Speaker #0Bonjour à toutes et à tous, je m'appelle Émilie, j'ai 43 ans, je suis une citoyenne de la Terre, peut-être tombée ici de la Lune par erreur. Grâce à la vie, il m'a été donné d'accueillir une jolie petite Marie dans mon cœur et dans mon quotidien. J'ai la responsabilité... et l'honneur d'être sa maman. Elle m'a donné la force et elle me donne la foi de croire en un jour meilleur. Lorsque j'avais 23 ans, j'ai été, après plusieurs internements, en hôpital psychiatrique à la décharge dentière, c'est-à-dire sans consentement. J'ai été diagnostiquée bipolaire et condamnée à vivre en institution et à ne jamais avoir d'enfant. Mon amour pour les enfants et mon esprit rebelle en ont décidé autrement. À 33 ans, le 1er mai, avec beaucoup d'émotion, j'ai accueilli une jolie petite fille à l'hôpital d'Otton-en-Libin. Quand on a vécu soi-même l'enfer en étant enfant, il y a deux choix qui s'offrent à nous. Enfin, c'est ma conviction. C'est soit réitérer exactement les mêmes schémas ou faire totalement l'inverse. J'ai décidé de choisir l'équilibre, la voie du milieu et de briser les chaînes. de tenter de rendre un être vivant heureux, qui se sent libre et aimé. Je dois avouer que ça n'a pas toujours été simple et que j'ai fait beaucoup d'erreurs, que parfois, souvent, les vieux démons m'ont rattrapée et que ma fille en a payé les conséquences. Néanmoins, aujourd'hui, c'est une adolescente qui sait me regarder droit dans les yeux et me dire qu'elle aime sa vie et qu'elle aimerait qu'on continue ensemble. Je pense que dans notre histoire, l'expérience la plus douloureuse, en tout cas en ce qui me concerne et qui me met toujours un peu dans la tristesse, c'est quand elle avait deux mois et demi que je la laitais strictement. Et que les médecins ont décidé de nous séparer violemment pour m'emprisonner, entre guillemets, en tout cas me priver de liberté, loin d'elle. Qu'elle a été sevrée du jour au lendemain. Et que je n'ai pas eu l'autorisation de l'avoir pendant presque deux semaines. J'avais été... tellement sédatée, shootée par les médicaments dans ma chambre avec un lit et un toilette, pour seul environnement. J'ai cru que j'avais rêvé que cette grossesse, que cet accouchement, que cette vie avec elle, ces quelques mois n'avaient été qu'un rêve, un magnifique rêve effectivement. Il y a eu encore deux autres internements dans notre parcours, quand elle avait un an et deux mois et demi, et quand elle avait cinq ans et deux mois et demi. La dernière fois, j'étais convaincue que ce n'était pas juste d'avoir une maman qui délire, puisqu'à cinq ans et demi, on comprend quand même beaucoup plus de choses. J'ai décidé de rejoindre les cieux, mais là où ils ont décidé autrement. J'ai été renvoyée avec plus de courage, de détermination, de foi en la vie j'imagine. Et du coup j'ai décidé de quitter son père qui était un stimulateur de pétage de plomb, dirons-nous. Et ça fait aujourd'hui presque, c'était en 2019, donc six ans que nous faisons face aux difficultés de la vie ensemble, telle une équipe soudée. Je considère aujourd'hui mon enfant, comme toujours d'ailleurs, à ma hauteur. Parfois, elle est mon maître. J'avoue que le quotidien de maman solo, c'est pas toujours simple pour moi. J'ai eu des grands moments de découragement et des envies de tout abandonner. Néanmoins, quand on a une boule de joie et d'énergie à la maison qui rayonne tellement fort, je me sens obligée de soutenir. cette belle énergie que j'accueille au quotidien et j'éprouve une profonde gratitude d'avoir la chance de vivre ça. Marie est une artiste, c'est un cadeau. d'observer et de l'avoir évolué dans sa vie, dans son art, de devenir une magnifique petite femme avec un cœur magnifique, mais une armure tellement solide que je ne peux que prendre exemple. Il y a Marie. Moi et le reste du monde, j'apprends à guérir mes dépendances affectives, à expérimenter les blessures de trahison. Et on est vraiment, vraiment, vraiment seul. C'est aussi mon choix parce que je veux lui montrer l'exemple qu'il n'y a pas de tolérance quant au manque de respect. Je refuse profondément le mensonge et je me dois de lui montrer l'exemple puisque j'ai choisi de donner une indication par l'exemple. Elle m'a poussée et elle me pousse chaque jour à aller au-delà de mes barrières, de mes conditionnements. Notamment, professionnellement, j'ai eu de grosses difficultés à trouver ma place parce que je suis quelqu'un de très entière et je me donne toujours à fond. Forcément, ça apporte pas mal de déceptions et d'incompréhensions autour de soi. Grâce à elle, je peux le dire, parce qu'elle m'a demandé de lui prouver par l'exemple qu'il est possible de vivre ses rêves en général. Mais elle m'a surtout poussé du côté professionnel. Je n'ai jamais osé m'avouer que c'était la musique qui m'animait profondément. J'ai toujours dit que c'était ma meilleure amie, qu'elle ne m'avait jamais trahi. Mais je ne m'étais jamais accordée. cette opportunité. Il y a deux ans, après un début de burn-out, quand j'étais directrice d'une résidence autonomie où je vivais, donc finalement, on était toutes les deux dans une grande maison avec une vingtaine de seniors. Je faisais les toilettes, les toilettes, les WC, quoi. Donc, je nettoyais les... les WC, jusqu'à faire la partie finance. Enfin voilà, j'ai tout donné de nouveau dans cet emploi, avec beaucoup de cœur, parce que j'ai beaucoup d'amour et de respect pour nos anciens. Donc, épuisée, j'ai décidé de reprendre un peu de recul et un soir, elle m'a regardée droit dans les yeux en me disant Vas-y, montre-moi que tu peux réussir dans la musique. Et quelques mois après, j'ai eu la chance d'être l'assistante de production d'Aurel San sur un festival en Suisse. J'ai passé la journée avec lui et son équipe, ce qui pour moi est... Je ne sais même pas trouver les mots tellement c'était incroyable cette journée. La veille, je n'arrivais pas à payer mes courses à Lidl et j'ai dû laisser une plaquette de beurre parce que je n'avais juste pas les sous. Et le lendemain, j'avais une Mercedes à 350 000 francs et Aurel San et son équipe comme passagers. J'ai aussi été enseignante de yoga. J'ai partagé avec 300 élèves cette belle philosophie qui a contribué à sauver ma vie. J'ai répété pendant un an. 20 fois par semaine, puisque j'avais 20 cours par semaine, à mes élèves, à chaque séance, que la personne la plus importante pour soi, c'est soi. Aujourd'hui, je l'incarne, enfin j'essaye de faire de mon mieux pour l'incarner et sortir du sacrifice, de donner quand j'ai du rab, et que j'ai suffisamment déjà pour ma fille et moi. C'est vraiment difficile dans notre société parce que souvent cette jolie phrase est assimilée à de l'égoïsme. Mais j'ai appris que l'égoïsme n'est pas un vilain mot, que égo veut dire je et que si je ne suis pas, ce que je donne ce n'est pas de la qualité. juste une illusion et un cache-misère finalement. Forcément, quand au début de votre vie d'adulte, on vous colle une étiquette de malade mental, entre guillemets, de ne pas le devenir finalement. Au fond, ce n'était que le reflet d'une immense souffrance et d'une incohérence entre mon cœur et mes actions. J'ai l'impression que grâce à ma fille et grâce à mon rôle de maman, j'ai réajusté le tir. Et la première qui m'a convaincue que je n'étais pas folle, c'est effectivement Marie, du coup, puisqu'elle me disait que... très tôt, que j'étais pas malade, que j'avais juste un trop grand cœur. Donc depuis 2019, je n'ai pas re-eu de bouffée délirante, donc pas d'internement. Bon, il y a eu des virages un peu tendus, j'avoue que ça n'a pas toujours été un long fleuve tranquille, mais je me suis retenue... Est-ce que je peux dire retenue ? C'est compliqué, il y a cette histoire de lâcher prise, c'est assez confus en fait, ces crises de pétage de plomb quoi. Et ça fait presque trois ans que je n'ai plus de traitement. Alors, warning, warning, warning, je ne conseille à aucune personne qui est sous traitement pour maladie psychique d'arrêter son traitement. Ça a été presque du hasard que j'arrête ce traitement, c'est parce que je travaillais trop et que du coup, j'ai pas eu le temps de prendre soin de moi, entre guillemets, et que tout le parcours pour avoir mon traitement, c'était vraiment hyper compliqué. et Et que, de fil en aiguille, au bout de quelques mois, je me suis rendue compte que je ne faisais plus du tout mon traitement, puisque c'était des injections, donc je devais courir après les ordonnances, courir après le produit, courir après une infirmière. Donc, quand j'ai réalisé que j'arrivais à tenir le coup sans ce traitement qui m'avait convaincu, enfin, les médecins m'avaient convaincu que c'était indispensable à ma vie. Et je me suis dit bon, on essaye. Et puis voilà, depuis, oui, ça fait presque trois ans que je suis sans filet. C'est plutôt périlleux, j'avoue, que parfois je culpabilise un peu. Me dire mais bon sang, il faudrait quand même peut-être faire cette piqûre pour être sûre que Marie soit en sécurité avec une maman qui n'est pas complètement tarée. Mais ça se passe bien, c'est cool. Et ça me libère aussi d'épreuves, en fait, parce qu'à chaque fois que je retirais mon pantalon, pour faire l'injection, ça me remettait dans un espèce de trauma que j'avais subi en psychiatrie quand on me faisait les piqûres de force. Et je me sens vraiment libérée de ne plus avoir besoin de... de sortir mon postérieur pour ma fille. Ça paraît un peu, c'est peut-être vulgaire ou quoi, mais voilà, j'ai plus besoin de tendre mes fesses pour pouvoir avoir la chance de voir grandir mon enfant. Je pense que depuis toujours, ce qui m'a aidée à tenir, c'est la musique. Parce que j'ai une extrême sensibilité et que du coup, je ressens la vibration de la musique dans mon corps. Et que ça me fait vraiment, vraiment beaucoup de bien. Lorsque les artistes également proposent des paroles magnifiques, ça me donne beaucoup de foi. Parce que je me dis que si quelqu'un en parle, c'est que ça doit bien exister quelque part. donc Ça me donne la foi de croire en un avenir meilleur. Parce que si je m'arrête à BFM TV, je me dis que j'aurais jamais dû faire d'enfant et que ça ne sera rien d'être sur cette jolie planète. Donc voilà, il y a eu la musique qui m'a beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup soutenue pendant toutes ces années. Et depuis que je suis seule avec ma fille... Ce qui m'aide, je ne suis pas sûre que ça m'aide. Disons que ça me demande un dépassement. C'est le regard que porte Marie sur moi. C'est-à-dire qu'avec ses grands yeux bleus, j'ai l'impression qu'elle voit à travers mon âme et à travers qui je suis réellement. Et je suis incapable de... de la trahir. Donc, je ne peux pas l'abandonner au milieu de ce monde de tarés. Ça, c'est impossible. Donc, quand elle va se coucher, en général, donc je n'ai pas la télé depuis 20 ans, encore une fois, je suis trop, trop sensible pour ce genre de truc. Je vais sur mon balcon. Je mets mon casque et face aux étoiles, j'écoute ce qui correspond à mes humeurs du moment. C'est, je crois que c'est tout en fait, ce qui m'aide, ce qui fait que je continue, c'est le regard de ma fille et ce que je ressens quand j'écoute de la musique. Ce qui fait que je vais mieux. C'est déjà que j'ai quitté son père parce que c'est l'exemple incarné de l'incohérence et de la manipulation. Donc le fait de ne plus être au quotidien avec lui. Ça me permet de ne pas être sur-stimulée sur les choses qui me rendent hystérique, on va dire. Également, je suis très vigilante à mon sommeil, parce qu'en général, les mois qui précèdent les crises, je ne dors plus, je ne mange plus. Ça aussi, en fait, c'est grâce à Marie. L'alimentation, je n'ai jamais eu de TCA. Je suis quelqu'un de très épicurien. J'adore manger, j'adore les plaisirs de la vie en général. Mais quand j'ai eu des phases où j'étais extrêmement, extrêmement angoissée, je m'affamais. J'avais une boule au niveau de la gorge qui ne me permettait pas d'accueillir aucune nourriture. Et grâce à elle, enfin en tout cas, elle m'a demandé, parce que je suis hyper mince, donc depuis toujours, et on m'a toujours dit « mais t'es anorexique, t'es anorexique » . Et par rapport à ça, je m'étais toujours interdit de me forcer à manger, parce que justement je ne voulais pas tomber dans des TCA. Mais ce qui a changé, c'est que quand j'ai des phases d'angoisse, Je suis en alerte quant à mon alimentation et mon sommeil et j'ai compris que quand je ne peux rien avaler parce que je suis angoissée, si je me force à la première bouchée, la sensation de satiété me soulage tellement que ça me donne faim et que ça ouvre la porte à un retour de nourriture. Donc pour ma fille, quand je suis extrêmement angoissée, je passe... Disons que je vais aller croquer dans un sandwich, même si c'est hyper hyper hyper hyper dur cette première bouchée et qu'elle a vraiment des difficultés à passer, parce que derrière ça remet en route tout un système... d'alimentation. Et aussi pour elle, quand je sens que je suis épuisée, j'éteins mon téléphone, je me mets dans le noir et le sommeil finit par... Le sommeil et le repos, d'ailleurs, finit par arriver. Je pense que cette prise de conscience, parce que comme j'ai un esprit assez vif, Je ne suis qu'un être humain, un être de chair, organique, j'ai besoin, comme tout à chacun, même si c'est parfois un peu difficile de l'admettre. Je suis un être humain, j'ai besoin de manger et de dormir, sinon mon corps physique me lâche et je deviens incohérente et délirante. Je dois l'admettre, mon rôle de maman solo très très seule fait que je suis toujours en vie. Ma fille serait dans une situation vraiment très très difficile si je venais à disparaître. Donc ce n'est pas elle qui m'a sauvée finalement. et qui me sauve chaque jour, c'est mon désir de l'accompagner au moins jusqu'à la vie d'adulte, pour pas qu'elle se retrouve dans un système d'aseux, parce que clairement si j'en venais à disparaître, elle serait placée. dans des conditions, je pense que je ne l'apprends à personne, mais dans des conditions dramatiques. Donc ça me motive, dirons-nous, à rester en vie et en bonne santé surtout. Je ne veux pas dire que c'est ma sauveuse parce que ça serait beaucoup trop de responsabilité sur ses épaules. C'est vraiment le rôle que j'ai dans sa vie, dans notre vie, dans le contexte dans lequel on est. qui fait que je m'accroche très très très très très fort à la vie, tout simplement. Et ce que je voudrais aussi transmettre, c'est que... Même si j'ai eu des doutes parfois, l'amour est plus fort que tout et que quand on connecte ce sentiment d'amour, on est vraiment capable de tout et qu'il n'y a aucun doute, ça nous porte, ça nous... Ouais, c'est l'amour, l'amour. de son enfant, un amour inconditionnel et sans limite. Et aussi, le message que j'aimerais que ma fille entende, c'est que c'est une merveilleuse personne. J'ai toujours entendu, personnellement, dans ma vie, que j'étais trop si ou pas assez. Ma mère adorait me dire que j'avais un fond mauvais et que j'étais une personne très très vilaine, que j'étais pas à la hauteur de son amour qu'elle m'aimait mais que je le méritais pas. Donc c'est ce que j'ai envie qu'elle sache quoi, c'est que... Déjà, à la base, je pense que je suis très humaniste et ça m'a demandé beaucoup de temps avant d'arriver là, mais de croire que l'humain, quand il naît, il est naturellement bon et intelligent. Donc c'est déjà ça que la clé que je souhaite lui offrir en premier. Et par-dessus ça, je veux vraiment qu'elle sache et qu'elle voit et qu'elle... incarne le fait qu'elle est une personne extraordinaire et que je l'aime profondément dans ses qualités et ses défauts. Mon objectif à travers la maternité, c'est ce que j'aimerais offrir à mon enfant et à tous les enfants de la Terre, c'est qu'ils se sentent libres et aimés. Je remercie Sarah de m'avoir donné l'opportunité de partager ça avec vous. Et merci à vous toutes et peut-être tous de m'avoir écoutée. Et je souhaite une belle vie à tout le monde.