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Vie de Maire

#12 - Guillaume Libsig - Adjoint à la bataille culturelle contre le dégagisme - Strasbourg (67)

#12 - Guillaume Libsig - Adjoint à la bataille culturelle contre le dégagisme - Strasbourg (67)

1h03 |09/10/2024
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Description

Aujourd'hui, nous ne vous présentons pas UNE Vie de Maire, mais l’UNE DES VIES sans lesquelles l’exercice de leur mandat serait rendu impossible : celle de l’adjoint au maire !


Pour cet épisode spécial, Clémentine et Margot sont parties à la rencontre de Guillaume Libsig, adjoint à la maire de Strasbourg, en charge de la vie associative, l’animation urbaine, la politique événementielle, la politique jeunesse et l’éducation populaire et, pionnier du collectif citoyens qui a constitué le socle de la liste arrivée en tête aux élections municipales de 2020.


Avec Guillaume, on a parlé :

- de monter un collectif municipal citoyen débutant en politique ;

- de la difficulté de mettre de la distance émotionnelle avec sa vie d’élu ;

- de la bataille culturelle à l’heure de la montée de l’extrême droite


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Vies de Mère.

  • Speaker #1

    Je suis Clémentine Guilbeault de Maison et moi Margot Elkier. Et dans ce podcast, on part à la rencontre des mères de toute la France. Notre but ? Remonter à la racine de leur engagement,

  • Speaker #0

    comprendre leur quotidien, leurs difficultés et leurs réussites. Et peut-être vous donner envie de vous bouger vous aussi pour votre commune.

  • Speaker #2

    Vies de Mère. C'est une sacrée vie de mère.

  • Speaker #0

    21 juin, fête de la musique. Ce n'est pas sans émotion que j'emmène Clémentine à Strasbourg sur les pas de mes années étudiantes. Demain, nous interviewons Jeanne Barzéguian, maire de Strasbourg depuis 2020. Nous la retrouverons le soir même avec quelques-uns de ses adjoints dans les rues de Strasbourg à la recherche du meilleur concert de la soirée.

  • Speaker #2

    Ah oui,

  • Speaker #1

    donc Marco,

  • Speaker #2

    bonjour.

  • Speaker #1

    Et Clémentine,

  • Speaker #2

    bonjour. Le podcast qui nous accompagne. Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Et il faut savoir où il y aurait le plus d'ambiance ce soir à Strasbourg. J'ai dit que tu étais l'homme de la situation.

  • Speaker #0

    Le temps de faire connaissance autour d'un verre, nous nous quittons en nous disant à demain. Malheureusement, la vie de maire est faite de beaucoup d'imprévus et d'obligations. Le lendemain, la directrice de cabinet de Madame la maire nous apprend au dernier moment que celle-ci ne pourra pas nous recevoir. Au dévoté, nous appelons Guillaume Lipsig, rencontré la veille.

  • Speaker #2

    Je suis Guillaume Lipsig, je suis adjoint à la maire, en charge, tenez-vous bien, de la vie associative, la politique jeunesse, la politique événementielle, l'éducation populaire et de trois autres sujets.

  • Speaker #1

    C'est un truc cool.

  • Speaker #0

    Sans tergiverser, il accepte de se prêter au jeu de l'interview vie de maire une heure plus tard. Parce que dans une grande ville, la vie de maire ne serait pas la même sans celle de ses adjoints, nous sommes très heureuses de vous présenter aujourd'hui un épisode spécial de vie d'adjoint à la maire remplie d'anecdotes croustillantes. Avec Guillaume Libzyk, on a parlé de monter un projet municipal dans une métropole avec un collectif citoyen débutant en politique, de la difficulté de mettre la distance émotionnelle avec sa vie d'élu et de la bataille culturelle à l'heure de la montée de l'extrême droite. Bonne écoute.

  • Speaker #1

    Monsieur Lipsic, bonjour. Merci de nous recevoir à Strasbourg dans ce nouvel épisode de Vie de mère. Je vais commencer assez directement. Qu'est-ce que vous rêviez de faire dans votre vie quand vous étiez petit ?

  • Speaker #2

    Alors... deux réponses la première archéologue sous-marin et c'est complètement vrai la deuxième pas de politique et c'est du coup un peu raté mais non non comme tous les gosses j'étais avec les copains à l'école on avait un peu ce qu'on voyait à la télé dans les livres Et ça nous faisait un peu rêver. Moi je viens d'un petit village dû au Rhin, et du coup le maire, c'est le prof, c'est le directeur de l'école, c'est le professeur principal, donc c'est notable qu'il mutualise un peu les fonctions. d'ailleurs il est toujours il est toujours maire la personne qui était mon professeur d'école primaire et du coup maintenant je lui envoie des petites cartes de vœux à Nouvel An et lui aussi et parfois on se voit en réunion c'est assez drôle

  • Speaker #1

    Donc c'est une figure qui vous a inspiré, au final ?

  • Speaker #2

    Je ne dirais pas ça. Moi, mon parcours, il est plutôt autour de la notion d'intérêt général. C'est-à-dire que de 20 à 30 ans, j'étais dans des associations. De 30 à 40 ans, j'étais employé de la collectivité. Alors, je ne suis pas titulaire de la fonction publique, mais j'étais employé de la collectivité par deux fois, plus d'autres structures à connotation culturelle. Et de 40 à 50 ans, je suis élu. Donc je ne sais pas ce que je ferais de 50 à 60. je reste ouvert aux propositions. Mais voilà, moi, c'est toujours avec cette notion d'intérêt général, un peu de coopération, de travail d'équipe que je me suis développé.

  • Speaker #0

    Quelle est votre première émotion liée à la politique ?

  • Speaker #2

    La surprise. C'est-à-dire que sur la... Alors, en tant qu'élu, en tant qu'adolescent qui grandit en France, qui écoute de la musique un peu énervée, qui fait des manifs... portent des t-shirts à message, c'est bien sûr la colère. Mais en tant qu'élu, c'est la surprise. Parce que, comme je le disais, moi j'étais agent de la collectivité, donc j'étais habitué à mon rôle un peu de subalterne ou de preneur de notes. Et avec une équipe politique qui était très verticale. Et en fait, sur la campagne, tout le monde fait un peu de tout. Moi j'ai... Mon côté communication, programmation événementielle était déjà bien sollicité. Donc j'ai aussi organisé les soirées électorales, dont celle de la soirée finale du résultat de campagne. Et donc pendant que l'école est célébrée, moi j'étais encore en train de... Caler des trucs, être sûr que personne ne passe sous un tram, calmer un peu les gens autour, discuter avec les journalistes, enfin voilà quoi. Et en fait, j'ai mis beaucoup de temps à me remettre physiquement de la campagne. Et en vrai, quand on arrive au conseil municipal d'institution, quand Jeanne me met l'écharpe, je m'installe dans mon siège en haut, c'est un siège interdit pour l'ancien agent que j'étais. Et donc je vois mes anciens élus de référence en contrebas, parce que maintenant c'est l'opposition. Et là, j'ai un déclic, je ne comprends pas. C'est le monde à l'envers. Qu'est-ce qui se passe ? J'ai une écharpe. L'ancien premier adjoint est dans la fosse. Et du coup, qu'est-ce qui s'est passé ? Et je me suis dit, ah oui, c'est vrai, j'ai fait une campagne, on a gagné.

  • Speaker #1

    Vous étiez un bon élève quand vous étiez petit ?

  • Speaker #2

    Alors, en termes de potentiel, de capacité communément reconnue par le corps professoral, j'étais dans le top 2 en permanence, toutes catégories confondues. En termes de comportement, j'étais ingérable, je faisais n'importe quoi, je passais ma vie en retenue et en col. Ce qui m'a permis de rentrer dans le club théâtre du collège, parce que du coup le prof de français disait Non, mais on a besoin de lui, il est bon, il fera pas sa col ! Donc j'emmagasinais les heures de col et je les faisais pas. C'est peut-être déjà un peu de politique, c'est-à-dire qu'on est condamné pour des trucs et on le fait pas, je ne sais pas. Mais non, non, mais... Plus sérieusement, on dit aussi souvent que la politique, c'est le meilleur domaine pour ceux qui n'ont pas de diplôme. Parce que justement, il y a un peu cet aspect social, cette culture orale, cette adaptabilité un peu en dehors des cadres. On l'espère aussi, cette capacité à écouter. plus qu'à dire, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais en tout cas, voilà. Donc moi, pour tout vous dire, on commence très fort l'émission, pour tout vous dire, moi j'ai un bac, c'est mon seul diplôme retenu, j'ai deux, trois autres diplômes derrière, des licences, mais qui sont pas reconnues, et du coup, effectivement, j'ai toujours été un peu à ajouter des cordes à mon arc, à partir dans tous les sens, à faire plein d'expériences très diverses. À un moment je disais, j'ai tellement de cordes à mon arc que je peux vous faire de l'arbre là, mais c'est quoi le sujet ? Qu'est-ce qu'on fait ensemble maintenant ? Et c'est aussi comme ça que je suis venu à la politique, c'est en faisant ensemble, on a constitué un collectif citoyen, on y reviendra sans doute plus tard, mais voilà, c'est ça qui m'a fait arriver devant ce micro aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce qu'il s'est formé ce collectif ?

  • Speaker #2

    Alors, il s'est formé par étapes. La première, c'est autour de Siamak Aghababaye, qui est actuellement premier adjoint et premier vice-président, qui est quelqu'un qui évolue en politique depuis sa vie lycéenne, sa vie étudiante. Il a fait les syndicats étudiants, il a tout fait, il était au PS. Et en fait, à un moment, comme beaucoup d'autres, il a claqué la porte du PS. J'ai donné tant d'années de ma vie à ce parti, à ses logiques, et ainsi de suite. Et il a décidé de revenir à la base de la politique, c'est-à-dire d'aller boire des cafés avec les gens. Et du coup, il a bu des cafés avec une bonne quarantaine de personnes. Et je faisais partie de ces personnes, on ne se connaissait pas encore à l'époque. Et ça a directement matché, on s'est rapidement vu trois, quatre fois derrière. Puis à un moment, il me dit, mais en fait, tous ces gens avec qui je discute, ils ont un truc en commun, il faut qu'on les mette ensemble, il faut qu'on les fasse se rencontrer, voir ce qui se passe. Donc là, l'activateur de projet que je suis, cordeau, programmation, organisation, lance la machine. Et puis effectivement, de fil en aiguille, ce groupe de personnes est devenu un collectif qui s'appelait le Labo Citoyen. L'objectif ultime, c'était surtout pas les municipales. Pourquoi pas ? Parce que l'objectif ultime, c'était d'être une agence de notation citoyenne pour évaluer la portée des politiques publiques. Mais sans que ça passe par les triple A, les machins, mais que ça passe vraiment par les habitants, pour les habitants. Mais du coup, avant d'en arriver là, on avait besoin un peu de se trouver. Donc, on avait toute une période de structuration, de dialogue, de recherche un peu de qui on est, qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qu'on fait. Et à un moment, on avait justement cette donnée un peu labo, où on prenait des problèmes identifiés. à la ville de Strasbourg. Grâce à notre réseau très large, on trouvait des solutions, on testait légalement, techniquement, financièrement, et en fait, si tous les voyants ont été au vert, on amenait un dossier sur la table des élus, on disait qu'on a trouvé une solution au problème, elle tient dans votre budget, elle est conforme à la loi, et elle est absorbable dans la charge des agents. Est-ce que vous voulez activer cette solution ? Bien sûr, la réponse était toujours non, parce que ce n'était pas une réponse qui venait des élus, c'était des citoyens. et ainsi de suite. Et en fait, à l'époque, il y avait autour de 2020, la campagne qui se présageait, la notion de dégagisme qui était bien installée avec tout ce refus des anciens partis, des anciennes logiques, qui avait fait que justement, on refusait les municipales. Parce que tout le monde venait chercher Siamak, qui, comme moi, disait moi je suis maintenant membre d'un collectif, donc c'est tout le collectif ou personne Et à chaque fois, il envoyait moi ou des collègues pour discuter avec les partis, qui étaient en proto-négociation, des proto-noyaux, des proto-listes municipales.

  • Speaker #1

    Donc ça c'est quoi, c'est 2018 ?

  • Speaker #2

    Ouais, fin 2018, fin 2019, il y a peut-être un truc sur ça. Et en fait, on... À chaque fois, c'était les mêmes trucs. Ça parle statistique, bassin de vote, fusion au deuxième tour, mais personne sur le projet. Et on avait un petit délire entre nous, c'est que dès que quelqu'un parlait de progressisme, il perdait des points. C'est-à-dire que le progressisme, c'est une notion fax, minitel. C'est le rétro-futur. C'est un truc qui tourne en boucle depuis les années 50, et que le futur des années 50, ce n'est plus le futur des années 2000.

  • Speaker #1

    Vous n'avez pas fait l'union de la gauche ?

  • Speaker #2

    Si, mais en fait, plus tard, d'une autre façon. C'est-à-dire qu'on était complètement déconnectés des municipales et on reçoit un jour un texto d'une dame qui s'appelle Jeanne Barzéguian, qu'on ne connaît pas, et qu'on dit, on va aller boire un café avec elle. Et 15 minutes après, c'était réglé, on avait signé en partenariat.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce qu'elle vous a convaincu ?

  • Speaker #2

    Elle n'a pas prononcé le mot de progressisme. Non, mais c'est le... On a parlé projet, on a parlé vision, on a parlé besoin, on a parlé transversalité, on a parlé lien avec la société civile. Et voilà, on a mis en place très rapidement la logique du débat, du partage, de la coopération, des limites. Et c'était complètement raccord avec tout ce qu'on développait. Et c'est comme ça que le duo Jeanne et Siamak s'est constitué.

  • Speaker #1

    Mais quand Jeanne vient vous voir, elle est sous une étiquette ? À quel titre et elle vous propose quoi concrètement ?

  • Speaker #2

    Alors à l'époque, elle est effectivement porteuse de l'étiquette ELV et celle que son parti a désigné pour y aller. On a des grands anciens ELV comme d'autres partis à Strasbourg, évidemment, mais autour du dégagisme, les partis avaient bien senti qu'il fallait changer la tête. d'affiches. Et du coup, c'est toujours très compliqué parce qu'il y a des gens qui attendaient leur tour depuis 30 ans et ils pensaient que c'était arrivé et en fait, ben non. Et il y avait tout un enjeu de comment intégrer ces personnes, reconnaître leur mérite et leur donner des réponses. dans la nouvelle dynamique. Et ça s'est très bien passé côté ELV. Je crois que c'est un petit peu plus compliqué dans d'autres parties. Mais en tout cas, Jeanne, elle vient avec ce sujet-là. Une fois qu'on avait lancé la campagne, on a créé une assemblée citoyenne qui, du coup, était omnipotente sur l'ensemble de la démarche. Et c'est cette assemblée qui, avant que Jeanne soit officiellement la tête de liste, désigne et valide par vote Jeanne comme tête de liste.

  • Speaker #1

    Il y avait qui dans cette assemblée ?

  • Speaker #2

    Des soutiens, des étudiants, des agents, des citoyens, des gens qui nous suivaient, des amis, des associatifs, des gens justement du spectre un peu gauche très large. C'était assez représentatif. Et on a eu plein de questions sur que faire de cette assemblée citoyenne après la victoire, quand on est en responsabilité. C'est une autre histoire, mais on essaie de garder la chronologie pour ne pas perdre tout le monde. Mais en tout cas, c'est cette assemblée qui a validé la candidature de Jeanne. Et ensuite, on a constitué pendant chaque mois un tiers de la liste via un appel à projet ouvert à toutes et à tous. n'importe qui pouvait candidater pour être sur notre liste. Il y a besoin de 67 places, on avait 130-140 signatures. Et du coup, dans cette époque très 2020, on avait des gens issus vraiment des retraités qui n'ont jamais vu ou fait de politique, des femmes de ménage, des universitaires, des associatifs radicaux, des grands neutres. Voilà, on avait vraiment de tout. Et c'est aussi, bien sûr, la relation au parti qui était très intéressante à équilibrer. Parce que du coup, au final... Il y a donc ELV, Place Publique, le Parti Communiste, Génération, le collectif des Alsaciens un peu de gauche. Vous savez qu'en Alsace, on a un peu des partis autonomistes et autres, mais il y en a aussi qui sont un peu plus à gauche. Des citoyens, évidemment. Le Parti Socialiste, qui a donc refusé la fusion, la négociation, lui, il est plus dans une logique de c'est moi qui vous absorbe En fait, non. Et du coup, voilà. Donc... C'était très, très, très large. Et c'est aussi ça qui nous a permis de gagner. C'est une dynamique positive, transparente, volontaire, partagée, qui a une liste à l'image de la ville. Et je crois que sur les dix grandes villes de France, on doit être la seule à avoir une femme voilée dans le conseil municipal, des personnes de tous âges. sur les 15-16 adjoints qu'on est, je pense qu'on est 10 à être non encartés.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez fait pour faire l'ordre au sein de la liste ? Enfin, deux questions. Comment vous avez fait pour aller chercher ces gens-là, c'est-à-dire les 130 qui ont candidaté ? Comment vous les avez avertis de toute la démarche qu'il y avait en cours en termes de citoyenneté sur la création de cette liste ? Et après, comment est-ce que vous avez fait l'ordre au sein de la liste ?

  • Speaker #2

    Effectivement, il y a... Plein d'étapes dans une campagne. La première, c'est la constitution, l'accord. La deuxième, c'est la conquête, la campagne elle-même. Et la troisième, c'est la préparation à la gestion du pouvoir. Sur la constitution, c'était très large, très visible, parce qu'en plus, il y avait plein de feuilletons médiatiques. L'ancienne municipalité tenue par Roland Ries, c'était une liste PS. À l'arrivée fin de mandat, il y avait six listes différentes dans son groupe, tout le monde s'est barré, le macronisme a fait son œuvre, ainsi de suite. Strasbourg, c'est un petit échiquier politique et médiatique, donc tout le monde est un peu connu, il y a régulièrement des articles, enfin voilà, ça... le casting est assez simple à suivre, on peut feuilletonner. Et du coup, c'est aussi une campagne, c'est-à-dire que c'est l'élection la plus proche des gens, les gens s'intéressent, les locaux de campagne ont pignon sur rue, les réseaux sociaux... et ainsi de suite. Franchement, on n'a pas eu de mal sur le recrutement. Bien sûr, il y a des gens qui ont un peu dit ce serait bien si tu pouvais candidater en sachant que derrière, sur chaque candidature, il y a deux étapes. Vérifier que la candidature est cadrée, c'est-à-dire casier judiciaire, jour de papier, parité, ancienneté, tous ces sujets plutôt administratifs qu'on doit rendre sur le dossier préfecture. Et ensuite, effectivement, le rôle dans la campagne, le qui fait quoi. Et le classement de la liste de campagne, il n'a rien à voir avec le classement qu'on aura sur la gouvernance une fois élue. La parité, elle est obligatoire 1-2, 1-2, 1-2 sur une liste de campagne. Bien sûr, il y a une tête de liste. En gros, le numéro 1 est important. Peut-être de l'élite, le dernier, c'est plutôt le signal de je ne veux pas être élu, mais je suis un soutien important Et au milieu, c'est les gens. L'ancien premier adjoint, sous le mandat précédent, il était, je crois, 40 places, 40-47, et puis il était premier adjoint. Et donc, une fois qu'on est élu, la parité, elle est plus sur le global. Ce n'est pas un homme, une femme, un homme, une femme. On peut mettre 19 hommes devant, une femme derrière et 18 autres derrière. Voilà. Nous, on a quand même maintenu la parité. Et donc, oui, une campagne, c'est usant, c'est violent, en externe. Et il y a des moments en interne où c'est un petit peu usant-violent aussi, sur ces phases de négociation, les pulsions, les ambitions, les relations, la fatigue, l'usure. Ce n'est pas des moments simples de se mettre d'accord sur l'ordre et ainsi de suite.

  • Speaker #0

    Et l'exercice du pouvoir ensuite, une fois que vous avez été élu, était plus simple ?

  • Speaker #2

    Oui et non. En fait, une campagne, c'est une dynamique de conquête. Et tout le monde est dans le même bateau, on avance, il y a un objectif commun, et on met nos énergies ensemble. Quel que soit le parti, quelle que soit la ville, quelle ville, campagne, voilà. L'exercice du pouvoir, là, c'est OK. voilà ton portefeuille, voilà ton ordinateur, voilà tes missions, pars sur ton autoroute. Ah, au fait, il y a ton collègue qui a aussi son bureau, son ordinateur, ses missions, il y a un truc que t'es en train de faire, ça l'embête fortement, il y a une tension entre les deux. Ah, il voulait ton poste, au fait, gnagnagna, gnagnagna, et ainsi de suite. Strasbourg ailleurs, j'invente rien. Mais c'est surtout qu'on doit passer d'un mode très dynamique sur le terrain contact direct à les relations qu'on a sont cadrées administrativement et légalement. Nos réalisations dépendent de l'administration. Il y a tout un cadre aussi à mettre en place. Strasbourg, c'est une ville qui était ultra stable. Ça fait 40 ans que gauche-droite, centre, c'est le centre qui gagne la ville depuis des années, avec des personnes très proches politiquement et qui n'ont pas vraiment d'autres tensions. entre elles que c'est moi le chef ou non c'est moi le chef. Derrière ça, l'administration, quand elle voit l'arc-en-ciel de gauche arriver avec des citoyens de tous âges, de tous bords, alors qu'elle est habituée à un truc assez système. systématique depuis 40 ans, elle n'est pas rassurée non plus. Donc il y a eu toute une phase où on devait d'abord voir le directeur général des services, puis les directeurs et directrices générales adjointes, puis les directeurs des services. À un moment, peut-être un an et demi après, on a le droit de rencontrer les agents. Ça a pris du temps. Parce que tout le monde a besoin d'être assuré. Nous, on a besoin aussi de s'approprier ses fonctions, comprendre ce que c'est une feuille de route, comprendre ce que c'est un cadre, comprendre les obligations des élus, et ainsi de suite. Pareil, il n'y a pas d'école pour ça. Donc, moi et quelques autres, on connaissait l'intérieur de la maison, on avait déjà nos expériences, mais les 4-5e de la liste sont grands débutants. Donc, il y a plein de projections sur ce que c'est être élu. le pouvoir, la capacité à faire, à décider. En fait, dans le réel, tu te rends compte que c'est surtout la capacité à négocier avec l'administration sur les budgets, les ressources, le temps, l'obligation légale, faire comprendre aux habitants que mettre une aire de jeu sur un terrain vague, ça prend quatre ans. Donc l'enfant pour lequel on veut le faire, ce sera peut-être même plus dans le quartier qu'on aura fait le toboggan, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc beaucoup de déconvenus, beaucoup de... de tensions sur les premières années. Et bien entendu, le jeu politique d'une opposition de vieux briscards qui, eux, attaquent sur les procès en compétence. C'était un peu leur stratégie de début de mandat.

  • Speaker #1

    Est-ce que, après, avec cette espérance-là, vous comprenez pourquoi il y en a certains qui disent que la politique, ça doit être un métier ?

  • Speaker #2

    Oui, mais je comprends qu'on puisse dire ça, mais moi, ma réponse, c'est plutôt que la politique, ça doit avant tout être un statut. C'est-à-dire que, nous, un truc qu'on a fait... Jeanne, elle a baissé ses indemnités pour mieux redistribuer un peu les enveloppes. Et on voulait que chaque collègue élu ait une fonction, ait une mission. Donc on a des conseillers municipaux délégués, chaque conseiller municipal a une attribution. Avant, c'est juste maire et adjoint, c'est là que ça se passe. Les conseillers municipaux, ils sont là pour le vote, pour filer les coups de main sur les mariages, les commissions de sécurité. Nous, on a donné des missions à tout le monde. Sauf que le cadre légal fait que la... L'indemnité de ces conseils municipaux délégués, c'est de l'argent de poche. Et quand on est élu, c'est quasiment possible de trouver du travail. Les horaires, c'est pas forcément compatible avec chercher les gosses à l'école. Et derrière ça, du coup, on se retrouve avec plus de responsabilités, plus de soucis, plus de complexités, plus d'obligations et moins de revenus. Et du coup, on l'a vu aussi récemment à Poitiers, avec la maire Léonore Monconduit qui est donc... Elle a été enceinte, elle a pris ce qui n'est pas un congé maternité, mais du coup elle a dû se mettre en retrait, elle a perdu toutes ses indemnités, et c'est son équipe qui a fait l'intérim le temps qu'elle puisse revenir. Mais effectivement, pour moi c'est déjà le statut, parce que la notion de métier, il y a aussi la notion de formation, c'est-à-dire qu'à ce moment-là il n'y aura que Juste Tianspo qui ferait de la politique. Et pour qu'on puisse avoir justement la société civile, les expertises diverses, Les gens qui puissent passer d'un côté ou de l'autre de la barrière, encourager les gens à s'investir, à mieux comprendre ce qu'on est, ce qu'on fait, c'est le statut. Moi, il y a plein de gens qui me disent Vous, vous êtes élu, vous avez la vie simple. Ce n'est pas un métier, c'est une fonction. Je n'ai pas d'assurance chômage, je n'ai pas d'assurance maladie. On a des caisses retraites qui ont été créées juste pour les élus. On a les chômages de caisses retraites. Je n'ai pas de réduction à la cantine parce que je ne suis personne extérieure. pas mal de temps dans mon bureau, pas loin de la cantine quand même. On n'a pas de réduction sur les forfaits de mobilité, je n'ai pas de réduction tram, vélo, quoi que ce soit, donc on n'a rien. Et la chance qu'on a, c'est d'être dans une ville de plus de 300 000 habitants, avec une métropole, ce qui me permet d'avoir mes indemnités qui me permettent de vivre. Je croise d'autres collègues à des congrès, en séminaire à gauche à droite, ou même en voyageant. Je discutais un jour avec un élu de la région de Toulon, qui était aussi à la métropole. Il me dit, moi, j'ai mes indemnités d'élu, mais je dois avoir deux taffes derrière. Donc, métier pour moi, c'est parcours, c'est cloisonner, c'est un peu former, c'est un peu de l'entre-soi. Commençons par... par le statut.

  • Speaker #1

    Et vous, vous arrivez à vivre correctement avec ce que vous touchez maintenant ?

  • Speaker #2

    Ouais, vu que c'est un peu le... Je crois que le concept de votre émission, c'est de parler un peu de la vraie vie, des coulisses. Tout à fait. Parler un peu d'intimité. Bon, moi, j'ai pas de voiture, je fume pas, je me drogue pas, je bois de l'alcool, je fais la fête, j'ai pas de femme, j'ai pas d'enfant, je... Je n'ai pas d'animaux de compagnie. J'ai été aidé par mes parents quand j'ai dû faire l'achat de mon appart. Ça va. Mais c'est une situation privilégiée. Moi, j'ai des collègues qui sont divorcés, qui ont trois gosses, qui ont des bonnes indemnités, qui font le taf, mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Ils font déjà du 70 heures semaine, donc c'est plus, on ne sait pas. Donc effectivement, il y a un peu cette question, une fois de plus, du statut. Siamak, il a fait le choix de rester urgentiste à 60%, parce qu'il veut garder le... le lien avec le concret, avec le quotidien des gens. Il ne veut pas retomber dans le piège du 100% politique. Donc, c'est usant pour lui, mais il le défend bec et ongle. Et en fait, c'est aussi, comment dire... Sur la façon de faire la politique dans notre investissement temporel. Moi, les attributions que j'ai actuellement, je suis en charge de la vie associative, de la jeunesse, de l'éducation populaire, des événements, j'ai un quartier. Ça, c'est mes attributions. Sur le mandat précédent, l'élu qui avait ça, il en avait ça plus d'autres. Et c'était quatre ou cinq collègues aujourd'hui qui se répartissent tout ce qu'il avait comme attribution. Donc on est passé de un élu à cinq pour les mêmes missions. On n'est pas sur la qualité. Vraiment, il fait son taf comme il le fait. Il le faisait. Moi, je bossais pour lui. Je connais ses méthodes. Je connais ses résultats. Ce n'est pas le sujet. C'est juste que nous, en fait, on est sur un mandat de transition. On doit faire évoluer les choses dans une administration qui est plutôt là pour protéger la continuité et dans une époque où on est un peu inquiet sur l'avenir. Donc, on est beaucoup en réunion. On est beaucoup au bureau. On est beaucoup en contact avec... avec l'administration. Et je sais que les élus, avant, ils ne passaient pas autant de temps que nous au centre administratif. Ils étaient en lien avec les partis, ils étaient en lien avec les habitants, ils font les marchés, ils vont au PMU, les sorties d'école, et ainsi de suite. Moi, j'ai... C'est terrible à dire, mais j'ai en fait peu de temps pour voir les habitants. tellement on est dans, ok, on l'a dit, dernier mandat pour le climat, il faut qu'on change la qualité de l'air, il faut qu'on change la santé environnementale, il faut qu'on change les logiques alimentaires, les logiques énergétiques, et en fait en six ans on doit transformer. mais une ville qui n'a pas bougé depuis 40-50 ans. Donc c'est sûr que moi, je n'ai pas trop de temps pour aller jouer aux cartes avec les habitants au café du coin. Et du coup, je passe ma vie en réunion à faire des mails, à prendre des arbitrages, à passer d'un quartier à l'autre tous les week-ends et ainsi de suite. Donc nous, c'est vraiment cette façon différente de réaliser notre mission politique qui fait qu'on a une autre temporalité qu'eux.

  • Speaker #1

    Justement, en fait, moi, quand je vous entendais, Et quand vous dites, on est tout le temps dans son bureau, on est dans notre bureau, en train de faire du programme, en train d'avancer sur ce qu'on fait pour sortir de la crise climatique. Et après, cette question de trait d'union, moi, j'allais vous poser la question, est-ce que vous n'êtes pas un peu des technocrates ? Et comment est-ce qu'on fait le lien avec la politique ?

  • Speaker #0

    J'ai même envie de faire aller plus loin la question. En ayant été agent avant, est-ce que ce n'était pas déjà faire de la politique ?

  • Speaker #2

    En étant agent avant, pour moi, c'est ce que je disais sur mon parcours, c'est faire de l'intérêt général. Est-ce que la politique produit de l'intérêt général ? Je reste sur mes valeurs citoyennes. Quand elle n'est pas encartée, quand elle n'est pas minée par les jeux de gouvernance, par les postures, elle produit de l'intérêt général. La politique, c'est une philosophie abstraite, c'est une vision, une volonté. Et si on veut qu'elle puisse produire de l'intérêt général, elle doit se réaliser par le biais de l'action portée par l'administration. Donc, est-ce qu'on est des technocrates avec ce rapport très réunion-bureau ?

  • Speaker #0

    Donc ouais je pense qu'effectivement coupable avec circonstances atténuantes. D'un côté il faut qu'on fasse évoluer la ville et pour ça il faut qu'on fasse évoluer l'administration. Parfois il faut qu'on fasse évoluer le cadre administratif et légal sur plein de nouveaux enjeux. La ZFE est un bon exemple, zone à faible émission. On a toutes les négociations... très abstraite, technique, maintenant avec l'État, sur les moyens qui nous sont alloués, vu qu'on n'a plus d'impôt direct. Et ensuite, il y a peut-être un biais qui est un peu dans l'identité. de LV, c'est des gens qui savent de quoi ils parlent. C'est souvent des ingénieurs. C'est des gens qui ont de la donnée, qui ont besoin de données, qui transforment des problèmes pour en faire des solutions, qui proposent des choses. Pour ça, il faut faire de l'intelligence collective, il faut faire de la transversalité, ça prend beaucoup plus de temps. Et c'est sûr qu'avant, un élu, il avait son silo d'agent dans l'administration, il disait, vous me faites ça, si vous le faites pas, je gueule, vous gueulez, tout le monde gueule. Nous, on est attendus, tout le monde est... n'est pas au courant de tout, on n'a pas pris une décision complètement conjointe, tout ça. On s'est un peu calmés sur ça, en vrai. Mais, enfin, voilà, il y a un vrai sujet sur ces cultures aussi partisanes, et celle de LV, justement, dans ce côté très... En fait, le GIEC, ça fait depuis les années 70 qu'on sait, et en fait, les données, elles sont là, les statistiques, elles sont là. Voilà une courbe de données scientifiques. Et ben, ouais, ça fait un peu techno, quoi. Mais je dirais plutôt ingénieur que technocrate, du coup.

  • Speaker #1

    Ça semble plus flatteur. Oui, il y a une question que je me posais. Tout à l'heure, on parlait de dégagisme, qui a semblé s'inscrire comme un temps fort en 2020. Mais est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui peut perdurer dans le temps ? Enfin, du moins que cette mouvance citoyenne puisse perdurer dans le temps et donc, d'une certaine manière, s'institutionnaliser, au même titre que des partis qui étaient là depuis un bout de temps ?

  • Speaker #0

    Je vous remercie pour votre question. Il y a deux éléments. Le premier, c'est le dégagisme en lui-même. Et le deuxième, ce que vous décrivez très bien sur les évolutions et le futur potentiel des mouvements citoyens. Le dégagisme, il est... très franco-français, et sans doute maintenant très européen, voire très démocratie moderne. Et en fait, à chaque élection, on veut dégager quelqu'un d'autre, parce qu'il y a toujours de la frustration chez les habitants, de l'incompréhension, de la souffrance, et il faut... un bouc émissaire, les personnalités publiques sont là, elles ne résolvent rien, c'est de pire en pire. Et donc, à un moment, on voulait virer le politique et on s'est dit, les citoyens, on saura le faire nous-mêmes. Voilà. Donc ça, c'était 2020. On voit que le dégagisme actuel, il est plus on va virer les institutions et on va mettre les extrêmes. Donc, on est de toute façon, si ça se trouve, depuis la Révolution française, dans cette volonté de dégagisme, et à chaque fois, c'est la loterie de t'as été nul, Donc maintenant on va essayer quelque chose d'autre, ce qui empêche les actions continue dans le temps, ce qui permet le ping-pong gauche-droite, et ainsi de suite. Donc ça je pense que voilà, on est dans la pire phase de dégagisme de l'histoire, et le problème c'est que ça va peut-être encore s'accumuler, je sais pas dans 15 ans dans quelle phase de dégagisme on va être quoi. Ensuite, je suis pas l'optimiste de l'équipe, c'est les autres. C'est Jeanne qui fait l'optimisme.

  • Speaker #1

    On reviendra.

  • Speaker #0

    Derrière ça, sur le futur des mouvements citoyens. C'est effectivement des mouvements qui, par essence, sont non structurés, ne sont pas là pour la conquête et le maintien, comme les partis. Et du coup, effectivement, tous mes collègues citoyens me disent que la réunion de coordination, je ne peux pas... là parce que j'ai les gosses à chercher. Alors que des gens qui sont dans des parties disent, moi, ma priorité, c'est la politique, ma vie personnelle, les gens qui acceptent d'y être en ont pris acte et c'est eux qui vont chercher les gosses, ou on n'en a pas fait, ou on se voit pas et c'est très bien, c'est acté. On a eu beaucoup de débats sur le pro-perso entre les collègues citoyens au début du mandat. Je vais y revenir. Mais pour vous répondre... Moi, je suis ultra citoyen. C'était, je pense, un des visages de l'investissement citoyen sur la campagne. Je suis revendiqué citoyen. Là, si je suis honnête, je ne peux plus me déclarer citoyen. Je suis élu à plein temps. Ça fait quatre ans. que je n'ai pas fait une réunion avec des citoyens où je ne suis pas perçu en tant qu'élu. Ce n'est pas un métier, c'est une fonction. Donc quand je suis à la boulangerie le dimanche matin, quand je suis dans la rue, quand je suis dans une réunion publique, il y a un adjoint de la ville qui est là. Et même avec toute la bonne volonté et mon investissement pour la cause citoyenne, j'ai l'honnêteté de dire que je ne le suis plus. Du coup, je ne sais pas ce que je suis. Et ça, c'est un autre problème. Et pour vous répondre aussi en complément avec des petites anecdotes, je sais que vous aimez beaucoup ça. Cas d'école. On a pour obligation, en tant qu'adjoint, de faire les conseils d'école. C'est fortement attendu. Donc, moi, j'en ai quatre. J'en ai des collègues qui en ont douze, et ainsi de suite, et ainsi de suite. J'ai une collègue. à un moment, le conseil d'école elle est attendue, ça fait 3 mois que les parents ont des problèmes par rapport à leurs gosses leurs craintes, leurs besoins pour leurs enfants, et elle dit j'y vais pas, parce que moi j'ai mon gosse à moi, qui a ses propres craintes, ses propres besoins qui a besoin de sa mère. Et du coup, est-ce qu'on fait passer son propre enfant avant ou après les 300 enfants qui nous attendent au conseil d'école ? Quand on n'en a pas, c'est plus simple de prendre la décision. Mais après, effectivement, ça a eu un impact concret sur la vie de beaucoup de collègues. Séparation, divorce, le cos qui crise, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et de l'autre côté, notre fonction, c'est comme les avocats. c'est comme les médecins, on ne voit que les gens malades. On ne voit que les gens qui ont des problèmes. Moi, je n'ai pas de mail de bonjour, je vais bien, merci Il y a un problème, c'est inacceptable, vous faites n'importe quoi, merci de régler ça tout de suite. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et en fait, à part peut-être pour les mariages, on voit 95% de gens mécontents, ou qui ont des problèmes, ou qui ont peur, ou qui ont besoin d'être assurés, ou qui ne comprennent pas. Et du coup, on bouffe du poison. Et La question, c'est que quand on rentre chez soi le soir ou quand on va boire un verre avec des amis, est-ce qu'on leur parle de ce qu'on vit ? Ou est-ce qu'on se le garde pour soi ? J'ai des collègues qui disent, moi, ma compagne, mon compagnon, c'est mon psy, mon invocat, mon ami, mon amour, ce que tu veux, je partage tout avec elle. Ok, très bien. L'autre qui dit, non, moi je ne mets pas de poison sur la table en famille, devant mes gosses et tout, c'est mon poison, je ne vais pas le répandre. Et du coup, on a quand même beaucoup de sujets sur l'impact concret de nos fonctions, sur nos vies. Et je termine juste avec un truc, moi, je... Quand j'ai des amis qui m'invitent à un apéro, je lui dis super merci, mais il y a qui autour de la table ? Une association qui veut une subvention, une association qui est déjà subventionnée, quelqu'un qui fait un petit lobby, ou un habitant qui habite dans le quartier qui a une question à me poser. Et à un moment, je vais juste boire un verre. c'est une amie que j'ai pas vu depuis 3-4 ans j'ai 7 personnes qui sont venues à table excuse-moi de te déranger j'en ai pour 2 minutes j'ai un truc à te demander et voilà personnalité publique moi j'ai signé pour j'assume mais il y a plein de collègues qui pour d'autres raisons parce qu'ils ont pas justement ce

  • Speaker #1

    célibat citoyen investi d'intérêt général que j'ai cette capacité à le faire c'est marrant parce que quand vous dites célibat d'intérêt général moi j'ai l'impression que la fonction d'élu ça approche là un peu de ce que d'un prêtre merci Il y a un peu ce truc-là de... En fait, il y a le confessionnel, on garde les idées, on garde ce que les gens nous confient et on ne va pas le sortir. Effectivement, pour l'intérêt général et tout, il vaut mieux être célibataire. Est-ce que c'est un peu le sentiment que vous avez de ce rôle dans la société ?

  • Speaker #0

    La notion de sacerdoce, c'est sûr. Mais comme on le disait, médecins, avocats, prêtres, ça se voit particulièrement, je pense, sur les maires de petites communes. Quand il y a moins de 200 habitants, quand il n'y a pas d'employés. le maire, il est prêtre, psy, juge, avocat, emploi ivoiri, il fait tout. Parce qu'il a signé pour être responsable de tout. C'est le notable contact, le chef du clan, le chef de tribu, je ne sais pas comment dire, mais du coup, oui, on absorbe ça. Après, c'est... Ouais, on prend le pouls de la société, on a accès à énormément d'infos. Pour moi, c'est vraiment ça, être élu, c'est que j'ai accès à beaucoup d'infos, parfois deux semaines avant que le reste des gens l'apprennent, ou des choses que les gens ne comprendront, ne sauront jamais, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et c'est aussi ça qui est très pesant dans le quotidien, c'est qu'on sait trop de choses.

  • Speaker #1

    Mais ce poison dont vous parlez, c'est quelque chose qui vous met en mouvement, qui vous pousse à agir, ou au contraire, qui... Vous immobilisez un petit peu.

  • Speaker #0

    Je pense que sur les deux premières années du mandat, tous les collègues, moi compris, on est là pour aider Strasbourg à aller de l'avant, à se transformer, à répondre aux nouveaux enjeux, et ainsi de suite. Et on y va de façon volontariste. On commence le mandat avec le Covid, l'Ukraine, le gaz, le prix de l'énergie, l'inflation, les économies du gouvernement, ainsi de suite, ainsi de suite. De façon très transparente, je le redis, moi, les anciens élus de cette ville ou d'ailleurs, je n'ai aucune leçon de politique à recevoir de ces gens-là, parce que je pars du principe que, surtout à Strasbourg, on a eu 40 à 50 ans de copier-coller. aucune vision, aucun débat, aucun projet. Les gens, dès qu'ils sont sortis de leur carrière politique, soutenaient les mêmes personnes sur les mêmes listes, sans colonne vertébrale, sans truc, c'était juste des enjeux de pouvoir. Éric Piolle, à Grenoble, il l'a dit très rapidement sur son premier mandat, on a beaucoup discuté avec Grenoble quand on s'est mis en place, en fait, il y a une logique de propriétaire du pouvoir. Et on le ressent, nous, parce qu'on a une opposition, on a des figures importantes de la gauche historique qui organisent des réunions publiques avec En Marche et avec la droite. sans aucune cohérence politique. C'est juste la volonté de reconquérir le pouvoir, parce qu'on nous perçoit souvent comme des erreurs de l'histoire, des anomalies. Il y a une espèce de pouvoir de droit divin en France, où c'était mon tour, ils sont arrivés, c'était une erreur, on va récupérer notre dû très bientôt. Et en fait, on a la chance d'avoir une opposition très cohérente, très unie, mais effectivement, en termes de volonté de nous faire opposition et de récupérer le pouvoir, mais après, en termes de discours, c'est un petit peu plus flou. Du coup, on n'a pas de leçons à recevoir sur ça. On a été très volontaristes au début. On reste très soudés entre nous aussi parce qu'on a un front commun face à nos oppositions. Mais après, oui, l'usure de toutes ces crises qui s'additionnent. Et on est bien dans une posture de... Comment dire ? Ce n'est pas des crises temporaires, éphémères, ce n'est pas des hasards. On est actuellement dans une société de permacrise. Et ce n'est pas un hasard justement si tous les six mois on a un nouveau problème. Et personne n'a jamais été confronté, je pense, depuis 70-80 ans à autant de problèmes additionnés. Je ne sais pas ce qui nous fait encore avancer. Il y a sans doute le devoir, la responsabilité. Il y a des collègues qui ont pris leur distance. Il y a des gens qui ont ralenti. Il y a des gens qui se posent des questions. Il y a des déçus. Mais après, le prêtre, le médecin, l'avocat, l'infirmier, l'infirmière, c'est dans ces moments-là où on a le plus besoin d'eux. Donc, je gère ça entre moi et mes insomnies.

  • Speaker #1

    On est dans un moment démocratique et historique particulier. parce qu'aujourd'hui, on est le 22 juin 2024. Il y a un peu moins de deux semaines, le président de la République a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale. On est en pleine campagne pour les législatives, où il y a deux blocs qui se dégagent et qui sont plutôt très opposés sur les projets qu'ils proposent pour la France. On a une vague du Rassemblement national aux européennes qui a été inouïe. Comment est-ce que vous percevez ça en tant qu'élu ? dans une municipalité, est-ce que ça vous fait peur ? Est-ce que ça va impacter votre travail ? Quels sont vos sentiments aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors, sur la montée des extrêmes... Elle est permanente depuis les années 80. Elle a été même à un moment instrumentalisée, souhaitée, calculée par les partis historiques sur le diviser pour mieux régner. Comme les États-Unis, quand ils font de l'ingérence géopolitique internationale, ils créent un terroriste. Ils pensent qu'ils vont pouvoir le garder sous leur contrôle et régler leurs problèmes comme ça. Et en fait, derrière, on se retrouve avec Daesh. Voilà. En fait, voilà, la séquence fait qu'on a perdu une bataille culturelle. L'extrême droite est devenue la droite, la droite est devenue le centre-droit, l'extrême droite maintenant c'est Éric Zemmour, ce qui permet à plein de gens de dire que non, non, non, Marine Le Pen, bardez-la, ça va. Donc il y a cette bataille culturelle qui a été perdue, et c'est ça le plus grand échec. Et le problème c'est que pour revenir à une situation plus équilibrée, plus démocratique, ça prend 20 ans. Et il faut penser le temps long. Et c'est souvent ça la mission du politique, qui malheureusement ne pense que le temps électoral et prépare la prochaine campagne. Du coup, moi ma crainte principale, c'est sur les jeunes. Dans cette logique de temps long. On a actuellement des jeunes qui ont 16 ans, qui n'ont pas le droit de vote, qui se revendiquent déjà abstentionnistes, et qui vont au meeting du RN. pour faire des selfies avec Jordan. Parce que c'est un objet de fascination, parce que c'est une rockstar, parce que réseaux sociaux, parce qu'il a réussi à mettre ça en place. Et on voit que, même si entre eux, il n'y a toujours pas de programme, si la haine, elle est prégnante, si les propos sont tous condamnables par la loi, même les stratégies entre eux, ça ne fonctionne pas. Marion Maréchal, on ne sait plus où elle est, elle s'engueule avec sa famille, elle s'engueule avec Zemmour, elle s'engueule avec tout le monde. En fait, ce n'est pas grave, parce qu'ils partent du principe qu'ils ont gagné, c'est leur logique de campagne de dire que ce n'est même pas la peine de venir, les gars, c'est gagné, c'est notre tour maintenant. Voilà, on va faire comprendre que non, c'est pas forcément leur tour, la campagne, il faut la faire, il y a plein de choses qui commencent à en sortir, qui sont très intéressantes, mais elle se passe dans un contexte de chaos, qui a été volontairement et stratégiquement mis en place par le président de la République. qui est fortement adepte de ces stratégies de chaos, le ni de gauche ni de droite, je casse les appareils, je casse les mouvements intermédiaires, je casse les assos, je casse les syndicats, je casse le service public, et j'optimise la France pour qu'elle soit compétitive, tout ça. Mais c'est une volonté calculée, stratégique, de peut-être pouvoir revenir au prochain cycle en étant à nouveau une forme d'homme providentiel, c'est de tester aussi les gens, je pense qu'il y a un peu d'égo. là-dedans, il aime pas qu'on l'aime pas. Faut aimer aimer, c'est sûr, quand des gens qu'on les aime, voilà, mais parfois on les aime pas, ils aiment pas. Donc il a pas aimé qu'on l'aime pas, donc il a cassé le jouet, et le problème c'est qu'il fait ça de façon à la fois irresponsable et volontaire. Donc ça paraît que les gens le sentent. Et comment est-ce qu'on peut être crédible politiquement ? quand la personne qui est censée être la plus responsable du pays est la plus irresponsable. C'est un signal délétère. Donc on est sur plein de sujets comme ça, et c'est sûr que nous, on galère déjà sur le terrain à faire comprendre aux gens qu'on est en responsabilité, on fait avec les moyens du bord, on n'a pas de baguette magique, on se bat, on crée des nouveaux sujets comme l'équité territoriale, on redistribue les subventions aux petites et moyennes associations pour qu'elles puissent retourner vers les gens. C'est vraiment ce que... parfois les grandes ne font plus forcément ou pas de la même façon, et ainsi de suite et ainsi de suite. On essaie de développer des réponses pour la jeunesse, mais derrière, on a ça. Donc, c'est... En fonction de la configuration émotionnelle de chacun, il y a d'autres réactions. Que ce soit le déni, la tristesse, la dépression, machin. Moi, je suis plutôt dans la colère comme garçon, côté adolescent qui est toujours un petit peu là. Donc oui, moi, je vais tenir mes bureaux de vote. J'essaie de filer la main sur les campagnes. J'encourage les associations, les syndicats à avoir des expressions politiques. On a eu sur la marge des visibilités, la Gay Pride à Strasbourg, énormément de monde. Ça fait pareil, ça fait maintenant deux, trois ans qu'on a des fréquentations. historique sur cette marche parce qu'on rassure tout le monde, on leur dit que Strasbourg c'est leur ville vous pouvez être là et au-delà du côté festif et visible maintenant, cette marche elle est redevenue politique, il y a eu beaucoup de débats entre les assos sur le slogan, la pancarte, la visite visibilité, le combat, la défense des droits, et pas juste dire on est content, on est là, et on est tous égaux. Parce que cette égalité, elle est menacée. Et du coup, parce qu'on se connaît un peu maintenant et qu'on se dit tout, je vais vous partager une malédiction chinoise que j'aime beaucoup. C'est une malédiction chinoise qui dit je vous souhaite de vivre une époque intéressante. Et une époque pas intéressante, on est couché à 20h, on a fait des mots croisés, on a mangé sa soupe, puis voilà, on est bien. Une époque intéressante, potentiellement, il y a quelqu'un qui défonce la porte avec une hache en parlant une langue étrangère. C'est intéressant.

  • Speaker #1

    C'est ça qu'on se souhaite, Alain ?

  • Speaker #0

    C'est ça qu'on assume de devoir vivre bien malgré nous.

  • Speaker #1

    C'est ça qui vous a poussé, vous a engagé ? Vivre quelque chose d'intéressant ?

  • Speaker #0

    Non, mais moi quand je suis élu, je ne voulais même pas être adjoint. Je me disais, moi je peux aller au CAB, je serais très utile là-bas. On m'a dit, non, non, toi tu es élu. Je me suis dit, ah bon, d'accord. Du coup, moi, ce qui m'a poussé, c'est de voyer un peu mon parcours. C'est des ricochets. J'ai une espèce de direction générale. Mais derrière, c'est les rencontres, les opportunités, les moments, les carrefours. On faisait un truc. Je suis insupportable sur les anecdotes. Je suis désolé. Ah,

  • Speaker #1

    c'est la terre !

  • Speaker #0

    On faisait un exercice avec les services civiques, il y a quelques mois de ça, sur justement la frise temporelle de la bataille des droits. en France, avec toutes les grandes dates qui ont marqué la France ou la question des droits avancés. Et ça rejoint le truc que je peux voir dans d'autres bouquins, séries, télé, ce que vous voulez, sur en fait l'histoire Il y a beaucoup de moments où il ne se passe rien, c'est une espèce d'autoroute, et il y a un moment où pendant 5 à 10 ans, il se passe tout. Et c'est un carrefour où 1789, 1980, le droit des femmes, juste pendant 2-3 ans, on redistribue toutes les cartes. Il y a une période de chaos, big bang, ça part dans tous les sens. Une fois que c'est fait, c'est fait, et on repart pour 15 ans de ok, c'est ça le modèle J'espère secrètement que c'est ça qu'on est en train de vivre, et j'espère secrètement que les cartes qu'on est en train de redistribuer, elles seront au bénéfice de tous les habitants et habitantes de ce pays, quels qu'ils soient, à l'issue de cette parenthèse.

  • Speaker #1

    En tant qu'élu, vous arrivez à engager aussi des citoyens dans ce mouvement, dans ce moment pour abattre les cartes ?

  • Speaker #0

    Là, vous mettez le doigt dans la plaire. On est au cœur du podcast, là. On est au cœur du moment. En fait, parce que je suis maintenant perçu, quoi que je fasse, comme un élu, bien malgré moi, quoi que je dise, quoi que je fasse, je représente l'institution. Donc, si je vais chercher des gens, ils vont être sur une forme de vigilance, de manipulation politique ou autre. Et je ne peux pas leur en vouloir, vu comment les gens ont effectivement été traités. La question, c'est plutôt... Comment est-ce qu'on déclenche l'initiative chez les habitants ? Avec Siamak, avec quelques autres collègues, on est convaincus qu'une politique, d'autant plus de gauche, de changement, ne peut se réaliser que si elle est accompagnée d'un mouvement populaire. Et en fait, on a besoin de nous envoyer le signal, et on a besoin que les gens disent oui, on est d'accord avec ça et on veut la même chose Et après, l'administration, la société, les médias... ils enclenchent. Mais si c'est juste le politique qui décide tout seul, sur une transformation, ça ne prend pas. Donc nous, ce qu'on essaie de faire, via la participation des citoyennes, via la redynamisation du mouvement associatif, de la société civile organisée, c'est de dire aux gens, vous êtes porteurs d'initiatives, vous avez des valeurs, peut-être que... qu'elles rejoignent les nôtres, et peut-être qu'on peut bosser ensemble. Mais ce n'est pas à moi d'aller chercher pour dire, je crée une boucle WhatsApp que je vais administrer, et je vais vous dire un peu le plan de campagne. Ça, je ne fais pas.

  • Speaker #1

    Quelle est votre plus grande réussite en tant qu'élu ? Votre grande fierté ?

  • Speaker #0

    Je vais répondre par thématique par thématique, j'essaie d'en avoir au moins une. Sur le quartier que j'administre, il y a un dialogue avec les habitants. On a réussi à transformer un peu le quartier. Ça fait râler encore un peu de monde dans le quartier, c'est normal. Mais en tout cas, on commence à voir ce qu'il pourrait devenir à la fin. dans les prochaines années. Sur la vie associative, on a une délibération cadre qui est une réponse concrète de soutien aux associations, qui n'est pas dans les logiques du contrat d'engagement républicain. On est dans une logique de simplification administrative, on sécurise les assos, on met en place des conventions pluriannuelles d'objectifs, on le fait avec les centres sociaux, c'est historique. Moi j'ai des mails de coups de fil de toute la France qui me demandent cette délibération pour la reproduire ailleurs. Sur la politique événementielle, c'est que ce ne soit pas juste une politique d'attractivité, de tourisme ou de loisirs, mais que ce soit une vraie politique publique qui réponde à des besoins. On a un dispositif qui s'appelle Touriste dans ma ville, où on a des gens à Strasbourg qui ne sont jamais venus au centre-ville, qui n'ont jamais vu la cathédrale. Maintenant, ils peuvent venir l'été. avec de l'accompagnement social, au centre-ville, visiter gratuitement un musée, manger une glace, en lien avec les associations. On va aussi porter des événements où il n'y en avait pas avant. Il y a du ciné... de plein air ailleurs qu'au centre-ville. Il y a des ciné-plein air au fin fond, des impasses, des ruelles méconnues où il n'y a jamais rien eu. Et par exemple, pendant la période Covid, on est une des seules villes à avoir réussi à maintenir les programmations événementielles. En particulier l'été, on a entre autres le Festival des Arts de la rue. Au lieu de faire une semaine de festival, on avait tous les samedis dans un autre parc, dans un autre quartier, une partie de contenu. Et à un moment, il y avait une déambulation. de comédiens de rue en soucoupe volante déguisés en extraterrestres au fin fond d'un QPV où il n'y a pas eu de culture depuis 40 ans et en fait les habitants étaient à leurs fenêtres ils étaient quand même un peu surpris et contents de voir des trucs mais c'est les comédiens qui ont été le plus surpris, eux qui sont là pour déstabiliser ils ont été vachement plus déstabilisés parce que c'est un coin où il y a des habitants qui promènent une chèvre en laisse et tout ce qui peut se passer dans la magie des QPV où le melting pot est où il y a des gens qui n'ont pas les codes et tout, qui voient arriver des extraterrestres au sens propre, qu'est-ce qui se passe ? Donc on a pu vivre ça. Capitale de Noël, on arrive à transformer l'événement, à le rendre éco-responsable, en tout cas en essai. Et oui, on a 3,3 millions de visiteurs. Ce n'est pas une fierté, on est contents. C'est plus un sujet de vigilance. Mais on n'a pas à rougir sur ce qu'on appelle l'attractivité.

  • Speaker #1

    Et au contraire, quel est votre plus grand regret ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est peut-être d'arriver trop tard, comme on le disait, sur cette bataille culturelle, sur mettre un peu la société. En fait, moi, toutes mes... Toutes mes thématiques, c'est celle du lien social. Les grands rassemblements événementiels, les centres sociaux, la jeunesse, les associations. Je suis l'élu en charge du lien social, ce qui explique que je suis un petit peu chargé au niveau de l'agenda. C'est d'arriver trop tard. C'est des choses qu'on aurait dû faire il y a 20 ans pour empêcher que ce qu'on est en train de vivre, on le vive. Et j'en parlais déjà à l'époque à d'autres élus ou dans d'autres villes de cette vision qu'on développe actuellement. Ça faisait doucement rigoler. Donc moi, je pars du principe que les élus de ce pays sont responsables de l'état du pays. Pas que eux, bien sûr, mais c'était comme quand on était avec le mouvement citoyen, qu'on apportait des solutions qui étaient réalisables. On nous disait non. Comme quand, en fait, on dit l'extrême est en train de monter, on va faire une tribune. Ah, au fait... et on en est où de l'éducation civique dans l'éducation nationale ? C'est une option toutes les 15 jours si le prof est là. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc, il y a un vrai truc à un moment sur tout ce qui a déclenché la montée du mouvement citoyen qui reste d'actualité, mais qui est venu beaucoup trop tard. Et derrière ça... Oui, après il y a bien sûr mon état de santé et mon état d'hygiène corporelle et tout ça. C'est aussi un problème.

  • Speaker #1

    Et vous vous voyez élu encore longtemps ?

  • Speaker #0

    J'assume. Alors je sais qu'il y a beaucoup de démissions sur les fonctions maire et adjoint en 2022-2026. Ça confirme tout ce qu'on dit. C'est des signaux importants, graves. Est-ce qu'il y aura encore des maires pour administrer, pour assumer ces responsabilités et ces coordinations ? dans les années à venir, rien n'est moins sûr. Donc il faut redorer un peu ce blason-là. Moi, j'ai signé pour 6 ans, je resterai pour 6 ans. Après, comme je le disais avant, moi, je n'ai pas fait le choix d'avoir une vie politique. Peut-être que je retournerai mon... d'associatifs, peut-être que je ferai autre chose, peut-être que je remplirai. Voilà, c'est bien sûr des questions que tout le monde me pose. Je vois ça aussi comme un truc plutôt positif sur mon bilan. Les gens me disent Ce serait peut-être intéressant si tu pouvais rester. Je dis Oui, mais d'abord, il faut que j'en parle à mon ulcère. Moi, c'est d'accord. Mais plus sérieusement, c'est écrit pro-perso, santé mentale. Quelle société ? veut accompagner en fait parce que là on se bat pour sauver des choses transformer des choses mais est-ce qu'il n'est pas trop tard et quand justement on développe des politiques jeunesse et qu'on a un vote jeune qui est ultra axé sur les extrêmes parce qu'ils ont peur parce que on leur dit au fait toi le jeune c'est l'avenir de la planète On t'a pas dit, la planète elle est en train de cramer, donc il n'y en aura pas d'avenir. Ah au fait, toi le jeune, faut que tu travailles à l'école pour avoir du taf. Ah au fait, on t'a pas dit, ton taf est remplacé par une intelligence artificielle. Tu vas jamais taffer. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc voilà, et c'est pas pour rien qu'effectivement, ils ont ces réactions-là. La génération climat a très vite été remplacée par la génération extrême. Et dans les deux cas, c'est de la peur. Et dans les deux cas, c'est de l'anxiété. Et en fait, c'est juste la nature de l'anxiété qui change et qui permet d'évoluer sur le bord politique. Mais la base première, c'est que les jeunes ne sont pas intégrés socialement. Ils sont rejetés. sont malmenés et du coup, qu'est-ce qu'on fait pour la suite ?

  • Speaker #1

    Peut-être une dernière petite question, parce qu'on est quand même dans le podcast Vie de maire.

  • Speaker #0

    Vous ne faites pas de promesses que vous ne pouvez pas tenir, il y aura plein de questions encore.

  • Speaker #1

    Oui, je confirme. Comment est-ce que vous concevez l'articulation entre adjoint et maire ?

  • Speaker #0

    Ça dépend de la dimension de la ville, ça dépend de l'ambition, ça dépend du caractère, ça dépend de est-ce que le maire veut monter à Paris à un moment, est-ce que le maire a aussi ses propres envies de messages et d'actions à faire passer. Jeanne, par exemple, elle a fait le choix de s'investir sur la question européenne et relations internationales. Donc, voilà, c'est un peu étrange parce qu'on est à la fois des extensions, des représentants ou des avatars. Être élu... c'est avoir un pouvoir de signature. Ça, c'est la base. La maire, elle a pouvoir de police, pouvoir de signature. Et elle délègue ses pouvoirs de signature à des adjoints, parce qu'il n'y a que 24 heures dans une journée et que personne n'a la connaissance absolue, et ainsi de suite. Donc moi, j'ai mes pouvoirs de signature. Maintenant qu'on a chacun un peu fait nos preuves, on se fait confiance, donc elle me laisse plutôt le champ libre. Si on a un rendez-vous, c'est que j'ai dû faire une bêtise à un moment. Mais c'est vrai que c'est une relation très complexe, parce qu'on est... nous-mêmes investis de son pouvoir, tout en étant son représentant, sa représentante, tout en étant parfois pas d'accord. Enfin, voilà, il y a un côté... Est-ce que vous savez combien il y a de cerveaux dans une pieuvre ? Combien il y a de pieuvres à la pierre ?

  • Speaker #1

    Je ne savais même pas qu'il y en avait plusieurs.

  • Speaker #0

    Il y a neuf. Il y a le cerveau central et chaque tentacule a son propre centre cérébral. Et c'est un peu ça. Oui, Jeanne, c'est bien sûr la centralité, la globalité, mais derrière, il y a une indépendance, une identité qui... se tissent à partir de ce centre-là et qui a sa propre vie. Et chaque tentacule, il est indépendant de l'autre et il vit son truc pour l'usage commun. Donc, il y a un peu un truc comme ça. Et bien sûr, la question qui se pose souvent aussi, c'est... le rôle du CAB. Parce que la mission première d'un cabinet, c'est de protéger et accompagner la maire et la présidente, c'est pas d'accompagner les adjoints. Et beaucoup de collègues se disent, en fait, le CAB, il bosse avec nous, pour nous. Pas du tout ! C'est un autre élément de négociation diplomatie. Et moi, pareil, quand les gens m'interpellent dans la rue, me disent, vous êtes élu, vous avez le pouvoir, j'ai une forme de pouvoir, j'ai surtout des responsabilités. Mais derrière, j'ai une négociation avec la maire, j'ai une négociation avec le cabinet, j'ai une négociation avec l'administration, j'ai une négociation avec les habitants. Et pour moi, c'est ça un peu. C'est qu'on est dans ce côté un peu trait d'union, recherche de points d'équilibre, de diplomatie entre tous ces corps pour avoir une décision qui convienne à tout le monde à la fin.

  • Speaker #2

    Et quel conseil est-ce que vous donneriez à un jeune qui souhaiterait monter une liste en 2026 ?

  • Speaker #0

    Fais-le ! Mais renseigne-toi un petit peu avant. Parce qu'il y a vraiment un effet délétère sur les déceptions, il y a vraiment un effet délétère sur toutes les illusions qu'on peut projeter sur ce que c'est un politique. Et je disais avant que je n'ai pas de leçons à recevoir des élus précédents. Néanmoins, je ne cacherai pas que j'aurais préféré vivre un mandat comme eux l'ont eu, beaucoup plus simple, où l'exercice du pouvoir était beaucoup plus je suis un élu, vous êtes différents maintenant que vous allez faire De toute façon, le plein emploi, on l'a. De toute façon, les impôts, ils sont là. On n'a pas de timer parce qu'il y a une guerre sur le continent, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc, non, non, il faut que les jeunes s'engagent. Après, effectivement, je leur conseillerais de passer, justement, par le milieu associatif avant, pour se confronter à la gouvernance partagée, aux responsabilités partagées, à l'organisation. et pas juste être dans une pulsion d'image, ma tête sur l'affiche.

  • Speaker #1

    Merci, monsieur Livier, pour cette interview aussi intéressante que notre époque.

  • Speaker #0

    Vous êtes un peu chinoise, vous. À bientôt.

  • Speaker #3

    Dans ce podcast, nous mettons souvent en lumière les mers, ces visages visibles, symboles de nos mairies. Mais il ne faut pas oublier la face immergée de l'iceberg. Les adjoints, conseillers municipaux, élus de la majorité ou de l'opposition, qui œuvrent discrètement mais inlassablement pour le bien commun dans leur commune. L'engagement, ce n'est pas qu'un don de soi, c'est aussi un cadeau à soi-même. Une étude publiée récemment par la MRF et l'Observatoire à Maroc le montre. 70% des maires affichent une satisfaction tant qu'élus. S'investir pour les autres, c'est soigner sa santé mentale. Prendre part à un projet collectif, c'est trouver un sens profond à son quotidien. Vivre avec son poison, comme nous le dit Guillaume Lipsig. C'est aussi vivre pleinement une époque intéressante. Car s'engager, c'est une riposte au dégagissement bien. C'est affirmer que notre démocratie peut retrouver ses couleurs, que la confiance peut renaître, que les citoyens peuvent se rassembler. Et en 2026, vous n'aurez pas forcément besoin d'être en tête de liste pour vous aussi. changer les choses. Vous avez écouté ce podcast jusqu'au bout, alors on imagine qu'il vous a plu.

  • Speaker #4

    Pour nous soutenir, laissez-nous des étoiles, des commentaires, partagez l'épisode à vos copains et suivez-nous sur Instagram à Tv2mer.

  • Speaker #3

    Chaque soutien est hyper précieux.

  • Speaker #4

    A bientôt dans une prochaine vie de mère.

Description

Aujourd'hui, nous ne vous présentons pas UNE Vie de Maire, mais l’UNE DES VIES sans lesquelles l’exercice de leur mandat serait rendu impossible : celle de l’adjoint au maire !


Pour cet épisode spécial, Clémentine et Margot sont parties à la rencontre de Guillaume Libsig, adjoint à la maire de Strasbourg, en charge de la vie associative, l’animation urbaine, la politique événementielle, la politique jeunesse et l’éducation populaire et, pionnier du collectif citoyens qui a constitué le socle de la liste arrivée en tête aux élections municipales de 2020.


Avec Guillaume, on a parlé :

- de monter un collectif municipal citoyen débutant en politique ;

- de la difficulté de mettre de la distance émotionnelle avec sa vie d’élu ;

- de la bataille culturelle à l’heure de la montée de l’extrême droite


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Vies de Mère.

  • Speaker #1

    Je suis Clémentine Guilbeault de Maison et moi Margot Elkier. Et dans ce podcast, on part à la rencontre des mères de toute la France. Notre but ? Remonter à la racine de leur engagement,

  • Speaker #0

    comprendre leur quotidien, leurs difficultés et leurs réussites. Et peut-être vous donner envie de vous bouger vous aussi pour votre commune.

  • Speaker #2

    Vies de Mère. C'est une sacrée vie de mère.

  • Speaker #0

    21 juin, fête de la musique. Ce n'est pas sans émotion que j'emmène Clémentine à Strasbourg sur les pas de mes années étudiantes. Demain, nous interviewons Jeanne Barzéguian, maire de Strasbourg depuis 2020. Nous la retrouverons le soir même avec quelques-uns de ses adjoints dans les rues de Strasbourg à la recherche du meilleur concert de la soirée.

  • Speaker #2

    Ah oui,

  • Speaker #1

    donc Marco,

  • Speaker #2

    bonjour.

  • Speaker #1

    Et Clémentine,

  • Speaker #2

    bonjour. Le podcast qui nous accompagne. Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Et il faut savoir où il y aurait le plus d'ambiance ce soir à Strasbourg. J'ai dit que tu étais l'homme de la situation.

  • Speaker #0

    Le temps de faire connaissance autour d'un verre, nous nous quittons en nous disant à demain. Malheureusement, la vie de maire est faite de beaucoup d'imprévus et d'obligations. Le lendemain, la directrice de cabinet de Madame la maire nous apprend au dernier moment que celle-ci ne pourra pas nous recevoir. Au dévoté, nous appelons Guillaume Lipsig, rencontré la veille.

  • Speaker #2

    Je suis Guillaume Lipsig, je suis adjoint à la maire, en charge, tenez-vous bien, de la vie associative, la politique jeunesse, la politique événementielle, l'éducation populaire et de trois autres sujets.

  • Speaker #1

    C'est un truc cool.

  • Speaker #0

    Sans tergiverser, il accepte de se prêter au jeu de l'interview vie de maire une heure plus tard. Parce que dans une grande ville, la vie de maire ne serait pas la même sans celle de ses adjoints, nous sommes très heureuses de vous présenter aujourd'hui un épisode spécial de vie d'adjoint à la maire remplie d'anecdotes croustillantes. Avec Guillaume Libzyk, on a parlé de monter un projet municipal dans une métropole avec un collectif citoyen débutant en politique, de la difficulté de mettre la distance émotionnelle avec sa vie d'élu et de la bataille culturelle à l'heure de la montée de l'extrême droite. Bonne écoute.

  • Speaker #1

    Monsieur Lipsic, bonjour. Merci de nous recevoir à Strasbourg dans ce nouvel épisode de Vie de mère. Je vais commencer assez directement. Qu'est-ce que vous rêviez de faire dans votre vie quand vous étiez petit ?

  • Speaker #2

    Alors... deux réponses la première archéologue sous-marin et c'est complètement vrai la deuxième pas de politique et c'est du coup un peu raté mais non non comme tous les gosses j'étais avec les copains à l'école on avait un peu ce qu'on voyait à la télé dans les livres Et ça nous faisait un peu rêver. Moi je viens d'un petit village dû au Rhin, et du coup le maire, c'est le prof, c'est le directeur de l'école, c'est le professeur principal, donc c'est notable qu'il mutualise un peu les fonctions. d'ailleurs il est toujours il est toujours maire la personne qui était mon professeur d'école primaire et du coup maintenant je lui envoie des petites cartes de vœux à Nouvel An et lui aussi et parfois on se voit en réunion c'est assez drôle

  • Speaker #1

    Donc c'est une figure qui vous a inspiré, au final ?

  • Speaker #2

    Je ne dirais pas ça. Moi, mon parcours, il est plutôt autour de la notion d'intérêt général. C'est-à-dire que de 20 à 30 ans, j'étais dans des associations. De 30 à 40 ans, j'étais employé de la collectivité. Alors, je ne suis pas titulaire de la fonction publique, mais j'étais employé de la collectivité par deux fois, plus d'autres structures à connotation culturelle. Et de 40 à 50 ans, je suis élu. Donc je ne sais pas ce que je ferais de 50 à 60. je reste ouvert aux propositions. Mais voilà, moi, c'est toujours avec cette notion d'intérêt général, un peu de coopération, de travail d'équipe que je me suis développé.

  • Speaker #0

    Quelle est votre première émotion liée à la politique ?

  • Speaker #2

    La surprise. C'est-à-dire que sur la... Alors, en tant qu'élu, en tant qu'adolescent qui grandit en France, qui écoute de la musique un peu énervée, qui fait des manifs... portent des t-shirts à message, c'est bien sûr la colère. Mais en tant qu'élu, c'est la surprise. Parce que, comme je le disais, moi j'étais agent de la collectivité, donc j'étais habitué à mon rôle un peu de subalterne ou de preneur de notes. Et avec une équipe politique qui était très verticale. Et en fait, sur la campagne, tout le monde fait un peu de tout. Moi j'ai... Mon côté communication, programmation événementielle était déjà bien sollicité. Donc j'ai aussi organisé les soirées électorales, dont celle de la soirée finale du résultat de campagne. Et donc pendant que l'école est célébrée, moi j'étais encore en train de... Caler des trucs, être sûr que personne ne passe sous un tram, calmer un peu les gens autour, discuter avec les journalistes, enfin voilà quoi. Et en fait, j'ai mis beaucoup de temps à me remettre physiquement de la campagne. Et en vrai, quand on arrive au conseil municipal d'institution, quand Jeanne me met l'écharpe, je m'installe dans mon siège en haut, c'est un siège interdit pour l'ancien agent que j'étais. Et donc je vois mes anciens élus de référence en contrebas, parce que maintenant c'est l'opposition. Et là, j'ai un déclic, je ne comprends pas. C'est le monde à l'envers. Qu'est-ce qui se passe ? J'ai une écharpe. L'ancien premier adjoint est dans la fosse. Et du coup, qu'est-ce qui s'est passé ? Et je me suis dit, ah oui, c'est vrai, j'ai fait une campagne, on a gagné.

  • Speaker #1

    Vous étiez un bon élève quand vous étiez petit ?

  • Speaker #2

    Alors, en termes de potentiel, de capacité communément reconnue par le corps professoral, j'étais dans le top 2 en permanence, toutes catégories confondues. En termes de comportement, j'étais ingérable, je faisais n'importe quoi, je passais ma vie en retenue et en col. Ce qui m'a permis de rentrer dans le club théâtre du collège, parce que du coup le prof de français disait Non, mais on a besoin de lui, il est bon, il fera pas sa col ! Donc j'emmagasinais les heures de col et je les faisais pas. C'est peut-être déjà un peu de politique, c'est-à-dire qu'on est condamné pour des trucs et on le fait pas, je ne sais pas. Mais non, non, mais... Plus sérieusement, on dit aussi souvent que la politique, c'est le meilleur domaine pour ceux qui n'ont pas de diplôme. Parce que justement, il y a un peu cet aspect social, cette culture orale, cette adaptabilité un peu en dehors des cadres. On l'espère aussi, cette capacité à écouter. plus qu'à dire, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais en tout cas, voilà. Donc moi, pour tout vous dire, on commence très fort l'émission, pour tout vous dire, moi j'ai un bac, c'est mon seul diplôme retenu, j'ai deux, trois autres diplômes derrière, des licences, mais qui sont pas reconnues, et du coup, effectivement, j'ai toujours été un peu à ajouter des cordes à mon arc, à partir dans tous les sens, à faire plein d'expériences très diverses. À un moment je disais, j'ai tellement de cordes à mon arc que je peux vous faire de l'arbre là, mais c'est quoi le sujet ? Qu'est-ce qu'on fait ensemble maintenant ? Et c'est aussi comme ça que je suis venu à la politique, c'est en faisant ensemble, on a constitué un collectif citoyen, on y reviendra sans doute plus tard, mais voilà, c'est ça qui m'a fait arriver devant ce micro aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce qu'il s'est formé ce collectif ?

  • Speaker #2

    Alors, il s'est formé par étapes. La première, c'est autour de Siamak Aghababaye, qui est actuellement premier adjoint et premier vice-président, qui est quelqu'un qui évolue en politique depuis sa vie lycéenne, sa vie étudiante. Il a fait les syndicats étudiants, il a tout fait, il était au PS. Et en fait, à un moment, comme beaucoup d'autres, il a claqué la porte du PS. J'ai donné tant d'années de ma vie à ce parti, à ses logiques, et ainsi de suite. Et il a décidé de revenir à la base de la politique, c'est-à-dire d'aller boire des cafés avec les gens. Et du coup, il a bu des cafés avec une bonne quarantaine de personnes. Et je faisais partie de ces personnes, on ne se connaissait pas encore à l'époque. Et ça a directement matché, on s'est rapidement vu trois, quatre fois derrière. Puis à un moment, il me dit, mais en fait, tous ces gens avec qui je discute, ils ont un truc en commun, il faut qu'on les mette ensemble, il faut qu'on les fasse se rencontrer, voir ce qui se passe. Donc là, l'activateur de projet que je suis, cordeau, programmation, organisation, lance la machine. Et puis effectivement, de fil en aiguille, ce groupe de personnes est devenu un collectif qui s'appelait le Labo Citoyen. L'objectif ultime, c'était surtout pas les municipales. Pourquoi pas ? Parce que l'objectif ultime, c'était d'être une agence de notation citoyenne pour évaluer la portée des politiques publiques. Mais sans que ça passe par les triple A, les machins, mais que ça passe vraiment par les habitants, pour les habitants. Mais du coup, avant d'en arriver là, on avait besoin un peu de se trouver. Donc, on avait toute une période de structuration, de dialogue, de recherche un peu de qui on est, qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qu'on fait. Et à un moment, on avait justement cette donnée un peu labo, où on prenait des problèmes identifiés. à la ville de Strasbourg. Grâce à notre réseau très large, on trouvait des solutions, on testait légalement, techniquement, financièrement, et en fait, si tous les voyants ont été au vert, on amenait un dossier sur la table des élus, on disait qu'on a trouvé une solution au problème, elle tient dans votre budget, elle est conforme à la loi, et elle est absorbable dans la charge des agents. Est-ce que vous voulez activer cette solution ? Bien sûr, la réponse était toujours non, parce que ce n'était pas une réponse qui venait des élus, c'était des citoyens. et ainsi de suite. Et en fait, à l'époque, il y avait autour de 2020, la campagne qui se présageait, la notion de dégagisme qui était bien installée avec tout ce refus des anciens partis, des anciennes logiques, qui avait fait que justement, on refusait les municipales. Parce que tout le monde venait chercher Siamak, qui, comme moi, disait moi je suis maintenant membre d'un collectif, donc c'est tout le collectif ou personne Et à chaque fois, il envoyait moi ou des collègues pour discuter avec les partis, qui étaient en proto-négociation, des proto-noyaux, des proto-listes municipales.

  • Speaker #1

    Donc ça c'est quoi, c'est 2018 ?

  • Speaker #2

    Ouais, fin 2018, fin 2019, il y a peut-être un truc sur ça. Et en fait, on... À chaque fois, c'était les mêmes trucs. Ça parle statistique, bassin de vote, fusion au deuxième tour, mais personne sur le projet. Et on avait un petit délire entre nous, c'est que dès que quelqu'un parlait de progressisme, il perdait des points. C'est-à-dire que le progressisme, c'est une notion fax, minitel. C'est le rétro-futur. C'est un truc qui tourne en boucle depuis les années 50, et que le futur des années 50, ce n'est plus le futur des années 2000.

  • Speaker #1

    Vous n'avez pas fait l'union de la gauche ?

  • Speaker #2

    Si, mais en fait, plus tard, d'une autre façon. C'est-à-dire qu'on était complètement déconnectés des municipales et on reçoit un jour un texto d'une dame qui s'appelle Jeanne Barzéguian, qu'on ne connaît pas, et qu'on dit, on va aller boire un café avec elle. Et 15 minutes après, c'était réglé, on avait signé en partenariat.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce qu'elle vous a convaincu ?

  • Speaker #2

    Elle n'a pas prononcé le mot de progressisme. Non, mais c'est le... On a parlé projet, on a parlé vision, on a parlé besoin, on a parlé transversalité, on a parlé lien avec la société civile. Et voilà, on a mis en place très rapidement la logique du débat, du partage, de la coopération, des limites. Et c'était complètement raccord avec tout ce qu'on développait. Et c'est comme ça que le duo Jeanne et Siamak s'est constitué.

  • Speaker #1

    Mais quand Jeanne vient vous voir, elle est sous une étiquette ? À quel titre et elle vous propose quoi concrètement ?

  • Speaker #2

    Alors à l'époque, elle est effectivement porteuse de l'étiquette ELV et celle que son parti a désigné pour y aller. On a des grands anciens ELV comme d'autres partis à Strasbourg, évidemment, mais autour du dégagisme, les partis avaient bien senti qu'il fallait changer la tête. d'affiches. Et du coup, c'est toujours très compliqué parce qu'il y a des gens qui attendaient leur tour depuis 30 ans et ils pensaient que c'était arrivé et en fait, ben non. Et il y avait tout un enjeu de comment intégrer ces personnes, reconnaître leur mérite et leur donner des réponses. dans la nouvelle dynamique. Et ça s'est très bien passé côté ELV. Je crois que c'est un petit peu plus compliqué dans d'autres parties. Mais en tout cas, Jeanne, elle vient avec ce sujet-là. Une fois qu'on avait lancé la campagne, on a créé une assemblée citoyenne qui, du coup, était omnipotente sur l'ensemble de la démarche. Et c'est cette assemblée qui, avant que Jeanne soit officiellement la tête de liste, désigne et valide par vote Jeanne comme tête de liste.

  • Speaker #1

    Il y avait qui dans cette assemblée ?

  • Speaker #2

    Des soutiens, des étudiants, des agents, des citoyens, des gens qui nous suivaient, des amis, des associatifs, des gens justement du spectre un peu gauche très large. C'était assez représentatif. Et on a eu plein de questions sur que faire de cette assemblée citoyenne après la victoire, quand on est en responsabilité. C'est une autre histoire, mais on essaie de garder la chronologie pour ne pas perdre tout le monde. Mais en tout cas, c'est cette assemblée qui a validé la candidature de Jeanne. Et ensuite, on a constitué pendant chaque mois un tiers de la liste via un appel à projet ouvert à toutes et à tous. n'importe qui pouvait candidater pour être sur notre liste. Il y a besoin de 67 places, on avait 130-140 signatures. Et du coup, dans cette époque très 2020, on avait des gens issus vraiment des retraités qui n'ont jamais vu ou fait de politique, des femmes de ménage, des universitaires, des associatifs radicaux, des grands neutres. Voilà, on avait vraiment de tout. Et c'est aussi, bien sûr, la relation au parti qui était très intéressante à équilibrer. Parce que du coup, au final... Il y a donc ELV, Place Publique, le Parti Communiste, Génération, le collectif des Alsaciens un peu de gauche. Vous savez qu'en Alsace, on a un peu des partis autonomistes et autres, mais il y en a aussi qui sont un peu plus à gauche. Des citoyens, évidemment. Le Parti Socialiste, qui a donc refusé la fusion, la négociation, lui, il est plus dans une logique de c'est moi qui vous absorbe En fait, non. Et du coup, voilà. Donc... C'était très, très, très large. Et c'est aussi ça qui nous a permis de gagner. C'est une dynamique positive, transparente, volontaire, partagée, qui a une liste à l'image de la ville. Et je crois que sur les dix grandes villes de France, on doit être la seule à avoir une femme voilée dans le conseil municipal, des personnes de tous âges. sur les 15-16 adjoints qu'on est, je pense qu'on est 10 à être non encartés.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez fait pour faire l'ordre au sein de la liste ? Enfin, deux questions. Comment vous avez fait pour aller chercher ces gens-là, c'est-à-dire les 130 qui ont candidaté ? Comment vous les avez avertis de toute la démarche qu'il y avait en cours en termes de citoyenneté sur la création de cette liste ? Et après, comment est-ce que vous avez fait l'ordre au sein de la liste ?

  • Speaker #2

    Effectivement, il y a... Plein d'étapes dans une campagne. La première, c'est la constitution, l'accord. La deuxième, c'est la conquête, la campagne elle-même. Et la troisième, c'est la préparation à la gestion du pouvoir. Sur la constitution, c'était très large, très visible, parce qu'en plus, il y avait plein de feuilletons médiatiques. L'ancienne municipalité tenue par Roland Ries, c'était une liste PS. À l'arrivée fin de mandat, il y avait six listes différentes dans son groupe, tout le monde s'est barré, le macronisme a fait son œuvre, ainsi de suite. Strasbourg, c'est un petit échiquier politique et médiatique, donc tout le monde est un peu connu, il y a régulièrement des articles, enfin voilà, ça... le casting est assez simple à suivre, on peut feuilletonner. Et du coup, c'est aussi une campagne, c'est-à-dire que c'est l'élection la plus proche des gens, les gens s'intéressent, les locaux de campagne ont pignon sur rue, les réseaux sociaux... et ainsi de suite. Franchement, on n'a pas eu de mal sur le recrutement. Bien sûr, il y a des gens qui ont un peu dit ce serait bien si tu pouvais candidater en sachant que derrière, sur chaque candidature, il y a deux étapes. Vérifier que la candidature est cadrée, c'est-à-dire casier judiciaire, jour de papier, parité, ancienneté, tous ces sujets plutôt administratifs qu'on doit rendre sur le dossier préfecture. Et ensuite, effectivement, le rôle dans la campagne, le qui fait quoi. Et le classement de la liste de campagne, il n'a rien à voir avec le classement qu'on aura sur la gouvernance une fois élue. La parité, elle est obligatoire 1-2, 1-2, 1-2 sur une liste de campagne. Bien sûr, il y a une tête de liste. En gros, le numéro 1 est important. Peut-être de l'élite, le dernier, c'est plutôt le signal de je ne veux pas être élu, mais je suis un soutien important Et au milieu, c'est les gens. L'ancien premier adjoint, sous le mandat précédent, il était, je crois, 40 places, 40-47, et puis il était premier adjoint. Et donc, une fois qu'on est élu, la parité, elle est plus sur le global. Ce n'est pas un homme, une femme, un homme, une femme. On peut mettre 19 hommes devant, une femme derrière et 18 autres derrière. Voilà. Nous, on a quand même maintenu la parité. Et donc, oui, une campagne, c'est usant, c'est violent, en externe. Et il y a des moments en interne où c'est un petit peu usant-violent aussi, sur ces phases de négociation, les pulsions, les ambitions, les relations, la fatigue, l'usure. Ce n'est pas des moments simples de se mettre d'accord sur l'ordre et ainsi de suite.

  • Speaker #0

    Et l'exercice du pouvoir ensuite, une fois que vous avez été élu, était plus simple ?

  • Speaker #2

    Oui et non. En fait, une campagne, c'est une dynamique de conquête. Et tout le monde est dans le même bateau, on avance, il y a un objectif commun, et on met nos énergies ensemble. Quel que soit le parti, quelle que soit la ville, quelle ville, campagne, voilà. L'exercice du pouvoir, là, c'est OK. voilà ton portefeuille, voilà ton ordinateur, voilà tes missions, pars sur ton autoroute. Ah, au fait, il y a ton collègue qui a aussi son bureau, son ordinateur, ses missions, il y a un truc que t'es en train de faire, ça l'embête fortement, il y a une tension entre les deux. Ah, il voulait ton poste, au fait, gnagnagna, gnagnagna, et ainsi de suite. Strasbourg ailleurs, j'invente rien. Mais c'est surtout qu'on doit passer d'un mode très dynamique sur le terrain contact direct à les relations qu'on a sont cadrées administrativement et légalement. Nos réalisations dépendent de l'administration. Il y a tout un cadre aussi à mettre en place. Strasbourg, c'est une ville qui était ultra stable. Ça fait 40 ans que gauche-droite, centre, c'est le centre qui gagne la ville depuis des années, avec des personnes très proches politiquement et qui n'ont pas vraiment d'autres tensions. entre elles que c'est moi le chef ou non c'est moi le chef. Derrière ça, l'administration, quand elle voit l'arc-en-ciel de gauche arriver avec des citoyens de tous âges, de tous bords, alors qu'elle est habituée à un truc assez système. systématique depuis 40 ans, elle n'est pas rassurée non plus. Donc il y a eu toute une phase où on devait d'abord voir le directeur général des services, puis les directeurs et directrices générales adjointes, puis les directeurs des services. À un moment, peut-être un an et demi après, on a le droit de rencontrer les agents. Ça a pris du temps. Parce que tout le monde a besoin d'être assuré. Nous, on a besoin aussi de s'approprier ses fonctions, comprendre ce que c'est une feuille de route, comprendre ce que c'est un cadre, comprendre les obligations des élus, et ainsi de suite. Pareil, il n'y a pas d'école pour ça. Donc, moi et quelques autres, on connaissait l'intérieur de la maison, on avait déjà nos expériences, mais les 4-5e de la liste sont grands débutants. Donc, il y a plein de projections sur ce que c'est être élu. le pouvoir, la capacité à faire, à décider. En fait, dans le réel, tu te rends compte que c'est surtout la capacité à négocier avec l'administration sur les budgets, les ressources, le temps, l'obligation légale, faire comprendre aux habitants que mettre une aire de jeu sur un terrain vague, ça prend quatre ans. Donc l'enfant pour lequel on veut le faire, ce sera peut-être même plus dans le quartier qu'on aura fait le toboggan, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc beaucoup de déconvenus, beaucoup de... de tensions sur les premières années. Et bien entendu, le jeu politique d'une opposition de vieux briscards qui, eux, attaquent sur les procès en compétence. C'était un peu leur stratégie de début de mandat.

  • Speaker #1

    Est-ce que, après, avec cette espérance-là, vous comprenez pourquoi il y en a certains qui disent que la politique, ça doit être un métier ?

  • Speaker #2

    Oui, mais je comprends qu'on puisse dire ça, mais moi, ma réponse, c'est plutôt que la politique, ça doit avant tout être un statut. C'est-à-dire que, nous, un truc qu'on a fait... Jeanne, elle a baissé ses indemnités pour mieux redistribuer un peu les enveloppes. Et on voulait que chaque collègue élu ait une fonction, ait une mission. Donc on a des conseillers municipaux délégués, chaque conseiller municipal a une attribution. Avant, c'est juste maire et adjoint, c'est là que ça se passe. Les conseillers municipaux, ils sont là pour le vote, pour filer les coups de main sur les mariages, les commissions de sécurité. Nous, on a donné des missions à tout le monde. Sauf que le cadre légal fait que la... L'indemnité de ces conseils municipaux délégués, c'est de l'argent de poche. Et quand on est élu, c'est quasiment possible de trouver du travail. Les horaires, c'est pas forcément compatible avec chercher les gosses à l'école. Et derrière ça, du coup, on se retrouve avec plus de responsabilités, plus de soucis, plus de complexités, plus d'obligations et moins de revenus. Et du coup, on l'a vu aussi récemment à Poitiers, avec la maire Léonore Monconduit qui est donc... Elle a été enceinte, elle a pris ce qui n'est pas un congé maternité, mais du coup elle a dû se mettre en retrait, elle a perdu toutes ses indemnités, et c'est son équipe qui a fait l'intérim le temps qu'elle puisse revenir. Mais effectivement, pour moi c'est déjà le statut, parce que la notion de métier, il y a aussi la notion de formation, c'est-à-dire qu'à ce moment-là il n'y aura que Juste Tianspo qui ferait de la politique. Et pour qu'on puisse avoir justement la société civile, les expertises diverses, Les gens qui puissent passer d'un côté ou de l'autre de la barrière, encourager les gens à s'investir, à mieux comprendre ce qu'on est, ce qu'on fait, c'est le statut. Moi, il y a plein de gens qui me disent Vous, vous êtes élu, vous avez la vie simple. Ce n'est pas un métier, c'est une fonction. Je n'ai pas d'assurance chômage, je n'ai pas d'assurance maladie. On a des caisses retraites qui ont été créées juste pour les élus. On a les chômages de caisses retraites. Je n'ai pas de réduction à la cantine parce que je ne suis personne extérieure. pas mal de temps dans mon bureau, pas loin de la cantine quand même. On n'a pas de réduction sur les forfaits de mobilité, je n'ai pas de réduction tram, vélo, quoi que ce soit, donc on n'a rien. Et la chance qu'on a, c'est d'être dans une ville de plus de 300 000 habitants, avec une métropole, ce qui me permet d'avoir mes indemnités qui me permettent de vivre. Je croise d'autres collègues à des congrès, en séminaire à gauche à droite, ou même en voyageant. Je discutais un jour avec un élu de la région de Toulon, qui était aussi à la métropole. Il me dit, moi, j'ai mes indemnités d'élu, mais je dois avoir deux taffes derrière. Donc, métier pour moi, c'est parcours, c'est cloisonner, c'est un peu former, c'est un peu de l'entre-soi. Commençons par... par le statut.

  • Speaker #1

    Et vous, vous arrivez à vivre correctement avec ce que vous touchez maintenant ?

  • Speaker #2

    Ouais, vu que c'est un peu le... Je crois que le concept de votre émission, c'est de parler un peu de la vraie vie, des coulisses. Tout à fait. Parler un peu d'intimité. Bon, moi, j'ai pas de voiture, je fume pas, je me drogue pas, je bois de l'alcool, je fais la fête, j'ai pas de femme, j'ai pas d'enfant, je... Je n'ai pas d'animaux de compagnie. J'ai été aidé par mes parents quand j'ai dû faire l'achat de mon appart. Ça va. Mais c'est une situation privilégiée. Moi, j'ai des collègues qui sont divorcés, qui ont trois gosses, qui ont des bonnes indemnités, qui font le taf, mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Ils font déjà du 70 heures semaine, donc c'est plus, on ne sait pas. Donc effectivement, il y a un peu cette question, une fois de plus, du statut. Siamak, il a fait le choix de rester urgentiste à 60%, parce qu'il veut garder le... le lien avec le concret, avec le quotidien des gens. Il ne veut pas retomber dans le piège du 100% politique. Donc, c'est usant pour lui, mais il le défend bec et ongle. Et en fait, c'est aussi, comment dire... Sur la façon de faire la politique dans notre investissement temporel. Moi, les attributions que j'ai actuellement, je suis en charge de la vie associative, de la jeunesse, de l'éducation populaire, des événements, j'ai un quartier. Ça, c'est mes attributions. Sur le mandat précédent, l'élu qui avait ça, il en avait ça plus d'autres. Et c'était quatre ou cinq collègues aujourd'hui qui se répartissent tout ce qu'il avait comme attribution. Donc on est passé de un élu à cinq pour les mêmes missions. On n'est pas sur la qualité. Vraiment, il fait son taf comme il le fait. Il le faisait. Moi, je bossais pour lui. Je connais ses méthodes. Je connais ses résultats. Ce n'est pas le sujet. C'est juste que nous, en fait, on est sur un mandat de transition. On doit faire évoluer les choses dans une administration qui est plutôt là pour protéger la continuité et dans une époque où on est un peu inquiet sur l'avenir. Donc, on est beaucoup en réunion. On est beaucoup au bureau. On est beaucoup en contact avec... avec l'administration. Et je sais que les élus, avant, ils ne passaient pas autant de temps que nous au centre administratif. Ils étaient en lien avec les partis, ils étaient en lien avec les habitants, ils font les marchés, ils vont au PMU, les sorties d'école, et ainsi de suite. Moi, j'ai... C'est terrible à dire, mais j'ai en fait peu de temps pour voir les habitants. tellement on est dans, ok, on l'a dit, dernier mandat pour le climat, il faut qu'on change la qualité de l'air, il faut qu'on change la santé environnementale, il faut qu'on change les logiques alimentaires, les logiques énergétiques, et en fait en six ans on doit transformer. mais une ville qui n'a pas bougé depuis 40-50 ans. Donc c'est sûr que moi, je n'ai pas trop de temps pour aller jouer aux cartes avec les habitants au café du coin. Et du coup, je passe ma vie en réunion à faire des mails, à prendre des arbitrages, à passer d'un quartier à l'autre tous les week-ends et ainsi de suite. Donc nous, c'est vraiment cette façon différente de réaliser notre mission politique qui fait qu'on a une autre temporalité qu'eux.

  • Speaker #1

    Justement, en fait, moi, quand je vous entendais, Et quand vous dites, on est tout le temps dans son bureau, on est dans notre bureau, en train de faire du programme, en train d'avancer sur ce qu'on fait pour sortir de la crise climatique. Et après, cette question de trait d'union, moi, j'allais vous poser la question, est-ce que vous n'êtes pas un peu des technocrates ? Et comment est-ce qu'on fait le lien avec la politique ?

  • Speaker #0

    J'ai même envie de faire aller plus loin la question. En ayant été agent avant, est-ce que ce n'était pas déjà faire de la politique ?

  • Speaker #2

    En étant agent avant, pour moi, c'est ce que je disais sur mon parcours, c'est faire de l'intérêt général. Est-ce que la politique produit de l'intérêt général ? Je reste sur mes valeurs citoyennes. Quand elle n'est pas encartée, quand elle n'est pas minée par les jeux de gouvernance, par les postures, elle produit de l'intérêt général. La politique, c'est une philosophie abstraite, c'est une vision, une volonté. Et si on veut qu'elle puisse produire de l'intérêt général, elle doit se réaliser par le biais de l'action portée par l'administration. Donc, est-ce qu'on est des technocrates avec ce rapport très réunion-bureau ?

  • Speaker #0

    Donc ouais je pense qu'effectivement coupable avec circonstances atténuantes. D'un côté il faut qu'on fasse évoluer la ville et pour ça il faut qu'on fasse évoluer l'administration. Parfois il faut qu'on fasse évoluer le cadre administratif et légal sur plein de nouveaux enjeux. La ZFE est un bon exemple, zone à faible émission. On a toutes les négociations... très abstraite, technique, maintenant avec l'État, sur les moyens qui nous sont alloués, vu qu'on n'a plus d'impôt direct. Et ensuite, il y a peut-être un biais qui est un peu dans l'identité. de LV, c'est des gens qui savent de quoi ils parlent. C'est souvent des ingénieurs. C'est des gens qui ont de la donnée, qui ont besoin de données, qui transforment des problèmes pour en faire des solutions, qui proposent des choses. Pour ça, il faut faire de l'intelligence collective, il faut faire de la transversalité, ça prend beaucoup plus de temps. Et c'est sûr qu'avant, un élu, il avait son silo d'agent dans l'administration, il disait, vous me faites ça, si vous le faites pas, je gueule, vous gueulez, tout le monde gueule. Nous, on est attendus, tout le monde est... n'est pas au courant de tout, on n'a pas pris une décision complètement conjointe, tout ça. On s'est un peu calmés sur ça, en vrai. Mais, enfin, voilà, il y a un vrai sujet sur ces cultures aussi partisanes, et celle de LV, justement, dans ce côté très... En fait, le GIEC, ça fait depuis les années 70 qu'on sait, et en fait, les données, elles sont là, les statistiques, elles sont là. Voilà une courbe de données scientifiques. Et ben, ouais, ça fait un peu techno, quoi. Mais je dirais plutôt ingénieur que technocrate, du coup.

  • Speaker #1

    Ça semble plus flatteur. Oui, il y a une question que je me posais. Tout à l'heure, on parlait de dégagisme, qui a semblé s'inscrire comme un temps fort en 2020. Mais est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui peut perdurer dans le temps ? Enfin, du moins que cette mouvance citoyenne puisse perdurer dans le temps et donc, d'une certaine manière, s'institutionnaliser, au même titre que des partis qui étaient là depuis un bout de temps ?

  • Speaker #0

    Je vous remercie pour votre question. Il y a deux éléments. Le premier, c'est le dégagisme en lui-même. Et le deuxième, ce que vous décrivez très bien sur les évolutions et le futur potentiel des mouvements citoyens. Le dégagisme, il est... très franco-français, et sans doute maintenant très européen, voire très démocratie moderne. Et en fait, à chaque élection, on veut dégager quelqu'un d'autre, parce qu'il y a toujours de la frustration chez les habitants, de l'incompréhension, de la souffrance, et il faut... un bouc émissaire, les personnalités publiques sont là, elles ne résolvent rien, c'est de pire en pire. Et donc, à un moment, on voulait virer le politique et on s'est dit, les citoyens, on saura le faire nous-mêmes. Voilà. Donc ça, c'était 2020. On voit que le dégagisme actuel, il est plus on va virer les institutions et on va mettre les extrêmes. Donc, on est de toute façon, si ça se trouve, depuis la Révolution française, dans cette volonté de dégagisme, et à chaque fois, c'est la loterie de t'as été nul, Donc maintenant on va essayer quelque chose d'autre, ce qui empêche les actions continue dans le temps, ce qui permet le ping-pong gauche-droite, et ainsi de suite. Donc ça je pense que voilà, on est dans la pire phase de dégagisme de l'histoire, et le problème c'est que ça va peut-être encore s'accumuler, je sais pas dans 15 ans dans quelle phase de dégagisme on va être quoi. Ensuite, je suis pas l'optimiste de l'équipe, c'est les autres. C'est Jeanne qui fait l'optimisme.

  • Speaker #1

    On reviendra.

  • Speaker #0

    Derrière ça, sur le futur des mouvements citoyens. C'est effectivement des mouvements qui, par essence, sont non structurés, ne sont pas là pour la conquête et le maintien, comme les partis. Et du coup, effectivement, tous mes collègues citoyens me disent que la réunion de coordination, je ne peux pas... là parce que j'ai les gosses à chercher. Alors que des gens qui sont dans des parties disent, moi, ma priorité, c'est la politique, ma vie personnelle, les gens qui acceptent d'y être en ont pris acte et c'est eux qui vont chercher les gosses, ou on n'en a pas fait, ou on se voit pas et c'est très bien, c'est acté. On a eu beaucoup de débats sur le pro-perso entre les collègues citoyens au début du mandat. Je vais y revenir. Mais pour vous répondre... Moi, je suis ultra citoyen. C'était, je pense, un des visages de l'investissement citoyen sur la campagne. Je suis revendiqué citoyen. Là, si je suis honnête, je ne peux plus me déclarer citoyen. Je suis élu à plein temps. Ça fait quatre ans. que je n'ai pas fait une réunion avec des citoyens où je ne suis pas perçu en tant qu'élu. Ce n'est pas un métier, c'est une fonction. Donc quand je suis à la boulangerie le dimanche matin, quand je suis dans la rue, quand je suis dans une réunion publique, il y a un adjoint de la ville qui est là. Et même avec toute la bonne volonté et mon investissement pour la cause citoyenne, j'ai l'honnêteté de dire que je ne le suis plus. Du coup, je ne sais pas ce que je suis. Et ça, c'est un autre problème. Et pour vous répondre aussi en complément avec des petites anecdotes, je sais que vous aimez beaucoup ça. Cas d'école. On a pour obligation, en tant qu'adjoint, de faire les conseils d'école. C'est fortement attendu. Donc, moi, j'en ai quatre. J'en ai des collègues qui en ont douze, et ainsi de suite, et ainsi de suite. J'ai une collègue. à un moment, le conseil d'école elle est attendue, ça fait 3 mois que les parents ont des problèmes par rapport à leurs gosses leurs craintes, leurs besoins pour leurs enfants, et elle dit j'y vais pas, parce que moi j'ai mon gosse à moi, qui a ses propres craintes, ses propres besoins qui a besoin de sa mère. Et du coup, est-ce qu'on fait passer son propre enfant avant ou après les 300 enfants qui nous attendent au conseil d'école ? Quand on n'en a pas, c'est plus simple de prendre la décision. Mais après, effectivement, ça a eu un impact concret sur la vie de beaucoup de collègues. Séparation, divorce, le cos qui crise, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et de l'autre côté, notre fonction, c'est comme les avocats. c'est comme les médecins, on ne voit que les gens malades. On ne voit que les gens qui ont des problèmes. Moi, je n'ai pas de mail de bonjour, je vais bien, merci Il y a un problème, c'est inacceptable, vous faites n'importe quoi, merci de régler ça tout de suite. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et en fait, à part peut-être pour les mariages, on voit 95% de gens mécontents, ou qui ont des problèmes, ou qui ont peur, ou qui ont besoin d'être assurés, ou qui ne comprennent pas. Et du coup, on bouffe du poison. Et La question, c'est que quand on rentre chez soi le soir ou quand on va boire un verre avec des amis, est-ce qu'on leur parle de ce qu'on vit ? Ou est-ce qu'on se le garde pour soi ? J'ai des collègues qui disent, moi, ma compagne, mon compagnon, c'est mon psy, mon invocat, mon ami, mon amour, ce que tu veux, je partage tout avec elle. Ok, très bien. L'autre qui dit, non, moi je ne mets pas de poison sur la table en famille, devant mes gosses et tout, c'est mon poison, je ne vais pas le répandre. Et du coup, on a quand même beaucoup de sujets sur l'impact concret de nos fonctions, sur nos vies. Et je termine juste avec un truc, moi, je... Quand j'ai des amis qui m'invitent à un apéro, je lui dis super merci, mais il y a qui autour de la table ? Une association qui veut une subvention, une association qui est déjà subventionnée, quelqu'un qui fait un petit lobby, ou un habitant qui habite dans le quartier qui a une question à me poser. Et à un moment, je vais juste boire un verre. c'est une amie que j'ai pas vu depuis 3-4 ans j'ai 7 personnes qui sont venues à table excuse-moi de te déranger j'en ai pour 2 minutes j'ai un truc à te demander et voilà personnalité publique moi j'ai signé pour j'assume mais il y a plein de collègues qui pour d'autres raisons parce qu'ils ont pas justement ce

  • Speaker #1

    célibat citoyen investi d'intérêt général que j'ai cette capacité à le faire c'est marrant parce que quand vous dites célibat d'intérêt général moi j'ai l'impression que la fonction d'élu ça approche là un peu de ce que d'un prêtre merci Il y a un peu ce truc-là de... En fait, il y a le confessionnel, on garde les idées, on garde ce que les gens nous confient et on ne va pas le sortir. Effectivement, pour l'intérêt général et tout, il vaut mieux être célibataire. Est-ce que c'est un peu le sentiment que vous avez de ce rôle dans la société ?

  • Speaker #0

    La notion de sacerdoce, c'est sûr. Mais comme on le disait, médecins, avocats, prêtres, ça se voit particulièrement, je pense, sur les maires de petites communes. Quand il y a moins de 200 habitants, quand il n'y a pas d'employés. le maire, il est prêtre, psy, juge, avocat, emploi ivoiri, il fait tout. Parce qu'il a signé pour être responsable de tout. C'est le notable contact, le chef du clan, le chef de tribu, je ne sais pas comment dire, mais du coup, oui, on absorbe ça. Après, c'est... Ouais, on prend le pouls de la société, on a accès à énormément d'infos. Pour moi, c'est vraiment ça, être élu, c'est que j'ai accès à beaucoup d'infos, parfois deux semaines avant que le reste des gens l'apprennent, ou des choses que les gens ne comprendront, ne sauront jamais, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et c'est aussi ça qui est très pesant dans le quotidien, c'est qu'on sait trop de choses.

  • Speaker #1

    Mais ce poison dont vous parlez, c'est quelque chose qui vous met en mouvement, qui vous pousse à agir, ou au contraire, qui... Vous immobilisez un petit peu.

  • Speaker #0

    Je pense que sur les deux premières années du mandat, tous les collègues, moi compris, on est là pour aider Strasbourg à aller de l'avant, à se transformer, à répondre aux nouveaux enjeux, et ainsi de suite. Et on y va de façon volontariste. On commence le mandat avec le Covid, l'Ukraine, le gaz, le prix de l'énergie, l'inflation, les économies du gouvernement, ainsi de suite, ainsi de suite. De façon très transparente, je le redis, moi, les anciens élus de cette ville ou d'ailleurs, je n'ai aucune leçon de politique à recevoir de ces gens-là, parce que je pars du principe que, surtout à Strasbourg, on a eu 40 à 50 ans de copier-coller. aucune vision, aucun débat, aucun projet. Les gens, dès qu'ils sont sortis de leur carrière politique, soutenaient les mêmes personnes sur les mêmes listes, sans colonne vertébrale, sans truc, c'était juste des enjeux de pouvoir. Éric Piolle, à Grenoble, il l'a dit très rapidement sur son premier mandat, on a beaucoup discuté avec Grenoble quand on s'est mis en place, en fait, il y a une logique de propriétaire du pouvoir. Et on le ressent, nous, parce qu'on a une opposition, on a des figures importantes de la gauche historique qui organisent des réunions publiques avec En Marche et avec la droite. sans aucune cohérence politique. C'est juste la volonté de reconquérir le pouvoir, parce qu'on nous perçoit souvent comme des erreurs de l'histoire, des anomalies. Il y a une espèce de pouvoir de droit divin en France, où c'était mon tour, ils sont arrivés, c'était une erreur, on va récupérer notre dû très bientôt. Et en fait, on a la chance d'avoir une opposition très cohérente, très unie, mais effectivement, en termes de volonté de nous faire opposition et de récupérer le pouvoir, mais après, en termes de discours, c'est un petit peu plus flou. Du coup, on n'a pas de leçons à recevoir sur ça. On a été très volontaristes au début. On reste très soudés entre nous aussi parce qu'on a un front commun face à nos oppositions. Mais après, oui, l'usure de toutes ces crises qui s'additionnent. Et on est bien dans une posture de... Comment dire ? Ce n'est pas des crises temporaires, éphémères, ce n'est pas des hasards. On est actuellement dans une société de permacrise. Et ce n'est pas un hasard justement si tous les six mois on a un nouveau problème. Et personne n'a jamais été confronté, je pense, depuis 70-80 ans à autant de problèmes additionnés. Je ne sais pas ce qui nous fait encore avancer. Il y a sans doute le devoir, la responsabilité. Il y a des collègues qui ont pris leur distance. Il y a des gens qui ont ralenti. Il y a des gens qui se posent des questions. Il y a des déçus. Mais après, le prêtre, le médecin, l'avocat, l'infirmier, l'infirmière, c'est dans ces moments-là où on a le plus besoin d'eux. Donc, je gère ça entre moi et mes insomnies.

  • Speaker #1

    On est dans un moment démocratique et historique particulier. parce qu'aujourd'hui, on est le 22 juin 2024. Il y a un peu moins de deux semaines, le président de la République a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale. On est en pleine campagne pour les législatives, où il y a deux blocs qui se dégagent et qui sont plutôt très opposés sur les projets qu'ils proposent pour la France. On a une vague du Rassemblement national aux européennes qui a été inouïe. Comment est-ce que vous percevez ça en tant qu'élu ? dans une municipalité, est-ce que ça vous fait peur ? Est-ce que ça va impacter votre travail ? Quels sont vos sentiments aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors, sur la montée des extrêmes... Elle est permanente depuis les années 80. Elle a été même à un moment instrumentalisée, souhaitée, calculée par les partis historiques sur le diviser pour mieux régner. Comme les États-Unis, quand ils font de l'ingérence géopolitique internationale, ils créent un terroriste. Ils pensent qu'ils vont pouvoir le garder sous leur contrôle et régler leurs problèmes comme ça. Et en fait, derrière, on se retrouve avec Daesh. Voilà. En fait, voilà, la séquence fait qu'on a perdu une bataille culturelle. L'extrême droite est devenue la droite, la droite est devenue le centre-droit, l'extrême droite maintenant c'est Éric Zemmour, ce qui permet à plein de gens de dire que non, non, non, Marine Le Pen, bardez-la, ça va. Donc il y a cette bataille culturelle qui a été perdue, et c'est ça le plus grand échec. Et le problème c'est que pour revenir à une situation plus équilibrée, plus démocratique, ça prend 20 ans. Et il faut penser le temps long. Et c'est souvent ça la mission du politique, qui malheureusement ne pense que le temps électoral et prépare la prochaine campagne. Du coup, moi ma crainte principale, c'est sur les jeunes. Dans cette logique de temps long. On a actuellement des jeunes qui ont 16 ans, qui n'ont pas le droit de vote, qui se revendiquent déjà abstentionnistes, et qui vont au meeting du RN. pour faire des selfies avec Jordan. Parce que c'est un objet de fascination, parce que c'est une rockstar, parce que réseaux sociaux, parce qu'il a réussi à mettre ça en place. Et on voit que, même si entre eux, il n'y a toujours pas de programme, si la haine, elle est prégnante, si les propos sont tous condamnables par la loi, même les stratégies entre eux, ça ne fonctionne pas. Marion Maréchal, on ne sait plus où elle est, elle s'engueule avec sa famille, elle s'engueule avec Zemmour, elle s'engueule avec tout le monde. En fait, ce n'est pas grave, parce qu'ils partent du principe qu'ils ont gagné, c'est leur logique de campagne de dire que ce n'est même pas la peine de venir, les gars, c'est gagné, c'est notre tour maintenant. Voilà, on va faire comprendre que non, c'est pas forcément leur tour, la campagne, il faut la faire, il y a plein de choses qui commencent à en sortir, qui sont très intéressantes, mais elle se passe dans un contexte de chaos, qui a été volontairement et stratégiquement mis en place par le président de la République. qui est fortement adepte de ces stratégies de chaos, le ni de gauche ni de droite, je casse les appareils, je casse les mouvements intermédiaires, je casse les assos, je casse les syndicats, je casse le service public, et j'optimise la France pour qu'elle soit compétitive, tout ça. Mais c'est une volonté calculée, stratégique, de peut-être pouvoir revenir au prochain cycle en étant à nouveau une forme d'homme providentiel, c'est de tester aussi les gens, je pense qu'il y a un peu d'égo. là-dedans, il aime pas qu'on l'aime pas. Faut aimer aimer, c'est sûr, quand des gens qu'on les aime, voilà, mais parfois on les aime pas, ils aiment pas. Donc il a pas aimé qu'on l'aime pas, donc il a cassé le jouet, et le problème c'est qu'il fait ça de façon à la fois irresponsable et volontaire. Donc ça paraît que les gens le sentent. Et comment est-ce qu'on peut être crédible politiquement ? quand la personne qui est censée être la plus responsable du pays est la plus irresponsable. C'est un signal délétère. Donc on est sur plein de sujets comme ça, et c'est sûr que nous, on galère déjà sur le terrain à faire comprendre aux gens qu'on est en responsabilité, on fait avec les moyens du bord, on n'a pas de baguette magique, on se bat, on crée des nouveaux sujets comme l'équité territoriale, on redistribue les subventions aux petites et moyennes associations pour qu'elles puissent retourner vers les gens. C'est vraiment ce que... parfois les grandes ne font plus forcément ou pas de la même façon, et ainsi de suite et ainsi de suite. On essaie de développer des réponses pour la jeunesse, mais derrière, on a ça. Donc, c'est... En fonction de la configuration émotionnelle de chacun, il y a d'autres réactions. Que ce soit le déni, la tristesse, la dépression, machin. Moi, je suis plutôt dans la colère comme garçon, côté adolescent qui est toujours un petit peu là. Donc oui, moi, je vais tenir mes bureaux de vote. J'essaie de filer la main sur les campagnes. J'encourage les associations, les syndicats à avoir des expressions politiques. On a eu sur la marge des visibilités, la Gay Pride à Strasbourg, énormément de monde. Ça fait pareil, ça fait maintenant deux, trois ans qu'on a des fréquentations. historique sur cette marche parce qu'on rassure tout le monde, on leur dit que Strasbourg c'est leur ville vous pouvez être là et au-delà du côté festif et visible maintenant, cette marche elle est redevenue politique, il y a eu beaucoup de débats entre les assos sur le slogan, la pancarte, la visite visibilité, le combat, la défense des droits, et pas juste dire on est content, on est là, et on est tous égaux. Parce que cette égalité, elle est menacée. Et du coup, parce qu'on se connaît un peu maintenant et qu'on se dit tout, je vais vous partager une malédiction chinoise que j'aime beaucoup. C'est une malédiction chinoise qui dit je vous souhaite de vivre une époque intéressante. Et une époque pas intéressante, on est couché à 20h, on a fait des mots croisés, on a mangé sa soupe, puis voilà, on est bien. Une époque intéressante, potentiellement, il y a quelqu'un qui défonce la porte avec une hache en parlant une langue étrangère. C'est intéressant.

  • Speaker #1

    C'est ça qu'on se souhaite, Alain ?

  • Speaker #0

    C'est ça qu'on assume de devoir vivre bien malgré nous.

  • Speaker #1

    C'est ça qui vous a poussé, vous a engagé ? Vivre quelque chose d'intéressant ?

  • Speaker #0

    Non, mais moi quand je suis élu, je ne voulais même pas être adjoint. Je me disais, moi je peux aller au CAB, je serais très utile là-bas. On m'a dit, non, non, toi tu es élu. Je me suis dit, ah bon, d'accord. Du coup, moi, ce qui m'a poussé, c'est de voyer un peu mon parcours. C'est des ricochets. J'ai une espèce de direction générale. Mais derrière, c'est les rencontres, les opportunités, les moments, les carrefours. On faisait un truc. Je suis insupportable sur les anecdotes. Je suis désolé. Ah,

  • Speaker #1

    c'est la terre !

  • Speaker #0

    On faisait un exercice avec les services civiques, il y a quelques mois de ça, sur justement la frise temporelle de la bataille des droits. en France, avec toutes les grandes dates qui ont marqué la France ou la question des droits avancés. Et ça rejoint le truc que je peux voir dans d'autres bouquins, séries, télé, ce que vous voulez, sur en fait l'histoire Il y a beaucoup de moments où il ne se passe rien, c'est une espèce d'autoroute, et il y a un moment où pendant 5 à 10 ans, il se passe tout. Et c'est un carrefour où 1789, 1980, le droit des femmes, juste pendant 2-3 ans, on redistribue toutes les cartes. Il y a une période de chaos, big bang, ça part dans tous les sens. Une fois que c'est fait, c'est fait, et on repart pour 15 ans de ok, c'est ça le modèle J'espère secrètement que c'est ça qu'on est en train de vivre, et j'espère secrètement que les cartes qu'on est en train de redistribuer, elles seront au bénéfice de tous les habitants et habitantes de ce pays, quels qu'ils soient, à l'issue de cette parenthèse.

  • Speaker #1

    En tant qu'élu, vous arrivez à engager aussi des citoyens dans ce mouvement, dans ce moment pour abattre les cartes ?

  • Speaker #0

    Là, vous mettez le doigt dans la plaire. On est au cœur du podcast, là. On est au cœur du moment. En fait, parce que je suis maintenant perçu, quoi que je fasse, comme un élu, bien malgré moi, quoi que je dise, quoi que je fasse, je représente l'institution. Donc, si je vais chercher des gens, ils vont être sur une forme de vigilance, de manipulation politique ou autre. Et je ne peux pas leur en vouloir, vu comment les gens ont effectivement été traités. La question, c'est plutôt... Comment est-ce qu'on déclenche l'initiative chez les habitants ? Avec Siamak, avec quelques autres collègues, on est convaincus qu'une politique, d'autant plus de gauche, de changement, ne peut se réaliser que si elle est accompagnée d'un mouvement populaire. Et en fait, on a besoin de nous envoyer le signal, et on a besoin que les gens disent oui, on est d'accord avec ça et on veut la même chose Et après, l'administration, la société, les médias... ils enclenchent. Mais si c'est juste le politique qui décide tout seul, sur une transformation, ça ne prend pas. Donc nous, ce qu'on essaie de faire, via la participation des citoyennes, via la redynamisation du mouvement associatif, de la société civile organisée, c'est de dire aux gens, vous êtes porteurs d'initiatives, vous avez des valeurs, peut-être que... qu'elles rejoignent les nôtres, et peut-être qu'on peut bosser ensemble. Mais ce n'est pas à moi d'aller chercher pour dire, je crée une boucle WhatsApp que je vais administrer, et je vais vous dire un peu le plan de campagne. Ça, je ne fais pas.

  • Speaker #1

    Quelle est votre plus grande réussite en tant qu'élu ? Votre grande fierté ?

  • Speaker #0

    Je vais répondre par thématique par thématique, j'essaie d'en avoir au moins une. Sur le quartier que j'administre, il y a un dialogue avec les habitants. On a réussi à transformer un peu le quartier. Ça fait râler encore un peu de monde dans le quartier, c'est normal. Mais en tout cas, on commence à voir ce qu'il pourrait devenir à la fin. dans les prochaines années. Sur la vie associative, on a une délibération cadre qui est une réponse concrète de soutien aux associations, qui n'est pas dans les logiques du contrat d'engagement républicain. On est dans une logique de simplification administrative, on sécurise les assos, on met en place des conventions pluriannuelles d'objectifs, on le fait avec les centres sociaux, c'est historique. Moi j'ai des mails de coups de fil de toute la France qui me demandent cette délibération pour la reproduire ailleurs. Sur la politique événementielle, c'est que ce ne soit pas juste une politique d'attractivité, de tourisme ou de loisirs, mais que ce soit une vraie politique publique qui réponde à des besoins. On a un dispositif qui s'appelle Touriste dans ma ville, où on a des gens à Strasbourg qui ne sont jamais venus au centre-ville, qui n'ont jamais vu la cathédrale. Maintenant, ils peuvent venir l'été. avec de l'accompagnement social, au centre-ville, visiter gratuitement un musée, manger une glace, en lien avec les associations. On va aussi porter des événements où il n'y en avait pas avant. Il y a du ciné... de plein air ailleurs qu'au centre-ville. Il y a des ciné-plein air au fin fond, des impasses, des ruelles méconnues où il n'y a jamais rien eu. Et par exemple, pendant la période Covid, on est une des seules villes à avoir réussi à maintenir les programmations événementielles. En particulier l'été, on a entre autres le Festival des Arts de la rue. Au lieu de faire une semaine de festival, on avait tous les samedis dans un autre parc, dans un autre quartier, une partie de contenu. Et à un moment, il y avait une déambulation. de comédiens de rue en soucoupe volante déguisés en extraterrestres au fin fond d'un QPV où il n'y a pas eu de culture depuis 40 ans et en fait les habitants étaient à leurs fenêtres ils étaient quand même un peu surpris et contents de voir des trucs mais c'est les comédiens qui ont été le plus surpris, eux qui sont là pour déstabiliser ils ont été vachement plus déstabilisés parce que c'est un coin où il y a des habitants qui promènent une chèvre en laisse et tout ce qui peut se passer dans la magie des QPV où le melting pot est où il y a des gens qui n'ont pas les codes et tout, qui voient arriver des extraterrestres au sens propre, qu'est-ce qui se passe ? Donc on a pu vivre ça. Capitale de Noël, on arrive à transformer l'événement, à le rendre éco-responsable, en tout cas en essai. Et oui, on a 3,3 millions de visiteurs. Ce n'est pas une fierté, on est contents. C'est plus un sujet de vigilance. Mais on n'a pas à rougir sur ce qu'on appelle l'attractivité.

  • Speaker #1

    Et au contraire, quel est votre plus grand regret ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est peut-être d'arriver trop tard, comme on le disait, sur cette bataille culturelle, sur mettre un peu la société. En fait, moi, toutes mes... Toutes mes thématiques, c'est celle du lien social. Les grands rassemblements événementiels, les centres sociaux, la jeunesse, les associations. Je suis l'élu en charge du lien social, ce qui explique que je suis un petit peu chargé au niveau de l'agenda. C'est d'arriver trop tard. C'est des choses qu'on aurait dû faire il y a 20 ans pour empêcher que ce qu'on est en train de vivre, on le vive. Et j'en parlais déjà à l'époque à d'autres élus ou dans d'autres villes de cette vision qu'on développe actuellement. Ça faisait doucement rigoler. Donc moi, je pars du principe que les élus de ce pays sont responsables de l'état du pays. Pas que eux, bien sûr, mais c'était comme quand on était avec le mouvement citoyen, qu'on apportait des solutions qui étaient réalisables. On nous disait non. Comme quand, en fait, on dit l'extrême est en train de monter, on va faire une tribune. Ah, au fait... et on en est où de l'éducation civique dans l'éducation nationale ? C'est une option toutes les 15 jours si le prof est là. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc, il y a un vrai truc à un moment sur tout ce qui a déclenché la montée du mouvement citoyen qui reste d'actualité, mais qui est venu beaucoup trop tard. Et derrière ça... Oui, après il y a bien sûr mon état de santé et mon état d'hygiène corporelle et tout ça. C'est aussi un problème.

  • Speaker #1

    Et vous vous voyez élu encore longtemps ?

  • Speaker #0

    J'assume. Alors je sais qu'il y a beaucoup de démissions sur les fonctions maire et adjoint en 2022-2026. Ça confirme tout ce qu'on dit. C'est des signaux importants, graves. Est-ce qu'il y aura encore des maires pour administrer, pour assumer ces responsabilités et ces coordinations ? dans les années à venir, rien n'est moins sûr. Donc il faut redorer un peu ce blason-là. Moi, j'ai signé pour 6 ans, je resterai pour 6 ans. Après, comme je le disais avant, moi, je n'ai pas fait le choix d'avoir une vie politique. Peut-être que je retournerai mon... d'associatifs, peut-être que je ferai autre chose, peut-être que je remplirai. Voilà, c'est bien sûr des questions que tout le monde me pose. Je vois ça aussi comme un truc plutôt positif sur mon bilan. Les gens me disent Ce serait peut-être intéressant si tu pouvais rester. Je dis Oui, mais d'abord, il faut que j'en parle à mon ulcère. Moi, c'est d'accord. Mais plus sérieusement, c'est écrit pro-perso, santé mentale. Quelle société ? veut accompagner en fait parce que là on se bat pour sauver des choses transformer des choses mais est-ce qu'il n'est pas trop tard et quand justement on développe des politiques jeunesse et qu'on a un vote jeune qui est ultra axé sur les extrêmes parce qu'ils ont peur parce que on leur dit au fait toi le jeune c'est l'avenir de la planète On t'a pas dit, la planète elle est en train de cramer, donc il n'y en aura pas d'avenir. Ah au fait, toi le jeune, faut que tu travailles à l'école pour avoir du taf. Ah au fait, on t'a pas dit, ton taf est remplacé par une intelligence artificielle. Tu vas jamais taffer. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc voilà, et c'est pas pour rien qu'effectivement, ils ont ces réactions-là. La génération climat a très vite été remplacée par la génération extrême. Et dans les deux cas, c'est de la peur. Et dans les deux cas, c'est de l'anxiété. Et en fait, c'est juste la nature de l'anxiété qui change et qui permet d'évoluer sur le bord politique. Mais la base première, c'est que les jeunes ne sont pas intégrés socialement. Ils sont rejetés. sont malmenés et du coup, qu'est-ce qu'on fait pour la suite ?

  • Speaker #1

    Peut-être une dernière petite question, parce qu'on est quand même dans le podcast Vie de maire.

  • Speaker #0

    Vous ne faites pas de promesses que vous ne pouvez pas tenir, il y aura plein de questions encore.

  • Speaker #1

    Oui, je confirme. Comment est-ce que vous concevez l'articulation entre adjoint et maire ?

  • Speaker #0

    Ça dépend de la dimension de la ville, ça dépend de l'ambition, ça dépend du caractère, ça dépend de est-ce que le maire veut monter à Paris à un moment, est-ce que le maire a aussi ses propres envies de messages et d'actions à faire passer. Jeanne, par exemple, elle a fait le choix de s'investir sur la question européenne et relations internationales. Donc, voilà, c'est un peu étrange parce qu'on est à la fois des extensions, des représentants ou des avatars. Être élu... c'est avoir un pouvoir de signature. Ça, c'est la base. La maire, elle a pouvoir de police, pouvoir de signature. Et elle délègue ses pouvoirs de signature à des adjoints, parce qu'il n'y a que 24 heures dans une journée et que personne n'a la connaissance absolue, et ainsi de suite. Donc moi, j'ai mes pouvoirs de signature. Maintenant qu'on a chacun un peu fait nos preuves, on se fait confiance, donc elle me laisse plutôt le champ libre. Si on a un rendez-vous, c'est que j'ai dû faire une bêtise à un moment. Mais c'est vrai que c'est une relation très complexe, parce qu'on est... nous-mêmes investis de son pouvoir, tout en étant son représentant, sa représentante, tout en étant parfois pas d'accord. Enfin, voilà, il y a un côté... Est-ce que vous savez combien il y a de cerveaux dans une pieuvre ? Combien il y a de pieuvres à la pierre ?

  • Speaker #1

    Je ne savais même pas qu'il y en avait plusieurs.

  • Speaker #0

    Il y a neuf. Il y a le cerveau central et chaque tentacule a son propre centre cérébral. Et c'est un peu ça. Oui, Jeanne, c'est bien sûr la centralité, la globalité, mais derrière, il y a une indépendance, une identité qui... se tissent à partir de ce centre-là et qui a sa propre vie. Et chaque tentacule, il est indépendant de l'autre et il vit son truc pour l'usage commun. Donc, il y a un peu un truc comme ça. Et bien sûr, la question qui se pose souvent aussi, c'est... le rôle du CAB. Parce que la mission première d'un cabinet, c'est de protéger et accompagner la maire et la présidente, c'est pas d'accompagner les adjoints. Et beaucoup de collègues se disent, en fait, le CAB, il bosse avec nous, pour nous. Pas du tout ! C'est un autre élément de négociation diplomatie. Et moi, pareil, quand les gens m'interpellent dans la rue, me disent, vous êtes élu, vous avez le pouvoir, j'ai une forme de pouvoir, j'ai surtout des responsabilités. Mais derrière, j'ai une négociation avec la maire, j'ai une négociation avec le cabinet, j'ai une négociation avec l'administration, j'ai une négociation avec les habitants. Et pour moi, c'est ça un peu. C'est qu'on est dans ce côté un peu trait d'union, recherche de points d'équilibre, de diplomatie entre tous ces corps pour avoir une décision qui convienne à tout le monde à la fin.

  • Speaker #2

    Et quel conseil est-ce que vous donneriez à un jeune qui souhaiterait monter une liste en 2026 ?

  • Speaker #0

    Fais-le ! Mais renseigne-toi un petit peu avant. Parce qu'il y a vraiment un effet délétère sur les déceptions, il y a vraiment un effet délétère sur toutes les illusions qu'on peut projeter sur ce que c'est un politique. Et je disais avant que je n'ai pas de leçons à recevoir des élus précédents. Néanmoins, je ne cacherai pas que j'aurais préféré vivre un mandat comme eux l'ont eu, beaucoup plus simple, où l'exercice du pouvoir était beaucoup plus je suis un élu, vous êtes différents maintenant que vous allez faire De toute façon, le plein emploi, on l'a. De toute façon, les impôts, ils sont là. On n'a pas de timer parce qu'il y a une guerre sur le continent, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc, non, non, il faut que les jeunes s'engagent. Après, effectivement, je leur conseillerais de passer, justement, par le milieu associatif avant, pour se confronter à la gouvernance partagée, aux responsabilités partagées, à l'organisation. et pas juste être dans une pulsion d'image, ma tête sur l'affiche.

  • Speaker #1

    Merci, monsieur Livier, pour cette interview aussi intéressante que notre époque.

  • Speaker #0

    Vous êtes un peu chinoise, vous. À bientôt.

  • Speaker #3

    Dans ce podcast, nous mettons souvent en lumière les mers, ces visages visibles, symboles de nos mairies. Mais il ne faut pas oublier la face immergée de l'iceberg. Les adjoints, conseillers municipaux, élus de la majorité ou de l'opposition, qui œuvrent discrètement mais inlassablement pour le bien commun dans leur commune. L'engagement, ce n'est pas qu'un don de soi, c'est aussi un cadeau à soi-même. Une étude publiée récemment par la MRF et l'Observatoire à Maroc le montre. 70% des maires affichent une satisfaction tant qu'élus. S'investir pour les autres, c'est soigner sa santé mentale. Prendre part à un projet collectif, c'est trouver un sens profond à son quotidien. Vivre avec son poison, comme nous le dit Guillaume Lipsig. C'est aussi vivre pleinement une époque intéressante. Car s'engager, c'est une riposte au dégagissement bien. C'est affirmer que notre démocratie peut retrouver ses couleurs, que la confiance peut renaître, que les citoyens peuvent se rassembler. Et en 2026, vous n'aurez pas forcément besoin d'être en tête de liste pour vous aussi. changer les choses. Vous avez écouté ce podcast jusqu'au bout, alors on imagine qu'il vous a plu.

  • Speaker #4

    Pour nous soutenir, laissez-nous des étoiles, des commentaires, partagez l'épisode à vos copains et suivez-nous sur Instagram à Tv2mer.

  • Speaker #3

    Chaque soutien est hyper précieux.

  • Speaker #4

    A bientôt dans une prochaine vie de mère.

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Description

Aujourd'hui, nous ne vous présentons pas UNE Vie de Maire, mais l’UNE DES VIES sans lesquelles l’exercice de leur mandat serait rendu impossible : celle de l’adjoint au maire !


Pour cet épisode spécial, Clémentine et Margot sont parties à la rencontre de Guillaume Libsig, adjoint à la maire de Strasbourg, en charge de la vie associative, l’animation urbaine, la politique événementielle, la politique jeunesse et l’éducation populaire et, pionnier du collectif citoyens qui a constitué le socle de la liste arrivée en tête aux élections municipales de 2020.


Avec Guillaume, on a parlé :

- de monter un collectif municipal citoyen débutant en politique ;

- de la difficulté de mettre de la distance émotionnelle avec sa vie d’élu ;

- de la bataille culturelle à l’heure de la montée de l’extrême droite


Rendez-vous sur Instagram @viedemaire et inscrivez-vous à la newsletter pour être tenu au courant des actualités du podcast et des prochains épisodes.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Vies de Mère.

  • Speaker #1

    Je suis Clémentine Guilbeault de Maison et moi Margot Elkier. Et dans ce podcast, on part à la rencontre des mères de toute la France. Notre but ? Remonter à la racine de leur engagement,

  • Speaker #0

    comprendre leur quotidien, leurs difficultés et leurs réussites. Et peut-être vous donner envie de vous bouger vous aussi pour votre commune.

  • Speaker #2

    Vies de Mère. C'est une sacrée vie de mère.

  • Speaker #0

    21 juin, fête de la musique. Ce n'est pas sans émotion que j'emmène Clémentine à Strasbourg sur les pas de mes années étudiantes. Demain, nous interviewons Jeanne Barzéguian, maire de Strasbourg depuis 2020. Nous la retrouverons le soir même avec quelques-uns de ses adjoints dans les rues de Strasbourg à la recherche du meilleur concert de la soirée.

  • Speaker #2

    Ah oui,

  • Speaker #1

    donc Marco,

  • Speaker #2

    bonjour.

  • Speaker #1

    Et Clémentine,

  • Speaker #2

    bonjour. Le podcast qui nous accompagne. Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Et il faut savoir où il y aurait le plus d'ambiance ce soir à Strasbourg. J'ai dit que tu étais l'homme de la situation.

  • Speaker #0

    Le temps de faire connaissance autour d'un verre, nous nous quittons en nous disant à demain. Malheureusement, la vie de maire est faite de beaucoup d'imprévus et d'obligations. Le lendemain, la directrice de cabinet de Madame la maire nous apprend au dernier moment que celle-ci ne pourra pas nous recevoir. Au dévoté, nous appelons Guillaume Lipsig, rencontré la veille.

  • Speaker #2

    Je suis Guillaume Lipsig, je suis adjoint à la maire, en charge, tenez-vous bien, de la vie associative, la politique jeunesse, la politique événementielle, l'éducation populaire et de trois autres sujets.

  • Speaker #1

    C'est un truc cool.

  • Speaker #0

    Sans tergiverser, il accepte de se prêter au jeu de l'interview vie de maire une heure plus tard. Parce que dans une grande ville, la vie de maire ne serait pas la même sans celle de ses adjoints, nous sommes très heureuses de vous présenter aujourd'hui un épisode spécial de vie d'adjoint à la maire remplie d'anecdotes croustillantes. Avec Guillaume Libzyk, on a parlé de monter un projet municipal dans une métropole avec un collectif citoyen débutant en politique, de la difficulté de mettre la distance émotionnelle avec sa vie d'élu et de la bataille culturelle à l'heure de la montée de l'extrême droite. Bonne écoute.

  • Speaker #1

    Monsieur Lipsic, bonjour. Merci de nous recevoir à Strasbourg dans ce nouvel épisode de Vie de mère. Je vais commencer assez directement. Qu'est-ce que vous rêviez de faire dans votre vie quand vous étiez petit ?

  • Speaker #2

    Alors... deux réponses la première archéologue sous-marin et c'est complètement vrai la deuxième pas de politique et c'est du coup un peu raté mais non non comme tous les gosses j'étais avec les copains à l'école on avait un peu ce qu'on voyait à la télé dans les livres Et ça nous faisait un peu rêver. Moi je viens d'un petit village dû au Rhin, et du coup le maire, c'est le prof, c'est le directeur de l'école, c'est le professeur principal, donc c'est notable qu'il mutualise un peu les fonctions. d'ailleurs il est toujours il est toujours maire la personne qui était mon professeur d'école primaire et du coup maintenant je lui envoie des petites cartes de vœux à Nouvel An et lui aussi et parfois on se voit en réunion c'est assez drôle

  • Speaker #1

    Donc c'est une figure qui vous a inspiré, au final ?

  • Speaker #2

    Je ne dirais pas ça. Moi, mon parcours, il est plutôt autour de la notion d'intérêt général. C'est-à-dire que de 20 à 30 ans, j'étais dans des associations. De 30 à 40 ans, j'étais employé de la collectivité. Alors, je ne suis pas titulaire de la fonction publique, mais j'étais employé de la collectivité par deux fois, plus d'autres structures à connotation culturelle. Et de 40 à 50 ans, je suis élu. Donc je ne sais pas ce que je ferais de 50 à 60. je reste ouvert aux propositions. Mais voilà, moi, c'est toujours avec cette notion d'intérêt général, un peu de coopération, de travail d'équipe que je me suis développé.

  • Speaker #0

    Quelle est votre première émotion liée à la politique ?

  • Speaker #2

    La surprise. C'est-à-dire que sur la... Alors, en tant qu'élu, en tant qu'adolescent qui grandit en France, qui écoute de la musique un peu énervée, qui fait des manifs... portent des t-shirts à message, c'est bien sûr la colère. Mais en tant qu'élu, c'est la surprise. Parce que, comme je le disais, moi j'étais agent de la collectivité, donc j'étais habitué à mon rôle un peu de subalterne ou de preneur de notes. Et avec une équipe politique qui était très verticale. Et en fait, sur la campagne, tout le monde fait un peu de tout. Moi j'ai... Mon côté communication, programmation événementielle était déjà bien sollicité. Donc j'ai aussi organisé les soirées électorales, dont celle de la soirée finale du résultat de campagne. Et donc pendant que l'école est célébrée, moi j'étais encore en train de... Caler des trucs, être sûr que personne ne passe sous un tram, calmer un peu les gens autour, discuter avec les journalistes, enfin voilà quoi. Et en fait, j'ai mis beaucoup de temps à me remettre physiquement de la campagne. Et en vrai, quand on arrive au conseil municipal d'institution, quand Jeanne me met l'écharpe, je m'installe dans mon siège en haut, c'est un siège interdit pour l'ancien agent que j'étais. Et donc je vois mes anciens élus de référence en contrebas, parce que maintenant c'est l'opposition. Et là, j'ai un déclic, je ne comprends pas. C'est le monde à l'envers. Qu'est-ce qui se passe ? J'ai une écharpe. L'ancien premier adjoint est dans la fosse. Et du coup, qu'est-ce qui s'est passé ? Et je me suis dit, ah oui, c'est vrai, j'ai fait une campagne, on a gagné.

  • Speaker #1

    Vous étiez un bon élève quand vous étiez petit ?

  • Speaker #2

    Alors, en termes de potentiel, de capacité communément reconnue par le corps professoral, j'étais dans le top 2 en permanence, toutes catégories confondues. En termes de comportement, j'étais ingérable, je faisais n'importe quoi, je passais ma vie en retenue et en col. Ce qui m'a permis de rentrer dans le club théâtre du collège, parce que du coup le prof de français disait Non, mais on a besoin de lui, il est bon, il fera pas sa col ! Donc j'emmagasinais les heures de col et je les faisais pas. C'est peut-être déjà un peu de politique, c'est-à-dire qu'on est condamné pour des trucs et on le fait pas, je ne sais pas. Mais non, non, mais... Plus sérieusement, on dit aussi souvent que la politique, c'est le meilleur domaine pour ceux qui n'ont pas de diplôme. Parce que justement, il y a un peu cet aspect social, cette culture orale, cette adaptabilité un peu en dehors des cadres. On l'espère aussi, cette capacité à écouter. plus qu'à dire, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais en tout cas, voilà. Donc moi, pour tout vous dire, on commence très fort l'émission, pour tout vous dire, moi j'ai un bac, c'est mon seul diplôme retenu, j'ai deux, trois autres diplômes derrière, des licences, mais qui sont pas reconnues, et du coup, effectivement, j'ai toujours été un peu à ajouter des cordes à mon arc, à partir dans tous les sens, à faire plein d'expériences très diverses. À un moment je disais, j'ai tellement de cordes à mon arc que je peux vous faire de l'arbre là, mais c'est quoi le sujet ? Qu'est-ce qu'on fait ensemble maintenant ? Et c'est aussi comme ça que je suis venu à la politique, c'est en faisant ensemble, on a constitué un collectif citoyen, on y reviendra sans doute plus tard, mais voilà, c'est ça qui m'a fait arriver devant ce micro aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce qu'il s'est formé ce collectif ?

  • Speaker #2

    Alors, il s'est formé par étapes. La première, c'est autour de Siamak Aghababaye, qui est actuellement premier adjoint et premier vice-président, qui est quelqu'un qui évolue en politique depuis sa vie lycéenne, sa vie étudiante. Il a fait les syndicats étudiants, il a tout fait, il était au PS. Et en fait, à un moment, comme beaucoup d'autres, il a claqué la porte du PS. J'ai donné tant d'années de ma vie à ce parti, à ses logiques, et ainsi de suite. Et il a décidé de revenir à la base de la politique, c'est-à-dire d'aller boire des cafés avec les gens. Et du coup, il a bu des cafés avec une bonne quarantaine de personnes. Et je faisais partie de ces personnes, on ne se connaissait pas encore à l'époque. Et ça a directement matché, on s'est rapidement vu trois, quatre fois derrière. Puis à un moment, il me dit, mais en fait, tous ces gens avec qui je discute, ils ont un truc en commun, il faut qu'on les mette ensemble, il faut qu'on les fasse se rencontrer, voir ce qui se passe. Donc là, l'activateur de projet que je suis, cordeau, programmation, organisation, lance la machine. Et puis effectivement, de fil en aiguille, ce groupe de personnes est devenu un collectif qui s'appelait le Labo Citoyen. L'objectif ultime, c'était surtout pas les municipales. Pourquoi pas ? Parce que l'objectif ultime, c'était d'être une agence de notation citoyenne pour évaluer la portée des politiques publiques. Mais sans que ça passe par les triple A, les machins, mais que ça passe vraiment par les habitants, pour les habitants. Mais du coup, avant d'en arriver là, on avait besoin un peu de se trouver. Donc, on avait toute une période de structuration, de dialogue, de recherche un peu de qui on est, qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qu'on fait. Et à un moment, on avait justement cette donnée un peu labo, où on prenait des problèmes identifiés. à la ville de Strasbourg. Grâce à notre réseau très large, on trouvait des solutions, on testait légalement, techniquement, financièrement, et en fait, si tous les voyants ont été au vert, on amenait un dossier sur la table des élus, on disait qu'on a trouvé une solution au problème, elle tient dans votre budget, elle est conforme à la loi, et elle est absorbable dans la charge des agents. Est-ce que vous voulez activer cette solution ? Bien sûr, la réponse était toujours non, parce que ce n'était pas une réponse qui venait des élus, c'était des citoyens. et ainsi de suite. Et en fait, à l'époque, il y avait autour de 2020, la campagne qui se présageait, la notion de dégagisme qui était bien installée avec tout ce refus des anciens partis, des anciennes logiques, qui avait fait que justement, on refusait les municipales. Parce que tout le monde venait chercher Siamak, qui, comme moi, disait moi je suis maintenant membre d'un collectif, donc c'est tout le collectif ou personne Et à chaque fois, il envoyait moi ou des collègues pour discuter avec les partis, qui étaient en proto-négociation, des proto-noyaux, des proto-listes municipales.

  • Speaker #1

    Donc ça c'est quoi, c'est 2018 ?

  • Speaker #2

    Ouais, fin 2018, fin 2019, il y a peut-être un truc sur ça. Et en fait, on... À chaque fois, c'était les mêmes trucs. Ça parle statistique, bassin de vote, fusion au deuxième tour, mais personne sur le projet. Et on avait un petit délire entre nous, c'est que dès que quelqu'un parlait de progressisme, il perdait des points. C'est-à-dire que le progressisme, c'est une notion fax, minitel. C'est le rétro-futur. C'est un truc qui tourne en boucle depuis les années 50, et que le futur des années 50, ce n'est plus le futur des années 2000.

  • Speaker #1

    Vous n'avez pas fait l'union de la gauche ?

  • Speaker #2

    Si, mais en fait, plus tard, d'une autre façon. C'est-à-dire qu'on était complètement déconnectés des municipales et on reçoit un jour un texto d'une dame qui s'appelle Jeanne Barzéguian, qu'on ne connaît pas, et qu'on dit, on va aller boire un café avec elle. Et 15 minutes après, c'était réglé, on avait signé en partenariat.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce qu'elle vous a convaincu ?

  • Speaker #2

    Elle n'a pas prononcé le mot de progressisme. Non, mais c'est le... On a parlé projet, on a parlé vision, on a parlé besoin, on a parlé transversalité, on a parlé lien avec la société civile. Et voilà, on a mis en place très rapidement la logique du débat, du partage, de la coopération, des limites. Et c'était complètement raccord avec tout ce qu'on développait. Et c'est comme ça que le duo Jeanne et Siamak s'est constitué.

  • Speaker #1

    Mais quand Jeanne vient vous voir, elle est sous une étiquette ? À quel titre et elle vous propose quoi concrètement ?

  • Speaker #2

    Alors à l'époque, elle est effectivement porteuse de l'étiquette ELV et celle que son parti a désigné pour y aller. On a des grands anciens ELV comme d'autres partis à Strasbourg, évidemment, mais autour du dégagisme, les partis avaient bien senti qu'il fallait changer la tête. d'affiches. Et du coup, c'est toujours très compliqué parce qu'il y a des gens qui attendaient leur tour depuis 30 ans et ils pensaient que c'était arrivé et en fait, ben non. Et il y avait tout un enjeu de comment intégrer ces personnes, reconnaître leur mérite et leur donner des réponses. dans la nouvelle dynamique. Et ça s'est très bien passé côté ELV. Je crois que c'est un petit peu plus compliqué dans d'autres parties. Mais en tout cas, Jeanne, elle vient avec ce sujet-là. Une fois qu'on avait lancé la campagne, on a créé une assemblée citoyenne qui, du coup, était omnipotente sur l'ensemble de la démarche. Et c'est cette assemblée qui, avant que Jeanne soit officiellement la tête de liste, désigne et valide par vote Jeanne comme tête de liste.

  • Speaker #1

    Il y avait qui dans cette assemblée ?

  • Speaker #2

    Des soutiens, des étudiants, des agents, des citoyens, des gens qui nous suivaient, des amis, des associatifs, des gens justement du spectre un peu gauche très large. C'était assez représentatif. Et on a eu plein de questions sur que faire de cette assemblée citoyenne après la victoire, quand on est en responsabilité. C'est une autre histoire, mais on essaie de garder la chronologie pour ne pas perdre tout le monde. Mais en tout cas, c'est cette assemblée qui a validé la candidature de Jeanne. Et ensuite, on a constitué pendant chaque mois un tiers de la liste via un appel à projet ouvert à toutes et à tous. n'importe qui pouvait candidater pour être sur notre liste. Il y a besoin de 67 places, on avait 130-140 signatures. Et du coup, dans cette époque très 2020, on avait des gens issus vraiment des retraités qui n'ont jamais vu ou fait de politique, des femmes de ménage, des universitaires, des associatifs radicaux, des grands neutres. Voilà, on avait vraiment de tout. Et c'est aussi, bien sûr, la relation au parti qui était très intéressante à équilibrer. Parce que du coup, au final... Il y a donc ELV, Place Publique, le Parti Communiste, Génération, le collectif des Alsaciens un peu de gauche. Vous savez qu'en Alsace, on a un peu des partis autonomistes et autres, mais il y en a aussi qui sont un peu plus à gauche. Des citoyens, évidemment. Le Parti Socialiste, qui a donc refusé la fusion, la négociation, lui, il est plus dans une logique de c'est moi qui vous absorbe En fait, non. Et du coup, voilà. Donc... C'était très, très, très large. Et c'est aussi ça qui nous a permis de gagner. C'est une dynamique positive, transparente, volontaire, partagée, qui a une liste à l'image de la ville. Et je crois que sur les dix grandes villes de France, on doit être la seule à avoir une femme voilée dans le conseil municipal, des personnes de tous âges. sur les 15-16 adjoints qu'on est, je pense qu'on est 10 à être non encartés.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez fait pour faire l'ordre au sein de la liste ? Enfin, deux questions. Comment vous avez fait pour aller chercher ces gens-là, c'est-à-dire les 130 qui ont candidaté ? Comment vous les avez avertis de toute la démarche qu'il y avait en cours en termes de citoyenneté sur la création de cette liste ? Et après, comment est-ce que vous avez fait l'ordre au sein de la liste ?

  • Speaker #2

    Effectivement, il y a... Plein d'étapes dans une campagne. La première, c'est la constitution, l'accord. La deuxième, c'est la conquête, la campagne elle-même. Et la troisième, c'est la préparation à la gestion du pouvoir. Sur la constitution, c'était très large, très visible, parce qu'en plus, il y avait plein de feuilletons médiatiques. L'ancienne municipalité tenue par Roland Ries, c'était une liste PS. À l'arrivée fin de mandat, il y avait six listes différentes dans son groupe, tout le monde s'est barré, le macronisme a fait son œuvre, ainsi de suite. Strasbourg, c'est un petit échiquier politique et médiatique, donc tout le monde est un peu connu, il y a régulièrement des articles, enfin voilà, ça... le casting est assez simple à suivre, on peut feuilletonner. Et du coup, c'est aussi une campagne, c'est-à-dire que c'est l'élection la plus proche des gens, les gens s'intéressent, les locaux de campagne ont pignon sur rue, les réseaux sociaux... et ainsi de suite. Franchement, on n'a pas eu de mal sur le recrutement. Bien sûr, il y a des gens qui ont un peu dit ce serait bien si tu pouvais candidater en sachant que derrière, sur chaque candidature, il y a deux étapes. Vérifier que la candidature est cadrée, c'est-à-dire casier judiciaire, jour de papier, parité, ancienneté, tous ces sujets plutôt administratifs qu'on doit rendre sur le dossier préfecture. Et ensuite, effectivement, le rôle dans la campagne, le qui fait quoi. Et le classement de la liste de campagne, il n'a rien à voir avec le classement qu'on aura sur la gouvernance une fois élue. La parité, elle est obligatoire 1-2, 1-2, 1-2 sur une liste de campagne. Bien sûr, il y a une tête de liste. En gros, le numéro 1 est important. Peut-être de l'élite, le dernier, c'est plutôt le signal de je ne veux pas être élu, mais je suis un soutien important Et au milieu, c'est les gens. L'ancien premier adjoint, sous le mandat précédent, il était, je crois, 40 places, 40-47, et puis il était premier adjoint. Et donc, une fois qu'on est élu, la parité, elle est plus sur le global. Ce n'est pas un homme, une femme, un homme, une femme. On peut mettre 19 hommes devant, une femme derrière et 18 autres derrière. Voilà. Nous, on a quand même maintenu la parité. Et donc, oui, une campagne, c'est usant, c'est violent, en externe. Et il y a des moments en interne où c'est un petit peu usant-violent aussi, sur ces phases de négociation, les pulsions, les ambitions, les relations, la fatigue, l'usure. Ce n'est pas des moments simples de se mettre d'accord sur l'ordre et ainsi de suite.

  • Speaker #0

    Et l'exercice du pouvoir ensuite, une fois que vous avez été élu, était plus simple ?

  • Speaker #2

    Oui et non. En fait, une campagne, c'est une dynamique de conquête. Et tout le monde est dans le même bateau, on avance, il y a un objectif commun, et on met nos énergies ensemble. Quel que soit le parti, quelle que soit la ville, quelle ville, campagne, voilà. L'exercice du pouvoir, là, c'est OK. voilà ton portefeuille, voilà ton ordinateur, voilà tes missions, pars sur ton autoroute. Ah, au fait, il y a ton collègue qui a aussi son bureau, son ordinateur, ses missions, il y a un truc que t'es en train de faire, ça l'embête fortement, il y a une tension entre les deux. Ah, il voulait ton poste, au fait, gnagnagna, gnagnagna, et ainsi de suite. Strasbourg ailleurs, j'invente rien. Mais c'est surtout qu'on doit passer d'un mode très dynamique sur le terrain contact direct à les relations qu'on a sont cadrées administrativement et légalement. Nos réalisations dépendent de l'administration. Il y a tout un cadre aussi à mettre en place. Strasbourg, c'est une ville qui était ultra stable. Ça fait 40 ans que gauche-droite, centre, c'est le centre qui gagne la ville depuis des années, avec des personnes très proches politiquement et qui n'ont pas vraiment d'autres tensions. entre elles que c'est moi le chef ou non c'est moi le chef. Derrière ça, l'administration, quand elle voit l'arc-en-ciel de gauche arriver avec des citoyens de tous âges, de tous bords, alors qu'elle est habituée à un truc assez système. systématique depuis 40 ans, elle n'est pas rassurée non plus. Donc il y a eu toute une phase où on devait d'abord voir le directeur général des services, puis les directeurs et directrices générales adjointes, puis les directeurs des services. À un moment, peut-être un an et demi après, on a le droit de rencontrer les agents. Ça a pris du temps. Parce que tout le monde a besoin d'être assuré. Nous, on a besoin aussi de s'approprier ses fonctions, comprendre ce que c'est une feuille de route, comprendre ce que c'est un cadre, comprendre les obligations des élus, et ainsi de suite. Pareil, il n'y a pas d'école pour ça. Donc, moi et quelques autres, on connaissait l'intérieur de la maison, on avait déjà nos expériences, mais les 4-5e de la liste sont grands débutants. Donc, il y a plein de projections sur ce que c'est être élu. le pouvoir, la capacité à faire, à décider. En fait, dans le réel, tu te rends compte que c'est surtout la capacité à négocier avec l'administration sur les budgets, les ressources, le temps, l'obligation légale, faire comprendre aux habitants que mettre une aire de jeu sur un terrain vague, ça prend quatre ans. Donc l'enfant pour lequel on veut le faire, ce sera peut-être même plus dans le quartier qu'on aura fait le toboggan, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc beaucoup de déconvenus, beaucoup de... de tensions sur les premières années. Et bien entendu, le jeu politique d'une opposition de vieux briscards qui, eux, attaquent sur les procès en compétence. C'était un peu leur stratégie de début de mandat.

  • Speaker #1

    Est-ce que, après, avec cette espérance-là, vous comprenez pourquoi il y en a certains qui disent que la politique, ça doit être un métier ?

  • Speaker #2

    Oui, mais je comprends qu'on puisse dire ça, mais moi, ma réponse, c'est plutôt que la politique, ça doit avant tout être un statut. C'est-à-dire que, nous, un truc qu'on a fait... Jeanne, elle a baissé ses indemnités pour mieux redistribuer un peu les enveloppes. Et on voulait que chaque collègue élu ait une fonction, ait une mission. Donc on a des conseillers municipaux délégués, chaque conseiller municipal a une attribution. Avant, c'est juste maire et adjoint, c'est là que ça se passe. Les conseillers municipaux, ils sont là pour le vote, pour filer les coups de main sur les mariages, les commissions de sécurité. Nous, on a donné des missions à tout le monde. Sauf que le cadre légal fait que la... L'indemnité de ces conseils municipaux délégués, c'est de l'argent de poche. Et quand on est élu, c'est quasiment possible de trouver du travail. Les horaires, c'est pas forcément compatible avec chercher les gosses à l'école. Et derrière ça, du coup, on se retrouve avec plus de responsabilités, plus de soucis, plus de complexités, plus d'obligations et moins de revenus. Et du coup, on l'a vu aussi récemment à Poitiers, avec la maire Léonore Monconduit qui est donc... Elle a été enceinte, elle a pris ce qui n'est pas un congé maternité, mais du coup elle a dû se mettre en retrait, elle a perdu toutes ses indemnités, et c'est son équipe qui a fait l'intérim le temps qu'elle puisse revenir. Mais effectivement, pour moi c'est déjà le statut, parce que la notion de métier, il y a aussi la notion de formation, c'est-à-dire qu'à ce moment-là il n'y aura que Juste Tianspo qui ferait de la politique. Et pour qu'on puisse avoir justement la société civile, les expertises diverses, Les gens qui puissent passer d'un côté ou de l'autre de la barrière, encourager les gens à s'investir, à mieux comprendre ce qu'on est, ce qu'on fait, c'est le statut. Moi, il y a plein de gens qui me disent Vous, vous êtes élu, vous avez la vie simple. Ce n'est pas un métier, c'est une fonction. Je n'ai pas d'assurance chômage, je n'ai pas d'assurance maladie. On a des caisses retraites qui ont été créées juste pour les élus. On a les chômages de caisses retraites. Je n'ai pas de réduction à la cantine parce que je ne suis personne extérieure. pas mal de temps dans mon bureau, pas loin de la cantine quand même. On n'a pas de réduction sur les forfaits de mobilité, je n'ai pas de réduction tram, vélo, quoi que ce soit, donc on n'a rien. Et la chance qu'on a, c'est d'être dans une ville de plus de 300 000 habitants, avec une métropole, ce qui me permet d'avoir mes indemnités qui me permettent de vivre. Je croise d'autres collègues à des congrès, en séminaire à gauche à droite, ou même en voyageant. Je discutais un jour avec un élu de la région de Toulon, qui était aussi à la métropole. Il me dit, moi, j'ai mes indemnités d'élu, mais je dois avoir deux taffes derrière. Donc, métier pour moi, c'est parcours, c'est cloisonner, c'est un peu former, c'est un peu de l'entre-soi. Commençons par... par le statut.

  • Speaker #1

    Et vous, vous arrivez à vivre correctement avec ce que vous touchez maintenant ?

  • Speaker #2

    Ouais, vu que c'est un peu le... Je crois que le concept de votre émission, c'est de parler un peu de la vraie vie, des coulisses. Tout à fait. Parler un peu d'intimité. Bon, moi, j'ai pas de voiture, je fume pas, je me drogue pas, je bois de l'alcool, je fais la fête, j'ai pas de femme, j'ai pas d'enfant, je... Je n'ai pas d'animaux de compagnie. J'ai été aidé par mes parents quand j'ai dû faire l'achat de mon appart. Ça va. Mais c'est une situation privilégiée. Moi, j'ai des collègues qui sont divorcés, qui ont trois gosses, qui ont des bonnes indemnités, qui font le taf, mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Ils font déjà du 70 heures semaine, donc c'est plus, on ne sait pas. Donc effectivement, il y a un peu cette question, une fois de plus, du statut. Siamak, il a fait le choix de rester urgentiste à 60%, parce qu'il veut garder le... le lien avec le concret, avec le quotidien des gens. Il ne veut pas retomber dans le piège du 100% politique. Donc, c'est usant pour lui, mais il le défend bec et ongle. Et en fait, c'est aussi, comment dire... Sur la façon de faire la politique dans notre investissement temporel. Moi, les attributions que j'ai actuellement, je suis en charge de la vie associative, de la jeunesse, de l'éducation populaire, des événements, j'ai un quartier. Ça, c'est mes attributions. Sur le mandat précédent, l'élu qui avait ça, il en avait ça plus d'autres. Et c'était quatre ou cinq collègues aujourd'hui qui se répartissent tout ce qu'il avait comme attribution. Donc on est passé de un élu à cinq pour les mêmes missions. On n'est pas sur la qualité. Vraiment, il fait son taf comme il le fait. Il le faisait. Moi, je bossais pour lui. Je connais ses méthodes. Je connais ses résultats. Ce n'est pas le sujet. C'est juste que nous, en fait, on est sur un mandat de transition. On doit faire évoluer les choses dans une administration qui est plutôt là pour protéger la continuité et dans une époque où on est un peu inquiet sur l'avenir. Donc, on est beaucoup en réunion. On est beaucoup au bureau. On est beaucoup en contact avec... avec l'administration. Et je sais que les élus, avant, ils ne passaient pas autant de temps que nous au centre administratif. Ils étaient en lien avec les partis, ils étaient en lien avec les habitants, ils font les marchés, ils vont au PMU, les sorties d'école, et ainsi de suite. Moi, j'ai... C'est terrible à dire, mais j'ai en fait peu de temps pour voir les habitants. tellement on est dans, ok, on l'a dit, dernier mandat pour le climat, il faut qu'on change la qualité de l'air, il faut qu'on change la santé environnementale, il faut qu'on change les logiques alimentaires, les logiques énergétiques, et en fait en six ans on doit transformer. mais une ville qui n'a pas bougé depuis 40-50 ans. Donc c'est sûr que moi, je n'ai pas trop de temps pour aller jouer aux cartes avec les habitants au café du coin. Et du coup, je passe ma vie en réunion à faire des mails, à prendre des arbitrages, à passer d'un quartier à l'autre tous les week-ends et ainsi de suite. Donc nous, c'est vraiment cette façon différente de réaliser notre mission politique qui fait qu'on a une autre temporalité qu'eux.

  • Speaker #1

    Justement, en fait, moi, quand je vous entendais, Et quand vous dites, on est tout le temps dans son bureau, on est dans notre bureau, en train de faire du programme, en train d'avancer sur ce qu'on fait pour sortir de la crise climatique. Et après, cette question de trait d'union, moi, j'allais vous poser la question, est-ce que vous n'êtes pas un peu des technocrates ? Et comment est-ce qu'on fait le lien avec la politique ?

  • Speaker #0

    J'ai même envie de faire aller plus loin la question. En ayant été agent avant, est-ce que ce n'était pas déjà faire de la politique ?

  • Speaker #2

    En étant agent avant, pour moi, c'est ce que je disais sur mon parcours, c'est faire de l'intérêt général. Est-ce que la politique produit de l'intérêt général ? Je reste sur mes valeurs citoyennes. Quand elle n'est pas encartée, quand elle n'est pas minée par les jeux de gouvernance, par les postures, elle produit de l'intérêt général. La politique, c'est une philosophie abstraite, c'est une vision, une volonté. Et si on veut qu'elle puisse produire de l'intérêt général, elle doit se réaliser par le biais de l'action portée par l'administration. Donc, est-ce qu'on est des technocrates avec ce rapport très réunion-bureau ?

  • Speaker #0

    Donc ouais je pense qu'effectivement coupable avec circonstances atténuantes. D'un côté il faut qu'on fasse évoluer la ville et pour ça il faut qu'on fasse évoluer l'administration. Parfois il faut qu'on fasse évoluer le cadre administratif et légal sur plein de nouveaux enjeux. La ZFE est un bon exemple, zone à faible émission. On a toutes les négociations... très abstraite, technique, maintenant avec l'État, sur les moyens qui nous sont alloués, vu qu'on n'a plus d'impôt direct. Et ensuite, il y a peut-être un biais qui est un peu dans l'identité. de LV, c'est des gens qui savent de quoi ils parlent. C'est souvent des ingénieurs. C'est des gens qui ont de la donnée, qui ont besoin de données, qui transforment des problèmes pour en faire des solutions, qui proposent des choses. Pour ça, il faut faire de l'intelligence collective, il faut faire de la transversalité, ça prend beaucoup plus de temps. Et c'est sûr qu'avant, un élu, il avait son silo d'agent dans l'administration, il disait, vous me faites ça, si vous le faites pas, je gueule, vous gueulez, tout le monde gueule. Nous, on est attendus, tout le monde est... n'est pas au courant de tout, on n'a pas pris une décision complètement conjointe, tout ça. On s'est un peu calmés sur ça, en vrai. Mais, enfin, voilà, il y a un vrai sujet sur ces cultures aussi partisanes, et celle de LV, justement, dans ce côté très... En fait, le GIEC, ça fait depuis les années 70 qu'on sait, et en fait, les données, elles sont là, les statistiques, elles sont là. Voilà une courbe de données scientifiques. Et ben, ouais, ça fait un peu techno, quoi. Mais je dirais plutôt ingénieur que technocrate, du coup.

  • Speaker #1

    Ça semble plus flatteur. Oui, il y a une question que je me posais. Tout à l'heure, on parlait de dégagisme, qui a semblé s'inscrire comme un temps fort en 2020. Mais est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui peut perdurer dans le temps ? Enfin, du moins que cette mouvance citoyenne puisse perdurer dans le temps et donc, d'une certaine manière, s'institutionnaliser, au même titre que des partis qui étaient là depuis un bout de temps ?

  • Speaker #0

    Je vous remercie pour votre question. Il y a deux éléments. Le premier, c'est le dégagisme en lui-même. Et le deuxième, ce que vous décrivez très bien sur les évolutions et le futur potentiel des mouvements citoyens. Le dégagisme, il est... très franco-français, et sans doute maintenant très européen, voire très démocratie moderne. Et en fait, à chaque élection, on veut dégager quelqu'un d'autre, parce qu'il y a toujours de la frustration chez les habitants, de l'incompréhension, de la souffrance, et il faut... un bouc émissaire, les personnalités publiques sont là, elles ne résolvent rien, c'est de pire en pire. Et donc, à un moment, on voulait virer le politique et on s'est dit, les citoyens, on saura le faire nous-mêmes. Voilà. Donc ça, c'était 2020. On voit que le dégagisme actuel, il est plus on va virer les institutions et on va mettre les extrêmes. Donc, on est de toute façon, si ça se trouve, depuis la Révolution française, dans cette volonté de dégagisme, et à chaque fois, c'est la loterie de t'as été nul, Donc maintenant on va essayer quelque chose d'autre, ce qui empêche les actions continue dans le temps, ce qui permet le ping-pong gauche-droite, et ainsi de suite. Donc ça je pense que voilà, on est dans la pire phase de dégagisme de l'histoire, et le problème c'est que ça va peut-être encore s'accumuler, je sais pas dans 15 ans dans quelle phase de dégagisme on va être quoi. Ensuite, je suis pas l'optimiste de l'équipe, c'est les autres. C'est Jeanne qui fait l'optimisme.

  • Speaker #1

    On reviendra.

  • Speaker #0

    Derrière ça, sur le futur des mouvements citoyens. C'est effectivement des mouvements qui, par essence, sont non structurés, ne sont pas là pour la conquête et le maintien, comme les partis. Et du coup, effectivement, tous mes collègues citoyens me disent que la réunion de coordination, je ne peux pas... là parce que j'ai les gosses à chercher. Alors que des gens qui sont dans des parties disent, moi, ma priorité, c'est la politique, ma vie personnelle, les gens qui acceptent d'y être en ont pris acte et c'est eux qui vont chercher les gosses, ou on n'en a pas fait, ou on se voit pas et c'est très bien, c'est acté. On a eu beaucoup de débats sur le pro-perso entre les collègues citoyens au début du mandat. Je vais y revenir. Mais pour vous répondre... Moi, je suis ultra citoyen. C'était, je pense, un des visages de l'investissement citoyen sur la campagne. Je suis revendiqué citoyen. Là, si je suis honnête, je ne peux plus me déclarer citoyen. Je suis élu à plein temps. Ça fait quatre ans. que je n'ai pas fait une réunion avec des citoyens où je ne suis pas perçu en tant qu'élu. Ce n'est pas un métier, c'est une fonction. Donc quand je suis à la boulangerie le dimanche matin, quand je suis dans la rue, quand je suis dans une réunion publique, il y a un adjoint de la ville qui est là. Et même avec toute la bonne volonté et mon investissement pour la cause citoyenne, j'ai l'honnêteté de dire que je ne le suis plus. Du coup, je ne sais pas ce que je suis. Et ça, c'est un autre problème. Et pour vous répondre aussi en complément avec des petites anecdotes, je sais que vous aimez beaucoup ça. Cas d'école. On a pour obligation, en tant qu'adjoint, de faire les conseils d'école. C'est fortement attendu. Donc, moi, j'en ai quatre. J'en ai des collègues qui en ont douze, et ainsi de suite, et ainsi de suite. J'ai une collègue. à un moment, le conseil d'école elle est attendue, ça fait 3 mois que les parents ont des problèmes par rapport à leurs gosses leurs craintes, leurs besoins pour leurs enfants, et elle dit j'y vais pas, parce que moi j'ai mon gosse à moi, qui a ses propres craintes, ses propres besoins qui a besoin de sa mère. Et du coup, est-ce qu'on fait passer son propre enfant avant ou après les 300 enfants qui nous attendent au conseil d'école ? Quand on n'en a pas, c'est plus simple de prendre la décision. Mais après, effectivement, ça a eu un impact concret sur la vie de beaucoup de collègues. Séparation, divorce, le cos qui crise, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et de l'autre côté, notre fonction, c'est comme les avocats. c'est comme les médecins, on ne voit que les gens malades. On ne voit que les gens qui ont des problèmes. Moi, je n'ai pas de mail de bonjour, je vais bien, merci Il y a un problème, c'est inacceptable, vous faites n'importe quoi, merci de régler ça tout de suite. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et en fait, à part peut-être pour les mariages, on voit 95% de gens mécontents, ou qui ont des problèmes, ou qui ont peur, ou qui ont besoin d'être assurés, ou qui ne comprennent pas. Et du coup, on bouffe du poison. Et La question, c'est que quand on rentre chez soi le soir ou quand on va boire un verre avec des amis, est-ce qu'on leur parle de ce qu'on vit ? Ou est-ce qu'on se le garde pour soi ? J'ai des collègues qui disent, moi, ma compagne, mon compagnon, c'est mon psy, mon invocat, mon ami, mon amour, ce que tu veux, je partage tout avec elle. Ok, très bien. L'autre qui dit, non, moi je ne mets pas de poison sur la table en famille, devant mes gosses et tout, c'est mon poison, je ne vais pas le répandre. Et du coup, on a quand même beaucoup de sujets sur l'impact concret de nos fonctions, sur nos vies. Et je termine juste avec un truc, moi, je... Quand j'ai des amis qui m'invitent à un apéro, je lui dis super merci, mais il y a qui autour de la table ? Une association qui veut une subvention, une association qui est déjà subventionnée, quelqu'un qui fait un petit lobby, ou un habitant qui habite dans le quartier qui a une question à me poser. Et à un moment, je vais juste boire un verre. c'est une amie que j'ai pas vu depuis 3-4 ans j'ai 7 personnes qui sont venues à table excuse-moi de te déranger j'en ai pour 2 minutes j'ai un truc à te demander et voilà personnalité publique moi j'ai signé pour j'assume mais il y a plein de collègues qui pour d'autres raisons parce qu'ils ont pas justement ce

  • Speaker #1

    célibat citoyen investi d'intérêt général que j'ai cette capacité à le faire c'est marrant parce que quand vous dites célibat d'intérêt général moi j'ai l'impression que la fonction d'élu ça approche là un peu de ce que d'un prêtre merci Il y a un peu ce truc-là de... En fait, il y a le confessionnel, on garde les idées, on garde ce que les gens nous confient et on ne va pas le sortir. Effectivement, pour l'intérêt général et tout, il vaut mieux être célibataire. Est-ce que c'est un peu le sentiment que vous avez de ce rôle dans la société ?

  • Speaker #0

    La notion de sacerdoce, c'est sûr. Mais comme on le disait, médecins, avocats, prêtres, ça se voit particulièrement, je pense, sur les maires de petites communes. Quand il y a moins de 200 habitants, quand il n'y a pas d'employés. le maire, il est prêtre, psy, juge, avocat, emploi ivoiri, il fait tout. Parce qu'il a signé pour être responsable de tout. C'est le notable contact, le chef du clan, le chef de tribu, je ne sais pas comment dire, mais du coup, oui, on absorbe ça. Après, c'est... Ouais, on prend le pouls de la société, on a accès à énormément d'infos. Pour moi, c'est vraiment ça, être élu, c'est que j'ai accès à beaucoup d'infos, parfois deux semaines avant que le reste des gens l'apprennent, ou des choses que les gens ne comprendront, ne sauront jamais, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et c'est aussi ça qui est très pesant dans le quotidien, c'est qu'on sait trop de choses.

  • Speaker #1

    Mais ce poison dont vous parlez, c'est quelque chose qui vous met en mouvement, qui vous pousse à agir, ou au contraire, qui... Vous immobilisez un petit peu.

  • Speaker #0

    Je pense que sur les deux premières années du mandat, tous les collègues, moi compris, on est là pour aider Strasbourg à aller de l'avant, à se transformer, à répondre aux nouveaux enjeux, et ainsi de suite. Et on y va de façon volontariste. On commence le mandat avec le Covid, l'Ukraine, le gaz, le prix de l'énergie, l'inflation, les économies du gouvernement, ainsi de suite, ainsi de suite. De façon très transparente, je le redis, moi, les anciens élus de cette ville ou d'ailleurs, je n'ai aucune leçon de politique à recevoir de ces gens-là, parce que je pars du principe que, surtout à Strasbourg, on a eu 40 à 50 ans de copier-coller. aucune vision, aucun débat, aucun projet. Les gens, dès qu'ils sont sortis de leur carrière politique, soutenaient les mêmes personnes sur les mêmes listes, sans colonne vertébrale, sans truc, c'était juste des enjeux de pouvoir. Éric Piolle, à Grenoble, il l'a dit très rapidement sur son premier mandat, on a beaucoup discuté avec Grenoble quand on s'est mis en place, en fait, il y a une logique de propriétaire du pouvoir. Et on le ressent, nous, parce qu'on a une opposition, on a des figures importantes de la gauche historique qui organisent des réunions publiques avec En Marche et avec la droite. sans aucune cohérence politique. C'est juste la volonté de reconquérir le pouvoir, parce qu'on nous perçoit souvent comme des erreurs de l'histoire, des anomalies. Il y a une espèce de pouvoir de droit divin en France, où c'était mon tour, ils sont arrivés, c'était une erreur, on va récupérer notre dû très bientôt. Et en fait, on a la chance d'avoir une opposition très cohérente, très unie, mais effectivement, en termes de volonté de nous faire opposition et de récupérer le pouvoir, mais après, en termes de discours, c'est un petit peu plus flou. Du coup, on n'a pas de leçons à recevoir sur ça. On a été très volontaristes au début. On reste très soudés entre nous aussi parce qu'on a un front commun face à nos oppositions. Mais après, oui, l'usure de toutes ces crises qui s'additionnent. Et on est bien dans une posture de... Comment dire ? Ce n'est pas des crises temporaires, éphémères, ce n'est pas des hasards. On est actuellement dans une société de permacrise. Et ce n'est pas un hasard justement si tous les six mois on a un nouveau problème. Et personne n'a jamais été confronté, je pense, depuis 70-80 ans à autant de problèmes additionnés. Je ne sais pas ce qui nous fait encore avancer. Il y a sans doute le devoir, la responsabilité. Il y a des collègues qui ont pris leur distance. Il y a des gens qui ont ralenti. Il y a des gens qui se posent des questions. Il y a des déçus. Mais après, le prêtre, le médecin, l'avocat, l'infirmier, l'infirmière, c'est dans ces moments-là où on a le plus besoin d'eux. Donc, je gère ça entre moi et mes insomnies.

  • Speaker #1

    On est dans un moment démocratique et historique particulier. parce qu'aujourd'hui, on est le 22 juin 2024. Il y a un peu moins de deux semaines, le président de la République a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale. On est en pleine campagne pour les législatives, où il y a deux blocs qui se dégagent et qui sont plutôt très opposés sur les projets qu'ils proposent pour la France. On a une vague du Rassemblement national aux européennes qui a été inouïe. Comment est-ce que vous percevez ça en tant qu'élu ? dans une municipalité, est-ce que ça vous fait peur ? Est-ce que ça va impacter votre travail ? Quels sont vos sentiments aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors, sur la montée des extrêmes... Elle est permanente depuis les années 80. Elle a été même à un moment instrumentalisée, souhaitée, calculée par les partis historiques sur le diviser pour mieux régner. Comme les États-Unis, quand ils font de l'ingérence géopolitique internationale, ils créent un terroriste. Ils pensent qu'ils vont pouvoir le garder sous leur contrôle et régler leurs problèmes comme ça. Et en fait, derrière, on se retrouve avec Daesh. Voilà. En fait, voilà, la séquence fait qu'on a perdu une bataille culturelle. L'extrême droite est devenue la droite, la droite est devenue le centre-droit, l'extrême droite maintenant c'est Éric Zemmour, ce qui permet à plein de gens de dire que non, non, non, Marine Le Pen, bardez-la, ça va. Donc il y a cette bataille culturelle qui a été perdue, et c'est ça le plus grand échec. Et le problème c'est que pour revenir à une situation plus équilibrée, plus démocratique, ça prend 20 ans. Et il faut penser le temps long. Et c'est souvent ça la mission du politique, qui malheureusement ne pense que le temps électoral et prépare la prochaine campagne. Du coup, moi ma crainte principale, c'est sur les jeunes. Dans cette logique de temps long. On a actuellement des jeunes qui ont 16 ans, qui n'ont pas le droit de vote, qui se revendiquent déjà abstentionnistes, et qui vont au meeting du RN. pour faire des selfies avec Jordan. Parce que c'est un objet de fascination, parce que c'est une rockstar, parce que réseaux sociaux, parce qu'il a réussi à mettre ça en place. Et on voit que, même si entre eux, il n'y a toujours pas de programme, si la haine, elle est prégnante, si les propos sont tous condamnables par la loi, même les stratégies entre eux, ça ne fonctionne pas. Marion Maréchal, on ne sait plus où elle est, elle s'engueule avec sa famille, elle s'engueule avec Zemmour, elle s'engueule avec tout le monde. En fait, ce n'est pas grave, parce qu'ils partent du principe qu'ils ont gagné, c'est leur logique de campagne de dire que ce n'est même pas la peine de venir, les gars, c'est gagné, c'est notre tour maintenant. Voilà, on va faire comprendre que non, c'est pas forcément leur tour, la campagne, il faut la faire, il y a plein de choses qui commencent à en sortir, qui sont très intéressantes, mais elle se passe dans un contexte de chaos, qui a été volontairement et stratégiquement mis en place par le président de la République. qui est fortement adepte de ces stratégies de chaos, le ni de gauche ni de droite, je casse les appareils, je casse les mouvements intermédiaires, je casse les assos, je casse les syndicats, je casse le service public, et j'optimise la France pour qu'elle soit compétitive, tout ça. Mais c'est une volonté calculée, stratégique, de peut-être pouvoir revenir au prochain cycle en étant à nouveau une forme d'homme providentiel, c'est de tester aussi les gens, je pense qu'il y a un peu d'égo. là-dedans, il aime pas qu'on l'aime pas. Faut aimer aimer, c'est sûr, quand des gens qu'on les aime, voilà, mais parfois on les aime pas, ils aiment pas. Donc il a pas aimé qu'on l'aime pas, donc il a cassé le jouet, et le problème c'est qu'il fait ça de façon à la fois irresponsable et volontaire. Donc ça paraît que les gens le sentent. Et comment est-ce qu'on peut être crédible politiquement ? quand la personne qui est censée être la plus responsable du pays est la plus irresponsable. C'est un signal délétère. Donc on est sur plein de sujets comme ça, et c'est sûr que nous, on galère déjà sur le terrain à faire comprendre aux gens qu'on est en responsabilité, on fait avec les moyens du bord, on n'a pas de baguette magique, on se bat, on crée des nouveaux sujets comme l'équité territoriale, on redistribue les subventions aux petites et moyennes associations pour qu'elles puissent retourner vers les gens. C'est vraiment ce que... parfois les grandes ne font plus forcément ou pas de la même façon, et ainsi de suite et ainsi de suite. On essaie de développer des réponses pour la jeunesse, mais derrière, on a ça. Donc, c'est... En fonction de la configuration émotionnelle de chacun, il y a d'autres réactions. Que ce soit le déni, la tristesse, la dépression, machin. Moi, je suis plutôt dans la colère comme garçon, côté adolescent qui est toujours un petit peu là. Donc oui, moi, je vais tenir mes bureaux de vote. J'essaie de filer la main sur les campagnes. J'encourage les associations, les syndicats à avoir des expressions politiques. On a eu sur la marge des visibilités, la Gay Pride à Strasbourg, énormément de monde. Ça fait pareil, ça fait maintenant deux, trois ans qu'on a des fréquentations. historique sur cette marche parce qu'on rassure tout le monde, on leur dit que Strasbourg c'est leur ville vous pouvez être là et au-delà du côté festif et visible maintenant, cette marche elle est redevenue politique, il y a eu beaucoup de débats entre les assos sur le slogan, la pancarte, la visite visibilité, le combat, la défense des droits, et pas juste dire on est content, on est là, et on est tous égaux. Parce que cette égalité, elle est menacée. Et du coup, parce qu'on se connaît un peu maintenant et qu'on se dit tout, je vais vous partager une malédiction chinoise que j'aime beaucoup. C'est une malédiction chinoise qui dit je vous souhaite de vivre une époque intéressante. Et une époque pas intéressante, on est couché à 20h, on a fait des mots croisés, on a mangé sa soupe, puis voilà, on est bien. Une époque intéressante, potentiellement, il y a quelqu'un qui défonce la porte avec une hache en parlant une langue étrangère. C'est intéressant.

  • Speaker #1

    C'est ça qu'on se souhaite, Alain ?

  • Speaker #0

    C'est ça qu'on assume de devoir vivre bien malgré nous.

  • Speaker #1

    C'est ça qui vous a poussé, vous a engagé ? Vivre quelque chose d'intéressant ?

  • Speaker #0

    Non, mais moi quand je suis élu, je ne voulais même pas être adjoint. Je me disais, moi je peux aller au CAB, je serais très utile là-bas. On m'a dit, non, non, toi tu es élu. Je me suis dit, ah bon, d'accord. Du coup, moi, ce qui m'a poussé, c'est de voyer un peu mon parcours. C'est des ricochets. J'ai une espèce de direction générale. Mais derrière, c'est les rencontres, les opportunités, les moments, les carrefours. On faisait un truc. Je suis insupportable sur les anecdotes. Je suis désolé. Ah,

  • Speaker #1

    c'est la terre !

  • Speaker #0

    On faisait un exercice avec les services civiques, il y a quelques mois de ça, sur justement la frise temporelle de la bataille des droits. en France, avec toutes les grandes dates qui ont marqué la France ou la question des droits avancés. Et ça rejoint le truc que je peux voir dans d'autres bouquins, séries, télé, ce que vous voulez, sur en fait l'histoire Il y a beaucoup de moments où il ne se passe rien, c'est une espèce d'autoroute, et il y a un moment où pendant 5 à 10 ans, il se passe tout. Et c'est un carrefour où 1789, 1980, le droit des femmes, juste pendant 2-3 ans, on redistribue toutes les cartes. Il y a une période de chaos, big bang, ça part dans tous les sens. Une fois que c'est fait, c'est fait, et on repart pour 15 ans de ok, c'est ça le modèle J'espère secrètement que c'est ça qu'on est en train de vivre, et j'espère secrètement que les cartes qu'on est en train de redistribuer, elles seront au bénéfice de tous les habitants et habitantes de ce pays, quels qu'ils soient, à l'issue de cette parenthèse.

  • Speaker #1

    En tant qu'élu, vous arrivez à engager aussi des citoyens dans ce mouvement, dans ce moment pour abattre les cartes ?

  • Speaker #0

    Là, vous mettez le doigt dans la plaire. On est au cœur du podcast, là. On est au cœur du moment. En fait, parce que je suis maintenant perçu, quoi que je fasse, comme un élu, bien malgré moi, quoi que je dise, quoi que je fasse, je représente l'institution. Donc, si je vais chercher des gens, ils vont être sur une forme de vigilance, de manipulation politique ou autre. Et je ne peux pas leur en vouloir, vu comment les gens ont effectivement été traités. La question, c'est plutôt... Comment est-ce qu'on déclenche l'initiative chez les habitants ? Avec Siamak, avec quelques autres collègues, on est convaincus qu'une politique, d'autant plus de gauche, de changement, ne peut se réaliser que si elle est accompagnée d'un mouvement populaire. Et en fait, on a besoin de nous envoyer le signal, et on a besoin que les gens disent oui, on est d'accord avec ça et on veut la même chose Et après, l'administration, la société, les médias... ils enclenchent. Mais si c'est juste le politique qui décide tout seul, sur une transformation, ça ne prend pas. Donc nous, ce qu'on essaie de faire, via la participation des citoyennes, via la redynamisation du mouvement associatif, de la société civile organisée, c'est de dire aux gens, vous êtes porteurs d'initiatives, vous avez des valeurs, peut-être que... qu'elles rejoignent les nôtres, et peut-être qu'on peut bosser ensemble. Mais ce n'est pas à moi d'aller chercher pour dire, je crée une boucle WhatsApp que je vais administrer, et je vais vous dire un peu le plan de campagne. Ça, je ne fais pas.

  • Speaker #1

    Quelle est votre plus grande réussite en tant qu'élu ? Votre grande fierté ?

  • Speaker #0

    Je vais répondre par thématique par thématique, j'essaie d'en avoir au moins une. Sur le quartier que j'administre, il y a un dialogue avec les habitants. On a réussi à transformer un peu le quartier. Ça fait râler encore un peu de monde dans le quartier, c'est normal. Mais en tout cas, on commence à voir ce qu'il pourrait devenir à la fin. dans les prochaines années. Sur la vie associative, on a une délibération cadre qui est une réponse concrète de soutien aux associations, qui n'est pas dans les logiques du contrat d'engagement républicain. On est dans une logique de simplification administrative, on sécurise les assos, on met en place des conventions pluriannuelles d'objectifs, on le fait avec les centres sociaux, c'est historique. Moi j'ai des mails de coups de fil de toute la France qui me demandent cette délibération pour la reproduire ailleurs. Sur la politique événementielle, c'est que ce ne soit pas juste une politique d'attractivité, de tourisme ou de loisirs, mais que ce soit une vraie politique publique qui réponde à des besoins. On a un dispositif qui s'appelle Touriste dans ma ville, où on a des gens à Strasbourg qui ne sont jamais venus au centre-ville, qui n'ont jamais vu la cathédrale. Maintenant, ils peuvent venir l'été. avec de l'accompagnement social, au centre-ville, visiter gratuitement un musée, manger une glace, en lien avec les associations. On va aussi porter des événements où il n'y en avait pas avant. Il y a du ciné... de plein air ailleurs qu'au centre-ville. Il y a des ciné-plein air au fin fond, des impasses, des ruelles méconnues où il n'y a jamais rien eu. Et par exemple, pendant la période Covid, on est une des seules villes à avoir réussi à maintenir les programmations événementielles. En particulier l'été, on a entre autres le Festival des Arts de la rue. Au lieu de faire une semaine de festival, on avait tous les samedis dans un autre parc, dans un autre quartier, une partie de contenu. Et à un moment, il y avait une déambulation. de comédiens de rue en soucoupe volante déguisés en extraterrestres au fin fond d'un QPV où il n'y a pas eu de culture depuis 40 ans et en fait les habitants étaient à leurs fenêtres ils étaient quand même un peu surpris et contents de voir des trucs mais c'est les comédiens qui ont été le plus surpris, eux qui sont là pour déstabiliser ils ont été vachement plus déstabilisés parce que c'est un coin où il y a des habitants qui promènent une chèvre en laisse et tout ce qui peut se passer dans la magie des QPV où le melting pot est où il y a des gens qui n'ont pas les codes et tout, qui voient arriver des extraterrestres au sens propre, qu'est-ce qui se passe ? Donc on a pu vivre ça. Capitale de Noël, on arrive à transformer l'événement, à le rendre éco-responsable, en tout cas en essai. Et oui, on a 3,3 millions de visiteurs. Ce n'est pas une fierté, on est contents. C'est plus un sujet de vigilance. Mais on n'a pas à rougir sur ce qu'on appelle l'attractivité.

  • Speaker #1

    Et au contraire, quel est votre plus grand regret ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est peut-être d'arriver trop tard, comme on le disait, sur cette bataille culturelle, sur mettre un peu la société. En fait, moi, toutes mes... Toutes mes thématiques, c'est celle du lien social. Les grands rassemblements événementiels, les centres sociaux, la jeunesse, les associations. Je suis l'élu en charge du lien social, ce qui explique que je suis un petit peu chargé au niveau de l'agenda. C'est d'arriver trop tard. C'est des choses qu'on aurait dû faire il y a 20 ans pour empêcher que ce qu'on est en train de vivre, on le vive. Et j'en parlais déjà à l'époque à d'autres élus ou dans d'autres villes de cette vision qu'on développe actuellement. Ça faisait doucement rigoler. Donc moi, je pars du principe que les élus de ce pays sont responsables de l'état du pays. Pas que eux, bien sûr, mais c'était comme quand on était avec le mouvement citoyen, qu'on apportait des solutions qui étaient réalisables. On nous disait non. Comme quand, en fait, on dit l'extrême est en train de monter, on va faire une tribune. Ah, au fait... et on en est où de l'éducation civique dans l'éducation nationale ? C'est une option toutes les 15 jours si le prof est là. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc, il y a un vrai truc à un moment sur tout ce qui a déclenché la montée du mouvement citoyen qui reste d'actualité, mais qui est venu beaucoup trop tard. Et derrière ça... Oui, après il y a bien sûr mon état de santé et mon état d'hygiène corporelle et tout ça. C'est aussi un problème.

  • Speaker #1

    Et vous vous voyez élu encore longtemps ?

  • Speaker #0

    J'assume. Alors je sais qu'il y a beaucoup de démissions sur les fonctions maire et adjoint en 2022-2026. Ça confirme tout ce qu'on dit. C'est des signaux importants, graves. Est-ce qu'il y aura encore des maires pour administrer, pour assumer ces responsabilités et ces coordinations ? dans les années à venir, rien n'est moins sûr. Donc il faut redorer un peu ce blason-là. Moi, j'ai signé pour 6 ans, je resterai pour 6 ans. Après, comme je le disais avant, moi, je n'ai pas fait le choix d'avoir une vie politique. Peut-être que je retournerai mon... d'associatifs, peut-être que je ferai autre chose, peut-être que je remplirai. Voilà, c'est bien sûr des questions que tout le monde me pose. Je vois ça aussi comme un truc plutôt positif sur mon bilan. Les gens me disent Ce serait peut-être intéressant si tu pouvais rester. Je dis Oui, mais d'abord, il faut que j'en parle à mon ulcère. Moi, c'est d'accord. Mais plus sérieusement, c'est écrit pro-perso, santé mentale. Quelle société ? veut accompagner en fait parce que là on se bat pour sauver des choses transformer des choses mais est-ce qu'il n'est pas trop tard et quand justement on développe des politiques jeunesse et qu'on a un vote jeune qui est ultra axé sur les extrêmes parce qu'ils ont peur parce que on leur dit au fait toi le jeune c'est l'avenir de la planète On t'a pas dit, la planète elle est en train de cramer, donc il n'y en aura pas d'avenir. Ah au fait, toi le jeune, faut que tu travailles à l'école pour avoir du taf. Ah au fait, on t'a pas dit, ton taf est remplacé par une intelligence artificielle. Tu vas jamais taffer. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc voilà, et c'est pas pour rien qu'effectivement, ils ont ces réactions-là. La génération climat a très vite été remplacée par la génération extrême. Et dans les deux cas, c'est de la peur. Et dans les deux cas, c'est de l'anxiété. Et en fait, c'est juste la nature de l'anxiété qui change et qui permet d'évoluer sur le bord politique. Mais la base première, c'est que les jeunes ne sont pas intégrés socialement. Ils sont rejetés. sont malmenés et du coup, qu'est-ce qu'on fait pour la suite ?

  • Speaker #1

    Peut-être une dernière petite question, parce qu'on est quand même dans le podcast Vie de maire.

  • Speaker #0

    Vous ne faites pas de promesses que vous ne pouvez pas tenir, il y aura plein de questions encore.

  • Speaker #1

    Oui, je confirme. Comment est-ce que vous concevez l'articulation entre adjoint et maire ?

  • Speaker #0

    Ça dépend de la dimension de la ville, ça dépend de l'ambition, ça dépend du caractère, ça dépend de est-ce que le maire veut monter à Paris à un moment, est-ce que le maire a aussi ses propres envies de messages et d'actions à faire passer. Jeanne, par exemple, elle a fait le choix de s'investir sur la question européenne et relations internationales. Donc, voilà, c'est un peu étrange parce qu'on est à la fois des extensions, des représentants ou des avatars. Être élu... c'est avoir un pouvoir de signature. Ça, c'est la base. La maire, elle a pouvoir de police, pouvoir de signature. Et elle délègue ses pouvoirs de signature à des adjoints, parce qu'il n'y a que 24 heures dans une journée et que personne n'a la connaissance absolue, et ainsi de suite. Donc moi, j'ai mes pouvoirs de signature. Maintenant qu'on a chacun un peu fait nos preuves, on se fait confiance, donc elle me laisse plutôt le champ libre. Si on a un rendez-vous, c'est que j'ai dû faire une bêtise à un moment. Mais c'est vrai que c'est une relation très complexe, parce qu'on est... nous-mêmes investis de son pouvoir, tout en étant son représentant, sa représentante, tout en étant parfois pas d'accord. Enfin, voilà, il y a un côté... Est-ce que vous savez combien il y a de cerveaux dans une pieuvre ? Combien il y a de pieuvres à la pierre ?

  • Speaker #1

    Je ne savais même pas qu'il y en avait plusieurs.

  • Speaker #0

    Il y a neuf. Il y a le cerveau central et chaque tentacule a son propre centre cérébral. Et c'est un peu ça. Oui, Jeanne, c'est bien sûr la centralité, la globalité, mais derrière, il y a une indépendance, une identité qui... se tissent à partir de ce centre-là et qui a sa propre vie. Et chaque tentacule, il est indépendant de l'autre et il vit son truc pour l'usage commun. Donc, il y a un peu un truc comme ça. Et bien sûr, la question qui se pose souvent aussi, c'est... le rôle du CAB. Parce que la mission première d'un cabinet, c'est de protéger et accompagner la maire et la présidente, c'est pas d'accompagner les adjoints. Et beaucoup de collègues se disent, en fait, le CAB, il bosse avec nous, pour nous. Pas du tout ! C'est un autre élément de négociation diplomatie. Et moi, pareil, quand les gens m'interpellent dans la rue, me disent, vous êtes élu, vous avez le pouvoir, j'ai une forme de pouvoir, j'ai surtout des responsabilités. Mais derrière, j'ai une négociation avec la maire, j'ai une négociation avec le cabinet, j'ai une négociation avec l'administration, j'ai une négociation avec les habitants. Et pour moi, c'est ça un peu. C'est qu'on est dans ce côté un peu trait d'union, recherche de points d'équilibre, de diplomatie entre tous ces corps pour avoir une décision qui convienne à tout le monde à la fin.

  • Speaker #2

    Et quel conseil est-ce que vous donneriez à un jeune qui souhaiterait monter une liste en 2026 ?

  • Speaker #0

    Fais-le ! Mais renseigne-toi un petit peu avant. Parce qu'il y a vraiment un effet délétère sur les déceptions, il y a vraiment un effet délétère sur toutes les illusions qu'on peut projeter sur ce que c'est un politique. Et je disais avant que je n'ai pas de leçons à recevoir des élus précédents. Néanmoins, je ne cacherai pas que j'aurais préféré vivre un mandat comme eux l'ont eu, beaucoup plus simple, où l'exercice du pouvoir était beaucoup plus je suis un élu, vous êtes différents maintenant que vous allez faire De toute façon, le plein emploi, on l'a. De toute façon, les impôts, ils sont là. On n'a pas de timer parce qu'il y a une guerre sur le continent, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc, non, non, il faut que les jeunes s'engagent. Après, effectivement, je leur conseillerais de passer, justement, par le milieu associatif avant, pour se confronter à la gouvernance partagée, aux responsabilités partagées, à l'organisation. et pas juste être dans une pulsion d'image, ma tête sur l'affiche.

  • Speaker #1

    Merci, monsieur Livier, pour cette interview aussi intéressante que notre époque.

  • Speaker #0

    Vous êtes un peu chinoise, vous. À bientôt.

  • Speaker #3

    Dans ce podcast, nous mettons souvent en lumière les mers, ces visages visibles, symboles de nos mairies. Mais il ne faut pas oublier la face immergée de l'iceberg. Les adjoints, conseillers municipaux, élus de la majorité ou de l'opposition, qui œuvrent discrètement mais inlassablement pour le bien commun dans leur commune. L'engagement, ce n'est pas qu'un don de soi, c'est aussi un cadeau à soi-même. Une étude publiée récemment par la MRF et l'Observatoire à Maroc le montre. 70% des maires affichent une satisfaction tant qu'élus. S'investir pour les autres, c'est soigner sa santé mentale. Prendre part à un projet collectif, c'est trouver un sens profond à son quotidien. Vivre avec son poison, comme nous le dit Guillaume Lipsig. C'est aussi vivre pleinement une époque intéressante. Car s'engager, c'est une riposte au dégagissement bien. C'est affirmer que notre démocratie peut retrouver ses couleurs, que la confiance peut renaître, que les citoyens peuvent se rassembler. Et en 2026, vous n'aurez pas forcément besoin d'être en tête de liste pour vous aussi. changer les choses. Vous avez écouté ce podcast jusqu'au bout, alors on imagine qu'il vous a plu.

  • Speaker #4

    Pour nous soutenir, laissez-nous des étoiles, des commentaires, partagez l'épisode à vos copains et suivez-nous sur Instagram à Tv2mer.

  • Speaker #3

    Chaque soutien est hyper précieux.

  • Speaker #4

    A bientôt dans une prochaine vie de mère.

Description

Aujourd'hui, nous ne vous présentons pas UNE Vie de Maire, mais l’UNE DES VIES sans lesquelles l’exercice de leur mandat serait rendu impossible : celle de l’adjoint au maire !


Pour cet épisode spécial, Clémentine et Margot sont parties à la rencontre de Guillaume Libsig, adjoint à la maire de Strasbourg, en charge de la vie associative, l’animation urbaine, la politique événementielle, la politique jeunesse et l’éducation populaire et, pionnier du collectif citoyens qui a constitué le socle de la liste arrivée en tête aux élections municipales de 2020.


Avec Guillaume, on a parlé :

- de monter un collectif municipal citoyen débutant en politique ;

- de la difficulté de mettre de la distance émotionnelle avec sa vie d’élu ;

- de la bataille culturelle à l’heure de la montée de l’extrême droite


Rendez-vous sur Instagram @viedemaire et inscrivez-vous à la newsletter pour être tenu au courant des actualités du podcast et des prochains épisodes.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans Vies de Mère.

  • Speaker #1

    Je suis Clémentine Guilbeault de Maison et moi Margot Elkier. Et dans ce podcast, on part à la rencontre des mères de toute la France. Notre but ? Remonter à la racine de leur engagement,

  • Speaker #0

    comprendre leur quotidien, leurs difficultés et leurs réussites. Et peut-être vous donner envie de vous bouger vous aussi pour votre commune.

  • Speaker #2

    Vies de Mère. C'est une sacrée vie de mère.

  • Speaker #0

    21 juin, fête de la musique. Ce n'est pas sans émotion que j'emmène Clémentine à Strasbourg sur les pas de mes années étudiantes. Demain, nous interviewons Jeanne Barzéguian, maire de Strasbourg depuis 2020. Nous la retrouverons le soir même avec quelques-uns de ses adjoints dans les rues de Strasbourg à la recherche du meilleur concert de la soirée.

  • Speaker #2

    Ah oui,

  • Speaker #1

    donc Marco,

  • Speaker #2

    bonjour.

  • Speaker #1

    Et Clémentine,

  • Speaker #2

    bonjour. Le podcast qui nous accompagne. Voilà, exactement.

  • Speaker #1

    Et il faut savoir où il y aurait le plus d'ambiance ce soir à Strasbourg. J'ai dit que tu étais l'homme de la situation.

  • Speaker #0

    Le temps de faire connaissance autour d'un verre, nous nous quittons en nous disant à demain. Malheureusement, la vie de maire est faite de beaucoup d'imprévus et d'obligations. Le lendemain, la directrice de cabinet de Madame la maire nous apprend au dernier moment que celle-ci ne pourra pas nous recevoir. Au dévoté, nous appelons Guillaume Lipsig, rencontré la veille.

  • Speaker #2

    Je suis Guillaume Lipsig, je suis adjoint à la maire, en charge, tenez-vous bien, de la vie associative, la politique jeunesse, la politique événementielle, l'éducation populaire et de trois autres sujets.

  • Speaker #1

    C'est un truc cool.

  • Speaker #0

    Sans tergiverser, il accepte de se prêter au jeu de l'interview vie de maire une heure plus tard. Parce que dans une grande ville, la vie de maire ne serait pas la même sans celle de ses adjoints, nous sommes très heureuses de vous présenter aujourd'hui un épisode spécial de vie d'adjoint à la maire remplie d'anecdotes croustillantes. Avec Guillaume Libzyk, on a parlé de monter un projet municipal dans une métropole avec un collectif citoyen débutant en politique, de la difficulté de mettre la distance émotionnelle avec sa vie d'élu et de la bataille culturelle à l'heure de la montée de l'extrême droite. Bonne écoute.

  • Speaker #1

    Monsieur Lipsic, bonjour. Merci de nous recevoir à Strasbourg dans ce nouvel épisode de Vie de mère. Je vais commencer assez directement. Qu'est-ce que vous rêviez de faire dans votre vie quand vous étiez petit ?

  • Speaker #2

    Alors... deux réponses la première archéologue sous-marin et c'est complètement vrai la deuxième pas de politique et c'est du coup un peu raté mais non non comme tous les gosses j'étais avec les copains à l'école on avait un peu ce qu'on voyait à la télé dans les livres Et ça nous faisait un peu rêver. Moi je viens d'un petit village dû au Rhin, et du coup le maire, c'est le prof, c'est le directeur de l'école, c'est le professeur principal, donc c'est notable qu'il mutualise un peu les fonctions. d'ailleurs il est toujours il est toujours maire la personne qui était mon professeur d'école primaire et du coup maintenant je lui envoie des petites cartes de vœux à Nouvel An et lui aussi et parfois on se voit en réunion c'est assez drôle

  • Speaker #1

    Donc c'est une figure qui vous a inspiré, au final ?

  • Speaker #2

    Je ne dirais pas ça. Moi, mon parcours, il est plutôt autour de la notion d'intérêt général. C'est-à-dire que de 20 à 30 ans, j'étais dans des associations. De 30 à 40 ans, j'étais employé de la collectivité. Alors, je ne suis pas titulaire de la fonction publique, mais j'étais employé de la collectivité par deux fois, plus d'autres structures à connotation culturelle. Et de 40 à 50 ans, je suis élu. Donc je ne sais pas ce que je ferais de 50 à 60. je reste ouvert aux propositions. Mais voilà, moi, c'est toujours avec cette notion d'intérêt général, un peu de coopération, de travail d'équipe que je me suis développé.

  • Speaker #0

    Quelle est votre première émotion liée à la politique ?

  • Speaker #2

    La surprise. C'est-à-dire que sur la... Alors, en tant qu'élu, en tant qu'adolescent qui grandit en France, qui écoute de la musique un peu énervée, qui fait des manifs... portent des t-shirts à message, c'est bien sûr la colère. Mais en tant qu'élu, c'est la surprise. Parce que, comme je le disais, moi j'étais agent de la collectivité, donc j'étais habitué à mon rôle un peu de subalterne ou de preneur de notes. Et avec une équipe politique qui était très verticale. Et en fait, sur la campagne, tout le monde fait un peu de tout. Moi j'ai... Mon côté communication, programmation événementielle était déjà bien sollicité. Donc j'ai aussi organisé les soirées électorales, dont celle de la soirée finale du résultat de campagne. Et donc pendant que l'école est célébrée, moi j'étais encore en train de... Caler des trucs, être sûr que personne ne passe sous un tram, calmer un peu les gens autour, discuter avec les journalistes, enfin voilà quoi. Et en fait, j'ai mis beaucoup de temps à me remettre physiquement de la campagne. Et en vrai, quand on arrive au conseil municipal d'institution, quand Jeanne me met l'écharpe, je m'installe dans mon siège en haut, c'est un siège interdit pour l'ancien agent que j'étais. Et donc je vois mes anciens élus de référence en contrebas, parce que maintenant c'est l'opposition. Et là, j'ai un déclic, je ne comprends pas. C'est le monde à l'envers. Qu'est-ce qui se passe ? J'ai une écharpe. L'ancien premier adjoint est dans la fosse. Et du coup, qu'est-ce qui s'est passé ? Et je me suis dit, ah oui, c'est vrai, j'ai fait une campagne, on a gagné.

  • Speaker #1

    Vous étiez un bon élève quand vous étiez petit ?

  • Speaker #2

    Alors, en termes de potentiel, de capacité communément reconnue par le corps professoral, j'étais dans le top 2 en permanence, toutes catégories confondues. En termes de comportement, j'étais ingérable, je faisais n'importe quoi, je passais ma vie en retenue et en col. Ce qui m'a permis de rentrer dans le club théâtre du collège, parce que du coup le prof de français disait Non, mais on a besoin de lui, il est bon, il fera pas sa col ! Donc j'emmagasinais les heures de col et je les faisais pas. C'est peut-être déjà un peu de politique, c'est-à-dire qu'on est condamné pour des trucs et on le fait pas, je ne sais pas. Mais non, non, mais... Plus sérieusement, on dit aussi souvent que la politique, c'est le meilleur domaine pour ceux qui n'ont pas de diplôme. Parce que justement, il y a un peu cet aspect social, cette culture orale, cette adaptabilité un peu en dehors des cadres. On l'espère aussi, cette capacité à écouter. plus qu'à dire, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais en tout cas, voilà. Donc moi, pour tout vous dire, on commence très fort l'émission, pour tout vous dire, moi j'ai un bac, c'est mon seul diplôme retenu, j'ai deux, trois autres diplômes derrière, des licences, mais qui sont pas reconnues, et du coup, effectivement, j'ai toujours été un peu à ajouter des cordes à mon arc, à partir dans tous les sens, à faire plein d'expériences très diverses. À un moment je disais, j'ai tellement de cordes à mon arc que je peux vous faire de l'arbre là, mais c'est quoi le sujet ? Qu'est-ce qu'on fait ensemble maintenant ? Et c'est aussi comme ça que je suis venu à la politique, c'est en faisant ensemble, on a constitué un collectif citoyen, on y reviendra sans doute plus tard, mais voilà, c'est ça qui m'a fait arriver devant ce micro aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce qu'il s'est formé ce collectif ?

  • Speaker #2

    Alors, il s'est formé par étapes. La première, c'est autour de Siamak Aghababaye, qui est actuellement premier adjoint et premier vice-président, qui est quelqu'un qui évolue en politique depuis sa vie lycéenne, sa vie étudiante. Il a fait les syndicats étudiants, il a tout fait, il était au PS. Et en fait, à un moment, comme beaucoup d'autres, il a claqué la porte du PS. J'ai donné tant d'années de ma vie à ce parti, à ses logiques, et ainsi de suite. Et il a décidé de revenir à la base de la politique, c'est-à-dire d'aller boire des cafés avec les gens. Et du coup, il a bu des cafés avec une bonne quarantaine de personnes. Et je faisais partie de ces personnes, on ne se connaissait pas encore à l'époque. Et ça a directement matché, on s'est rapidement vu trois, quatre fois derrière. Puis à un moment, il me dit, mais en fait, tous ces gens avec qui je discute, ils ont un truc en commun, il faut qu'on les mette ensemble, il faut qu'on les fasse se rencontrer, voir ce qui se passe. Donc là, l'activateur de projet que je suis, cordeau, programmation, organisation, lance la machine. Et puis effectivement, de fil en aiguille, ce groupe de personnes est devenu un collectif qui s'appelait le Labo Citoyen. L'objectif ultime, c'était surtout pas les municipales. Pourquoi pas ? Parce que l'objectif ultime, c'était d'être une agence de notation citoyenne pour évaluer la portée des politiques publiques. Mais sans que ça passe par les triple A, les machins, mais que ça passe vraiment par les habitants, pour les habitants. Mais du coup, avant d'en arriver là, on avait besoin un peu de se trouver. Donc, on avait toute une période de structuration, de dialogue, de recherche un peu de qui on est, qu'est-ce qu'on veut, qu'est-ce qu'on fait. Et à un moment, on avait justement cette donnée un peu labo, où on prenait des problèmes identifiés. à la ville de Strasbourg. Grâce à notre réseau très large, on trouvait des solutions, on testait légalement, techniquement, financièrement, et en fait, si tous les voyants ont été au vert, on amenait un dossier sur la table des élus, on disait qu'on a trouvé une solution au problème, elle tient dans votre budget, elle est conforme à la loi, et elle est absorbable dans la charge des agents. Est-ce que vous voulez activer cette solution ? Bien sûr, la réponse était toujours non, parce que ce n'était pas une réponse qui venait des élus, c'était des citoyens. et ainsi de suite. Et en fait, à l'époque, il y avait autour de 2020, la campagne qui se présageait, la notion de dégagisme qui était bien installée avec tout ce refus des anciens partis, des anciennes logiques, qui avait fait que justement, on refusait les municipales. Parce que tout le monde venait chercher Siamak, qui, comme moi, disait moi je suis maintenant membre d'un collectif, donc c'est tout le collectif ou personne Et à chaque fois, il envoyait moi ou des collègues pour discuter avec les partis, qui étaient en proto-négociation, des proto-noyaux, des proto-listes municipales.

  • Speaker #1

    Donc ça c'est quoi, c'est 2018 ?

  • Speaker #2

    Ouais, fin 2018, fin 2019, il y a peut-être un truc sur ça. Et en fait, on... À chaque fois, c'était les mêmes trucs. Ça parle statistique, bassin de vote, fusion au deuxième tour, mais personne sur le projet. Et on avait un petit délire entre nous, c'est que dès que quelqu'un parlait de progressisme, il perdait des points. C'est-à-dire que le progressisme, c'est une notion fax, minitel. C'est le rétro-futur. C'est un truc qui tourne en boucle depuis les années 50, et que le futur des années 50, ce n'est plus le futur des années 2000.

  • Speaker #1

    Vous n'avez pas fait l'union de la gauche ?

  • Speaker #2

    Si, mais en fait, plus tard, d'une autre façon. C'est-à-dire qu'on était complètement déconnectés des municipales et on reçoit un jour un texto d'une dame qui s'appelle Jeanne Barzéguian, qu'on ne connaît pas, et qu'on dit, on va aller boire un café avec elle. Et 15 minutes après, c'était réglé, on avait signé en partenariat.

  • Speaker #0

    Et comment est-ce qu'elle vous a convaincu ?

  • Speaker #2

    Elle n'a pas prononcé le mot de progressisme. Non, mais c'est le... On a parlé projet, on a parlé vision, on a parlé besoin, on a parlé transversalité, on a parlé lien avec la société civile. Et voilà, on a mis en place très rapidement la logique du débat, du partage, de la coopération, des limites. Et c'était complètement raccord avec tout ce qu'on développait. Et c'est comme ça que le duo Jeanne et Siamak s'est constitué.

  • Speaker #1

    Mais quand Jeanne vient vous voir, elle est sous une étiquette ? À quel titre et elle vous propose quoi concrètement ?

  • Speaker #2

    Alors à l'époque, elle est effectivement porteuse de l'étiquette ELV et celle que son parti a désigné pour y aller. On a des grands anciens ELV comme d'autres partis à Strasbourg, évidemment, mais autour du dégagisme, les partis avaient bien senti qu'il fallait changer la tête. d'affiches. Et du coup, c'est toujours très compliqué parce qu'il y a des gens qui attendaient leur tour depuis 30 ans et ils pensaient que c'était arrivé et en fait, ben non. Et il y avait tout un enjeu de comment intégrer ces personnes, reconnaître leur mérite et leur donner des réponses. dans la nouvelle dynamique. Et ça s'est très bien passé côté ELV. Je crois que c'est un petit peu plus compliqué dans d'autres parties. Mais en tout cas, Jeanne, elle vient avec ce sujet-là. Une fois qu'on avait lancé la campagne, on a créé une assemblée citoyenne qui, du coup, était omnipotente sur l'ensemble de la démarche. Et c'est cette assemblée qui, avant que Jeanne soit officiellement la tête de liste, désigne et valide par vote Jeanne comme tête de liste.

  • Speaker #1

    Il y avait qui dans cette assemblée ?

  • Speaker #2

    Des soutiens, des étudiants, des agents, des citoyens, des gens qui nous suivaient, des amis, des associatifs, des gens justement du spectre un peu gauche très large. C'était assez représentatif. Et on a eu plein de questions sur que faire de cette assemblée citoyenne après la victoire, quand on est en responsabilité. C'est une autre histoire, mais on essaie de garder la chronologie pour ne pas perdre tout le monde. Mais en tout cas, c'est cette assemblée qui a validé la candidature de Jeanne. Et ensuite, on a constitué pendant chaque mois un tiers de la liste via un appel à projet ouvert à toutes et à tous. n'importe qui pouvait candidater pour être sur notre liste. Il y a besoin de 67 places, on avait 130-140 signatures. Et du coup, dans cette époque très 2020, on avait des gens issus vraiment des retraités qui n'ont jamais vu ou fait de politique, des femmes de ménage, des universitaires, des associatifs radicaux, des grands neutres. Voilà, on avait vraiment de tout. Et c'est aussi, bien sûr, la relation au parti qui était très intéressante à équilibrer. Parce que du coup, au final... Il y a donc ELV, Place Publique, le Parti Communiste, Génération, le collectif des Alsaciens un peu de gauche. Vous savez qu'en Alsace, on a un peu des partis autonomistes et autres, mais il y en a aussi qui sont un peu plus à gauche. Des citoyens, évidemment. Le Parti Socialiste, qui a donc refusé la fusion, la négociation, lui, il est plus dans une logique de c'est moi qui vous absorbe En fait, non. Et du coup, voilà. Donc... C'était très, très, très large. Et c'est aussi ça qui nous a permis de gagner. C'est une dynamique positive, transparente, volontaire, partagée, qui a une liste à l'image de la ville. Et je crois que sur les dix grandes villes de France, on doit être la seule à avoir une femme voilée dans le conseil municipal, des personnes de tous âges. sur les 15-16 adjoints qu'on est, je pense qu'on est 10 à être non encartés.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez fait pour faire l'ordre au sein de la liste ? Enfin, deux questions. Comment vous avez fait pour aller chercher ces gens-là, c'est-à-dire les 130 qui ont candidaté ? Comment vous les avez avertis de toute la démarche qu'il y avait en cours en termes de citoyenneté sur la création de cette liste ? Et après, comment est-ce que vous avez fait l'ordre au sein de la liste ?

  • Speaker #2

    Effectivement, il y a... Plein d'étapes dans une campagne. La première, c'est la constitution, l'accord. La deuxième, c'est la conquête, la campagne elle-même. Et la troisième, c'est la préparation à la gestion du pouvoir. Sur la constitution, c'était très large, très visible, parce qu'en plus, il y avait plein de feuilletons médiatiques. L'ancienne municipalité tenue par Roland Ries, c'était une liste PS. À l'arrivée fin de mandat, il y avait six listes différentes dans son groupe, tout le monde s'est barré, le macronisme a fait son œuvre, ainsi de suite. Strasbourg, c'est un petit échiquier politique et médiatique, donc tout le monde est un peu connu, il y a régulièrement des articles, enfin voilà, ça... le casting est assez simple à suivre, on peut feuilletonner. Et du coup, c'est aussi une campagne, c'est-à-dire que c'est l'élection la plus proche des gens, les gens s'intéressent, les locaux de campagne ont pignon sur rue, les réseaux sociaux... et ainsi de suite. Franchement, on n'a pas eu de mal sur le recrutement. Bien sûr, il y a des gens qui ont un peu dit ce serait bien si tu pouvais candidater en sachant que derrière, sur chaque candidature, il y a deux étapes. Vérifier que la candidature est cadrée, c'est-à-dire casier judiciaire, jour de papier, parité, ancienneté, tous ces sujets plutôt administratifs qu'on doit rendre sur le dossier préfecture. Et ensuite, effectivement, le rôle dans la campagne, le qui fait quoi. Et le classement de la liste de campagne, il n'a rien à voir avec le classement qu'on aura sur la gouvernance une fois élue. La parité, elle est obligatoire 1-2, 1-2, 1-2 sur une liste de campagne. Bien sûr, il y a une tête de liste. En gros, le numéro 1 est important. Peut-être de l'élite, le dernier, c'est plutôt le signal de je ne veux pas être élu, mais je suis un soutien important Et au milieu, c'est les gens. L'ancien premier adjoint, sous le mandat précédent, il était, je crois, 40 places, 40-47, et puis il était premier adjoint. Et donc, une fois qu'on est élu, la parité, elle est plus sur le global. Ce n'est pas un homme, une femme, un homme, une femme. On peut mettre 19 hommes devant, une femme derrière et 18 autres derrière. Voilà. Nous, on a quand même maintenu la parité. Et donc, oui, une campagne, c'est usant, c'est violent, en externe. Et il y a des moments en interne où c'est un petit peu usant-violent aussi, sur ces phases de négociation, les pulsions, les ambitions, les relations, la fatigue, l'usure. Ce n'est pas des moments simples de se mettre d'accord sur l'ordre et ainsi de suite.

  • Speaker #0

    Et l'exercice du pouvoir ensuite, une fois que vous avez été élu, était plus simple ?

  • Speaker #2

    Oui et non. En fait, une campagne, c'est une dynamique de conquête. Et tout le monde est dans le même bateau, on avance, il y a un objectif commun, et on met nos énergies ensemble. Quel que soit le parti, quelle que soit la ville, quelle ville, campagne, voilà. L'exercice du pouvoir, là, c'est OK. voilà ton portefeuille, voilà ton ordinateur, voilà tes missions, pars sur ton autoroute. Ah, au fait, il y a ton collègue qui a aussi son bureau, son ordinateur, ses missions, il y a un truc que t'es en train de faire, ça l'embête fortement, il y a une tension entre les deux. Ah, il voulait ton poste, au fait, gnagnagna, gnagnagna, et ainsi de suite. Strasbourg ailleurs, j'invente rien. Mais c'est surtout qu'on doit passer d'un mode très dynamique sur le terrain contact direct à les relations qu'on a sont cadrées administrativement et légalement. Nos réalisations dépendent de l'administration. Il y a tout un cadre aussi à mettre en place. Strasbourg, c'est une ville qui était ultra stable. Ça fait 40 ans que gauche-droite, centre, c'est le centre qui gagne la ville depuis des années, avec des personnes très proches politiquement et qui n'ont pas vraiment d'autres tensions. entre elles que c'est moi le chef ou non c'est moi le chef. Derrière ça, l'administration, quand elle voit l'arc-en-ciel de gauche arriver avec des citoyens de tous âges, de tous bords, alors qu'elle est habituée à un truc assez système. systématique depuis 40 ans, elle n'est pas rassurée non plus. Donc il y a eu toute une phase où on devait d'abord voir le directeur général des services, puis les directeurs et directrices générales adjointes, puis les directeurs des services. À un moment, peut-être un an et demi après, on a le droit de rencontrer les agents. Ça a pris du temps. Parce que tout le monde a besoin d'être assuré. Nous, on a besoin aussi de s'approprier ses fonctions, comprendre ce que c'est une feuille de route, comprendre ce que c'est un cadre, comprendre les obligations des élus, et ainsi de suite. Pareil, il n'y a pas d'école pour ça. Donc, moi et quelques autres, on connaissait l'intérieur de la maison, on avait déjà nos expériences, mais les 4-5e de la liste sont grands débutants. Donc, il y a plein de projections sur ce que c'est être élu. le pouvoir, la capacité à faire, à décider. En fait, dans le réel, tu te rends compte que c'est surtout la capacité à négocier avec l'administration sur les budgets, les ressources, le temps, l'obligation légale, faire comprendre aux habitants que mettre une aire de jeu sur un terrain vague, ça prend quatre ans. Donc l'enfant pour lequel on veut le faire, ce sera peut-être même plus dans le quartier qu'on aura fait le toboggan, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc beaucoup de déconvenus, beaucoup de... de tensions sur les premières années. Et bien entendu, le jeu politique d'une opposition de vieux briscards qui, eux, attaquent sur les procès en compétence. C'était un peu leur stratégie de début de mandat.

  • Speaker #1

    Est-ce que, après, avec cette espérance-là, vous comprenez pourquoi il y en a certains qui disent que la politique, ça doit être un métier ?

  • Speaker #2

    Oui, mais je comprends qu'on puisse dire ça, mais moi, ma réponse, c'est plutôt que la politique, ça doit avant tout être un statut. C'est-à-dire que, nous, un truc qu'on a fait... Jeanne, elle a baissé ses indemnités pour mieux redistribuer un peu les enveloppes. Et on voulait que chaque collègue élu ait une fonction, ait une mission. Donc on a des conseillers municipaux délégués, chaque conseiller municipal a une attribution. Avant, c'est juste maire et adjoint, c'est là que ça se passe. Les conseillers municipaux, ils sont là pour le vote, pour filer les coups de main sur les mariages, les commissions de sécurité. Nous, on a donné des missions à tout le monde. Sauf que le cadre légal fait que la... L'indemnité de ces conseils municipaux délégués, c'est de l'argent de poche. Et quand on est élu, c'est quasiment possible de trouver du travail. Les horaires, c'est pas forcément compatible avec chercher les gosses à l'école. Et derrière ça, du coup, on se retrouve avec plus de responsabilités, plus de soucis, plus de complexités, plus d'obligations et moins de revenus. Et du coup, on l'a vu aussi récemment à Poitiers, avec la maire Léonore Monconduit qui est donc... Elle a été enceinte, elle a pris ce qui n'est pas un congé maternité, mais du coup elle a dû se mettre en retrait, elle a perdu toutes ses indemnités, et c'est son équipe qui a fait l'intérim le temps qu'elle puisse revenir. Mais effectivement, pour moi c'est déjà le statut, parce que la notion de métier, il y a aussi la notion de formation, c'est-à-dire qu'à ce moment-là il n'y aura que Juste Tianspo qui ferait de la politique. Et pour qu'on puisse avoir justement la société civile, les expertises diverses, Les gens qui puissent passer d'un côté ou de l'autre de la barrière, encourager les gens à s'investir, à mieux comprendre ce qu'on est, ce qu'on fait, c'est le statut. Moi, il y a plein de gens qui me disent Vous, vous êtes élu, vous avez la vie simple. Ce n'est pas un métier, c'est une fonction. Je n'ai pas d'assurance chômage, je n'ai pas d'assurance maladie. On a des caisses retraites qui ont été créées juste pour les élus. On a les chômages de caisses retraites. Je n'ai pas de réduction à la cantine parce que je ne suis personne extérieure. pas mal de temps dans mon bureau, pas loin de la cantine quand même. On n'a pas de réduction sur les forfaits de mobilité, je n'ai pas de réduction tram, vélo, quoi que ce soit, donc on n'a rien. Et la chance qu'on a, c'est d'être dans une ville de plus de 300 000 habitants, avec une métropole, ce qui me permet d'avoir mes indemnités qui me permettent de vivre. Je croise d'autres collègues à des congrès, en séminaire à gauche à droite, ou même en voyageant. Je discutais un jour avec un élu de la région de Toulon, qui était aussi à la métropole. Il me dit, moi, j'ai mes indemnités d'élu, mais je dois avoir deux taffes derrière. Donc, métier pour moi, c'est parcours, c'est cloisonner, c'est un peu former, c'est un peu de l'entre-soi. Commençons par... par le statut.

  • Speaker #1

    Et vous, vous arrivez à vivre correctement avec ce que vous touchez maintenant ?

  • Speaker #2

    Ouais, vu que c'est un peu le... Je crois que le concept de votre émission, c'est de parler un peu de la vraie vie, des coulisses. Tout à fait. Parler un peu d'intimité. Bon, moi, j'ai pas de voiture, je fume pas, je me drogue pas, je bois de l'alcool, je fais la fête, j'ai pas de femme, j'ai pas d'enfant, je... Je n'ai pas d'animaux de compagnie. J'ai été aidé par mes parents quand j'ai dû faire l'achat de mon appart. Ça va. Mais c'est une situation privilégiée. Moi, j'ai des collègues qui sont divorcés, qui ont trois gosses, qui ont des bonnes indemnités, qui font le taf, mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Ils font déjà du 70 heures semaine, donc c'est plus, on ne sait pas. Donc effectivement, il y a un peu cette question, une fois de plus, du statut. Siamak, il a fait le choix de rester urgentiste à 60%, parce qu'il veut garder le... le lien avec le concret, avec le quotidien des gens. Il ne veut pas retomber dans le piège du 100% politique. Donc, c'est usant pour lui, mais il le défend bec et ongle. Et en fait, c'est aussi, comment dire... Sur la façon de faire la politique dans notre investissement temporel. Moi, les attributions que j'ai actuellement, je suis en charge de la vie associative, de la jeunesse, de l'éducation populaire, des événements, j'ai un quartier. Ça, c'est mes attributions. Sur le mandat précédent, l'élu qui avait ça, il en avait ça plus d'autres. Et c'était quatre ou cinq collègues aujourd'hui qui se répartissent tout ce qu'il avait comme attribution. Donc on est passé de un élu à cinq pour les mêmes missions. On n'est pas sur la qualité. Vraiment, il fait son taf comme il le fait. Il le faisait. Moi, je bossais pour lui. Je connais ses méthodes. Je connais ses résultats. Ce n'est pas le sujet. C'est juste que nous, en fait, on est sur un mandat de transition. On doit faire évoluer les choses dans une administration qui est plutôt là pour protéger la continuité et dans une époque où on est un peu inquiet sur l'avenir. Donc, on est beaucoup en réunion. On est beaucoup au bureau. On est beaucoup en contact avec... avec l'administration. Et je sais que les élus, avant, ils ne passaient pas autant de temps que nous au centre administratif. Ils étaient en lien avec les partis, ils étaient en lien avec les habitants, ils font les marchés, ils vont au PMU, les sorties d'école, et ainsi de suite. Moi, j'ai... C'est terrible à dire, mais j'ai en fait peu de temps pour voir les habitants. tellement on est dans, ok, on l'a dit, dernier mandat pour le climat, il faut qu'on change la qualité de l'air, il faut qu'on change la santé environnementale, il faut qu'on change les logiques alimentaires, les logiques énergétiques, et en fait en six ans on doit transformer. mais une ville qui n'a pas bougé depuis 40-50 ans. Donc c'est sûr que moi, je n'ai pas trop de temps pour aller jouer aux cartes avec les habitants au café du coin. Et du coup, je passe ma vie en réunion à faire des mails, à prendre des arbitrages, à passer d'un quartier à l'autre tous les week-ends et ainsi de suite. Donc nous, c'est vraiment cette façon différente de réaliser notre mission politique qui fait qu'on a une autre temporalité qu'eux.

  • Speaker #1

    Justement, en fait, moi, quand je vous entendais, Et quand vous dites, on est tout le temps dans son bureau, on est dans notre bureau, en train de faire du programme, en train d'avancer sur ce qu'on fait pour sortir de la crise climatique. Et après, cette question de trait d'union, moi, j'allais vous poser la question, est-ce que vous n'êtes pas un peu des technocrates ? Et comment est-ce qu'on fait le lien avec la politique ?

  • Speaker #0

    J'ai même envie de faire aller plus loin la question. En ayant été agent avant, est-ce que ce n'était pas déjà faire de la politique ?

  • Speaker #2

    En étant agent avant, pour moi, c'est ce que je disais sur mon parcours, c'est faire de l'intérêt général. Est-ce que la politique produit de l'intérêt général ? Je reste sur mes valeurs citoyennes. Quand elle n'est pas encartée, quand elle n'est pas minée par les jeux de gouvernance, par les postures, elle produit de l'intérêt général. La politique, c'est une philosophie abstraite, c'est une vision, une volonté. Et si on veut qu'elle puisse produire de l'intérêt général, elle doit se réaliser par le biais de l'action portée par l'administration. Donc, est-ce qu'on est des technocrates avec ce rapport très réunion-bureau ?

  • Speaker #0

    Donc ouais je pense qu'effectivement coupable avec circonstances atténuantes. D'un côté il faut qu'on fasse évoluer la ville et pour ça il faut qu'on fasse évoluer l'administration. Parfois il faut qu'on fasse évoluer le cadre administratif et légal sur plein de nouveaux enjeux. La ZFE est un bon exemple, zone à faible émission. On a toutes les négociations... très abstraite, technique, maintenant avec l'État, sur les moyens qui nous sont alloués, vu qu'on n'a plus d'impôt direct. Et ensuite, il y a peut-être un biais qui est un peu dans l'identité. de LV, c'est des gens qui savent de quoi ils parlent. C'est souvent des ingénieurs. C'est des gens qui ont de la donnée, qui ont besoin de données, qui transforment des problèmes pour en faire des solutions, qui proposent des choses. Pour ça, il faut faire de l'intelligence collective, il faut faire de la transversalité, ça prend beaucoup plus de temps. Et c'est sûr qu'avant, un élu, il avait son silo d'agent dans l'administration, il disait, vous me faites ça, si vous le faites pas, je gueule, vous gueulez, tout le monde gueule. Nous, on est attendus, tout le monde est... n'est pas au courant de tout, on n'a pas pris une décision complètement conjointe, tout ça. On s'est un peu calmés sur ça, en vrai. Mais, enfin, voilà, il y a un vrai sujet sur ces cultures aussi partisanes, et celle de LV, justement, dans ce côté très... En fait, le GIEC, ça fait depuis les années 70 qu'on sait, et en fait, les données, elles sont là, les statistiques, elles sont là. Voilà une courbe de données scientifiques. Et ben, ouais, ça fait un peu techno, quoi. Mais je dirais plutôt ingénieur que technocrate, du coup.

  • Speaker #1

    Ça semble plus flatteur. Oui, il y a une question que je me posais. Tout à l'heure, on parlait de dégagisme, qui a semblé s'inscrire comme un temps fort en 2020. Mais est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui peut perdurer dans le temps ? Enfin, du moins que cette mouvance citoyenne puisse perdurer dans le temps et donc, d'une certaine manière, s'institutionnaliser, au même titre que des partis qui étaient là depuis un bout de temps ?

  • Speaker #0

    Je vous remercie pour votre question. Il y a deux éléments. Le premier, c'est le dégagisme en lui-même. Et le deuxième, ce que vous décrivez très bien sur les évolutions et le futur potentiel des mouvements citoyens. Le dégagisme, il est... très franco-français, et sans doute maintenant très européen, voire très démocratie moderne. Et en fait, à chaque élection, on veut dégager quelqu'un d'autre, parce qu'il y a toujours de la frustration chez les habitants, de l'incompréhension, de la souffrance, et il faut... un bouc émissaire, les personnalités publiques sont là, elles ne résolvent rien, c'est de pire en pire. Et donc, à un moment, on voulait virer le politique et on s'est dit, les citoyens, on saura le faire nous-mêmes. Voilà. Donc ça, c'était 2020. On voit que le dégagisme actuel, il est plus on va virer les institutions et on va mettre les extrêmes. Donc, on est de toute façon, si ça se trouve, depuis la Révolution française, dans cette volonté de dégagisme, et à chaque fois, c'est la loterie de t'as été nul, Donc maintenant on va essayer quelque chose d'autre, ce qui empêche les actions continue dans le temps, ce qui permet le ping-pong gauche-droite, et ainsi de suite. Donc ça je pense que voilà, on est dans la pire phase de dégagisme de l'histoire, et le problème c'est que ça va peut-être encore s'accumuler, je sais pas dans 15 ans dans quelle phase de dégagisme on va être quoi. Ensuite, je suis pas l'optimiste de l'équipe, c'est les autres. C'est Jeanne qui fait l'optimisme.

  • Speaker #1

    On reviendra.

  • Speaker #0

    Derrière ça, sur le futur des mouvements citoyens. C'est effectivement des mouvements qui, par essence, sont non structurés, ne sont pas là pour la conquête et le maintien, comme les partis. Et du coup, effectivement, tous mes collègues citoyens me disent que la réunion de coordination, je ne peux pas... là parce que j'ai les gosses à chercher. Alors que des gens qui sont dans des parties disent, moi, ma priorité, c'est la politique, ma vie personnelle, les gens qui acceptent d'y être en ont pris acte et c'est eux qui vont chercher les gosses, ou on n'en a pas fait, ou on se voit pas et c'est très bien, c'est acté. On a eu beaucoup de débats sur le pro-perso entre les collègues citoyens au début du mandat. Je vais y revenir. Mais pour vous répondre... Moi, je suis ultra citoyen. C'était, je pense, un des visages de l'investissement citoyen sur la campagne. Je suis revendiqué citoyen. Là, si je suis honnête, je ne peux plus me déclarer citoyen. Je suis élu à plein temps. Ça fait quatre ans. que je n'ai pas fait une réunion avec des citoyens où je ne suis pas perçu en tant qu'élu. Ce n'est pas un métier, c'est une fonction. Donc quand je suis à la boulangerie le dimanche matin, quand je suis dans la rue, quand je suis dans une réunion publique, il y a un adjoint de la ville qui est là. Et même avec toute la bonne volonté et mon investissement pour la cause citoyenne, j'ai l'honnêteté de dire que je ne le suis plus. Du coup, je ne sais pas ce que je suis. Et ça, c'est un autre problème. Et pour vous répondre aussi en complément avec des petites anecdotes, je sais que vous aimez beaucoup ça. Cas d'école. On a pour obligation, en tant qu'adjoint, de faire les conseils d'école. C'est fortement attendu. Donc, moi, j'en ai quatre. J'en ai des collègues qui en ont douze, et ainsi de suite, et ainsi de suite. J'ai une collègue. à un moment, le conseil d'école elle est attendue, ça fait 3 mois que les parents ont des problèmes par rapport à leurs gosses leurs craintes, leurs besoins pour leurs enfants, et elle dit j'y vais pas, parce que moi j'ai mon gosse à moi, qui a ses propres craintes, ses propres besoins qui a besoin de sa mère. Et du coup, est-ce qu'on fait passer son propre enfant avant ou après les 300 enfants qui nous attendent au conseil d'école ? Quand on n'en a pas, c'est plus simple de prendre la décision. Mais après, effectivement, ça a eu un impact concret sur la vie de beaucoup de collègues. Séparation, divorce, le cos qui crise, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et de l'autre côté, notre fonction, c'est comme les avocats. c'est comme les médecins, on ne voit que les gens malades. On ne voit que les gens qui ont des problèmes. Moi, je n'ai pas de mail de bonjour, je vais bien, merci Il y a un problème, c'est inacceptable, vous faites n'importe quoi, merci de régler ça tout de suite. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et en fait, à part peut-être pour les mariages, on voit 95% de gens mécontents, ou qui ont des problèmes, ou qui ont peur, ou qui ont besoin d'être assurés, ou qui ne comprennent pas. Et du coup, on bouffe du poison. Et La question, c'est que quand on rentre chez soi le soir ou quand on va boire un verre avec des amis, est-ce qu'on leur parle de ce qu'on vit ? Ou est-ce qu'on se le garde pour soi ? J'ai des collègues qui disent, moi, ma compagne, mon compagnon, c'est mon psy, mon invocat, mon ami, mon amour, ce que tu veux, je partage tout avec elle. Ok, très bien. L'autre qui dit, non, moi je ne mets pas de poison sur la table en famille, devant mes gosses et tout, c'est mon poison, je ne vais pas le répandre. Et du coup, on a quand même beaucoup de sujets sur l'impact concret de nos fonctions, sur nos vies. Et je termine juste avec un truc, moi, je... Quand j'ai des amis qui m'invitent à un apéro, je lui dis super merci, mais il y a qui autour de la table ? Une association qui veut une subvention, une association qui est déjà subventionnée, quelqu'un qui fait un petit lobby, ou un habitant qui habite dans le quartier qui a une question à me poser. Et à un moment, je vais juste boire un verre. c'est une amie que j'ai pas vu depuis 3-4 ans j'ai 7 personnes qui sont venues à table excuse-moi de te déranger j'en ai pour 2 minutes j'ai un truc à te demander et voilà personnalité publique moi j'ai signé pour j'assume mais il y a plein de collègues qui pour d'autres raisons parce qu'ils ont pas justement ce

  • Speaker #1

    célibat citoyen investi d'intérêt général que j'ai cette capacité à le faire c'est marrant parce que quand vous dites célibat d'intérêt général moi j'ai l'impression que la fonction d'élu ça approche là un peu de ce que d'un prêtre merci Il y a un peu ce truc-là de... En fait, il y a le confessionnel, on garde les idées, on garde ce que les gens nous confient et on ne va pas le sortir. Effectivement, pour l'intérêt général et tout, il vaut mieux être célibataire. Est-ce que c'est un peu le sentiment que vous avez de ce rôle dans la société ?

  • Speaker #0

    La notion de sacerdoce, c'est sûr. Mais comme on le disait, médecins, avocats, prêtres, ça se voit particulièrement, je pense, sur les maires de petites communes. Quand il y a moins de 200 habitants, quand il n'y a pas d'employés. le maire, il est prêtre, psy, juge, avocat, emploi ivoiri, il fait tout. Parce qu'il a signé pour être responsable de tout. C'est le notable contact, le chef du clan, le chef de tribu, je ne sais pas comment dire, mais du coup, oui, on absorbe ça. Après, c'est... Ouais, on prend le pouls de la société, on a accès à énormément d'infos. Pour moi, c'est vraiment ça, être élu, c'est que j'ai accès à beaucoup d'infos, parfois deux semaines avant que le reste des gens l'apprennent, ou des choses que les gens ne comprendront, ne sauront jamais, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Et c'est aussi ça qui est très pesant dans le quotidien, c'est qu'on sait trop de choses.

  • Speaker #1

    Mais ce poison dont vous parlez, c'est quelque chose qui vous met en mouvement, qui vous pousse à agir, ou au contraire, qui... Vous immobilisez un petit peu.

  • Speaker #0

    Je pense que sur les deux premières années du mandat, tous les collègues, moi compris, on est là pour aider Strasbourg à aller de l'avant, à se transformer, à répondre aux nouveaux enjeux, et ainsi de suite. Et on y va de façon volontariste. On commence le mandat avec le Covid, l'Ukraine, le gaz, le prix de l'énergie, l'inflation, les économies du gouvernement, ainsi de suite, ainsi de suite. De façon très transparente, je le redis, moi, les anciens élus de cette ville ou d'ailleurs, je n'ai aucune leçon de politique à recevoir de ces gens-là, parce que je pars du principe que, surtout à Strasbourg, on a eu 40 à 50 ans de copier-coller. aucune vision, aucun débat, aucun projet. Les gens, dès qu'ils sont sortis de leur carrière politique, soutenaient les mêmes personnes sur les mêmes listes, sans colonne vertébrale, sans truc, c'était juste des enjeux de pouvoir. Éric Piolle, à Grenoble, il l'a dit très rapidement sur son premier mandat, on a beaucoup discuté avec Grenoble quand on s'est mis en place, en fait, il y a une logique de propriétaire du pouvoir. Et on le ressent, nous, parce qu'on a une opposition, on a des figures importantes de la gauche historique qui organisent des réunions publiques avec En Marche et avec la droite. sans aucune cohérence politique. C'est juste la volonté de reconquérir le pouvoir, parce qu'on nous perçoit souvent comme des erreurs de l'histoire, des anomalies. Il y a une espèce de pouvoir de droit divin en France, où c'était mon tour, ils sont arrivés, c'était une erreur, on va récupérer notre dû très bientôt. Et en fait, on a la chance d'avoir une opposition très cohérente, très unie, mais effectivement, en termes de volonté de nous faire opposition et de récupérer le pouvoir, mais après, en termes de discours, c'est un petit peu plus flou. Du coup, on n'a pas de leçons à recevoir sur ça. On a été très volontaristes au début. On reste très soudés entre nous aussi parce qu'on a un front commun face à nos oppositions. Mais après, oui, l'usure de toutes ces crises qui s'additionnent. Et on est bien dans une posture de... Comment dire ? Ce n'est pas des crises temporaires, éphémères, ce n'est pas des hasards. On est actuellement dans une société de permacrise. Et ce n'est pas un hasard justement si tous les six mois on a un nouveau problème. Et personne n'a jamais été confronté, je pense, depuis 70-80 ans à autant de problèmes additionnés. Je ne sais pas ce qui nous fait encore avancer. Il y a sans doute le devoir, la responsabilité. Il y a des collègues qui ont pris leur distance. Il y a des gens qui ont ralenti. Il y a des gens qui se posent des questions. Il y a des déçus. Mais après, le prêtre, le médecin, l'avocat, l'infirmier, l'infirmière, c'est dans ces moments-là où on a le plus besoin d'eux. Donc, je gère ça entre moi et mes insomnies.

  • Speaker #1

    On est dans un moment démocratique et historique particulier. parce qu'aujourd'hui, on est le 22 juin 2024. Il y a un peu moins de deux semaines, le président de la République a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale. On est en pleine campagne pour les législatives, où il y a deux blocs qui se dégagent et qui sont plutôt très opposés sur les projets qu'ils proposent pour la France. On a une vague du Rassemblement national aux européennes qui a été inouïe. Comment est-ce que vous percevez ça en tant qu'élu ? dans une municipalité, est-ce que ça vous fait peur ? Est-ce que ça va impacter votre travail ? Quels sont vos sentiments aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Alors, sur la montée des extrêmes... Elle est permanente depuis les années 80. Elle a été même à un moment instrumentalisée, souhaitée, calculée par les partis historiques sur le diviser pour mieux régner. Comme les États-Unis, quand ils font de l'ingérence géopolitique internationale, ils créent un terroriste. Ils pensent qu'ils vont pouvoir le garder sous leur contrôle et régler leurs problèmes comme ça. Et en fait, derrière, on se retrouve avec Daesh. Voilà. En fait, voilà, la séquence fait qu'on a perdu une bataille culturelle. L'extrême droite est devenue la droite, la droite est devenue le centre-droit, l'extrême droite maintenant c'est Éric Zemmour, ce qui permet à plein de gens de dire que non, non, non, Marine Le Pen, bardez-la, ça va. Donc il y a cette bataille culturelle qui a été perdue, et c'est ça le plus grand échec. Et le problème c'est que pour revenir à une situation plus équilibrée, plus démocratique, ça prend 20 ans. Et il faut penser le temps long. Et c'est souvent ça la mission du politique, qui malheureusement ne pense que le temps électoral et prépare la prochaine campagne. Du coup, moi ma crainte principale, c'est sur les jeunes. Dans cette logique de temps long. On a actuellement des jeunes qui ont 16 ans, qui n'ont pas le droit de vote, qui se revendiquent déjà abstentionnistes, et qui vont au meeting du RN. pour faire des selfies avec Jordan. Parce que c'est un objet de fascination, parce que c'est une rockstar, parce que réseaux sociaux, parce qu'il a réussi à mettre ça en place. Et on voit que, même si entre eux, il n'y a toujours pas de programme, si la haine, elle est prégnante, si les propos sont tous condamnables par la loi, même les stratégies entre eux, ça ne fonctionne pas. Marion Maréchal, on ne sait plus où elle est, elle s'engueule avec sa famille, elle s'engueule avec Zemmour, elle s'engueule avec tout le monde. En fait, ce n'est pas grave, parce qu'ils partent du principe qu'ils ont gagné, c'est leur logique de campagne de dire que ce n'est même pas la peine de venir, les gars, c'est gagné, c'est notre tour maintenant. Voilà, on va faire comprendre que non, c'est pas forcément leur tour, la campagne, il faut la faire, il y a plein de choses qui commencent à en sortir, qui sont très intéressantes, mais elle se passe dans un contexte de chaos, qui a été volontairement et stratégiquement mis en place par le président de la République. qui est fortement adepte de ces stratégies de chaos, le ni de gauche ni de droite, je casse les appareils, je casse les mouvements intermédiaires, je casse les assos, je casse les syndicats, je casse le service public, et j'optimise la France pour qu'elle soit compétitive, tout ça. Mais c'est une volonté calculée, stratégique, de peut-être pouvoir revenir au prochain cycle en étant à nouveau une forme d'homme providentiel, c'est de tester aussi les gens, je pense qu'il y a un peu d'égo. là-dedans, il aime pas qu'on l'aime pas. Faut aimer aimer, c'est sûr, quand des gens qu'on les aime, voilà, mais parfois on les aime pas, ils aiment pas. Donc il a pas aimé qu'on l'aime pas, donc il a cassé le jouet, et le problème c'est qu'il fait ça de façon à la fois irresponsable et volontaire. Donc ça paraît que les gens le sentent. Et comment est-ce qu'on peut être crédible politiquement ? quand la personne qui est censée être la plus responsable du pays est la plus irresponsable. C'est un signal délétère. Donc on est sur plein de sujets comme ça, et c'est sûr que nous, on galère déjà sur le terrain à faire comprendre aux gens qu'on est en responsabilité, on fait avec les moyens du bord, on n'a pas de baguette magique, on se bat, on crée des nouveaux sujets comme l'équité territoriale, on redistribue les subventions aux petites et moyennes associations pour qu'elles puissent retourner vers les gens. C'est vraiment ce que... parfois les grandes ne font plus forcément ou pas de la même façon, et ainsi de suite et ainsi de suite. On essaie de développer des réponses pour la jeunesse, mais derrière, on a ça. Donc, c'est... En fonction de la configuration émotionnelle de chacun, il y a d'autres réactions. Que ce soit le déni, la tristesse, la dépression, machin. Moi, je suis plutôt dans la colère comme garçon, côté adolescent qui est toujours un petit peu là. Donc oui, moi, je vais tenir mes bureaux de vote. J'essaie de filer la main sur les campagnes. J'encourage les associations, les syndicats à avoir des expressions politiques. On a eu sur la marge des visibilités, la Gay Pride à Strasbourg, énormément de monde. Ça fait pareil, ça fait maintenant deux, trois ans qu'on a des fréquentations. historique sur cette marche parce qu'on rassure tout le monde, on leur dit que Strasbourg c'est leur ville vous pouvez être là et au-delà du côté festif et visible maintenant, cette marche elle est redevenue politique, il y a eu beaucoup de débats entre les assos sur le slogan, la pancarte, la visite visibilité, le combat, la défense des droits, et pas juste dire on est content, on est là, et on est tous égaux. Parce que cette égalité, elle est menacée. Et du coup, parce qu'on se connaît un peu maintenant et qu'on se dit tout, je vais vous partager une malédiction chinoise que j'aime beaucoup. C'est une malédiction chinoise qui dit je vous souhaite de vivre une époque intéressante. Et une époque pas intéressante, on est couché à 20h, on a fait des mots croisés, on a mangé sa soupe, puis voilà, on est bien. Une époque intéressante, potentiellement, il y a quelqu'un qui défonce la porte avec une hache en parlant une langue étrangère. C'est intéressant.

  • Speaker #1

    C'est ça qu'on se souhaite, Alain ?

  • Speaker #0

    C'est ça qu'on assume de devoir vivre bien malgré nous.

  • Speaker #1

    C'est ça qui vous a poussé, vous a engagé ? Vivre quelque chose d'intéressant ?

  • Speaker #0

    Non, mais moi quand je suis élu, je ne voulais même pas être adjoint. Je me disais, moi je peux aller au CAB, je serais très utile là-bas. On m'a dit, non, non, toi tu es élu. Je me suis dit, ah bon, d'accord. Du coup, moi, ce qui m'a poussé, c'est de voyer un peu mon parcours. C'est des ricochets. J'ai une espèce de direction générale. Mais derrière, c'est les rencontres, les opportunités, les moments, les carrefours. On faisait un truc. Je suis insupportable sur les anecdotes. Je suis désolé. Ah,

  • Speaker #1

    c'est la terre !

  • Speaker #0

    On faisait un exercice avec les services civiques, il y a quelques mois de ça, sur justement la frise temporelle de la bataille des droits. en France, avec toutes les grandes dates qui ont marqué la France ou la question des droits avancés. Et ça rejoint le truc que je peux voir dans d'autres bouquins, séries, télé, ce que vous voulez, sur en fait l'histoire Il y a beaucoup de moments où il ne se passe rien, c'est une espèce d'autoroute, et il y a un moment où pendant 5 à 10 ans, il se passe tout. Et c'est un carrefour où 1789, 1980, le droit des femmes, juste pendant 2-3 ans, on redistribue toutes les cartes. Il y a une période de chaos, big bang, ça part dans tous les sens. Une fois que c'est fait, c'est fait, et on repart pour 15 ans de ok, c'est ça le modèle J'espère secrètement que c'est ça qu'on est en train de vivre, et j'espère secrètement que les cartes qu'on est en train de redistribuer, elles seront au bénéfice de tous les habitants et habitantes de ce pays, quels qu'ils soient, à l'issue de cette parenthèse.

  • Speaker #1

    En tant qu'élu, vous arrivez à engager aussi des citoyens dans ce mouvement, dans ce moment pour abattre les cartes ?

  • Speaker #0

    Là, vous mettez le doigt dans la plaire. On est au cœur du podcast, là. On est au cœur du moment. En fait, parce que je suis maintenant perçu, quoi que je fasse, comme un élu, bien malgré moi, quoi que je dise, quoi que je fasse, je représente l'institution. Donc, si je vais chercher des gens, ils vont être sur une forme de vigilance, de manipulation politique ou autre. Et je ne peux pas leur en vouloir, vu comment les gens ont effectivement été traités. La question, c'est plutôt... Comment est-ce qu'on déclenche l'initiative chez les habitants ? Avec Siamak, avec quelques autres collègues, on est convaincus qu'une politique, d'autant plus de gauche, de changement, ne peut se réaliser que si elle est accompagnée d'un mouvement populaire. Et en fait, on a besoin de nous envoyer le signal, et on a besoin que les gens disent oui, on est d'accord avec ça et on veut la même chose Et après, l'administration, la société, les médias... ils enclenchent. Mais si c'est juste le politique qui décide tout seul, sur une transformation, ça ne prend pas. Donc nous, ce qu'on essaie de faire, via la participation des citoyennes, via la redynamisation du mouvement associatif, de la société civile organisée, c'est de dire aux gens, vous êtes porteurs d'initiatives, vous avez des valeurs, peut-être que... qu'elles rejoignent les nôtres, et peut-être qu'on peut bosser ensemble. Mais ce n'est pas à moi d'aller chercher pour dire, je crée une boucle WhatsApp que je vais administrer, et je vais vous dire un peu le plan de campagne. Ça, je ne fais pas.

  • Speaker #1

    Quelle est votre plus grande réussite en tant qu'élu ? Votre grande fierté ?

  • Speaker #0

    Je vais répondre par thématique par thématique, j'essaie d'en avoir au moins une. Sur le quartier que j'administre, il y a un dialogue avec les habitants. On a réussi à transformer un peu le quartier. Ça fait râler encore un peu de monde dans le quartier, c'est normal. Mais en tout cas, on commence à voir ce qu'il pourrait devenir à la fin. dans les prochaines années. Sur la vie associative, on a une délibération cadre qui est une réponse concrète de soutien aux associations, qui n'est pas dans les logiques du contrat d'engagement républicain. On est dans une logique de simplification administrative, on sécurise les assos, on met en place des conventions pluriannuelles d'objectifs, on le fait avec les centres sociaux, c'est historique. Moi j'ai des mails de coups de fil de toute la France qui me demandent cette délibération pour la reproduire ailleurs. Sur la politique événementielle, c'est que ce ne soit pas juste une politique d'attractivité, de tourisme ou de loisirs, mais que ce soit une vraie politique publique qui réponde à des besoins. On a un dispositif qui s'appelle Touriste dans ma ville, où on a des gens à Strasbourg qui ne sont jamais venus au centre-ville, qui n'ont jamais vu la cathédrale. Maintenant, ils peuvent venir l'été. avec de l'accompagnement social, au centre-ville, visiter gratuitement un musée, manger une glace, en lien avec les associations. On va aussi porter des événements où il n'y en avait pas avant. Il y a du ciné... de plein air ailleurs qu'au centre-ville. Il y a des ciné-plein air au fin fond, des impasses, des ruelles méconnues où il n'y a jamais rien eu. Et par exemple, pendant la période Covid, on est une des seules villes à avoir réussi à maintenir les programmations événementielles. En particulier l'été, on a entre autres le Festival des Arts de la rue. Au lieu de faire une semaine de festival, on avait tous les samedis dans un autre parc, dans un autre quartier, une partie de contenu. Et à un moment, il y avait une déambulation. de comédiens de rue en soucoupe volante déguisés en extraterrestres au fin fond d'un QPV où il n'y a pas eu de culture depuis 40 ans et en fait les habitants étaient à leurs fenêtres ils étaient quand même un peu surpris et contents de voir des trucs mais c'est les comédiens qui ont été le plus surpris, eux qui sont là pour déstabiliser ils ont été vachement plus déstabilisés parce que c'est un coin où il y a des habitants qui promènent une chèvre en laisse et tout ce qui peut se passer dans la magie des QPV où le melting pot est où il y a des gens qui n'ont pas les codes et tout, qui voient arriver des extraterrestres au sens propre, qu'est-ce qui se passe ? Donc on a pu vivre ça. Capitale de Noël, on arrive à transformer l'événement, à le rendre éco-responsable, en tout cas en essai. Et oui, on a 3,3 millions de visiteurs. Ce n'est pas une fierté, on est contents. C'est plus un sujet de vigilance. Mais on n'a pas à rougir sur ce qu'on appelle l'attractivité.

  • Speaker #1

    Et au contraire, quel est votre plus grand regret ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est peut-être d'arriver trop tard, comme on le disait, sur cette bataille culturelle, sur mettre un peu la société. En fait, moi, toutes mes... Toutes mes thématiques, c'est celle du lien social. Les grands rassemblements événementiels, les centres sociaux, la jeunesse, les associations. Je suis l'élu en charge du lien social, ce qui explique que je suis un petit peu chargé au niveau de l'agenda. C'est d'arriver trop tard. C'est des choses qu'on aurait dû faire il y a 20 ans pour empêcher que ce qu'on est en train de vivre, on le vive. Et j'en parlais déjà à l'époque à d'autres élus ou dans d'autres villes de cette vision qu'on développe actuellement. Ça faisait doucement rigoler. Donc moi, je pars du principe que les élus de ce pays sont responsables de l'état du pays. Pas que eux, bien sûr, mais c'était comme quand on était avec le mouvement citoyen, qu'on apportait des solutions qui étaient réalisables. On nous disait non. Comme quand, en fait, on dit l'extrême est en train de monter, on va faire une tribune. Ah, au fait... et on en est où de l'éducation civique dans l'éducation nationale ? C'est une option toutes les 15 jours si le prof est là. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc, il y a un vrai truc à un moment sur tout ce qui a déclenché la montée du mouvement citoyen qui reste d'actualité, mais qui est venu beaucoup trop tard. Et derrière ça... Oui, après il y a bien sûr mon état de santé et mon état d'hygiène corporelle et tout ça. C'est aussi un problème.

  • Speaker #1

    Et vous vous voyez élu encore longtemps ?

  • Speaker #0

    J'assume. Alors je sais qu'il y a beaucoup de démissions sur les fonctions maire et adjoint en 2022-2026. Ça confirme tout ce qu'on dit. C'est des signaux importants, graves. Est-ce qu'il y aura encore des maires pour administrer, pour assumer ces responsabilités et ces coordinations ? dans les années à venir, rien n'est moins sûr. Donc il faut redorer un peu ce blason-là. Moi, j'ai signé pour 6 ans, je resterai pour 6 ans. Après, comme je le disais avant, moi, je n'ai pas fait le choix d'avoir une vie politique. Peut-être que je retournerai mon... d'associatifs, peut-être que je ferai autre chose, peut-être que je remplirai. Voilà, c'est bien sûr des questions que tout le monde me pose. Je vois ça aussi comme un truc plutôt positif sur mon bilan. Les gens me disent Ce serait peut-être intéressant si tu pouvais rester. Je dis Oui, mais d'abord, il faut que j'en parle à mon ulcère. Moi, c'est d'accord. Mais plus sérieusement, c'est écrit pro-perso, santé mentale. Quelle société ? veut accompagner en fait parce que là on se bat pour sauver des choses transformer des choses mais est-ce qu'il n'est pas trop tard et quand justement on développe des politiques jeunesse et qu'on a un vote jeune qui est ultra axé sur les extrêmes parce qu'ils ont peur parce que on leur dit au fait toi le jeune c'est l'avenir de la planète On t'a pas dit, la planète elle est en train de cramer, donc il n'y en aura pas d'avenir. Ah au fait, toi le jeune, faut que tu travailles à l'école pour avoir du taf. Ah au fait, on t'a pas dit, ton taf est remplacé par une intelligence artificielle. Tu vas jamais taffer. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc voilà, et c'est pas pour rien qu'effectivement, ils ont ces réactions-là. La génération climat a très vite été remplacée par la génération extrême. Et dans les deux cas, c'est de la peur. Et dans les deux cas, c'est de l'anxiété. Et en fait, c'est juste la nature de l'anxiété qui change et qui permet d'évoluer sur le bord politique. Mais la base première, c'est que les jeunes ne sont pas intégrés socialement. Ils sont rejetés. sont malmenés et du coup, qu'est-ce qu'on fait pour la suite ?

  • Speaker #1

    Peut-être une dernière petite question, parce qu'on est quand même dans le podcast Vie de maire.

  • Speaker #0

    Vous ne faites pas de promesses que vous ne pouvez pas tenir, il y aura plein de questions encore.

  • Speaker #1

    Oui, je confirme. Comment est-ce que vous concevez l'articulation entre adjoint et maire ?

  • Speaker #0

    Ça dépend de la dimension de la ville, ça dépend de l'ambition, ça dépend du caractère, ça dépend de est-ce que le maire veut monter à Paris à un moment, est-ce que le maire a aussi ses propres envies de messages et d'actions à faire passer. Jeanne, par exemple, elle a fait le choix de s'investir sur la question européenne et relations internationales. Donc, voilà, c'est un peu étrange parce qu'on est à la fois des extensions, des représentants ou des avatars. Être élu... c'est avoir un pouvoir de signature. Ça, c'est la base. La maire, elle a pouvoir de police, pouvoir de signature. Et elle délègue ses pouvoirs de signature à des adjoints, parce qu'il n'y a que 24 heures dans une journée et que personne n'a la connaissance absolue, et ainsi de suite. Donc moi, j'ai mes pouvoirs de signature. Maintenant qu'on a chacun un peu fait nos preuves, on se fait confiance, donc elle me laisse plutôt le champ libre. Si on a un rendez-vous, c'est que j'ai dû faire une bêtise à un moment. Mais c'est vrai que c'est une relation très complexe, parce qu'on est... nous-mêmes investis de son pouvoir, tout en étant son représentant, sa représentante, tout en étant parfois pas d'accord. Enfin, voilà, il y a un côté... Est-ce que vous savez combien il y a de cerveaux dans une pieuvre ? Combien il y a de pieuvres à la pierre ?

  • Speaker #1

    Je ne savais même pas qu'il y en avait plusieurs.

  • Speaker #0

    Il y a neuf. Il y a le cerveau central et chaque tentacule a son propre centre cérébral. Et c'est un peu ça. Oui, Jeanne, c'est bien sûr la centralité, la globalité, mais derrière, il y a une indépendance, une identité qui... se tissent à partir de ce centre-là et qui a sa propre vie. Et chaque tentacule, il est indépendant de l'autre et il vit son truc pour l'usage commun. Donc, il y a un peu un truc comme ça. Et bien sûr, la question qui se pose souvent aussi, c'est... le rôle du CAB. Parce que la mission première d'un cabinet, c'est de protéger et accompagner la maire et la présidente, c'est pas d'accompagner les adjoints. Et beaucoup de collègues se disent, en fait, le CAB, il bosse avec nous, pour nous. Pas du tout ! C'est un autre élément de négociation diplomatie. Et moi, pareil, quand les gens m'interpellent dans la rue, me disent, vous êtes élu, vous avez le pouvoir, j'ai une forme de pouvoir, j'ai surtout des responsabilités. Mais derrière, j'ai une négociation avec la maire, j'ai une négociation avec le cabinet, j'ai une négociation avec l'administration, j'ai une négociation avec les habitants. Et pour moi, c'est ça un peu. C'est qu'on est dans ce côté un peu trait d'union, recherche de points d'équilibre, de diplomatie entre tous ces corps pour avoir une décision qui convienne à tout le monde à la fin.

  • Speaker #2

    Et quel conseil est-ce que vous donneriez à un jeune qui souhaiterait monter une liste en 2026 ?

  • Speaker #0

    Fais-le ! Mais renseigne-toi un petit peu avant. Parce qu'il y a vraiment un effet délétère sur les déceptions, il y a vraiment un effet délétère sur toutes les illusions qu'on peut projeter sur ce que c'est un politique. Et je disais avant que je n'ai pas de leçons à recevoir des élus précédents. Néanmoins, je ne cacherai pas que j'aurais préféré vivre un mandat comme eux l'ont eu, beaucoup plus simple, où l'exercice du pouvoir était beaucoup plus je suis un élu, vous êtes différents maintenant que vous allez faire De toute façon, le plein emploi, on l'a. De toute façon, les impôts, ils sont là. On n'a pas de timer parce qu'il y a une guerre sur le continent, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Donc, non, non, il faut que les jeunes s'engagent. Après, effectivement, je leur conseillerais de passer, justement, par le milieu associatif avant, pour se confronter à la gouvernance partagée, aux responsabilités partagées, à l'organisation. et pas juste être dans une pulsion d'image, ma tête sur l'affiche.

  • Speaker #1

    Merci, monsieur Livier, pour cette interview aussi intéressante que notre époque.

  • Speaker #0

    Vous êtes un peu chinoise, vous. À bientôt.

  • Speaker #3

    Dans ce podcast, nous mettons souvent en lumière les mers, ces visages visibles, symboles de nos mairies. Mais il ne faut pas oublier la face immergée de l'iceberg. Les adjoints, conseillers municipaux, élus de la majorité ou de l'opposition, qui œuvrent discrètement mais inlassablement pour le bien commun dans leur commune. L'engagement, ce n'est pas qu'un don de soi, c'est aussi un cadeau à soi-même. Une étude publiée récemment par la MRF et l'Observatoire à Maroc le montre. 70% des maires affichent une satisfaction tant qu'élus. S'investir pour les autres, c'est soigner sa santé mentale. Prendre part à un projet collectif, c'est trouver un sens profond à son quotidien. Vivre avec son poison, comme nous le dit Guillaume Lipsig. C'est aussi vivre pleinement une époque intéressante. Car s'engager, c'est une riposte au dégagissement bien. C'est affirmer que notre démocratie peut retrouver ses couleurs, que la confiance peut renaître, que les citoyens peuvent se rassembler. Et en 2026, vous n'aurez pas forcément besoin d'être en tête de liste pour vous aussi. changer les choses. Vous avez écouté ce podcast jusqu'au bout, alors on imagine qu'il vous a plu.

  • Speaker #4

    Pour nous soutenir, laissez-nous des étoiles, des commentaires, partagez l'épisode à vos copains et suivez-nous sur Instagram à Tv2mer.

  • Speaker #3

    Chaque soutien est hyper précieux.

  • Speaker #4

    A bientôt dans une prochaine vie de mère.

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