clairvoyance sur nous-mêmes, nos valeurs, Quels autres critères on peut étudier pour faire un bon choix ? On regarde du côté d'un des grands philosophes du 19e siècle, on en a déjà parlé tout à l'heure, et qui a beaucoup inscrit son travail sur les notions de liberté et de prise de décision, John Stuart Mill. On a une piste intéressante, une vision, celle de la décision éthique. Gilles, tu peux nous expliquer sa thèse ?
- Speaker #1
Alors, peut-être. Parce que pour savoir ce qu'est une décision éthique, morale, une bonne décision au sens moral, il y a deux grandes visions, en fait. La fameuse franco-allemande qu'on retrouve chez Kant, c'est notamment le flamoral qu'on dit déontologiste. Voilà, comme vous voyez dans des métiers, on a une déontologie. Ça veut dire qu'on suit certaines règles, certains principes, dont voilà le big why. Finalement, ce n'est pas le big why, c'est le big... je ne sais pas comment vous le dire... le big principle auquel je ne suis pas prêt à renoncer, quelles que soient les conséquences. Voilà, donc ça c'est du Kant, c'est-à-dire être fidèle à ses convictions, être fidèle à ses principes, quelles que soient... les conséquences qui s'en suivent. Si, par exemple, il ne faut pas mentir, si on est de gauche, il ne faut pas voter à droite, si on est à droite, il ne faut pas voter à gauche. Ce genre de dilemme que se posent les électeurs quand ils se retrouvent avec deux candidats dans un deuxième tour et dont aucun est de leur parti. Donc, vous voyez, les histoires de front républicain ou pas, des choses comme ça où on se dit, est-ce que je vais voter pour un parti qui n'est pas le mien parce que je ne veux pas... certaines conséquences, ou alors est-ce que moi vivant, je ne voterai jamais pour autre chose que mes valeurs ? Et puis en face, on a non pas celui qui agit selon ses convictions, mais celui qui agit plutôt selon les conséquences que cela va entraîner. Et donc ça, c'est l'éthique qu'on appelle plutôt conséquentialiste, de manière un peu plus pragmatique peut-être. On ne va pas se demander si je suis fidèle à mes convictions, mais quelles vont être les conséquences ? Peut-être que parfois, il faut... Est-ce que parfois il ne faut pas mentir parce que les conséquences sont nuisibles ? Est-ce qu'il ne faut pas... Vous savez, les principes, comme le disait, je crois, Talleyrand, ministre de Napoléon, disait, les principes c'est fait pour s'asseoir dessus. Alors, sans être aussi cynique, il y a quand même cette idée-là que si ton principe doit mener à la ruine de tout le monde, est-ce qu'à un moment il ne faut pas se rendre compte que les conséquences seront pires ? Alors, donc, John Stuart Mill dit qu'on va plutôt juger une vision éthique selon ses conséquences. Ses conséquences, c'est quoi ? Il le définit. Il dit que finalement, c'est le bonheur du... plus grand nombre, le bonheur collectif. Voilà ce qui doit guider mon choix individuel, ce qu'on retrouve dans un fameux dilemme que tout le monde connaît peut-être ou pas, le dilemme du tramway. Donc, imaginez un tramway lancé à vive allure sur ses rails. Cinq personnes sont allongées sur les rails. Je ne sais pas ce qu'ils font là. Peut-être qu'ils ont été prisonniers. En tout cas, ils ne peuvent pas s'en sortir. Ils sont attachés. Donc, si le tramway file tout droit, il écrase les cinq personnes. Moi, je suis aiguilleur. Donc, soit je ne fais rien et je laisse le tramway écraser les cinq personnes, soit je touche à l'aiguillage, ce qui fait détourner le tramway, à ce moment-là, il va aller écraser une personne qui, elle, est sur l'autre voie. Donc, le dilemme du tramway, c'est que dois-je faire dans cette situation ?
- Speaker #0
C'est une question de responsabilité aussi.
- Speaker #1
Est-ce que je prends la responsabilité ? Le Ausha. Alors, typiquement, quelqu'un comme Kant, celui qui est déontologiste, qui va agir selon ses convictions, va plutôt rien faire en se disant s'il y a des cinq morts, moi j'ai touché à rien, c'est ponce pilates, je m'en... Je m'en lave les mains, typiquement. D'ailleurs, je crois qu'un philo... Alain avait dit de quand t'as les mains propres, mais il n'a pas de mains. C'est sûr que si tu fais rien, tu risques rien. Donc voilà, il y a cinq morts, c'est pas ma faute, moi j'ai touché à rien. Ou alors, est-ce qu'on est conséquentialiste, c'est-à-dire, John Stuart Mill, lui, le bonheur du plus grand nombre, donc il vaut mieux sauver cinq personnes, t'en parlais un peu tout à l'heure par rapport Ausha de qui je garde, qui je perds, voilà. parce qu'il vaut mieux sauver cinq personnes qu'une. C'est un bon principe. Je pense aussi bien dans le monde politique que de l'entreprise. Et on revient toujours sur cette histoire. Qu'est-ce que je suis prêt à sacrifier ?
- Speaker #0
Heureusement, ce n'est pas toujours des questions de vie ou de mort. Non,
- Speaker #1
mais blague à part, ça peut être un peu des morts sociales, parce que si vous décidez de vous séparer de quelqu'un, un collaborateur, ce n'est pas forcément le meilleur moment de sa vie. Voilà, donc quel choix je fais ? Voilà, et donc je pense que l'intérêt, l'utilitarisme, c'est ça, c'est ce qui est utile. au plus grand nombre, ce qui est l'intérêt du plus grand nombre.
- Speaker #0
Finalement, tout ça, c'est une question d'arrangement avec soi-même, entre ses propres contradictions intérieures aussi, et choisir la combinaison qui sera la plus acceptable. Parfois, il vaut mieux faire des concessions sur les moyens en vue des fins, et pas forcément rester campé sur ses convictions et bloqué sur ses moyens. Autre petite, enfin, petite grande considération quand même, on écoute quelle petite voix ? Parce qu'on sait très bien que quand on est amené à faire des choix dans notre tête, il y a des petites voix qui parlent. Alors, est-ce qu'on écoute celle de la raison ou celle de la passion ? Quel style d'entrepreneur on est ? Est-ce qu'on est dans la voie du moindre risque ? Ou plutôt l'entrepreneur audacieux qui fonce ? C'est là qu'on retrouve un altériment très philosophique entre suivre nos aspirations profondes, notre désir, ou calculer nos chances de réussite, être très rationnel.
- Speaker #1
Alors bon, être rationnel, si c'est être raisonnable, c'est très bien. Il n'y a pas de problème. Moi, je me méfie toujours. Toujours un petit peu quand même de la raison.
- Speaker #0
On n'est pas des machines.
- Speaker #1
Parce qu'au nom de la raison, on peut détruire la Terre entière. Et justement, il me semble que... Je pensais à un philosophe, j'avais fait mes études sur ce philosophe écossais, celui-là du XVIIIe siècle, des Lumières écossaises, David Hume. Voilà, philosophe du XVIIIe, qui pense que la morale est plutôt une affaire de sentiments, de cœurs que de raisons, en disant... La raison est et ne peut être que l'esclave des passions. Et effectivement, je pense que la raison doit plutôt être au service du cœur, du désir. Stanley Cavell l'écrit en alliant les deux. Il est irrationnel de ne pas agir selon son désir. C'est la formule assez paradoxale puisqu'on pourrait opposer la raison au désir en disant que si on suit ses désirs, on n'est pas quelqu'un de raisonnable. Lui dit qu'en tout ça, c'est irrationnel de ne pas agir selon des désirs. Voilà que le... Ce qu'il y a de plus raisonnable, c'est d'accorder la raison au désir, au passion. Donc, je pense qu'effectivement, il faut plutôt suivre son cœur et que la raison a raison quand elle le suit. Tout le monde connaît la formule de Pascal, Blaise Pascal, philosophe XVIIe, le cœur a ses raisons que la raison ignore. Et donc, parfois, la raison, pour s'aiguiller, elle doit peut-être suivre le cœur.
- Speaker #0
Ok, super intéressant. Et d'ailleurs, ça permet de rebondir sur un point. Il y aurait peut-être une voie entre... Désir et raison, je crois du côté de Spinoza, la voix du choix, de la joie.
- Speaker #1
Effectivement, chez Spinoza, c'est lui qui distingue les passions tristes des passions plutôt gaies, joyeuses. C'est quoi la différence entre le plaisir et la joie ? Si on me donne un cadeau, ça peut me faire plaisir. Si je rencontre quelqu'un, ça peut me faire plaisir. Par contre, si j'ai mon bac, je vais être heureux, je vais ressentir de la joie. Donc l'idée de la joie, c'est quand même un plaisir qui vient de... d'un effort que moi j'aurais fait. La joie, c'est le sentiment qui vient récompenser une démarche qui est la mienne, alors que le plaisir, ça va être plutôt quelque chose d'extérieur, qui tient plutôt du hasard. Donc, chez Spinoza, très précisément, la joie, c'est le sentiment de passer à un degré supérieur de puissance. C'est le signe de ce perfectionnisme moral dont on parlait, on relit les deux. Toi qui cherches à te perfectionner, pour Spinoza, littéralement, la joie, c'est le sentiment que j'ai atteint. un degré supérieur dans le perfectionnement de moi-même.
- Speaker #0
C'est un bon guide.
- Speaker #1
C'est un très très bon guide.
- Speaker #0
Quand on la ressent, on se dit, ouh là,
- Speaker #1
peut-être que... Là j'ai réussi, c'était bon, j'ai réussi un truc. Alors vous savez, on peut réussir à avoir des... On peut avoir des succès, c'est la différence peut-être entre réussite et non. On peut avoir des succès, mais s'ils ne sont pas liés à moi, ou alors s'il n'est pas très mérité, ou si je l'ai fait avec des moyens qui ne sont pas très reluisants. Voilà, tu vas le voir sur ta tête que voilà, alors que la joie, c'est on est dans l'harmonie totale entre les moyens et les fins, entre moi-même, ce que je suis, ce que je veux devenir. Donc voilà, je pense que c'est un sentiment qui peut être un bon guide.
- Speaker #0
En même temps, on peut se dire, on peut être en juste droit aussi de se dire que parfois, on a des dilemmes où les deux options ne génèrent pas de joie franche. On en revient toujours à l'exemple du divorce, mais parfois, divorcer, il n'y a pas un choix qui d'un seul coup nous dit je ressens de la joie dans celui-là parfois.
- Speaker #1
Voilà, le divorce ou se séparer de quelqu'un dans le travail, c'est une forme de divorce aussi, effectivement. Et là, j'en appellerais peut-être un autre philosophe de l'Antiquité, Épicure, philosophe du IIIe siècle avant Jésus-Christ. Donc, qui prenait la recherche du plaisir et la satisfaction des désirs. Mais qui dit recherche du plaisir ne veut pas dire faire la fête avec un chapeau pointu. C'est le maximum de plaisir et le minimum de souffrance. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire, comme il le précise, qu'on doit pouvoir renoncer à un plaisir si on sait qu'une souffrance plus grande va en sortir, ou à l'inverse, qu'on doit accepter une souffrance. si on doit en tirer un plaisir plus grand plus tard. Autrement dit, même si le choix, au moment où je le fais, est douloureux, me fait souffrir, ce qu'il faut, c'est que je vois la perspective qui m'attend. C'est-à-dire, ce n'est pas parce que le choix, sur le moment, me fait souffrir qu'il va être forcément mauvais. Par exemple, on doit pouvoir préférer aller chez le dentiste, même si ça fait mal sur le moment, mais ça va permettre plus tard de se soigner les dents, plutôt que d'attendre, en refusant absolument de se faire mal. pour qu'à la fin, la situation empire. Et c'est un peu dans ce sens-là. D'ailleurs, me semble-t-il que Gladiator dit, enfin, c'est pas lui, c'est Quintus qui dit, les hommes devraient savoir quand ils sont vaincus. Voilà, là, à un moment, il faut savoir qu'il faut changer un peu de route. Il ne faut pas s'acharner.
- Speaker #0
C'est là qu'on revient à l'exploration aussi de tous les autres critères en jeu. Et on finira là-dessus, c'est que finalement, le choix de la joie non plus n'est pas un seul et unique critère à étudier. Mais savoir reconnaître qu'il n'y a pas de décision parfaite qui apportera totalement la paix de l'âme, mais que pour faire un choix qui se rapprochera le plus possible du bon choix, on peut prendre tous les autres aspects de la situation, comme c'est quoi mes objectifs pro, perso. les objectifs de l'entreprise, quelles sont les valeurs, les valeurs de l'entreprise, de la marque, quels sont nos besoins, quelle personne j'ai envie d'être, etc.
- Speaker #1
Le fait que le choix soit pas facile, je pense que c'est pas une mauvaise chose, parce que je pense que c'est dont on tire la satisfaction quand on crée une entreprise. Pourquoi on fait une entreprise ? Parce qu'on veut montrer qu'on est capable de lutter contre les obstacles, défier l'adversité, et que quand on réussit... C'est certes qu'il écrit ça dans un texte, il dit que Il faut que l'échec soit possible pour que la réussite soit satisfaisante quand même. Et donc le fait que le choix était difficile, pas évident, je pense que je suis d'autant plus heureux de ce que j'ai atteint. Si tout était facile, si le choix était facile, je pense qu'il n'y aurait aucun plaisir, aucune joie, aucune satisfaction à retirer des réussites.
- Speaker #0
C'est là qu'on ressent notre puissance d'agir.
- Speaker #1
Voilà, c'est parce que le choix est difficile que je suis heureux d'avoir pris le bon, en tout cas un qui a réussi. Et puis Sartre dit surtout par ailleurs que... Il y a des choix qui se présentent à chaque instant. Je veux dire, un choix, vous inquiétez pas. Dire j'ai raté un virage, j'ai fait le mauvais choix. Bon, effectivement, il y a l'histoire du caillot rose qui pourrait nous laisser penser que si t'as raté un peu ton occasion, ça reviendra pas. Mais non, Sartre nous dit pas ça. Il nous dit à chaque moment, chaque situation, être un nouveau choix. Et donc, vous inquiétez pas. vous pourrez en refaire un meilleur.
- Speaker #0
C'est pas parce qu'on a loupé le A versus B qu'il n'y aura pas le B versus D.
- Speaker #1
On ne rate pas son destin comme ça. Un choix n'est pas bon ou surtout, il n'est pas mauvais pour toujours. Il faut se détendre un peu.
- Speaker #0
Pour conclure, petit clin d'œil à Flora Bernard que j'avais eu en entretien dans le premier épisode et qui disait aussi que quand on a une décision à prendre, c'est important de se questionner depuis quel espace mental je prends cette décision. Bon, moi, clairement, si j'ai faim, si je suis fatiguée ou que j'ai été saoulée par quelque chose, ce n'est pas le bon moment pour prendre une décision.
- Speaker #1
Oui, c'est comme ça qu'il ne faut jamais faire les courses avant de manger.
- Speaker #0
Exactement. Et on espérait le faire quand même.
- Speaker #1
Oui, Mike Cavell, quand il parle du moment opportun, c'est un peu ce qu'il dit. Il ne faut jamais faire les choses, d'ailleurs, en moment de crise. Il dit qu'il faut se rendre indépendant de la fortune, de la chance, des choses, indépendant de ma volonté. Il dit que, je ne sais pas, typiquement, il faut construire des bâtiments antisismiques quand il n'y a pas de tremblements de terre. C'est dans les moments de calme qu'il faut prévoir les choses et ne pas réagir dans le mauvais moment de panique et de crise.
- Speaker #0
Merci, merci Gilles d'avoir partagé avec nous. Quels sont tes projets en cours ?
- Speaker #1
Eh bien, je vais donner quelques cours de pop-philosophie. C'est un peu l'innovation, je crois que... personne d'autre le fait, qu'on n'a pas de philosophie à l'EM, à l'école de management de Strasbourg. C'est pas parce qu'on fait une école de management et c'est pas parce qu'on fait une entreprise qu'on arrête d'être un être humain qui a besoin de s'alimenter son cœur, sa culture, etc. et la tête. On n'est pas obligé d'apprendre que des choses utiles pour la profession, mais on peut apprendre des choses qui nous élèvent en tant qu'être humain.
- Speaker #0
C'est vraiment le sang de l'histoire.
- Speaker #1
Deuxièmement, aussi, quand même, ce qui permettra aussi, j'espère, J'espère de leur faire réfléchir justement sur leur chemin à tracer, ce fameux connais-toi toi-même, trouver le bon chemin, celui que je veux être dans cette première année. Ça sera pour des premières années, donc savoir dans cette école de management dans laquelle ils commencent, vers où ils veulent aller, parce qu'ils sont qu'au début de ce parcours qui devrait les amener dans des métiers sans doute qui se rapprochent de eux. de ceux de nos auditeurs.
- Speaker #0
Merci encore Gilles et merci à vous qui nous suivez. Mais ne partez pas tout de suite, on se retrouve de l'autre côté dans la deuxième partie de l'épisode avec Camille Azoulay, entrepreneur, cofondatrice de Funky Veggie. Elle va nous parler justement des différents choix qu'elle a eu à faire, des prises de décisions. A tout de suite.