- Speaker #0
L'Esprit du corps, un podcast de Fanny Hervorin. Vous écoutez la saison 1, le souffle-voix, un chemin vers soi avec Benjamin Grenat. Benjamin, bonjour.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Bienvenue dans le podcast L'Esprit du corps. Merci d'être là, je suis ravie de te recevoir pour parler du souffle-voix, une pratique corporelle, vocale, fondée par Serge Wilphard, qui permet de libérer les tensions physiques et émotionnelles. Alors, ça me tenait vraiment particulièrement à cœur de contribuer à faire connaître cette pratique, parce que c'est entré dans ma vie il y a quelques années, et ça m'a beaucoup, beaucoup apporté. J'ai d'abord suivi de très nombreux stages avec... John Delvas entre 2018 et 2020. Et puis, j'ai eu la chance de découvrir ta pratique, ta pratique à laquelle tu as ajouté une approche particulière qui est l'ainothérapie. On dédiera un épisode vraiment entier consacré à cette approche parce qu'elle est vraiment intéressante et qu'elle accélère, selon moi, la dynamique qui est apportée par le souffle-voix. C'est vraiment très intéressant. Mais d'abord, quelques mots sur ton parcours. Alors, tu as suivi des études musicales en conservatoire et à la faculté. Tu as notamment réalisé des travaux musicologiques sur la musique russe au XXe siècle. Pendant 18 ans, tu as enseigné en collège, en lycée, en tant qu'agrégé de musique. Entre 2006 et 2016, tu as suivi les enseignements de Serge Wilfar, dont tu vas nous parler, le fondateur du souffle-voix. Et tu es devenu toi-même praticien du souffle-voix il y a un peu plus de 10 ans. On va donc consacrer quelques épisodes à cette magnifique pratique, qui on le verra, est évidemment bien plus qu'une simple technique de bien-être, mais un vrai cheminement intime, profond, infini de connaissances de soi. Mais pour ce premier épisode, on va évidemment commencer par le commencement, et on va tenter de comprendre les mécanismes, les notions qui régissent cette technique du souffle-voix. Donc on va aborder plusieurs notions. Pour comprendre quels sont les éléments clés de la technique, on va parler du corps d'abord, bien sûr. On va essayer de définir ce qu'est le souffle pour entrer dans le mystère de la voix, puisqu'on parle de souffle-voix et ce qu'elle représente. Alors, tu as été un élève de Serge Wilphard, on l'a dit, donc ça peut être intéressant que tu nous présentes son parcours. Il a été chanteur lyrique pendant longtemps, avant de devenir ce qu'il appelait un professeur de voix. Et il nous a quitté en 2019. Donc, est-ce que tu peux nous dire un mot pour présenter ce personnage, parce que c'était véritablement un personnage, et sa vie et son cheminement ?
- Speaker #1
Oui, alors Serge Wilpha, moi je le définis avant tout comme un chercheur. C'était un ténor lyrique de très bon niveau, qui était sur les scènes internationales. Et en fait, il a eu ce parcours singulier sur la voix, parce qu'il a été confronté à une problématique vocale, c'est-à-dire que... Dans les années 1970, il a perdu sa voix avec laquelle il chantait jusque là. Et c'est quelqu'un qui a l'intuition qu'il y a une harmonie profonde chez l'homme. Et à ce titre-là, il prenait souvent l'exemple de l'harmonie qu'il y a dans la nature. Si l'harmonie existe dans la nature, pourquoi n'existerait-elle pas chez l'homme ? Et donc, il a mis en place sa technique en se trompant dans un premier temps. C'est-à-dire, il chantait ténor léger, et la vérité de sa voix, puisque c'était quelqu'un qui cherchait la vérité d'une voix en tant que chanteur, a montré qu'il était ténor wagnerien. Alors, pour les auditeurs qui ne sont pas familiers de la musique, ça ne veut peut-être pas dire grand-chose. Un ténor, c'est une voix aiguë chez les hommes, à l'inverse des baritons et des basses, qui sont plus graves. Mais c'est une question de format, et du coup, ce n'est pas du tout les mêmes répertoires, ce n'est pas du tout le même type de voix. Et ça, ça illustre très très bien une chose qui est fondamentale dans le souffle de voix, c'est qu'au départ, on arrive avec la voix que l'on a, et l'idée c'est de tendre vers la voix que l'on est, finalement. On pourrait dire qu'il y a la voix du personnage qui s'est construit, puis la voix de la personne.
- Speaker #0
Alors on va y revenir tout à l'heure, effectivement, quand on aborde la voix. Et alors, du coup, quel a été son cheminement ? Comment il réagit quand il perd sa voix ?
- Speaker #1
Alors, il va voir un maestro italien qui est un professeur de chant lyrique traditionnel qui le fait chanter sur une vocaliste particulière. cette vocalise dont on reparlera. Et puis, en très peu de temps, il retrouve sa voix, il gagne un premier prix, je crois. Et là, il commence à développer une pratique très ancrée dans le corps en s'appuyant sur cette vocalise qui lui a été transmise par ce maestro italien. Et en fait, je disais que c'était un chercheur. Je vous ai parlé tout à l'heure de l'angle du corps. Effectivement, c'est un angle central, le corps. parfois on parle de la méthode souffler voix, en réalité, il vaudrait mieux parler de corps. Souffler voix. Et donc, lui va chercher de manière assez intuitive et en même temps mécaniste. On en reparlera de ça. En tous les cas, il y a cette différence de format fondamental qui fait que la voix devient complètement différente. Elle est beaucoup plus profonde. Elle est beaucoup plus authentique. Il se met à enseigner, comme il est professeur de chant, cette approche de la voix, du corps et du souffle à ses élèves. Et il se rend compte, comme il l'a vu sur lui-même, que cette pratique engendre beaucoup de transformations chez la personne qui la pratique. Et donc, avec les années, au final, il va y avoir ce glissement vers une approche par la voix. Ce n'est pas seulement une approche qui va changer fondamentalement la voix, c'est une approche par le corps, d'investigation de soi, par la voix, par le corps. et par le souple.
- Speaker #0
Alors du coup lui en tant que chanteur, il évolue vers un registre wagnerien il assume ça une vraie transformation quand même de son rapport au chant parce qu'il s'était construit j'imagine en tant que ténor léger, ça change quand même fondamentalement le rapport à l'identité de chanteur lyrique et après il glisse plutôt de chanteur vers professeur de voix et de plus en plus il va 1. se consacrer finalement avec ses élèves à une dimension plus de recherche vocale que de recherche de chant.
- Speaker #1
Voilà, parce que je pense que fondamentalement, ça a toujours été un chercheur et qu'à travers ses élèves, il continuait la recherche sur cette pratique qui est à la fois passionnante et infinie.
- Speaker #0
Oui, effectivement, il se définit assez rapidement comme un professeur de voix. Comment ça se traduit, le fait d'être professeur de voix ? pour lui. Comment ça se passe ? Est-ce qu'il a avec lui des élèves qui, du coup, suivent le même cheminement, ou il reste quand même sur des cours de chant qu'il appelle souffle-voix ? Comment ça se traduit, en fait, cette question de professeur de voix ?
- Speaker #1
Oui. Alors, ses premiers élèves, ce sont ses élèves de conservatoire. Donc, c'est des gens qui sont dans une recherche de chant et de chant lyrique. Cela dit, avec les années, en fait, il va recevoir énormément de monde, et il partait d'une... qui était celle-ci, c'est-à-dire que l'harmonie existe chez tout le monde et que tout le monde, il disait, a une belle et grande voix. Donc ça l'a beaucoup aussi intéressé de développer ça chez les gens qui, a priori, n'en avaient pas. Parce que ce qui se passe dans les cours de chant lyrique, c'est qu'il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus, les gens... ont un concours d'entrée pour rentrer dans un cours de chant lyrique. Et au final, ceux qui sont sélectionnés, c'est déjà ceux qui ont quand même une voix à peu près installée. Et lui va démontrer qu'en fait, si les gens n'ont pas de voix, c'est parce que le corps est fermé, parce qu'il y a des tensions. Du coup, le geste respiratoire, il est contraint. Et qu'en fait, ça, c'est accessible à tout le monde. Et que les gens qui rentrent... dans le cours de chant lyrique, ont simplement un instrument qui est plus accessible que les autres. Et là, on va dévier sur ce qui était le fondement de sa recherche, c'est-à-dire que lui disait « je fais de la lutherie » . Il avait cette image en disant « si tu joues du violoncelle, il faut d'abord construire un instrument » . Donc c'est pareil avec la voix. Et le corps, c'est la charpente. de l'instrument. Et donc, il se passionne pour la fabrication de cet instrument, dans des règles précises, que l'on verra sans doute après, pour que ça corresponde à quelque chose de naturel. Mais comme il avait aussi pas mal d'humour, il disait, mais en fait, c'est même pas de la lutherie que je fais, c'est de la plomberie. C'est-à-dire que je remets des tuyaux à leur bonne place. Et puis, quand on remet les tuyaux à leur place, la respiration se fait et la voix arrive par elle-même. C'était quelqu'un qui avait beaucoup d'humour, il avait cette profondeur en même temps, et il avait cette recherche, cette recherche-là qui est passionnante.
- Speaker #0
Donc du coup, on passe d'un chanteur à un professeur de voix, et en fait presque un professeur de corps, quoi. Un professeur de corps. Il part du corps.
- Speaker #1
Oui, il part du corps. Alors ça, cette question du corps, elle est vraiment très intéressante. Elle est beaucoup plus complète qu'il n'y paraît. Donc, si on parle de la voix, on va tous se mettre d'accord sur ce que c'est qu'une voix. Encore qu'on en parlera peut-être encore après, mais si on parle du souffle, déjà, il y a plusieurs manières de voir le souffle. Mais le corps aussi. Il y a le corps que l'on a, et il y a le corps qui est vécu. Et souvent, on entend beaucoup de gens, notamment qui ont été accompagnés dans la relation thérapeutique. ou dans la relation d'aide, parfois qui sont passés par beaucoup d'échanges verbaux et qui disent « je veux revenir vers le corps, je sens que c'est par le corps que ça passe » . Et ça, c'est une chose fondamentale et en même temps, ça ne veut pas dire grand-chose. Pourquoi ? Parce que le corps, on peut avoir une démarche corporelle, on peut faire du sport, on peut faire du yoga, on peut faire même du souffle et voix. On peut ressentir une partie de son corps sans totalement être dans son corps. Le corps, c'est vraiment quelque chose qu'on peut ressentir de plein de manières différentes et à plein de profondeurs différentes. Donc, ça va être plus malaisé d'avoir une définition très claire de ce que c'est que le corps.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux donner des exemples ?
- Speaker #1
Oui, je peux donner des exemples.
- Speaker #0
Par exemple, parce que là, ce que tu es en train de dire, c'est peut-être, est-ce qu'on est dans son corps ou est-ce que l'on n'est pas dans son corps ? Oui. Finalement, est-ce qu'on a une conscience et quelle intensité de conscience s'inscrit dans le corps ? Finalement, c'est ça. Est-ce que tu peux donner des exemples, effectivement ?
- Speaker #1
Oui, je peux donner des exemples. Tu peux avoir une pratique corporelle tout en restant sur un plan mental. Et puis, en ressentant quand même la matière du corps, des muscles qui sont tendus, tout ça, etc. c'est à dire qu'on peut être sur plusieurs plans différents. Mais être investi par son corps, c'est descendre dans les profondeurs du corps. Et là, en fait, on va se rendre compte que le corps que l'on ressent n'a pas grand-chose avec l'image que l'on s'en fait ni avec le point de vue mécaniste du corps. Tu prends souvent cet exemple-là, mais par exemple, les yogis, ils ne font pas d'anatomie. Ils sont dans le corps vécu. Et donc, on peut pendant longtemps, avoir une discipline corporelle sans fondamentalement être dans la profondeur du corps. Et donc, il va y avoir ce moment-là, et ça, l'approche de Serge Bouillé-Farre le facilite énormément, où il va y avoir cette plongée, cette descente dans le corps profond, dans cette sensation et dans plusieurs couches de conscience. Donc, on pourrait penser que c'est lié, quelque part, conscience et corps. à être présent aux sensations de son corps. Pour éviter de partir sur des plans immatériels que sont la pensée. Ça, on reviendra là-dessus. Et en même temps, ça, quand c'est installé, c'est vraiment très intéressant parce qu'il y a des gens qui, par exemple, ont été danseurs. Donc, le corps, ils connaissent quand même. Dans des dimensions physiques qu'on ne peut leur dénier. Et ils viennent en souffler voix et ils disent « je redécouvre mon corps » . Donc, tu vois, on peut être sur différents plans.
- Speaker #0
Du coup, là, tu parles de sensations, etc. Donc, finalement, les limites corporelles du corps, ce n'est pas ça qui définit le corps, finalement, ce que c'est en train de dire. Et le corps, ça devient de l'espace, de l'espace intérieur, de l'espace ressenti.
- Speaker #1
C'est ça, c'est un corps ressenti. Donc, ça veut dire qu'on le ressent avec sa conscience. On a sa présence dans son corps. Mais c'est en même temps plus complexe que ça. Parce que quand tu vas avoir des pratiquants d'un certain niveau, qui ont indéniablement une conscience corporelle, tu vois qu'ils vont mettre directement la conscience dans leur corps. On pourrait penser que c'est bon. Et en fait, le problème, c'est qu'on peut mettre sa conscience dans son corps et même dans des sensations très profondes, mais en contrôlant.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Et ce qui est intéressant, c'est qu'à un autre stade du travail, alors ça, ce n'est pas des choses que Will Farr détaillait, donc on verra peut-être ça un peu plus tard, mais quand même, je le glisse parce que c'est intéressant, c'est qu'à un moment donné, quand les gens contrôlent avec la confiance dans leur corps, pour que le travail se fasse, pour que la lâcher prise se fasse, eh bien, il va falloir lâcher ce contrôle et peut-être se laisser gagner par une certaine ivresse. Et donc là, on va tomber sur des trans corporelles un peu différente, on verra sur le mode trans qui est plus propre à mon approche, à moi, mais ce qui est intéressant, c'est que quand tu vois la personne pratiquée, tu sens la présence dans le corps, mais c'est pas forcément la présence de sa conscience. Donc voilà, on voit qu'il y a plein d'angles, d'approches, que la question du corps, c'est une question extrêmement riche, la question de la conscience est une question extrêmement riche aussi, qu'on verra plus tard. Bon, là... pour des raisons pédagogiques et aussi parce que c'était l'approche. de Wilfer qui revenait à des choses très pragmatiques. On va partir d'un corps plus au sens où on l'entend, mécaniste, sensation, la recherche d'un certain type de corps.
- Speaker #0
Comme tu as l'habitude de voir énormément de gens passer dans tes stages, tu dirais, même si effectivement les personnes qui viennent déjà dans tes stages ont déjà une sensibilité à l'ouverture du corps, mais j'aimerais avoir ton avis sur la manière dont on utilise aujourd'hui notre corps. dans la société d'une manière générale, qu'est-ce que tu pourrais en dire ?
- Speaker #1
Alors, ce que je peux dire, c'est une chose qu'on voit très très bien en stage soufflé-voix. C'est-à-dire que la plupart des gens arrivent avec un corps fragmenté. Et la manière d'utiliser leur corps n'est pas construite autour d'un centre défini. Et ça, c'est le parcours qui va se faire dans le travail, c'est-à-dire partir de la fragmentation pour aller vers l'unité. d'un corps, un corps construit autour d'une unité. Et ça, ça donne une relation au corps qui est différente, ça donne une manière de se poser dans l'espace qui est différente, et l'environnement autour serait défini aussi autrement.
- Speaker #0
Comment ça se traduit un corps qui est unifié ?
- Speaker #1
Alors, ça a à voir avec une notion, je vais dire, qui est centrale, qui est première, qui est extrêmement importante, il y a la notion de corps. Et là, il y a la notion de centre, qu'on place habituellement à peu près 3 cm en dessous du nombril. Ça correspond à ce que dans les arts martiaux, on appelle la zone du hara, et ce qu'on appelle le centre vital. Et ça existe aussi dans l'art occidental. Par exemple, une image qui est très connue, c'est celle de l'homme de Vitruve, où on voit que le corps de l'homme est construit autour de ce centre. Donc le centre... vitale de l'homme, on peut voir qu'il y a plusieurs centres, mais le centre vital de l'homme, ce n'est pas au niveau du cœur, c'est au niveau du ventre que ça se situe. Et ce qu'on voit beaucoup, quand les gens arrivent dans un premier temps, c'est que le centre de gravité est en fait logé trop haut. Et qu'il va y avoir ce temps de déconstruction où le centre va redescendre au nord. vers sa place initiale, la place qu'il a quand nous sommes bébés, qui est ce centre vital.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux nous parler de la densité du corps ?
- Speaker #1
Oui, alors la densité du corps, plus on évolue vers son centre, plus la sensation du corps devient dense. C'est-à-dire que ça devient une réalité tellement tangible et présente, si dense qu'en fait, on finit par ressentir. l'environnement dans son corps. Je vais le dire autrement. Ça, c'est plus de l'ainothérapie, mais ça permettra de comprendre. Souvent, nous sommes branchés sur l'extérieur et on n'est pas branchés dans son corps. On est happés par l'extérieur. Par exemple, là, tu vois, on est en train de dialoguer, donc on se regarde. Et puis, souvent, quand les gens se regardent, l'énergie va vers la personne. Ça permet de communiquer. Mais souvent, on se laisse décentrer. OK ? Or, quand on revient dans son corps, quand on revient dans son centre, on a cette perception qu'on regarde à travers le ventre, l'autre, on parle à travers le ventre, et que la sensation de l'espace se fait à partir de ce centre qui est très pratique, très concret, très dense. Finalement, la périphérie devient une extension du centre.
- Speaker #0
Donc le travail du souffle-voix, c'est de revenir dans son corps et surtout de retrouver le centre de ce corps qui produit, plus on retrouve ce centre, plus on produit de la densité corporelle. Et donc la question de la fragmentation dont tu parlais tout à l'heure, qui est un délitement un peu de cette densité, on réunifie un peu le corps. Donc à partir de cette lecture du corps dans le souffle-voix, est-ce que tu peux maintenant Maintenant, nous expliquer un peu plus précisément le travail justement du souffle-voix, les notions de déconstruction-reconstruction dont tu viens de parler. Est-ce que tu peux un peu nous détailler la manière dont ça se passe, dont on se sert de ces notions-là pour faire travailler le corps dans cette dimension ?
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Alors, le souffle-voix, c'est vraiment une pratique qui recherche l'architecture du corps. Serge Wilfer, on peut dire que quelque part, il se situe dans la lignée des bâtisseurs de cathédrales, les maîtres ouvriers médiévaux, et il a ce sens incroyable de la structure. Qu'est-ce que c'est qu'une structure qui est viable, sur laquelle on peut s'appuyer ? Et de ce point de vue-là, son parcours de chanteur lyrique est vraiment très important parce que dans le chant lyrique, il y a une grande amplitude de voix. Et cette voix, elle doit pouvoir s'établir sur des fondations solides parce que ce sont des rôles qui sont très exigeants, qui demandent de la puissance. On ne peut pas se permettre d'avoir la moindre faille sans mettre en cause la santé vocale.
- Speaker #0
Il y a vraiment des fondations à construire, à établir.
- Speaker #1
Donc son parcours de chanteur lyrique va l'inspirer énormément dans la recherche de la géométrie de la voix et du corps. Et je crois que c'est assez particulier cette approche. C'est qu'un des principes, on va dire, c'est de retrouver, d'ériger une cathédrale sur des fondations solides. C'est une image qu'il prenait. Et donc, on va aller déposer la première paire en bas, bien solidement. Qu'est-ce que c'est, musicalement ? C'est établir la personne dans un son grave, qui se situe d'ailleurs au niveau du bassin, au niveau corporel. Et puis, pierre par pierre, demi-ton par demi-ton. On va ériger cette structure avec cohérence, à partir de cette pierre fondamentale.
- Speaker #0
Quand tu parles de demi-ton par demi-ton, comme on n'a pas expliqué qu'effectivement le travail de souffle-voix se fait à partir de vocalistes, tu le diras tout à l'heure et en tout cas tu le détailleras, et donc avec un piano, c'est-à-dire qu'il y a un praticien qui accompagne un pratiquant. Et grâce à un travail vocal, de vocalistes, etc., il y a demi-ton par demi-ton, une déconstruction d'abord et une reconstruction du corps. Je me permets de préciser, comme tu parles de demi-temps en demi-temps et qu'on n'avait encore pas tout à fait abordé le pratique des séances, c'est pour vraiment arriver à projeter les auditeurs sur le travail en séance.
- Speaker #1
Oui, tu as tout à fait raison et je te remercie. Parce que là, j'ai parlé de la construction qui est l'horizon, comment on édifie ce véhicule quel corps. Mais pour trouver cette pierre de base qui soit la plus saine, Ça implique d'abord de déconstruire.
- Speaker #0
Parce que la plupart du temps, on arrive tout construit de manière un peu de travers.
- Speaker #1
Exactement. C'est-à-dire, on arrive fragmenté avec ce centre de gravité qui est trop haut. Très haut, oui. Donc, l'idée, ça va être d'abord de faire redescendre ce centre de gravité. Et donc ça, c'est la partie déconstruction. On va prendre une autre image, c'est que, en fait, notre construction physique tendue vers le haut, ça résulte... d'une construction névrotique. Ça positionne notre corps de guingois.
- Speaker #0
De guingois,
- Speaker #1
oui, forcément. Donc, il va falloir redescendre sur la Terre, dans son centre de gravité, dans sa densité. Donc, effectivement, schématiquement, il y a d'abord un moment de déconstruction, puis un moment de reconstruction à partir du centre. Évidemment, dans la pratique... ça va être plutôt des allers-retours. Oui. C'est-à-dire qu'on ne peut pas totalement déconstruire quelqu'un, ce n'est pas possible. Et puis, ce ne serait pas souhaitable. Voilà. Mais par exemple, tu vois cet angle de déconstruction, on trouve ça chez les psychanalystes qui travaillaient beaucoup avec le corps, qui est Wilhelm Reich. Oui. On est dans des cuirasses caractérielles, comme ça, et puis il avait cette optique de déconstruction. Alors ça, c'est vraiment très important. Parce que si on prend des disciplines corporelles comme le Hatha Yoga ou d'autres, le Hatha Yoga notamment, il y a plein de sortes de yoga, mais le Hatha Yoga, globalement, ça va être la recherche d'un corps idéal, d'une construction. Donc c'est un peu similaire.
- Speaker #0
Mais sans déconstruire, au départ.
- Speaker #1
Au départ, en fait, dans la tradition, si, il y a une déconstruction. Mais en fait, dans la tradition indienne, pour ce que j'en sais en tout cas, Normalement, avant de pratiquer le yoga, il faudrait faire 7 ans de préparation physique. Et il paraît que c'est la même chose en danse indienne. Donc en fait, c'est quoi cette préparation ? Ça permet de reformater le corps pour l'établir dans son centre de gravité. Et une fois qu'on est dans ce centre, on va pouvoir tendre vers cette construction idéale, vers les fameuses postures que l'on voit dans les planches de yoga. Et là, ce sera quelque chose de mieux établi. Mais la plupart du temps, ce n'est pas le cas. Les gens ne font pas la préparation physique parce que, un, ils ne le savent pas, parce que, souvent... Elle n'est pas enseignée. Et donc, on est en train, ce faisant, de construire une architecture idéale, mais sur une structure névrotique.
- Speaker #0
Donc, on renforce finalement la structure névrotique, en fait.
- Speaker #1
En tout cas, cette structure idéale, elle n'est pas établie sur une base. Et donc, on est en train de fabriquer une structure sur une fausse structure existante. Donc, ça ne peut pas marcher de ce point de vue-là. Alors, évidemment, ce que je dis, c'est très schématique. Il y a des enseignants de yoga qui sont très très bons et qui ont très bien compris ça. Mais c'est quand même des angles qu'il faut avoir bien en tête. Et ça, cette optique de déconstruction, revenir au centre, Serge Wilfar a mis ça de manière très rigoureuse et de manière très pertinente en place.
- Speaker #0
D'accord. Donc du coup, de manière très pratique, avec le souffle-voix, il y a le corps qui arrive, il y a une lecture du corps qui se fait par le praticien et la première phase du travail. c'est de déconstruire ce corps.
- Speaker #1
Oui, c'est de redescendre dans le centre de gravité. Je vais prendre une image très pratique. Les architectes, avant, ils prenaient ce qu'on appelle un fil à plomb pour trouver la verticalité. C'est quoi un fil à plomb ? C'est un fil qui donne la verticalité parce qu'il y a un poids. Il y a le poids du plomb. Ça, c'est une image essentielle à bien comprendre pour comprendre ce que c'est que l'ancrage dont on parle souvent. La verticalité, elle est donnée par un poids du corps. Si le corps, il ne pèse pas, si l'énergie ne descend pas dans le bassin, puis dans les jambes, puis dans le sol, il n'y a pas d'authentique verticalité. Pourquoi je dis ça ? Parce qu'il arrive que dans certaines pratiques, alors pareil, je ne condamne pas certaines pratiques, les pratiques, elles sont souvent mal utilisées. Mais j'ai vu par exemple des pratiquants de pilates mettre beaucoup de force au niveau... du centre de gravité, c'est-à-dire au niveau du ventre, en s'imaginant qu'ils étaient ancrés. Or, on voyait très clairement qu'ils n'étaient pas dans leurs jambes.
- Speaker #0
Si on reprend l'architecture, c'est comme si on consolidait avec du béton ou des murs quelque chose qui ne tient pas tout seul debout.
- Speaker #1
C'est-à-dire qu'on met de la force au lieu de laisser peser l'architecture.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Et en fait, il y a cette image qu'on voit souvent... Les kernes, c'est des pierres qui tombent l'une sur l'autre. Pourquoi ? Parce qu'il y a ce poids. Ça, ça donne une structure. Donc, la notion d'ancrage, la notion de racine, il y a une notion prioritaire avant qu'il y ait ce fil à plomb. Et du coup, c'est laisser peser son corps. Et ça, les structures, au départ, l'empêchent. Donc, ce qui va se passer en souffle et voie...
- Speaker #0
Oui, les structures névrotiques.
- Speaker #1
Névrotiques, voilà, tout à fait. Ce qui va se passer en souffle et voie, c'est que quand on va redescendre vers son centre de gravité.
- Speaker #0
Tu fais peser le corps avant de le réaligner vers le...
- Speaker #1
On ne fait pas peser le corps, on le laisse peser.
- Speaker #0
On le laisse peser, évidemment.
- Speaker #1
C'est intéressant, parce que c'est un truc qui vient de l'éinothérapie. Au niveau de la rhétorique, c'est super important. Et quand on déconstruit le corps, les gens ne tiennent plus debout. Alors qu'on est revenu à leur centre, parce qu'il n'y a pas de verticalité authentique. Ou alors, ce qui va se passer, c'est le cas le plus fréquent. on va trouver des gens qui sont courbés vers l'arrière. C'est-à-dire que l'énergie, le poids va descendre dans le bassin, ça va descendre dans les jambes, ça va descendre dans le sol, et puis on va voir le dos qui part en arrière. Je ne peux pas le faire parce qu'il y a le micro. Et ça, c'est intéressant parce que le fil à plomb, il est présent. Et qu'est-ce qu'on voit dans le corps ? Géométriquement, il est penché en arrière, il n'est pas vertical. Alors ça c'est très interrogeant pour un certain nombre de personnes, parce qu'on est censé travailler la verticalité. Mais alors moi je l'explique avec ces notions-là. Il faut distinguer la verticalité géométrique, qui est la verticalité par rapport à un axe, de la verticalité énergétique, qui est la verticalité du fil à plomb, et qui, dans la géométrie, va s'illustrer, pas forcément, par une verticalité, par rapport à l'axe horizontal.
- Speaker #0
Par exemple, quand tu as des gens qui sont en arrière, en fait, il y a une verticalité. Pourquoi ? Parce qu'il y a un poids du corps et puis il y a quelque chose qui tient au-dessus de la tête. Sinon, il tomberait. Donc,
- Speaker #1
c'est l'idée d'une tension, en fait, de deux forces qui s'équilibrent. Oui,
- Speaker #0
par une tension juste.
- Speaker #1
Oui, c'est ça, bien sûr. Je veux dire une tension juste,
- Speaker #0
tout à fait.
- Speaker #1
Les mots nous manquent pour dire là. Mais c'est ça, en fait. Il y a un arc. Le corps devient un arc, finalement. Il n'est pas vertical au plan géométrique, mais il est vertical dans son axe énergétique, et on le voit parce que ça tient des deux bouts dans une tension juste et équilibrée. Oui,
- Speaker #0
c'est ça. Il faut bien dire que c'est transitoire. Oui. C'est-à-dire que c'est ce qui se passe dans la déconstruction, et qu'avec le temps, c'est que verticalité énergétique coïncide avec la verticalité géométrique. Pour que ce soit une verticalité authentique. Et donc... C'est après qu'on va remettre la force pour pouvoir étirer et tendre vers la verticalité géométrique. Mais c'est intéressant parce que, par exemple, tu prends le tir à l'arc japonais. Bon, le tir à l'arc, il y a une histoire de centre, il y a une histoire de verticalité. On voit bien que le corps, il faut qu'il soit déconstruit avant. Parce que tu ne vas pas te mettre à tirer de manière courbée, justement. Donc, ça veut dire qu'il faut être prêt pour faire un tas de disciplines énergétiques traditionnelles.
- Speaker #1
Est-ce que, parce que tu parles du tir à l'arc, la pratique souffle-voix a été influencée, en tout cas Serge Wilfar avait été influencée par un livre intéressant qui s'appelle Le Zen, l'art chevaleresque du tir à l'arc.
- Speaker #0
Le Zen, dans l'art chevaleresque du tir à l'arc.
- Speaker #1
Dans l'art chevaleresque du tir à l'arc, qui a été écrit par Eugen Ehrigel. Peut-être tu peux nous en dire un petit mot, l'essence du message porté par ce livre.
- Speaker #0
Oui. Alors, pour être tout à fait exact... Ce livre n'a pas influencé la pratique. Ce qui s'est passé, c'est que Serge avait déjà développé sa pratique, puis un jour, il y a un élève qui est arrivé avec ce livre-là, et il se trouve que ça concordait exactement avec ce qui était fait. Voilà. Donc évidemment, ça a pu nourrir l'esprit de la pratique de Serge. Mais le zen dans l'art chevaleresque, en peu de mots, c'est quoi ? C'est l'art de laisser tirer la flèche à travers soi. Et ça, c'est une notion essentielle. C'est-à-dire qu'à un moment donné, quand on lâche prise, ça se fait à travers la personne. Il y a quelque chose qui émet la voix à travers la personne. Elle lâche le contrôle, c'est autre chose à travers elle qui chante. Et donc, c'est une autre voix. Et ça, c'est important parce que, pour toucher ça, il faut... cultiver ce qu'on appelle le non-agir. Tu m'as demandé tout à l'heure comment était le corps des gens dans le quotidien. Donc effectivement, il est fragmenté. Et je pourrais répondre à une autre question qui est, qu'est-ce qui perturbe le geste vocal ou respiratoire des gens ? Pour moi, évidemment, il y a l'écurace caractérielle. Mais plus encore, il y a le fait... de faire. Et à un moment donné, il va falloir lâcher prise pour se laisser faire. Mais ça, c'est des choses qu'on va certainement beaucoup creuser avec l'ainothérapie, qui a donné, pour moi, des outils beaucoup plus simples, et peut-être encore plus prégnants pour se laisser faire dans un acte.
- Speaker #1
Et c'est pour ça que je disais au tout début que ça accélère vraiment, je trouve, ce qu'installe le souffle-voix, la hynothérapie l'accélère du coup et l'approfondit vraiment. En tout cas, c'est ce que j'ai ressenti dans ma pratique. Alors, on a vu un peu les éléments clés de la technique, le centre, le fil à plomb, la verticalité, ce que le souffle-voix cherche à partir de la lecture du corps. On a... Toujours pas parlé du souffle pour l'instant, et on y arrive du coup. Sans le souffle, la pratique du souffle-voix pourrait rester une pratique mécanique, et qui finalement n'aurait pas forcément, peut-être, c'est une question, mais n'aurait pas forcément une action aussi transformatrice qu'elle peut l'avoir à partir du moment où le souffle intervient. Alors, encore une fois, les... Les concepts sont quand même très complexes, on parle beaucoup de souffle, de respiration, etc. Souvent il y a des confusions entre les deux. Est-ce que tu peux d'abord essayer de nous redéfinir un peu les choses ? C'est quoi la respiration ? C'est quoi le souffle ?
- Speaker #0
Oui, alors... D'abord d'un point de vue mécanique, s'il n'y a pas de débit respiratoire, il n'y a rien pour bander l'arc, la flèche ne partira pas. Donc c'est pareil, en termes purement mécaniques, si la personne n'inspire pas et qu'il n'y a pas un certain volume d'air, il n'y aura pas d'air pour se transformer en son. Donc voilà, le point de vue mécaniste, c'est de voir la respiration en termes de débit respiratoire. de débit pulmonaire. Mais on pourrait voir la respiration en quatre temps. On va prendre l'image d'un pendule qui va d'un côté et de l'autre, et il y a deux temps de suspension, à un moment où c'est immobile. C'est une image qui vaut ce qu'elle vaut, mais une respiration naturelle, il y a quatre temps. C'est-à-dire qu'il y a des temps d'apnée à vide, d'où naît une inspire, et il y a des temps d'apnée à plein. d'où va naître l'émission du son, ensuite, dans l'expire. Donc ça, c'est important de le dire parce que, même en termes mécaniques, les temps d'apnée à plein sont considérés, par certains scientifiques, comme des moments d'échange particulier, notamment en termes électriques, dans le processus de la respiration. Voilà, ça c'est d'un point de vue mécanique. Mais tu as raison de dire qu'il y a la notion de souffle, on souffle les voix, et que cette notion de souffle, je dirais, c'est comme la notion, la différence entre le corps mécanique et le corps ressenti. Et dans ce souffle, en fait, déjà, dans le corps, la dimension du souffle, parfois, on peut avoir l'impression que c'est l'ensemble du corps qui respire, parfois presque comme si... Tu pouvais imaginer que les pores de ta peau se dilatent à l'inspire et qu'ils se rétratent à l'expire. Et donc, ce n'est pas que localisé. Et donc, il y a un lien entre le souffle, la conscience, le corps, tout ça, etc. C'est l'ensemble du corps qui respire. Et l'idée, c'est de tendre vers quelque chose d'harmonieux. Et c'est en laissant faire, en fait. C'est en se laissant faire que le souffle va investir le corps.
- Speaker #1
Mais est-ce que tu pourrais essayer de nous définir ce souffle ? Qu'est-ce que c'est que ce souffle ? On a bien compris la dimension mécanique, c'est la respiration finalement, c'est finalement l'anatomie du corps avec les poumons qui respirent, etc. Ça, ça respire, c'est mécanique. Mais le souffle, qu'est-ce que c'est ?
- Speaker #0
Alors pour moi, c'est l'interface entre le corps et l'esprit. Donc voilà, c'est en même temps immatériel et quand même ça s'inscrit dans la matière. D'ailleurs, la voix, c'est pareil. Ça, c'est une image que Serge Wilfar donnait. Il disait que c'est à la fois très tangible et complètement immatériel. Et moi, c'est une expression que j'emploie beaucoup. C'est une matière sonore. C'est une expression qu'on emploie dans l'analyse musicale. Donc, c'est quelque chose presque qu'on peut toucher. Et pourtant, on ne le peut pas. Alors, il y a des ondes, effectivement, il y a tout ça, mais il y a des sons qui sont plus denses que d'autres. Wilfar, lui, il parlait de la pierre brute. Donc, il y a cette notion de matériaux. Pierre brut, dont on va extraire, avec certaines règles d'architecture, une pierre taillée. Ok ? Oui. Voilà. Donc, ça veut dire aussi une chose. Parce que là, tu parles de souffle, et c'est en lien avec ce que je vais dire, parce que Serge disait, il faut quand même mettre le moteur. Parce que là, on a parlé de choses finalement un peu froides. D'architecture, tout ça, etc. C'est un plan. Oui. Voilà. Mais il y a quelque chose qui anime la personne. Cette chose qui anime, c'est le souffle. Mais c'est aussi l'énergie de vie. Et Serge, il disait, j'ai besoin que vous mettiez votre moteur. C'est-à-dire que vous y alliez. Alors, moi, j'ai une optique un peu différente, qu'on expliquera plus tard. Je pense qu'il serait en accord avec ça. Mais moi, je parle de réveiller le feu. Pour moi, le souffle et voix est fondamentalement une pratique qui active le feu dans un premier temps et qui permet la gestion du feu. Mais on en parlera plus tard, c'est plutôt mon angle de vue.
- Speaker #1
Mais quand même, du coup, est-ce que tu ferais un parallèle entre le souffle et l'énergie vitale ? Donc la Kundalini, par exemple, si on veut aller chercher d'autres concepts ou pas. Deuxième question, est-ce que le souffle, c'est pour toi aussi la même chose que la présence ou la perceptude dont tu parlais un petit peu tout à l'heure ? Et un concept qu'on détaillera aussi, évidemment, dans un autre épisode. Mais déjà pour clarifier le souffle, ces deux notions-là sont proches.
- Speaker #0
Alors le mot de perceptude, on verra plus tard.
- Speaker #1
Plus tard.
- Speaker #0
Mais effectivement, le souffle, c'est cette énergie de vie. C'est le fait d'être relié à ce qui nous anime. anima. C'est ça qui va animer le corps. C'est le flux vital. C'est par le souffle que passe l'élan vital.
- Speaker #1
Donc, il y a un mouvement.
- Speaker #0
Donc, il y a un mouvement, effectivement. Qui vient.
- Speaker #1
Et c'est par ce mouvement qu'il faut se laisser faire.
- Speaker #0
C'est ça. Or, souvent, au départ, les gens le contrôlent. Ils le font, ce mouvement. C'est-à-dire qu'on va passer à un moment donné quand la personne lâche prise, elle inspire, elle se laisse inspirer. Et ça, au sens propre du terme. C'est-à-dire que l'inspiration, le souffle, l'air arrivent, ce geste arrive par elle-même, cette inspiration.
- Speaker #1
Donc il y a un mouvement qui arrive, il y a quelque chose qui émerge, il y a un son qui jaillit. Alors Serge Oelfard, il parlait du cri du bébé. primordial. Est-ce que tu peux nous parler de ça ? Parce que après le souffle, il faut quand même qu'on considère un peu cette voix. D'abord, avant la voix, il y a ce son qui arrive,
- Speaker #0
qui jaillit. Cette idée de moteur, pour moi, c'est l'idée d'activer le feu. En fait, à un moment donné, la personne lâche prise, elle se laisse faire dans son souffle, et puis émergent les sons qui arrivent. La personne fait comme elle peut. À ce moment-là, il y a tant d'énergie que souvent... Elle est bousculée dans son corps. Ça se met à trembler de partout. Parfois, pour les nouveaux, c'est très impressionnant. Donc, à la pause de midi, il y en a beaucoup qui ont une très forte envie de partir s'ils ne sont pas encore passés. C'est très initiatique au début.
- Speaker #1
Mais personne ne part.
- Speaker #0
Dis-le. Non, personne ne part. Je n'ai jamais obligé personne à rester. Du coup, il y a un cadre, ça on en reparlera beaucoup, parce que c'est très important, qui permet que malgré cette... L'animal s'est réveillé au début. Tout le monde est un peu surpris. On est tous porteurs de cette énergie. Et puis tout d'un coup, on ne sait pas quoi en faire. Et donc, de cette énergie, la personne la guide forcément maladroitement. Il va y avoir des sons discordants. C'est ça, cette pierre brute dont parlait Serge Wilphard. Par contre, il y a une profondeur. Et c'est là où c'est...
- Speaker #1
Et une matière.
- Speaker #0
Et une matière, c'est une matière. Et tu sens que c'est une matière qui est là, qui est brute et qui demande à être travaillée. Qui demande à être sculptée. Et ça là, il faut être très vigilant. Parce qu'il ne faut pas que le praticien, celui qui accompagne, sculpte cette matière comme il a envie qu'elle soit. Sinon, on va retomber dans le mythe de Pygmalion.
- Speaker #1
On va en parler tout à l'heure.
- Speaker #0
Mais il y a une énergie qui est réveillée. Elle doit être respectée. Et en fonction de certaines règles, elle va se structurer. Et donc, effectivement, le chant, un nouveau chant, va réémerger depuis le cri. Depuis le cri spontané, en fait. Donc, Serge Wilfer, il prenait cette image du cri du bébé dans lequel il y a beaucoup de fréquences, très très riches, mais c'est pas un son beau, mais c'est un son vrai. Et on va repartir, moi j'aime bien dire qu'en souffle et voix, on repart de la vérité. d'un son pour aller vers une forme de beauté certainement beaucoup plus profonde. Parce qu'en fait, il y a beaucoup de contrôle, y compris quand on fait du chant. Les chanteurs contrôlent beaucoup pour des raisons esthétiques. Donc là, on va mettre l'esthétique de côté, qui est une manière de fabriquer, très largement de côté. On apprend à se laisser faire par une énergie qu'on croit monstrueuse au départ. Et en fait, on voit qu'en s'alignant, ça va prendre une profondeur et une beauté insoupçonnées.
- Speaker #1
Mais c'est très déstabilisant parfois d'entendre des sons comme ça qui viennent de son corps, qu'on ne reconnaît pas. C'est un peu cette question de la voix du personnage dont tu parlais un peu tout à l'heure et de la voix authentique.
- Speaker #0
Oui, c'est-à-dire que là, on va tomber sur la matière première de la voix de la personne. personne.
- Speaker #1
Voilà, c'est ça. Est-ce que tu peux détailler un peu ça, cette question de personne, personnage et de voix ? Parce qu'on se rend compte quand même dans la manière dont on vit aujourd'hui qu'on n'utilise jamais, jamais notre voix authentique. Jamais.
- Speaker #0
Non, c'est une voix construite.
- Speaker #1
Voilà, est-ce que tu peux parler ?
- Speaker #0
Familialement, socialement. Il est fréquent que les gens, quand ils entendent leur voix enregistrée, ça leur procure un certain malaise. C'est comme s'ils se reconnaissaient pas vraiment, ou ça leur plaît pas. Moi je pense que c'est parce qu'ils sentent intuitivement que ça correspond pas à leur profondeur. C'est-à-dire que ce qu'on entend... c'est la voix du personnage. Et la voix du personnage, c'est des fréquences réduites par rapport à ce que la personne est capable d'émettre. Et quand on détricote ce personnage, du coup, c'est quelque chose de plus profond. Il y a plein de gens qui se mettent à parler avec une voix beaucoup plus profonde, puissante, beaucoup plus vibrante. Et il se dit, je ne vais pas pouvoir parler comme ça. Parce que moi, j'ai l'impression que si je fais ça, je suis un monstre. Et en fait, c'est très intéressant parce que là, le regard et l'écoute des autres est très important. Parce que pour les autres, ça ne fait pas du tout cet effet. On entend une voix qui est profonde, qui est incarnée et qui n'a pas tous ces... graillement qu'on peut avoir au départ dans la matière brute de la voix chantée. C'est-à-dire que la voix parlée, c'est quand même une voix bien construite et profonde. Mais ça, c'est parce que c'est notre relation à notre voix. Et c'est aussi, l'ainothérapie l'explique très bien, c'est notre relation au lâcher-prise. Quand vous arrivez et que vous lâchez prise, et qu'il y a cette voix monstrueuse, et puis qu'au final, dans cette atmosphère qui est sécurisée, parce que l'atmosphère est capitale, finalement, vous avez pu lâcher prise sans que ça fasse de dégâts sur les gens, sans que ça fasse de dégâts sur vous, et sans vous être rejeté, et bien du coup, ça déprogramme quelque chose. Et rien que la première journée de stage, il y a quelque chose qui est souvent tombé par rapport à ça, et par rapport au monstre qu'on a cru être.
- Speaker #1
Et alors ça, c'est extraordinaire de voir que finalement... Les angoisses qu'on croit propres à nous sont quand même assez partagées. Je veux dire, cette question du monstre, effectivement, tout le monde la partage. On a la sensation que quand on commence à sortir ces sons parfois terrifiants, chacun porte en lui, c'est ça qui est quand même extraordinaire de voir, moi je trouve dans les groupes, ces mêmes angoisses universelles d'être un monstre, ou d'autres angoisses d'ailleurs, mais il y a quelques invariants comme ça qui reviennent tout le temps.
- Speaker #0
Oui, c'est-à-dire que... Beaucoup d'entre nous passons notre vie à contrôler notre comportement et à se défier de notre spontanéité parce qu'on imagine que fondamentalement on ne s'est pas bien donné, qu'on est monstrueux, tout ça, etc. Ça, c'est des choses qui expliquent très bien l'ainothérapie, beaucoup plus que le souffle et voix. Mais je vais prendre cet exemple parce qu'il est important. Et on va le mettre en forme avec le souffle et voix. On prend l'image d'un cercle. Et dans ce cercle, tu vas avoir toutes les fréquences qu'un être humain, qu'un bébé est capable d'émettre. Et c'est pareil, en même temps que les fréquences, tu as tous les comportements aux humains possibles. Le bébé n'est pas bloqué par de la morale. C'est un être fondamentalement amoral. C'est-à-dire sans morale, qui n'est pas la même chose qu'immoral. Donc en fait, il se laisse faire par du mouvement, presque de manière physiologique. Et au départ, quand il émet ses pleurs, c'est des sons qui peuvent être très puissants et qui peuvent être très dérangeants pour l'entourage. Et comme les parents, on est toujours plus ou moins vulnérables, voir un petit tête dégager autant d'énergie de manière spontanée... qui est son animalité brute, comme ça, ça renvoie à plein de choses. Et qu'est-ce qui se passe ? C'est que les parents, bien qu'ils fassent le mieux possible, se ferment. Ça leur renvoie à une forme d'impuissance. Ça leur renvoie à de la solitude, de la violence, parfois. Et donc, ça, il faut bien se rendre compte, et l'énotérapie explique très bien ça, que le bébé le ressent. Et il ne fait pas le distinguo entre... ce qu'il a trait à l'environnement et ce qu'il a trait à son ressenti. Tout est mélangé. C'est-à-dire que son cerveau, la première fois qu'il émet ces sons-là, si les parents ça l'étend, ce qui est souvent le cas, plus ou moins, va associer une manière d'émettre des sons avec des tensions. Le bébé, il a sa sensibilité. Les parents, ils ont leur sensibilité. Et suivant... le degré de vulnérabilité dans lequel ça pose le bébé, si c'est ingérable, qu'est-ce que va faire le cerveau pour éviter de retomber ? dans cette vulnérabilité extrême, il va oblitérer certaines fréquences pour que ce soit vivable. C'est-à-dire que le cerveau fait ça pour protéger la personne de sentir trop vulnérable. Et donc, de ce cercle, où il y a tout est possible, tout d'un coup, le cerveau va dire « Là, je coupe cette fréquence-là, ce n'est pas possible. » On parle de fréquence, mais en termes humains, c'est un comportement. aussi, parce que du coup, ça fait trop de tension dans l'environnement, ça fait trop de tension dans mon corps, et c'est juste insupportable. Et donc du coup, il va y avoir ce petit camembert qui va nous rester à l'âge adulte, qui est notre personnage. Et le cercle entier, c'est la personne. Alors là, ça sera important qu'on y revienne peut-être à un autre moment. Parce que ce qui va se passer, c'est que on va réouvrir le cercle. On va récupérer un potentiel qui existait déjà. Et là, il peut y avoir une déviance qui est importante dans la pratique. C'est-à-dire de croire qu'en fait, on accentue notre potentiel. Et c'est là où il y a toutes les croyances liées au développement personnel.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Alors qu'en fait, qu'est-ce que ça veut dire, aller vers la personne ? C'est exactement comme Ulysse qui se retrouve avec les cyclopes. C'est qu'il n'y a rien du tout. Le personnage... c'est le vêtement, il n'a pas d'existence réelle, mais on s'identifie à ça. Et en fait, quand on va déstructurer le personnage, on va récupérer le potentiel de la personne, mais personne, ça veut dire qu'il y a de l'énergie qui passe et on ne peut se rattacher à rien. Alors, évidemment, le personnage va se redéfinir, mais il faut bien comprendre qu'on ne fait pas du développement personnel. Je sais que parfois, il y a des gens, des bons praticiens d'ailleurs, qui vendent... leur souffle et voix comme ça. Parce qu'ils préfèrent savoir qu'on va récupérer son potentiel, qu'on va pouvoir, c'est très à la mode, ce mot, mais impacter le monde. C'est-à-dire, en fait, qu'on va pouvoir réaliser ses rêves et reprendre le contrôle. Et en fait, c'est pas ça, le processus du souffle et voix. Le processus du souffle et voix, c'est enlever, c'est dépouiller. Donc c'est du dépouillement personnel, c'est certainement pas du développement personnel. Et là, ça, c'est très important de le dire. Parce qu'il y a plusieurs manières d'animer. Et que l'enseignant, s'il n'a pas conscience de ça, il faut bien voir qu'on transmet aussi ce que l'on est.
- Speaker #1
Bien sûr. Mais on va en parler dans l'épisode 2, justement, de la manière dont tu transmets les choses.
- Speaker #0
En tout cas, dont j'essaye.
- Speaker #1
On va juste finir ce petit épisode sur la voix, et sur le chant, surtout. Sur la voix, on a déjà vu comment ça se passe. Mais sur le chant, le rôle du chant dans le souffle-voix. Puisque les gens, la plupart du temps, arrivent pour chanter, en fait. Et on se rend compte que le chant, finalement, à la fin, c'est une traduction un peu naturelle de la manière dont le corps a réussi à se replacer dans son centre, plutôt que l'intention de départ, qui est « je veux chanter » . Ça, c'est mon expérience, mais quel est ton point de vue là-dessus ? Et c'est ta propre expérience.
- Speaker #0
Je vais te proposer une rectification. Je ne dis pas une correction, je dis une rectification. La notion de rectification... De la rectitude, on en reparlera peut-être, mais c'est important. Il y a beaucoup de gens dans mes stages qui viennent pour travailler par le chant. L'objectif n'est pas forcément de chanter. C'est-à-dire qu'ils ont conscience que c'est un travail sur soi, que c'est un travail sur le corps, que ça va passer par des sons, et que quelques-uns, mais ce n'est pas la majorité, viennent pour chanter. Par contre, ce qui est très intéressant... C'est que ceux qui ne venaient pas forcément pour chanter, mais juste pour travailler par leur voix, des fois se mettent à chanter derrière, s'inscrivent dans des cours de chant à la chorale, ça réveille quelque chose. Parce que tout d'un coup, ils voient, ils profitent de ces sensations de plaisir qu'ils ont par la vibration. Et puis, je reçois parfois aussi des chanteurs à haut niveau, qui sont des gens aussi qui continuent à chercher sur la voix.
- Speaker #1
Moi, j'ai eu vraiment la sensation à un certain moment que le corps chante. Tu vois que ce n'est plus toi qui viens avec ton intention de chanter. En fait, c'est le corps qui chante au bout d'un moment, parce que le travail lui a permis de se replacer, de retrouver effectivement cet esprit. passe à l'intérieur et qui fait que du coup le champ arrive en fait.
- Speaker #0
Oui tout à fait c'est un prolongement naturel en fait. On peut dire que le soufflet voire, Serge Wilfer disait ça d'ailleurs, ce serait la meilleure préparation au champ possible et ça conduit naturellement au champ mais dans le fondement c'est quelque chose Pour moi, d'initiative. Pour Serge aussi, c'était ça. Mais on peut utiliser le souffle et voix pour chanter. C'est un prolongement possible. En tous les cas, ce qui est sûr, c'est qu'à un moment donné, et c'est ça qui est vraiment nourrissant, enrichissant au niveau humain, pour moi qui anime, et je crois pour beaucoup de gens qui viennent pratiquer et écouter les autres, c'est qu'à un moment donné, la voix, par la voix passe quelque chose. d'une intimité profonde, de la beauté des gens, de la puissance, mais aussi, on en reparlera, de la vulnérabilité, au sens positif du terme. Voilà, on viendra peut-être là-dessus, mais...
- Speaker #1
On ne va pas faire tous les épisodes de Nostal.
- Speaker #0
Non, on ne va pas faire tous les épisodes de Nostal. Voilà, et ça, c'est... Il y a une connexion directe avec l'intime. C'est-à-dire que, voilà, je pense que pour certaines personnes, concrètement, chanter tout seul devant des gens qu'on ne connaît pas, à la limite, ce serait même pire que de faire un striptease. Là, l'intimité, on ne peut pas tricher.
- Speaker #1
Écoute, on va s'arrêter pour ce premier épisode ici. Vraiment, je te remercie énormément. Ça pose les bases, d'une manière très pédagogique, de ce que c'est que cette pratique de souffle-voix. On va du coup pouvoir, dans un deuxième épisode, essayer de comprendre comment toi, tu as vécu aussi cette expérience, à la fois en tant que pratiquant, mais aussi en tant que praticien. et on aura tous les autres épisodes pour aller sur... en profondeur le chemin très profond qu'initie cette pratique. Donc merci Benjamin et à très vite.
- Speaker #0
Merci.