- Speaker #0
Pas une bombe latine ni une blonde platine, rappeuse française devant l'éternel, esprit torturé et personnage ambigu, convertie à l'islam pour se sauver, Diams, Mélanie Georgiat de son vrai nom, a vécu mille vies et les a conscrites dans un livre sobrement intitulé Diams, autobiographie. Je l'ai lu et je vous raconte. Bienvenue dans Version Officielle. Je m'appelle Joséphine, ou Josère pour les intimes, et dans ce podcast, je décortique les autobiographies de nos célébrités, des bouquins généralement snobés mais qui en disent long sur notre époque, et me permettre de raconter des trucs marrants. Vous écoutez le deuxième épisode de Version Officielle. On remet le couvert avec un monument, Diams, c'est hyper impressionnant. Je vais faire de mon mieux pour lui rendre honneur. Je suis disponible sur Instagram, Substack ou par mail versionofficielle.podcast.gmail.com pour vos remarques, remontrances, mots doux ou félicitations. Surtout pour les mots doux et les félicitations en fait. Avant de commencer, je voudrais préciser qu'on va en partie parler de dépression, de tentatives de suicide et de crises existentielles dans cet épisode. Si c'est pas ta gamme, pense à zapper. Allez, c'est parti ! Ah là là là là, Diams, Mélanie Georgiade, la boulette. Honnêtement, j'étais trop contente de lire son autobiographie, même si je suis hyper déçue du titre. Franchement, Diams' autobiographie, c'est vraiment pas ouf. J'étais hyper chaude, d'abord parce que j'adore ses sons, j'aime comme elle écrit, j'aime ses textes. Ils sont avec moi depuis l'enfance et je danse encore dessus quasiment tous les week-ends. Et même grâce à cet épisode, j'en ai découvert de nouveaux que j'adore. Genre un live de Elle et Zazie qui chantent la chanson de Zazie « J'étais là » en 2007. Franchement, c'est des frissons, des frissons. Ensuite, parce qu'elle a mené des combats politiques que je partage, contre les violences faites aux femmes, contre la stigmatisation des banlieues et contre le Front National et les Le Pen. Enfin, parce que ça reste un personnage ambigu qui dit parfois de belles conneries. Elle rappe des choses. clairement pas féministe, elle est archi-traditionnelle dans sa vision de la famille, du travail, du succès, qui est souvent une aventure personnelle et entrepreneuriale pour elle. Et même si je suis bélier, en fait, j'adore la nuance. Et puis surtout, parce que ses choix et son parcours spirituel et artistique ont questionné la France des années 2000-2010, et je dirais même plus, résonnent avec les trous dans la raquette de ce que veut être la France, de ce qu'est la France contemporaine. Et oui, tout ça, voilà, tout ça à la fois, mes amis. Ça annonce un bel épisode. Replaçons-nous, si vous le voulez bien, à la publication du livre. Diam's autobiographie sort en 2012. Depuis plus de dix ans, Diam's est une artiste respectée, très présente sur la scène musicale, une rappeuse qui a offert à ma génération ses meilleurs tubes et j'ose le dire des références de la pop culture française pour l'éternité. Quelques bangers de la mise que je cite pour celles et ceux qui en douteraient. Incassable où elle dit il faut briser la glace, ne pas se voiler la face. paroles annonciatrices peut-être ? La boulette. Ma France à moi, Par Amour, Marine, Jeune Demoiselle, Confessions Nocturnes et évidemment sa version fatale Mauvaise Foi Nocturne. Enfin voilà, soyons honnêtes, sans elle, on n'en serait pas là. Malgré toute cette joie que Mélanie Georgiade nous a apportée, elle ne l'a vraiment pas vécue comme ça. Malgré le succès, elle se sent très seule, elle fait une dépression, des coups de folie, c'est elle qui appelle ça comme ça dans le bouquin. Elle est lunatique, colérique, tyrannique avec ses équipes, enfin bref, pas un super portrait. Après la fin de la tournée de Dans ma Bulle, l'album qui a le mieux marché en 2006, Elle veut que dormir et prendre des somnifères, ce qui la conduit à faire une tentative de suicide. Ce qui va la sauver, c'est l'islam. Une religion qu'elle connaît bien parce qu'elle a plusieurs amis qui sont musulmans, mais qu'elle découvre particulièrement avec une amie en 2008. L'islam répond à ces questions existentielles. Elle se convertit, écrit un quatrième album qu'elle conçoit comme le dernier, SOS, l'acronyme de Save Our Souls, Sauver Nos Ames, qui pour elle n'est pas qu'un appel à l'aide. Trois semaines avant la sortie de cet album, en 2009, Paris Match publie des photos volées de Diams. On la voit voilée et sortant de la mosquée. L'affaire prend une tournure sociale et politique parce qu'en France, le voile, c'est tout un bazar. On y reviendra bien sûr, mais voilà. Alors qu'elle doit faire la promo de SOS, elle refuse les interviews, sachant qu'on va que la questionner sur son voile et pas sur son album. Elle fait quelques télés pour chanter, mais sans répondre aux questions. Et puis silence radio jusqu'en 2012, où Diam's autobiographie est publiée. Dans ce livre, elle s'adresse à son public, mais pas que. Elle explique ses choix, elle se justifie de son absence. et de ce qui l'a conduite à se retirer de la scène musicale et médiatique. Elle revient sur ses blessures depuis l'enfance, sur la difficulté de la notoriété, sur la crise identitaire et existentielle qu'elle a vécue, sur l'absurdité d'être riche, célèbre et d'avoir du succès dans un monde où la pauvreté et la malnutrition touchent un max de personnes. Bref, elle nous parle beaucoup. Je pense aussi qu'après SOS et après Paris Match, le bouquin était une façon de préparer le public à Diam's voilée. Parce que quelques mois après l'apparition du livre, elle donne sa première interview publique depuis 4 ans à l'émission 7 à 8, et on la voit avec son voile. Perso je me souviens de cette émission, je me souviens de l'avoir attendue et lorsque je l'ai vue c'est vrai que j'étais un peu surprise parce que bah c'était pas du tout l'image publique qu'elle avait. Mais bon voilà c'est la vie, les gens évoluent et manifestement elle avait l'air bien dans sa peau. Donc Psaertek n'est ce pas ? Moi j'ai préféré la première partie du bouquin sur sa carrière et l'industrie musicale car je dois avouer que je suis pas hyper branchée religion et que littéralement elle recopie des versets du Coran dans cette partie du livre donc bon moi honnêtement ça m'a pas beaucoup touché. Mais les questions existentielles qu'elle s'est posées, ça oui, j'achète. Qui suis-je ? Où vais-je ? Que pourquoi sommes-nous là ? J'adore. Donc on se rejoint carrément là-dessus avec Mel. Bref, pour moi, dans ce bouquin, il y a trois chapitres. Chapitre 1, que le rap pour évacuer. Chapitre 2, on ne naît pas Diams, on le devient. Et chapitre 3, sortie de sa bulle. Chapitre 1. Que le rap pour évacuer Les connaisseurs de Diams le savent, elle a toujours eu une relation complexe avec ses parents, et c'est comme ça que débute le livre. D'abord avec son père, dont elle est marquée par l'absence et le départ quand elle avait 4 ans. Il a quitté sa mère et Diams pour retourner dans son pays d'origine, Chypre. Quand elle est enfant et jusqu'à l'adolescence, elle va le voir pendant les vacances scolaires, mais à mesure qu'elle grandit, leur lien s'étiole. En résulte une relation complexe dont Mélanie parle beaucoup dans ses textes. Elle parle de l'abandon, de l'irresponsabilité de son père, de son flègme, de son inconsidération et de son stoïcisme. Ils perdent contact et passent trois ou quatre ans sans se parler. Voilà d'ailleurs comment elle en parle à Ardisson en 2004. Petit aparté sur cette émission, sachez que c'est une horreur de sexisme, vraiment. Donc remerciez-moi pour la sélection, puisque moi j'ai dû tout me taper, c'était odieux, odieux. Bref, allons-y.
- Speaker #1
T'as fait de moi une fille sans père,
- Speaker #0
aigrie d'avoir vécu dans un couple en guerre.
- Speaker #1
Bah ouais, j'en veux à mon père. C'est normal. Je l'en veux parce que je sais que la base de mon problème, c'est lui. Donc après, si je suis écorchée tout le temps, malgré tout ce qui m'arrive, je sais que c'est de sa faute. Donc maintenant, je pense qu'il est peut-être trop bête pour s'en rendre compte. Donc c'est pas grave. Pareil,
- Speaker #0
on s'en remet. Dans le bouquin, quasiment dix ans après cette interview, elle est moins radicale. Elle écrit « Avec le temps, je suis devenue une écorchée vive, une adolescente constamment dépassée par ses émotions. » Je crois que l'abandon de mon père me renvoyait en pleine figure le fait que je ne méritais pas qu'on s'occupe de moi. Son attitude me dévalorisait énormément. Je me disais, suis-je si peu importante pour lui ? Suis-je si insignifiante qu'il en vienne à oublier mon existence ? Inconsciemment, je pense que son désintérêt cultiverait plus tard en moi l'envie de capter l'attention des autres et la nécessité de les interpeller à travers mes textes, comme si je devais me venger de ces silences en essayant de partager ma vie et mes sentiments avec des millions de personnes. Ensuite avec sa mère c'est pas la folie non plus, elle s'engueule beaucoup et Diams s'ennuie de ne vivre qu'avec elle. Elles ne se comprennent pas alors même que la mère de Mel bosse dans la musique. Du coup la question à Milcesterse, est-ce que Diams est une n'est pas baby ? Bonne question. Diams veut faire du rap mais sa mère est pas chaude parce que elle a une vision très stéréotypée du rap et elle en a peur. Petit son pour illustrer l'ambiance, on est en 99 et Diams monte sur scène.
- Speaker #1
Et c'est pour ça que j'ai spécialement dédicacé à ma mère et à toutes les mères des rappeurs qui se répondent qu'on comprenne que le rap, c'est quand même quelque chose de bien. C'est pas un coup qu'on se tape dessus tout le temps, au moins. Parce que ma mère, elle est dans la salle et... Ah, j'ai rien à lui dire, elle s'écoute ça.
- Speaker #0
Donc voilà, c'est pas la joie, mais Mel est une personne qui a de la ressource. C'est assez marrant d'ailleurs sa solution, parce que pour moi, elle est hyper vieux jeu. Elle demande à sa mère de l'envoyer en internat. Pour moi, quand j'étais au lycée, l'internat, c'était une menace. Je n'avais aucune envie d'aller dans cet endroit. Mais elle, non. Elle y voit un moyen de rencontrer des gens et surtout de s'éloigner de son foyer familial qu'elle n'aime pas. Et bien lui en a pris parce que c'est là qu'elle rencontre ses amis avec qui elle va rapper pour la première fois. Par rapport à ses potes de l'internat et les gens du rap qu'elle rencontre à cette époque, il y a un vrai décalage entre ce qu'elle raconte dans le livre et la façon dont elle en parle dans les années 2000. Dans le bouquin... Elles parlent jamais de la différence de classe sociale qu'il y a entre eux. C'est pas quelque chose qui m'a manqué dans ce livre, mais c'est vrai que je me suis fait la réflexion en me disant que finalement elle n'avait pas connu ni la galère, ni la rue, ni la drogue. Elle a grandi dans un petit pavillon en Essonne avec sa mère et pourtant elle en parle pas mal dans ses textes. À l'époque, en interview, on lui en parle tout le temps, alors que dans le livre, zéro. Par exemple, ici, chez Fogiel en 2004.
- Speaker #1
J'étais jeune et c'est vrai que j'étais super influençable, ça je le reconnais. Et c'est vrai que je me suis donné des genres et tout ça, mais bon on rendit et puis on évolue. On rentrait pas non plus dans le cliché, mais c'est vrai que c'était pas super lié à l'éducation que j'avais eue. Parce que j'ai une super bonne éducation et donc ça décevait un petit peu.
- Speaker #0
Vous êtes d'accord dans le cité ?
- Speaker #1
Non, non, moi je suis issue d'un petit pavillon de l'Essonne.
- Speaker #0
Vous aviez honte, il paraît, d'habiter dans ce petit pavillon ? Ouais, honte,
- Speaker #1
ouais. Je le dis dans un de mes morceaux, effectivement, c'est la recherche de personnalité.
- Speaker #0
Honte de jouer au piano aussi ?
- Speaker #1
Ouais. Parce que je croyais que c'était pas du tout en accord avec ma musique. Alors qu'aujourd'hui, j'ai fait un piano-voix dans mon disque. Donc vraiment, il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis.
- Speaker #0
Dans une interview qu'elle donne au Monde dans ses eaux-là, elle dit aussi Donc ça, elle le dit en interview à longueur de temps. Mais dans le livre, elle ne le dit jamais vraiment. Elle écrit plutôt ... Mes amis étaient devenus une famille pour moi et mon rêve, je m'en souviens, c'était de passer ma vie avec elle. Mais c'est tout. Quand elle doit rentrer chez elle après l'internat, c'est assez compliqué. Elle écrit. Notre nouveau chez nous était confortable, mon beau-père était cool, mais je sentais qu'au fond de mon cœur, il manquait toujours quelque chose. Parfois, c'était mon père, parfois ma mère, parfois mes proches et tout le temps l'amour. J'en souffrais beaucoup. Et c'est sûrement lors d'une de ces journées très sombres émotionnellement que, pour la première fois, j'ai fait une tentative de suicide. Après sa tentative de suicide, Mélanie Georgiat se lance corps et âme dans le rap et dans l'écriture. C'est ça qui lui permet de se sauver. C'est à cette époque qu'elle choisit son nom d'artiste, Diams, et elle dit qu'elle aime bien la définition du dictionnaire. Une pierre précieuse, la plus brillante et la plus dure de toutes. Elle écrit Et voilà, Diams est né. Super ! Et elle commence à raper. Elle raconte une anecdote à propos de la radio Génération où chaque soir l'animateur permettait aux auditeurs de raper en direct. Mais elle se chauffe, elle écrit un texte en incluant et le nom de la radio et le nom de l'animateur, ce qui est archi malin pour se faire remarquer. Elle appelle, appelle, appelle, elle débite son truc. Evidemment, elle est hyper chaude et l'animateur est touché en plein coeur. Il lui propose de venir raper la semaine suivante directement au stud. Elle vient et c'est comme ça qu'elle rencontre les membres du... du collectif Mafia Tressé et qu'elle fait ses premiers concerts. Cette anecdote, pour moi, elle montre à quel point cette meuf, en fait, elle en veut de ouf. Vraiment. Elle veut croquer le monde et que le monde la croque. Elle fait ses premières armes avec Mafia Tressé, ses premiers concerts, elle pose sur ses premières compiles et elle écrit ses premiers textes. En 1999, elle sort son premier album qui s'appelle Premier Mandat. Ça fait beaucoup de premier, premier, premier mais en effet, c'est le début de sa vie, que voulez-vous ? Bon, malheureusement, c'est un échec commercial. Elle vend environ 8000 disques. En 2000, un producteur la recontacte et elle écrit un texte qui s'appelle Suzy, un son où Diams crée un alter ego, Suzy, une autre rappeuse qui la provoque et contre laquelle elle fait un battle de rap. Évidemment, Diams la défonce en rappant hyper vite. Je ne connaissais pas ce son, mais je l'ai adoré. Diamant dans ta sonneau, diamant dans ta sonneau ! Bref, c'est ce son qui va la faire connaître encore plus dans le milieu. Elle se fait repérer par pas mal de personnes, dont des gens très chauds de l'accompagner pour son deuxième album. Et là, un Pokémon sauvage apparaît. Jamel Debbouze ! Franchement, dans le livre, il apparaît un peu comme une sitcom, en mode, elle a sorti, Suzy, il l'appelle, ring-ring, téléphone sonne, c'est Jamel Debbouze ! Allô, j'ai adoré Suzy ! Comme la Providence, il déboule, sachant qu'à l'époque, Jamel, c'est une méga-star. Là, on est en 2003, Astérix Obélix est sorti il y a genre un an, Ash est encore en cours, je crois, enfin voilà, bref, méga-méga-star, encore plus qu'aujourd'hui, je pense, enfin voilà. Dans le vent, Jamel est dans le vent. Donc le fait qu'il appelle, je trouve qu'on entend les rires enregistrés derrière. James et Jamel Debbouze, wow ! Bref, il a kiffé Suzy et lui aussi est chaud d'aider James à monter son album. Elle devient archipote avec lui, ils font grave la teuf. Ils l'emmènent partout, ils la kiffent, ils s'entendent trop bien, vraiment, c'est top. Enfin, ils sont vraiment très très très potes parce que ça va jusqu'à Jamel invite trois semaines James à Los Angeles pour aller rencontrer Snoop Dogg avec qui Jamel Debbouze a enregistré un titre pour Mission Cléopâtre. Je répète. Jamel Debbouze a invité The Hams trois semaines à LA pour rencontrer Snoop Dogg, avec qui Jamel Debbouze a enregistré un titre. Le saviez-vous ? Voilà, c'est un peu n'importe quoi. Je précise dans le bouquin, ce n'est pas une vanne, que c'est écrit Snoop Doggy Dogg. C'était Christophe Duclidoc. Voilà, donc vraiment, histoire un peu de sitcom, je trouve, et comme dans toute sitcom, le personnage principal va apprendre une leçon de vie auprès de la star, qui est rapport à la production de son prochain album, puisque faut-il le réaliser avec Jamel Debbouze, énorme star, énorme moyen, ou avec des professionnels qu'elle a rencontrés sur sa propre route ? Telle une sitcom, encore, je lui dis c'est vrai, mais c'est vrai, Jamel Debbouze dit une phrase qui fait comprendre au personnage principal la route qu'elle doit choisir. La route qu'elle doit prendre, la décision qu'elle doit prendre. Mélanie Georgiade écrit ce que Djamel lui a dit. « Écoute Diams, y'a pas mille solutions. Si on signe ça ensemble, ça passe ou ça casse. On prend le risque. » Et ça m'a fait flipper. Car mon rap, ma carrière, était si important pour moi que jamais au grand jamais, je n'aurais voulu jouer avec ce qui faisait battre mon cœur. L'album que j'avais en tête était trop cher à mes yeux. Dessus, j'avais prévu de me livrer, de me confier, d'y évoquer ma mère, de parler de mon père pour la première fois. J'y tenais trop pour prendre un risque. J'imagine un peu la scène en mode... Un peu en mode Baudia Corsman. Genre, dans la nuit, les pieds dans une piscine, en train de fumer une petite clope. Jamel Debbouze qui essaye de convaincre une nouvelle fois Diams, qui lui dit ça passe ou ça casse. Et elle qui est là... Je ne peux pas risquer mon album qui est si important pour moi. Elle finit par choisir les professionnels qu'elle a rencontrés sur son chemin. Et là, ça part. Chapitre 2, on ne naît pas Diams, on le devient. 2003, le deuxième album de Diams sort, Brut de Femme. C'est un succès commercial immense, 250 000 albums vendus. Il y a une énorme promo autour du disque, notamment avec le single DJ. Total banger. Je pense qu'on peut attribuer le titre de banger du XXIe siècle, j'ai envie de dire. Franchement, en 2003 déjà, ça promet vraiment ce siècle. C'est à partir de ce moment-là que Mélanie Georgiat parle du monde de la musique, notamment des règles de rémunération que moi je ne connaissais pas trop. Elle dit qu'en fait, à l'époque en tout cas, les artistes étaient rémunérés pour les ventes d'un album un an plus tard, peut-être pour pouvoir compter les ventes de l'album tout simplement, je ne sais pas. Donc elle vivote encore, alors même que son album cartonne. Et elle parle aussi de différents trucs du monde de la musique qui ont vraiment grave évolué depuis les années 2000. J'ai fait mes petites recherches pour essayer de comprendre comment ça fonctionnait à l'époque. Et en tout cas, le marketing de l'époque reposait surtout sur les médias traditionnels, donc la télé, la radio, la presse écrite. Il fallait vraiment faire le tour des journalistes. Et c'était comme ça qu'on vendait les albums et qu'on était rémunérés. Elle dit par exemple que les collaborations, les partenariats avec les marques, en fait c'était hyper mal vu à l'époque, ça décrédibilisait l'artiste en tant qu'artiste. Il fallait vraiment être totalement consacré à son art. Aujourd'hui ça a bien changé, n'est-ce pas ? Donc Diams fait tous les plateaux en fait, toutes les télés, toutes les interviews pour pouvoir promouvoir Brut de Femme et DJ. Elle explique qu'elle a été marketée à la fois sur ses sons, puisque DJ est conçu comme un tube de l'été. Donc ça aussi, c'est un truc de l'industrie musicale. Les tubes de l'été, c'est pas juste une expression. Il y a peut-être que moi, que ça... Enfin, peut-être que vraiment, je tombe des nues, entre guillemets, mais moi, j'ai appris ce truc de... En fait, on construit les sons avec un certain calendrier. En fait, ça semble logique maintenant que je le dis, mais je sais pas, j'y avais jamais pensé. Et donc, les tubes de l'été, c'est un truc très festif, forcément, pour boire des piña coladas sur la plage, quoi. Bah, DJ, ça marche 300%. Donc, bravo, meilleur tube de l'été. Diam s'est vraiment marquée à la fois par ses sons et aussi dans son physique. Elle explique qu'un maquilleur... Un styliste, un coiffeur, tout le monde est autour d'elle pour la transformer et faire de Mélanie Georgiade Diams. C'est elle qui se dit qu'elle est transformée et qu'elle est métamorphosée. Elle parle des boucles d'Oréa Strasse en mode « c'est pas du tout mon style, moi j'étais plus doudoune, jogging, grosse fringue et tout ça » . J'imagine un peu Billie Eilish style, voyez-vous. Mais à l'époque, Billie Eilish, est-ce qu'elle était née ? Je ne sais pas. Et figurez-vous qu'on n'était pas encore là pour les femmes artistes, même rappeuses. Il fallait être un peu féminine. Et d'ailleurs, on lui en parle dans les interviews que... Ah vous souriez maintenant, machin chouette. Enfin bref, c'est chiant. Elle écrit Je me trouvais belle et en même temps, c'était comme si je perdais une partie de moi-même. Comme si je devenais quelqu'un d'autre, que je ne m'appartenais plus totalement, que je commençais à n'être plus que Diams. Étais-je en train de transformer mon apparence pour me plaire ou pour plaire aux autres ? C'était très confus pour moi. D'ailleurs, je ne me suis pas posé la question. Il fallait rentrer dans un moule. Et puisque dès l'enfance, la société nous prépare à cela, je crois que je n'aurais pas pu le refuser. Je n'aurais jamais pu gravir les échelons de la gloire en gros sweat et en jogging. Non. À la première marche, il faut apprendre à lire la pancarte tenue de star exigée. Attention, je ne veux pas donner l'impression que j'étais une victime aux mains de manipulateurs, mais plutôt une fille parmi tant d'autres à qui on a proposé d'être cendrillon et qui n'a pas dit non. Je la trouve vraiment parfaite et hyper joliment dite cette phrase. Une fille parmi tant d'autres à qui on a proposé d'être cendrillon et qui n'a pas dit non. Pour moi, elle démontre vraiment toute l'insidiosité du patriarcat, du sexisme, de ce qu'on attend d'une artiste et de ce que l'industrie du divertissement fait aux jeunes femmes. Donc vraiment, quelle poésie, quelle poétesse. À la lecture de ce passage, j'ai pas pu m'empêcher de penser à un bouquin que j'ai lu récemment qui s'appelle Pour Britney, un essai écrit par Louise Chenevière que je vous recommande chaudement à la fois pour son style, qui est hyper particulier, hyper touchant, j'avais jamais lu un truc pareil, et aussi pour le fond. parce qu'elle parle de ce que justement l'industrie du divertissement fait aux artistes, à leur corps, mais aussi aux petites filles qui les admirent. Je n'ai pas trouvé d'autres extraits que celui-ci, lu par l'autrice, mais ça vous donne quand même une petite idée.
- Speaker #1
J'ai huit ans et je chante à tue-tête avec mes copines. C'est pas ma faute à moi si quand je donne ma langue Ausha, je vois les autres. Tout prêt à se jeter sur moi, c'est pas ma faute à moi si j'entends tout autour de moi, Lolita, moi Lolita. Et je ne crois pas que je comprenne alors la charge de ces paroles-là, ni que ce personnage que l'industrie culturelle semblait déterminée à imposer pour de bon à nos imaginaires de gamines en ce début de siècle, et dont Britney était, avec sa chemise blanche nouée au-dessus du nombril et ses couettes, l'incarnation absolue, ne s'appartenait pas, était un personnage qu'on ne pouvait pas jouer juste pour soi, et qu'on ne pouvait pas jouer non plus, comme elle le faisait Britney dans son clip. Pour les garçons du lycée, ceux de son âge, qu'elle était bien en droit d'avoir le désir de séduire, non. Que c'était un personnage fait par et pour l'imaginaire des vieux messieurs, et que chanter à tue-tête cette chanson, c'était toujours un peu une provocation, au nom de laquelle il se sentirait autorisé à regarder sous nos jupes nos culottes. Non, je ne savais pas encore que l'enfance était avant tout une période pour adultes, écrit Nelly.
- Speaker #0
D'après moi, on retrouve quand même... beaucoup de ce que dit Mélanie Georgiade dans cet extrait, quand elle parle d'un personnage fait par et pour quelqu'un d'autre. Dans le livre, Mélanie Georgiade en parle en disant que c'est de là que naîtra une forme de crise identitaire qui donnera lieu ensuite à de plus gros problèmes psychologiques. Son succès l'amène à faire des tournées mondiales et la confronte à la pauvreté du monde. Ça crée chez elle une autre forme de crise existentielle. Elle dit qu'elle est confrontée à une pauvreté telle qu'elle n'en a jamais vue auparavant. Elle rencontre des enfants mendiants, aux t-shirts troués et poussiéreux, face à qui elle se sent très mal à l'aise et inutile. Là, entre la crise identitaire et l'absurdité du monde, on a un bon... On a les ingrédients pour une très bonne dépression, je pense. Mais à ce moment-là, cette formule fonctionne hyper bien. Avec son deuxième album, Brut de Femme, en 2003, puis Dans ma bulle, en 2006, Diams devient une superstar. Dans ma bulle, c'est The album de Diams. Tellement qu'il a même été étudié par un sociologue. Denis Constant Martin, dans un bouquin collectif qui s'appelle « Quand le rap sort de sa bulle » . J'ai pas tout lu, mais on est sur une analyse très poussée de l'album qui m'a quand même vraiment fait marrer, car on y retrouve beaucoup, beaucoup de choses. Une analyse des textes, des valeurs de Diams, de la construction rythmique des chansons même, et le truc qui m'a vraiment le plus tué, c'est un schéma qui matérialise visuellement le positionnement idéal des sons et des instruments de Jeune Demoiselle pour une écoute parfaite du morceau. Je la mettrai sur Insta parce que franchement, c'est ouf, j'adore. Bref, moi je vais pas revenir sur tous les bangers qu'elle nous a donnés, mais j'aimerais parler un peu de l'écriture de l'album et de la différence entre la façon dont il a été écrit et comment il a été reçu. D'abord, dans ma bulle, pour beaucoup, c'est des titres comme Big Up et Jeune Demoiselle, des titres hyper entraînants et très joyeux. Mais dans le bouquin, Mélanie Georgiade explique que lors de l'écriture de ces titres, elle s'est sentie pleine de remords. C'est vraiment le passage du livre qui m'a fait le plus mal au cœur parce qu'elle écrit que... Elle se sent coupable d'écrire des chansons heureuses et elle s'autorise pas à s'amuser, c'est vraiment triste. Elle écrit « Je pense que j'avais conscience que le malheur me faisait écrire de belles chansons, tandis que le bonheur ne dépassait jamais la légèreté, et à choisir, je préférais la profondeur. » Dans « Dans ma bulle » , pour un titre gay, il y en a au moins deux sombres. C'est assez dramatique quand même de savoir qu'elle a écrit cet album dans ces conditions, je trouve. Ensuite, j'ai eu envie de parler du décalage entre ce que Diams pense avoir créé et ce qu'elle a finalement provoqué en termes politiques. Dans Dans ma bulle, il y a deux titres particulièrement politiques, Ma France à moi et Marine. Marine, elle l'a écrit un peu plus tôt que le reste de l'album, en décembre 2003. Elle est malade, coincée chez elle, elle regarde beaucoup la télé et elle y voit le nouveau visage du Front National, Marine Le Pen, fille d'eux, qui lui inspire beaucoup de méfiance car elle est beaucoup moins terrifiante de prime abord que son daron. Mélanie Georgie a décrit Son père avait la tête du borgne méchant. elle semblait plus calme, plus douce, mais pas plus inoffensive pour autant. Ses propos étaient quasiment les mêmes que ceux de son géniteur, mais formulés d'une voix plus suave. Ce soir-là, j'ai aussitôt compris la menace qu'elle représentait pour nous tous. Nombre de Français et Françaises ne craindraient pas de voter pour elle si elle se présentait. À ce moment-là, j'ai eu envie d'entrer à l'intérieur du petit écran, de m'adresser à elle, de lui demander pourquoi elle avait suivi le même chemin alors qu'elle aurait pu retourner la vapeur. Ici, Mélanie Georgiade parle de la dédiabolisation du Front National, qui est aujourd'hui le Rassemblement National, qui fonctionne archi bien, euh... On peut le dire maintenant, en 2025, je pense. Donc, pour répondre à Marine Le Pen, Diams écrit Marine, que j'ai décidé de faire lire à ma grand-mère, Madeleine, 93 ans.
- Speaker #2
Il faut que je mette Marine ?
- Speaker #0
Tu lis tout, ouais.
- Speaker #2
Marine, tu sais, ce soir, ça va mal, j'ai trop de choses sur le cœur, donc il faudrait que l'on parle. Marine. Si je m'adresse à toi ce soir, c'est que tu y es pour quelque chose, t'as tout fait pour que ça foire. Dans le pays de Marianne, il y a l'amour, il y a la guerre, mais aussi le mariage. Marine, pourquoi tu perpétues les traditions ? Sais-tu qu'on sera des millions à payer l'addition ? Ma haine est immense, en ce soir de décembre. quand je pense à tous ces gens que tu rassembles tu sais moi je suis comme toi je veux qu'on m'écoute et tout comme toi j'aimerais que les jeunes se serrent les coudes marine t'as un prénom si tendre un vrai prénom d'ange mais dis-moi ce qui te prend marine on ne sera jamais amis Parce que ma mère est française, parce que je suis panée ici, parce que je ne suis pas née ici. Marine, regarde-nous, on est beau, on vient des quatre points du monde, mais pour toi on est trop. Ma haine est immense quand je pense à ton père, il prône la guerre quand nous voulons la paix. Marine, tu crois vraiment que t'es dans le vrai, que t'as su saisir sa chance et que ton avenir est tracé. Marine, ce n'est pas de ceux qui prônent la haine, plutôt de ceux qui prônent et qui espèrent que ça s'arrête. t'as fait couler le navire marine j'ai peur du suicide collectif des amoureux en couleur marine pourquoi es-tu si pâle viens faire un tour chez nous c'est coloré c'est jovial marine j'aimerais tellement que tu m'entendes je veux bien être un exemple quand il s'agit d'une vous Quand il s'agit de vous descendre. J'ai fait un... Marine, tu t'appelles Le Pen, n'oublie jamais que tu es le problème d'une jeunesse qui saigne. Viens, viens, allons éteindre la flamme. Ne sois pas de ces fous qui défendent le diable. Marine, j'ai peur que dans quelques temps, tu y arrives et que nous devions tous foutre le camp. Donc, j'emmerde, j'emmerde, j'emmerde, j'emmerde, j'emmerde. Qui ? Le Front National. Merci. Qu'est-ce qu'elle écrit ça ? Diane,
- Speaker #0
elle s'appelle Mélanie Georgienne.
- Speaker #2
Ah,
- Speaker #0
c'est celle-là.
- Speaker #2
C'est celle dont je fais l'autobiographie. Ah, d'accord, d'accord. Alors, c'est un... Elle fait du... Comment ça s'appelle ? Du rap ?
- Speaker #0
C'est ça. Elle fait du rap.
- Speaker #2
Ben oui, parce que moi, je t'avoue que quand j'entends du rap, je ne comprends rien. Pas un mot.
- Speaker #0
Oui, il faut le lire parce qu'il parle vite. fois, il faut le lire. C'est mieux de lire le... Bon, et alors, qu'est-ce que t'en penses ?
- Speaker #2
Ah ben écoute, c'est pas mal, oui, oui. C'est pas mal ? C'est pas mal, oui.
- Speaker #0
J'avais peur de te faire lire la fin, parce qu'il y a des gros mots.
- Speaker #2
Bon, oui, je suis habituée de dire merde.
- Speaker #0
J'aime tellement cette femme. Ma GM, vraiment, rien que de l'entendre, je la trouve trop chou. Merci à elle d'avoir participé. Une fois que Marine est sortie, mais elle sent que la donne a changé pour elle. Elle écrit « Le lendemain, j'ai senti que ma vie d'artiste ne serait plus jamais la même. Enfin, on m'aimait pour ce que j'étais. » Les gens la félicitent et lui disent qu'ils sont avec elle. Elle fait les pleines pages de Grand Quotidien avec cette lettre à Marine Le Pen. D'ailleurs, la concernée, Marine Le Pen, a réagi chez Ardisson en 2004.
- Speaker #3
Elle tombe dans le prêt-à-penser. La preuve, c'est que ce qu'elle dit est faux. Quand elle dit « On ne pourrait pas être copine parce que je ne suis pas née ici. » Et alors ? J'ai des tas d'amis qui ne sont pas nés ici. En quoi ça pose des problèmes ? Je lui écris. Apparemment,
- Speaker #0
elle aurait aussi proposé à Mel de prendre un café, lol. Ce que Mel va décliner. Mélanie Georgiade écrit Marine, et aussi Ma France à moi, qui sont des textes éminemment politiques. Et pourtant, dans le livre, elle dit qu'elle ne veut pas se mêler de politique. Elle écrit A force de défendre cette France que je connaissais bien, Les médias ont fini par me considérer comme le porte-parole d'une jeunesse sans voix. Cela me gênait, je n'avais pas cette prétention, et en aucun cas, je ne faisais ni ne voulais faire de la politique. Elle écrit ça, et en même temps, à Skip, elle chantait en concert « Un vote égale dix cocktails Molotov » . Donc, je ne sais pas qui fait de la politique, mais ça, je pense que c'est un peu politique. Elle dit ce genre de trucs en concert, et ensuite, elle écrit dans son livre. Tenez-vous bien. Même si je n'avais la prétention de rien, je pensais qu'il était bon d'insérer à l'intérieur du CD un court texte incitant les jeunes à aller voter à la présidentielle de 2007 pour que 2002 ne se reproduise jamais. C'est très louable, mais je n'ai la prétention de rien. Enfin, laissez-moi dire, MDR, elle met dans chaque pochette de son album un petit texte pour dire « allez voter » et pas Le Pen. Enfin, c'est politique. Bref, après, il faut savoir qu'à l'époque, c'est pas la seule à avoir fait ça. Akhenaton et Joey Starr l'ont fait aussi. Et c'était une époque où la musique était vraiment plus politisée. Aujourd'hui, par exemple cet été, lorsqu'il y a eu les élections législatives anticipées, tous les rappeurs les plus connus, Jul, Nino, Aya, les plus streamés, ne se sont pas engagés politiquement, ils n'ont pas d'engagement politique particulier, ni dans leurs sons, ni dans leurs actions. Pas d'appel au barrage du Rassemblement National. Il y a eu un son, No Pasaran, qui était d'ailleurs à l'initiative d'Akenaton, si je ne me plante pas, et dedans, il y avait des gens connus, mais pas genre les plus connus. Donc, il y a quand même une... baisse globale de la politisation du rap. Je crois. Dans ma bulle, ça signe vraiment la grande époque Diams. Vie de star, on lui paye tout. Les hôtels, les avions, la bouffe, les cadeaux. Elle est ultra sollicitée parce que dans ma bulle, elle est le plus gros démarrage de l'histoire du rap. Vraiment bien wèche, mais ça devient un peu trop pour Diams. Elle dit qu'on lui a déjà affrété un jet La Rochelle-Lyon. Bon, ça, c'est pas ouf pour l'empreinte carbone, ce qu'elle ne relève pas d'ailleurs. Elle dit juste ça en mode... Lol, on m'a affrété un jet, la Rochelle Lyon. Et le train ? C'est pas si loin ? Si, en plus, c'est impossible. Bref, dans ma bulle, c'est la grande époque d'Iams. Son succès, sa vie de star, sa réussite artistique. Mais à côté de ça, elle se sent très seule, incomprise et mal à l'aise. Ça provoque une dépression très grave, dont elle ne se sortira que grâce à la religion. Chapitre 3, sortie de sa bulle. En mars 2008, Diams participe aux Victoires de la Musique. Elle chante Ma France à moi remixée, avec pas mal de samples de tubes de l'époque, notamment What Goes Around Comes Around, Ma Vie. A la fin, elle est en larmes, il y a une standing ovation, et elle dit
- Speaker #4
Et vu que je ne connais pas la lumière de mes prochains disques, que c'est peut-être pour moi mes dernières Victoires de la Musique, laissez-moi m'offrir un kib, et écoutez jouer mon équipe.
- Speaker #0
Deux semaines plus tôt, elle était en clinique psychiatrique. À la fin de sa promotion et de sa tournée pour Dans ma bulle, elle a moins de travail, et moins de travail pour Diams, ça veut dire plus de temps pour réfléchir et pour angoisser. Elle se sent très seule, à la fois lors des tournées, mais aussi chez elle quand elle rentre à Paris, et elle se pose beaucoup de questions. Elle écrit « Cette vie n'est-elle pas creuse ? Et la mort alors ? On vit comme si on n'allait pas mourir, on planifie, on se projette en avant comme si nous étions éternels. À vouloir faire de notre vie un rêve, pas surprenant que la mort soit alors un cauchemar. » Comment accepter que nous, êtres si complets, si complexes, soyons en fait voués à devenir poussières, étoiles, fantômes, esprits ou que sais-je encore ? Ces questions qui sont évidemment bien complexes et je pense communes à tous les humains. Moi, je me pose ce genre de questions. Sauf que Mélanie Georgiade, elle a du mal, elle n'arrive pas à y répondre et ça l'obsède et elle angoisse et elle n'arrive pas à dormir. Et donc, c'est très difficile pour elle. Et elle explique, enfin, elle dit qu'elle fait un coup de folie. Elle appelle ça un coup de folie. Donc je ne sais pas exactement de quoi il s'agit, mais elle part en clinique psychiatrique en janvier 2008. Dans l'émission de 7 à 8 en 2012, elle parle aussi de ce moment.
- Speaker #4
C'est les médocs, c'est la psychiatrie. On essaie tant bien que mal de vous aider, mais comme ils ne savent pas guérir la douleur, ils l'endorment. Et on a endormi ma douleur avec des cachements. Plus d'inspiration, plus de textes qui arrivent,
- Speaker #5
et plus de vie dans ta tête.
- Speaker #4
Un cœur qui bat, mais qui ne sert. Elle ne fait plus sourire, elle ne fait plus pleurer. C'était le lien.
- Speaker #0
Elle dit, « C'est une certitude que j'ai aujourd'hui en écrivant mon histoire. Déjà plus jeune, et une nouvelle fois à l'âge de 27 ans, après chacune de mes TS, on est seulement venu me parler 5 minutes, puis on m'a administré des médocs, voilà tout. En même temps, je ne vois pas ce que les médecins auraient pu faire de plus, mais il n'y a quand même jamais eu personne pour me parler de la valeur de la vie, personne pour m'inciter à réfléchir sur ma propre condition d'humain, mon rôle sur Terre, le sens de mon existence. Ni ma mère, ni mes profs. ni les psys, ni les amis, personne. Et en fait, je peux un peu partager, moi, je pense, ce constat sur le fait de ne pas parler de « the economic state of the world » . Non, ce n'est pas en plus « the economic state of the world » , mais l'avoir des discussions philosophiques et existentielles. Moi, je n'en ai pas beaucoup avec mon entourage, ni avec mes psys, ni avec mes profs. C'est vrai que je pense que ça se crée, et en même temps, c'est difficile. Donc, je comprends ce manque. Là, je vais faire un mini point, je reviens un peu en arrière dans le bouquin, je fais un mini point religion chez Mélanie Georgiade. Elle a été élevée dans la religion catholique. Elle dit que sa famille n'était pas vraiment pratiquante, qu'elle était plutôt pratiquante du côté de ses grands-parents maternels, mais que ce n'était pas non plus plus que ça. Et en même temps, elle dit ça, et en même temps, elle est quand même allée jusqu'à la confirmation, qui est genre le grade 3 ou 4, si on compte le baptême. Ouais, baptisé, il y a le baptême. La première communion, la profession de foi et la confirmation. Et la confirmation, c'est genre à 17-18 ans. Donc, il faut le vouloir. Mais elle dit quand même qu'elle a toujours trouvé gênant de vénérer un être humain, enfin même deux, Marie et Jésus, et elle le redit dans le livre. Dieu, elle l'a. Dieu, c'est bon. Elle a une intime conviction sur Dieu. En revanche, Marie et Jésus, pas certaines des fondations. Quand elle grandit, adolescente et après, elle a pas mal de copains musulmans. C'est comme ça qu'elle découvre l'islam et c'est des gens... C'est des gens dont elle dit qu'ils ont une pratique de l'islam qui est plutôt comme un guide de tous les jours. C'est-à-dire qu'ils ne mangent pas de porc, ils ne boivent pas d'alcool et ils font le ramadan, mais ce n'est pas plus spirituel que ça. Et elle, en fait, elle n'explique pas vraiment pourquoi d'ailleurs, mais elle se met à faire comme ses potes. Et du coup, elle pratique le ramadan, enfin le jeûne. Elle dit jeûne, elle ne dit pas ramadan, mais elle fait le ramadan et elle ne mange pas de porc. Et ça depuis dix ans. En fait, depuis, je pense, si là, on est en 2008 pour les victoires de la musique. Ouais, c'est ça, genre elle a commencé dans les fins des années 90, quoi. Elle a vraiment besoin de sens. En fait, c'est ça, elle a un manque de sens global et général sur sa vie. Et un jour que Mélanie Georgiade est en visite chez Vita, sa meilleure copine à Lyon, elle traîne avec leur amie Soussou, qui est musulmane et qui, à un moment, va prier. Et Mélanie Georgiade a envie d'aller prier avec elle et lui demande si elle peut l'accompagner. Et à ce moment-là, la foi l'a touchée, la foi est présente, elle kiffe, finalement, kiffe totale. Elle retourne à l'île Maurice pour la quatrième fois en trois ans, et cette fois, elle se dit « je veux finir le Coran, le lire de A à Z » . Et là, c'est une révélation. Elle tombe à pieds joints dedans, le Coran lui ouvre les yeux sur la beauté du monde, répond à ses questions existentielles, et lui permet de réfléchir sur sa condition, en fait, tout bonnement. Il y a une anecdote où elle va carrément réveiller sa pote pour aller lui dire « c'est Dieu qui a écrit le Coran, tu te rends compte, c'est magnifique » . enfin, extase totale sur le Coran. Elle finit de le lire et elle se sent déjà mieux. Elle a adoré. Elle décide de se convertir et d'écrire un dernier album en guise d'adieu. Elle a trouvé sa voie, enfin, et c'est pas la musique. Elle se convertit à l'islam, écrit SOS toute la première moitié de 2009, l'enregistre en juillet et entame son premier ramadan en août. À la fin du mois, elle se marie avec un mec, mais on n'en sait pas plus. Elle parle pas du tout de sa vie privée. Trois semaines avant la sortie de son album, en octobre 2009, une photo d'elle et de son mec, à la sortie de la mosquée, sort dans Paris Match. On la voit voilée et forcément, l'affaire prend une tournure sociale et politique. Le voile en France, c'est toute une histoire. Encore une fois, un sujet bien vaste et pas du tout polémique pour un deuxième épisode, c'est top. Mais je voulais quand même m'attarder dessus parce que, encore aujourd'hui, à l'heure où j'écris ces lignes, le gouvernement s'écharpe sur le fait d'autoriser ou non le voile dans les compétitions sportives. Donc c'est un sujet d'actualité. Est-ce qu'il y a une obsession française pour le voile ? À cette question, la plupart des chercheurs répondent oui, comme Éric Fassin, chercheur à Paris 8, ici dans l'émission Affaires Sensibles consacrée à Diams.
- Speaker #5
Ce qu'on peut se dire d'abord, c'est qu'il n'y a pas qu'en France que l'islam est un enjeu. En particulier, tout ce qui s'est joué autour... de la géopolitique depuis la révolution iranienne, mais aussi avec le terrorisme, ça a contribué fortement à mondialiser la question de l'islam. Mais après, il y a quand même une spécificité française relative. C'est-à-dire que d'un côté, il y a tout ce contexte et la France en fait partie, mais d'un autre côté, la spécificité du voile, ça c'est une histoire française. C'est-à-dire que dans beaucoup d'autres pays, où on n'aime pas particulièrement les musulmans, où on est prêt. à croire que ce sont des terroristes, etc. Mais quand même, on ne considère pas que le problème, c'est le vêtement des femmes. Et ça, c'est quelque chose d'important parce qu'en fait, en France, on voit bien que ça permet de se dire que c'est par féminisme qu'on n'aime pas l'islam, ou bien c'est par laïcité. Autrement dit, c'est pour de bonnes raisons, pour des valeurs démocratiques, qu'on n'aime pas ces gens-là. C'est ça, la spécificité française, c'est qu'en toute bonne conscience, On peut considérer qu'une partie de la population... Eh bien, elle est un problème.
- Speaker #0
C'est vrai qu'en France, on a des milliards d'affaires, je mets des guillemets avec les doigts sur le mot affaire, sur le voile. C'est un peu notre Martine à nous, même si Martine c'est français déjà je crois, mais bref. Le voile à l'école, le voile au conseil régional de Bourgogne, le voile à la piscine, le voile à la plage, le voile à l'université. Comme le dit Éric Fassin, on se drape, passez-moi l'expression, de bonnes intentions, de valeurs qui nous dépassent, pour justifier de questionner le port du voile. Bref, vous le savez comme moi, des actu-voiles en France, il y en a la masse. Et je ne parle pas du Vendée Globe. C'est dans ce contexte que Diams se convertit et que Paris Match fait ses paparazzis. Elle en parle dans 7 à 8.
- Speaker #4
C'était du vol. On m'a volé. On m'a volé une partie intime de ma vie. On m'a volé... Ma mère ne m'avait jamais vu habillée comme ça. Ni mes grands-parents, ni mon oncle, ni mes amis. Tout le monde a perdu pied, mon entourage proche, certes, mais les gens qui travaillaient avec moi, j'ai perdu quasiment une grande partie de mon équipe parce que personne n'avait conscience. C'est vrai qu'à ce moment-là,
- Speaker #5
on m'a dit que vous étiez un danger pour une génération,
- Speaker #4
pour les jeunes filles qui vous avaient suivies dans leur âme. Oui, de toute façon, quand une jeune fille se convertit, on dit toujours d'elle, soit elle est endocrinée, soit c'est son mari qui l'a forcée. Comme si je n'avais pas d'autonomie intellectuelle, comme si on me connaissait une femme sans caractère. C'est bien nouveau ça.
- Speaker #0
Après cette interview, Diam s'est quasi définitivement enterrée. Désormais, elle s'occupe de sa famille, de son mec et de Dieu. En 2022, elle sort un film, Salam, qui est une genre d'adaptation de son autobiographie, mais vraiment axée sur la dernière partie. Comment elle a trouvé la paix dans la religion et l'aide humanitaire avec sa fondation Big Up Project. J'ai vu ce film et franchement j'ai bof kiffé. Comme la plupart des gens y sembleraient parce qu'il est noté à 2,8 sur Allociné. Oups. Mais sans doute aussi parce que j'y allais, un peu comme à la lecture de ce livre, en pensant lire et voir Diams, et en fait j'ai retrouvé Mélanie. Normal, elle n'existe plus Diams, faut vraiment se mettre ça dans la tête. Le bouquin se termine ainsi. Mon bonheur n'était pas dans un studio, ni dans une vie où jaillissaient mille paillettes qui retombaient sur moi comme des pierres en me blessant. Mon bonheur est d'avoir trouvé mon sens sur Terre et auprès des autres. Il a commencé le jour où j'ai ouvert les yeux sur la grandeur et la beauté de la création. Le dernier mot du livre, on aurait pu s'en douter, c'est Inch'Allah. Voilà, encore une fois un livre qui m'a donné du grain à moudre, j'ai encore bien blablaté. Pour finir, je termine avec ma rubrique « Ça fait réfléchir » parce qu'on a toujours une leçon à tirer d'une star qui raconte sa life dans un bouquin. Et pour Diam's autobiographie, je crois que je vais devoir prendre des passages où elle parle de l'humanitaire. Nous autres occidentaux sommes parfois tellement comblés matériellement qu'on en devient blasés. Là, devant moi, des enfants et des grands souriaient à cause d'un bonbon. Le contraste était déstabilisant. Un petit côté ils ont rien et donnent tout qui fait réfléchir finalement. Voilà, c'était ma lecture de Diam's autobiographie. Je suis disponible sur tous les réseaux sociaux, sur Substack ou par mail. versionofficielle.podcast.gmail.com N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et je vous dis à la prochaine. Salut !