- Speaker #0
Bienvenue dans le podcast Steel Point. Je suis Alexane Bancal, ostéopathe, passionnée par l'humain dans toutes ses dimensions, la philosophie du soin, la spiritualité, les animaux, la nature et l'exploration de mon monde intérieur. Dans cet espace, je porte ma voix en solo où je vais à la rencontre de personnes qui m'inspirent pour vous partager des réflexions autour de la présence. son influence dans les différentes sphères de notre vie et comment cultiver cette qualité d'être au quotidien. Cette thématique est centrale dans ma quête de sens depuis mes premiers pas en ostéopathie. Aujourd'hui, je suis convaincue qu'en déployant notre état de présence à soi, on apprend à être davantage présent au vivant en nous et autour de nous. Et si cet état d'être était la clé non seulement de notre équilibre intérieur, mais d'un monde plus harmonieux. Ce podcast s'adresse à toutes et à tous. Je me réjouis de te retrouver un mercredi sur deux, pour un moment ensemble,
- Speaker #1
dans l'ici et maintenant.
- Speaker #0
Aujourd'hui, je reçois Mélodie Ziegler, autrice du livre « La mort n'est qu'un passage » aux éditions Lise Bleu. Mélodie, tout comme moi, est future doula. De mon côté, je me prépare à accompagner les femmes à toutes les étapes de leur vie, des premières règles. En passant par la sexualité, la préconception, la grossesse, accouchement, postpartum, ménopause. Et Mélodie, elle, a accompagné les personnes en fin de vie et leurs proches dans ce passage très souvent tabou. Mélodie, je me permets de définir ce qu'est une doula avant de commencer. On associe généralement cette profession, cet accompagnement à la grossesse, à l'accouchement et au postpartum. Or, c'est bien plus large. Donc pour moi, être une doula, c'est une personne qui est au service. Dans une posture juste, une écoute profonde, une présence, en mettant son savoir-faire qui, attention, n'a pas vocation à remplacer le corps médical, et son savoir-être au service de l'accompagner et de ses proches. La doula, elle facilite avec douceur, avec bienveillance, l'espace, la traversée qu'est en train de vivre la personne. On en entend de plus en plus parler aujourd'hui, mais finalement, les doulas existent depuis la nuit des temps. On a toujours eu dans toutes les communautés des personnes qui accompagnaient les grandes étapes de vie. Est-ce que tu as envie de rajouter quelque chose à cette définition ?
- Speaker #1
Non, je n'aurais pas mieux dit. Je n'aurais pas mieux dit, c'est super.
- Speaker #0
Alors Mélodie, est-ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur toi et ce qui t'a appelée vers l'accompagnement de la fin de vie ?
- Speaker #1
Alors, je m'appelle Mélodie Ziegler. J'ai eu un parcours de vie un peu atypique dans la relation avec mes proches. J'ai eu une enfance super joyeuse et vraiment merveilleuse, qui m'a sans doute permis d'avoir des bases assez solides. Mais à l'âge de 10 ans, comme beaucoup d'enfants, j'ai perdu mon grand-père. Ensuite, ma maman à l'âge de 14 ans. Ensuite, mes grands-mères. Et pour terminer sur la partie ancêtre, mon père, il y a trois ans. J'ai été quand même souvent rythmée par des deuils à faire et des fins de vie à accompagner parfois. Donc, cette dernière fin de vie qui est celle de mon papa, j'ai choisi d'être là et ça a été un moment à la fois très douloureux parce que c'était mon papa. Et pour autant, quand j'ai suivi mon deuil, je me suis rendue compte aussi à quel point je m'étais sentie à ma place pendant cette période de vie. Et je me suis renseignée pour développer ça auprès d'autres personnes et peut-être apporter un petit peu de douceur. dans ce passage qui est délicat, plein de peur, qui peut être aussi avec beaucoup de conflits avec les proches. Et donc l'idée, c'était un petit peu d'être ce maillon qui fait le lien entre tout ça pour apporter de la douceur. Pour moi, c'est vraiment ça.
- Speaker #0
Donc tu t'es retrouvée avec ton papa, tu l'as accompagnée sur sa fin de vie à la maison. Tu étais à la fois sa fille, tout en étant une aidante, une soignante à certains moments. Comment est-ce que tout ça, ça a résonné en toi ? Qu'est-ce que ça a transformé dans ta relation à la vie, à la mort et à l'amour aussi ?
- Speaker #1
Alors, on était effectivement chez mon père et ma belle-mère. Donc, je n'étais pas toute seule. C'est important de le dire. Moi, j'avais ce rôle peut-être un peu plus facile qui est que, sauf les dernières nuits, sinon je rentrais chez moi dormir. Donc, j'avais un temps de pause qui me permettait de souffler et de revenir à la journée. En général, je venais sur ces temps d'éveil. Donc, c'était pendant l'après-midi jusqu'au début de soirée. Donc, moi, mon rythme a été celui-là. Ma belle-mère était aussi très présente. Et c'est elle qui a beaucoup plus géré la partie contact avec l'équipe soignante, notamment. Et elle était beaucoup plus présente sur aussi tout ce qui est logistique ou réalité de « est-ce qu'il mange, il ne mange pas ? » Moi, j'avais cette facilité à être présente pour du bonus. Donc ça, je pense que c'est important de le souligner parce que je n'étais pas seule là-dedans. Et donc, qu'est-ce que ça a changé par rapport à ma vision de l'amour ? Et surtout, je pensais à la vie, la mort, l'amour. J'ai pensé à l'amour d'abord parce que pour moi, ce temps avec mon papa, qui a duré un bon mois entre les premiers temps à l'hôpital et ensuite à la maison, ça a été vraiment un temps d'amour inconditionnel qui n'était absolument pas gagné. dans notre histoire, puisqu'il n'a pas été forcément le père dont j'aurais rêvé quand j'étais plus jeune, pas toujours soutenant, pas toujours présent. Et c'est dans ces moments de fin de vie qu'on s'est vraiment retrouvés, qu'on a vécu des choses très jolies, puisqu'on a un peu laissé tomber tout ce qui n'était pas important, à savoir les choix professionnels, éventuellement même des valeurs. On pouvait ne pas avoir exactement les mêmes. Mais l'idée, c'était qu'on était ensemble. Il n'y avait rien d'autre qui comptait que ça. Pour moi, c'est vraiment l'essentiel de cette période de fin de vie. C'est le fait d'être ensemble et de laisser tomber tout ce qui est parasite dans notre relation quand tout va bien.
- Speaker #0
Oui, dans ton livre, tu dis à ce sujet « Je crois que les âmes se rencontrent plus facilement à la frontière de la mort » .
- Speaker #1
Oui, c'est vraiment ça. C'est-à-dire que... que j'ai rencontré mon papa à ce moment-là. On se connaissait quand même bien. Surtout qu'on avait une histoire commune un peu spécifique, puisque lui, il avait perdu sa femme, moi, ma maman, et que ça nous a aussi reliés par là. On se connaissait bien, mais il y avait toujours ces masques qui étaient liés à nos histoires respectives. Et là, il n'y a plus de masques à ce moment de la vie. On ne peut plus faire semblant. Qu'il s'agisse de la personne qui s'en va ou de la personne qui est présente pour accompagner. Je crois qu'effectivement, c'est une rencontre d'âme à âme. Et si je le dis aussi d'âme à âme, c'est parce qu'il n'y a parfois pas de parole. C'est beaucoup de silence. C'est que de la présence, éventuellement du toucher, si c'est possible. Et l'intention de se rendre présente pour l'autre, pour qu'il se sente accompagné et moins seul sur cette étape de vie, puisqu'il est encore en vie à ce moment-là.
- Speaker #0
Alors que la personne, elle est encore là, on a tendance, et je crois que c'est humain, parfois à anticiper la perte, le vide, la douleur, la tristesse qui sont liées à tout ça. Et parfois, passer à côté de ce que tu appelles la chance de vivre les derniers instants. Comment arriver à vivre dans cette présence des instants quand on sait ce qu'il y a au bout du chemin ?
- Speaker #1
Alors, je pense que ça, j'ai eu cette chance d'avoir cette vision-là parce que j'ai déjà perdu ma mère avant. Et donc ? J'ai été beaucoup dans la projection de l'absence quand il s'agissait de ma maman. J'étais plus jeune, j'étais ado, j'avais moins de base solide. Avec mon père, j'ai eu, mais comme tout le monde, c'est tellement naturel, cette anticipation de la douleur qui venait vraiment empêcher finalement le fait de profiter des derniers moments. Je l'ai eu, mais je l'ai eu très tôt parce que très tôt, je me suis rendue compte qu'il n'allait pas s'en sortir de sa maladie. Tout s'est enchaîné dans ma tête, je me suis sentie complètement démunie, sans racines aussi, puisque c'est le deuxième parent qui s'en allait, donc il y avait quelque chose de très instable qui se jouait chez moi. Et ça a duré quelques jours, voire peut-être deux, trois semaines. J'ai réussi à lui dire que je l'aimais, à lui écrire que je l'aimais par message, et je pense que ça, ça m'a soulagée à ce moment-là. Je me suis dit, ok, bon ben là, déjà, je sais qu'il s'en va. Il est au courant, il sait. Moi, je n'aurais pas le regret de ne pas lui avoir dit ce que j'avais pour ma maman. Et petit à petit, ça a fait son chemin. Et il restait encore plusieurs mois. Et je me suis dit, bon, là, désormais, tu as compris qu'il n'allait pas s'en sortir. Mais tu sais ce que ça fait que de perdre quelqu'un. Tu sais qu'une fois que c'est fini pour le coup, c'est vraiment fini. On n'a plus de marche arrière. Et toi, tu as la chance de le savoir aussi, parce qu'il y a quand même beaucoup de choses de personnes qui perdent un proche sans le savoir et ça va être une mort qui va être très comment dire, je vais dire choquante oui forcément, mais sans préambule moi j'avais cette possibilité là de savoir que ça allait arriver et du coup de dire ce que je voulais dire de poser les questions que je voulais poser et de passer le temps que j'avais envie de passer avec lui donc je pense que c'est parce que j'avais déjà perdu mon premier parent que j'avais cette conscience qui me permettait de me dire « là, j'ai envie d'en profiter » et de profiter de lui jusqu'au bout, de ne pas gâcher les derniers moments de vie.
- Speaker #0
En France, il y a beaucoup de personnes qui meurent seules. Je pense aux personnes âgées, souvent oubliées, dont on parle souvent. Comment expliques-tu ce... Il manque de lien parfois entre soignants, mourants et leurs proches ?
- Speaker #1
Alors, en France, on a un vrai problème avec la prise en charge des personnes âgées, qu'il s'agisse des institutions ou même des liens familiaux. Tu vois, hier, j'étais en formation pour devenir doula de fin de vie et on nous a appris que... On avait le taux de suicide chez les personnes âgées de plus de 65 ans, qui était le plus élevé d'Europe en France. Donc il y a un sentiment de solitude énorme et un sentiment d'inutilité de leur part, qu'on leur fait ressentir nous aussi en tant qu'actifs, de tous les préjugés qu'on peut avoir sur les personnes âgées, les avantages sociaux qu'elles peuvent avoir. Souvent les jeunes s'en plaignent parce que les jeunes aussi ne vont pas bien. Donc en fait, il y a quand même quelque chose de l'ordre de la stigmatisation. Ça s'est accentué aussi avec la période du Covid. C'est ce qu'on nous expliquait. C'est qu'on a tous été impactés pour pouvoir les protéger. Et donc, cette stigmatisation-là, elle s'est renforcée les années qui ont suivi. Donc, ça existe vraiment. Leur mal-être est réel. Et je ne peux pas blâmer les équipes soignantes parce que je crois qu'elles, elles font vraiment comme elles peuvent avec les moyens qu'elles ont. Et on ne peut pas leur demander beaucoup plus aujourd'hui. En revanche, c'est vrai que... culturellement, on n'a pas nous d'un point de vue familial. Ce truc-là de se dire, la personne de notre famille, oui, elle est en train de vieillir, et c'est comme ça, et elle reste avec nous, et on s'en occupe jusqu'au bout. Chez nous, on est dans une culture plus individualiste, et donc, effectivement, il faut s'en occuper davantage. En tout cas, il faut qu'on s'occupe. de notre vie avant celle de nos ancêtres. Et je trouve que c'est compréhensible, mais douloureux quand on arrive en fin de vie et on oublie souvent qu'on va tous y passer. Et je comprends, évidemment, avec les enjeux des personnes qui vivent en France, qu'on ait ce truc de dire « Oui, mais moi, je ne peux pas matériellement la prendre en charge parce que j'ai un travail, parce que j'ai déjà des enfants à m'occuper, parce que j'ai déjà une vie qui est compliquée. » Et pour autant, ça crée des gens qui sont pleins de solitude. Donc, je ne sais pas donner la solution. Ce que je sais, c'est que c'est ressenti de l'autre côté, que c'est douloureux à vivre et que permettre peut-être plus de liens, c'est en ça que la douleur arrive, mais aussi les bénévoles, etc. Plus de liens avec d'autres personnes que leur famille, qui parfois n'est pas en capacité de s'occuper d'eux. Je pense que c'est essentiel pour atténuer ce sentiment peut-être de solitude. Je ne sais pas si j'ai été claire dans ma réponse, que je suis un peu partie dans tous les sens.
- Speaker #0
Concrètement, comment tu décrirais le rôle d'une doula de fin de vie ?
- Speaker #1
Alors, tu l'as très bien dit dans ta définition. C'est avant tout de la présence, de l'écoute. C'est permettre à une personne de ne pas se sentir seule dans une période, un moment de sa vie où elle peut ne pas être accompagnée autrement que par le corps médical. Et c'est l'accompagner là-dedans en lui proposant de nous raconter éventuellement sa vie, en lui proposant de nous dire si elle a besoin au quotidien de quelque chose qui lui ferait plaisir, qui lui permettrait de sourire ou d'avoir un peu de joie, et de préparer son départ, de préparer le témoignage qu'elle a envie de laisser à ses proches, si elle a envie de raconter. le lien qu'elle a avec elle, si elle a besoin de demander pardon. Nous, on peut agir à ce moment-là pour préparer des choses, pour faciliter le départ, y compris les dernières volontés pour les obsèques. Et donc ça, on est dans quelque chose de très verbal, mais c'est aussi, comme je disais, beaucoup de présence, de simplement parfois tenir la main quand les proches ne sont pas là. Et si la personne ne peut pas parler, C'est simplement être là et savoir qu'elle est entourée et lui laisser cet espace-là d'y aller si elle a envie d'y aller, si c'est le moment de mourir ou pas. C'est peut-être aussi plus facile en tant que doula puisqu'on n'est pas un proche, même s'il y a toujours beaucoup d'émotions, mais sans les freins liés aux liens affectifs et d'attachement qu'on a avec la personne qui s'en va.
- Speaker #0
pour revenir un peu au système de soins français. Tu es traversée après le décès de ton papa, tu en parles dans le livre, par une colère par rapport à l'accompagnement qu'a eu l'hospitalisation à domicile. Et tu parles d'hypocrisie française au sujet de la mort et de son accompagnement. Tu veux rajouter quelque chose par rapport à ce qu'on a abordé tout à l'heure ? Il y a d'autres choses qui te viennent ?
- Speaker #1
Non, en fait, là, c'est très en lien avec les nouvelles discussions de loi pour l'accompagnement vers la fin de vie en France. Oui, il y a eu énormément de colère. parce que quand on nous a, plus que proposé, on nous a demandé de passer à l'hospitalisation à domicile parce qu'il y a une réalité qui fait qu'on a besoin des lits à l'hôpital. Nous, on a été très inquiètes avec ma belle-maman et on a eu peur de vivre des moments qu'on ne saurait pas gérer et qui nous mettraient dans la puissance et qui feraient que mon papa allait souffrir, etc. Et c'est arrivé. qu'en fait, c'est là où moi, j'ai eu beaucoup de colère, c'est qu'on nous avait garantis un accompagnement et nous, on a fait confiance pour dire « Ok, donc on y va et on y va ensemble, on n'y va pas toute seule. » Et au moment où on en aurait eu besoin, on n'a pas eu le soutien médical qu'on aurait voulu avoir. Ça a été très long parce que quand on est, en tout cas, nous, c'était donc en Gironde. quand on est hospitalisé à domicile, ce ne sont pas les médecins qui se déplacent, mais les infirmières qui vont témoigner de ce qu'elles voient auprès du patient à un instant T. Nous, quand une infirmière est passée, après qu'on ait demandé à soulager mon papa de la douleur et l'endormir, mon père était tellement exténué de sa souffrance qu'il était très calme, alors qu'on avait passé des heures où il était vraiment douloureux, où c'était très compliqué. Donc, il n'y a pas eu de passage d'informations auprès de l'équipe médicale pour expliquer à quel point il allait mal, puisqu'elle l'a vu vraiment cinq minutes et que c'était calme à ce moment-là. Et le médicament qui a été donné à ce moment-là, qui avait été déterminé à distance, n'a pas convenu à la réalité. Et donc, là où on était censé le soulager, ça ne l'a pas soulagé du tout. Et les crises sont revenues quelques heures après. Et moi, j'avais beaucoup de colère par rapport à ça parce que j'avais l'impression de ne pas avoir d'écoute de l'autre côté. Et surtout, nous, on savait que c'était urgent, que c'était grave. Et on avait l'impression d'être folle parce qu'on n'avait pas l'impression d'être entendue. Et il fallait attendre. Et c'est un moment de vie où c'est extrêmement douloureux. On ne supporte pas d'attendre et on ne veut pas voir son proche plein de douleurs attendre. Donc ça, ça a généré beaucoup de colère. de colère aussi parce que quand j'ai demandé comment on peut faire pour accélérer les choses, ce qu'on m'a dit, c'est nous, on ne peut pas faire grand-chose dehors de ça, mais vous, vous pouvez appuyer sur la pompe à morphine pour accélérer les choses. Et ça, ce n'est pas quelque chose qui est à dire à un proche, puisque ce n'est pas au proche d'accélérer la mort de la personne qui est en fin de vie. Parce qu'à chaque fois qu'on appuyait sur cette pompe à morphine derrière, même si on le faisait parce qu'on savait que c'était... C'était le seul moyen d'essayer de le soulager, même si ça ne marchait pas beaucoup. On accélérait nous-mêmes sa fin de vie. Et ça, ce n'est pas à nous de porter le poids de cet acte-là. Donc ça, ça a généré beaucoup de colère. Et puis, c'est tout ce contexte-là. En en parlant parfois autour de moi, je me suis rendue compte que malheureusement, ce n'était pas un cas unique. Cette loi existante qui, heureusement, est déjà présente, la loi sur la sédation profonde aujourd'hui, qui permet à un patient d'être endormi quand il a une maladie incurable dont on sait la fin proche, malheureusement, cette sédation n'est pas toujours suffisante. Et en fait, là, pour le coup, ça n'a pas été suffisant. Voilà. Donc, c'est là où je disais qu'il y avait de l'hypocrisie parce que oui, on est censé pouvoir les soulager, mais dans les faits, ça ne marche pas toujours.
- Speaker #0
Tu parles d'une... d'une descente des marches, pour parler des derniers instants, comme une progression vers des paliers. Je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec l'accouchement et la descente du bébé dans le bassin. Le premier souffle et le dernier souffle. Est-ce que mourir n'est pas une forme d'accouchement de soi-même ? Et comment s'y préparer ?
- Speaker #1
Oui, je pense que tu as tout à fait raison. Moi, je le ressens comme ça. On avait fait le lien avec l'accouchement parce qu'il y a beaucoup de questions. autour de la mort, de qu'est-ce qu'il y a après. Même quelqu'un qui a une foi inébranlable pendant toute sa vie peut être amené à douter sur les derniers instants puisque ça reste l'inconnu. C'est à ce moment-là qu'on avait fait le lien avec l'accouchement, de dire que le bébé qui arrive, qui sort de ce ventre et qui était très confortable pendant neuf mois peut avoir aussi cette peur de l'inconnu. où est-ce que je vais ? Donc, c'est pour moi très similaire dans le process. Et c'est aussi, je fais le lien avec l'accouchement aussi, dans le fait qu'on se rapproche de l'essence même de la vie. Quand une femme est en train d'accoucher, je pense qu'il n'y a rien d'autre qui compte à ce moment-là que ce qui est en train de se passer. C'est la seule réalité de sa vie à ce moment-là. On pourrait lui raconter plein d'autres choses, ça n'aurait pas d'importance à ses yeux. Il n'y a que ça qui compte. Je pense qu'au moment de la mort, c'est un peu ça aussi. C'est-à-dire qu'on se rend compte, il y a une conscience de la finitude des choses. En fait, c'est la conscience. C'est un passage dans une conscience absolue de la vie déchargée de toutes les superficialités. C'est sans doute ça aussi le lien qu'il y a entre les deux. Je ne sais pas si ça te parle, toi.
- Speaker #0
Si, si, tout à fait. Et dans la façon de s'y préparer, tu en as parlé un peu tout à l'heure avec le rôle de Doula. L'importance de mettre de la paix dans certaines relations, de travailler peut-être sur cette peur ? Comment tu vois les choses ?
- Speaker #1
Je pense que c'est très personnel. Je pense que chaque personne n'a pas le même besoin. C'est des besoins qui peuvent être évolutifs, puisqu'il y a aussi, sans doute, des personnes qui, aujourd'hui, en étant en bonne santé, te diraient « moi, je n'ai pas peur de mourir, si ça doit arriver » . Et je fais un peu partie de ces personnes-là. Si ça doit arriver, ça arrive et puis c'est tout. Pour autant, je crois que tant qu'on n'y est pas, on ne sait pas. Donc, on a, je pense, des peurs qui arrivent dont on n'avait pas forcément connaissance. Et la doula a effectivement ce rôle à jouer dans l'accueil des peurs, peut-être. Dans l'accueil du doute et dans la fluidité du passage. Et ça comprend aussi. effectivement de la réconciliation éventuellement, ou si ce n'est pas possible de laisser une trace, donc de laisser une lettre, de laisser un témoignage qui sera à donner à la personne avec qui on est en conflit. La doula, elle a aussi pour rôle de permettre à la personne en fin de vie de se sentir encore en vie jusqu'au bout. Parce que souvent, en fin de vie, ce sont des personnes qu'on ne touche plus, qu'on n'écoute plus. Il y a des témoignages très... très bouleversant dans des maisons de retraite avec des personnes âgées en fin de vie pour lesquelles on n'a pas forcément le temps de s'occuper et qu'on va vraiment laisser, quand c'est vraiment à quelques heures de la mort, qu'on va laisser dans leur chambre, quoi, en attendant que ça arrive. De temps en temps, on va voir, on passe une tête, et puis on ressort. Pour moi, je trouve ça terrible. Et je crois qu'il y a un manque de considération dans ce contexte-là qui est très douloureux et qu'on n'a presque pas le droit. de traiter nos aînés de cette façon-là. Et la doula, elle a ce rôle d'apporter de la considération jusqu'au bout, que la personne se sente vue et se sente encore en vie, en fait, jusqu'à sa mort. Et ça peut être par le fait d'être là et ça peut être par le toucher, puisque tu vois, dans la formation, on apprend aussi le toucher au Norand qui est inspiré de l'haptonomie. Donc ça aussi, ça va te parler, puisque... utilise beaucoup pour les futurs parents. L'idée, c'est d'apporter de la corporalité jusqu'au bout. Parce que ça peut être aussi des gens qui sont un peu flottants, qui ne savent plus très bien s'ils sont encore en vie ou s'ils sont déjà morts. L'idée, c'est de se dire là, vous êtes encore là. Est-ce que vous avez des choses à raconter, à dire, à transmettre, à passer ? Est-ce que vous avez des volontés qu'on pourrait faciliter ? Et de faire en sorte qu'elles se sentent vues et entendues jusqu'au bout. Je crois que c'est ça le rôle de la douleur.
- Speaker #0
Et d'une certaine façon, du coup, c'est comme apprendre à vivre ou vraiment se sentir vivant quelque part, quand on a la possibilité, avant de mourir.
- Speaker #1
Complètement. Et c'est peut-être aussi de transmettre, quand on en a envie, les leçons de vie qu'on tire de tout ça. Quand on a la capacité, en tout cas, de raconter encore à ce moment-là. Souvent, on ouvre les yeux sur ce qui était important dans sa vie, sur les regrets qu'on peut avoir. Et je pense qu'on a conscience de ce qu'est vraiment la vie que quand vraiment on est sur le point de la perdre. Et c'est des témoignages qui peuvent être hyper chouettes. Donc, ouais.
- Speaker #0
Ouais, comme tu dis, j'ai eu la chance aussi de passer un mois avec ma grande-tante dont j'étais très proche avant qu'elle décède. Donc, c'était vraiment... Je l'ai accompagnée dans sa dernière volonté de revenir au Sénégal pour mourir dans notre maison, donc dans la maison de son frère. Et c'est vraiment ça ce que j'ai vécu, c'est déjà vraiment de la présence, beaucoup de joie, parce que j'avais de la chance. de vivre pleinement justement ce dernier mois avant de partir en douceur où elle avait vraiment envie de mourir. Et c'est ça, c'était des grands moments de transmission, parfois verbalement, mais parfois juste de manière silencieuse. Et c'était vraiment... Pour moi, ça reste un des plus beaux moments de ma vie, vraiment, c'était incroyable de pouvoir partager tout ça avec elle. Et voilà, on oublie vraiment que nos aînés ont vraiment quelque chose à nous apporter.
- Speaker #1
Oui, je suis complètement d'accord avec toi. c'est un joli témoignage et je pense que aussi dans ce que tu dis il y a quelque chose de très important c'est que tu lui as laissé la possibilité de mourir où elle avait envie de mourir comme elle avait envie aussi de mourir et ça c'est lui redonner le pouvoir là-dessus et t'as fait le rôle de doula quoi d'entendre tout ça ben ouais non mais complètement donc ouais c'est un joli témoignage et je pense qu'on en ressort très enrichi avec beaucoup de leçons de vie pour nous, après, pour notre Vienne.
- Speaker #0
On a un peu parlé déjà du silence, du toucher. Quelle est la place du silence, du toucher, de la respiration dans ce moment de passage ?
- Speaker #1
Alors, le passage, en tant que tel, c'est mon frère et ma sœur qui étaient là au moment du décès de mon papa. Donc, ce dont je peux te parler, c'est de manière assez théorique. ou leurs témoignages, tu vois, mais je ne l'ai pas vécu. Et puis, je ne sais pas aussi si c'est universel. Peut-être aussi que ça dépend, là, je lis beaucoup, dans le cadre de ma formation, sur des témoignages d'accompagnants de fin de vie. J'ai l'impression que ça dépend aussi de beaucoup de personnes. Effectivement, dans le témoignage relatif à mon papa, il y a eu comme une dernière prise de conscience, et ce n'est pas le seul. Il y a quand même... Beaucoup de témoignages qui vont en ce sens, même les gens qui finissent par être sédatés, endormis, dans un coma difficile, on va dire, même si ce n'est pas le terme. Régulièrement, il y a cette prise de conscience les quelques secondes avant vraiment de s'éteindre, de mourir. C'est là où on peut considérer que même en sédation, ces personnes nous entendent, sont encore là, ou en tout cas nous perçoivent, perçoivent notre présence. Donc même une personne qui est endormie, on a un rôle à jouer en étant à côté, en lui prenant la main, en lui parlant, etc. Dans ce moment de conscience que moi j'ai eu aussi, quelques heures auparavant avec mon papa, à travers la douleur, c'est par la parole qu'on l'a accompagnée. Moi c'était à travers la respiration, en me demandant dans la souffrance, d'inspirer, d'expirer, en le faisant avec lui. Et la respiration a joué un rôle primordial pour lui, je trouve. Mais ce n'est qu'un ressenti, parce qu'on n'a pas pu échanger dessus après. J'ai eu l'impression qu'il s'est senti moins passif face à la douleur et qu'il avait un rôle à jouer dans comment supporter ce moment-là. Donc la respiration, pour moi, c'est essentiel. Le silence est essentiel. Comme souvent dans la vie, pas que d'ailleurs dans la mort. Mais voilà, c'est un élément très, très fort. Pour moi, être présent au silence, c'est sans doute une énorme qualité. Et je pense qu'ils ont besoin parfois d'être rassurés au moment vraiment où ça arrive, de dire c'est bon, tu peux y aller. On est là, tout va bien, tu peux y aller, ça va bien se passer, t'es pas tout seul. Je crois qu'ils sont nombreux aussi à avoir besoin de ça. de se sentir rassurée, de se sentir entourée. Après, à chacun qui le vit, de faire spontanément ce qu'il a envie de faire. Parce que tant que c'est fait avec le cœur, je pense que c'est ce qui fonctionne. Effectivement, naturellement, c'est plutôt ces éléments-là qui vont revenir. La respiration, le silence ou la parole, l'encouragement.
- Speaker #0
Merci beaucoup. On arrive à la fin de cet épisode. Est-ce qu'il y a un message qui te porte particulièrement et que tu aimerais nous partager aujourd'hui ?
- Speaker #1
Je vais rebondir sur ce dont on a déjà parlé, sur le fait de moins laisser seul peut-être nos aînés. Et même sans parler que de la fin de vie et donc des derniers moments, parce que c'est un autre message qui me tient à cœur mais dont je parle dans le livre, où vraiment si on a la possibilité d'être là, il ne faut pas en avoir peur parce que c'est magnifique. Ça a en tout cas quelque chose d'absolument très très beau. Mais c'est bien avant la fin de vie, de les voir en fait jusqu'au bout.
- Speaker #0
leur poser des questions, de s'intéresser à leur vie. Évidemment, à condition qu'elles en aient envie, on ne va pas les forcer, mais d'essayer peut-être d'amoindrir la solitude qu'elles ressentent. Parce que si, en tout cas, on a la chance de vivre jusque-là, de toute façon, on y passera aussi. Et je crois qu'on aura, nous aussi, besoin de se sentir entourés. Et ça, on peut tous le faire, que ce soit avec nos propres grands-parents, parents ou avec d'autres. Et il y a un passage de relais, de génération en génération, qui pour moi est très précieux. Ils ont connu beaucoup de choses qu'on ne connaîtra jamais et ils ont des leçons à nous apprendre pour éviter peut-être de refaire les mêmes erreurs. Donc ça pour moi, c'est des relations en tout cas que j'aimerais beaucoup voir éclore et qui existent déjà, mais de plus en plus j'espère.
- Speaker #1
Merci Mélodie.
- Speaker #0
Merci à toi.
- Speaker #1
Merci pour ta présence. J'espère que ce moment t'a inspirée. Avive davantage dans l'instant présent, que ce soit à travers l'expérience de ton corps, tes relations ou avec le monde qui t'entoure. Si ce n'est pas déjà fait, pense à t'abonner sur ta plateforme d'écoute préférée pour ne rien manquer des épisodes prochains. Et n'hésite pas à laisser un commentaire, une jolie note et partager ce podcast autour de toi. Cela m'aide énormément à rendre Steelpoint plus visible et ça me fait tellement plaisir de lire vos retours. Un grand merci à tous. On se retrouve dans deux semaines pour un nouvel épisode. En attendant, tu peux me retrouver sur Instagram ou mon site internet. Les liens sont dans les notes de l'épisode. Je te dis à très vite.