Speaker #0Paysans et seigneurs au Moyen-Âge. Bonjour à tous. Savez-vous où vit 90% de la population du Moyen-Âge ? A la campagne. La terre représente en effet la principale source de richesse et de pouvoir. La terre est travaillée par les paysans, mais elle appartient aux seigneurs. Ceux-ci sont reliés par un système de fidélité et de relations sociales que l'on appelle la féodalité. Paysans, seigneurs, travaux des champs, allons donc à la découverte de ces sociétés rurales qui constituent le cadre de vie principal au Moyen-Âge. Bon, une précision pour commencer. Le Moyen-Âge, c'est 1000 ans environ. Donc, de quelle période allons-nous parler plus particulièrement ? du milieu de cette période, entre le XIe et le XIIIe siècle, un temps que les historiens appellent logiquement le Moyen-Âge central. Et justement, à cette époque, les choses changent dans les campagnes. Les surfaces cultivées augmentent considérablement, on défriche largement les forêts, on assèche les marées. Les domaines des seigneurs, qu'ils soient seigneurs laïcs ou seigneurs ecclésiastiques, s'agrandissent. Ce sont eux, les propriétaires terriens. Leurs domaines sont ceux que l'on appelle logiquement encore les seigneuries. Il s'agit de terres plus ou moins vastes, réparties souvent entre plusieurs paroisses. Alors la seigneurie, c'est aussi le domaine sur lequel s'exerce l'autorité du seigneur, ce que l'on appelle le banc, et qui s'exerce généralement sur une distance d'une lieu, habituellement, d'où l'origine d'ailleurs du nom banlieue. Alors ce seigneur a un pouvoir de justice sur ces terres, et peut condamner par exemple au pilori un paysan qui se serait mal comporté. Mais le pouvoir du Seigneur et surtout économique. Propriétaire des terres, il est aussi propriétaire des équipements collectifs comme les fours ou les moulins. Cela lui octroie des bénéfices importants. Alors justement, parlons argent. Ces seigneuries sont divisées en deux parties. D'abord, la réserve. C'est à peu près un quart, un tiers du domaine. Alors comme son nom l'indique, elle est exploitée directement par le seigneur qui se la réserve et en perçoit toutes les récoltes. Pour le reste du domaine, les choses sont plus complexes. Au XIe siècle, cet espace est surtout exploité par des serfs, c'est-à-dire des paysans non libres attachés à la terre et au seigneur. Puis, progressivement, avec la disparition du servage, le domaine est cultivé par des paysans libres, appelés tenanciers ou vilains, qui vivent du fruit de leur travail et qui doivent payer trois éléments au seigneur pour la terre. D'abord, ils payent un loyer, le sens. Ils payent une partie des récoltes, le champard, donc c'est une sorte de loyer en nature. et ils doivent aussi fournir des corvées. Alors c'est un travail exigé par le seigneur, généralement dans son intérêt ou dans celui de la communauté. Ça va être l'entretien des chemins, des fossés du château. Alors tout cela nous permet de comprendre comment fonctionne cette société rurale du Moyen-Âge. En clair, c'est une pyramide, avec au sommet les seigneurs, on trouve juste en dessous les paysans aisés, les laboureurs qui disposent de terres suffisamment vastes, parfois des terres à eux, et la grosse majorité de la population, les paysans tenanciers ou vilains. Enfin, tout en bas de l'échelle sociale, le petit peuple des manouvriers brassiers, comme leur nom l'indique, ils louent la force de leurs bras et de moins en moins nombreux les serrent. Dans les seigneuries, la vie agricole évolue avec le rythme des saisons. Il faut bien réaliser que les travaux agricoles sont routiniers et souvent difficiles. Il n'y a pas vraiment eu d'évolution de l'outillage depuis l'Antiquité. On cultive toujours à la houe ou à la bêche. Non, la grande nouveauté à partir du XIe siècle, c'est l'utilisation de plus en plus fréquente du fer, ce qui assure des outils plus solides. Les techniques aussi. évolue avec le passage à ce que l'on appelle l'assolement triennal. C'est une constatation issue de l'expérience. Depuis l'Antiquité, les paysans avaient pris l'habitude, pour laisser reposer la terre, de ne cultiver qu'une moitié des champs et de laisser l'autre en jachère pour des pâturages ou éventuellement avec des cultures qui enrichissent le sol, des légumineuses par exemple. L'année suivante, on inverse. C'est ce que l'on appelle l'assolement biennal. Au Moyen-Âge, on va basculer sur un cycle de trois ans. Pour un même champ, des céréales la première année. des légumes la deuxième année, avant que le champ soit laissé en jachère la troisième année. Alors non seulement désormais seul un champ sur trois ne produit pas, mais aussi les légumes contribuent à enrichir la terre et surtout augmenter la production. Ainsi, en un siècle, la production des grains double. Du coup, les paysans voient leurs conditions de vie s'améliorer. Alors attention, ça reste toujours fragile et les disettes sont nombreuses, mais globalement, ça va mieux qu'avant. Au Moyen-Âge, ces paysans aussi se regroupent dans ce que l'on va appeler les villages. En fait, ils cherchent à se regrouper autour de l'église, du cimetière ou du château. Il y a trois grands types de villages qui se développent dans les régions du Sud, proches de la Méditerranée et exposées aux menaces venues de la mer. Les villages tendent à s'organiser en spirale sur une hauteur pour être clos et protégés. C'est ce que l'on va appeler les villages perchés. Au nord de l'Europe, on voit se développer des villages rues où les maisons s'alignent le long de la rue. Et globalement, un peu partout, on voit des villages organisés en cercle autour de l'église. Pour l'église et les seigneurs, c'est bien pratique ce regroupement des paysans dans les villages. Ça permet en effet un meilleur encadrement de la société rurale. Au cœur du village, on a donc l'église et son cimetière. Et ce sont des lieux essentiels. L'église est bien sûr le lieu de culte, où se réunissent des villageois très croyants. Mais c'est aussi un lieu de rencontre qui peut servir aux échanges commerciaux. D'ailleurs, le marché est souvent à proximité de l'église. Au village, on se rencontre donc. On se parle, on travaille ensemble et on est solidaires. On va se réunir en assemblée villageoise pour se répartir le travail, pour se répartir la corvée du haut seigneur, pour se partager les communaux, ces terres communautaires qui servent à des usages collectifs comme la pâture ou le bois de chauffage. Et on va aussi se réunir pour aider les pauvres et les mourants. Et toute cette situation renforce les sociabilités, c'est-à-dire l'aptitude à vivre en société. et globalement l'unité villageoise qui se manifeste dans les fêtes locales. Au sommet de l'échelle sociale se trouvent donc les seigneurs. Depuis le IXe siècle, le roi ne dispose plus vraiment d'une autorité absolue sur ces sujets. Par exemple, il ne peut plus vraiment nommer les fonctionnaires royaux comme à l'époque de Charlemagne. À cela s'ajoutent de très nombreuses invasions, notamment celle des hommes du Nord, que nous nous appelons les vikings, qu'à l'époque on appelait normands, ce qui signifie littéralement les hommes du Nord, Nordmanus en latin. Et le pouvoir royal est bien incapable de protéger les populations face à des envahisseurs mobiles, qui frappe et repartent très vite. Le temps que le roi soit informé, qu'il rassemble des troupes et qu'il se rende sur place, c'est trop tard. Et donc, plutôt qu'un pouvoir central, les populations vont se tourner vers des seigneurs locaux pour les protéger, ceux qui peuvent intervenir rapidement. Et cet affaiblissement du pouvoir royal va développer d'autres liens, entre seigneurs, des liens d'homme à homme, basés sur des serments de fidélité. En échange d'une terre, que l'on appelle un fief, un homme, que l'on va appeler le vassal, va donc jurer fidélité et assistance militaire à un seigneur plus puissant que lui, que l'on appelle le suzerain. A la fin du XIe siècle, tous les rituels qui établissent ce contrat de vacilité sont en place. C'est la cérémonie de l'hommage. Alors généralement, elle commence par le vassal qui se met à genoux devant son seigneur, il lui tend ses deux mains, c'est l'hommage. Parfois, généralement, il y a un baiser de paix. Et ensuite, le vassal fait son serment de fidélité, souvent sur des reliques. Ben oui, ça donne un caractère sacré à la chose. Et à la fin de la cérémonie, le vassal reçoit de son suzerain un cadeau. Alors ça va être un anneau, un signe d'union, un étendard, la couleur du seigneur, ou éventuellement une mode de terre qui symbolise le fief. Alors le vassal peut généralement transmettre son fief à ses enfants à partir du moment où il respecte ce serment de fidélité. Parfois aussi, certains vassaux prêtent plusieurs serments de fidélité à plusieurs seigneurs. C'est ce que l'on appelle un hommage multiple. Et alors ? Ce serment de fidélité est essentiel dans la relation. Si jamais le vassal se montre félon, c'est-à-dire qu'il trahit ce serment de fidélité, les fiefs peuvent être confisqués ou repris. Le roi anglais, Jean XIII, en sait quelque chose, puisque le roi de France, Philippe Auguste, va lui confisquer tous ses fiefs au XIIe siècle. Ses fiefs français. Ce fonctionnement de vassalité se reproduit ensuite dans une organisation pyramidale. Ainsi, un suzerain est généralement lui-même vassal d'un seigneur plus puissant que lui. Et cela se retrouve ensuite à tous les niveaux où chaque seigneur est généralement suzerain et vassal. Au sommet de la pyramide, celui qui n'a pas de suzerain au-dessus de lui, c'est le roi. Puis viennent les grands seigneurs, les ducs, les comtes, qui sont les vassaux directs du roi. Et puis divers vassaux selon les échelons de la pyramide. Et tout ce groupe hiérarchisé de vassaux et de suzerains constitue ce que l'on appelle la noblesse. En cas de guerre, le roi va convoquer l'hoste. Il appelle ses vassaux à l'aide. Ces vassaux appellent à leur tour leurs vassaux, qui appellent leurs vassaux, etc. Et c'est ça qui constitue l'armée médiévale. L'engagement militaire attendu par les vassaux fait d'eux des chevaliers. Alors le chevalier, il faut bien comprendre que c'est en fait une création de l'église. Ce modèle de combattant est façonné par l'église, qui entend bien diffuser une image d'un guerrier parfait, un bon chrétien, respectueux des faibles. D'ailleurs, les valeurs des chevaliers... Le courage, la loyauté, la fidélité, l'honneur sont des principes chrétiens. Ce sont aussi des valeurs attendues d'un bon vassal. Donc, en résumé, la société médiévale est pour l'immense majorité constituée d'une population qui travaille la terre et vit dans les campagnes. Ce monde des campagnes se transforme avec le développement des villages, avec les relations qui s'établissent entre les hommes, notamment entre le rapport dominant-dominé, seigneur-paysan, les rapports verticaux dans le cadre de la vassalité. En fait, cette société médiévale, rurale, se transforme aussi parce que le poids des villes tend à devenir de plus en plus important, certes. encore très minoritaire, mais il tend à gagner en importance. Et donc, on voit émerger aussi une société médiévale urbaine qui va devenir, par mesure des siècles, très dominante. Mais, c'est une autre histoire. Si vous avez aimé cet épisode, n'oubliez pas de laisser une note ou un commentaire sur votre plateforme de podcast, notamment Apple Podcasts, où c'est le plus visible. Ça permet de faire connaître davantage le podcast à des nouveaux auditeurs. N'hésitez pas aussi à rejoindre les pages du podcast sur les réseaux sociaux, sur Twitter, sur Facebook, Instagram. 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