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Torchon

Le Mal Joli - Emma Becker

Le Mal Joli - Emma Becker

47min |28/11/2024
Play
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Description

Est-ce que ce ne serait pas le roman le plus chaud de la rentrée littéraire, le Mal joli d’Emma Becker ? Il possède tous les éléments pour ! Des scènes érotiques particulièrement croustillantes et créatives, une histoire d'amour passionnelle entre deux écrivains, des thèmes féministes sous-jacents sur la maternité, et une sacrée dose d’humour. Bref, il s’est retrouvé dans les posts Instagram de toutes les cool girls d’Instagram, entre un outfit d’automne et un match latte. Le Mal Joli pose la question : peut-on vraiment se permettre d’avoir un amant quand on a un mari, deux enfants, une belle-famille, et un livre à écrire ? Et les deux chroniqueurs de Torchon, Pierre et Léa, apprécient très différemment la réponse… 


ATTENTION ! Le Mal joli est un livre extrêmement cru. Emma Becker décrit en détail et avec familiarité ses pratiques sexuelles. Et nous allons non seulement citer certains passages, mais nous allons en parler avec tout autant de liberté. Si vous êtes au travail, ou alors en public, ou si vous ne souhaitez pas entendre parler de sexualité de cette manière-là, nous vous conseillons d’écouter (ou de réécouter) des épisodes de Torchon plus chastes. On vous aura prévenus ! 


Livres cités : 

Yoga d’Emmanuel Carrère 

Un automne pour te pardonner de Morgane Moncomble 

Gargantua de Rabelais 

Les Liaisons dangereuses de Laclos 

Choisir d’Être mère de Renée Greusard 

Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes

La Maison d’Emma Becker 


Compte instagram de l'émission : https://www.instagram.com/torchon.podcastlitteraire/


Torchon, c’est le podcast qui traite de l’actualité littéraire en lisant des livres pour que vous n’ayez pas à le faire. On est une bande de copain pas du tout critiques littéraires de profession, et pour chaque épisode on se retrouve en mode "club de lecture de l'extrême" et nous lisons un livre qui a fait l’actualité pour vous dire si c’est une bonne surprise ou bien un vrai torchon. Et restez jusqu’à la fin pour nos recommandations littéraires et culture ! 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Torchon, le club de lecture où on lit des livres pour que vous n'ayez pas à le faire. Pour chaque épisode, nous lisons un livre qui a fait l'actualité, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, et nous vous disons si c'est une bonne surprise ou alors un vrai torchon. Grâce à Torchon, vous pourrez briller en société et parler du livre du jour sans même l'avoir lu. Je suis Léa et je suis aujourd'hui avec Pierre.

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #0

    Et nous avons lu Le Mal Joli d'Emma Baker, paru aux éditions Albain Michel en 2024. Attention, Le Mal Joli est un livre extrêmement cru. Emma Baker décrit en dé... taille et avec une grande familiarité ces pratiques sexuelles. Et nous, nous allons non seulement citer certains passages, enfin si on y arrive sans glousser, mais nous allons aussi en parler avec tout autant de liberté. Aussi, Pierre et moi, on est potes depuis des années, donc on va en parler comme deux amis et on aura cette familiarité-là aussi. Donc si vous êtes au travail, si vous êtes en public, si vous ne souhaitez pas nous entendre parler de sexualité de cette manière-là, nous vous conseillons d'écouter ou alors de réécouter d'autres épisodes de Torchon plus chaste. Voilà, on vous aura prévenu, ça peut peut-être être un peu dérangeant comme épisode, mais on va faire de notre mieux pour en parler de manière aussi assez libre. Voilà, ça c'est fait. C'est un livre qui a fait beaucoup de bruit lors de cette rentrée littéraire, déjà parce qu'Emma Baker, elle est quand même déjà très connue pour ses romans à la fois extrêmement érotiques, mais aussi extrêmement réaliste parce que c'est des livres autobiographiques. Alors là, c'est écrit Le mal joli roman Bon, il se trouve que la narratrice s'appelle Emma Baker, c'est-à-dire qu'elle est totalement inspirée par sa vie. J'imagine que le côté roman, c'est lié à des problèmes de pseudonyme, éviter des histoires de procès en diffamation, ce genre de choses. C'est une autrice qui a la trentaine. qui a commencé sa carrière comme journaliste et qui a connu un succès assez phénoménal en parlant de son expérience comme travailleuse du sexe dans un bordel en Allemagne, à Berlin. Ça s'appelle La Maison, et ça a été vendu à plus de 400 000 exemplaires. Et d'ailleurs, toi, tu l'avais lu, La Maison ?

  • Speaker #1

    J'avais lu à sa sortie, et ça m'avait beaucoup plu.

  • Speaker #0

    Oui, moi aussi.

  • Speaker #1

    C'est pour ça aussi que j'ai accepté avec enthousiasme la proposition de lire ce livre contemporain érotique.

  • Speaker #0

    Voilà. Emma Baker, elle a... Un mari, une famille, ils habitent dans le Var, ils ont deux enfants, Isidore et Nini, et elle tombe amoureuse d'un homme. Pour un peu résumer l'intrigue du Maljoli, elle tombe amoureuse d'un homme qui est lui aussi auteur, qu'elle rencontre d'ailleurs lors de la remise d'un prix littéraire. Mais la grande différence entre elle et lui, c'est que lui, c'est un aristocrate, doux-droite, avec deux particules. Il est amateur de pâtes. pantalon en velours côtelé rouge, de pyjama Brooks Brothers, il adore l'opéra, il adore l'andouillette, et il adore les auteurs d'extrême droite. Et donc, ça a sûrement eu une très grande médiatisation aussi, parce que je pense que dans les milieux littéraires, c'était un peu du hot gossip, quoi. C'était leur people à eux, quoi. Et donc, je t'ai proposé de le lire. Déjà parce qu'il a fait un peu l'actualité et c'est aussi parce que c'était le livre que j'ai vu sur tous les Instagram de cool girls. J'ai vu plein de filles aux Instagram assez esthétiques où elles lisent ça sur la terrasse d'un café avec un petit match à la thé. Et ça, je trouve ça dingue parce qu'on va parler de ce qu'il y a à l'intérieur du livre. Mais clairement, moi, je l'ai lu dans le secret de mon appartement. Il n'est pas sorti de chez moi.

  • Speaker #1

    La couverture, d'ailleurs, est un petit peu harmonieuse avec un match à la thé.

  • Speaker #0

    Pierre, est-ce que ça t'a plu comme lecture ?

  • Speaker #1

    Alors, de façon générale, j'ai apprécié lire ce livre, que j'ai d'ailleurs lu très vite, parce que j'ai lu ses 4 ou 5 derniers jours. Mais je dirais qu'il y a certains défauts qui font que... Je ne dirais pas que c'est une lecture qui m'a passionné, et je ne suis pas certain que je l'aurais fini s'il n'y avait pas Torchon, parce que c'est un petit peu répétitif, et que les personnages notamment, on va revenir là-dessus, c'est peut-être un petit peu superficiel. Il y a des passages qui sont très plaisants à lire et très drôles, notamment sexuels et un petit peu burlesques. C'est ça qu'on va aussi revenir là-dessus. On a l'impression un petit peu qu'il aurait fallu une deuxième vague d'édition, c'est-à-dire couper certains passages, ajouter une structure, renforcer certains personnages, et qu'à la fin, ça aurait pu donner un roman peut-être un peu plus fort.

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que c'est un livre qui est très libre, dans les thèmes, dans ce qu'elle fait dans ce livre. Et ça se ressent aussi dans l'édition, où on a l'impression qu'elle... on lui a donné un peu carte blanche. Je trouve que oui, en effet, il y a beaucoup de répétitions dans les scènes. Cela étant dit, moi ça m'a beaucoup beaucoup plu. Après moi j'ai été malade toute cette semaine et donc j'étais dans un état où tu sais ton corps marche pas, ton corps est réduit à un flux nasal constant et une toux et donc lire les histoires de cul d'Emma Baker ça m'a fait trop plaisir parce que ça m'a rappelé que parfois ton corps est en bonne santé et que tu peux faire des trucs marrants avec. Un autre truc que j'ai vraiment beaucoup apprécié dans cette lecture, alors tu dis que c'est un peu trop long et je suis assez d'accord, je pense qu'il y a beaucoup de répétitions mais il y a quand même une grande structure autour d'une sorte de code de la comédie romantique moi je l'ai lu un peu comme une sorte de perversion d'une structure classique de la comédie romantique, c'est-à-dire que il y a la rencontre il y a le premier date il y a la première fois qu'ils font l'amour il y a la première fois où ils se disent je t'aime l'un à l'autre, il y a l'élément perturbateur qui sont en fait les enfants... les deux mois où ils sont en vacances et donc ils ne peuvent pas se parler, ils peuvent se parler, mais en tout cas ils ne peuvent pas se voir, ils sont vécus comme un peu une sorte d'obstacle et de d'épreuve. Et à la fin, l'idée que voilà, il va y avoir la confession, où ils vont déclarer au monde leur amour. Et à la fin, la dernière scène où, on vous spoil, mais à la dernière scène où ils se retrouvent sur le pont neuf et ils disent c'est toi, c'est toi maintenant. Bah oui, Becker, c'est toi. Ça c'est la dernière. Mais il y a une perversion dans le sens où, dans la comédie romantique, on n'est pas aussi truculent. Et là, il y a quand même des scènes qui sont des... Moi, je trouve des jouissances de lecture énormes. Il y a des passages qui sont...

  • Speaker #1

    Par exemple, c'est vrai qu'une chose qui est assez drôle, et j'aimerais bien dire d'abord que j'ai participé au podcast sur Regards éventuels, et maintenant sur celui-là. Mais je ne participe pas que à des podcasts qui impliquent des proutes et des relations sexuelles. d'horribles. Mais c'est vrai qu'il y a par exemple des passages assez amusants sur son envie de flatulence avant des relations sexuelles, où elle décrit en grand détail ses stratégies pour sortir de la pièce où elle se trouve avec son amant et s'adonner à cette envie de flatulence. Elle n'y arrive pas, et du coup après quand elle lui avoue ça, il est choqué et l'invite à se soulager devant lui.

  • Speaker #0

    Et elle n'y arrive pas quand même, et donc c'est marrant. Moi, je trouve que c'est un passage qui est marrant, qui est répétitif parce qu'il y a une autre scène qui est la scène du lavement où elle essaie de se laver avant une sodomie. Et c'est une scène qui est très longue que j'ai trouvée vraiment rigolote. C'est marrant parce que ça pourrait être vraiment... Je pense que c'est vraiment le talent d'Emma Baker parce qu'elle pourrait vraiment nous faire une scène nulle. Et là, ça marche vachement bien. Et je pense que j'aime bien ces deux scènes parce que ça rappelle un peu... quelque chose qu'on élude beaucoup dans les comédies romantiques, qui est l'enfer du retour du corps dans une relation amoureuse, où tout d'un coup, tu es avec ton amant toute la journée, et tout d'un coup, ton corps reste un corps rablaisien. Et ça, c'était vraiment marrant, parce que ça lui permet de nous dire, de dire à son amant et de nous dire à nous, que je vais vous parler de tout. tout ce qui fait l'amour et l'amour c'est non seulement des beaux sentiments et un côté un peu cucu mais c'est aussi genre le sexe, c'est aussi des pratiques sexuelles pas communes, il y a 3-4 pages sur un anulingus où c'est elle qui performe l'anulingus sur lui c'est aussi et c'est un acte d'amour c'est ça qui est trop drôle c'est pas genre on est amoureux et on fait l'amour, c'est vraiment les deux en même temps Et elle va nous dire aussi, je vais vous dire tout ce qu'il y a autour de l'amour, mais qui le fait comme l'envie de péter alors qu'on ne peut pas, ce genre de choses. Après, je pense que ça dépend vraiment du lecteur d'accepter cette partie-là du livre. Je pense qu'il y a des lecteurs, notamment il y a une critique de Bec BD qui trouve ça immonde. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui liront ces passages-là et qui feront genre, ah non, ce n'est pas pour moi, stop, on arrête, je m'arrête là. la scène du lavement pour le coup elle arrive assez tôt et je pense que c'est une manière aussi pour Emma Baker de dire voilà dans tout quoi tu t'engages sacré lecteur après j'ai l'impression d'intégrer un lecteur qui n'existe pas parce qu'on sent qu'elle nous prend pas tellement en compte quand elle écrit ce livre une

  • Speaker #1

    chose que j'ai appréciée et qu'on mentionnait là c'est le côté un petit peu carnavalesque et un petit peu spectaculaire aussi de tout ce qui est lié au sexe et à l'amour au prix parfois d'exagération on peut le dire qui peuvent remettre en cause le lecteur dans ses propres performances. Parce que ça se voit que c'est exagéré. Ils ont des relations sexuelles pendant des jours entiers, des multiples jouissances, il y a des liquides partout qui s'étalent. Après, c'est très spectaculaire, c'est très truculent, c'est souvent assez drôle. C'est raconté avec pas mal de précision, je dirais, et de distance. ce qui les rend plaisants. Et je trouve que c'est assez différent de l'expérience que j'ai de lecteur. À ma connaissance, je n'ai pas de connaissances de romans contemporains avec des scènes érotiques, écrits du point de vue d'une femme, où on sent autant la différence avec d'autres. Par exemple, je pense que dans Yoga, il y a des scènes de sexe assez précises de Carrère, ou dans tous les Wellbeck. C'est aussi explicite que dans les Mavéquerres, mais c'est quand même assez différent. Par exemple, je pense qu'elle, elle insiste moins sur les aspects visuels des relations sexuelles, et peut-être plus sur les sensations internes. Ce qui correspondrait peut-être, je m'avance un petit peu peut-être, à deux expériences différentes de la sexualité masculine et féminine.

  • Speaker #0

    Oui, peut-être. Ou alors peut-être juste, c'est la différence entre Will Beck et elle. Mais ouais, je vois ce que tu veux dire. Moi, ce qui m'a marquée, c'est le rythme. Le fait où on a l'impression qu'ils font toujours autre chose. Tu vois, par exemple, là, j'ai un passage au pif. Ce qui est sympa, c'est que j'ouvre le livre au pif, je tombe sur une scène de cul, donc c'est pratique. Donc là, on est page 189. Au réveil, le monde n'a jamais cessé de bouger. Antonin s'étire, cherche ses lunettes d'une main, mais elles sont de mon côté et j'ai déjà le bout de sa bite dans ma bouche, alors il s'apaise. Je le fais mettre à quatre pattes, ainsi, son cul est à la hauteur de mon visage et je n'ai qu'à m'approcher pour sentir, au-delà des effluves d'égoïste et de lessive, la laine douce et âcre, odeur de transpiration et de mousse sous une pierre soulevée, et puis l'autre odeur, l'odeur humaine, qu'on pourrait trouver révoltante quand on n'a pas le nez dedans et qu'on pourrait renifler jusqu'à en comprendre chaque subtilité. Elle est au fond de cette révolte. Pourquoi elle est d'un tel poinçon au bas-ventre ? Oui, et là, par exemple, on n'est pas dans le visuel, on est dans l'odeur. Et à nouveau, elle nous rappelle qu'il y a quelque chose de révoltant dans l'odeur du corps, et là en particulier l'odeur de l'anus, mais que malgré tout, il y a du kiff, et que c'est un vrai plaisir. Et ça, c'est assez... Moi, à l'inverse... Mon autre expérience de littérature érotique, c'est l'épisode sur Morgane Moncomble, Un automne pour te pardonner, donc la New Romance. La New Romance étant des livres très mainstream, que beaucoup de jeunes familles lisent, où il y a des scènes érotiques. Mais ce qui est marrant, c'est que c'est très chorégraphié. Il y a toute une tension qui se crée. Et en plus de ça, c'est quand même finalement assez hygiénique comme manière de parler de sexe. où d'abord on s'embrasse, ensuite on s'enlève les vêtements, ensuite ça peut être du sexe oral, et puis ensuite on va aller à la pénétration de manière très first base, second base, third base, très à l'américaine. Là, on est vraiment dans une sexualité chaotique où les rapports de pénétration se transforment. C'est marrant parce qu'en fait, il y a une sorte de grosse tension parce qu'on a envie de dire que c'est très réaliste, parce qu'elle nous rappelle... la réalité de la sexualité qui est quelque chose qui n'est pas forcément très hygiénique, mais en même temps, il y a un côté très fantastique, très rabelaisien dans l'accumulation et la rapidité des scènes où on a l'impression que vraiment... C'est épique. Oui, c'est épique. C'est vraiment genre les listes dans Rabelais. C'est le torchocu. C'est vraiment très lié à ça. Et c'est marrant parce que c'est l'unique référence qu'elle n'a pas parce qu'elle a... plein de références, peut-être qu'on peut parler, on peut passer à cette intertextualité qui est très forte dans le texte. Et c'est peut-être la partie que moi j'ai le moins aimée à propos de ce livre d'ailleurs, c'est qu'il y a une grosse intertextualité, elle se fait référence à des auteurs, elle-même, elle parle d'elle en tant qu'autrice, écrivaine, elle passe son temps à dire que c'est son métier, son amant, lui aussi, est écrivain, il s'envoie des manuscrits l'un l'autre, il lit son texte, elle, bizarrement, ne lit pas tellement ce qu'il écrit, voilà.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Et il y a vraiment des gros moments où c'est deux écrivains qui se regardent écrire. Et d'ailleurs, les passages que j'ai trouvé les plus faibles, c'était les moments de correspondance.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'en fait, ils ont une correspondance écrite qu'elles retranscrivent entièrement dans le livre. C'est des lettres entières, des SMS plus précisément. Ça ressemble un tout petit peu, ça fait un petit peu penser aux liaisons dangereuses parce qu'elle est noble, qui s'exprime de façon très châtiée dans les lettres, en mélangeant évidemment des références. explicite et sexuelle, et qu'ils se vouvoient mutuellement. Mais par exemple, c'est vrai qu'il y a un jeu dans lequel ils se vouvoient en début de lettre, et à la fin de chaque lettre, ils se tutoient pour créer une sorte de sentiment d'intimité. Mais c'est un processus qui est répété au moins 5 ou 6 fois, qui peut avoir un côté un peu répétitif, comme livre. Et par ailleurs, sur la question de cette correspondance érotico-sentimentale, et moi, ce que je trouvais assez étonnant, c'est que c'est très sexuel, c'est très explicite, c'est très libéré. Et c'est une correspondance, donc ça fait penser... forcément aux liaisons dangereuses, mais il n'y a aucune malice et il n'y a aucune méchanceté dans les lettres qu'ils envoient. Et du coup, moi, ça m'a fait penser à une théorie que j'ai exposée à Léa précédemment, qui est que quand on est adulte, eh bien, en fait, on s'adoucit et on devient plus sentimental. Alors que dans les liaisons dangereuses, en fait, c'est des très jeunes adultes, voire des adolescents, qui s'écrivent mutuellement et qui sont donc pleins de toute la cruauté de la jeunesse qui n'a pas encore été... Non, non,

  • Speaker #0

    dans les liaisons dangereuses, ils ne sont pas à l'inverse un peu vieux.

  • Speaker #1

    Je crois que même moi. Il a genre 24-25 ans, je crois. Oui ? Oui.

  • Speaker #0

    Moi, j'ai toujours eu cette image que c'est un peu des vétérans de la baise.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est des vétérans, mais qui sont quand même très, très jeunes.

  • Speaker #0

    Oui, et puis de l'époque. Il y a quand même une cruauté dans ce livre. Alors, il y a deux cruautés. Il y a Emma Becker vis-à-vis de ses enfants. Une cruauté assumée. Pas une cruauté voulue, mais elle assume l'aspect affreux. d'être une femme amoureuse d'un autre alors qu'elle doit s'occuper de ses enfants et que ses enfants, ça la fait chier, clairement. Mais il y a une autre cruauté qui est du Quand dira-t-on ? Qu'est-ce qui se passerait si on acceptait notre relation ? Et là, tout d'un coup, il y a la résurgence de la cruauté du monde. Mais là où je suis d'accord avec toi, c'est que c'est extrêmement cucu comme livre. Elle est vraiment extrêmement amoureuse. Et vraiment, elle explose le cliché d'une femme qui fait beaucoup l'amour avec beaucoup d'amants et qui vraiment... La vamp, finalement, est totalement différente que la fille cucue, monogame, totalement amoureuse d'un seul homme. Là, c'est les deux. Ça crée des morceaux de bravoure, d'exaspération quand elle s'enregistre au téléphone parce qu'elle n'en peut plus d'être à quel point elle est conne. Et là, genre, mais c'est pas possible, je ne peux pas tomber amoureuse d'un tel mec. Et moi, c'est vraiment un passage que j'ai vraiment beaucoup aimé, quand bien même, à nouveau, j'aime pas trop les passages où on voit... L'écrivain s'écrit. Alors là, elle parle. Et je trouve que c'est un peu insupportable. Là, j'ai trouvé que c'était plutôt bien fait. Par contre, oui, c'est vrai que c'est un peu lourd, cette obligation qu'ont les gens qui écrivent de l'autofiction, de nous montrer comment ils écrivent. Le seul passage qui a un peu un sens intéressant, c'est quand elle écrit son histoire et elle a un premier manuscrit, qu'elle l'envoie à son amant, à Antonin. Et Antonin lui répond... Ah, mais c'est trop sombre. Pourquoi tu ne parles pas des aspects les plus lumineux ? Et à un moment, il dit Ah, mais tu me mets un peu le nez dans la merde. Et ça, je trouve que c'était intéressant de voir comment le texte en lui-même a un impact sur leur vie à eux deux. Après, il y a un espace de rumination où elle dit Ah oui, en fait, il ne veut pas voir la réalité du truc. Il veut juste les beaux moments. Il ne veut pas voir la réalité. Mais moi, l'écriture, ça me sert justement à penser, à m'apaiser. Toutes ces choses-là que je peux dire à personne parce qu'on est dans le cadre d'un adultère et je ne peux pas me confier à qui que ce soit, je ne peux les confier qu'à l'écriture. Et donc, ce sera les moments les plus sombres que j'écrirai forcément. Et ça, c'est intéressant parce que ça nous permet, en tant que lecteur final, nous, de se dire oui, en effet, il y a des passages qui sont vraiment d'une indécence terrible. Ce qu'elle raconte sur ses enfants, c'est choquant. Mais en fait, elle me dit, c'est le seul truc dont je peux parler parce que les côtés sympas de l'enfance... Je les vis et je peux en parler, c'est OK. Je peux le faire en dehors de l'écriture.

  • Speaker #1

    Et c'est un peu lié à un des défauts du livre, je trouve. C'est que c'est un livre qui se passe dans le 5e et 6e arrondissement, avec deux écrivains. Et toutes les références qu'ils font, c'est un peu des références classiques de ce monde littéraire de Saint-Germain-des-Prés. Donc, il y a beaucoup de connivences. Ça repose un petit peu sur l'idée que le lecteur va voir de quoi on parle. Elle parle du Prix Castel, les gens ne connaissent pas trop le Prix Castel. Elle parle de la rue de Bellechasse, sans expliquer que c'est une des rues les plus chiches du 7e arrondissement. Elle parle de la rue de Bussy, où se passe la plupart des scènes, qui est juste à côté de Saint-Germain-des-Prés. Donc quand on habite dans le quartier, c'est assez amusant, on devine les choses, puis on devine aussi qu'on connaît l'autre écrivain. Tous les personnages, c'est des personnages qui sont liés au monde littéraire, mais ça donne un peu l'impression d'un monde refermé sur soi-même. où ce qui compte, c'est la littérature, les écrivains, les pots et les cocktails. Et peut-être qu'en tant que lecteur, ça frustre un petit peu de ne pas avoir un petit peu plus la réalité du monde, tout simplement.

  • Speaker #0

    Ça contraste avec la maison, où là, tout d'un coup, on est à Berlin, dans une maison close. Là, tout d'un coup, on a l'impression de découvrir un autre univers en aparté. Là, on est en train d'enregistrer, on est au beau milieu du sixième arrondissement. De l'ombre, elle est par là, la rebutée, elle est par là. Et d'ailleurs, le Rosebud, où ils ont leur premier date, c'est un super bar que je conseille. Enfin, moi, ça m'a donné une image d'être écrivain. En France, aujourd'hui, c'est quand même pas mal de mondanité autour de... On reçoit des prix, on va dans des endroits, on va manger dans des restaurants entre écrivains. T'as l'impression que c'est un petit monde où tout le monde est soit éditeur, soit écrivain, soit les deux.

  • Speaker #1

    Et puis c'est vrai qu'il y a peu de personnages autres. C'est-à-dire que, par exemple, le mari, dont le prénom n'est pas nommé, mais c'est un choix aussi d'écriture, on ne sait pas ce qu'il fait, on sait qu'il ne parle pas français, on devine. Après, avec des recherches sur Internet, il est né aux Irlandais, mais on ne le connaît pas. Il y a juste un personnage autre qui existe, c'est Chuck, le beau-père qui vient en vacances. Emma Baker espère qu'il va garder les enfants et les emmener à la plage pour la laisser tranquille avec sa correspondance avec son amant et pour écrire des livres. Et en fait, Chuck, c'est un Australien qui adore fumer des gros joints. Or, Emma Baker a un pot de cannabis chez elle. Et du coup, il passe ses journées à fumer des gros joints et donc, il ne peut pas conduire. Et donc ? C'est sur les autres qui doivent s'occuper des enfants.

  • Speaker #0

    Moi, ce qui m'a marquée, c'est que le mari n'a aucune... Enfin, le mari est...

  • Speaker #1

    Inexistant, presque.

  • Speaker #0

    Inexistant, on ne sait pas ce qu'il pense. Il est invisible. Les enfants sont décrits uniquement par le fait que c'est... Ils foutent la merde, quoi. Ils crient, ils ont... Il faut qu'on s'occupe d'eux. Et même Antonin, l'amant, je trouve, c'est assez intéressant. Il est décrit que par la caricature, que par des lieux communs, des clichés. De type, comment il s'habille, ce qu'il mange, le fait qu'il aime beaucoup l'opéra, le fait qu'il est deux. Mais on ne sait pas ce qu'il pense, on ne sait pas quelles sont ses opinions sur le monde. On comprend que c'est quelqu'un d'un peu lâche. On comprend que c'est quelqu'un d'assez pudique et qui a du mal à exprimer surtout l'aspect négatif des choses.

  • Speaker #1

    C'est vrai que sur Antonin, par exemple, quand elle décrit son intérieur, elle dit qu'il y avait du Glenn Gould passé comme bon son. Et je trouve ça un petit peu paresseux d'un certain côté de se dire... Ah, c'est un type un peu à l'ancienne chez lui qui est chic. Qu'est-ce qu'il fait ? Il écoute du Bach, joué par Glenn Gould. C'est-à-dire, c'est un peu le cliché de base de...

  • Speaker #0

    C'est un peu trop facile.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, c'est un peu trop facile. Et puis pareil, il a des pantalons en velours côtelé et des pochettes en soie. Ça donne l'impression qu'elle ne s'est pas vraiment penchée sur ce que pourrait être concrètement un aristocrate un petit peu désargenté, chic à Paris. Elle dit souvent qu'elle, elle est très différente de lui, mais on n'arrive pas à saisir exactement ce qu'est la différence. C'est pas une différence d'argent.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, Glenn Gould, limite Martha Hagerich. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Typiquement, si Carrère fait ça, c'est un peu plus original. Oui, puis par exemple, la visite du château qu'elle fait à la fin et qu'elle visite son château d'enfance, c'est une scène qui aurait pu être émouvante ou révéler des choses sur le personnage. Et en fait, il ne se passe presque rien. Et la seule chose qu'on retient, c'est qu'ils ont des relations sexuelles dans le parc du jardin. On a un peu l'impression que tous les aspects sociaux sont gommés derrière. la relation qui est avant tout sentimentale et sexuelle.

  • Speaker #0

    C'est sûr. Tout le nœud de ce livre, c'est qu'elle tombe amoureuse d'un homme de droite. Et elle, elle n'est pas de droite, elle est de gauche. Et elle est choquée. Et il n'est pas seulement de droite, mais il est la personnification du lecteur de Figaro. Vraiment, on en est dans un truc assez un peu cliché. Et ce qui est très marquant, je trouve, c'est qu'être de droite, où être de gauche, ce n'est pas une question d'opinion politique, c'est une question d'esthétique. C'est-à-dire que les gens de droite et les gens de gauche ne sont décrits que dans leur esthétique. Et au tout début du livre, page 71, elle dit Je ne lui fais d'avantage confiance qu'à moi-même pour rationaliser ce qui nous rapproche. Je ne suis pas sûre de lui trouver à terme des défauts assez importants pour me détourner de lui, ce qui est quand même fort de café, merde, où est passé ce beau recul dont je faisais des livres. Il y a eu quelques jours au tout début, durant lesquels je plaçais Antonin sur scène comme une caricature. Les boutons de manchette, la chevalière, la gastronomie, l'opéra, les collabos, les particules, les désuétudes, tout ce qui le cantonnait à une amusante passade. J'en parlais à Paul et me pelotonnais dans son ironie pour tenter de rattraper un peu la mienne. Je n'allais quand même pas tomber amoureuse d'un connard de droite. Au même moment, avec le masochisme qui me caractérise, je me disais qu'il serait mieux que me trouver trop provinciale, trop jeune, trop aiguillonnée par le besoin de plaire, pas assez élégante, trop intense, pas assez légère, pas assez sûre d'elle, pas assez jolie, pas assez capricieuse. Et c'est un peu ça le nœud social du texte. C'est pas tant qu'il a des opinions de droite et qu'elle a des opinions de gauche, c'est que lui, il est élégant et elle, elle n'est pas assez élégante. Et donc il y a des passages où, avec Paul, avec son amie, elle discute de l'attrait des hommes de droite, et l'attrait des hommes de droite, c'est... Leur galanterie, leur élégance, le fait qu'ils portent des chemises.

  • Speaker #1

    Et moi, je trouve que, de façon générale, dire qu'un type est exotique parce qu'il est de droite, or être de droite, dans cette définition, c'est... ou être habillée à l'ancienne, ça n'a rien d'original dans le monde qu'elle décrit. C'est-à-dire dans le monde des éditeurs parisiens chic, être habillée à l'ancienne, être soi-même un peu à l'ancienne, avoir des costumes, des cravates en laine et des poches sans soie, c'est juste 50% des gens. Donc elle présente ça un peu comme quelque chose de très exotique, du type Ah, j'ai rencontré quelqu'un qui est très différent de moi. Et ça, on a un peu du mal à y croire, parce que c'est un monde dans lequel il y a des gens qui peuvent, par exemple, ne pas être aristocrate et correct. complètement correspondre à ces codes-là,

  • Speaker #0

    et inversement. Dans Gargantua, comme on l'a dit dans un épisode que vous pouvez aller écouter, il y a des passages, comme je viens de le lire, très gras, très truculent, très choquant aussi, et puis il y a des passages sur le pacifisme, qu'est-ce que c'est qu'être un bon prince, humaniste et tout, et là, je trouve que cette partie-là, cette partie prince humaniste, on le trouve dans un sous-texte féministe assez fort, quand bien même c'est pas un livre féministe, elle n'est pas dans le militantisme du tout, qui est Je vais vous montrer la maternité telle qu'elle est Et ça, c'est quelque chose que je vois pas mal autour de moi depuis une bonne dizaine d'années, limite. Ça a commencé, je trouve. La première fois que j'en ai entendu parler, c'était avec Florence Foresti, l'humoriste. C'est ces femmes qui disent La maternité, c'est pas tout rose. Je vais vous montrer comment s'occuper d'un enfant. En fait, on vous ment, je vais vous dire la vérité. Il y a un livre de la journaliste Renée Grezard qui s'appelle Choisir d'être mère c'est exactement ça. C'est une compilation de toutes les merdes auxquelles tu dois t'attendre si tu veux un enfant pour choisir d'être mère en connaissance de cause. Et là, Emma Baker, elle fait un peu ça. Il y a un peu des passages qui ont la même rapidité, le même rythme, le même côté truculent et marrant, mais pour parler de comment on s'occupe d'un enfant. C'est difficile. Elle essaye de se rattraper, page 276, elle dit Encore un roman où je suis forcée par moi-même de rappeler à quel point j'aime mes enfants, que ce livre n'est pas sur eux, que ça n'est ni Isidore ni Nini qui me bouffe, mais la combinaison de cette tyrannie de la petite enfance avec ce détail non négligeable, un amant. Et j'ajouterais que peut-être je ferais partie de ces gens qui deviennent de bons parents plus tard lorsqu'on fait appel à d'autres qualités en eux, que ce n'est pas un test permanent de patience.

  • Speaker #1

    Je trouve qu'il y a plusieurs scènes quand même assez touchantes pour illustrer la relation intime qu'elle a avec ses enfants et son mari. Par exemple, elle raconte comment elle a fait une sorte de jeu avec un de ses fils quand elle a eu son deuxième, où elle a appris d'abord à son premier enfant, son aîné, qu'elle était enceinte, en lui disant qu'il ne fallait pas que l'enfant le répète à son père. Évidemment, l'enfant l'a fait dès que le père rentre, mais elle s'était cachée pour voir la scène de loin. C'est une scène assez émouvante, j'ai trouvé. Et il y a aussi la scène où elle n'arrive pas à faire dormir les enfants. Elle demande à son mari de prendre le relais. Et il finit par réussir à leur dormir. Et il lui dit en sortant, j'ai dû, pour le tromper les enfants, partir de la pièce à quatre pattes en faisant miaou. Pour qu'il croit que c'était le chat et pas moi qui partaient. Et c'est des petites scènes comme ça qui montrent que, évidemment, l'essentiel du roman, c'est sa passion amoureuse avec son amant. Mais ça n'empêche pas qu'au même moment, il y a beaucoup d'affection, d'intimité. et aussi de bonheur conjugal, même si les deux sont, comment dire, en opposition, bien sûr. Les deux sont agencés de façon subtile.

  • Speaker #0

    Moi, je dirais que c'est un peu le livre de la complainte du libéralisme. Alors, pas libéralisme en mode le marché, mais libéralisme en mode en 2024, on est libre de beaucoup de choses. Et c'est une femme, il y a un de ses amis qui l'a décrit comme la femme la plus libre qu'il connaisse. Donc, en effet, c'est une femme qui est extrêmement libre. Ce qui est rigolo, c'est qu'on sent que malgré cette liberté énorme de notre société actuelle, qui permet à une femme telle que Emma Baker de faire tous ces choix-là, et le choix quand même le plus libre qui est de parler de sa vie sexuelle dans ces termes-là, et bien finalement, il y a quand même des contraintes. Il y a la vie de famille, on en a déjà parlé, il y a le poids de la société, il y a son mec qui est quand même assez lâche. Il y a d'autres petits trucs qu'on ressent quand même, moi, qui m'ont marquée. L'insistance sur le poids, le fait qu'elle parle Elle a très, très envie de perdre du poids. Elle est très contente de l'avoir perdue, c'est quoi. Donc, on voit qu'elle a quand même un rapport au corps qui n'est pas totalement en mode balèque. J'en ai à la foudre.

  • Speaker #1

    Elle dit, par exemple, qu'elle s'épile et elle se lave les parties intimes pour son amant, alors qu'il n'a pas l'air de s'y intéresser particulièrement à la propreté. Mais du coup, ça donne l'impression qu'elle continue à s'auto-imposer des choses énormes, physiques, alors même qu'elles ne sont pas demandées par son amant. On pourrait dire qu'il y a plusieurs étapes dans la libération féminine. Souvent, on dit qu'il y a la libération des droits, puis après, la libération de l'intime. C'est un peu les deux grandes révolutions féministes. Et moi, j'ai l'impression qu'il faudrait presque une troisième étape quand on lit le livre de Emma Baker. C'est la libération du regard sur soi-même.

  • Speaker #0

    parce qu'elle décrit beaucoup de scènes où elle a l'impression, à la pharmacie du village, que tout le monde est au courant qu'elle a un amant, et que du coup tout le monde la juge. Elle raconte comment, en croisant dans la rue une fille qui a un mari avec qui elle a couché par le passé, avec qui Emma Baker a couché, elle a l'impression que cette fille la juge comme une souillon, parce que cette femme qu'elle croise, elle est mieux habillée, elle a des talons, elle est bien peignée, alors qu'Emma Baker, à ce moment-là, elle n'est pas très bien habillée, elle n'est pas très bien peignée. Et du coup... Elle décrit assez bien comment, alors même qu'elle est libérée financièrement et sexuellement, elle continue à se rabaisser en permanence en imaginant que toutes les autres femmes la jugent. Alors même qu'on ne savait pas qu'elle les juge. Enfin, ça peut être complètement... c'est possible, mais il n'y a aucun signe extérieur de ce jugement ou de cette critique. Et donc, je trouve qu'elle montre assez bien comment le phénomène de culpabilisation et de critique de soi qui persiste malgré toutes les autres formes de libération dont sa vie est exemplaire.

  • Speaker #1

    J'ai lu, il y a un passage où son amant Antonin lui dit mais arrête avec cette histoire de lutte des classes et de mépris de classe. Moi, je dois revendre les vieilles bâtisses de ma famille pour éponger les dettes dans ma famille, alors que toi, tu as sûrement vendu des fois plus de livres que moi. Et là, j'ai eu un petit hiiii C'est qu'Emma Baker, à aucun moment dans le livre, dit je suis une écrivaine installée, je vends des livres, je suis... connu, je suis successful. Elle n'a pas du tout le côté qu'adore, j'ai réussi et toi, finalement, tu vivotes. Et c'est frappant parce que moi, je serais à sa place. Oui. Je me dirais quelque chose de l'ordre de j'ai plus rien à prouver. Qu'est-ce que j'ai à prouver ? Alors, le problème, c'est qu'écrire des livres, même, je pense, au niveau d'Emma Baker, il y a très peu de gens qui en vivent. Elle, elle en vit et elle n'en vit pas ultra bien. Je pense que ce qui ressort du livre, c'est qu'elle n'est pas richissime grâce aux 400 000 livres qu'elle a vendus rien que pour la maison. Il y a un peu des moments de rumination où elle décrit Elsa. Elsa, c'est la femme qu'elle rencontre qui a des talons et qui, en fait, est la femme d'un homme.

  • Speaker #0

    Tu as une liaison avec Emeka ?

  • Speaker #1

    Et ce qui est intéressant, c'est que finalement, Elsa, c'est la femme trompée. Donc, tu pourrais te dire que c'est elle qui est dans l'humiliation. C'est elle qui est humiliée. Dans l'image d'épinal que j'ai de l'adultère, la femme humiliée, c'est la femme, ce n'est pas la maîtresse. Ce qui est marrant, c'est qu'il y a une inversion des genres dans l'esprit malade d'Emma Becker qui est que je suis humiliée par cette femme bien peignée. Et c'est impressionnant parce que ce n'est pas ça l'ordre des choses. Enfin, l'ordre des choses normatifs, évidemment. Elle dit, Elsa le sait bien, n'empêche que je sais jeter ce sort aux hommes et elle moins. Ce n'est pas ma faute, je fais ce que je sais faire. Je ne sais pas, moi, m'habiller, me maquiller, me coiffer, évoluer en société sans avoir l'air étrange. Je ne sais pas faire ce qu'elles font, ma puissance réside dans la promesse de l'anéantissement. Il n'y a que moi pour vivre dans ce pays de nerfs ravagés. Les hommes de ces femmes y font de petits séjours dont ils feuillotent les souvenirs une fois de retour chez eux. Et si ces femmes s'arrêtaient un instant pour décomposer leur haine de moi, elles n'auraient plus peur, elles réaliseraient leur supériorité. Ce sont elles qui dorment avec ces hommes, vivent avec eux et les lassent. Moi, j'ai renoncé à tout ça pour n'être qu'un frisson. Et on ne peut pas vivre avec un frisson en permanence. Mais ce n'est pas un passage qu'il faut lire à l'aune de la réalité des choses. C'est un passage de rumination un peu de mal-être.

  • Speaker #0

    C'est le sentiment de ne pas être au niveau. C'est inévitable, même quand on est une écrivaine à succès, jeune, qui a une famille, des enfants, de l'argent. Ça, je pense que c'est une chose qui est assez bien écrite. C'est que malgré la révolution des droits féminins, dans le domaine intime, il y aura toujours un sentiment éventuel de rabaissement que ne connaît pas Antonin, par exemple. Alors que lui, il est plutôt sur le déclin. C'est un aristocrate qui a pris la maison.

  • Speaker #1

    Peut-être qu'il le connaît.

  • Speaker #0

    Il le connaît, mais on n'a pas l'impression, en tout cas. Ça n'a pas l'air de le torturer. Non,

  • Speaker #1

    on a l'impression qu'il vit sa vie de manière très directe, simple, sans trop se poser de questions.

  • Speaker #0

    Il y a une chose qu'on n'a quand même pas dit à propos d'Antonin et qui est importante, c'est la taille imposante de son pénis. Oui,

  • Speaker #1

    et sa vigueur sexuelle assez intéressante.

  • Speaker #0

    Qui est mentionnée à de nombreuses reprises.

  • Speaker #1

    Il les décrit, c'est vraiment la première chose qu'on dit à propos de lui, quand elle l'entend parler de lui plus qu'elle le connaît, c'est un excellent coup.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Antonin est un compagnon délicieux, sans prétention, sans affaîtré et d'une grande papeveillance. Mais juste avant, je crois qu'il y a... Tu sais qu'apparemment, ce serait un coup formidable. Et le FEDEC s'en éteint. J'ai l'impression que c'est un coup formidable.

  • Speaker #0

    Il y a une scène assez amusante que j'ai envie de lire, qui est qu'à un moment, elle essaie de se détacher de... Antolin d'Avricourt, en se masturbant et en imaginant des scènes érotiques avec uniquement des femmes. Sauf que d'Avricourt fait une apparition dans son fantasme. Alors que je m'élance dans un orgasme que je veux égoïste, primaire, brutal, dédié à ces gourmandines qui habitent mon imagination, qui vois-je arriver et me ravir à la compagnie de ces dames ? Ma foi, mais c'est d'Avricourt et sa grosse bite.

  • Speaker #1

    Franchement, c'est vraiment une super scène. Parce qu'il y a tout le début où elle est en train d'imaginer un porno dans sa tête. Et donc elle est réalisatrice et elle est un peu chef-op en train de hurler sur ces actrices porno, sur ces performances. Genre maintenant tu te mets à poil et tout.

  • Speaker #0

    Je dirais que c'est assez apaisant. C'est un roman qui est assez apaisant sur peut-être l'évolution des fantasmes à l'époque contemporaine féministe. Dans la mesure où il y a beaucoup de choses qui sont très progressistes dans le livre. Mais il y a aussi des choses qui sont un peu des fantasmes classiques du type insister sur la taille du pénis d'un homme. Ce n'est pas vraiment la sexualité positive contemporaine telle qu'on pourrait l'imaginer. Et là, les deux coexistent de façon assez légère et plaisante. C'est à côté, en effet, on peut avoir des fantasmes à l'ancienne et en même temps être très libérée sexuellement, et ce n'est pas très grave. Il y a une chose aussi que je trouvais assez plaisante, et c'est un débat qu'on peut ouvrir, ça peut ouvrir le débat post-podcast, c'est qu'on a l'impression qu'elle retrouve le goût d'écrire. en lien avec la volonté d'exprimer des sentiments amoureux. C'est la correspondance, en gros. Elle se remet à écrire aussi son livre. Ça lui donne une idée de livre, d'avoir une correspondance très écrite avec son amant. Je trouve ça assez touchant de voir que le retour à l'écriture, c'est aussi un retour au désir, parce qu'elle écrit que dire tu me manques, j'ai envie de te revoir En fait, ce n'est pas très intéressant dans des relations sentimentales. Ce qui est sympa, c'est d'envoyer des longues lettres, de les attendre, de les lire le lendemain. Et notamment, il y a un passage où les SMS ne marchent plus, donc ils passent à WhatsApp. Et là, ça brise un peu leur dynamique épistolaire, sentimentale, parce qu'en fait, elles voient qu'il est en train d'écrire, ils peuvent s'envoyer des émojis, et d'un coup, ça rompt un peu le mystère sexuel.

  • Speaker #1

    Oui, donc elle fait référence à un fragment d'un discours amoureux, et c'est fait de manière un peu grosse abobre en intercéléractuelle. Mais il se trouve que dans le fragment d'un discours amoureux, Barthes raconte le plaisir d'écrire des lettres. plaisir épistolaire d'écrire à son amant. Et finalement, c'est des lettres qui sont totalement creuses parce que le vrai sujet de la lettre, c'est la réception, l'objet, le fait... C'est juste genre je pense à toi. L'enjeu de la lettre, toutes les phrases qu'on écrit sur une lettre, c'est juste je pense à toi, je veux que tu me... Je veux que tu penses à moi. Enfin, c'est vraiment...

  • Speaker #0

    Le fait d'écrire des phrases longues, un peu sophistiquées, c'est une manière de montrer qu'on a pris du temps. Oui. Et c'est peut-être du coup plus touchant, même si le contenu n'est pas très intéressant.

  • Speaker #1

    Je pense qu'elle ne s'en rend pas compte. On en revient à ta critique de base, qui est qu'en fait, elle aurait dû les enlever, ces lettres. Elles ne sont pas si intéressantes que ça. Elles ne sont pas si belles. Alors, certaines sont sympas, mais bon, elle aurait pu en mettre un peu moitié moins. Mais pour elle, en tant que femme aimante, et pour lui, en tant qu'homme aimant, ces lettres sont d'une virtuosité incroyable, tout simplement parce que pour eux, ces mots-là ne sont pas du tout comme nous, on les lit. Et ça... Je pense que c'est pour ça qu'il y a des moments où elle n'a pas voulu couper, parce que pour elle, c'était des lettres incroyables, et pour nous, c'est de la branlette intellectuelle. Mais finalement, branlette intellectuelle et branlette réelle, ce livre nous apprend qu'il ne faut pas trop essayer de les différencier.

  • Speaker #0

    Et peut-être qu'il y a un point qui est intéressant, qu'on voulait aborder, c'est aussi le fait que c'est un objet qui est conçu pour exister en dehors du roman et de la narration, parce que... c'est des personnages réels. Et après, même la promotion du livre se fait avec l'amant du livre, qui a un pseudonyme dans le livre, mais qui existe et qui est reconnaissable.

  • Speaker #1

    Vous tapez Emma Baker sur Wikipédia, vous scrollez jusqu'en bas, et vous avez le vrai nom d'Antonin.

  • Speaker #0

    Ils font une promo ensemble.

  • Speaker #1

    Ils font une promo ensemble. C'est vraiment intéressant comment, genre, il y a le manuscrit qui s'immisce dans le livre, donc Antonin lit le manuscrit d'Emma, mais en même temps... Il y a une couche au-dessus. Le réel s'immisce dans notre lecture. Notre lecture n'est pas pure. Je ne sais pas comment toi tu l'as vécu, mais moi je l'ai lu et j'essaye de lire sans trop m'intéresser à la critique, à ce que les gens disent. Ensuite, je suis allée fouiner sur le compte Instagram d'Emma Baker. C'est comme ça que j'ai découvert qu'Antonin existait vraiment et qu'il faisait des délicaces avec elle.

  • Speaker #0

    La question qu'on pourrait se poser, c'est... Moi, je ne me suis pas du tout renseigné. J'ai lu le livre de façon assez pure, sans me renseigner jusqu'à la fin du livre. Mais ça pourrait presque donner l'impression que c'est vraiment fictif et qu'ils se sont juste mis d'accord pour... faire une sorte de buzz mondain. C'est-à-dire, en fait...

  • Speaker #1

    Théorie de complot, en fait, ils ne vont jamais baiser.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait, peut-être qu'ils se sont dit, ah tiens, ils sont amis, ce serait amusant de faire un roman érotique dont on ferait la promotion, ça attire l'attention. Le fait que ça puisse être incarné par des gens dans les médias, c'est un bon argument de vente. Et après, ça crée un produit très instagramable.

  • Speaker #1

    Ouais,

  • Speaker #0

    on en revient à Instagram. Ça donne presque l'impression que ça pourrait être conçu pour ça. C'est comme si c'était très scandaleux, les gens vont en parler.

  • Speaker #1

    Oui. Mais ce qui est marrant, c'est que la portée scandale, elle en parle assez peu. Elle parle un peu de la maison, du stigmate de la pute. Elle dit sortir avec un tel homme, alors que tout le monde me connaît comme une pute. Ce qui est frappant, c'est qu'elle ne parle pas au quotidien de ce que ça fait. Alors si elle parle de quand elle fait des signatures, les gens se confient beaucoup. C'est intéressant parce qu'on se rend compte qu'en partageant de manière si intime son intimité, les gens se permettent de lui dire des choses qu'ils ne se permettraient pas de dire à n'importe qui. Ce qui est frappant, parce qu'elle-même se refuse à avoir un psychologue, justement, parce qu'elle est là, genre, non, non, je ne veux pas en parler à personne. Ce qui est frappant, parce qu'elle en parle à tout le monde. Alors, elle parle de mépris de classe, mais elle parle aussi d'un truc un peu concret, qui est que pour avoir un amant, il faut avoir des thunes, quoi. Et elle, heureusement, ce n'est pas elle qui a les thunes, c'est son éditeur qui peut lui payer des allers-retours entre le Var et Paris. Donc, en fait, il y a... Il y a un allié dans toute cette histoire, il y a un élément d'aide, il y a un adjuvant, qui est la maison d'édition. S'il n'y avait pas eu toutes ces interviews, elle n'aurait jamais pu autant coucher avec son amant.

  • Speaker #0

    Merci Albin Michel.

  • Speaker #1

    Mais c'est un bon investissement, si je peux me permettre, Albin Michel. Elle a pu se faire plein de... Un retour sur investissement incroyable.

  • Speaker #0

    À quand l'adaptation cinéma-cultographique ?

  • Speaker #1

    Et donc, il y a un passage où elle parle avec une femme qui s'appelle Blandine. Évidemment, j'ai perdu le passage. Mais moi, c'est un des passages que j'ai le plus aimé. Où, bon, je vais devoir paraphraser parce que je ne retrouve pas le texte. Où Blandine est toute émoustillée. C'est une femme d'un certain âge, je dirais, voilà, une soixantaine d'années. Et Emma se confie à cette femme en mode, voilà, j'ai un amant. Et Blandine est trop contente parce que ça lui rappelle un peu sa jeunesse. Et donc, elle est un peu genre, raconte-moi tout trop bien et tout. Jusqu'au moment où il y a le et les enfants qui arrive, et là, Blandine est là, genre, non, non, mais stop, on s'arrête, ça m'a fait plaisir de t'entendre parler de tout ça, mais on s'arrête là tout de suite. Et je trouve que c'était un passage qui a été très frattant, parce qu'en fait, il y a un peu un passage putain de boomer, quoi. Il y a un peu une sorte de lutte générationnelle, en fait, entre Chuck, le personnage de Chuck, et le personnage de Blandine aussi. Les personnages un peu plus vieux sont un peu là pour, comme principe de réalité, relou, mais eux-mêmes peuvent jouir, parce que comme ils ont l'argent et le... temps et la retraite et la weed, ils sont tranquilles. Mais elle, elle est un peu milléniale. Voilà, c'était une autre interprétation de cette lecture qui est les boomers contre les milléniales.

  • Speaker #0

    Vous savez qu'il y a son père qui apparaît à la fin et à qui elle pense se confesser. Elle renonce finalement à le faire. Et il y a également une scène un peu de conflit où elle se découvre. Elle découvre que son grand-père était le chef opérateur d'un réalisateur polonais. qui fait des films érotiques, qui a fait une dizaine de films érotiques avec son grand-père comme chef opérateur. Et du coup, elle y voit une sorte de destin ou de filiation.

  • Speaker #1

    D'aristocratie, mais admette.

  • Speaker #0

    Elle serait l'héritière, en quelque sorte, du travail de son grand-père, déjà proche des milieux érotiques au pornographique. Et son père casse un peu ce fantasme en disant que le grand-père... n'appréciait pas du tout ce travail, que c'était juste un travail alimentaire.

  • Speaker #1

    Oui, et en fait, elle trouve la solution à ce livre, ce nœud très fort, par ce grand-père, pour deux raisons. Un, elle s'invente une aristocratie, donc maintenant, elle est à pied d'égalité avec son amant aristocrate, puisqu'elle-même viendrait d'une autre aristocratie, mais une aristocratie du cul, quoi. Et de l'autre côté, son grand-père et sa grand-mère, il est un peu découvert à demi-mot, ont eu énormément d'amants et ont été tous les deux adultères. Et grâce à ça, ont été des bons parents vis-à-vis de sa mère, je crois. Et donc, il y a cette idée de... Non, mais c'est en fait OK d'avoir des adultères parce que ça te permet d'être un peu détente, un peu chill et de moins subir tes enfants. Petite acrobatie pour finir le livre. Et c'est trop drôle parce que le livre finit de manière ultra abrupte pour une raison. qui a l'air assez évidente, c'est qu'il y a le prochain qui arrive. Maintenant, Emma Baker, c'est une saga, en fait. C'est ça. Parce qu'il y a plein de questions qui sont encore en suspens. Comment elle va divorcer de son mari ? Parce qu'il me semble qu'elle va divorcer, si j'ai bien compris.

  • Speaker #0

    C'est un peu ce qu'on comprend.

  • Speaker #1

    Comment va se passer une vie en tant que, non pas maîtresse, mais en tant qu'officielle, officielle d'un aristocrate ? C'est quoi la suite ? La suite, ce sera sûrement la prochaine rentrée littéraire ou celle d'encore d'après. On va savoir comment Emma Baker va vivre sa vie en tant que... femme de Quincy d'Avricourt.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et aussi, après, il y aura la suite. Comment est-ce que ces enfants vont eux-mêmes réagir ? Et puis, les romans érotiques de ces enfants.

  • Speaker #1

    Parce que c'est une aristocratie,

  • Speaker #0

    donc il faut continuer. Il faut continuer, sinon c'est la honte.

  • Speaker #1

    Ils ne peuvent pas devenir experts comptables, malheureux.

  • Speaker #0

    C'est impossible.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est un torchon, une bonne surprise ? Moi, ça a été une excellente surprise pour moi, personnellement. Moi, j'ai vraiment adoré le lire. Moi, je recommande. Je recommande la lecture. Évidemment, moi... Bon, avec les caveats. Précisément. Voilà, si c'est votre truc, lisez-le. Toi, tu es un peu plus mesuré, parce que tu voulais même pas le finir,

  • Speaker #0

    en fait. Oui, en fait, c'est comme quand j'avais beaucoup aimé La Maison. J'avais pas mal d'attentes, en fait. J'ai été en partie... Je dirais que c'était une bonne surprise, du coup. Je dirais pas non plus que c'est un torchon, parce qu'il y a beaucoup de choses intéressantes dedans. C'est un livre qui est assez inhabituel. Et donc, il décrit des choses de façon originale, intéressante. ça ne peut que susciter des... Je recommande la lecture, mais je ne dirais pas que c'était une bonne surprise. Et puis, si vous avez d'autres lectures que vous avez absolument envie de faire avant, je dirais de les faire.

  • Speaker #1

    Après, ce que tu conseillerais, c'est de lire La Maison.

  • Speaker #0

    Aussi.

  • Speaker #1

    Je le recommande aussi quand même pas mal aux garçons de notre âge, parce qu'il y a un côté où tu as l'impression de découvrir la réalité. Voilà, donc c'est les garçons hétéros qui veulent savoir comment s'est duré le femme. Je trouve qu'il y a un côté...

  • Speaker #0

    De ce point de vue-là, c'est un livre qui est assez rassurant, parce que c'est quand même un mec de 50 ans qui est habillé à l'ancienne. ce qui n'est pas très sexy. Le velours côtelé, par exemple, c'est une matière que moi j'affectionne, mais qui ne remporte pas tous les suffrages. Et là, on a l'impression que d'un coup, être sexy, en fait, c'est avoir 50 ans et être habillé à l'ancienne. Ce qui est plutôt plaisant quand on vient d'avoir 30 ans et qu'on se dit que pendant 20 ans, je peux encore m'habiller comme un vieux papy.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est vrai. Tu as raison. Tu as raison qu'à cette petite lecture à faire, si on est un homme qui a des goûts surannés, si vous aimez l'opéra et les andouillettes. Et le velours côtelé, on vous conseille cette lecture tout simplement parce que ça vous donnera l'occasion de fantasmer, de devenir un objet de fantasme. Enfin, qui ne le veut pas ?

  • Speaker #0

    Qui ne le veut pas ? Non, mais le problème, c'est que moi, je me suis habitué récemment à plus d'austérité. J'allais recommander plutôt la lecture de Racine, mais pour cette Pascale.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Pour que dans ce monde de passion, on trouve l'apaisement du cœur.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Merci beaucoup de nous avoir écoutés jusqu'ici. Si le podcast vous plaît, n'hésitez pas à nous suivre sur notre compte Instagram pour nous donner vos idées et vos réactions à cet épisode. Et je vous conseille de le suivre pour plus de recommandations, plus de critiques et plus de coulisses. On vous embrasse et on vous dit à bientôt !

  • Speaker #0

    À bientôt !

Description

Est-ce que ce ne serait pas le roman le plus chaud de la rentrée littéraire, le Mal joli d’Emma Becker ? Il possède tous les éléments pour ! Des scènes érotiques particulièrement croustillantes et créatives, une histoire d'amour passionnelle entre deux écrivains, des thèmes féministes sous-jacents sur la maternité, et une sacrée dose d’humour. Bref, il s’est retrouvé dans les posts Instagram de toutes les cool girls d’Instagram, entre un outfit d’automne et un match latte. Le Mal Joli pose la question : peut-on vraiment se permettre d’avoir un amant quand on a un mari, deux enfants, une belle-famille, et un livre à écrire ? Et les deux chroniqueurs de Torchon, Pierre et Léa, apprécient très différemment la réponse… 


ATTENTION ! Le Mal joli est un livre extrêmement cru. Emma Becker décrit en détail et avec familiarité ses pratiques sexuelles. Et nous allons non seulement citer certains passages, mais nous allons en parler avec tout autant de liberté. Si vous êtes au travail, ou alors en public, ou si vous ne souhaitez pas entendre parler de sexualité de cette manière-là, nous vous conseillons d’écouter (ou de réécouter) des épisodes de Torchon plus chastes. On vous aura prévenus ! 


Livres cités : 

Yoga d’Emmanuel Carrère 

Un automne pour te pardonner de Morgane Moncomble 

Gargantua de Rabelais 

Les Liaisons dangereuses de Laclos 

Choisir d’Être mère de Renée Greusard 

Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes

La Maison d’Emma Becker 


Compte instagram de l'émission : https://www.instagram.com/torchon.podcastlitteraire/


Torchon, c’est le podcast qui traite de l’actualité littéraire en lisant des livres pour que vous n’ayez pas à le faire. On est une bande de copain pas du tout critiques littéraires de profession, et pour chaque épisode on se retrouve en mode "club de lecture de l'extrême" et nous lisons un livre qui a fait l’actualité pour vous dire si c’est une bonne surprise ou bien un vrai torchon. Et restez jusqu’à la fin pour nos recommandations littéraires et culture ! 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Torchon, le club de lecture où on lit des livres pour que vous n'ayez pas à le faire. Pour chaque épisode, nous lisons un livre qui a fait l'actualité, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, et nous vous disons si c'est une bonne surprise ou alors un vrai torchon. Grâce à Torchon, vous pourrez briller en société et parler du livre du jour sans même l'avoir lu. Je suis Léa et je suis aujourd'hui avec Pierre.

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #0

    Et nous avons lu Le Mal Joli d'Emma Baker, paru aux éditions Albain Michel en 2024. Attention, Le Mal Joli est un livre extrêmement cru. Emma Baker décrit en dé... taille et avec une grande familiarité ces pratiques sexuelles. Et nous, nous allons non seulement citer certains passages, enfin si on y arrive sans glousser, mais nous allons aussi en parler avec tout autant de liberté. Aussi, Pierre et moi, on est potes depuis des années, donc on va en parler comme deux amis et on aura cette familiarité-là aussi. Donc si vous êtes au travail, si vous êtes en public, si vous ne souhaitez pas nous entendre parler de sexualité de cette manière-là, nous vous conseillons d'écouter ou alors de réécouter d'autres épisodes de Torchon plus chaste. Voilà, on vous aura prévenu, ça peut peut-être être un peu dérangeant comme épisode, mais on va faire de notre mieux pour en parler de manière aussi assez libre. Voilà, ça c'est fait. C'est un livre qui a fait beaucoup de bruit lors de cette rentrée littéraire, déjà parce qu'Emma Baker, elle est quand même déjà très connue pour ses romans à la fois extrêmement érotiques, mais aussi extrêmement réaliste parce que c'est des livres autobiographiques. Alors là, c'est écrit Le mal joli roman Bon, il se trouve que la narratrice s'appelle Emma Baker, c'est-à-dire qu'elle est totalement inspirée par sa vie. J'imagine que le côté roman, c'est lié à des problèmes de pseudonyme, éviter des histoires de procès en diffamation, ce genre de choses. C'est une autrice qui a la trentaine. qui a commencé sa carrière comme journaliste et qui a connu un succès assez phénoménal en parlant de son expérience comme travailleuse du sexe dans un bordel en Allemagne, à Berlin. Ça s'appelle La Maison, et ça a été vendu à plus de 400 000 exemplaires. Et d'ailleurs, toi, tu l'avais lu, La Maison ?

  • Speaker #1

    J'avais lu à sa sortie, et ça m'avait beaucoup plu.

  • Speaker #0

    Oui, moi aussi.

  • Speaker #1

    C'est pour ça aussi que j'ai accepté avec enthousiasme la proposition de lire ce livre contemporain érotique.

  • Speaker #0

    Voilà. Emma Baker, elle a... Un mari, une famille, ils habitent dans le Var, ils ont deux enfants, Isidore et Nini, et elle tombe amoureuse d'un homme. Pour un peu résumer l'intrigue du Maljoli, elle tombe amoureuse d'un homme qui est lui aussi auteur, qu'elle rencontre d'ailleurs lors de la remise d'un prix littéraire. Mais la grande différence entre elle et lui, c'est que lui, c'est un aristocrate, doux-droite, avec deux particules. Il est amateur de pâtes. pantalon en velours côtelé rouge, de pyjama Brooks Brothers, il adore l'opéra, il adore l'andouillette, et il adore les auteurs d'extrême droite. Et donc, ça a sûrement eu une très grande médiatisation aussi, parce que je pense que dans les milieux littéraires, c'était un peu du hot gossip, quoi. C'était leur people à eux, quoi. Et donc, je t'ai proposé de le lire. Déjà parce qu'il a fait un peu l'actualité et c'est aussi parce que c'était le livre que j'ai vu sur tous les Instagram de cool girls. J'ai vu plein de filles aux Instagram assez esthétiques où elles lisent ça sur la terrasse d'un café avec un petit match à la thé. Et ça, je trouve ça dingue parce qu'on va parler de ce qu'il y a à l'intérieur du livre. Mais clairement, moi, je l'ai lu dans le secret de mon appartement. Il n'est pas sorti de chez moi.

  • Speaker #1

    La couverture, d'ailleurs, est un petit peu harmonieuse avec un match à la thé.

  • Speaker #0

    Pierre, est-ce que ça t'a plu comme lecture ?

  • Speaker #1

    Alors, de façon générale, j'ai apprécié lire ce livre, que j'ai d'ailleurs lu très vite, parce que j'ai lu ses 4 ou 5 derniers jours. Mais je dirais qu'il y a certains défauts qui font que... Je ne dirais pas que c'est une lecture qui m'a passionné, et je ne suis pas certain que je l'aurais fini s'il n'y avait pas Torchon, parce que c'est un petit peu répétitif, et que les personnages notamment, on va revenir là-dessus, c'est peut-être un petit peu superficiel. Il y a des passages qui sont très plaisants à lire et très drôles, notamment sexuels et un petit peu burlesques. C'est ça qu'on va aussi revenir là-dessus. On a l'impression un petit peu qu'il aurait fallu une deuxième vague d'édition, c'est-à-dire couper certains passages, ajouter une structure, renforcer certains personnages, et qu'à la fin, ça aurait pu donner un roman peut-être un peu plus fort.

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que c'est un livre qui est très libre, dans les thèmes, dans ce qu'elle fait dans ce livre. Et ça se ressent aussi dans l'édition, où on a l'impression qu'elle... on lui a donné un peu carte blanche. Je trouve que oui, en effet, il y a beaucoup de répétitions dans les scènes. Cela étant dit, moi ça m'a beaucoup beaucoup plu. Après moi j'ai été malade toute cette semaine et donc j'étais dans un état où tu sais ton corps marche pas, ton corps est réduit à un flux nasal constant et une toux et donc lire les histoires de cul d'Emma Baker ça m'a fait trop plaisir parce que ça m'a rappelé que parfois ton corps est en bonne santé et que tu peux faire des trucs marrants avec. Un autre truc que j'ai vraiment beaucoup apprécié dans cette lecture, alors tu dis que c'est un peu trop long et je suis assez d'accord, je pense qu'il y a beaucoup de répétitions mais il y a quand même une grande structure autour d'une sorte de code de la comédie romantique moi je l'ai lu un peu comme une sorte de perversion d'une structure classique de la comédie romantique, c'est-à-dire que il y a la rencontre il y a le premier date il y a la première fois qu'ils font l'amour il y a la première fois où ils se disent je t'aime l'un à l'autre, il y a l'élément perturbateur qui sont en fait les enfants... les deux mois où ils sont en vacances et donc ils ne peuvent pas se parler, ils peuvent se parler, mais en tout cas ils ne peuvent pas se voir, ils sont vécus comme un peu une sorte d'obstacle et de d'épreuve. Et à la fin, l'idée que voilà, il va y avoir la confession, où ils vont déclarer au monde leur amour. Et à la fin, la dernière scène où, on vous spoil, mais à la dernière scène où ils se retrouvent sur le pont neuf et ils disent c'est toi, c'est toi maintenant. Bah oui, Becker, c'est toi. Ça c'est la dernière. Mais il y a une perversion dans le sens où, dans la comédie romantique, on n'est pas aussi truculent. Et là, il y a quand même des scènes qui sont des... Moi, je trouve des jouissances de lecture énormes. Il y a des passages qui sont...

  • Speaker #1

    Par exemple, c'est vrai qu'une chose qui est assez drôle, et j'aimerais bien dire d'abord que j'ai participé au podcast sur Regards éventuels, et maintenant sur celui-là. Mais je ne participe pas que à des podcasts qui impliquent des proutes et des relations sexuelles. d'horribles. Mais c'est vrai qu'il y a par exemple des passages assez amusants sur son envie de flatulence avant des relations sexuelles, où elle décrit en grand détail ses stratégies pour sortir de la pièce où elle se trouve avec son amant et s'adonner à cette envie de flatulence. Elle n'y arrive pas, et du coup après quand elle lui avoue ça, il est choqué et l'invite à se soulager devant lui.

  • Speaker #0

    Et elle n'y arrive pas quand même, et donc c'est marrant. Moi, je trouve que c'est un passage qui est marrant, qui est répétitif parce qu'il y a une autre scène qui est la scène du lavement où elle essaie de se laver avant une sodomie. Et c'est une scène qui est très longue que j'ai trouvée vraiment rigolote. C'est marrant parce que ça pourrait être vraiment... Je pense que c'est vraiment le talent d'Emma Baker parce qu'elle pourrait vraiment nous faire une scène nulle. Et là, ça marche vachement bien. Et je pense que j'aime bien ces deux scènes parce que ça rappelle un peu... quelque chose qu'on élude beaucoup dans les comédies romantiques, qui est l'enfer du retour du corps dans une relation amoureuse, où tout d'un coup, tu es avec ton amant toute la journée, et tout d'un coup, ton corps reste un corps rablaisien. Et ça, c'était vraiment marrant, parce que ça lui permet de nous dire, de dire à son amant et de nous dire à nous, que je vais vous parler de tout. tout ce qui fait l'amour et l'amour c'est non seulement des beaux sentiments et un côté un peu cucu mais c'est aussi genre le sexe, c'est aussi des pratiques sexuelles pas communes, il y a 3-4 pages sur un anulingus où c'est elle qui performe l'anulingus sur lui c'est aussi et c'est un acte d'amour c'est ça qui est trop drôle c'est pas genre on est amoureux et on fait l'amour, c'est vraiment les deux en même temps Et elle va nous dire aussi, je vais vous dire tout ce qu'il y a autour de l'amour, mais qui le fait comme l'envie de péter alors qu'on ne peut pas, ce genre de choses. Après, je pense que ça dépend vraiment du lecteur d'accepter cette partie-là du livre. Je pense qu'il y a des lecteurs, notamment il y a une critique de Bec BD qui trouve ça immonde. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui liront ces passages-là et qui feront genre, ah non, ce n'est pas pour moi, stop, on arrête, je m'arrête là. la scène du lavement pour le coup elle arrive assez tôt et je pense que c'est une manière aussi pour Emma Baker de dire voilà dans tout quoi tu t'engages sacré lecteur après j'ai l'impression d'intégrer un lecteur qui n'existe pas parce qu'on sent qu'elle nous prend pas tellement en compte quand elle écrit ce livre une

  • Speaker #1

    chose que j'ai appréciée et qu'on mentionnait là c'est le côté un petit peu carnavalesque et un petit peu spectaculaire aussi de tout ce qui est lié au sexe et à l'amour au prix parfois d'exagération on peut le dire qui peuvent remettre en cause le lecteur dans ses propres performances. Parce que ça se voit que c'est exagéré. Ils ont des relations sexuelles pendant des jours entiers, des multiples jouissances, il y a des liquides partout qui s'étalent. Après, c'est très spectaculaire, c'est très truculent, c'est souvent assez drôle. C'est raconté avec pas mal de précision, je dirais, et de distance. ce qui les rend plaisants. Et je trouve que c'est assez différent de l'expérience que j'ai de lecteur. À ma connaissance, je n'ai pas de connaissances de romans contemporains avec des scènes érotiques, écrits du point de vue d'une femme, où on sent autant la différence avec d'autres. Par exemple, je pense que dans Yoga, il y a des scènes de sexe assez précises de Carrère, ou dans tous les Wellbeck. C'est aussi explicite que dans les Mavéquerres, mais c'est quand même assez différent. Par exemple, je pense qu'elle, elle insiste moins sur les aspects visuels des relations sexuelles, et peut-être plus sur les sensations internes. Ce qui correspondrait peut-être, je m'avance un petit peu peut-être, à deux expériences différentes de la sexualité masculine et féminine.

  • Speaker #0

    Oui, peut-être. Ou alors peut-être juste, c'est la différence entre Will Beck et elle. Mais ouais, je vois ce que tu veux dire. Moi, ce qui m'a marquée, c'est le rythme. Le fait où on a l'impression qu'ils font toujours autre chose. Tu vois, par exemple, là, j'ai un passage au pif. Ce qui est sympa, c'est que j'ouvre le livre au pif, je tombe sur une scène de cul, donc c'est pratique. Donc là, on est page 189. Au réveil, le monde n'a jamais cessé de bouger. Antonin s'étire, cherche ses lunettes d'une main, mais elles sont de mon côté et j'ai déjà le bout de sa bite dans ma bouche, alors il s'apaise. Je le fais mettre à quatre pattes, ainsi, son cul est à la hauteur de mon visage et je n'ai qu'à m'approcher pour sentir, au-delà des effluves d'égoïste et de lessive, la laine douce et âcre, odeur de transpiration et de mousse sous une pierre soulevée, et puis l'autre odeur, l'odeur humaine, qu'on pourrait trouver révoltante quand on n'a pas le nez dedans et qu'on pourrait renifler jusqu'à en comprendre chaque subtilité. Elle est au fond de cette révolte. Pourquoi elle est d'un tel poinçon au bas-ventre ? Oui, et là, par exemple, on n'est pas dans le visuel, on est dans l'odeur. Et à nouveau, elle nous rappelle qu'il y a quelque chose de révoltant dans l'odeur du corps, et là en particulier l'odeur de l'anus, mais que malgré tout, il y a du kiff, et que c'est un vrai plaisir. Et ça, c'est assez... Moi, à l'inverse... Mon autre expérience de littérature érotique, c'est l'épisode sur Morgane Moncomble, Un automne pour te pardonner, donc la New Romance. La New Romance étant des livres très mainstream, que beaucoup de jeunes familles lisent, où il y a des scènes érotiques. Mais ce qui est marrant, c'est que c'est très chorégraphié. Il y a toute une tension qui se crée. Et en plus de ça, c'est quand même finalement assez hygiénique comme manière de parler de sexe. où d'abord on s'embrasse, ensuite on s'enlève les vêtements, ensuite ça peut être du sexe oral, et puis ensuite on va aller à la pénétration de manière très first base, second base, third base, très à l'américaine. Là, on est vraiment dans une sexualité chaotique où les rapports de pénétration se transforment. C'est marrant parce qu'en fait, il y a une sorte de grosse tension parce qu'on a envie de dire que c'est très réaliste, parce qu'elle nous rappelle... la réalité de la sexualité qui est quelque chose qui n'est pas forcément très hygiénique, mais en même temps, il y a un côté très fantastique, très rabelaisien dans l'accumulation et la rapidité des scènes où on a l'impression que vraiment... C'est épique. Oui, c'est épique. C'est vraiment genre les listes dans Rabelais. C'est le torchocu. C'est vraiment très lié à ça. Et c'est marrant parce que c'est l'unique référence qu'elle n'a pas parce qu'elle a... plein de références, peut-être qu'on peut parler, on peut passer à cette intertextualité qui est très forte dans le texte. Et c'est peut-être la partie que moi j'ai le moins aimée à propos de ce livre d'ailleurs, c'est qu'il y a une grosse intertextualité, elle se fait référence à des auteurs, elle-même, elle parle d'elle en tant qu'autrice, écrivaine, elle passe son temps à dire que c'est son métier, son amant, lui aussi, est écrivain, il s'envoie des manuscrits l'un l'autre, il lit son texte, elle, bizarrement, ne lit pas tellement ce qu'il écrit, voilà.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Et il y a vraiment des gros moments où c'est deux écrivains qui se regardent écrire. Et d'ailleurs, les passages que j'ai trouvé les plus faibles, c'était les moments de correspondance.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'en fait, ils ont une correspondance écrite qu'elles retranscrivent entièrement dans le livre. C'est des lettres entières, des SMS plus précisément. Ça ressemble un tout petit peu, ça fait un petit peu penser aux liaisons dangereuses parce qu'elle est noble, qui s'exprime de façon très châtiée dans les lettres, en mélangeant évidemment des références. explicite et sexuelle, et qu'ils se vouvoient mutuellement. Mais par exemple, c'est vrai qu'il y a un jeu dans lequel ils se vouvoient en début de lettre, et à la fin de chaque lettre, ils se tutoient pour créer une sorte de sentiment d'intimité. Mais c'est un processus qui est répété au moins 5 ou 6 fois, qui peut avoir un côté un peu répétitif, comme livre. Et par ailleurs, sur la question de cette correspondance érotico-sentimentale, et moi, ce que je trouvais assez étonnant, c'est que c'est très sexuel, c'est très explicite, c'est très libéré. Et c'est une correspondance, donc ça fait penser... forcément aux liaisons dangereuses, mais il n'y a aucune malice et il n'y a aucune méchanceté dans les lettres qu'ils envoient. Et du coup, moi, ça m'a fait penser à une théorie que j'ai exposée à Léa précédemment, qui est que quand on est adulte, eh bien, en fait, on s'adoucit et on devient plus sentimental. Alors que dans les liaisons dangereuses, en fait, c'est des très jeunes adultes, voire des adolescents, qui s'écrivent mutuellement et qui sont donc pleins de toute la cruauté de la jeunesse qui n'a pas encore été... Non, non,

  • Speaker #0

    dans les liaisons dangereuses, ils ne sont pas à l'inverse un peu vieux.

  • Speaker #1

    Je crois que même moi. Il a genre 24-25 ans, je crois. Oui ? Oui.

  • Speaker #0

    Moi, j'ai toujours eu cette image que c'est un peu des vétérans de la baise.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est des vétérans, mais qui sont quand même très, très jeunes.

  • Speaker #0

    Oui, et puis de l'époque. Il y a quand même une cruauté dans ce livre. Alors, il y a deux cruautés. Il y a Emma Becker vis-à-vis de ses enfants. Une cruauté assumée. Pas une cruauté voulue, mais elle assume l'aspect affreux. d'être une femme amoureuse d'un autre alors qu'elle doit s'occuper de ses enfants et que ses enfants, ça la fait chier, clairement. Mais il y a une autre cruauté qui est du Quand dira-t-on ? Qu'est-ce qui se passerait si on acceptait notre relation ? Et là, tout d'un coup, il y a la résurgence de la cruauté du monde. Mais là où je suis d'accord avec toi, c'est que c'est extrêmement cucu comme livre. Elle est vraiment extrêmement amoureuse. Et vraiment, elle explose le cliché d'une femme qui fait beaucoup l'amour avec beaucoup d'amants et qui vraiment... La vamp, finalement, est totalement différente que la fille cucue, monogame, totalement amoureuse d'un seul homme. Là, c'est les deux. Ça crée des morceaux de bravoure, d'exaspération quand elle s'enregistre au téléphone parce qu'elle n'en peut plus d'être à quel point elle est conne. Et là, genre, mais c'est pas possible, je ne peux pas tomber amoureuse d'un tel mec. Et moi, c'est vraiment un passage que j'ai vraiment beaucoup aimé, quand bien même, à nouveau, j'aime pas trop les passages où on voit... L'écrivain s'écrit. Alors là, elle parle. Et je trouve que c'est un peu insupportable. Là, j'ai trouvé que c'était plutôt bien fait. Par contre, oui, c'est vrai que c'est un peu lourd, cette obligation qu'ont les gens qui écrivent de l'autofiction, de nous montrer comment ils écrivent. Le seul passage qui a un peu un sens intéressant, c'est quand elle écrit son histoire et elle a un premier manuscrit, qu'elle l'envoie à son amant, à Antonin. Et Antonin lui répond... Ah, mais c'est trop sombre. Pourquoi tu ne parles pas des aspects les plus lumineux ? Et à un moment, il dit Ah, mais tu me mets un peu le nez dans la merde. Et ça, je trouve que c'était intéressant de voir comment le texte en lui-même a un impact sur leur vie à eux deux. Après, il y a un espace de rumination où elle dit Ah oui, en fait, il ne veut pas voir la réalité du truc. Il veut juste les beaux moments. Il ne veut pas voir la réalité. Mais moi, l'écriture, ça me sert justement à penser, à m'apaiser. Toutes ces choses-là que je peux dire à personne parce qu'on est dans le cadre d'un adultère et je ne peux pas me confier à qui que ce soit, je ne peux les confier qu'à l'écriture. Et donc, ce sera les moments les plus sombres que j'écrirai forcément. Et ça, c'est intéressant parce que ça nous permet, en tant que lecteur final, nous, de se dire oui, en effet, il y a des passages qui sont vraiment d'une indécence terrible. Ce qu'elle raconte sur ses enfants, c'est choquant. Mais en fait, elle me dit, c'est le seul truc dont je peux parler parce que les côtés sympas de l'enfance... Je les vis et je peux en parler, c'est OK. Je peux le faire en dehors de l'écriture.

  • Speaker #1

    Et c'est un peu lié à un des défauts du livre, je trouve. C'est que c'est un livre qui se passe dans le 5e et 6e arrondissement, avec deux écrivains. Et toutes les références qu'ils font, c'est un peu des références classiques de ce monde littéraire de Saint-Germain-des-Prés. Donc, il y a beaucoup de connivences. Ça repose un petit peu sur l'idée que le lecteur va voir de quoi on parle. Elle parle du Prix Castel, les gens ne connaissent pas trop le Prix Castel. Elle parle de la rue de Bellechasse, sans expliquer que c'est une des rues les plus chiches du 7e arrondissement. Elle parle de la rue de Bussy, où se passe la plupart des scènes, qui est juste à côté de Saint-Germain-des-Prés. Donc quand on habite dans le quartier, c'est assez amusant, on devine les choses, puis on devine aussi qu'on connaît l'autre écrivain. Tous les personnages, c'est des personnages qui sont liés au monde littéraire, mais ça donne un peu l'impression d'un monde refermé sur soi-même. où ce qui compte, c'est la littérature, les écrivains, les pots et les cocktails. Et peut-être qu'en tant que lecteur, ça frustre un petit peu de ne pas avoir un petit peu plus la réalité du monde, tout simplement.

  • Speaker #0

    Ça contraste avec la maison, où là, tout d'un coup, on est à Berlin, dans une maison close. Là, tout d'un coup, on a l'impression de découvrir un autre univers en aparté. Là, on est en train d'enregistrer, on est au beau milieu du sixième arrondissement. De l'ombre, elle est par là, la rebutée, elle est par là. Et d'ailleurs, le Rosebud, où ils ont leur premier date, c'est un super bar que je conseille. Enfin, moi, ça m'a donné une image d'être écrivain. En France, aujourd'hui, c'est quand même pas mal de mondanité autour de... On reçoit des prix, on va dans des endroits, on va manger dans des restaurants entre écrivains. T'as l'impression que c'est un petit monde où tout le monde est soit éditeur, soit écrivain, soit les deux.

  • Speaker #1

    Et puis c'est vrai qu'il y a peu de personnages autres. C'est-à-dire que, par exemple, le mari, dont le prénom n'est pas nommé, mais c'est un choix aussi d'écriture, on ne sait pas ce qu'il fait, on sait qu'il ne parle pas français, on devine. Après, avec des recherches sur Internet, il est né aux Irlandais, mais on ne le connaît pas. Il y a juste un personnage autre qui existe, c'est Chuck, le beau-père qui vient en vacances. Emma Baker espère qu'il va garder les enfants et les emmener à la plage pour la laisser tranquille avec sa correspondance avec son amant et pour écrire des livres. Et en fait, Chuck, c'est un Australien qui adore fumer des gros joints. Or, Emma Baker a un pot de cannabis chez elle. Et du coup, il passe ses journées à fumer des gros joints et donc, il ne peut pas conduire. Et donc ? C'est sur les autres qui doivent s'occuper des enfants.

  • Speaker #0

    Moi, ce qui m'a marquée, c'est que le mari n'a aucune... Enfin, le mari est...

  • Speaker #1

    Inexistant, presque.

  • Speaker #0

    Inexistant, on ne sait pas ce qu'il pense. Il est invisible. Les enfants sont décrits uniquement par le fait que c'est... Ils foutent la merde, quoi. Ils crient, ils ont... Il faut qu'on s'occupe d'eux. Et même Antonin, l'amant, je trouve, c'est assez intéressant. Il est décrit que par la caricature, que par des lieux communs, des clichés. De type, comment il s'habille, ce qu'il mange, le fait qu'il aime beaucoup l'opéra, le fait qu'il est deux. Mais on ne sait pas ce qu'il pense, on ne sait pas quelles sont ses opinions sur le monde. On comprend que c'est quelqu'un d'un peu lâche. On comprend que c'est quelqu'un d'assez pudique et qui a du mal à exprimer surtout l'aspect négatif des choses.

  • Speaker #1

    C'est vrai que sur Antonin, par exemple, quand elle décrit son intérieur, elle dit qu'il y avait du Glenn Gould passé comme bon son. Et je trouve ça un petit peu paresseux d'un certain côté de se dire... Ah, c'est un type un peu à l'ancienne chez lui qui est chic. Qu'est-ce qu'il fait ? Il écoute du Bach, joué par Glenn Gould. C'est-à-dire, c'est un peu le cliché de base de...

  • Speaker #0

    C'est un peu trop facile.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, c'est un peu trop facile. Et puis pareil, il a des pantalons en velours côtelé et des pochettes en soie. Ça donne l'impression qu'elle ne s'est pas vraiment penchée sur ce que pourrait être concrètement un aristocrate un petit peu désargenté, chic à Paris. Elle dit souvent qu'elle, elle est très différente de lui, mais on n'arrive pas à saisir exactement ce qu'est la différence. C'est pas une différence d'argent.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, Glenn Gould, limite Martha Hagerich. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Typiquement, si Carrère fait ça, c'est un peu plus original. Oui, puis par exemple, la visite du château qu'elle fait à la fin et qu'elle visite son château d'enfance, c'est une scène qui aurait pu être émouvante ou révéler des choses sur le personnage. Et en fait, il ne se passe presque rien. Et la seule chose qu'on retient, c'est qu'ils ont des relations sexuelles dans le parc du jardin. On a un peu l'impression que tous les aspects sociaux sont gommés derrière. la relation qui est avant tout sentimentale et sexuelle.

  • Speaker #0

    C'est sûr. Tout le nœud de ce livre, c'est qu'elle tombe amoureuse d'un homme de droite. Et elle, elle n'est pas de droite, elle est de gauche. Et elle est choquée. Et il n'est pas seulement de droite, mais il est la personnification du lecteur de Figaro. Vraiment, on en est dans un truc assez un peu cliché. Et ce qui est très marquant, je trouve, c'est qu'être de droite, où être de gauche, ce n'est pas une question d'opinion politique, c'est une question d'esthétique. C'est-à-dire que les gens de droite et les gens de gauche ne sont décrits que dans leur esthétique. Et au tout début du livre, page 71, elle dit Je ne lui fais d'avantage confiance qu'à moi-même pour rationaliser ce qui nous rapproche. Je ne suis pas sûre de lui trouver à terme des défauts assez importants pour me détourner de lui, ce qui est quand même fort de café, merde, où est passé ce beau recul dont je faisais des livres. Il y a eu quelques jours au tout début, durant lesquels je plaçais Antonin sur scène comme une caricature. Les boutons de manchette, la chevalière, la gastronomie, l'opéra, les collabos, les particules, les désuétudes, tout ce qui le cantonnait à une amusante passade. J'en parlais à Paul et me pelotonnais dans son ironie pour tenter de rattraper un peu la mienne. Je n'allais quand même pas tomber amoureuse d'un connard de droite. Au même moment, avec le masochisme qui me caractérise, je me disais qu'il serait mieux que me trouver trop provinciale, trop jeune, trop aiguillonnée par le besoin de plaire, pas assez élégante, trop intense, pas assez légère, pas assez sûre d'elle, pas assez jolie, pas assez capricieuse. Et c'est un peu ça le nœud social du texte. C'est pas tant qu'il a des opinions de droite et qu'elle a des opinions de gauche, c'est que lui, il est élégant et elle, elle n'est pas assez élégante. Et donc il y a des passages où, avec Paul, avec son amie, elle discute de l'attrait des hommes de droite, et l'attrait des hommes de droite, c'est... Leur galanterie, leur élégance, le fait qu'ils portent des chemises.

  • Speaker #1

    Et moi, je trouve que, de façon générale, dire qu'un type est exotique parce qu'il est de droite, or être de droite, dans cette définition, c'est... ou être habillée à l'ancienne, ça n'a rien d'original dans le monde qu'elle décrit. C'est-à-dire dans le monde des éditeurs parisiens chic, être habillée à l'ancienne, être soi-même un peu à l'ancienne, avoir des costumes, des cravates en laine et des poches sans soie, c'est juste 50% des gens. Donc elle présente ça un peu comme quelque chose de très exotique, du type Ah, j'ai rencontré quelqu'un qui est très différent de moi. Et ça, on a un peu du mal à y croire, parce que c'est un monde dans lequel il y a des gens qui peuvent, par exemple, ne pas être aristocrate et correct. complètement correspondre à ces codes-là,

  • Speaker #0

    et inversement. Dans Gargantua, comme on l'a dit dans un épisode que vous pouvez aller écouter, il y a des passages, comme je viens de le lire, très gras, très truculent, très choquant aussi, et puis il y a des passages sur le pacifisme, qu'est-ce que c'est qu'être un bon prince, humaniste et tout, et là, je trouve que cette partie-là, cette partie prince humaniste, on le trouve dans un sous-texte féministe assez fort, quand bien même c'est pas un livre féministe, elle n'est pas dans le militantisme du tout, qui est Je vais vous montrer la maternité telle qu'elle est Et ça, c'est quelque chose que je vois pas mal autour de moi depuis une bonne dizaine d'années, limite. Ça a commencé, je trouve. La première fois que j'en ai entendu parler, c'était avec Florence Foresti, l'humoriste. C'est ces femmes qui disent La maternité, c'est pas tout rose. Je vais vous montrer comment s'occuper d'un enfant. En fait, on vous ment, je vais vous dire la vérité. Il y a un livre de la journaliste Renée Grezard qui s'appelle Choisir d'être mère c'est exactement ça. C'est une compilation de toutes les merdes auxquelles tu dois t'attendre si tu veux un enfant pour choisir d'être mère en connaissance de cause. Et là, Emma Baker, elle fait un peu ça. Il y a un peu des passages qui ont la même rapidité, le même rythme, le même côté truculent et marrant, mais pour parler de comment on s'occupe d'un enfant. C'est difficile. Elle essaye de se rattraper, page 276, elle dit Encore un roman où je suis forcée par moi-même de rappeler à quel point j'aime mes enfants, que ce livre n'est pas sur eux, que ça n'est ni Isidore ni Nini qui me bouffe, mais la combinaison de cette tyrannie de la petite enfance avec ce détail non négligeable, un amant. Et j'ajouterais que peut-être je ferais partie de ces gens qui deviennent de bons parents plus tard lorsqu'on fait appel à d'autres qualités en eux, que ce n'est pas un test permanent de patience.

  • Speaker #1

    Je trouve qu'il y a plusieurs scènes quand même assez touchantes pour illustrer la relation intime qu'elle a avec ses enfants et son mari. Par exemple, elle raconte comment elle a fait une sorte de jeu avec un de ses fils quand elle a eu son deuxième, où elle a appris d'abord à son premier enfant, son aîné, qu'elle était enceinte, en lui disant qu'il ne fallait pas que l'enfant le répète à son père. Évidemment, l'enfant l'a fait dès que le père rentre, mais elle s'était cachée pour voir la scène de loin. C'est une scène assez émouvante, j'ai trouvé. Et il y a aussi la scène où elle n'arrive pas à faire dormir les enfants. Elle demande à son mari de prendre le relais. Et il finit par réussir à leur dormir. Et il lui dit en sortant, j'ai dû, pour le tromper les enfants, partir de la pièce à quatre pattes en faisant miaou. Pour qu'il croit que c'était le chat et pas moi qui partaient. Et c'est des petites scènes comme ça qui montrent que, évidemment, l'essentiel du roman, c'est sa passion amoureuse avec son amant. Mais ça n'empêche pas qu'au même moment, il y a beaucoup d'affection, d'intimité. et aussi de bonheur conjugal, même si les deux sont, comment dire, en opposition, bien sûr. Les deux sont agencés de façon subtile.

  • Speaker #0

    Moi, je dirais que c'est un peu le livre de la complainte du libéralisme. Alors, pas libéralisme en mode le marché, mais libéralisme en mode en 2024, on est libre de beaucoup de choses. Et c'est une femme, il y a un de ses amis qui l'a décrit comme la femme la plus libre qu'il connaisse. Donc, en effet, c'est une femme qui est extrêmement libre. Ce qui est rigolo, c'est qu'on sent que malgré cette liberté énorme de notre société actuelle, qui permet à une femme telle que Emma Baker de faire tous ces choix-là, et le choix quand même le plus libre qui est de parler de sa vie sexuelle dans ces termes-là, et bien finalement, il y a quand même des contraintes. Il y a la vie de famille, on en a déjà parlé, il y a le poids de la société, il y a son mec qui est quand même assez lâche. Il y a d'autres petits trucs qu'on ressent quand même, moi, qui m'ont marquée. L'insistance sur le poids, le fait qu'elle parle Elle a très, très envie de perdre du poids. Elle est très contente de l'avoir perdue, c'est quoi. Donc, on voit qu'elle a quand même un rapport au corps qui n'est pas totalement en mode balèque. J'en ai à la foudre.

  • Speaker #1

    Elle dit, par exemple, qu'elle s'épile et elle se lave les parties intimes pour son amant, alors qu'il n'a pas l'air de s'y intéresser particulièrement à la propreté. Mais du coup, ça donne l'impression qu'elle continue à s'auto-imposer des choses énormes, physiques, alors même qu'elles ne sont pas demandées par son amant. On pourrait dire qu'il y a plusieurs étapes dans la libération féminine. Souvent, on dit qu'il y a la libération des droits, puis après, la libération de l'intime. C'est un peu les deux grandes révolutions féministes. Et moi, j'ai l'impression qu'il faudrait presque une troisième étape quand on lit le livre de Emma Baker. C'est la libération du regard sur soi-même.

  • Speaker #0

    parce qu'elle décrit beaucoup de scènes où elle a l'impression, à la pharmacie du village, que tout le monde est au courant qu'elle a un amant, et que du coup tout le monde la juge. Elle raconte comment, en croisant dans la rue une fille qui a un mari avec qui elle a couché par le passé, avec qui Emma Baker a couché, elle a l'impression que cette fille la juge comme une souillon, parce que cette femme qu'elle croise, elle est mieux habillée, elle a des talons, elle est bien peignée, alors qu'Emma Baker, à ce moment-là, elle n'est pas très bien habillée, elle n'est pas très bien peignée. Et du coup... Elle décrit assez bien comment, alors même qu'elle est libérée financièrement et sexuellement, elle continue à se rabaisser en permanence en imaginant que toutes les autres femmes la jugent. Alors même qu'on ne savait pas qu'elle les juge. Enfin, ça peut être complètement... c'est possible, mais il n'y a aucun signe extérieur de ce jugement ou de cette critique. Et donc, je trouve qu'elle montre assez bien comment le phénomène de culpabilisation et de critique de soi qui persiste malgré toutes les autres formes de libération dont sa vie est exemplaire.

  • Speaker #1

    J'ai lu, il y a un passage où son amant Antonin lui dit mais arrête avec cette histoire de lutte des classes et de mépris de classe. Moi, je dois revendre les vieilles bâtisses de ma famille pour éponger les dettes dans ma famille, alors que toi, tu as sûrement vendu des fois plus de livres que moi. Et là, j'ai eu un petit hiiii C'est qu'Emma Baker, à aucun moment dans le livre, dit je suis une écrivaine installée, je vends des livres, je suis... connu, je suis successful. Elle n'a pas du tout le côté qu'adore, j'ai réussi et toi, finalement, tu vivotes. Et c'est frappant parce que moi, je serais à sa place. Oui. Je me dirais quelque chose de l'ordre de j'ai plus rien à prouver. Qu'est-ce que j'ai à prouver ? Alors, le problème, c'est qu'écrire des livres, même, je pense, au niveau d'Emma Baker, il y a très peu de gens qui en vivent. Elle, elle en vit et elle n'en vit pas ultra bien. Je pense que ce qui ressort du livre, c'est qu'elle n'est pas richissime grâce aux 400 000 livres qu'elle a vendus rien que pour la maison. Il y a un peu des moments de rumination où elle décrit Elsa. Elsa, c'est la femme qu'elle rencontre qui a des talons et qui, en fait, est la femme d'un homme.

  • Speaker #0

    Tu as une liaison avec Emeka ?

  • Speaker #1

    Et ce qui est intéressant, c'est que finalement, Elsa, c'est la femme trompée. Donc, tu pourrais te dire que c'est elle qui est dans l'humiliation. C'est elle qui est humiliée. Dans l'image d'épinal que j'ai de l'adultère, la femme humiliée, c'est la femme, ce n'est pas la maîtresse. Ce qui est marrant, c'est qu'il y a une inversion des genres dans l'esprit malade d'Emma Becker qui est que je suis humiliée par cette femme bien peignée. Et c'est impressionnant parce que ce n'est pas ça l'ordre des choses. Enfin, l'ordre des choses normatifs, évidemment. Elle dit, Elsa le sait bien, n'empêche que je sais jeter ce sort aux hommes et elle moins. Ce n'est pas ma faute, je fais ce que je sais faire. Je ne sais pas, moi, m'habiller, me maquiller, me coiffer, évoluer en société sans avoir l'air étrange. Je ne sais pas faire ce qu'elles font, ma puissance réside dans la promesse de l'anéantissement. Il n'y a que moi pour vivre dans ce pays de nerfs ravagés. Les hommes de ces femmes y font de petits séjours dont ils feuillotent les souvenirs une fois de retour chez eux. Et si ces femmes s'arrêtaient un instant pour décomposer leur haine de moi, elles n'auraient plus peur, elles réaliseraient leur supériorité. Ce sont elles qui dorment avec ces hommes, vivent avec eux et les lassent. Moi, j'ai renoncé à tout ça pour n'être qu'un frisson. Et on ne peut pas vivre avec un frisson en permanence. Mais ce n'est pas un passage qu'il faut lire à l'aune de la réalité des choses. C'est un passage de rumination un peu de mal-être.

  • Speaker #0

    C'est le sentiment de ne pas être au niveau. C'est inévitable, même quand on est une écrivaine à succès, jeune, qui a une famille, des enfants, de l'argent. Ça, je pense que c'est une chose qui est assez bien écrite. C'est que malgré la révolution des droits féminins, dans le domaine intime, il y aura toujours un sentiment éventuel de rabaissement que ne connaît pas Antonin, par exemple. Alors que lui, il est plutôt sur le déclin. C'est un aristocrate qui a pris la maison.

  • Speaker #1

    Peut-être qu'il le connaît.

  • Speaker #0

    Il le connaît, mais on n'a pas l'impression, en tout cas. Ça n'a pas l'air de le torturer. Non,

  • Speaker #1

    on a l'impression qu'il vit sa vie de manière très directe, simple, sans trop se poser de questions.

  • Speaker #0

    Il y a une chose qu'on n'a quand même pas dit à propos d'Antonin et qui est importante, c'est la taille imposante de son pénis. Oui,

  • Speaker #1

    et sa vigueur sexuelle assez intéressante.

  • Speaker #0

    Qui est mentionnée à de nombreuses reprises.

  • Speaker #1

    Il les décrit, c'est vraiment la première chose qu'on dit à propos de lui, quand elle l'entend parler de lui plus qu'elle le connaît, c'est un excellent coup.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Antonin est un compagnon délicieux, sans prétention, sans affaîtré et d'une grande papeveillance. Mais juste avant, je crois qu'il y a... Tu sais qu'apparemment, ce serait un coup formidable. Et le FEDEC s'en éteint. J'ai l'impression que c'est un coup formidable.

  • Speaker #0

    Il y a une scène assez amusante que j'ai envie de lire, qui est qu'à un moment, elle essaie de se détacher de... Antolin d'Avricourt, en se masturbant et en imaginant des scènes érotiques avec uniquement des femmes. Sauf que d'Avricourt fait une apparition dans son fantasme. Alors que je m'élance dans un orgasme que je veux égoïste, primaire, brutal, dédié à ces gourmandines qui habitent mon imagination, qui vois-je arriver et me ravir à la compagnie de ces dames ? Ma foi, mais c'est d'Avricourt et sa grosse bite.

  • Speaker #1

    Franchement, c'est vraiment une super scène. Parce qu'il y a tout le début où elle est en train d'imaginer un porno dans sa tête. Et donc elle est réalisatrice et elle est un peu chef-op en train de hurler sur ces actrices porno, sur ces performances. Genre maintenant tu te mets à poil et tout.

  • Speaker #0

    Je dirais que c'est assez apaisant. C'est un roman qui est assez apaisant sur peut-être l'évolution des fantasmes à l'époque contemporaine féministe. Dans la mesure où il y a beaucoup de choses qui sont très progressistes dans le livre. Mais il y a aussi des choses qui sont un peu des fantasmes classiques du type insister sur la taille du pénis d'un homme. Ce n'est pas vraiment la sexualité positive contemporaine telle qu'on pourrait l'imaginer. Et là, les deux coexistent de façon assez légère et plaisante. C'est à côté, en effet, on peut avoir des fantasmes à l'ancienne et en même temps être très libérée sexuellement, et ce n'est pas très grave. Il y a une chose aussi que je trouvais assez plaisante, et c'est un débat qu'on peut ouvrir, ça peut ouvrir le débat post-podcast, c'est qu'on a l'impression qu'elle retrouve le goût d'écrire. en lien avec la volonté d'exprimer des sentiments amoureux. C'est la correspondance, en gros. Elle se remet à écrire aussi son livre. Ça lui donne une idée de livre, d'avoir une correspondance très écrite avec son amant. Je trouve ça assez touchant de voir que le retour à l'écriture, c'est aussi un retour au désir, parce qu'elle écrit que dire tu me manques, j'ai envie de te revoir En fait, ce n'est pas très intéressant dans des relations sentimentales. Ce qui est sympa, c'est d'envoyer des longues lettres, de les attendre, de les lire le lendemain. Et notamment, il y a un passage où les SMS ne marchent plus, donc ils passent à WhatsApp. Et là, ça brise un peu leur dynamique épistolaire, sentimentale, parce qu'en fait, elles voient qu'il est en train d'écrire, ils peuvent s'envoyer des émojis, et d'un coup, ça rompt un peu le mystère sexuel.

  • Speaker #1

    Oui, donc elle fait référence à un fragment d'un discours amoureux, et c'est fait de manière un peu grosse abobre en intercéléractuelle. Mais il se trouve que dans le fragment d'un discours amoureux, Barthes raconte le plaisir d'écrire des lettres. plaisir épistolaire d'écrire à son amant. Et finalement, c'est des lettres qui sont totalement creuses parce que le vrai sujet de la lettre, c'est la réception, l'objet, le fait... C'est juste genre je pense à toi. L'enjeu de la lettre, toutes les phrases qu'on écrit sur une lettre, c'est juste je pense à toi, je veux que tu me... Je veux que tu penses à moi. Enfin, c'est vraiment...

  • Speaker #0

    Le fait d'écrire des phrases longues, un peu sophistiquées, c'est une manière de montrer qu'on a pris du temps. Oui. Et c'est peut-être du coup plus touchant, même si le contenu n'est pas très intéressant.

  • Speaker #1

    Je pense qu'elle ne s'en rend pas compte. On en revient à ta critique de base, qui est qu'en fait, elle aurait dû les enlever, ces lettres. Elles ne sont pas si intéressantes que ça. Elles ne sont pas si belles. Alors, certaines sont sympas, mais bon, elle aurait pu en mettre un peu moitié moins. Mais pour elle, en tant que femme aimante, et pour lui, en tant qu'homme aimant, ces lettres sont d'une virtuosité incroyable, tout simplement parce que pour eux, ces mots-là ne sont pas du tout comme nous, on les lit. Et ça... Je pense que c'est pour ça qu'il y a des moments où elle n'a pas voulu couper, parce que pour elle, c'était des lettres incroyables, et pour nous, c'est de la branlette intellectuelle. Mais finalement, branlette intellectuelle et branlette réelle, ce livre nous apprend qu'il ne faut pas trop essayer de les différencier.

  • Speaker #0

    Et peut-être qu'il y a un point qui est intéressant, qu'on voulait aborder, c'est aussi le fait que c'est un objet qui est conçu pour exister en dehors du roman et de la narration, parce que... c'est des personnages réels. Et après, même la promotion du livre se fait avec l'amant du livre, qui a un pseudonyme dans le livre, mais qui existe et qui est reconnaissable.

  • Speaker #1

    Vous tapez Emma Baker sur Wikipédia, vous scrollez jusqu'en bas, et vous avez le vrai nom d'Antonin.

  • Speaker #0

    Ils font une promo ensemble.

  • Speaker #1

    Ils font une promo ensemble. C'est vraiment intéressant comment, genre, il y a le manuscrit qui s'immisce dans le livre, donc Antonin lit le manuscrit d'Emma, mais en même temps... Il y a une couche au-dessus. Le réel s'immisce dans notre lecture. Notre lecture n'est pas pure. Je ne sais pas comment toi tu l'as vécu, mais moi je l'ai lu et j'essaye de lire sans trop m'intéresser à la critique, à ce que les gens disent. Ensuite, je suis allée fouiner sur le compte Instagram d'Emma Baker. C'est comme ça que j'ai découvert qu'Antonin existait vraiment et qu'il faisait des délicaces avec elle.

  • Speaker #0

    La question qu'on pourrait se poser, c'est... Moi, je ne me suis pas du tout renseigné. J'ai lu le livre de façon assez pure, sans me renseigner jusqu'à la fin du livre. Mais ça pourrait presque donner l'impression que c'est vraiment fictif et qu'ils se sont juste mis d'accord pour... faire une sorte de buzz mondain. C'est-à-dire, en fait...

  • Speaker #1

    Théorie de complot, en fait, ils ne vont jamais baiser.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait, peut-être qu'ils se sont dit, ah tiens, ils sont amis, ce serait amusant de faire un roman érotique dont on ferait la promotion, ça attire l'attention. Le fait que ça puisse être incarné par des gens dans les médias, c'est un bon argument de vente. Et après, ça crée un produit très instagramable.

  • Speaker #1

    Ouais,

  • Speaker #0

    on en revient à Instagram. Ça donne presque l'impression que ça pourrait être conçu pour ça. C'est comme si c'était très scandaleux, les gens vont en parler.

  • Speaker #1

    Oui. Mais ce qui est marrant, c'est que la portée scandale, elle en parle assez peu. Elle parle un peu de la maison, du stigmate de la pute. Elle dit sortir avec un tel homme, alors que tout le monde me connaît comme une pute. Ce qui est frappant, c'est qu'elle ne parle pas au quotidien de ce que ça fait. Alors si elle parle de quand elle fait des signatures, les gens se confient beaucoup. C'est intéressant parce qu'on se rend compte qu'en partageant de manière si intime son intimité, les gens se permettent de lui dire des choses qu'ils ne se permettraient pas de dire à n'importe qui. Ce qui est frappant, parce qu'elle-même se refuse à avoir un psychologue, justement, parce qu'elle est là, genre, non, non, je ne veux pas en parler à personne. Ce qui est frappant, parce qu'elle en parle à tout le monde. Alors, elle parle de mépris de classe, mais elle parle aussi d'un truc un peu concret, qui est que pour avoir un amant, il faut avoir des thunes, quoi. Et elle, heureusement, ce n'est pas elle qui a les thunes, c'est son éditeur qui peut lui payer des allers-retours entre le Var et Paris. Donc, en fait, il y a... Il y a un allié dans toute cette histoire, il y a un élément d'aide, il y a un adjuvant, qui est la maison d'édition. S'il n'y avait pas eu toutes ces interviews, elle n'aurait jamais pu autant coucher avec son amant.

  • Speaker #0

    Merci Albin Michel.

  • Speaker #1

    Mais c'est un bon investissement, si je peux me permettre, Albin Michel. Elle a pu se faire plein de... Un retour sur investissement incroyable.

  • Speaker #0

    À quand l'adaptation cinéma-cultographique ?

  • Speaker #1

    Et donc, il y a un passage où elle parle avec une femme qui s'appelle Blandine. Évidemment, j'ai perdu le passage. Mais moi, c'est un des passages que j'ai le plus aimé. Où, bon, je vais devoir paraphraser parce que je ne retrouve pas le texte. Où Blandine est toute émoustillée. C'est une femme d'un certain âge, je dirais, voilà, une soixantaine d'années. Et Emma se confie à cette femme en mode, voilà, j'ai un amant. Et Blandine est trop contente parce que ça lui rappelle un peu sa jeunesse. Et donc, elle est un peu genre, raconte-moi tout trop bien et tout. Jusqu'au moment où il y a le et les enfants qui arrive, et là, Blandine est là, genre, non, non, mais stop, on s'arrête, ça m'a fait plaisir de t'entendre parler de tout ça, mais on s'arrête là tout de suite. Et je trouve que c'était un passage qui a été très frattant, parce qu'en fait, il y a un peu un passage putain de boomer, quoi. Il y a un peu une sorte de lutte générationnelle, en fait, entre Chuck, le personnage de Chuck, et le personnage de Blandine aussi. Les personnages un peu plus vieux sont un peu là pour, comme principe de réalité, relou, mais eux-mêmes peuvent jouir, parce que comme ils ont l'argent et le... temps et la retraite et la weed, ils sont tranquilles. Mais elle, elle est un peu milléniale. Voilà, c'était une autre interprétation de cette lecture qui est les boomers contre les milléniales.

  • Speaker #0

    Vous savez qu'il y a son père qui apparaît à la fin et à qui elle pense se confesser. Elle renonce finalement à le faire. Et il y a également une scène un peu de conflit où elle se découvre. Elle découvre que son grand-père était le chef opérateur d'un réalisateur polonais. qui fait des films érotiques, qui a fait une dizaine de films érotiques avec son grand-père comme chef opérateur. Et du coup, elle y voit une sorte de destin ou de filiation.

  • Speaker #1

    D'aristocratie, mais admette.

  • Speaker #0

    Elle serait l'héritière, en quelque sorte, du travail de son grand-père, déjà proche des milieux érotiques au pornographique. Et son père casse un peu ce fantasme en disant que le grand-père... n'appréciait pas du tout ce travail, que c'était juste un travail alimentaire.

  • Speaker #1

    Oui, et en fait, elle trouve la solution à ce livre, ce nœud très fort, par ce grand-père, pour deux raisons. Un, elle s'invente une aristocratie, donc maintenant, elle est à pied d'égalité avec son amant aristocrate, puisqu'elle-même viendrait d'une autre aristocratie, mais une aristocratie du cul, quoi. Et de l'autre côté, son grand-père et sa grand-mère, il est un peu découvert à demi-mot, ont eu énormément d'amants et ont été tous les deux adultères. Et grâce à ça, ont été des bons parents vis-à-vis de sa mère, je crois. Et donc, il y a cette idée de... Non, mais c'est en fait OK d'avoir des adultères parce que ça te permet d'être un peu détente, un peu chill et de moins subir tes enfants. Petite acrobatie pour finir le livre. Et c'est trop drôle parce que le livre finit de manière ultra abrupte pour une raison. qui a l'air assez évidente, c'est qu'il y a le prochain qui arrive. Maintenant, Emma Baker, c'est une saga, en fait. C'est ça. Parce qu'il y a plein de questions qui sont encore en suspens. Comment elle va divorcer de son mari ? Parce qu'il me semble qu'elle va divorcer, si j'ai bien compris.

  • Speaker #0

    C'est un peu ce qu'on comprend.

  • Speaker #1

    Comment va se passer une vie en tant que, non pas maîtresse, mais en tant qu'officielle, officielle d'un aristocrate ? C'est quoi la suite ? La suite, ce sera sûrement la prochaine rentrée littéraire ou celle d'encore d'après. On va savoir comment Emma Baker va vivre sa vie en tant que... femme de Quincy d'Avricourt.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et aussi, après, il y aura la suite. Comment est-ce que ces enfants vont eux-mêmes réagir ? Et puis, les romans érotiques de ces enfants.

  • Speaker #1

    Parce que c'est une aristocratie,

  • Speaker #0

    donc il faut continuer. Il faut continuer, sinon c'est la honte.

  • Speaker #1

    Ils ne peuvent pas devenir experts comptables, malheureux.

  • Speaker #0

    C'est impossible.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est un torchon, une bonne surprise ? Moi, ça a été une excellente surprise pour moi, personnellement. Moi, j'ai vraiment adoré le lire. Moi, je recommande. Je recommande la lecture. Évidemment, moi... Bon, avec les caveats. Précisément. Voilà, si c'est votre truc, lisez-le. Toi, tu es un peu plus mesuré, parce que tu voulais même pas le finir,

  • Speaker #0

    en fait. Oui, en fait, c'est comme quand j'avais beaucoup aimé La Maison. J'avais pas mal d'attentes, en fait. J'ai été en partie... Je dirais que c'était une bonne surprise, du coup. Je dirais pas non plus que c'est un torchon, parce qu'il y a beaucoup de choses intéressantes dedans. C'est un livre qui est assez inhabituel. Et donc, il décrit des choses de façon originale, intéressante. ça ne peut que susciter des... Je recommande la lecture, mais je ne dirais pas que c'était une bonne surprise. Et puis, si vous avez d'autres lectures que vous avez absolument envie de faire avant, je dirais de les faire.

  • Speaker #1

    Après, ce que tu conseillerais, c'est de lire La Maison.

  • Speaker #0

    Aussi.

  • Speaker #1

    Je le recommande aussi quand même pas mal aux garçons de notre âge, parce qu'il y a un côté où tu as l'impression de découvrir la réalité. Voilà, donc c'est les garçons hétéros qui veulent savoir comment s'est duré le femme. Je trouve qu'il y a un côté...

  • Speaker #0

    De ce point de vue-là, c'est un livre qui est assez rassurant, parce que c'est quand même un mec de 50 ans qui est habillé à l'ancienne. ce qui n'est pas très sexy. Le velours côtelé, par exemple, c'est une matière que moi j'affectionne, mais qui ne remporte pas tous les suffrages. Et là, on a l'impression que d'un coup, être sexy, en fait, c'est avoir 50 ans et être habillé à l'ancienne. Ce qui est plutôt plaisant quand on vient d'avoir 30 ans et qu'on se dit que pendant 20 ans, je peux encore m'habiller comme un vieux papy.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est vrai. Tu as raison. Tu as raison qu'à cette petite lecture à faire, si on est un homme qui a des goûts surannés, si vous aimez l'opéra et les andouillettes. Et le velours côtelé, on vous conseille cette lecture tout simplement parce que ça vous donnera l'occasion de fantasmer, de devenir un objet de fantasme. Enfin, qui ne le veut pas ?

  • Speaker #0

    Qui ne le veut pas ? Non, mais le problème, c'est que moi, je me suis habitué récemment à plus d'austérité. J'allais recommander plutôt la lecture de Racine, mais pour cette Pascale.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Pour que dans ce monde de passion, on trouve l'apaisement du cœur.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Merci beaucoup de nous avoir écoutés jusqu'ici. Si le podcast vous plaît, n'hésitez pas à nous suivre sur notre compte Instagram pour nous donner vos idées et vos réactions à cet épisode. Et je vous conseille de le suivre pour plus de recommandations, plus de critiques et plus de coulisses. On vous embrasse et on vous dit à bientôt !

  • Speaker #0

    À bientôt !

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Est-ce que ce ne serait pas le roman le plus chaud de la rentrée littéraire, le Mal joli d’Emma Becker ? Il possède tous les éléments pour ! Des scènes érotiques particulièrement croustillantes et créatives, une histoire d'amour passionnelle entre deux écrivains, des thèmes féministes sous-jacents sur la maternité, et une sacrée dose d’humour. Bref, il s’est retrouvé dans les posts Instagram de toutes les cool girls d’Instagram, entre un outfit d’automne et un match latte. Le Mal Joli pose la question : peut-on vraiment se permettre d’avoir un amant quand on a un mari, deux enfants, une belle-famille, et un livre à écrire ? Et les deux chroniqueurs de Torchon, Pierre et Léa, apprécient très différemment la réponse… 


ATTENTION ! Le Mal joli est un livre extrêmement cru. Emma Becker décrit en détail et avec familiarité ses pratiques sexuelles. Et nous allons non seulement citer certains passages, mais nous allons en parler avec tout autant de liberté. Si vous êtes au travail, ou alors en public, ou si vous ne souhaitez pas entendre parler de sexualité de cette manière-là, nous vous conseillons d’écouter (ou de réécouter) des épisodes de Torchon plus chastes. On vous aura prévenus ! 


Livres cités : 

Yoga d’Emmanuel Carrère 

Un automne pour te pardonner de Morgane Moncomble 

Gargantua de Rabelais 

Les Liaisons dangereuses de Laclos 

Choisir d’Être mère de Renée Greusard 

Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes

La Maison d’Emma Becker 


Compte instagram de l'émission : https://www.instagram.com/torchon.podcastlitteraire/


Torchon, c’est le podcast qui traite de l’actualité littéraire en lisant des livres pour que vous n’ayez pas à le faire. On est une bande de copain pas du tout critiques littéraires de profession, et pour chaque épisode on se retrouve en mode "club de lecture de l'extrême" et nous lisons un livre qui a fait l’actualité pour vous dire si c’est une bonne surprise ou bien un vrai torchon. Et restez jusqu’à la fin pour nos recommandations littéraires et culture ! 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Torchon, le club de lecture où on lit des livres pour que vous n'ayez pas à le faire. Pour chaque épisode, nous lisons un livre qui a fait l'actualité, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, et nous vous disons si c'est une bonne surprise ou alors un vrai torchon. Grâce à Torchon, vous pourrez briller en société et parler du livre du jour sans même l'avoir lu. Je suis Léa et je suis aujourd'hui avec Pierre.

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #0

    Et nous avons lu Le Mal Joli d'Emma Baker, paru aux éditions Albain Michel en 2024. Attention, Le Mal Joli est un livre extrêmement cru. Emma Baker décrit en dé... taille et avec une grande familiarité ces pratiques sexuelles. Et nous, nous allons non seulement citer certains passages, enfin si on y arrive sans glousser, mais nous allons aussi en parler avec tout autant de liberté. Aussi, Pierre et moi, on est potes depuis des années, donc on va en parler comme deux amis et on aura cette familiarité-là aussi. Donc si vous êtes au travail, si vous êtes en public, si vous ne souhaitez pas nous entendre parler de sexualité de cette manière-là, nous vous conseillons d'écouter ou alors de réécouter d'autres épisodes de Torchon plus chaste. Voilà, on vous aura prévenu, ça peut peut-être être un peu dérangeant comme épisode, mais on va faire de notre mieux pour en parler de manière aussi assez libre. Voilà, ça c'est fait. C'est un livre qui a fait beaucoup de bruit lors de cette rentrée littéraire, déjà parce qu'Emma Baker, elle est quand même déjà très connue pour ses romans à la fois extrêmement érotiques, mais aussi extrêmement réaliste parce que c'est des livres autobiographiques. Alors là, c'est écrit Le mal joli roman Bon, il se trouve que la narratrice s'appelle Emma Baker, c'est-à-dire qu'elle est totalement inspirée par sa vie. J'imagine que le côté roman, c'est lié à des problèmes de pseudonyme, éviter des histoires de procès en diffamation, ce genre de choses. C'est une autrice qui a la trentaine. qui a commencé sa carrière comme journaliste et qui a connu un succès assez phénoménal en parlant de son expérience comme travailleuse du sexe dans un bordel en Allemagne, à Berlin. Ça s'appelle La Maison, et ça a été vendu à plus de 400 000 exemplaires. Et d'ailleurs, toi, tu l'avais lu, La Maison ?

  • Speaker #1

    J'avais lu à sa sortie, et ça m'avait beaucoup plu.

  • Speaker #0

    Oui, moi aussi.

  • Speaker #1

    C'est pour ça aussi que j'ai accepté avec enthousiasme la proposition de lire ce livre contemporain érotique.

  • Speaker #0

    Voilà. Emma Baker, elle a... Un mari, une famille, ils habitent dans le Var, ils ont deux enfants, Isidore et Nini, et elle tombe amoureuse d'un homme. Pour un peu résumer l'intrigue du Maljoli, elle tombe amoureuse d'un homme qui est lui aussi auteur, qu'elle rencontre d'ailleurs lors de la remise d'un prix littéraire. Mais la grande différence entre elle et lui, c'est que lui, c'est un aristocrate, doux-droite, avec deux particules. Il est amateur de pâtes. pantalon en velours côtelé rouge, de pyjama Brooks Brothers, il adore l'opéra, il adore l'andouillette, et il adore les auteurs d'extrême droite. Et donc, ça a sûrement eu une très grande médiatisation aussi, parce que je pense que dans les milieux littéraires, c'était un peu du hot gossip, quoi. C'était leur people à eux, quoi. Et donc, je t'ai proposé de le lire. Déjà parce qu'il a fait un peu l'actualité et c'est aussi parce que c'était le livre que j'ai vu sur tous les Instagram de cool girls. J'ai vu plein de filles aux Instagram assez esthétiques où elles lisent ça sur la terrasse d'un café avec un petit match à la thé. Et ça, je trouve ça dingue parce qu'on va parler de ce qu'il y a à l'intérieur du livre. Mais clairement, moi, je l'ai lu dans le secret de mon appartement. Il n'est pas sorti de chez moi.

  • Speaker #1

    La couverture, d'ailleurs, est un petit peu harmonieuse avec un match à la thé.

  • Speaker #0

    Pierre, est-ce que ça t'a plu comme lecture ?

  • Speaker #1

    Alors, de façon générale, j'ai apprécié lire ce livre, que j'ai d'ailleurs lu très vite, parce que j'ai lu ses 4 ou 5 derniers jours. Mais je dirais qu'il y a certains défauts qui font que... Je ne dirais pas que c'est une lecture qui m'a passionné, et je ne suis pas certain que je l'aurais fini s'il n'y avait pas Torchon, parce que c'est un petit peu répétitif, et que les personnages notamment, on va revenir là-dessus, c'est peut-être un petit peu superficiel. Il y a des passages qui sont très plaisants à lire et très drôles, notamment sexuels et un petit peu burlesques. C'est ça qu'on va aussi revenir là-dessus. On a l'impression un petit peu qu'il aurait fallu une deuxième vague d'édition, c'est-à-dire couper certains passages, ajouter une structure, renforcer certains personnages, et qu'à la fin, ça aurait pu donner un roman peut-être un peu plus fort.

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que c'est un livre qui est très libre, dans les thèmes, dans ce qu'elle fait dans ce livre. Et ça se ressent aussi dans l'édition, où on a l'impression qu'elle... on lui a donné un peu carte blanche. Je trouve que oui, en effet, il y a beaucoup de répétitions dans les scènes. Cela étant dit, moi ça m'a beaucoup beaucoup plu. Après moi j'ai été malade toute cette semaine et donc j'étais dans un état où tu sais ton corps marche pas, ton corps est réduit à un flux nasal constant et une toux et donc lire les histoires de cul d'Emma Baker ça m'a fait trop plaisir parce que ça m'a rappelé que parfois ton corps est en bonne santé et que tu peux faire des trucs marrants avec. Un autre truc que j'ai vraiment beaucoup apprécié dans cette lecture, alors tu dis que c'est un peu trop long et je suis assez d'accord, je pense qu'il y a beaucoup de répétitions mais il y a quand même une grande structure autour d'une sorte de code de la comédie romantique moi je l'ai lu un peu comme une sorte de perversion d'une structure classique de la comédie romantique, c'est-à-dire que il y a la rencontre il y a le premier date il y a la première fois qu'ils font l'amour il y a la première fois où ils se disent je t'aime l'un à l'autre, il y a l'élément perturbateur qui sont en fait les enfants... les deux mois où ils sont en vacances et donc ils ne peuvent pas se parler, ils peuvent se parler, mais en tout cas ils ne peuvent pas se voir, ils sont vécus comme un peu une sorte d'obstacle et de d'épreuve. Et à la fin, l'idée que voilà, il va y avoir la confession, où ils vont déclarer au monde leur amour. Et à la fin, la dernière scène où, on vous spoil, mais à la dernière scène où ils se retrouvent sur le pont neuf et ils disent c'est toi, c'est toi maintenant. Bah oui, Becker, c'est toi. Ça c'est la dernière. Mais il y a une perversion dans le sens où, dans la comédie romantique, on n'est pas aussi truculent. Et là, il y a quand même des scènes qui sont des... Moi, je trouve des jouissances de lecture énormes. Il y a des passages qui sont...

  • Speaker #1

    Par exemple, c'est vrai qu'une chose qui est assez drôle, et j'aimerais bien dire d'abord que j'ai participé au podcast sur Regards éventuels, et maintenant sur celui-là. Mais je ne participe pas que à des podcasts qui impliquent des proutes et des relations sexuelles. d'horribles. Mais c'est vrai qu'il y a par exemple des passages assez amusants sur son envie de flatulence avant des relations sexuelles, où elle décrit en grand détail ses stratégies pour sortir de la pièce où elle se trouve avec son amant et s'adonner à cette envie de flatulence. Elle n'y arrive pas, et du coup après quand elle lui avoue ça, il est choqué et l'invite à se soulager devant lui.

  • Speaker #0

    Et elle n'y arrive pas quand même, et donc c'est marrant. Moi, je trouve que c'est un passage qui est marrant, qui est répétitif parce qu'il y a une autre scène qui est la scène du lavement où elle essaie de se laver avant une sodomie. Et c'est une scène qui est très longue que j'ai trouvée vraiment rigolote. C'est marrant parce que ça pourrait être vraiment... Je pense que c'est vraiment le talent d'Emma Baker parce qu'elle pourrait vraiment nous faire une scène nulle. Et là, ça marche vachement bien. Et je pense que j'aime bien ces deux scènes parce que ça rappelle un peu... quelque chose qu'on élude beaucoup dans les comédies romantiques, qui est l'enfer du retour du corps dans une relation amoureuse, où tout d'un coup, tu es avec ton amant toute la journée, et tout d'un coup, ton corps reste un corps rablaisien. Et ça, c'était vraiment marrant, parce que ça lui permet de nous dire, de dire à son amant et de nous dire à nous, que je vais vous parler de tout. tout ce qui fait l'amour et l'amour c'est non seulement des beaux sentiments et un côté un peu cucu mais c'est aussi genre le sexe, c'est aussi des pratiques sexuelles pas communes, il y a 3-4 pages sur un anulingus où c'est elle qui performe l'anulingus sur lui c'est aussi et c'est un acte d'amour c'est ça qui est trop drôle c'est pas genre on est amoureux et on fait l'amour, c'est vraiment les deux en même temps Et elle va nous dire aussi, je vais vous dire tout ce qu'il y a autour de l'amour, mais qui le fait comme l'envie de péter alors qu'on ne peut pas, ce genre de choses. Après, je pense que ça dépend vraiment du lecteur d'accepter cette partie-là du livre. Je pense qu'il y a des lecteurs, notamment il y a une critique de Bec BD qui trouve ça immonde. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui liront ces passages-là et qui feront genre, ah non, ce n'est pas pour moi, stop, on arrête, je m'arrête là. la scène du lavement pour le coup elle arrive assez tôt et je pense que c'est une manière aussi pour Emma Baker de dire voilà dans tout quoi tu t'engages sacré lecteur après j'ai l'impression d'intégrer un lecteur qui n'existe pas parce qu'on sent qu'elle nous prend pas tellement en compte quand elle écrit ce livre une

  • Speaker #1

    chose que j'ai appréciée et qu'on mentionnait là c'est le côté un petit peu carnavalesque et un petit peu spectaculaire aussi de tout ce qui est lié au sexe et à l'amour au prix parfois d'exagération on peut le dire qui peuvent remettre en cause le lecteur dans ses propres performances. Parce que ça se voit que c'est exagéré. Ils ont des relations sexuelles pendant des jours entiers, des multiples jouissances, il y a des liquides partout qui s'étalent. Après, c'est très spectaculaire, c'est très truculent, c'est souvent assez drôle. C'est raconté avec pas mal de précision, je dirais, et de distance. ce qui les rend plaisants. Et je trouve que c'est assez différent de l'expérience que j'ai de lecteur. À ma connaissance, je n'ai pas de connaissances de romans contemporains avec des scènes érotiques, écrits du point de vue d'une femme, où on sent autant la différence avec d'autres. Par exemple, je pense que dans Yoga, il y a des scènes de sexe assez précises de Carrère, ou dans tous les Wellbeck. C'est aussi explicite que dans les Mavéquerres, mais c'est quand même assez différent. Par exemple, je pense qu'elle, elle insiste moins sur les aspects visuels des relations sexuelles, et peut-être plus sur les sensations internes. Ce qui correspondrait peut-être, je m'avance un petit peu peut-être, à deux expériences différentes de la sexualité masculine et féminine.

  • Speaker #0

    Oui, peut-être. Ou alors peut-être juste, c'est la différence entre Will Beck et elle. Mais ouais, je vois ce que tu veux dire. Moi, ce qui m'a marquée, c'est le rythme. Le fait où on a l'impression qu'ils font toujours autre chose. Tu vois, par exemple, là, j'ai un passage au pif. Ce qui est sympa, c'est que j'ouvre le livre au pif, je tombe sur une scène de cul, donc c'est pratique. Donc là, on est page 189. Au réveil, le monde n'a jamais cessé de bouger. Antonin s'étire, cherche ses lunettes d'une main, mais elles sont de mon côté et j'ai déjà le bout de sa bite dans ma bouche, alors il s'apaise. Je le fais mettre à quatre pattes, ainsi, son cul est à la hauteur de mon visage et je n'ai qu'à m'approcher pour sentir, au-delà des effluves d'égoïste et de lessive, la laine douce et âcre, odeur de transpiration et de mousse sous une pierre soulevée, et puis l'autre odeur, l'odeur humaine, qu'on pourrait trouver révoltante quand on n'a pas le nez dedans et qu'on pourrait renifler jusqu'à en comprendre chaque subtilité. Elle est au fond de cette révolte. Pourquoi elle est d'un tel poinçon au bas-ventre ? Oui, et là, par exemple, on n'est pas dans le visuel, on est dans l'odeur. Et à nouveau, elle nous rappelle qu'il y a quelque chose de révoltant dans l'odeur du corps, et là en particulier l'odeur de l'anus, mais que malgré tout, il y a du kiff, et que c'est un vrai plaisir. Et ça, c'est assez... Moi, à l'inverse... Mon autre expérience de littérature érotique, c'est l'épisode sur Morgane Moncomble, Un automne pour te pardonner, donc la New Romance. La New Romance étant des livres très mainstream, que beaucoup de jeunes familles lisent, où il y a des scènes érotiques. Mais ce qui est marrant, c'est que c'est très chorégraphié. Il y a toute une tension qui se crée. Et en plus de ça, c'est quand même finalement assez hygiénique comme manière de parler de sexe. où d'abord on s'embrasse, ensuite on s'enlève les vêtements, ensuite ça peut être du sexe oral, et puis ensuite on va aller à la pénétration de manière très first base, second base, third base, très à l'américaine. Là, on est vraiment dans une sexualité chaotique où les rapports de pénétration se transforment. C'est marrant parce qu'en fait, il y a une sorte de grosse tension parce qu'on a envie de dire que c'est très réaliste, parce qu'elle nous rappelle... la réalité de la sexualité qui est quelque chose qui n'est pas forcément très hygiénique, mais en même temps, il y a un côté très fantastique, très rabelaisien dans l'accumulation et la rapidité des scènes où on a l'impression que vraiment... C'est épique. Oui, c'est épique. C'est vraiment genre les listes dans Rabelais. C'est le torchocu. C'est vraiment très lié à ça. Et c'est marrant parce que c'est l'unique référence qu'elle n'a pas parce qu'elle a... plein de références, peut-être qu'on peut parler, on peut passer à cette intertextualité qui est très forte dans le texte. Et c'est peut-être la partie que moi j'ai le moins aimée à propos de ce livre d'ailleurs, c'est qu'il y a une grosse intertextualité, elle se fait référence à des auteurs, elle-même, elle parle d'elle en tant qu'autrice, écrivaine, elle passe son temps à dire que c'est son métier, son amant, lui aussi, est écrivain, il s'envoie des manuscrits l'un l'autre, il lit son texte, elle, bizarrement, ne lit pas tellement ce qu'il écrit, voilà.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Et il y a vraiment des gros moments où c'est deux écrivains qui se regardent écrire. Et d'ailleurs, les passages que j'ai trouvé les plus faibles, c'était les moments de correspondance.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'en fait, ils ont une correspondance écrite qu'elles retranscrivent entièrement dans le livre. C'est des lettres entières, des SMS plus précisément. Ça ressemble un tout petit peu, ça fait un petit peu penser aux liaisons dangereuses parce qu'elle est noble, qui s'exprime de façon très châtiée dans les lettres, en mélangeant évidemment des références. explicite et sexuelle, et qu'ils se vouvoient mutuellement. Mais par exemple, c'est vrai qu'il y a un jeu dans lequel ils se vouvoient en début de lettre, et à la fin de chaque lettre, ils se tutoient pour créer une sorte de sentiment d'intimité. Mais c'est un processus qui est répété au moins 5 ou 6 fois, qui peut avoir un côté un peu répétitif, comme livre. Et par ailleurs, sur la question de cette correspondance érotico-sentimentale, et moi, ce que je trouvais assez étonnant, c'est que c'est très sexuel, c'est très explicite, c'est très libéré. Et c'est une correspondance, donc ça fait penser... forcément aux liaisons dangereuses, mais il n'y a aucune malice et il n'y a aucune méchanceté dans les lettres qu'ils envoient. Et du coup, moi, ça m'a fait penser à une théorie que j'ai exposée à Léa précédemment, qui est que quand on est adulte, eh bien, en fait, on s'adoucit et on devient plus sentimental. Alors que dans les liaisons dangereuses, en fait, c'est des très jeunes adultes, voire des adolescents, qui s'écrivent mutuellement et qui sont donc pleins de toute la cruauté de la jeunesse qui n'a pas encore été... Non, non,

  • Speaker #0

    dans les liaisons dangereuses, ils ne sont pas à l'inverse un peu vieux.

  • Speaker #1

    Je crois que même moi. Il a genre 24-25 ans, je crois. Oui ? Oui.

  • Speaker #0

    Moi, j'ai toujours eu cette image que c'est un peu des vétérans de la baise.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est des vétérans, mais qui sont quand même très, très jeunes.

  • Speaker #0

    Oui, et puis de l'époque. Il y a quand même une cruauté dans ce livre. Alors, il y a deux cruautés. Il y a Emma Becker vis-à-vis de ses enfants. Une cruauté assumée. Pas une cruauté voulue, mais elle assume l'aspect affreux. d'être une femme amoureuse d'un autre alors qu'elle doit s'occuper de ses enfants et que ses enfants, ça la fait chier, clairement. Mais il y a une autre cruauté qui est du Quand dira-t-on ? Qu'est-ce qui se passerait si on acceptait notre relation ? Et là, tout d'un coup, il y a la résurgence de la cruauté du monde. Mais là où je suis d'accord avec toi, c'est que c'est extrêmement cucu comme livre. Elle est vraiment extrêmement amoureuse. Et vraiment, elle explose le cliché d'une femme qui fait beaucoup l'amour avec beaucoup d'amants et qui vraiment... La vamp, finalement, est totalement différente que la fille cucue, monogame, totalement amoureuse d'un seul homme. Là, c'est les deux. Ça crée des morceaux de bravoure, d'exaspération quand elle s'enregistre au téléphone parce qu'elle n'en peut plus d'être à quel point elle est conne. Et là, genre, mais c'est pas possible, je ne peux pas tomber amoureuse d'un tel mec. Et moi, c'est vraiment un passage que j'ai vraiment beaucoup aimé, quand bien même, à nouveau, j'aime pas trop les passages où on voit... L'écrivain s'écrit. Alors là, elle parle. Et je trouve que c'est un peu insupportable. Là, j'ai trouvé que c'était plutôt bien fait. Par contre, oui, c'est vrai que c'est un peu lourd, cette obligation qu'ont les gens qui écrivent de l'autofiction, de nous montrer comment ils écrivent. Le seul passage qui a un peu un sens intéressant, c'est quand elle écrit son histoire et elle a un premier manuscrit, qu'elle l'envoie à son amant, à Antonin. Et Antonin lui répond... Ah, mais c'est trop sombre. Pourquoi tu ne parles pas des aspects les plus lumineux ? Et à un moment, il dit Ah, mais tu me mets un peu le nez dans la merde. Et ça, je trouve que c'était intéressant de voir comment le texte en lui-même a un impact sur leur vie à eux deux. Après, il y a un espace de rumination où elle dit Ah oui, en fait, il ne veut pas voir la réalité du truc. Il veut juste les beaux moments. Il ne veut pas voir la réalité. Mais moi, l'écriture, ça me sert justement à penser, à m'apaiser. Toutes ces choses-là que je peux dire à personne parce qu'on est dans le cadre d'un adultère et je ne peux pas me confier à qui que ce soit, je ne peux les confier qu'à l'écriture. Et donc, ce sera les moments les plus sombres que j'écrirai forcément. Et ça, c'est intéressant parce que ça nous permet, en tant que lecteur final, nous, de se dire oui, en effet, il y a des passages qui sont vraiment d'une indécence terrible. Ce qu'elle raconte sur ses enfants, c'est choquant. Mais en fait, elle me dit, c'est le seul truc dont je peux parler parce que les côtés sympas de l'enfance... Je les vis et je peux en parler, c'est OK. Je peux le faire en dehors de l'écriture.

  • Speaker #1

    Et c'est un peu lié à un des défauts du livre, je trouve. C'est que c'est un livre qui se passe dans le 5e et 6e arrondissement, avec deux écrivains. Et toutes les références qu'ils font, c'est un peu des références classiques de ce monde littéraire de Saint-Germain-des-Prés. Donc, il y a beaucoup de connivences. Ça repose un petit peu sur l'idée que le lecteur va voir de quoi on parle. Elle parle du Prix Castel, les gens ne connaissent pas trop le Prix Castel. Elle parle de la rue de Bellechasse, sans expliquer que c'est une des rues les plus chiches du 7e arrondissement. Elle parle de la rue de Bussy, où se passe la plupart des scènes, qui est juste à côté de Saint-Germain-des-Prés. Donc quand on habite dans le quartier, c'est assez amusant, on devine les choses, puis on devine aussi qu'on connaît l'autre écrivain. Tous les personnages, c'est des personnages qui sont liés au monde littéraire, mais ça donne un peu l'impression d'un monde refermé sur soi-même. où ce qui compte, c'est la littérature, les écrivains, les pots et les cocktails. Et peut-être qu'en tant que lecteur, ça frustre un petit peu de ne pas avoir un petit peu plus la réalité du monde, tout simplement.

  • Speaker #0

    Ça contraste avec la maison, où là, tout d'un coup, on est à Berlin, dans une maison close. Là, tout d'un coup, on a l'impression de découvrir un autre univers en aparté. Là, on est en train d'enregistrer, on est au beau milieu du sixième arrondissement. De l'ombre, elle est par là, la rebutée, elle est par là. Et d'ailleurs, le Rosebud, où ils ont leur premier date, c'est un super bar que je conseille. Enfin, moi, ça m'a donné une image d'être écrivain. En France, aujourd'hui, c'est quand même pas mal de mondanité autour de... On reçoit des prix, on va dans des endroits, on va manger dans des restaurants entre écrivains. T'as l'impression que c'est un petit monde où tout le monde est soit éditeur, soit écrivain, soit les deux.

  • Speaker #1

    Et puis c'est vrai qu'il y a peu de personnages autres. C'est-à-dire que, par exemple, le mari, dont le prénom n'est pas nommé, mais c'est un choix aussi d'écriture, on ne sait pas ce qu'il fait, on sait qu'il ne parle pas français, on devine. Après, avec des recherches sur Internet, il est né aux Irlandais, mais on ne le connaît pas. Il y a juste un personnage autre qui existe, c'est Chuck, le beau-père qui vient en vacances. Emma Baker espère qu'il va garder les enfants et les emmener à la plage pour la laisser tranquille avec sa correspondance avec son amant et pour écrire des livres. Et en fait, Chuck, c'est un Australien qui adore fumer des gros joints. Or, Emma Baker a un pot de cannabis chez elle. Et du coup, il passe ses journées à fumer des gros joints et donc, il ne peut pas conduire. Et donc ? C'est sur les autres qui doivent s'occuper des enfants.

  • Speaker #0

    Moi, ce qui m'a marquée, c'est que le mari n'a aucune... Enfin, le mari est...

  • Speaker #1

    Inexistant, presque.

  • Speaker #0

    Inexistant, on ne sait pas ce qu'il pense. Il est invisible. Les enfants sont décrits uniquement par le fait que c'est... Ils foutent la merde, quoi. Ils crient, ils ont... Il faut qu'on s'occupe d'eux. Et même Antonin, l'amant, je trouve, c'est assez intéressant. Il est décrit que par la caricature, que par des lieux communs, des clichés. De type, comment il s'habille, ce qu'il mange, le fait qu'il aime beaucoup l'opéra, le fait qu'il est deux. Mais on ne sait pas ce qu'il pense, on ne sait pas quelles sont ses opinions sur le monde. On comprend que c'est quelqu'un d'un peu lâche. On comprend que c'est quelqu'un d'assez pudique et qui a du mal à exprimer surtout l'aspect négatif des choses.

  • Speaker #1

    C'est vrai que sur Antonin, par exemple, quand elle décrit son intérieur, elle dit qu'il y avait du Glenn Gould passé comme bon son. Et je trouve ça un petit peu paresseux d'un certain côté de se dire... Ah, c'est un type un peu à l'ancienne chez lui qui est chic. Qu'est-ce qu'il fait ? Il écoute du Bach, joué par Glenn Gould. C'est-à-dire, c'est un peu le cliché de base de...

  • Speaker #0

    C'est un peu trop facile.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, c'est un peu trop facile. Et puis pareil, il a des pantalons en velours côtelé et des pochettes en soie. Ça donne l'impression qu'elle ne s'est pas vraiment penchée sur ce que pourrait être concrètement un aristocrate un petit peu désargenté, chic à Paris. Elle dit souvent qu'elle, elle est très différente de lui, mais on n'arrive pas à saisir exactement ce qu'est la différence. C'est pas une différence d'argent.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, Glenn Gould, limite Martha Hagerich. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Typiquement, si Carrère fait ça, c'est un peu plus original. Oui, puis par exemple, la visite du château qu'elle fait à la fin et qu'elle visite son château d'enfance, c'est une scène qui aurait pu être émouvante ou révéler des choses sur le personnage. Et en fait, il ne se passe presque rien. Et la seule chose qu'on retient, c'est qu'ils ont des relations sexuelles dans le parc du jardin. On a un peu l'impression que tous les aspects sociaux sont gommés derrière. la relation qui est avant tout sentimentale et sexuelle.

  • Speaker #0

    C'est sûr. Tout le nœud de ce livre, c'est qu'elle tombe amoureuse d'un homme de droite. Et elle, elle n'est pas de droite, elle est de gauche. Et elle est choquée. Et il n'est pas seulement de droite, mais il est la personnification du lecteur de Figaro. Vraiment, on en est dans un truc assez un peu cliché. Et ce qui est très marquant, je trouve, c'est qu'être de droite, où être de gauche, ce n'est pas une question d'opinion politique, c'est une question d'esthétique. C'est-à-dire que les gens de droite et les gens de gauche ne sont décrits que dans leur esthétique. Et au tout début du livre, page 71, elle dit Je ne lui fais d'avantage confiance qu'à moi-même pour rationaliser ce qui nous rapproche. Je ne suis pas sûre de lui trouver à terme des défauts assez importants pour me détourner de lui, ce qui est quand même fort de café, merde, où est passé ce beau recul dont je faisais des livres. Il y a eu quelques jours au tout début, durant lesquels je plaçais Antonin sur scène comme une caricature. Les boutons de manchette, la chevalière, la gastronomie, l'opéra, les collabos, les particules, les désuétudes, tout ce qui le cantonnait à une amusante passade. J'en parlais à Paul et me pelotonnais dans son ironie pour tenter de rattraper un peu la mienne. Je n'allais quand même pas tomber amoureuse d'un connard de droite. Au même moment, avec le masochisme qui me caractérise, je me disais qu'il serait mieux que me trouver trop provinciale, trop jeune, trop aiguillonnée par le besoin de plaire, pas assez élégante, trop intense, pas assez légère, pas assez sûre d'elle, pas assez jolie, pas assez capricieuse. Et c'est un peu ça le nœud social du texte. C'est pas tant qu'il a des opinions de droite et qu'elle a des opinions de gauche, c'est que lui, il est élégant et elle, elle n'est pas assez élégante. Et donc il y a des passages où, avec Paul, avec son amie, elle discute de l'attrait des hommes de droite, et l'attrait des hommes de droite, c'est... Leur galanterie, leur élégance, le fait qu'ils portent des chemises.

  • Speaker #1

    Et moi, je trouve que, de façon générale, dire qu'un type est exotique parce qu'il est de droite, or être de droite, dans cette définition, c'est... ou être habillée à l'ancienne, ça n'a rien d'original dans le monde qu'elle décrit. C'est-à-dire dans le monde des éditeurs parisiens chic, être habillée à l'ancienne, être soi-même un peu à l'ancienne, avoir des costumes, des cravates en laine et des poches sans soie, c'est juste 50% des gens. Donc elle présente ça un peu comme quelque chose de très exotique, du type Ah, j'ai rencontré quelqu'un qui est très différent de moi. Et ça, on a un peu du mal à y croire, parce que c'est un monde dans lequel il y a des gens qui peuvent, par exemple, ne pas être aristocrate et correct. complètement correspondre à ces codes-là,

  • Speaker #0

    et inversement. Dans Gargantua, comme on l'a dit dans un épisode que vous pouvez aller écouter, il y a des passages, comme je viens de le lire, très gras, très truculent, très choquant aussi, et puis il y a des passages sur le pacifisme, qu'est-ce que c'est qu'être un bon prince, humaniste et tout, et là, je trouve que cette partie-là, cette partie prince humaniste, on le trouve dans un sous-texte féministe assez fort, quand bien même c'est pas un livre féministe, elle n'est pas dans le militantisme du tout, qui est Je vais vous montrer la maternité telle qu'elle est Et ça, c'est quelque chose que je vois pas mal autour de moi depuis une bonne dizaine d'années, limite. Ça a commencé, je trouve. La première fois que j'en ai entendu parler, c'était avec Florence Foresti, l'humoriste. C'est ces femmes qui disent La maternité, c'est pas tout rose. Je vais vous montrer comment s'occuper d'un enfant. En fait, on vous ment, je vais vous dire la vérité. Il y a un livre de la journaliste Renée Grezard qui s'appelle Choisir d'être mère c'est exactement ça. C'est une compilation de toutes les merdes auxquelles tu dois t'attendre si tu veux un enfant pour choisir d'être mère en connaissance de cause. Et là, Emma Baker, elle fait un peu ça. Il y a un peu des passages qui ont la même rapidité, le même rythme, le même côté truculent et marrant, mais pour parler de comment on s'occupe d'un enfant. C'est difficile. Elle essaye de se rattraper, page 276, elle dit Encore un roman où je suis forcée par moi-même de rappeler à quel point j'aime mes enfants, que ce livre n'est pas sur eux, que ça n'est ni Isidore ni Nini qui me bouffe, mais la combinaison de cette tyrannie de la petite enfance avec ce détail non négligeable, un amant. Et j'ajouterais que peut-être je ferais partie de ces gens qui deviennent de bons parents plus tard lorsqu'on fait appel à d'autres qualités en eux, que ce n'est pas un test permanent de patience.

  • Speaker #1

    Je trouve qu'il y a plusieurs scènes quand même assez touchantes pour illustrer la relation intime qu'elle a avec ses enfants et son mari. Par exemple, elle raconte comment elle a fait une sorte de jeu avec un de ses fils quand elle a eu son deuxième, où elle a appris d'abord à son premier enfant, son aîné, qu'elle était enceinte, en lui disant qu'il ne fallait pas que l'enfant le répète à son père. Évidemment, l'enfant l'a fait dès que le père rentre, mais elle s'était cachée pour voir la scène de loin. C'est une scène assez émouvante, j'ai trouvé. Et il y a aussi la scène où elle n'arrive pas à faire dormir les enfants. Elle demande à son mari de prendre le relais. Et il finit par réussir à leur dormir. Et il lui dit en sortant, j'ai dû, pour le tromper les enfants, partir de la pièce à quatre pattes en faisant miaou. Pour qu'il croit que c'était le chat et pas moi qui partaient. Et c'est des petites scènes comme ça qui montrent que, évidemment, l'essentiel du roman, c'est sa passion amoureuse avec son amant. Mais ça n'empêche pas qu'au même moment, il y a beaucoup d'affection, d'intimité. et aussi de bonheur conjugal, même si les deux sont, comment dire, en opposition, bien sûr. Les deux sont agencés de façon subtile.

  • Speaker #0

    Moi, je dirais que c'est un peu le livre de la complainte du libéralisme. Alors, pas libéralisme en mode le marché, mais libéralisme en mode en 2024, on est libre de beaucoup de choses. Et c'est une femme, il y a un de ses amis qui l'a décrit comme la femme la plus libre qu'il connaisse. Donc, en effet, c'est une femme qui est extrêmement libre. Ce qui est rigolo, c'est qu'on sent que malgré cette liberté énorme de notre société actuelle, qui permet à une femme telle que Emma Baker de faire tous ces choix-là, et le choix quand même le plus libre qui est de parler de sa vie sexuelle dans ces termes-là, et bien finalement, il y a quand même des contraintes. Il y a la vie de famille, on en a déjà parlé, il y a le poids de la société, il y a son mec qui est quand même assez lâche. Il y a d'autres petits trucs qu'on ressent quand même, moi, qui m'ont marquée. L'insistance sur le poids, le fait qu'elle parle Elle a très, très envie de perdre du poids. Elle est très contente de l'avoir perdue, c'est quoi. Donc, on voit qu'elle a quand même un rapport au corps qui n'est pas totalement en mode balèque. J'en ai à la foudre.

  • Speaker #1

    Elle dit, par exemple, qu'elle s'épile et elle se lave les parties intimes pour son amant, alors qu'il n'a pas l'air de s'y intéresser particulièrement à la propreté. Mais du coup, ça donne l'impression qu'elle continue à s'auto-imposer des choses énormes, physiques, alors même qu'elles ne sont pas demandées par son amant. On pourrait dire qu'il y a plusieurs étapes dans la libération féminine. Souvent, on dit qu'il y a la libération des droits, puis après, la libération de l'intime. C'est un peu les deux grandes révolutions féministes. Et moi, j'ai l'impression qu'il faudrait presque une troisième étape quand on lit le livre de Emma Baker. C'est la libération du regard sur soi-même.

  • Speaker #0

    parce qu'elle décrit beaucoup de scènes où elle a l'impression, à la pharmacie du village, que tout le monde est au courant qu'elle a un amant, et que du coup tout le monde la juge. Elle raconte comment, en croisant dans la rue une fille qui a un mari avec qui elle a couché par le passé, avec qui Emma Baker a couché, elle a l'impression que cette fille la juge comme une souillon, parce que cette femme qu'elle croise, elle est mieux habillée, elle a des talons, elle est bien peignée, alors qu'Emma Baker, à ce moment-là, elle n'est pas très bien habillée, elle n'est pas très bien peignée. Et du coup... Elle décrit assez bien comment, alors même qu'elle est libérée financièrement et sexuellement, elle continue à se rabaisser en permanence en imaginant que toutes les autres femmes la jugent. Alors même qu'on ne savait pas qu'elle les juge. Enfin, ça peut être complètement... c'est possible, mais il n'y a aucun signe extérieur de ce jugement ou de cette critique. Et donc, je trouve qu'elle montre assez bien comment le phénomène de culpabilisation et de critique de soi qui persiste malgré toutes les autres formes de libération dont sa vie est exemplaire.

  • Speaker #1

    J'ai lu, il y a un passage où son amant Antonin lui dit mais arrête avec cette histoire de lutte des classes et de mépris de classe. Moi, je dois revendre les vieilles bâtisses de ma famille pour éponger les dettes dans ma famille, alors que toi, tu as sûrement vendu des fois plus de livres que moi. Et là, j'ai eu un petit hiiii C'est qu'Emma Baker, à aucun moment dans le livre, dit je suis une écrivaine installée, je vends des livres, je suis... connu, je suis successful. Elle n'a pas du tout le côté qu'adore, j'ai réussi et toi, finalement, tu vivotes. Et c'est frappant parce que moi, je serais à sa place. Oui. Je me dirais quelque chose de l'ordre de j'ai plus rien à prouver. Qu'est-ce que j'ai à prouver ? Alors, le problème, c'est qu'écrire des livres, même, je pense, au niveau d'Emma Baker, il y a très peu de gens qui en vivent. Elle, elle en vit et elle n'en vit pas ultra bien. Je pense que ce qui ressort du livre, c'est qu'elle n'est pas richissime grâce aux 400 000 livres qu'elle a vendus rien que pour la maison. Il y a un peu des moments de rumination où elle décrit Elsa. Elsa, c'est la femme qu'elle rencontre qui a des talons et qui, en fait, est la femme d'un homme.

  • Speaker #0

    Tu as une liaison avec Emeka ?

  • Speaker #1

    Et ce qui est intéressant, c'est que finalement, Elsa, c'est la femme trompée. Donc, tu pourrais te dire que c'est elle qui est dans l'humiliation. C'est elle qui est humiliée. Dans l'image d'épinal que j'ai de l'adultère, la femme humiliée, c'est la femme, ce n'est pas la maîtresse. Ce qui est marrant, c'est qu'il y a une inversion des genres dans l'esprit malade d'Emma Becker qui est que je suis humiliée par cette femme bien peignée. Et c'est impressionnant parce que ce n'est pas ça l'ordre des choses. Enfin, l'ordre des choses normatifs, évidemment. Elle dit, Elsa le sait bien, n'empêche que je sais jeter ce sort aux hommes et elle moins. Ce n'est pas ma faute, je fais ce que je sais faire. Je ne sais pas, moi, m'habiller, me maquiller, me coiffer, évoluer en société sans avoir l'air étrange. Je ne sais pas faire ce qu'elles font, ma puissance réside dans la promesse de l'anéantissement. Il n'y a que moi pour vivre dans ce pays de nerfs ravagés. Les hommes de ces femmes y font de petits séjours dont ils feuillotent les souvenirs une fois de retour chez eux. Et si ces femmes s'arrêtaient un instant pour décomposer leur haine de moi, elles n'auraient plus peur, elles réaliseraient leur supériorité. Ce sont elles qui dorment avec ces hommes, vivent avec eux et les lassent. Moi, j'ai renoncé à tout ça pour n'être qu'un frisson. Et on ne peut pas vivre avec un frisson en permanence. Mais ce n'est pas un passage qu'il faut lire à l'aune de la réalité des choses. C'est un passage de rumination un peu de mal-être.

  • Speaker #0

    C'est le sentiment de ne pas être au niveau. C'est inévitable, même quand on est une écrivaine à succès, jeune, qui a une famille, des enfants, de l'argent. Ça, je pense que c'est une chose qui est assez bien écrite. C'est que malgré la révolution des droits féminins, dans le domaine intime, il y aura toujours un sentiment éventuel de rabaissement que ne connaît pas Antonin, par exemple. Alors que lui, il est plutôt sur le déclin. C'est un aristocrate qui a pris la maison.

  • Speaker #1

    Peut-être qu'il le connaît.

  • Speaker #0

    Il le connaît, mais on n'a pas l'impression, en tout cas. Ça n'a pas l'air de le torturer. Non,

  • Speaker #1

    on a l'impression qu'il vit sa vie de manière très directe, simple, sans trop se poser de questions.

  • Speaker #0

    Il y a une chose qu'on n'a quand même pas dit à propos d'Antonin et qui est importante, c'est la taille imposante de son pénis. Oui,

  • Speaker #1

    et sa vigueur sexuelle assez intéressante.

  • Speaker #0

    Qui est mentionnée à de nombreuses reprises.

  • Speaker #1

    Il les décrit, c'est vraiment la première chose qu'on dit à propos de lui, quand elle l'entend parler de lui plus qu'elle le connaît, c'est un excellent coup.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Antonin est un compagnon délicieux, sans prétention, sans affaîtré et d'une grande papeveillance. Mais juste avant, je crois qu'il y a... Tu sais qu'apparemment, ce serait un coup formidable. Et le FEDEC s'en éteint. J'ai l'impression que c'est un coup formidable.

  • Speaker #0

    Il y a une scène assez amusante que j'ai envie de lire, qui est qu'à un moment, elle essaie de se détacher de... Antolin d'Avricourt, en se masturbant et en imaginant des scènes érotiques avec uniquement des femmes. Sauf que d'Avricourt fait une apparition dans son fantasme. Alors que je m'élance dans un orgasme que je veux égoïste, primaire, brutal, dédié à ces gourmandines qui habitent mon imagination, qui vois-je arriver et me ravir à la compagnie de ces dames ? Ma foi, mais c'est d'Avricourt et sa grosse bite.

  • Speaker #1

    Franchement, c'est vraiment une super scène. Parce qu'il y a tout le début où elle est en train d'imaginer un porno dans sa tête. Et donc elle est réalisatrice et elle est un peu chef-op en train de hurler sur ces actrices porno, sur ces performances. Genre maintenant tu te mets à poil et tout.

  • Speaker #0

    Je dirais que c'est assez apaisant. C'est un roman qui est assez apaisant sur peut-être l'évolution des fantasmes à l'époque contemporaine féministe. Dans la mesure où il y a beaucoup de choses qui sont très progressistes dans le livre. Mais il y a aussi des choses qui sont un peu des fantasmes classiques du type insister sur la taille du pénis d'un homme. Ce n'est pas vraiment la sexualité positive contemporaine telle qu'on pourrait l'imaginer. Et là, les deux coexistent de façon assez légère et plaisante. C'est à côté, en effet, on peut avoir des fantasmes à l'ancienne et en même temps être très libérée sexuellement, et ce n'est pas très grave. Il y a une chose aussi que je trouvais assez plaisante, et c'est un débat qu'on peut ouvrir, ça peut ouvrir le débat post-podcast, c'est qu'on a l'impression qu'elle retrouve le goût d'écrire. en lien avec la volonté d'exprimer des sentiments amoureux. C'est la correspondance, en gros. Elle se remet à écrire aussi son livre. Ça lui donne une idée de livre, d'avoir une correspondance très écrite avec son amant. Je trouve ça assez touchant de voir que le retour à l'écriture, c'est aussi un retour au désir, parce qu'elle écrit que dire tu me manques, j'ai envie de te revoir En fait, ce n'est pas très intéressant dans des relations sentimentales. Ce qui est sympa, c'est d'envoyer des longues lettres, de les attendre, de les lire le lendemain. Et notamment, il y a un passage où les SMS ne marchent plus, donc ils passent à WhatsApp. Et là, ça brise un peu leur dynamique épistolaire, sentimentale, parce qu'en fait, elles voient qu'il est en train d'écrire, ils peuvent s'envoyer des émojis, et d'un coup, ça rompt un peu le mystère sexuel.

  • Speaker #1

    Oui, donc elle fait référence à un fragment d'un discours amoureux, et c'est fait de manière un peu grosse abobre en intercéléractuelle. Mais il se trouve que dans le fragment d'un discours amoureux, Barthes raconte le plaisir d'écrire des lettres. plaisir épistolaire d'écrire à son amant. Et finalement, c'est des lettres qui sont totalement creuses parce que le vrai sujet de la lettre, c'est la réception, l'objet, le fait... C'est juste genre je pense à toi. L'enjeu de la lettre, toutes les phrases qu'on écrit sur une lettre, c'est juste je pense à toi, je veux que tu me... Je veux que tu penses à moi. Enfin, c'est vraiment...

  • Speaker #0

    Le fait d'écrire des phrases longues, un peu sophistiquées, c'est une manière de montrer qu'on a pris du temps. Oui. Et c'est peut-être du coup plus touchant, même si le contenu n'est pas très intéressant.

  • Speaker #1

    Je pense qu'elle ne s'en rend pas compte. On en revient à ta critique de base, qui est qu'en fait, elle aurait dû les enlever, ces lettres. Elles ne sont pas si intéressantes que ça. Elles ne sont pas si belles. Alors, certaines sont sympas, mais bon, elle aurait pu en mettre un peu moitié moins. Mais pour elle, en tant que femme aimante, et pour lui, en tant qu'homme aimant, ces lettres sont d'une virtuosité incroyable, tout simplement parce que pour eux, ces mots-là ne sont pas du tout comme nous, on les lit. Et ça... Je pense que c'est pour ça qu'il y a des moments où elle n'a pas voulu couper, parce que pour elle, c'était des lettres incroyables, et pour nous, c'est de la branlette intellectuelle. Mais finalement, branlette intellectuelle et branlette réelle, ce livre nous apprend qu'il ne faut pas trop essayer de les différencier.

  • Speaker #0

    Et peut-être qu'il y a un point qui est intéressant, qu'on voulait aborder, c'est aussi le fait que c'est un objet qui est conçu pour exister en dehors du roman et de la narration, parce que... c'est des personnages réels. Et après, même la promotion du livre se fait avec l'amant du livre, qui a un pseudonyme dans le livre, mais qui existe et qui est reconnaissable.

  • Speaker #1

    Vous tapez Emma Baker sur Wikipédia, vous scrollez jusqu'en bas, et vous avez le vrai nom d'Antonin.

  • Speaker #0

    Ils font une promo ensemble.

  • Speaker #1

    Ils font une promo ensemble. C'est vraiment intéressant comment, genre, il y a le manuscrit qui s'immisce dans le livre, donc Antonin lit le manuscrit d'Emma, mais en même temps... Il y a une couche au-dessus. Le réel s'immisce dans notre lecture. Notre lecture n'est pas pure. Je ne sais pas comment toi tu l'as vécu, mais moi je l'ai lu et j'essaye de lire sans trop m'intéresser à la critique, à ce que les gens disent. Ensuite, je suis allée fouiner sur le compte Instagram d'Emma Baker. C'est comme ça que j'ai découvert qu'Antonin existait vraiment et qu'il faisait des délicaces avec elle.

  • Speaker #0

    La question qu'on pourrait se poser, c'est... Moi, je ne me suis pas du tout renseigné. J'ai lu le livre de façon assez pure, sans me renseigner jusqu'à la fin du livre. Mais ça pourrait presque donner l'impression que c'est vraiment fictif et qu'ils se sont juste mis d'accord pour... faire une sorte de buzz mondain. C'est-à-dire, en fait...

  • Speaker #1

    Théorie de complot, en fait, ils ne vont jamais baiser.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait, peut-être qu'ils se sont dit, ah tiens, ils sont amis, ce serait amusant de faire un roman érotique dont on ferait la promotion, ça attire l'attention. Le fait que ça puisse être incarné par des gens dans les médias, c'est un bon argument de vente. Et après, ça crée un produit très instagramable.

  • Speaker #1

    Ouais,

  • Speaker #0

    on en revient à Instagram. Ça donne presque l'impression que ça pourrait être conçu pour ça. C'est comme si c'était très scandaleux, les gens vont en parler.

  • Speaker #1

    Oui. Mais ce qui est marrant, c'est que la portée scandale, elle en parle assez peu. Elle parle un peu de la maison, du stigmate de la pute. Elle dit sortir avec un tel homme, alors que tout le monde me connaît comme une pute. Ce qui est frappant, c'est qu'elle ne parle pas au quotidien de ce que ça fait. Alors si elle parle de quand elle fait des signatures, les gens se confient beaucoup. C'est intéressant parce qu'on se rend compte qu'en partageant de manière si intime son intimité, les gens se permettent de lui dire des choses qu'ils ne se permettraient pas de dire à n'importe qui. Ce qui est frappant, parce qu'elle-même se refuse à avoir un psychologue, justement, parce qu'elle est là, genre, non, non, je ne veux pas en parler à personne. Ce qui est frappant, parce qu'elle en parle à tout le monde. Alors, elle parle de mépris de classe, mais elle parle aussi d'un truc un peu concret, qui est que pour avoir un amant, il faut avoir des thunes, quoi. Et elle, heureusement, ce n'est pas elle qui a les thunes, c'est son éditeur qui peut lui payer des allers-retours entre le Var et Paris. Donc, en fait, il y a... Il y a un allié dans toute cette histoire, il y a un élément d'aide, il y a un adjuvant, qui est la maison d'édition. S'il n'y avait pas eu toutes ces interviews, elle n'aurait jamais pu autant coucher avec son amant.

  • Speaker #0

    Merci Albin Michel.

  • Speaker #1

    Mais c'est un bon investissement, si je peux me permettre, Albin Michel. Elle a pu se faire plein de... Un retour sur investissement incroyable.

  • Speaker #0

    À quand l'adaptation cinéma-cultographique ?

  • Speaker #1

    Et donc, il y a un passage où elle parle avec une femme qui s'appelle Blandine. Évidemment, j'ai perdu le passage. Mais moi, c'est un des passages que j'ai le plus aimé. Où, bon, je vais devoir paraphraser parce que je ne retrouve pas le texte. Où Blandine est toute émoustillée. C'est une femme d'un certain âge, je dirais, voilà, une soixantaine d'années. Et Emma se confie à cette femme en mode, voilà, j'ai un amant. Et Blandine est trop contente parce que ça lui rappelle un peu sa jeunesse. Et donc, elle est un peu genre, raconte-moi tout trop bien et tout. Jusqu'au moment où il y a le et les enfants qui arrive, et là, Blandine est là, genre, non, non, mais stop, on s'arrête, ça m'a fait plaisir de t'entendre parler de tout ça, mais on s'arrête là tout de suite. Et je trouve que c'était un passage qui a été très frattant, parce qu'en fait, il y a un peu un passage putain de boomer, quoi. Il y a un peu une sorte de lutte générationnelle, en fait, entre Chuck, le personnage de Chuck, et le personnage de Blandine aussi. Les personnages un peu plus vieux sont un peu là pour, comme principe de réalité, relou, mais eux-mêmes peuvent jouir, parce que comme ils ont l'argent et le... temps et la retraite et la weed, ils sont tranquilles. Mais elle, elle est un peu milléniale. Voilà, c'était une autre interprétation de cette lecture qui est les boomers contre les milléniales.

  • Speaker #0

    Vous savez qu'il y a son père qui apparaît à la fin et à qui elle pense se confesser. Elle renonce finalement à le faire. Et il y a également une scène un peu de conflit où elle se découvre. Elle découvre que son grand-père était le chef opérateur d'un réalisateur polonais. qui fait des films érotiques, qui a fait une dizaine de films érotiques avec son grand-père comme chef opérateur. Et du coup, elle y voit une sorte de destin ou de filiation.

  • Speaker #1

    D'aristocratie, mais admette.

  • Speaker #0

    Elle serait l'héritière, en quelque sorte, du travail de son grand-père, déjà proche des milieux érotiques au pornographique. Et son père casse un peu ce fantasme en disant que le grand-père... n'appréciait pas du tout ce travail, que c'était juste un travail alimentaire.

  • Speaker #1

    Oui, et en fait, elle trouve la solution à ce livre, ce nœud très fort, par ce grand-père, pour deux raisons. Un, elle s'invente une aristocratie, donc maintenant, elle est à pied d'égalité avec son amant aristocrate, puisqu'elle-même viendrait d'une autre aristocratie, mais une aristocratie du cul, quoi. Et de l'autre côté, son grand-père et sa grand-mère, il est un peu découvert à demi-mot, ont eu énormément d'amants et ont été tous les deux adultères. Et grâce à ça, ont été des bons parents vis-à-vis de sa mère, je crois. Et donc, il y a cette idée de... Non, mais c'est en fait OK d'avoir des adultères parce que ça te permet d'être un peu détente, un peu chill et de moins subir tes enfants. Petite acrobatie pour finir le livre. Et c'est trop drôle parce que le livre finit de manière ultra abrupte pour une raison. qui a l'air assez évidente, c'est qu'il y a le prochain qui arrive. Maintenant, Emma Baker, c'est une saga, en fait. C'est ça. Parce qu'il y a plein de questions qui sont encore en suspens. Comment elle va divorcer de son mari ? Parce qu'il me semble qu'elle va divorcer, si j'ai bien compris.

  • Speaker #0

    C'est un peu ce qu'on comprend.

  • Speaker #1

    Comment va se passer une vie en tant que, non pas maîtresse, mais en tant qu'officielle, officielle d'un aristocrate ? C'est quoi la suite ? La suite, ce sera sûrement la prochaine rentrée littéraire ou celle d'encore d'après. On va savoir comment Emma Baker va vivre sa vie en tant que... femme de Quincy d'Avricourt.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et aussi, après, il y aura la suite. Comment est-ce que ces enfants vont eux-mêmes réagir ? Et puis, les romans érotiques de ces enfants.

  • Speaker #1

    Parce que c'est une aristocratie,

  • Speaker #0

    donc il faut continuer. Il faut continuer, sinon c'est la honte.

  • Speaker #1

    Ils ne peuvent pas devenir experts comptables, malheureux.

  • Speaker #0

    C'est impossible.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est un torchon, une bonne surprise ? Moi, ça a été une excellente surprise pour moi, personnellement. Moi, j'ai vraiment adoré le lire. Moi, je recommande. Je recommande la lecture. Évidemment, moi... Bon, avec les caveats. Précisément. Voilà, si c'est votre truc, lisez-le. Toi, tu es un peu plus mesuré, parce que tu voulais même pas le finir,

  • Speaker #0

    en fait. Oui, en fait, c'est comme quand j'avais beaucoup aimé La Maison. J'avais pas mal d'attentes, en fait. J'ai été en partie... Je dirais que c'était une bonne surprise, du coup. Je dirais pas non plus que c'est un torchon, parce qu'il y a beaucoup de choses intéressantes dedans. C'est un livre qui est assez inhabituel. Et donc, il décrit des choses de façon originale, intéressante. ça ne peut que susciter des... Je recommande la lecture, mais je ne dirais pas que c'était une bonne surprise. Et puis, si vous avez d'autres lectures que vous avez absolument envie de faire avant, je dirais de les faire.

  • Speaker #1

    Après, ce que tu conseillerais, c'est de lire La Maison.

  • Speaker #0

    Aussi.

  • Speaker #1

    Je le recommande aussi quand même pas mal aux garçons de notre âge, parce qu'il y a un côté où tu as l'impression de découvrir la réalité. Voilà, donc c'est les garçons hétéros qui veulent savoir comment s'est duré le femme. Je trouve qu'il y a un côté...

  • Speaker #0

    De ce point de vue-là, c'est un livre qui est assez rassurant, parce que c'est quand même un mec de 50 ans qui est habillé à l'ancienne. ce qui n'est pas très sexy. Le velours côtelé, par exemple, c'est une matière que moi j'affectionne, mais qui ne remporte pas tous les suffrages. Et là, on a l'impression que d'un coup, être sexy, en fait, c'est avoir 50 ans et être habillé à l'ancienne. Ce qui est plutôt plaisant quand on vient d'avoir 30 ans et qu'on se dit que pendant 20 ans, je peux encore m'habiller comme un vieux papy.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est vrai. Tu as raison. Tu as raison qu'à cette petite lecture à faire, si on est un homme qui a des goûts surannés, si vous aimez l'opéra et les andouillettes. Et le velours côtelé, on vous conseille cette lecture tout simplement parce que ça vous donnera l'occasion de fantasmer, de devenir un objet de fantasme. Enfin, qui ne le veut pas ?

  • Speaker #0

    Qui ne le veut pas ? Non, mais le problème, c'est que moi, je me suis habitué récemment à plus d'austérité. J'allais recommander plutôt la lecture de Racine, mais pour cette Pascale.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Pour que dans ce monde de passion, on trouve l'apaisement du cœur.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Merci beaucoup de nous avoir écoutés jusqu'ici. Si le podcast vous plaît, n'hésitez pas à nous suivre sur notre compte Instagram pour nous donner vos idées et vos réactions à cet épisode. Et je vous conseille de le suivre pour plus de recommandations, plus de critiques et plus de coulisses. On vous embrasse et on vous dit à bientôt !

  • Speaker #0

    À bientôt !

Description

Est-ce que ce ne serait pas le roman le plus chaud de la rentrée littéraire, le Mal joli d’Emma Becker ? Il possède tous les éléments pour ! Des scènes érotiques particulièrement croustillantes et créatives, une histoire d'amour passionnelle entre deux écrivains, des thèmes féministes sous-jacents sur la maternité, et une sacrée dose d’humour. Bref, il s’est retrouvé dans les posts Instagram de toutes les cool girls d’Instagram, entre un outfit d’automne et un match latte. Le Mal Joli pose la question : peut-on vraiment se permettre d’avoir un amant quand on a un mari, deux enfants, une belle-famille, et un livre à écrire ? Et les deux chroniqueurs de Torchon, Pierre et Léa, apprécient très différemment la réponse… 


ATTENTION ! Le Mal joli est un livre extrêmement cru. Emma Becker décrit en détail et avec familiarité ses pratiques sexuelles. Et nous allons non seulement citer certains passages, mais nous allons en parler avec tout autant de liberté. Si vous êtes au travail, ou alors en public, ou si vous ne souhaitez pas entendre parler de sexualité de cette manière-là, nous vous conseillons d’écouter (ou de réécouter) des épisodes de Torchon plus chastes. On vous aura prévenus ! 


Livres cités : 

Yoga d’Emmanuel Carrère 

Un automne pour te pardonner de Morgane Moncomble 

Gargantua de Rabelais 

Les Liaisons dangereuses de Laclos 

Choisir d’Être mère de Renée Greusard 

Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes

La Maison d’Emma Becker 


Compte instagram de l'émission : https://www.instagram.com/torchon.podcastlitteraire/


Torchon, c’est le podcast qui traite de l’actualité littéraire en lisant des livres pour que vous n’ayez pas à le faire. On est une bande de copain pas du tout critiques littéraires de profession, et pour chaque épisode on se retrouve en mode "club de lecture de l'extrême" et nous lisons un livre qui a fait l’actualité pour vous dire si c’est une bonne surprise ou bien un vrai torchon. Et restez jusqu’à la fin pour nos recommandations littéraires et culture ! 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Torchon, le club de lecture où on lit des livres pour que vous n'ayez pas à le faire. Pour chaque épisode, nous lisons un livre qui a fait l'actualité, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, et nous vous disons si c'est une bonne surprise ou alors un vrai torchon. Grâce à Torchon, vous pourrez briller en société et parler du livre du jour sans même l'avoir lu. Je suis Léa et je suis aujourd'hui avec Pierre.

  • Speaker #1

    Bonjour !

  • Speaker #0

    Et nous avons lu Le Mal Joli d'Emma Baker, paru aux éditions Albain Michel en 2024. Attention, Le Mal Joli est un livre extrêmement cru. Emma Baker décrit en dé... taille et avec une grande familiarité ces pratiques sexuelles. Et nous, nous allons non seulement citer certains passages, enfin si on y arrive sans glousser, mais nous allons aussi en parler avec tout autant de liberté. Aussi, Pierre et moi, on est potes depuis des années, donc on va en parler comme deux amis et on aura cette familiarité-là aussi. Donc si vous êtes au travail, si vous êtes en public, si vous ne souhaitez pas nous entendre parler de sexualité de cette manière-là, nous vous conseillons d'écouter ou alors de réécouter d'autres épisodes de Torchon plus chaste. Voilà, on vous aura prévenu, ça peut peut-être être un peu dérangeant comme épisode, mais on va faire de notre mieux pour en parler de manière aussi assez libre. Voilà, ça c'est fait. C'est un livre qui a fait beaucoup de bruit lors de cette rentrée littéraire, déjà parce qu'Emma Baker, elle est quand même déjà très connue pour ses romans à la fois extrêmement érotiques, mais aussi extrêmement réaliste parce que c'est des livres autobiographiques. Alors là, c'est écrit Le mal joli roman Bon, il se trouve que la narratrice s'appelle Emma Baker, c'est-à-dire qu'elle est totalement inspirée par sa vie. J'imagine que le côté roman, c'est lié à des problèmes de pseudonyme, éviter des histoires de procès en diffamation, ce genre de choses. C'est une autrice qui a la trentaine. qui a commencé sa carrière comme journaliste et qui a connu un succès assez phénoménal en parlant de son expérience comme travailleuse du sexe dans un bordel en Allemagne, à Berlin. Ça s'appelle La Maison, et ça a été vendu à plus de 400 000 exemplaires. Et d'ailleurs, toi, tu l'avais lu, La Maison ?

  • Speaker #1

    J'avais lu à sa sortie, et ça m'avait beaucoup plu.

  • Speaker #0

    Oui, moi aussi.

  • Speaker #1

    C'est pour ça aussi que j'ai accepté avec enthousiasme la proposition de lire ce livre contemporain érotique.

  • Speaker #0

    Voilà. Emma Baker, elle a... Un mari, une famille, ils habitent dans le Var, ils ont deux enfants, Isidore et Nini, et elle tombe amoureuse d'un homme. Pour un peu résumer l'intrigue du Maljoli, elle tombe amoureuse d'un homme qui est lui aussi auteur, qu'elle rencontre d'ailleurs lors de la remise d'un prix littéraire. Mais la grande différence entre elle et lui, c'est que lui, c'est un aristocrate, doux-droite, avec deux particules. Il est amateur de pâtes. pantalon en velours côtelé rouge, de pyjama Brooks Brothers, il adore l'opéra, il adore l'andouillette, et il adore les auteurs d'extrême droite. Et donc, ça a sûrement eu une très grande médiatisation aussi, parce que je pense que dans les milieux littéraires, c'était un peu du hot gossip, quoi. C'était leur people à eux, quoi. Et donc, je t'ai proposé de le lire. Déjà parce qu'il a fait un peu l'actualité et c'est aussi parce que c'était le livre que j'ai vu sur tous les Instagram de cool girls. J'ai vu plein de filles aux Instagram assez esthétiques où elles lisent ça sur la terrasse d'un café avec un petit match à la thé. Et ça, je trouve ça dingue parce qu'on va parler de ce qu'il y a à l'intérieur du livre. Mais clairement, moi, je l'ai lu dans le secret de mon appartement. Il n'est pas sorti de chez moi.

  • Speaker #1

    La couverture, d'ailleurs, est un petit peu harmonieuse avec un match à la thé.

  • Speaker #0

    Pierre, est-ce que ça t'a plu comme lecture ?

  • Speaker #1

    Alors, de façon générale, j'ai apprécié lire ce livre, que j'ai d'ailleurs lu très vite, parce que j'ai lu ses 4 ou 5 derniers jours. Mais je dirais qu'il y a certains défauts qui font que... Je ne dirais pas que c'est une lecture qui m'a passionné, et je ne suis pas certain que je l'aurais fini s'il n'y avait pas Torchon, parce que c'est un petit peu répétitif, et que les personnages notamment, on va revenir là-dessus, c'est peut-être un petit peu superficiel. Il y a des passages qui sont très plaisants à lire et très drôles, notamment sexuels et un petit peu burlesques. C'est ça qu'on va aussi revenir là-dessus. On a l'impression un petit peu qu'il aurait fallu une deuxième vague d'édition, c'est-à-dire couper certains passages, ajouter une structure, renforcer certains personnages, et qu'à la fin, ça aurait pu donner un roman peut-être un peu plus fort.

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que c'est un livre qui est très libre, dans les thèmes, dans ce qu'elle fait dans ce livre. Et ça se ressent aussi dans l'édition, où on a l'impression qu'elle... on lui a donné un peu carte blanche. Je trouve que oui, en effet, il y a beaucoup de répétitions dans les scènes. Cela étant dit, moi ça m'a beaucoup beaucoup plu. Après moi j'ai été malade toute cette semaine et donc j'étais dans un état où tu sais ton corps marche pas, ton corps est réduit à un flux nasal constant et une toux et donc lire les histoires de cul d'Emma Baker ça m'a fait trop plaisir parce que ça m'a rappelé que parfois ton corps est en bonne santé et que tu peux faire des trucs marrants avec. Un autre truc que j'ai vraiment beaucoup apprécié dans cette lecture, alors tu dis que c'est un peu trop long et je suis assez d'accord, je pense qu'il y a beaucoup de répétitions mais il y a quand même une grande structure autour d'une sorte de code de la comédie romantique moi je l'ai lu un peu comme une sorte de perversion d'une structure classique de la comédie romantique, c'est-à-dire que il y a la rencontre il y a le premier date il y a la première fois qu'ils font l'amour il y a la première fois où ils se disent je t'aime l'un à l'autre, il y a l'élément perturbateur qui sont en fait les enfants... les deux mois où ils sont en vacances et donc ils ne peuvent pas se parler, ils peuvent se parler, mais en tout cas ils ne peuvent pas se voir, ils sont vécus comme un peu une sorte d'obstacle et de d'épreuve. Et à la fin, l'idée que voilà, il va y avoir la confession, où ils vont déclarer au monde leur amour. Et à la fin, la dernière scène où, on vous spoil, mais à la dernière scène où ils se retrouvent sur le pont neuf et ils disent c'est toi, c'est toi maintenant. Bah oui, Becker, c'est toi. Ça c'est la dernière. Mais il y a une perversion dans le sens où, dans la comédie romantique, on n'est pas aussi truculent. Et là, il y a quand même des scènes qui sont des... Moi, je trouve des jouissances de lecture énormes. Il y a des passages qui sont...

  • Speaker #1

    Par exemple, c'est vrai qu'une chose qui est assez drôle, et j'aimerais bien dire d'abord que j'ai participé au podcast sur Regards éventuels, et maintenant sur celui-là. Mais je ne participe pas que à des podcasts qui impliquent des proutes et des relations sexuelles. d'horribles. Mais c'est vrai qu'il y a par exemple des passages assez amusants sur son envie de flatulence avant des relations sexuelles, où elle décrit en grand détail ses stratégies pour sortir de la pièce où elle se trouve avec son amant et s'adonner à cette envie de flatulence. Elle n'y arrive pas, et du coup après quand elle lui avoue ça, il est choqué et l'invite à se soulager devant lui.

  • Speaker #0

    Et elle n'y arrive pas quand même, et donc c'est marrant. Moi, je trouve que c'est un passage qui est marrant, qui est répétitif parce qu'il y a une autre scène qui est la scène du lavement où elle essaie de se laver avant une sodomie. Et c'est une scène qui est très longue que j'ai trouvée vraiment rigolote. C'est marrant parce que ça pourrait être vraiment... Je pense que c'est vraiment le talent d'Emma Baker parce qu'elle pourrait vraiment nous faire une scène nulle. Et là, ça marche vachement bien. Et je pense que j'aime bien ces deux scènes parce que ça rappelle un peu... quelque chose qu'on élude beaucoup dans les comédies romantiques, qui est l'enfer du retour du corps dans une relation amoureuse, où tout d'un coup, tu es avec ton amant toute la journée, et tout d'un coup, ton corps reste un corps rablaisien. Et ça, c'était vraiment marrant, parce que ça lui permet de nous dire, de dire à son amant et de nous dire à nous, que je vais vous parler de tout. tout ce qui fait l'amour et l'amour c'est non seulement des beaux sentiments et un côté un peu cucu mais c'est aussi genre le sexe, c'est aussi des pratiques sexuelles pas communes, il y a 3-4 pages sur un anulingus où c'est elle qui performe l'anulingus sur lui c'est aussi et c'est un acte d'amour c'est ça qui est trop drôle c'est pas genre on est amoureux et on fait l'amour, c'est vraiment les deux en même temps Et elle va nous dire aussi, je vais vous dire tout ce qu'il y a autour de l'amour, mais qui le fait comme l'envie de péter alors qu'on ne peut pas, ce genre de choses. Après, je pense que ça dépend vraiment du lecteur d'accepter cette partie-là du livre. Je pense qu'il y a des lecteurs, notamment il y a une critique de Bec BD qui trouve ça immonde. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui liront ces passages-là et qui feront genre, ah non, ce n'est pas pour moi, stop, on arrête, je m'arrête là. la scène du lavement pour le coup elle arrive assez tôt et je pense que c'est une manière aussi pour Emma Baker de dire voilà dans tout quoi tu t'engages sacré lecteur après j'ai l'impression d'intégrer un lecteur qui n'existe pas parce qu'on sent qu'elle nous prend pas tellement en compte quand elle écrit ce livre une

  • Speaker #1

    chose que j'ai appréciée et qu'on mentionnait là c'est le côté un petit peu carnavalesque et un petit peu spectaculaire aussi de tout ce qui est lié au sexe et à l'amour au prix parfois d'exagération on peut le dire qui peuvent remettre en cause le lecteur dans ses propres performances. Parce que ça se voit que c'est exagéré. Ils ont des relations sexuelles pendant des jours entiers, des multiples jouissances, il y a des liquides partout qui s'étalent. Après, c'est très spectaculaire, c'est très truculent, c'est souvent assez drôle. C'est raconté avec pas mal de précision, je dirais, et de distance. ce qui les rend plaisants. Et je trouve que c'est assez différent de l'expérience que j'ai de lecteur. À ma connaissance, je n'ai pas de connaissances de romans contemporains avec des scènes érotiques, écrits du point de vue d'une femme, où on sent autant la différence avec d'autres. Par exemple, je pense que dans Yoga, il y a des scènes de sexe assez précises de Carrère, ou dans tous les Wellbeck. C'est aussi explicite que dans les Mavéquerres, mais c'est quand même assez différent. Par exemple, je pense qu'elle, elle insiste moins sur les aspects visuels des relations sexuelles, et peut-être plus sur les sensations internes. Ce qui correspondrait peut-être, je m'avance un petit peu peut-être, à deux expériences différentes de la sexualité masculine et féminine.

  • Speaker #0

    Oui, peut-être. Ou alors peut-être juste, c'est la différence entre Will Beck et elle. Mais ouais, je vois ce que tu veux dire. Moi, ce qui m'a marquée, c'est le rythme. Le fait où on a l'impression qu'ils font toujours autre chose. Tu vois, par exemple, là, j'ai un passage au pif. Ce qui est sympa, c'est que j'ouvre le livre au pif, je tombe sur une scène de cul, donc c'est pratique. Donc là, on est page 189. Au réveil, le monde n'a jamais cessé de bouger. Antonin s'étire, cherche ses lunettes d'une main, mais elles sont de mon côté et j'ai déjà le bout de sa bite dans ma bouche, alors il s'apaise. Je le fais mettre à quatre pattes, ainsi, son cul est à la hauteur de mon visage et je n'ai qu'à m'approcher pour sentir, au-delà des effluves d'égoïste et de lessive, la laine douce et âcre, odeur de transpiration et de mousse sous une pierre soulevée, et puis l'autre odeur, l'odeur humaine, qu'on pourrait trouver révoltante quand on n'a pas le nez dedans et qu'on pourrait renifler jusqu'à en comprendre chaque subtilité. Elle est au fond de cette révolte. Pourquoi elle est d'un tel poinçon au bas-ventre ? Oui, et là, par exemple, on n'est pas dans le visuel, on est dans l'odeur. Et à nouveau, elle nous rappelle qu'il y a quelque chose de révoltant dans l'odeur du corps, et là en particulier l'odeur de l'anus, mais que malgré tout, il y a du kiff, et que c'est un vrai plaisir. Et ça, c'est assez... Moi, à l'inverse... Mon autre expérience de littérature érotique, c'est l'épisode sur Morgane Moncomble, Un automne pour te pardonner, donc la New Romance. La New Romance étant des livres très mainstream, que beaucoup de jeunes familles lisent, où il y a des scènes érotiques. Mais ce qui est marrant, c'est que c'est très chorégraphié. Il y a toute une tension qui se crée. Et en plus de ça, c'est quand même finalement assez hygiénique comme manière de parler de sexe. où d'abord on s'embrasse, ensuite on s'enlève les vêtements, ensuite ça peut être du sexe oral, et puis ensuite on va aller à la pénétration de manière très first base, second base, third base, très à l'américaine. Là, on est vraiment dans une sexualité chaotique où les rapports de pénétration se transforment. C'est marrant parce qu'en fait, il y a une sorte de grosse tension parce qu'on a envie de dire que c'est très réaliste, parce qu'elle nous rappelle... la réalité de la sexualité qui est quelque chose qui n'est pas forcément très hygiénique, mais en même temps, il y a un côté très fantastique, très rabelaisien dans l'accumulation et la rapidité des scènes où on a l'impression que vraiment... C'est épique. Oui, c'est épique. C'est vraiment genre les listes dans Rabelais. C'est le torchocu. C'est vraiment très lié à ça. Et c'est marrant parce que c'est l'unique référence qu'elle n'a pas parce qu'elle a... plein de références, peut-être qu'on peut parler, on peut passer à cette intertextualité qui est très forte dans le texte. Et c'est peut-être la partie que moi j'ai le moins aimée à propos de ce livre d'ailleurs, c'est qu'il y a une grosse intertextualité, elle se fait référence à des auteurs, elle-même, elle parle d'elle en tant qu'autrice, écrivaine, elle passe son temps à dire que c'est son métier, son amant, lui aussi, est écrivain, il s'envoie des manuscrits l'un l'autre, il lit son texte, elle, bizarrement, ne lit pas tellement ce qu'il écrit, voilà.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Et il y a vraiment des gros moments où c'est deux écrivains qui se regardent écrire. Et d'ailleurs, les passages que j'ai trouvé les plus faibles, c'était les moments de correspondance.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'en fait, ils ont une correspondance écrite qu'elles retranscrivent entièrement dans le livre. C'est des lettres entières, des SMS plus précisément. Ça ressemble un tout petit peu, ça fait un petit peu penser aux liaisons dangereuses parce qu'elle est noble, qui s'exprime de façon très châtiée dans les lettres, en mélangeant évidemment des références. explicite et sexuelle, et qu'ils se vouvoient mutuellement. Mais par exemple, c'est vrai qu'il y a un jeu dans lequel ils se vouvoient en début de lettre, et à la fin de chaque lettre, ils se tutoient pour créer une sorte de sentiment d'intimité. Mais c'est un processus qui est répété au moins 5 ou 6 fois, qui peut avoir un côté un peu répétitif, comme livre. Et par ailleurs, sur la question de cette correspondance érotico-sentimentale, et moi, ce que je trouvais assez étonnant, c'est que c'est très sexuel, c'est très explicite, c'est très libéré. Et c'est une correspondance, donc ça fait penser... forcément aux liaisons dangereuses, mais il n'y a aucune malice et il n'y a aucune méchanceté dans les lettres qu'ils envoient. Et du coup, moi, ça m'a fait penser à une théorie que j'ai exposée à Léa précédemment, qui est que quand on est adulte, eh bien, en fait, on s'adoucit et on devient plus sentimental. Alors que dans les liaisons dangereuses, en fait, c'est des très jeunes adultes, voire des adolescents, qui s'écrivent mutuellement et qui sont donc pleins de toute la cruauté de la jeunesse qui n'a pas encore été... Non, non,

  • Speaker #0

    dans les liaisons dangereuses, ils ne sont pas à l'inverse un peu vieux.

  • Speaker #1

    Je crois que même moi. Il a genre 24-25 ans, je crois. Oui ? Oui.

  • Speaker #0

    Moi, j'ai toujours eu cette image que c'est un peu des vétérans de la baise.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est des vétérans, mais qui sont quand même très, très jeunes.

  • Speaker #0

    Oui, et puis de l'époque. Il y a quand même une cruauté dans ce livre. Alors, il y a deux cruautés. Il y a Emma Becker vis-à-vis de ses enfants. Une cruauté assumée. Pas une cruauté voulue, mais elle assume l'aspect affreux. d'être une femme amoureuse d'un autre alors qu'elle doit s'occuper de ses enfants et que ses enfants, ça la fait chier, clairement. Mais il y a une autre cruauté qui est du Quand dira-t-on ? Qu'est-ce qui se passerait si on acceptait notre relation ? Et là, tout d'un coup, il y a la résurgence de la cruauté du monde. Mais là où je suis d'accord avec toi, c'est que c'est extrêmement cucu comme livre. Elle est vraiment extrêmement amoureuse. Et vraiment, elle explose le cliché d'une femme qui fait beaucoup l'amour avec beaucoup d'amants et qui vraiment... La vamp, finalement, est totalement différente que la fille cucue, monogame, totalement amoureuse d'un seul homme. Là, c'est les deux. Ça crée des morceaux de bravoure, d'exaspération quand elle s'enregistre au téléphone parce qu'elle n'en peut plus d'être à quel point elle est conne. Et là, genre, mais c'est pas possible, je ne peux pas tomber amoureuse d'un tel mec. Et moi, c'est vraiment un passage que j'ai vraiment beaucoup aimé, quand bien même, à nouveau, j'aime pas trop les passages où on voit... L'écrivain s'écrit. Alors là, elle parle. Et je trouve que c'est un peu insupportable. Là, j'ai trouvé que c'était plutôt bien fait. Par contre, oui, c'est vrai que c'est un peu lourd, cette obligation qu'ont les gens qui écrivent de l'autofiction, de nous montrer comment ils écrivent. Le seul passage qui a un peu un sens intéressant, c'est quand elle écrit son histoire et elle a un premier manuscrit, qu'elle l'envoie à son amant, à Antonin. Et Antonin lui répond... Ah, mais c'est trop sombre. Pourquoi tu ne parles pas des aspects les plus lumineux ? Et à un moment, il dit Ah, mais tu me mets un peu le nez dans la merde. Et ça, je trouve que c'était intéressant de voir comment le texte en lui-même a un impact sur leur vie à eux deux. Après, il y a un espace de rumination où elle dit Ah oui, en fait, il ne veut pas voir la réalité du truc. Il veut juste les beaux moments. Il ne veut pas voir la réalité. Mais moi, l'écriture, ça me sert justement à penser, à m'apaiser. Toutes ces choses-là que je peux dire à personne parce qu'on est dans le cadre d'un adultère et je ne peux pas me confier à qui que ce soit, je ne peux les confier qu'à l'écriture. Et donc, ce sera les moments les plus sombres que j'écrirai forcément. Et ça, c'est intéressant parce que ça nous permet, en tant que lecteur final, nous, de se dire oui, en effet, il y a des passages qui sont vraiment d'une indécence terrible. Ce qu'elle raconte sur ses enfants, c'est choquant. Mais en fait, elle me dit, c'est le seul truc dont je peux parler parce que les côtés sympas de l'enfance... Je les vis et je peux en parler, c'est OK. Je peux le faire en dehors de l'écriture.

  • Speaker #1

    Et c'est un peu lié à un des défauts du livre, je trouve. C'est que c'est un livre qui se passe dans le 5e et 6e arrondissement, avec deux écrivains. Et toutes les références qu'ils font, c'est un peu des références classiques de ce monde littéraire de Saint-Germain-des-Prés. Donc, il y a beaucoup de connivences. Ça repose un petit peu sur l'idée que le lecteur va voir de quoi on parle. Elle parle du Prix Castel, les gens ne connaissent pas trop le Prix Castel. Elle parle de la rue de Bellechasse, sans expliquer que c'est une des rues les plus chiches du 7e arrondissement. Elle parle de la rue de Bussy, où se passe la plupart des scènes, qui est juste à côté de Saint-Germain-des-Prés. Donc quand on habite dans le quartier, c'est assez amusant, on devine les choses, puis on devine aussi qu'on connaît l'autre écrivain. Tous les personnages, c'est des personnages qui sont liés au monde littéraire, mais ça donne un peu l'impression d'un monde refermé sur soi-même. où ce qui compte, c'est la littérature, les écrivains, les pots et les cocktails. Et peut-être qu'en tant que lecteur, ça frustre un petit peu de ne pas avoir un petit peu plus la réalité du monde, tout simplement.

  • Speaker #0

    Ça contraste avec la maison, où là, tout d'un coup, on est à Berlin, dans une maison close. Là, tout d'un coup, on a l'impression de découvrir un autre univers en aparté. Là, on est en train d'enregistrer, on est au beau milieu du sixième arrondissement. De l'ombre, elle est par là, la rebutée, elle est par là. Et d'ailleurs, le Rosebud, où ils ont leur premier date, c'est un super bar que je conseille. Enfin, moi, ça m'a donné une image d'être écrivain. En France, aujourd'hui, c'est quand même pas mal de mondanité autour de... On reçoit des prix, on va dans des endroits, on va manger dans des restaurants entre écrivains. T'as l'impression que c'est un petit monde où tout le monde est soit éditeur, soit écrivain, soit les deux.

  • Speaker #1

    Et puis c'est vrai qu'il y a peu de personnages autres. C'est-à-dire que, par exemple, le mari, dont le prénom n'est pas nommé, mais c'est un choix aussi d'écriture, on ne sait pas ce qu'il fait, on sait qu'il ne parle pas français, on devine. Après, avec des recherches sur Internet, il est né aux Irlandais, mais on ne le connaît pas. Il y a juste un personnage autre qui existe, c'est Chuck, le beau-père qui vient en vacances. Emma Baker espère qu'il va garder les enfants et les emmener à la plage pour la laisser tranquille avec sa correspondance avec son amant et pour écrire des livres. Et en fait, Chuck, c'est un Australien qui adore fumer des gros joints. Or, Emma Baker a un pot de cannabis chez elle. Et du coup, il passe ses journées à fumer des gros joints et donc, il ne peut pas conduire. Et donc ? C'est sur les autres qui doivent s'occuper des enfants.

  • Speaker #0

    Moi, ce qui m'a marquée, c'est que le mari n'a aucune... Enfin, le mari est...

  • Speaker #1

    Inexistant, presque.

  • Speaker #0

    Inexistant, on ne sait pas ce qu'il pense. Il est invisible. Les enfants sont décrits uniquement par le fait que c'est... Ils foutent la merde, quoi. Ils crient, ils ont... Il faut qu'on s'occupe d'eux. Et même Antonin, l'amant, je trouve, c'est assez intéressant. Il est décrit que par la caricature, que par des lieux communs, des clichés. De type, comment il s'habille, ce qu'il mange, le fait qu'il aime beaucoup l'opéra, le fait qu'il est deux. Mais on ne sait pas ce qu'il pense, on ne sait pas quelles sont ses opinions sur le monde. On comprend que c'est quelqu'un d'un peu lâche. On comprend que c'est quelqu'un d'assez pudique et qui a du mal à exprimer surtout l'aspect négatif des choses.

  • Speaker #1

    C'est vrai que sur Antonin, par exemple, quand elle décrit son intérieur, elle dit qu'il y avait du Glenn Gould passé comme bon son. Et je trouve ça un petit peu paresseux d'un certain côté de se dire... Ah, c'est un type un peu à l'ancienne chez lui qui est chic. Qu'est-ce qu'il fait ? Il écoute du Bach, joué par Glenn Gould. C'est-à-dire, c'est un peu le cliché de base de...

  • Speaker #0

    C'est un peu trop facile.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça, c'est un peu trop facile. Et puis pareil, il a des pantalons en velours côtelé et des pochettes en soie. Ça donne l'impression qu'elle ne s'est pas vraiment penchée sur ce que pourrait être concrètement un aristocrate un petit peu désargenté, chic à Paris. Elle dit souvent qu'elle, elle est très différente de lui, mais on n'arrive pas à saisir exactement ce qu'est la différence. C'est pas une différence d'argent.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas, Glenn Gould, limite Martha Hagerich. Oui,

  • Speaker #1

    c'est ça. Typiquement, si Carrère fait ça, c'est un peu plus original. Oui, puis par exemple, la visite du château qu'elle fait à la fin et qu'elle visite son château d'enfance, c'est une scène qui aurait pu être émouvante ou révéler des choses sur le personnage. Et en fait, il ne se passe presque rien. Et la seule chose qu'on retient, c'est qu'ils ont des relations sexuelles dans le parc du jardin. On a un peu l'impression que tous les aspects sociaux sont gommés derrière. la relation qui est avant tout sentimentale et sexuelle.

  • Speaker #0

    C'est sûr. Tout le nœud de ce livre, c'est qu'elle tombe amoureuse d'un homme de droite. Et elle, elle n'est pas de droite, elle est de gauche. Et elle est choquée. Et il n'est pas seulement de droite, mais il est la personnification du lecteur de Figaro. Vraiment, on en est dans un truc assez un peu cliché. Et ce qui est très marquant, je trouve, c'est qu'être de droite, où être de gauche, ce n'est pas une question d'opinion politique, c'est une question d'esthétique. C'est-à-dire que les gens de droite et les gens de gauche ne sont décrits que dans leur esthétique. Et au tout début du livre, page 71, elle dit Je ne lui fais d'avantage confiance qu'à moi-même pour rationaliser ce qui nous rapproche. Je ne suis pas sûre de lui trouver à terme des défauts assez importants pour me détourner de lui, ce qui est quand même fort de café, merde, où est passé ce beau recul dont je faisais des livres. Il y a eu quelques jours au tout début, durant lesquels je plaçais Antonin sur scène comme une caricature. Les boutons de manchette, la chevalière, la gastronomie, l'opéra, les collabos, les particules, les désuétudes, tout ce qui le cantonnait à une amusante passade. J'en parlais à Paul et me pelotonnais dans son ironie pour tenter de rattraper un peu la mienne. Je n'allais quand même pas tomber amoureuse d'un connard de droite. Au même moment, avec le masochisme qui me caractérise, je me disais qu'il serait mieux que me trouver trop provinciale, trop jeune, trop aiguillonnée par le besoin de plaire, pas assez élégante, trop intense, pas assez légère, pas assez sûre d'elle, pas assez jolie, pas assez capricieuse. Et c'est un peu ça le nœud social du texte. C'est pas tant qu'il a des opinions de droite et qu'elle a des opinions de gauche, c'est que lui, il est élégant et elle, elle n'est pas assez élégante. Et donc il y a des passages où, avec Paul, avec son amie, elle discute de l'attrait des hommes de droite, et l'attrait des hommes de droite, c'est... Leur galanterie, leur élégance, le fait qu'ils portent des chemises.

  • Speaker #1

    Et moi, je trouve que, de façon générale, dire qu'un type est exotique parce qu'il est de droite, or être de droite, dans cette définition, c'est... ou être habillée à l'ancienne, ça n'a rien d'original dans le monde qu'elle décrit. C'est-à-dire dans le monde des éditeurs parisiens chic, être habillée à l'ancienne, être soi-même un peu à l'ancienne, avoir des costumes, des cravates en laine et des poches sans soie, c'est juste 50% des gens. Donc elle présente ça un peu comme quelque chose de très exotique, du type Ah, j'ai rencontré quelqu'un qui est très différent de moi. Et ça, on a un peu du mal à y croire, parce que c'est un monde dans lequel il y a des gens qui peuvent, par exemple, ne pas être aristocrate et correct. complètement correspondre à ces codes-là,

  • Speaker #0

    et inversement. Dans Gargantua, comme on l'a dit dans un épisode que vous pouvez aller écouter, il y a des passages, comme je viens de le lire, très gras, très truculent, très choquant aussi, et puis il y a des passages sur le pacifisme, qu'est-ce que c'est qu'être un bon prince, humaniste et tout, et là, je trouve que cette partie-là, cette partie prince humaniste, on le trouve dans un sous-texte féministe assez fort, quand bien même c'est pas un livre féministe, elle n'est pas dans le militantisme du tout, qui est Je vais vous montrer la maternité telle qu'elle est Et ça, c'est quelque chose que je vois pas mal autour de moi depuis une bonne dizaine d'années, limite. Ça a commencé, je trouve. La première fois que j'en ai entendu parler, c'était avec Florence Foresti, l'humoriste. C'est ces femmes qui disent La maternité, c'est pas tout rose. Je vais vous montrer comment s'occuper d'un enfant. En fait, on vous ment, je vais vous dire la vérité. Il y a un livre de la journaliste Renée Grezard qui s'appelle Choisir d'être mère c'est exactement ça. C'est une compilation de toutes les merdes auxquelles tu dois t'attendre si tu veux un enfant pour choisir d'être mère en connaissance de cause. Et là, Emma Baker, elle fait un peu ça. Il y a un peu des passages qui ont la même rapidité, le même rythme, le même côté truculent et marrant, mais pour parler de comment on s'occupe d'un enfant. C'est difficile. Elle essaye de se rattraper, page 276, elle dit Encore un roman où je suis forcée par moi-même de rappeler à quel point j'aime mes enfants, que ce livre n'est pas sur eux, que ça n'est ni Isidore ni Nini qui me bouffe, mais la combinaison de cette tyrannie de la petite enfance avec ce détail non négligeable, un amant. Et j'ajouterais que peut-être je ferais partie de ces gens qui deviennent de bons parents plus tard lorsqu'on fait appel à d'autres qualités en eux, que ce n'est pas un test permanent de patience.

  • Speaker #1

    Je trouve qu'il y a plusieurs scènes quand même assez touchantes pour illustrer la relation intime qu'elle a avec ses enfants et son mari. Par exemple, elle raconte comment elle a fait une sorte de jeu avec un de ses fils quand elle a eu son deuxième, où elle a appris d'abord à son premier enfant, son aîné, qu'elle était enceinte, en lui disant qu'il ne fallait pas que l'enfant le répète à son père. Évidemment, l'enfant l'a fait dès que le père rentre, mais elle s'était cachée pour voir la scène de loin. C'est une scène assez émouvante, j'ai trouvé. Et il y a aussi la scène où elle n'arrive pas à faire dormir les enfants. Elle demande à son mari de prendre le relais. Et il finit par réussir à leur dormir. Et il lui dit en sortant, j'ai dû, pour le tromper les enfants, partir de la pièce à quatre pattes en faisant miaou. Pour qu'il croit que c'était le chat et pas moi qui partaient. Et c'est des petites scènes comme ça qui montrent que, évidemment, l'essentiel du roman, c'est sa passion amoureuse avec son amant. Mais ça n'empêche pas qu'au même moment, il y a beaucoup d'affection, d'intimité. et aussi de bonheur conjugal, même si les deux sont, comment dire, en opposition, bien sûr. Les deux sont agencés de façon subtile.

  • Speaker #0

    Moi, je dirais que c'est un peu le livre de la complainte du libéralisme. Alors, pas libéralisme en mode le marché, mais libéralisme en mode en 2024, on est libre de beaucoup de choses. Et c'est une femme, il y a un de ses amis qui l'a décrit comme la femme la plus libre qu'il connaisse. Donc, en effet, c'est une femme qui est extrêmement libre. Ce qui est rigolo, c'est qu'on sent que malgré cette liberté énorme de notre société actuelle, qui permet à une femme telle que Emma Baker de faire tous ces choix-là, et le choix quand même le plus libre qui est de parler de sa vie sexuelle dans ces termes-là, et bien finalement, il y a quand même des contraintes. Il y a la vie de famille, on en a déjà parlé, il y a le poids de la société, il y a son mec qui est quand même assez lâche. Il y a d'autres petits trucs qu'on ressent quand même, moi, qui m'ont marquée. L'insistance sur le poids, le fait qu'elle parle Elle a très, très envie de perdre du poids. Elle est très contente de l'avoir perdue, c'est quoi. Donc, on voit qu'elle a quand même un rapport au corps qui n'est pas totalement en mode balèque. J'en ai à la foudre.

  • Speaker #1

    Elle dit, par exemple, qu'elle s'épile et elle se lave les parties intimes pour son amant, alors qu'il n'a pas l'air de s'y intéresser particulièrement à la propreté. Mais du coup, ça donne l'impression qu'elle continue à s'auto-imposer des choses énormes, physiques, alors même qu'elles ne sont pas demandées par son amant. On pourrait dire qu'il y a plusieurs étapes dans la libération féminine. Souvent, on dit qu'il y a la libération des droits, puis après, la libération de l'intime. C'est un peu les deux grandes révolutions féministes. Et moi, j'ai l'impression qu'il faudrait presque une troisième étape quand on lit le livre de Emma Baker. C'est la libération du regard sur soi-même.

  • Speaker #0

    parce qu'elle décrit beaucoup de scènes où elle a l'impression, à la pharmacie du village, que tout le monde est au courant qu'elle a un amant, et que du coup tout le monde la juge. Elle raconte comment, en croisant dans la rue une fille qui a un mari avec qui elle a couché par le passé, avec qui Emma Baker a couché, elle a l'impression que cette fille la juge comme une souillon, parce que cette femme qu'elle croise, elle est mieux habillée, elle a des talons, elle est bien peignée, alors qu'Emma Baker, à ce moment-là, elle n'est pas très bien habillée, elle n'est pas très bien peignée. Et du coup... Elle décrit assez bien comment, alors même qu'elle est libérée financièrement et sexuellement, elle continue à se rabaisser en permanence en imaginant que toutes les autres femmes la jugent. Alors même qu'on ne savait pas qu'elle les juge. Enfin, ça peut être complètement... c'est possible, mais il n'y a aucun signe extérieur de ce jugement ou de cette critique. Et donc, je trouve qu'elle montre assez bien comment le phénomène de culpabilisation et de critique de soi qui persiste malgré toutes les autres formes de libération dont sa vie est exemplaire.

  • Speaker #1

    J'ai lu, il y a un passage où son amant Antonin lui dit mais arrête avec cette histoire de lutte des classes et de mépris de classe. Moi, je dois revendre les vieilles bâtisses de ma famille pour éponger les dettes dans ma famille, alors que toi, tu as sûrement vendu des fois plus de livres que moi. Et là, j'ai eu un petit hiiii C'est qu'Emma Baker, à aucun moment dans le livre, dit je suis une écrivaine installée, je vends des livres, je suis... connu, je suis successful. Elle n'a pas du tout le côté qu'adore, j'ai réussi et toi, finalement, tu vivotes. Et c'est frappant parce que moi, je serais à sa place. Oui. Je me dirais quelque chose de l'ordre de j'ai plus rien à prouver. Qu'est-ce que j'ai à prouver ? Alors, le problème, c'est qu'écrire des livres, même, je pense, au niveau d'Emma Baker, il y a très peu de gens qui en vivent. Elle, elle en vit et elle n'en vit pas ultra bien. Je pense que ce qui ressort du livre, c'est qu'elle n'est pas richissime grâce aux 400 000 livres qu'elle a vendus rien que pour la maison. Il y a un peu des moments de rumination où elle décrit Elsa. Elsa, c'est la femme qu'elle rencontre qui a des talons et qui, en fait, est la femme d'un homme.

  • Speaker #0

    Tu as une liaison avec Emeka ?

  • Speaker #1

    Et ce qui est intéressant, c'est que finalement, Elsa, c'est la femme trompée. Donc, tu pourrais te dire que c'est elle qui est dans l'humiliation. C'est elle qui est humiliée. Dans l'image d'épinal que j'ai de l'adultère, la femme humiliée, c'est la femme, ce n'est pas la maîtresse. Ce qui est marrant, c'est qu'il y a une inversion des genres dans l'esprit malade d'Emma Becker qui est que je suis humiliée par cette femme bien peignée. Et c'est impressionnant parce que ce n'est pas ça l'ordre des choses. Enfin, l'ordre des choses normatifs, évidemment. Elle dit, Elsa le sait bien, n'empêche que je sais jeter ce sort aux hommes et elle moins. Ce n'est pas ma faute, je fais ce que je sais faire. Je ne sais pas, moi, m'habiller, me maquiller, me coiffer, évoluer en société sans avoir l'air étrange. Je ne sais pas faire ce qu'elles font, ma puissance réside dans la promesse de l'anéantissement. Il n'y a que moi pour vivre dans ce pays de nerfs ravagés. Les hommes de ces femmes y font de petits séjours dont ils feuillotent les souvenirs une fois de retour chez eux. Et si ces femmes s'arrêtaient un instant pour décomposer leur haine de moi, elles n'auraient plus peur, elles réaliseraient leur supériorité. Ce sont elles qui dorment avec ces hommes, vivent avec eux et les lassent. Moi, j'ai renoncé à tout ça pour n'être qu'un frisson. Et on ne peut pas vivre avec un frisson en permanence. Mais ce n'est pas un passage qu'il faut lire à l'aune de la réalité des choses. C'est un passage de rumination un peu de mal-être.

  • Speaker #0

    C'est le sentiment de ne pas être au niveau. C'est inévitable, même quand on est une écrivaine à succès, jeune, qui a une famille, des enfants, de l'argent. Ça, je pense que c'est une chose qui est assez bien écrite. C'est que malgré la révolution des droits féminins, dans le domaine intime, il y aura toujours un sentiment éventuel de rabaissement que ne connaît pas Antonin, par exemple. Alors que lui, il est plutôt sur le déclin. C'est un aristocrate qui a pris la maison.

  • Speaker #1

    Peut-être qu'il le connaît.

  • Speaker #0

    Il le connaît, mais on n'a pas l'impression, en tout cas. Ça n'a pas l'air de le torturer. Non,

  • Speaker #1

    on a l'impression qu'il vit sa vie de manière très directe, simple, sans trop se poser de questions.

  • Speaker #0

    Il y a une chose qu'on n'a quand même pas dit à propos d'Antonin et qui est importante, c'est la taille imposante de son pénis. Oui,

  • Speaker #1

    et sa vigueur sexuelle assez intéressante.

  • Speaker #0

    Qui est mentionnée à de nombreuses reprises.

  • Speaker #1

    Il les décrit, c'est vraiment la première chose qu'on dit à propos de lui, quand elle l'entend parler de lui plus qu'elle le connaît, c'est un excellent coup.

  • Speaker #0

    Exactement.

  • Speaker #1

    Antonin est un compagnon délicieux, sans prétention, sans affaîtré et d'une grande papeveillance. Mais juste avant, je crois qu'il y a... Tu sais qu'apparemment, ce serait un coup formidable. Et le FEDEC s'en éteint. J'ai l'impression que c'est un coup formidable.

  • Speaker #0

    Il y a une scène assez amusante que j'ai envie de lire, qui est qu'à un moment, elle essaie de se détacher de... Antolin d'Avricourt, en se masturbant et en imaginant des scènes érotiques avec uniquement des femmes. Sauf que d'Avricourt fait une apparition dans son fantasme. Alors que je m'élance dans un orgasme que je veux égoïste, primaire, brutal, dédié à ces gourmandines qui habitent mon imagination, qui vois-je arriver et me ravir à la compagnie de ces dames ? Ma foi, mais c'est d'Avricourt et sa grosse bite.

  • Speaker #1

    Franchement, c'est vraiment une super scène. Parce qu'il y a tout le début où elle est en train d'imaginer un porno dans sa tête. Et donc elle est réalisatrice et elle est un peu chef-op en train de hurler sur ces actrices porno, sur ces performances. Genre maintenant tu te mets à poil et tout.

  • Speaker #0

    Je dirais que c'est assez apaisant. C'est un roman qui est assez apaisant sur peut-être l'évolution des fantasmes à l'époque contemporaine féministe. Dans la mesure où il y a beaucoup de choses qui sont très progressistes dans le livre. Mais il y a aussi des choses qui sont un peu des fantasmes classiques du type insister sur la taille du pénis d'un homme. Ce n'est pas vraiment la sexualité positive contemporaine telle qu'on pourrait l'imaginer. Et là, les deux coexistent de façon assez légère et plaisante. C'est à côté, en effet, on peut avoir des fantasmes à l'ancienne et en même temps être très libérée sexuellement, et ce n'est pas très grave. Il y a une chose aussi que je trouvais assez plaisante, et c'est un débat qu'on peut ouvrir, ça peut ouvrir le débat post-podcast, c'est qu'on a l'impression qu'elle retrouve le goût d'écrire. en lien avec la volonté d'exprimer des sentiments amoureux. C'est la correspondance, en gros. Elle se remet à écrire aussi son livre. Ça lui donne une idée de livre, d'avoir une correspondance très écrite avec son amant. Je trouve ça assez touchant de voir que le retour à l'écriture, c'est aussi un retour au désir, parce qu'elle écrit que dire tu me manques, j'ai envie de te revoir En fait, ce n'est pas très intéressant dans des relations sentimentales. Ce qui est sympa, c'est d'envoyer des longues lettres, de les attendre, de les lire le lendemain. Et notamment, il y a un passage où les SMS ne marchent plus, donc ils passent à WhatsApp. Et là, ça brise un peu leur dynamique épistolaire, sentimentale, parce qu'en fait, elles voient qu'il est en train d'écrire, ils peuvent s'envoyer des émojis, et d'un coup, ça rompt un peu le mystère sexuel.

  • Speaker #1

    Oui, donc elle fait référence à un fragment d'un discours amoureux, et c'est fait de manière un peu grosse abobre en intercéléractuelle. Mais il se trouve que dans le fragment d'un discours amoureux, Barthes raconte le plaisir d'écrire des lettres. plaisir épistolaire d'écrire à son amant. Et finalement, c'est des lettres qui sont totalement creuses parce que le vrai sujet de la lettre, c'est la réception, l'objet, le fait... C'est juste genre je pense à toi. L'enjeu de la lettre, toutes les phrases qu'on écrit sur une lettre, c'est juste je pense à toi, je veux que tu me... Je veux que tu penses à moi. Enfin, c'est vraiment...

  • Speaker #0

    Le fait d'écrire des phrases longues, un peu sophistiquées, c'est une manière de montrer qu'on a pris du temps. Oui. Et c'est peut-être du coup plus touchant, même si le contenu n'est pas très intéressant.

  • Speaker #1

    Je pense qu'elle ne s'en rend pas compte. On en revient à ta critique de base, qui est qu'en fait, elle aurait dû les enlever, ces lettres. Elles ne sont pas si intéressantes que ça. Elles ne sont pas si belles. Alors, certaines sont sympas, mais bon, elle aurait pu en mettre un peu moitié moins. Mais pour elle, en tant que femme aimante, et pour lui, en tant qu'homme aimant, ces lettres sont d'une virtuosité incroyable, tout simplement parce que pour eux, ces mots-là ne sont pas du tout comme nous, on les lit. Et ça... Je pense que c'est pour ça qu'il y a des moments où elle n'a pas voulu couper, parce que pour elle, c'était des lettres incroyables, et pour nous, c'est de la branlette intellectuelle. Mais finalement, branlette intellectuelle et branlette réelle, ce livre nous apprend qu'il ne faut pas trop essayer de les différencier.

  • Speaker #0

    Et peut-être qu'il y a un point qui est intéressant, qu'on voulait aborder, c'est aussi le fait que c'est un objet qui est conçu pour exister en dehors du roman et de la narration, parce que... c'est des personnages réels. Et après, même la promotion du livre se fait avec l'amant du livre, qui a un pseudonyme dans le livre, mais qui existe et qui est reconnaissable.

  • Speaker #1

    Vous tapez Emma Baker sur Wikipédia, vous scrollez jusqu'en bas, et vous avez le vrai nom d'Antonin.

  • Speaker #0

    Ils font une promo ensemble.

  • Speaker #1

    Ils font une promo ensemble. C'est vraiment intéressant comment, genre, il y a le manuscrit qui s'immisce dans le livre, donc Antonin lit le manuscrit d'Emma, mais en même temps... Il y a une couche au-dessus. Le réel s'immisce dans notre lecture. Notre lecture n'est pas pure. Je ne sais pas comment toi tu l'as vécu, mais moi je l'ai lu et j'essaye de lire sans trop m'intéresser à la critique, à ce que les gens disent. Ensuite, je suis allée fouiner sur le compte Instagram d'Emma Baker. C'est comme ça que j'ai découvert qu'Antonin existait vraiment et qu'il faisait des délicaces avec elle.

  • Speaker #0

    La question qu'on pourrait se poser, c'est... Moi, je ne me suis pas du tout renseigné. J'ai lu le livre de façon assez pure, sans me renseigner jusqu'à la fin du livre. Mais ça pourrait presque donner l'impression que c'est vraiment fictif et qu'ils se sont juste mis d'accord pour... faire une sorte de buzz mondain. C'est-à-dire, en fait...

  • Speaker #1

    Théorie de complot, en fait, ils ne vont jamais baiser.

  • Speaker #0

    C'est ça, en fait, peut-être qu'ils se sont dit, ah tiens, ils sont amis, ce serait amusant de faire un roman érotique dont on ferait la promotion, ça attire l'attention. Le fait que ça puisse être incarné par des gens dans les médias, c'est un bon argument de vente. Et après, ça crée un produit très instagramable.

  • Speaker #1

    Ouais,

  • Speaker #0

    on en revient à Instagram. Ça donne presque l'impression que ça pourrait être conçu pour ça. C'est comme si c'était très scandaleux, les gens vont en parler.

  • Speaker #1

    Oui. Mais ce qui est marrant, c'est que la portée scandale, elle en parle assez peu. Elle parle un peu de la maison, du stigmate de la pute. Elle dit sortir avec un tel homme, alors que tout le monde me connaît comme une pute. Ce qui est frappant, c'est qu'elle ne parle pas au quotidien de ce que ça fait. Alors si elle parle de quand elle fait des signatures, les gens se confient beaucoup. C'est intéressant parce qu'on se rend compte qu'en partageant de manière si intime son intimité, les gens se permettent de lui dire des choses qu'ils ne se permettraient pas de dire à n'importe qui. Ce qui est frappant, parce qu'elle-même se refuse à avoir un psychologue, justement, parce qu'elle est là, genre, non, non, je ne veux pas en parler à personne. Ce qui est frappant, parce qu'elle en parle à tout le monde. Alors, elle parle de mépris de classe, mais elle parle aussi d'un truc un peu concret, qui est que pour avoir un amant, il faut avoir des thunes, quoi. Et elle, heureusement, ce n'est pas elle qui a les thunes, c'est son éditeur qui peut lui payer des allers-retours entre le Var et Paris. Donc, en fait, il y a... Il y a un allié dans toute cette histoire, il y a un élément d'aide, il y a un adjuvant, qui est la maison d'édition. S'il n'y avait pas eu toutes ces interviews, elle n'aurait jamais pu autant coucher avec son amant.

  • Speaker #0

    Merci Albin Michel.

  • Speaker #1

    Mais c'est un bon investissement, si je peux me permettre, Albin Michel. Elle a pu se faire plein de... Un retour sur investissement incroyable.

  • Speaker #0

    À quand l'adaptation cinéma-cultographique ?

  • Speaker #1

    Et donc, il y a un passage où elle parle avec une femme qui s'appelle Blandine. Évidemment, j'ai perdu le passage. Mais moi, c'est un des passages que j'ai le plus aimé. Où, bon, je vais devoir paraphraser parce que je ne retrouve pas le texte. Où Blandine est toute émoustillée. C'est une femme d'un certain âge, je dirais, voilà, une soixantaine d'années. Et Emma se confie à cette femme en mode, voilà, j'ai un amant. Et Blandine est trop contente parce que ça lui rappelle un peu sa jeunesse. Et donc, elle est un peu genre, raconte-moi tout trop bien et tout. Jusqu'au moment où il y a le et les enfants qui arrive, et là, Blandine est là, genre, non, non, mais stop, on s'arrête, ça m'a fait plaisir de t'entendre parler de tout ça, mais on s'arrête là tout de suite. Et je trouve que c'était un passage qui a été très frattant, parce qu'en fait, il y a un peu un passage putain de boomer, quoi. Il y a un peu une sorte de lutte générationnelle, en fait, entre Chuck, le personnage de Chuck, et le personnage de Blandine aussi. Les personnages un peu plus vieux sont un peu là pour, comme principe de réalité, relou, mais eux-mêmes peuvent jouir, parce que comme ils ont l'argent et le... temps et la retraite et la weed, ils sont tranquilles. Mais elle, elle est un peu milléniale. Voilà, c'était une autre interprétation de cette lecture qui est les boomers contre les milléniales.

  • Speaker #0

    Vous savez qu'il y a son père qui apparaît à la fin et à qui elle pense se confesser. Elle renonce finalement à le faire. Et il y a également une scène un peu de conflit où elle se découvre. Elle découvre que son grand-père était le chef opérateur d'un réalisateur polonais. qui fait des films érotiques, qui a fait une dizaine de films érotiques avec son grand-père comme chef opérateur. Et du coup, elle y voit une sorte de destin ou de filiation.

  • Speaker #1

    D'aristocratie, mais admette.

  • Speaker #0

    Elle serait l'héritière, en quelque sorte, du travail de son grand-père, déjà proche des milieux érotiques au pornographique. Et son père casse un peu ce fantasme en disant que le grand-père... n'appréciait pas du tout ce travail, que c'était juste un travail alimentaire.

  • Speaker #1

    Oui, et en fait, elle trouve la solution à ce livre, ce nœud très fort, par ce grand-père, pour deux raisons. Un, elle s'invente une aristocratie, donc maintenant, elle est à pied d'égalité avec son amant aristocrate, puisqu'elle-même viendrait d'une autre aristocratie, mais une aristocratie du cul, quoi. Et de l'autre côté, son grand-père et sa grand-mère, il est un peu découvert à demi-mot, ont eu énormément d'amants et ont été tous les deux adultères. Et grâce à ça, ont été des bons parents vis-à-vis de sa mère, je crois. Et donc, il y a cette idée de... Non, mais c'est en fait OK d'avoir des adultères parce que ça te permet d'être un peu détente, un peu chill et de moins subir tes enfants. Petite acrobatie pour finir le livre. Et c'est trop drôle parce que le livre finit de manière ultra abrupte pour une raison. qui a l'air assez évidente, c'est qu'il y a le prochain qui arrive. Maintenant, Emma Baker, c'est une saga, en fait. C'est ça. Parce qu'il y a plein de questions qui sont encore en suspens. Comment elle va divorcer de son mari ? Parce qu'il me semble qu'elle va divorcer, si j'ai bien compris.

  • Speaker #0

    C'est un peu ce qu'on comprend.

  • Speaker #1

    Comment va se passer une vie en tant que, non pas maîtresse, mais en tant qu'officielle, officielle d'un aristocrate ? C'est quoi la suite ? La suite, ce sera sûrement la prochaine rentrée littéraire ou celle d'encore d'après. On va savoir comment Emma Baker va vivre sa vie en tant que... femme de Quincy d'Avricourt.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et aussi, après, il y aura la suite. Comment est-ce que ces enfants vont eux-mêmes réagir ? Et puis, les romans érotiques de ces enfants.

  • Speaker #1

    Parce que c'est une aristocratie,

  • Speaker #0

    donc il faut continuer. Il faut continuer, sinon c'est la honte.

  • Speaker #1

    Ils ne peuvent pas devenir experts comptables, malheureux.

  • Speaker #0

    C'est impossible.

  • Speaker #1

    Est-ce que c'est un torchon, une bonne surprise ? Moi, ça a été une excellente surprise pour moi, personnellement. Moi, j'ai vraiment adoré le lire. Moi, je recommande. Je recommande la lecture. Évidemment, moi... Bon, avec les caveats. Précisément. Voilà, si c'est votre truc, lisez-le. Toi, tu es un peu plus mesuré, parce que tu voulais même pas le finir,

  • Speaker #0

    en fait. Oui, en fait, c'est comme quand j'avais beaucoup aimé La Maison. J'avais pas mal d'attentes, en fait. J'ai été en partie... Je dirais que c'était une bonne surprise, du coup. Je dirais pas non plus que c'est un torchon, parce qu'il y a beaucoup de choses intéressantes dedans. C'est un livre qui est assez inhabituel. Et donc, il décrit des choses de façon originale, intéressante. ça ne peut que susciter des... Je recommande la lecture, mais je ne dirais pas que c'était une bonne surprise. Et puis, si vous avez d'autres lectures que vous avez absolument envie de faire avant, je dirais de les faire.

  • Speaker #1

    Après, ce que tu conseillerais, c'est de lire La Maison.

  • Speaker #0

    Aussi.

  • Speaker #1

    Je le recommande aussi quand même pas mal aux garçons de notre âge, parce qu'il y a un côté où tu as l'impression de découvrir la réalité. Voilà, donc c'est les garçons hétéros qui veulent savoir comment s'est duré le femme. Je trouve qu'il y a un côté...

  • Speaker #0

    De ce point de vue-là, c'est un livre qui est assez rassurant, parce que c'est quand même un mec de 50 ans qui est habillé à l'ancienne. ce qui n'est pas très sexy. Le velours côtelé, par exemple, c'est une matière que moi j'affectionne, mais qui ne remporte pas tous les suffrages. Et là, on a l'impression que d'un coup, être sexy, en fait, c'est avoir 50 ans et être habillé à l'ancienne. Ce qui est plutôt plaisant quand on vient d'avoir 30 ans et qu'on se dit que pendant 20 ans, je peux encore m'habiller comme un vieux papy.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est vrai. Tu as raison. Tu as raison qu'à cette petite lecture à faire, si on est un homme qui a des goûts surannés, si vous aimez l'opéra et les andouillettes. Et le velours côtelé, on vous conseille cette lecture tout simplement parce que ça vous donnera l'occasion de fantasmer, de devenir un objet de fantasme. Enfin, qui ne le veut pas ?

  • Speaker #0

    Qui ne le veut pas ? Non, mais le problème, c'est que moi, je me suis habitué récemment à plus d'austérité. J'allais recommander plutôt la lecture de Racine, mais pour cette Pascale.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Pour que dans ce monde de passion, on trouve l'apaisement du cœur.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Merci beaucoup de nous avoir écoutés jusqu'ici. Si le podcast vous plaît, n'hésitez pas à nous suivre sur notre compte Instagram pour nous donner vos idées et vos réactions à cet épisode. Et je vous conseille de le suivre pour plus de recommandations, plus de critiques et plus de coulisses. On vous embrasse et on vous dit à bientôt !

  • Speaker #0

    À bientôt !

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