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Bienvenue dans Transclassos ! Episode 1 : J'ai été biberonnée au "quand on veut on peut" cover
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Transclassos

Bienvenue dans Transclassos ! Episode 1 : J'ai été biberonnée au "quand on veut on peut"

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16min |03/11/2025
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Description

Bienvenue dans TRANSCLASSOS


Dans ce premier épisode, je me présente un peu, je vous livre pourquoi j'ai créé Transclassos et comment j'ai grandi, biberonnée au "quand on veut, on peut" par une mère coiffeuse et un père mécanicien. Tous les deux adorables et bien-intentionnés, qui rêvaient pour moi d'un beau métier bien payé, qui n'abîme pas les mains. Et j'esquisse comment j'ai suivi ce chemin et voulu faire mentir Bourdieu et sa reproduction sociale...


C'est le tout premier épisode, n'hésitez pas à m'écrire pour me dire ce que vous avez envie d'entendre dans les prochains !


A très vite, pour la suite 🙌


__________________________________________


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Transclassos. Ici, on parle de classe sociale, du mythe du mérite, du club un peu trop fermé de la culture. Je m'appelle Peggy Pexy Green. Parfois je raconte, parfois j'écoute. Des artistes issus de classes populaires prennent la parole. On rit, on se révolte, on fait entendre notre voix. Bienvenue dans Transclassos. Pour ce premier épisode, j'ai envie de vous raconter un petit peu pourquoi... Pourquoi un petit peu ? J'ai envie de vous raconter tout court pourquoi j'ai créé Transclassos. Je viens d'un milieu dit populaire. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire populaire, mais ce que je sais, c'est que mes deux parents étaient ce qu'on appelle ouvriers qualifiés. Ma mère était coiffeuse, employée dans un salon, et mon père était mécanicien. Auto, camion, les trucs qui roulent quoi. Et ils ont toujours voulu que moi, je ne sois pas ouvrière. Que moi, je sors de notre classe sociale. Pour aussi loin que je me rappelle... Il me destinait à une grande carrière, une grande vie et surtout un bon salaire. Et moi, j'ai vécu cette vie, ce chemin avec enthousiasme, avec joie. J'irai peut-être pas jusque-là, mais en tout cas, j'ai pas remis en question l'idée de sortir de ma classe sociale. L'idée étant de monter. On était en bas, il fallait aller en haut. Tout ça, je l'ai vraiment super bien intégré. D'ailleurs, mon père me disait souvent, quand on plaisantait au sujet des études et de ce que je ferais plus tard, et du fait que j'allais à l'université et j'avais intérêt à réussir. Parce que si je ratais, je serais caissière chez Leclerc. Voilà, ça c'est les mots de mon père. C'est des mots, maintenant, je sais qu'ils sont... classiste en fait, c'est du mépris de classe intégrée, même si je ne pense pas du tout que mon père méprise les caissières. Mais c'était sa façon à lui de me dire tu ne seras pas comme nous, tu ne seras pas quelqu'un dont on ne valorise pas le travail et qu'on peut maltraiter à volonté, en tant que patron ou en tant que client d'ailleurs. Puisque mes deux parents, surtout ma mère, étaient en contact avec du public. Et j'ai vu ma mère, j'allais passer des heures parfois dans le salon quand il y avait un problème de garde, ou bien parce que j'étais assez grande pour aller au salon, mais peut-être pas assez grande pour être toute seule à la maison. Je restais parfois des heures dans le salon de coiffure, assise dans un coin à regarder. Et j'entendais ma mère discuter avec ses femmes. Elle parlait, les clientes, elles parlaient de... de leur maison dans le sud de la France. C'est tellement de problèmes, vous ne vous rendez pas compte. Et ma mère qui essaie, qui disait, oui, c'est sûr, difficile, difficile. Je comprends, oui, parce que les ouvriers qui devaient faire le toit, ils ont fait n'importe quoi, on ne peut faire confiance à personne. Et moi, j'avais l'impression d'être dans un film, puisque je voyais ma mère, mais ce n'était pas ma mère en fait. Je voyais ma mère jouer un rôle, le rôle de... L'employée parfaite, le rôle de la coiffeuse parfaite, le rôle de, je sais pas si c'est la psy, la dame de compagnie peut-être. Et c'est marrant parce que c'était elle mais c'était pas elle. Et j'entendais ces femmes qui se plaignaient de leurs vacances, de leur maison, de leur mari. C'était un coiffeur qui avait une clientèle très bourgeoise. Il faut dire que je suis née à Annecy qui est une ville déjà en soi assez bourgeoise. Et nous, on n'habitait pas à Annecy même, on habitait un peu plus loin, bien sûr, mais elle travaillait à Annecy. Et moi, je la voyais là, les bras levés, ses cheveux dans une main, le peigne dans l'autre, à devoir tout écouter avec le bruit du séchoir aussi dans les oreilles, le mal de dos, le mal des poignets, je savais qu'elle avait des douleurs aussi. Il y a beaucoup de tendinites chez les coiffeuses, évidemment, parce que c'est un métier très, très fatigant. Je me disais, mais c'est marrant, pourquoi elle... Elle est comme ça avec ses dames alors que le reste du temps, elle est beaucoup plus bavarde. Elle discute et elle dit ce qu'elle pense. Là, j'ai l'impression qu'elle ne dit pas du tout ce qu'elle pense. Sachant que je parle de vacances et de maisons dans le sud, parce que je me rappelle vraiment que c'était la principale source de tracas des clientes de ce salon de coiffure. C'était leurs vacances et leurs maisons dans toute la France. En maison secondaire, tertiaire, quaternaire. Et nous, on partait pas du tout en vacances. Jamais, on partait en vacances. Tous les étés, moi, je restais chez moi, quoi. Mais j'en souffrais pas, je pense, pour deux raisons. La première, c'est que, pour moi, c'était comme ça, et puis c'est tout. J'avais pas connu autre chose, donc voilà. Et j'étais pas malheureuse. Je m'occupais, ou je trouvais toujours quelque chose à faire. La deuxième, c'est que j'habitais à Annecy, qui est quand même une très belle ville. Donc vraiment, par rapport à, je pense, beaucoup d'autres enfants ou jeunes qui auraient pu être dans ma classe sociale, le fait d'habiter à Annecy, ça change tout. On est dans une destination de vacances, en fait. Donc je pouvais aller à la plage gratuitement. Je prenais le bus ou j'allais à pied avec mes copines. Et voilà. Surtout que quand j'étais au collège... J'avais des amis plutôt bourgeois, bourgeoises, du fait du collège où j'étais, mais ça, ça fera l'objet d'une série entière sur pourquoi j'ai atterri dans ce collège. Mais par contre, au lycée, mes amis étaient vraiment plutôt de mon milieu social, voire même de milieu social plus modeste. Donc on s'était bien trouvés et on pouvait passer des heures sans rien boire. Parce qu'on n'avait pas d'argent pour aller dans les cafés, à être à Bonlieu pour celles et ceux qui connaissent Annecy, qui est un centre où il y a la bibliothèque, il y a des magasins et tout ça. Et donc on s'asseyait sur les marches et on regardait les gens passer, on parlait toute la journée, sans rien dépenser. Et ça ne nous dérangeait pas. Pour nous, c'était cool. Puis pareil pour la plage, on pouvait aller à la plage en été. On allait à la plage non payante qui est au bord de la route. Et qui est... qu'il y a une plage qui donne sur un magnifique lac, donc voilà. Je pense que ça explique aussi pourquoi je ne me suis pas sentie lésée. Par contre, quand j'ai commencé à être adulte et à fréquenter des gens qui parlent de leurs souvenirs, qui parlent de leurs vacances tout le temps, et quand j'ai passé un concours pour rentrer dans un diplôme, une formation universitaire très élitiste qui combinait deux diplômes, deux masters, Et bien, l'entretien oral en espagnol, parce qu'il fallait parler deux langues et gérer, bon, avoir des bonnes notes, etc. Pour entrer dans un double master sciences politiques, droit international et langue étrangère. Et en fait, j'avais un oral en espagnol où elle m'a demandé ce que j'ai fait pour les vacances. Ce que j'avais fait, ce que j'ai fait. Et déjà, j'avais du mal à parler en espagnol parce que, bon, les cours en espagnol que j'avais eus, c'était pas, voilà, c'était pas le... top du top on va dire, Nora el top del top et voilà donc je pouvais lire plein de choses, j'avais appris tout ce que je pouvais mais c'est vrai que parler on n'avait pas bien travaillé ça, les langues étrangères c'est pas notre notre grande force je dirais dans l'éducation nationale française et donc j'ai un peu foiré mon oral espagnol et surtout qu'elle me demandait ce que j'ai fait pour les vacances et je répondais nada. Et j'ai été ensuite convoquée par le directeur du diplôme qui m'a dit, bon moi je vous aime beaucoup, vous avez un profil original. Là maintenant je sais ce que ça veut dire, j'étais la seule personne non bourgeoise de toute la promo. Enfin presque, il y avait une deuxième mais elle était cachée, comme ça arrive parfois. Et ça aussi j'y reviendrai sûrement. Et donc il m'a dit, moi j'ai envie de vous prendre mais c'est un peu un risque parce qu'en espagnol vous avez quand même... plutôt une mauvaise appréciation, je ne sais pas ce qui s'est passé à l'oral. Et donc j'ai rigolé et je lui ai expliqué qu'effectivement c'était dur pour moi, mais qu'en plus elle me demandait de parler de mes vacances, et il pensait que j'avais menti, parce que je ne savais pas parler, et que je n'avais pas voulu raconter mes vacances. Parce que toutes les autres personnes qui postulaient étaient des gens qui voyageaient beaucoup, et qui avaient fait aussi des séjours linguistiques. Donc ils parlaient très bien espagnol et anglais, parce que leurs parents les avaient envoyés une semaine, 15 jours pendant les vacances. apprendre les langues étrangères quoi, directement dans le pays, en immersion, ce qui coûte très cher. Alors que moi, je vous ai raconté que j'allais... à la plage, mais j'allais surtout travailler. Donc moi, toutes les vacances, à partir de mes 16 ans, je travaillais un mois ou deux mois entiers. Donc dans tous les cas, je ne me perdais pas de temps à me dire qu'est-ce que j'aimerais être en vacances quelque part, en Italie ou en Espagne ou quoi. Je ne savais même pas ce qu'était l'Italie ni l'Espagne et je n'avais pas le temps de rêver à ça puisque j'étais en train de bosser à l'usine, à Leclerc. Je vais d'ailleurs rendre plus pour Leclerc si vous voulez me sponsoriser, c'est possible. mes parents habitaient à côté d'un Leclerc. Au supermarché, on va dire, j'ai fait plein de petits boulots, les étés, et je trouve que ça m'a vraiment beaucoup enrichie, beaucoup apportée. Mais il est sûr que je ne me suis pas vraiment dorée la pilule et je n'ai pas fait la dolce vita juillet-août de toute mon enfance à toute mon adolescence et à mon adulte jeunesse. Donc voilà. Je ne sais plus comment je suis arrivée jusque là. Pourtant, je vous assure, j'avais écrit un script. J'avais vraiment préparé ce que j'allais vous dire. Et maintenant, je ne sais plus où j'en suis. Vous me pardonnerez, j'espère. Ce que je voulais dire, c'était que j'étais dans cette classe sociale-là. Je n'étais pas du tout malheureuse. Franchement, j'ai des très bons souvenirs de ma jeunesse, de mon enfance. Mes parents étaient superbes. Et ils me donnaient tout ce que je voulais, sachant que je ne voulais pas une Porsche ni partir en vacances. Donc, ça tombait bien. Mais ils ont vraiment tout fait pour que je me sente très bien et que j'ai le nécessaire et même plus. Mais évidemment, ça reste une classe sociale particulière. Et j'étais éduquée et entraînée à travailler pour en sortir. C'était vraiment l'unique but de tout ça, c'était sortir de cette classe sociale, sortir des métiers manuels. sortir de la peur de la précarité, sortir de l'insécurité financière. Et ma mère voulait vraiment, ma mère était obsédée par l'idée que je sois indépendante financièrement. Bien sûr, ça touche à d'autres choses. Il n'y a pas que la question d'avoir un bon salaire. Il y a aussi comment construire sa vie. Mais pour plein de raisons liées à son niveau socio-professionnel et économique, mais aussi à une histoire intrafamiliale. un peu plus complexe. Elle avait très très peur que je vive dans l'angoisse de ne pas finir le mois, que je sois exploitée par un patron ou une patronne et qui fait que je ne peux pas quitter mon travail quand ma fille est à l'hôpital, histoire vraie. Des choses comme ça, en tout cas mes parents ne les voulaient pas pour moi. Pour eux ça allait, ils s'étaient fait une idée, mais pour moi ce n'était pas possible. Donc on est partis là-dessus tous les trois et j'ai fait mes études. j'ai été prise dans ce double diplôme élitiste et ensuite j'ai fait post-master etc et c'est comme ça que je suis arrivée en Belgique, c'est pour venir étudier le droit international de droit de l'homme, à l'époque ça s'appelait comme ça, vous me permettrez de le renommer droit humain parce que droit de l'homme c'est pas très intéressant c'est droit de la femme, droit de tous les genres en fait c'est ça qui est intéressant et c'est ça qui était moteur chez moi je voulais faire Quelque chose qui avait du sens, je voulais avoir un bon travail, bien payé, mais aussi utile. Et après j'ai déconstruit mes illusions, n'est-ce pas ? Mes illusions sur c'est quoi sauver le monde ? Est-ce que travailler à l'ONU veut dire sauver le monde ? Spoiler alert ! Non, mais je ne le savais pas encore quand j'ai fait mes études. Je l'ai découvert ensuite, puisque j'ai travaillé à l'ONU. J'ai suivi mon parcours de ce qu'on appelle trans-classe ou transfuge de classe. Ces termes ne sont pas satisfaisants. J'ai lu pas mal de choses sur le sujet. Bon, évidemment, Bourdieu sera présent dans plusieurs épisodes parce que c'est ce déclic que j'ai eu quand j'étais au lycée avec un prof d'éco magnifique qui me stimulait à fond et que j'avais envie de... De faire taire sur la reproduction sociale et sur Bourdieu en disant « Mais non, c'est pas vrai, quand on veut, on peut. » Parce que moi, j'ai été biberonnée à « quand on veut, on peut » . Littéralement biberonnée à ça. Ma mère, c'est vraiment son motto, comme on dit. Son, je sais pas, en français... Excusez les mots anglais. Moi, j'habite en Belgique, on a plein de mots anglais dans notre vocabulaire quotidien. En tout cas, c'est... C'est sur ce mythe du mérite que j'ai gravi les échelons, si j'ose dire, parce que c'est comme ça que c'était vu, on était en bas, il fallait monter. Maintenant, je vois les choses bien différemment. Et là encore, je ne vous ai même pas parlé du fait qu'au fond de moi, sûrement brûlait déjà la flamme de chanter, ça c'est sûr, de créer, d'écrire, de m'exprimer, de jouer. Mais je n'en avais aucune idée. Et surtout, je n'avais pas du tout l'autorisation de le faire. Inconsciemment, jamais de ma vie, j'aurais pu envisager qu'un métier artistique soit quelque chose d'ouvert pour moi. Et c'est aussi pour ça que je crée... Ce podcast Transclassos, c'est peut-être pour les jeunes, les adultes, tout le monde en fait, les vieux, les vieilles, c'est quoi, une vieille, je sais pas, qui osent pas se lancer, ou bien qui se disent qu'ils sont lâches, parce qu'ils ne jettent pas tout en l'air pour aller tenter la vie d'artiste. J'arrive, j'ai même pas les mots tellement, je sens que le feu en moi monte d'indignation. De ces faux discours de « Ah bah oui, la manière des TEDx quoi. Bah voilà, un jour j'ai décidé que j'allais faire le tour du monde et voilà. C'est juste, vous savez, il faut juste un moment le faire et puis c'est tout. Oui, ça demande un peu de courage, mais non, en fait, ça demande de l'argent. La vérité, c'est que faire le tour du monde sur un coup de tête, ça demande de l'argent. Et de choisir une carrière artistique, ça demande de l'argent. Et de vivre en tant qu'artiste, ça demande de l'argent. C'est ça la vérité. Et c'est pour ça que j'ai créé Transclassos. A bientôt pour le second épisode.

Chapters

  • Introduction à Transclassos et à son parcours personnel

    00:42

  • Enfance et aspirations familiales

    00:55

  • La perception de la classe sociale et du mérite

    01:29

  • Expériences au salon de coiffure et observations sociales

    02:04

  • Études et défis de l'identité sociale

    07:33

  • Réflexions sur le parcours artistique et les réalités financières

    11:50

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Dans ce premier épisode, je me présente un peu, je vous livre pourquoi j'ai créé Transclassos et comment j'ai grandi, biberonnée au "quand on veut, on peut" par une mère coiffeuse et un père mécanicien. Tous les deux adorables et bien-intentionnés, qui rêvaient pour moi d'un beau métier bien payé, qui n'abîme pas les mains. Et j'esquisse comment j'ai suivi ce chemin et voulu faire mentir Bourdieu et sa reproduction sociale...


C'est le tout premier épisode, n'hésitez pas à m'écrire pour me dire ce que vous avez envie d'entendre dans les prochains !


A très vite, pour la suite 🙌


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    Bienvenue dans Transclassos. Ici, on parle de classe sociale, du mythe du mérite, du club un peu trop fermé de la culture. Je m'appelle Peggy Pexy Green. Parfois je raconte, parfois j'écoute. Des artistes issus de classes populaires prennent la parole. On rit, on se révolte, on fait entendre notre voix. Bienvenue dans Transclassos. Pour ce premier épisode, j'ai envie de vous raconter un petit peu pourquoi... Pourquoi un petit peu ? J'ai envie de vous raconter tout court pourquoi j'ai créé Transclassos. Je viens d'un milieu dit populaire. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire populaire, mais ce que je sais, c'est que mes deux parents étaient ce qu'on appelle ouvriers qualifiés. Ma mère était coiffeuse, employée dans un salon, et mon père était mécanicien. Auto, camion, les trucs qui roulent quoi. Et ils ont toujours voulu que moi, je ne sois pas ouvrière. Que moi, je sors de notre classe sociale. Pour aussi loin que je me rappelle... Il me destinait à une grande carrière, une grande vie et surtout un bon salaire. Et moi, j'ai vécu cette vie, ce chemin avec enthousiasme, avec joie. J'irai peut-être pas jusque-là, mais en tout cas, j'ai pas remis en question l'idée de sortir de ma classe sociale. L'idée étant de monter. On était en bas, il fallait aller en haut. Tout ça, je l'ai vraiment super bien intégré. D'ailleurs, mon père me disait souvent, quand on plaisantait au sujet des études et de ce que je ferais plus tard, et du fait que j'allais à l'université et j'avais intérêt à réussir. Parce que si je ratais, je serais caissière chez Leclerc. Voilà, ça c'est les mots de mon père. C'est des mots, maintenant, je sais qu'ils sont... classiste en fait, c'est du mépris de classe intégrée, même si je ne pense pas du tout que mon père méprise les caissières. Mais c'était sa façon à lui de me dire tu ne seras pas comme nous, tu ne seras pas quelqu'un dont on ne valorise pas le travail et qu'on peut maltraiter à volonté, en tant que patron ou en tant que client d'ailleurs. Puisque mes deux parents, surtout ma mère, étaient en contact avec du public. Et j'ai vu ma mère, j'allais passer des heures parfois dans le salon quand il y avait un problème de garde, ou bien parce que j'étais assez grande pour aller au salon, mais peut-être pas assez grande pour être toute seule à la maison. Je restais parfois des heures dans le salon de coiffure, assise dans un coin à regarder. Et j'entendais ma mère discuter avec ses femmes. Elle parlait, les clientes, elles parlaient de... de leur maison dans le sud de la France. C'est tellement de problèmes, vous ne vous rendez pas compte. Et ma mère qui essaie, qui disait, oui, c'est sûr, difficile, difficile. Je comprends, oui, parce que les ouvriers qui devaient faire le toit, ils ont fait n'importe quoi, on ne peut faire confiance à personne. Et moi, j'avais l'impression d'être dans un film, puisque je voyais ma mère, mais ce n'était pas ma mère en fait. Je voyais ma mère jouer un rôle, le rôle de... L'employée parfaite, le rôle de la coiffeuse parfaite, le rôle de, je sais pas si c'est la psy, la dame de compagnie peut-être. Et c'est marrant parce que c'était elle mais c'était pas elle. Et j'entendais ces femmes qui se plaignaient de leurs vacances, de leur maison, de leur mari. C'était un coiffeur qui avait une clientèle très bourgeoise. Il faut dire que je suis née à Annecy qui est une ville déjà en soi assez bourgeoise. Et nous, on n'habitait pas à Annecy même, on habitait un peu plus loin, bien sûr, mais elle travaillait à Annecy. Et moi, je la voyais là, les bras levés, ses cheveux dans une main, le peigne dans l'autre, à devoir tout écouter avec le bruit du séchoir aussi dans les oreilles, le mal de dos, le mal des poignets, je savais qu'elle avait des douleurs aussi. Il y a beaucoup de tendinites chez les coiffeuses, évidemment, parce que c'est un métier très, très fatigant. Je me disais, mais c'est marrant, pourquoi elle... Elle est comme ça avec ses dames alors que le reste du temps, elle est beaucoup plus bavarde. Elle discute et elle dit ce qu'elle pense. Là, j'ai l'impression qu'elle ne dit pas du tout ce qu'elle pense. Sachant que je parle de vacances et de maisons dans le sud, parce que je me rappelle vraiment que c'était la principale source de tracas des clientes de ce salon de coiffure. C'était leurs vacances et leurs maisons dans toute la France. En maison secondaire, tertiaire, quaternaire. Et nous, on partait pas du tout en vacances. Jamais, on partait en vacances. Tous les étés, moi, je restais chez moi, quoi. Mais j'en souffrais pas, je pense, pour deux raisons. La première, c'est que, pour moi, c'était comme ça, et puis c'est tout. J'avais pas connu autre chose, donc voilà. Et j'étais pas malheureuse. Je m'occupais, ou je trouvais toujours quelque chose à faire. La deuxième, c'est que j'habitais à Annecy, qui est quand même une très belle ville. Donc vraiment, par rapport à, je pense, beaucoup d'autres enfants ou jeunes qui auraient pu être dans ma classe sociale, le fait d'habiter à Annecy, ça change tout. On est dans une destination de vacances, en fait. Donc je pouvais aller à la plage gratuitement. Je prenais le bus ou j'allais à pied avec mes copines. Et voilà. Surtout que quand j'étais au collège... J'avais des amis plutôt bourgeois, bourgeoises, du fait du collège où j'étais, mais ça, ça fera l'objet d'une série entière sur pourquoi j'ai atterri dans ce collège. Mais par contre, au lycée, mes amis étaient vraiment plutôt de mon milieu social, voire même de milieu social plus modeste. Donc on s'était bien trouvés et on pouvait passer des heures sans rien boire. Parce qu'on n'avait pas d'argent pour aller dans les cafés, à être à Bonlieu pour celles et ceux qui connaissent Annecy, qui est un centre où il y a la bibliothèque, il y a des magasins et tout ça. Et donc on s'asseyait sur les marches et on regardait les gens passer, on parlait toute la journée, sans rien dépenser. Et ça ne nous dérangeait pas. Pour nous, c'était cool. Puis pareil pour la plage, on pouvait aller à la plage en été. On allait à la plage non payante qui est au bord de la route. Et qui est... qu'il y a une plage qui donne sur un magnifique lac, donc voilà. Je pense que ça explique aussi pourquoi je ne me suis pas sentie lésée. Par contre, quand j'ai commencé à être adulte et à fréquenter des gens qui parlent de leurs souvenirs, qui parlent de leurs vacances tout le temps, et quand j'ai passé un concours pour rentrer dans un diplôme, une formation universitaire très élitiste qui combinait deux diplômes, deux masters, Et bien, l'entretien oral en espagnol, parce qu'il fallait parler deux langues et gérer, bon, avoir des bonnes notes, etc. Pour entrer dans un double master sciences politiques, droit international et langue étrangère. Et en fait, j'avais un oral en espagnol où elle m'a demandé ce que j'ai fait pour les vacances. Ce que j'avais fait, ce que j'ai fait. Et déjà, j'avais du mal à parler en espagnol parce que, bon, les cours en espagnol que j'avais eus, c'était pas, voilà, c'était pas le... top du top on va dire, Nora el top del top et voilà donc je pouvais lire plein de choses, j'avais appris tout ce que je pouvais mais c'est vrai que parler on n'avait pas bien travaillé ça, les langues étrangères c'est pas notre notre grande force je dirais dans l'éducation nationale française et donc j'ai un peu foiré mon oral espagnol et surtout qu'elle me demandait ce que j'ai fait pour les vacances et je répondais nada. Et j'ai été ensuite convoquée par le directeur du diplôme qui m'a dit, bon moi je vous aime beaucoup, vous avez un profil original. Là maintenant je sais ce que ça veut dire, j'étais la seule personne non bourgeoise de toute la promo. Enfin presque, il y avait une deuxième mais elle était cachée, comme ça arrive parfois. Et ça aussi j'y reviendrai sûrement. Et donc il m'a dit, moi j'ai envie de vous prendre mais c'est un peu un risque parce qu'en espagnol vous avez quand même... plutôt une mauvaise appréciation, je ne sais pas ce qui s'est passé à l'oral. Et donc j'ai rigolé et je lui ai expliqué qu'effectivement c'était dur pour moi, mais qu'en plus elle me demandait de parler de mes vacances, et il pensait que j'avais menti, parce que je ne savais pas parler, et que je n'avais pas voulu raconter mes vacances. Parce que toutes les autres personnes qui postulaient étaient des gens qui voyageaient beaucoup, et qui avaient fait aussi des séjours linguistiques. Donc ils parlaient très bien espagnol et anglais, parce que leurs parents les avaient envoyés une semaine, 15 jours pendant les vacances. apprendre les langues étrangères quoi, directement dans le pays, en immersion, ce qui coûte très cher. Alors que moi, je vous ai raconté que j'allais... à la plage, mais j'allais surtout travailler. Donc moi, toutes les vacances, à partir de mes 16 ans, je travaillais un mois ou deux mois entiers. Donc dans tous les cas, je ne me perdais pas de temps à me dire qu'est-ce que j'aimerais être en vacances quelque part, en Italie ou en Espagne ou quoi. Je ne savais même pas ce qu'était l'Italie ni l'Espagne et je n'avais pas le temps de rêver à ça puisque j'étais en train de bosser à l'usine, à Leclerc. Je vais d'ailleurs rendre plus pour Leclerc si vous voulez me sponsoriser, c'est possible. mes parents habitaient à côté d'un Leclerc. Au supermarché, on va dire, j'ai fait plein de petits boulots, les étés, et je trouve que ça m'a vraiment beaucoup enrichie, beaucoup apportée. Mais il est sûr que je ne me suis pas vraiment dorée la pilule et je n'ai pas fait la dolce vita juillet-août de toute mon enfance à toute mon adolescence et à mon adulte jeunesse. Donc voilà. Je ne sais plus comment je suis arrivée jusque là. Pourtant, je vous assure, j'avais écrit un script. J'avais vraiment préparé ce que j'allais vous dire. Et maintenant, je ne sais plus où j'en suis. Vous me pardonnerez, j'espère. Ce que je voulais dire, c'était que j'étais dans cette classe sociale-là. Je n'étais pas du tout malheureuse. Franchement, j'ai des très bons souvenirs de ma jeunesse, de mon enfance. Mes parents étaient superbes. Et ils me donnaient tout ce que je voulais, sachant que je ne voulais pas une Porsche ni partir en vacances. Donc, ça tombait bien. Mais ils ont vraiment tout fait pour que je me sente très bien et que j'ai le nécessaire et même plus. Mais évidemment, ça reste une classe sociale particulière. Et j'étais éduquée et entraînée à travailler pour en sortir. C'était vraiment l'unique but de tout ça, c'était sortir de cette classe sociale, sortir des métiers manuels. sortir de la peur de la précarité, sortir de l'insécurité financière. Et ma mère voulait vraiment, ma mère était obsédée par l'idée que je sois indépendante financièrement. Bien sûr, ça touche à d'autres choses. Il n'y a pas que la question d'avoir un bon salaire. Il y a aussi comment construire sa vie. Mais pour plein de raisons liées à son niveau socio-professionnel et économique, mais aussi à une histoire intrafamiliale. un peu plus complexe. Elle avait très très peur que je vive dans l'angoisse de ne pas finir le mois, que je sois exploitée par un patron ou une patronne et qui fait que je ne peux pas quitter mon travail quand ma fille est à l'hôpital, histoire vraie. Des choses comme ça, en tout cas mes parents ne les voulaient pas pour moi. Pour eux ça allait, ils s'étaient fait une idée, mais pour moi ce n'était pas possible. Donc on est partis là-dessus tous les trois et j'ai fait mes études. j'ai été prise dans ce double diplôme élitiste et ensuite j'ai fait post-master etc et c'est comme ça que je suis arrivée en Belgique, c'est pour venir étudier le droit international de droit de l'homme, à l'époque ça s'appelait comme ça, vous me permettrez de le renommer droit humain parce que droit de l'homme c'est pas très intéressant c'est droit de la femme, droit de tous les genres en fait c'est ça qui est intéressant et c'est ça qui était moteur chez moi je voulais faire Quelque chose qui avait du sens, je voulais avoir un bon travail, bien payé, mais aussi utile. Et après j'ai déconstruit mes illusions, n'est-ce pas ? Mes illusions sur c'est quoi sauver le monde ? Est-ce que travailler à l'ONU veut dire sauver le monde ? Spoiler alert ! Non, mais je ne le savais pas encore quand j'ai fait mes études. Je l'ai découvert ensuite, puisque j'ai travaillé à l'ONU. J'ai suivi mon parcours de ce qu'on appelle trans-classe ou transfuge de classe. Ces termes ne sont pas satisfaisants. J'ai lu pas mal de choses sur le sujet. Bon, évidemment, Bourdieu sera présent dans plusieurs épisodes parce que c'est ce déclic que j'ai eu quand j'étais au lycée avec un prof d'éco magnifique qui me stimulait à fond et que j'avais envie de... De faire taire sur la reproduction sociale et sur Bourdieu en disant « Mais non, c'est pas vrai, quand on veut, on peut. » Parce que moi, j'ai été biberonnée à « quand on veut, on peut » . Littéralement biberonnée à ça. Ma mère, c'est vraiment son motto, comme on dit. Son, je sais pas, en français... Excusez les mots anglais. Moi, j'habite en Belgique, on a plein de mots anglais dans notre vocabulaire quotidien. En tout cas, c'est... C'est sur ce mythe du mérite que j'ai gravi les échelons, si j'ose dire, parce que c'est comme ça que c'était vu, on était en bas, il fallait monter. Maintenant, je vois les choses bien différemment. Et là encore, je ne vous ai même pas parlé du fait qu'au fond de moi, sûrement brûlait déjà la flamme de chanter, ça c'est sûr, de créer, d'écrire, de m'exprimer, de jouer. Mais je n'en avais aucune idée. Et surtout, je n'avais pas du tout l'autorisation de le faire. Inconsciemment, jamais de ma vie, j'aurais pu envisager qu'un métier artistique soit quelque chose d'ouvert pour moi. Et c'est aussi pour ça que je crée... Ce podcast Transclassos, c'est peut-être pour les jeunes, les adultes, tout le monde en fait, les vieux, les vieilles, c'est quoi, une vieille, je sais pas, qui osent pas se lancer, ou bien qui se disent qu'ils sont lâches, parce qu'ils ne jettent pas tout en l'air pour aller tenter la vie d'artiste. J'arrive, j'ai même pas les mots tellement, je sens que le feu en moi monte d'indignation. De ces faux discours de « Ah bah oui, la manière des TEDx quoi. Bah voilà, un jour j'ai décidé que j'allais faire le tour du monde et voilà. C'est juste, vous savez, il faut juste un moment le faire et puis c'est tout. Oui, ça demande un peu de courage, mais non, en fait, ça demande de l'argent. La vérité, c'est que faire le tour du monde sur un coup de tête, ça demande de l'argent. Et de choisir une carrière artistique, ça demande de l'argent. Et de vivre en tant qu'artiste, ça demande de l'argent. C'est ça la vérité. Et c'est pour ça que j'ai créé Transclassos. A bientôt pour le second épisode.

Chapters

  • Introduction à Transclassos et à son parcours personnel

    00:42

  • Enfance et aspirations familiales

    00:55

  • La perception de la classe sociale et du mérite

    01:29

  • Expériences au salon de coiffure et observations sociales

    02:04

  • Études et défis de l'identité sociale

    07:33

  • Réflexions sur le parcours artistique et les réalités financières

    11:50

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Description

Bienvenue dans TRANSCLASSOS


Dans ce premier épisode, je me présente un peu, je vous livre pourquoi j'ai créé Transclassos et comment j'ai grandi, biberonnée au "quand on veut, on peut" par une mère coiffeuse et un père mécanicien. Tous les deux adorables et bien-intentionnés, qui rêvaient pour moi d'un beau métier bien payé, qui n'abîme pas les mains. Et j'esquisse comment j'ai suivi ce chemin et voulu faire mentir Bourdieu et sa reproduction sociale...


C'est le tout premier épisode, n'hésitez pas à m'écrire pour me dire ce que vous avez envie d'entendre dans les prochains !


A très vite, pour la suite 🙌


__________________________________________


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Transclassos. Ici, on parle de classe sociale, du mythe du mérite, du club un peu trop fermé de la culture. Je m'appelle Peggy Pexy Green. Parfois je raconte, parfois j'écoute. Des artistes issus de classes populaires prennent la parole. On rit, on se révolte, on fait entendre notre voix. Bienvenue dans Transclassos. Pour ce premier épisode, j'ai envie de vous raconter un petit peu pourquoi... Pourquoi un petit peu ? J'ai envie de vous raconter tout court pourquoi j'ai créé Transclassos. Je viens d'un milieu dit populaire. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire populaire, mais ce que je sais, c'est que mes deux parents étaient ce qu'on appelle ouvriers qualifiés. Ma mère était coiffeuse, employée dans un salon, et mon père était mécanicien. Auto, camion, les trucs qui roulent quoi. Et ils ont toujours voulu que moi, je ne sois pas ouvrière. Que moi, je sors de notre classe sociale. Pour aussi loin que je me rappelle... Il me destinait à une grande carrière, une grande vie et surtout un bon salaire. Et moi, j'ai vécu cette vie, ce chemin avec enthousiasme, avec joie. J'irai peut-être pas jusque-là, mais en tout cas, j'ai pas remis en question l'idée de sortir de ma classe sociale. L'idée étant de monter. On était en bas, il fallait aller en haut. Tout ça, je l'ai vraiment super bien intégré. D'ailleurs, mon père me disait souvent, quand on plaisantait au sujet des études et de ce que je ferais plus tard, et du fait que j'allais à l'université et j'avais intérêt à réussir. Parce que si je ratais, je serais caissière chez Leclerc. Voilà, ça c'est les mots de mon père. C'est des mots, maintenant, je sais qu'ils sont... classiste en fait, c'est du mépris de classe intégrée, même si je ne pense pas du tout que mon père méprise les caissières. Mais c'était sa façon à lui de me dire tu ne seras pas comme nous, tu ne seras pas quelqu'un dont on ne valorise pas le travail et qu'on peut maltraiter à volonté, en tant que patron ou en tant que client d'ailleurs. Puisque mes deux parents, surtout ma mère, étaient en contact avec du public. Et j'ai vu ma mère, j'allais passer des heures parfois dans le salon quand il y avait un problème de garde, ou bien parce que j'étais assez grande pour aller au salon, mais peut-être pas assez grande pour être toute seule à la maison. Je restais parfois des heures dans le salon de coiffure, assise dans un coin à regarder. Et j'entendais ma mère discuter avec ses femmes. Elle parlait, les clientes, elles parlaient de... de leur maison dans le sud de la France. C'est tellement de problèmes, vous ne vous rendez pas compte. Et ma mère qui essaie, qui disait, oui, c'est sûr, difficile, difficile. Je comprends, oui, parce que les ouvriers qui devaient faire le toit, ils ont fait n'importe quoi, on ne peut faire confiance à personne. Et moi, j'avais l'impression d'être dans un film, puisque je voyais ma mère, mais ce n'était pas ma mère en fait. Je voyais ma mère jouer un rôle, le rôle de... L'employée parfaite, le rôle de la coiffeuse parfaite, le rôle de, je sais pas si c'est la psy, la dame de compagnie peut-être. Et c'est marrant parce que c'était elle mais c'était pas elle. Et j'entendais ces femmes qui se plaignaient de leurs vacances, de leur maison, de leur mari. C'était un coiffeur qui avait une clientèle très bourgeoise. Il faut dire que je suis née à Annecy qui est une ville déjà en soi assez bourgeoise. Et nous, on n'habitait pas à Annecy même, on habitait un peu plus loin, bien sûr, mais elle travaillait à Annecy. Et moi, je la voyais là, les bras levés, ses cheveux dans une main, le peigne dans l'autre, à devoir tout écouter avec le bruit du séchoir aussi dans les oreilles, le mal de dos, le mal des poignets, je savais qu'elle avait des douleurs aussi. Il y a beaucoup de tendinites chez les coiffeuses, évidemment, parce que c'est un métier très, très fatigant. Je me disais, mais c'est marrant, pourquoi elle... Elle est comme ça avec ses dames alors que le reste du temps, elle est beaucoup plus bavarde. Elle discute et elle dit ce qu'elle pense. Là, j'ai l'impression qu'elle ne dit pas du tout ce qu'elle pense. Sachant que je parle de vacances et de maisons dans le sud, parce que je me rappelle vraiment que c'était la principale source de tracas des clientes de ce salon de coiffure. C'était leurs vacances et leurs maisons dans toute la France. En maison secondaire, tertiaire, quaternaire. Et nous, on partait pas du tout en vacances. Jamais, on partait en vacances. Tous les étés, moi, je restais chez moi, quoi. Mais j'en souffrais pas, je pense, pour deux raisons. La première, c'est que, pour moi, c'était comme ça, et puis c'est tout. J'avais pas connu autre chose, donc voilà. Et j'étais pas malheureuse. Je m'occupais, ou je trouvais toujours quelque chose à faire. La deuxième, c'est que j'habitais à Annecy, qui est quand même une très belle ville. Donc vraiment, par rapport à, je pense, beaucoup d'autres enfants ou jeunes qui auraient pu être dans ma classe sociale, le fait d'habiter à Annecy, ça change tout. On est dans une destination de vacances, en fait. Donc je pouvais aller à la plage gratuitement. Je prenais le bus ou j'allais à pied avec mes copines. Et voilà. Surtout que quand j'étais au collège... J'avais des amis plutôt bourgeois, bourgeoises, du fait du collège où j'étais, mais ça, ça fera l'objet d'une série entière sur pourquoi j'ai atterri dans ce collège. Mais par contre, au lycée, mes amis étaient vraiment plutôt de mon milieu social, voire même de milieu social plus modeste. Donc on s'était bien trouvés et on pouvait passer des heures sans rien boire. Parce qu'on n'avait pas d'argent pour aller dans les cafés, à être à Bonlieu pour celles et ceux qui connaissent Annecy, qui est un centre où il y a la bibliothèque, il y a des magasins et tout ça. Et donc on s'asseyait sur les marches et on regardait les gens passer, on parlait toute la journée, sans rien dépenser. Et ça ne nous dérangeait pas. Pour nous, c'était cool. Puis pareil pour la plage, on pouvait aller à la plage en été. On allait à la plage non payante qui est au bord de la route. Et qui est... qu'il y a une plage qui donne sur un magnifique lac, donc voilà. Je pense que ça explique aussi pourquoi je ne me suis pas sentie lésée. Par contre, quand j'ai commencé à être adulte et à fréquenter des gens qui parlent de leurs souvenirs, qui parlent de leurs vacances tout le temps, et quand j'ai passé un concours pour rentrer dans un diplôme, une formation universitaire très élitiste qui combinait deux diplômes, deux masters, Et bien, l'entretien oral en espagnol, parce qu'il fallait parler deux langues et gérer, bon, avoir des bonnes notes, etc. Pour entrer dans un double master sciences politiques, droit international et langue étrangère. Et en fait, j'avais un oral en espagnol où elle m'a demandé ce que j'ai fait pour les vacances. Ce que j'avais fait, ce que j'ai fait. Et déjà, j'avais du mal à parler en espagnol parce que, bon, les cours en espagnol que j'avais eus, c'était pas, voilà, c'était pas le... top du top on va dire, Nora el top del top et voilà donc je pouvais lire plein de choses, j'avais appris tout ce que je pouvais mais c'est vrai que parler on n'avait pas bien travaillé ça, les langues étrangères c'est pas notre notre grande force je dirais dans l'éducation nationale française et donc j'ai un peu foiré mon oral espagnol et surtout qu'elle me demandait ce que j'ai fait pour les vacances et je répondais nada. Et j'ai été ensuite convoquée par le directeur du diplôme qui m'a dit, bon moi je vous aime beaucoup, vous avez un profil original. Là maintenant je sais ce que ça veut dire, j'étais la seule personne non bourgeoise de toute la promo. Enfin presque, il y avait une deuxième mais elle était cachée, comme ça arrive parfois. Et ça aussi j'y reviendrai sûrement. Et donc il m'a dit, moi j'ai envie de vous prendre mais c'est un peu un risque parce qu'en espagnol vous avez quand même... plutôt une mauvaise appréciation, je ne sais pas ce qui s'est passé à l'oral. Et donc j'ai rigolé et je lui ai expliqué qu'effectivement c'était dur pour moi, mais qu'en plus elle me demandait de parler de mes vacances, et il pensait que j'avais menti, parce que je ne savais pas parler, et que je n'avais pas voulu raconter mes vacances. Parce que toutes les autres personnes qui postulaient étaient des gens qui voyageaient beaucoup, et qui avaient fait aussi des séjours linguistiques. Donc ils parlaient très bien espagnol et anglais, parce que leurs parents les avaient envoyés une semaine, 15 jours pendant les vacances. apprendre les langues étrangères quoi, directement dans le pays, en immersion, ce qui coûte très cher. Alors que moi, je vous ai raconté que j'allais... à la plage, mais j'allais surtout travailler. Donc moi, toutes les vacances, à partir de mes 16 ans, je travaillais un mois ou deux mois entiers. Donc dans tous les cas, je ne me perdais pas de temps à me dire qu'est-ce que j'aimerais être en vacances quelque part, en Italie ou en Espagne ou quoi. Je ne savais même pas ce qu'était l'Italie ni l'Espagne et je n'avais pas le temps de rêver à ça puisque j'étais en train de bosser à l'usine, à Leclerc. Je vais d'ailleurs rendre plus pour Leclerc si vous voulez me sponsoriser, c'est possible. mes parents habitaient à côté d'un Leclerc. Au supermarché, on va dire, j'ai fait plein de petits boulots, les étés, et je trouve que ça m'a vraiment beaucoup enrichie, beaucoup apportée. Mais il est sûr que je ne me suis pas vraiment dorée la pilule et je n'ai pas fait la dolce vita juillet-août de toute mon enfance à toute mon adolescence et à mon adulte jeunesse. Donc voilà. Je ne sais plus comment je suis arrivée jusque là. Pourtant, je vous assure, j'avais écrit un script. J'avais vraiment préparé ce que j'allais vous dire. Et maintenant, je ne sais plus où j'en suis. Vous me pardonnerez, j'espère. Ce que je voulais dire, c'était que j'étais dans cette classe sociale-là. Je n'étais pas du tout malheureuse. Franchement, j'ai des très bons souvenirs de ma jeunesse, de mon enfance. Mes parents étaient superbes. Et ils me donnaient tout ce que je voulais, sachant que je ne voulais pas une Porsche ni partir en vacances. Donc, ça tombait bien. Mais ils ont vraiment tout fait pour que je me sente très bien et que j'ai le nécessaire et même plus. Mais évidemment, ça reste une classe sociale particulière. Et j'étais éduquée et entraînée à travailler pour en sortir. C'était vraiment l'unique but de tout ça, c'était sortir de cette classe sociale, sortir des métiers manuels. sortir de la peur de la précarité, sortir de l'insécurité financière. Et ma mère voulait vraiment, ma mère était obsédée par l'idée que je sois indépendante financièrement. Bien sûr, ça touche à d'autres choses. Il n'y a pas que la question d'avoir un bon salaire. Il y a aussi comment construire sa vie. Mais pour plein de raisons liées à son niveau socio-professionnel et économique, mais aussi à une histoire intrafamiliale. un peu plus complexe. Elle avait très très peur que je vive dans l'angoisse de ne pas finir le mois, que je sois exploitée par un patron ou une patronne et qui fait que je ne peux pas quitter mon travail quand ma fille est à l'hôpital, histoire vraie. Des choses comme ça, en tout cas mes parents ne les voulaient pas pour moi. Pour eux ça allait, ils s'étaient fait une idée, mais pour moi ce n'était pas possible. Donc on est partis là-dessus tous les trois et j'ai fait mes études. j'ai été prise dans ce double diplôme élitiste et ensuite j'ai fait post-master etc et c'est comme ça que je suis arrivée en Belgique, c'est pour venir étudier le droit international de droit de l'homme, à l'époque ça s'appelait comme ça, vous me permettrez de le renommer droit humain parce que droit de l'homme c'est pas très intéressant c'est droit de la femme, droit de tous les genres en fait c'est ça qui est intéressant et c'est ça qui était moteur chez moi je voulais faire Quelque chose qui avait du sens, je voulais avoir un bon travail, bien payé, mais aussi utile. Et après j'ai déconstruit mes illusions, n'est-ce pas ? Mes illusions sur c'est quoi sauver le monde ? Est-ce que travailler à l'ONU veut dire sauver le monde ? Spoiler alert ! Non, mais je ne le savais pas encore quand j'ai fait mes études. Je l'ai découvert ensuite, puisque j'ai travaillé à l'ONU. J'ai suivi mon parcours de ce qu'on appelle trans-classe ou transfuge de classe. Ces termes ne sont pas satisfaisants. J'ai lu pas mal de choses sur le sujet. Bon, évidemment, Bourdieu sera présent dans plusieurs épisodes parce que c'est ce déclic que j'ai eu quand j'étais au lycée avec un prof d'éco magnifique qui me stimulait à fond et que j'avais envie de... De faire taire sur la reproduction sociale et sur Bourdieu en disant « Mais non, c'est pas vrai, quand on veut, on peut. » Parce que moi, j'ai été biberonnée à « quand on veut, on peut » . Littéralement biberonnée à ça. Ma mère, c'est vraiment son motto, comme on dit. Son, je sais pas, en français... Excusez les mots anglais. Moi, j'habite en Belgique, on a plein de mots anglais dans notre vocabulaire quotidien. En tout cas, c'est... C'est sur ce mythe du mérite que j'ai gravi les échelons, si j'ose dire, parce que c'est comme ça que c'était vu, on était en bas, il fallait monter. Maintenant, je vois les choses bien différemment. Et là encore, je ne vous ai même pas parlé du fait qu'au fond de moi, sûrement brûlait déjà la flamme de chanter, ça c'est sûr, de créer, d'écrire, de m'exprimer, de jouer. Mais je n'en avais aucune idée. Et surtout, je n'avais pas du tout l'autorisation de le faire. Inconsciemment, jamais de ma vie, j'aurais pu envisager qu'un métier artistique soit quelque chose d'ouvert pour moi. Et c'est aussi pour ça que je crée... Ce podcast Transclassos, c'est peut-être pour les jeunes, les adultes, tout le monde en fait, les vieux, les vieilles, c'est quoi, une vieille, je sais pas, qui osent pas se lancer, ou bien qui se disent qu'ils sont lâches, parce qu'ils ne jettent pas tout en l'air pour aller tenter la vie d'artiste. J'arrive, j'ai même pas les mots tellement, je sens que le feu en moi monte d'indignation. De ces faux discours de « Ah bah oui, la manière des TEDx quoi. Bah voilà, un jour j'ai décidé que j'allais faire le tour du monde et voilà. C'est juste, vous savez, il faut juste un moment le faire et puis c'est tout. Oui, ça demande un peu de courage, mais non, en fait, ça demande de l'argent. La vérité, c'est que faire le tour du monde sur un coup de tête, ça demande de l'argent. Et de choisir une carrière artistique, ça demande de l'argent. Et de vivre en tant qu'artiste, ça demande de l'argent. C'est ça la vérité. Et c'est pour ça que j'ai créé Transclassos. A bientôt pour le second épisode.

Chapters

  • Introduction à Transclassos et à son parcours personnel

    00:42

  • Enfance et aspirations familiales

    00:55

  • La perception de la classe sociale et du mérite

    01:29

  • Expériences au salon de coiffure et observations sociales

    02:04

  • Études et défis de l'identité sociale

    07:33

  • Réflexions sur le parcours artistique et les réalités financières

    11:50

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Bienvenue dans TRANSCLASSOS


Dans ce premier épisode, je me présente un peu, je vous livre pourquoi j'ai créé Transclassos et comment j'ai grandi, biberonnée au "quand on veut, on peut" par une mère coiffeuse et un père mécanicien. Tous les deux adorables et bien-intentionnés, qui rêvaient pour moi d'un beau métier bien payé, qui n'abîme pas les mains. Et j'esquisse comment j'ai suivi ce chemin et voulu faire mentir Bourdieu et sa reproduction sociale...


C'est le tout premier épisode, n'hésitez pas à m'écrire pour me dire ce que vous avez envie d'entendre dans les prochains !


A très vite, pour la suite 🙌


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  • Speaker #0

    Bienvenue dans Transclassos. Ici, on parle de classe sociale, du mythe du mérite, du club un peu trop fermé de la culture. Je m'appelle Peggy Pexy Green. Parfois je raconte, parfois j'écoute. Des artistes issus de classes populaires prennent la parole. On rit, on se révolte, on fait entendre notre voix. Bienvenue dans Transclassos. Pour ce premier épisode, j'ai envie de vous raconter un petit peu pourquoi... Pourquoi un petit peu ? J'ai envie de vous raconter tout court pourquoi j'ai créé Transclassos. Je viens d'un milieu dit populaire. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire populaire, mais ce que je sais, c'est que mes deux parents étaient ce qu'on appelle ouvriers qualifiés. Ma mère était coiffeuse, employée dans un salon, et mon père était mécanicien. Auto, camion, les trucs qui roulent quoi. Et ils ont toujours voulu que moi, je ne sois pas ouvrière. Que moi, je sors de notre classe sociale. Pour aussi loin que je me rappelle... Il me destinait à une grande carrière, une grande vie et surtout un bon salaire. Et moi, j'ai vécu cette vie, ce chemin avec enthousiasme, avec joie. J'irai peut-être pas jusque-là, mais en tout cas, j'ai pas remis en question l'idée de sortir de ma classe sociale. L'idée étant de monter. On était en bas, il fallait aller en haut. Tout ça, je l'ai vraiment super bien intégré. D'ailleurs, mon père me disait souvent, quand on plaisantait au sujet des études et de ce que je ferais plus tard, et du fait que j'allais à l'université et j'avais intérêt à réussir. Parce que si je ratais, je serais caissière chez Leclerc. Voilà, ça c'est les mots de mon père. C'est des mots, maintenant, je sais qu'ils sont... classiste en fait, c'est du mépris de classe intégrée, même si je ne pense pas du tout que mon père méprise les caissières. Mais c'était sa façon à lui de me dire tu ne seras pas comme nous, tu ne seras pas quelqu'un dont on ne valorise pas le travail et qu'on peut maltraiter à volonté, en tant que patron ou en tant que client d'ailleurs. Puisque mes deux parents, surtout ma mère, étaient en contact avec du public. Et j'ai vu ma mère, j'allais passer des heures parfois dans le salon quand il y avait un problème de garde, ou bien parce que j'étais assez grande pour aller au salon, mais peut-être pas assez grande pour être toute seule à la maison. Je restais parfois des heures dans le salon de coiffure, assise dans un coin à regarder. Et j'entendais ma mère discuter avec ses femmes. Elle parlait, les clientes, elles parlaient de... de leur maison dans le sud de la France. C'est tellement de problèmes, vous ne vous rendez pas compte. Et ma mère qui essaie, qui disait, oui, c'est sûr, difficile, difficile. Je comprends, oui, parce que les ouvriers qui devaient faire le toit, ils ont fait n'importe quoi, on ne peut faire confiance à personne. Et moi, j'avais l'impression d'être dans un film, puisque je voyais ma mère, mais ce n'était pas ma mère en fait. Je voyais ma mère jouer un rôle, le rôle de... L'employée parfaite, le rôle de la coiffeuse parfaite, le rôle de, je sais pas si c'est la psy, la dame de compagnie peut-être. Et c'est marrant parce que c'était elle mais c'était pas elle. Et j'entendais ces femmes qui se plaignaient de leurs vacances, de leur maison, de leur mari. C'était un coiffeur qui avait une clientèle très bourgeoise. Il faut dire que je suis née à Annecy qui est une ville déjà en soi assez bourgeoise. Et nous, on n'habitait pas à Annecy même, on habitait un peu plus loin, bien sûr, mais elle travaillait à Annecy. Et moi, je la voyais là, les bras levés, ses cheveux dans une main, le peigne dans l'autre, à devoir tout écouter avec le bruit du séchoir aussi dans les oreilles, le mal de dos, le mal des poignets, je savais qu'elle avait des douleurs aussi. Il y a beaucoup de tendinites chez les coiffeuses, évidemment, parce que c'est un métier très, très fatigant. Je me disais, mais c'est marrant, pourquoi elle... Elle est comme ça avec ses dames alors que le reste du temps, elle est beaucoup plus bavarde. Elle discute et elle dit ce qu'elle pense. Là, j'ai l'impression qu'elle ne dit pas du tout ce qu'elle pense. Sachant que je parle de vacances et de maisons dans le sud, parce que je me rappelle vraiment que c'était la principale source de tracas des clientes de ce salon de coiffure. C'était leurs vacances et leurs maisons dans toute la France. En maison secondaire, tertiaire, quaternaire. Et nous, on partait pas du tout en vacances. Jamais, on partait en vacances. Tous les étés, moi, je restais chez moi, quoi. Mais j'en souffrais pas, je pense, pour deux raisons. La première, c'est que, pour moi, c'était comme ça, et puis c'est tout. J'avais pas connu autre chose, donc voilà. Et j'étais pas malheureuse. Je m'occupais, ou je trouvais toujours quelque chose à faire. La deuxième, c'est que j'habitais à Annecy, qui est quand même une très belle ville. Donc vraiment, par rapport à, je pense, beaucoup d'autres enfants ou jeunes qui auraient pu être dans ma classe sociale, le fait d'habiter à Annecy, ça change tout. On est dans une destination de vacances, en fait. Donc je pouvais aller à la plage gratuitement. Je prenais le bus ou j'allais à pied avec mes copines. Et voilà. Surtout que quand j'étais au collège... J'avais des amis plutôt bourgeois, bourgeoises, du fait du collège où j'étais, mais ça, ça fera l'objet d'une série entière sur pourquoi j'ai atterri dans ce collège. Mais par contre, au lycée, mes amis étaient vraiment plutôt de mon milieu social, voire même de milieu social plus modeste. Donc on s'était bien trouvés et on pouvait passer des heures sans rien boire. Parce qu'on n'avait pas d'argent pour aller dans les cafés, à être à Bonlieu pour celles et ceux qui connaissent Annecy, qui est un centre où il y a la bibliothèque, il y a des magasins et tout ça. Et donc on s'asseyait sur les marches et on regardait les gens passer, on parlait toute la journée, sans rien dépenser. Et ça ne nous dérangeait pas. Pour nous, c'était cool. Puis pareil pour la plage, on pouvait aller à la plage en été. On allait à la plage non payante qui est au bord de la route. Et qui est... qu'il y a une plage qui donne sur un magnifique lac, donc voilà. Je pense que ça explique aussi pourquoi je ne me suis pas sentie lésée. Par contre, quand j'ai commencé à être adulte et à fréquenter des gens qui parlent de leurs souvenirs, qui parlent de leurs vacances tout le temps, et quand j'ai passé un concours pour rentrer dans un diplôme, une formation universitaire très élitiste qui combinait deux diplômes, deux masters, Et bien, l'entretien oral en espagnol, parce qu'il fallait parler deux langues et gérer, bon, avoir des bonnes notes, etc. Pour entrer dans un double master sciences politiques, droit international et langue étrangère. Et en fait, j'avais un oral en espagnol où elle m'a demandé ce que j'ai fait pour les vacances. Ce que j'avais fait, ce que j'ai fait. Et déjà, j'avais du mal à parler en espagnol parce que, bon, les cours en espagnol que j'avais eus, c'était pas, voilà, c'était pas le... top du top on va dire, Nora el top del top et voilà donc je pouvais lire plein de choses, j'avais appris tout ce que je pouvais mais c'est vrai que parler on n'avait pas bien travaillé ça, les langues étrangères c'est pas notre notre grande force je dirais dans l'éducation nationale française et donc j'ai un peu foiré mon oral espagnol et surtout qu'elle me demandait ce que j'ai fait pour les vacances et je répondais nada. Et j'ai été ensuite convoquée par le directeur du diplôme qui m'a dit, bon moi je vous aime beaucoup, vous avez un profil original. Là maintenant je sais ce que ça veut dire, j'étais la seule personne non bourgeoise de toute la promo. Enfin presque, il y avait une deuxième mais elle était cachée, comme ça arrive parfois. Et ça aussi j'y reviendrai sûrement. Et donc il m'a dit, moi j'ai envie de vous prendre mais c'est un peu un risque parce qu'en espagnol vous avez quand même... plutôt une mauvaise appréciation, je ne sais pas ce qui s'est passé à l'oral. Et donc j'ai rigolé et je lui ai expliqué qu'effectivement c'était dur pour moi, mais qu'en plus elle me demandait de parler de mes vacances, et il pensait que j'avais menti, parce que je ne savais pas parler, et que je n'avais pas voulu raconter mes vacances. Parce que toutes les autres personnes qui postulaient étaient des gens qui voyageaient beaucoup, et qui avaient fait aussi des séjours linguistiques. Donc ils parlaient très bien espagnol et anglais, parce que leurs parents les avaient envoyés une semaine, 15 jours pendant les vacances. apprendre les langues étrangères quoi, directement dans le pays, en immersion, ce qui coûte très cher. Alors que moi, je vous ai raconté que j'allais... à la plage, mais j'allais surtout travailler. Donc moi, toutes les vacances, à partir de mes 16 ans, je travaillais un mois ou deux mois entiers. Donc dans tous les cas, je ne me perdais pas de temps à me dire qu'est-ce que j'aimerais être en vacances quelque part, en Italie ou en Espagne ou quoi. Je ne savais même pas ce qu'était l'Italie ni l'Espagne et je n'avais pas le temps de rêver à ça puisque j'étais en train de bosser à l'usine, à Leclerc. Je vais d'ailleurs rendre plus pour Leclerc si vous voulez me sponsoriser, c'est possible. mes parents habitaient à côté d'un Leclerc. Au supermarché, on va dire, j'ai fait plein de petits boulots, les étés, et je trouve que ça m'a vraiment beaucoup enrichie, beaucoup apportée. Mais il est sûr que je ne me suis pas vraiment dorée la pilule et je n'ai pas fait la dolce vita juillet-août de toute mon enfance à toute mon adolescence et à mon adulte jeunesse. Donc voilà. Je ne sais plus comment je suis arrivée jusque là. Pourtant, je vous assure, j'avais écrit un script. J'avais vraiment préparé ce que j'allais vous dire. Et maintenant, je ne sais plus où j'en suis. Vous me pardonnerez, j'espère. Ce que je voulais dire, c'était que j'étais dans cette classe sociale-là. Je n'étais pas du tout malheureuse. Franchement, j'ai des très bons souvenirs de ma jeunesse, de mon enfance. Mes parents étaient superbes. Et ils me donnaient tout ce que je voulais, sachant que je ne voulais pas une Porsche ni partir en vacances. Donc, ça tombait bien. Mais ils ont vraiment tout fait pour que je me sente très bien et que j'ai le nécessaire et même plus. Mais évidemment, ça reste une classe sociale particulière. Et j'étais éduquée et entraînée à travailler pour en sortir. C'était vraiment l'unique but de tout ça, c'était sortir de cette classe sociale, sortir des métiers manuels. sortir de la peur de la précarité, sortir de l'insécurité financière. Et ma mère voulait vraiment, ma mère était obsédée par l'idée que je sois indépendante financièrement. Bien sûr, ça touche à d'autres choses. Il n'y a pas que la question d'avoir un bon salaire. Il y a aussi comment construire sa vie. Mais pour plein de raisons liées à son niveau socio-professionnel et économique, mais aussi à une histoire intrafamiliale. un peu plus complexe. Elle avait très très peur que je vive dans l'angoisse de ne pas finir le mois, que je sois exploitée par un patron ou une patronne et qui fait que je ne peux pas quitter mon travail quand ma fille est à l'hôpital, histoire vraie. Des choses comme ça, en tout cas mes parents ne les voulaient pas pour moi. Pour eux ça allait, ils s'étaient fait une idée, mais pour moi ce n'était pas possible. Donc on est partis là-dessus tous les trois et j'ai fait mes études. j'ai été prise dans ce double diplôme élitiste et ensuite j'ai fait post-master etc et c'est comme ça que je suis arrivée en Belgique, c'est pour venir étudier le droit international de droit de l'homme, à l'époque ça s'appelait comme ça, vous me permettrez de le renommer droit humain parce que droit de l'homme c'est pas très intéressant c'est droit de la femme, droit de tous les genres en fait c'est ça qui est intéressant et c'est ça qui était moteur chez moi je voulais faire Quelque chose qui avait du sens, je voulais avoir un bon travail, bien payé, mais aussi utile. Et après j'ai déconstruit mes illusions, n'est-ce pas ? Mes illusions sur c'est quoi sauver le monde ? Est-ce que travailler à l'ONU veut dire sauver le monde ? Spoiler alert ! Non, mais je ne le savais pas encore quand j'ai fait mes études. Je l'ai découvert ensuite, puisque j'ai travaillé à l'ONU. J'ai suivi mon parcours de ce qu'on appelle trans-classe ou transfuge de classe. Ces termes ne sont pas satisfaisants. J'ai lu pas mal de choses sur le sujet. Bon, évidemment, Bourdieu sera présent dans plusieurs épisodes parce que c'est ce déclic que j'ai eu quand j'étais au lycée avec un prof d'éco magnifique qui me stimulait à fond et que j'avais envie de... De faire taire sur la reproduction sociale et sur Bourdieu en disant « Mais non, c'est pas vrai, quand on veut, on peut. » Parce que moi, j'ai été biberonnée à « quand on veut, on peut » . Littéralement biberonnée à ça. Ma mère, c'est vraiment son motto, comme on dit. Son, je sais pas, en français... Excusez les mots anglais. Moi, j'habite en Belgique, on a plein de mots anglais dans notre vocabulaire quotidien. En tout cas, c'est... C'est sur ce mythe du mérite que j'ai gravi les échelons, si j'ose dire, parce que c'est comme ça que c'était vu, on était en bas, il fallait monter. Maintenant, je vois les choses bien différemment. Et là encore, je ne vous ai même pas parlé du fait qu'au fond de moi, sûrement brûlait déjà la flamme de chanter, ça c'est sûr, de créer, d'écrire, de m'exprimer, de jouer. Mais je n'en avais aucune idée. Et surtout, je n'avais pas du tout l'autorisation de le faire. Inconsciemment, jamais de ma vie, j'aurais pu envisager qu'un métier artistique soit quelque chose d'ouvert pour moi. Et c'est aussi pour ça que je crée... Ce podcast Transclassos, c'est peut-être pour les jeunes, les adultes, tout le monde en fait, les vieux, les vieilles, c'est quoi, une vieille, je sais pas, qui osent pas se lancer, ou bien qui se disent qu'ils sont lâches, parce qu'ils ne jettent pas tout en l'air pour aller tenter la vie d'artiste. J'arrive, j'ai même pas les mots tellement, je sens que le feu en moi monte d'indignation. De ces faux discours de « Ah bah oui, la manière des TEDx quoi. Bah voilà, un jour j'ai décidé que j'allais faire le tour du monde et voilà. C'est juste, vous savez, il faut juste un moment le faire et puis c'est tout. Oui, ça demande un peu de courage, mais non, en fait, ça demande de l'argent. La vérité, c'est que faire le tour du monde sur un coup de tête, ça demande de l'argent. Et de choisir une carrière artistique, ça demande de l'argent. Et de vivre en tant qu'artiste, ça demande de l'argent. C'est ça la vérité. Et c'est pour ça que j'ai créé Transclassos. A bientôt pour le second épisode.

Chapters

  • Introduction à Transclassos et à son parcours personnel

    00:42

  • Enfance et aspirations familiales

    00:55

  • La perception de la classe sociale et du mérite

    01:29

  • Expériences au salon de coiffure et observations sociales

    02:04

  • Études et défis de l'identité sociale

    07:33

  • Réflexions sur le parcours artistique et les réalités financières

    11:50

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