- Speaker #0
voice of industries.
- Speaker #1
Mickael, bienvenue sur le podcast Voice of Industries, ravi de t'avoir avec nous. Aujourd'hui, on va parler du sujet de la transformation dans les industries de procédés. Pour commencer, je te laisse te présenter et expliquer un petit peu l'activité d'OPO.
- Speaker #0
Merci Mathieu, très heureux d'être avec vous. Merci pour l'invitation. associé chez OPEO, qui est un cabinet que j'ai cofondé avec deux collègues. Et en termes de parcours, ça fait 25 ans que je travaille dans le secteur industriel, par conviction. Je suis persuadé que le secteur industriel est important pour l'économie, mais aussi pour la société et pour la planète. On pourra y revenir. Et j'ai commencé comme opérationnel dans l'auto, en usine, terminale, fabrication de voitures, parcours d'ingénieur classique avec un poste plutôt managérial sur la production, la maintenance et l'industrialisation. Et ensuite, je suis devenu consultant. Et mes expertises depuis que je suis consultant, Ils sont de trois ordres, la stratégie industrielle, qui est un sujet assez actif en ce moment, donc revue d'implantation d'usines, d'empreintes industrielles d'un réseau d'usines ou d'entrepôts, les problématiques de make or buy, réduction des coûts, etc. Donc toutes les questions que peut se poser un directeur industriel. Les problématiques de transformation d'usines, souvent pour aller chercher de la performance, et puis les problématiques d'accès à la donnée pour créer de la valeur sur le terrain.
- Speaker #1
Vaste sujet. Alors, on pourra revenir sur le pourquoi l'industrie permet de résoudre un certain nombre de sujets sociétaux, environnementaux, parce que personnellement, je partage complètement cette vision, donc avec plaisir pour en parler tout à l'heure. Mais pour commencer, on a mis aujourd'hui le focus sur l'industrie de procédés et les transformations qu'elle vit aujourd'hui. Pour toi, est-ce que tu peux nous décrire un peu plus quels sont ces enjeux auxquels ces industries font face aujourd'hui et qui sont, je dirais, un peu nouveaux et qui sont en train de transformer ce monde ?
- Speaker #0
Oui, il y a plusieurs natures d'enjeux. Il y a des enjeux qui sont liés à cette industrie-là. Typiquement, le fait que c'est un secteur qui est très intensif en actifs, donc qui nécessite beaucoup d'investissements réguliers pour éviter l'obsolescence technique, qui nécessite des gros investissements. Donc, c'est un secteur qui est... a toujours été un secteur où, en fait, il est très important d'avoir des actifs qui fonctionnent à la bonne valeur et qui innovent en permanence pour faire de la productivité et de l'efficience. Donc ça, c'est une caractéristique qui reste importante, qu'il faut continuer à travailler. En revanche, il y a des choses qui sont plus conjoncturelles, liées aussi à des intrinsèques qui sont notamment le côté mondialisé des boîtes qui sont dans ces secteurs-là puisque, par définition, on est très proche, en fait, de la première partie de la chaîne qui est l'extraction, que ce soit l'extraction minière ou l'extraction de... par des puits de pétrole, du gaz ou de sources énergétiques, en fait, on est souvent dans la transformation qui est juste après. Donc, en fait, on est connecté aux matières premières. Et comme on est connecté aux matières premières, on a tout de suite des implantations mondiales avec des problématiques mondiales. Et donc, comment est-ce que ça, ça se traduit sur des enjeux plus business ? Récemment, ça s'est traduit beaucoup par de la volatilité. Les matières premières, on sait qu'elles ont beaucoup fluctué, l'énergie a beaucoup fluctué. Et dans la base de coût de cette industrie-là, évidemment l'énergie, la matière première est très importante et donc elles sont très sujettes à ces variations qui ont toujours été existantes, mais qui depuis le Covid se sont beaucoup amplifiées. Il y avait toujours eu un peu de variations, mais depuis le Covid, ça fait des battements qui sont beaucoup plus fréquents et donc qui ne sont pas forcément simples à absorber quand on est très capitalistique, parce qu'on n'est pas aussi agile potentiellement que des boîtes qui font du light manufacturing, tout simplement. L'autre sujet lié à cette mondialisation des flux, c'est le protectionnisme qui revient en force. J'avais vu une stat récemment, ces deux dernières années, Il y a eu dix fois plus de lois pour fermer des frontières qui ont été votées dans le monde que de lois pour libéraliser l'économie. Et donc la conséquence, c'est qu'il y a de plus en plus de barrières d'importation de tous les côtés. Donc quand je dépends très fortement du reste du monde, ça va forcément m'impacter comme industriel, ça va forcément impacter les choix que je fais. Et puis dernier élément pour terminer sur ce côté mondialisé, c'est évidemment la concurrence et les événements géopolitiques qui arrivent. La concurrence avec notamment la Chine qui fait beaucoup de dumping en ce moment, puisque dès que la Chine ralentit, elle fait du dumping en Europe, notamment pour baisser les prix pour exporter ses matières premières, l'acier, le ciment, le verre, etc. Donc ça fait du dumping, ce qui fait que les entreprises européennes ont du mal à trouver un business model rentable. Et la guerre en Ukraine n'a pas aidé les choses, puisque le prix du gaz qui a explosé en Europe, le prix du gaz est quatre fois plus élevé qu'aux US ou en Asie. Comme beaucoup de matières premières sont indexées sur le gaz, c'est pour ça que tout le secteur de la chimie est en train de souffrir énormément. Le secteur de l'acier est en train de souffrir énormément. L'aluminium, ça va un peu mieux, mais ce n'est quand même pas évident. Le plastique non plus. En fait, on a vraiment une problématique très conjoncturelle en plus des problématiques structurelles. Peut-être un dernier élément. Je suis un peu long, je suis désolé, mais parce qu'il est aussi important pour moi. C'est un secteur qui nécessite beaucoup de technicité. où en fait on a besoin de techniciens qui prennent vraiment des temps de formation assez longs, parce que comme on le disait, c'est des machines assez complexes, avec un lien produit-process très imbriqué, et donc les ingénieurs produit-process, les techniciens produit-process sont clés pour réussir, les maintenanciers aussi, les automaticiens et mécaniciens. Or on sait très bien que ces ressources-là, notamment en France, mais en général en Europe, c'est des ressources de plus en plus rares, avec en plus une pyramide des âges assez défavorable, donc il y a un vrai défi de renouvellement des générations sur ces métiers-là. Et en plus, avec un secteur qui a un déficit de crédibilité dans la société, puisqu'il est plutôt perçu négativement. Quand je vois des articles sur ce secteur-là, en général, c'est les 50 plus gros pollueurs de France ont rencontré Emmanuel Macron. Donc ce n'est pas l'industrie qui est à la base de tout le secteur industriel a rencontré Macron, c'est les 50 plus gros pollueurs ont rencontré Macron. Donc en fait, l'étiquette qu'on met sur ces usines, c'est des pollueurs. Sauf que si on délocalise ces usines ailleurs dans le monde, elles vont polluer encore plus. Donc, OK, on aura l'impression qu'on est dans un environnement très propre, sauf qu'on importera du CO2. Donc, ce n'est pas mieux que de l'avoir sur notre sol.
- Speaker #1
Et puis, il y a un sujet, c'est qu'on commence à se rendre compte que quand on délocalise cette industrie lourde, qui est quelque part l'industrie amont, quelque part, toute la chaîne de valeur avale, elle part aussi dans les pays où on a délocalisé. Et on oublie que cette chaîne de valeur amont, elle est indispensable pour le reste de l'industrie. Et la proximité géographique dont tu parlais, d'autant plus dans un monde où on ferme les frontières et où il y a de plus en plus, je dirais, de visions souverainistes dans les différentes zones géographiques, ça devient un vrai enjeu. Pas de souveraineté, d'ailleurs.
- Speaker #0
Oui, on est passé, pour rebondir sur ce que tu dis, on est passé par un pic. Alors, c'était Jankovic qui, j'entendais dire ça récemment, il disait, on est passé par un pic. Si on prend vraiment les matières premières en Europe, en 2007, où en fait, on est maintenant sur une courbe descendante d'exploitation des matières. premières par rapport à ce qu'on importe. On avait encore un peu de fer, quelques matières premières qu'on allait extraire en Europe. Et donc, la conséquence, c'est qu'en fait, comme on n'a plus quasiment plus d'extraction, on devient un peu comme le Japon qui a réussi à construire un modèle sans avoir trop d'accès aux ressources, mais qui s'est spécialisé sur un certain nombre de choses, où il faut qu'on réinvente un peu comment est-ce qu'on fait l'industrie lourde sans avoir la première étape qui est la mine. Et du coup, on va continuer à consommer tous ces matériaux ou toutes ces sources d'énergie. les transformer, mais sans forcément les avoir sur le territoire, ce qui n'est franchement pas forcément simple en termes de flux et de business model.
- Speaker #1
Oui, c'est clair. Et puis après, on est à la merci de pays, par exemple comme la Chine, qui vont interdire l'exportation de certains composants pour pouvoir privilégier la fabrication d'équipements plus complexes sur leur territoire et gagner en maîtrise de la chaîne de la valeur. Exactement. Alors, on va faire un petit pas de côté. Tu as écrit un certain nombre de bouquins sur les méthodes d'Elon Musk. Lui, il est plutôt dans le monde du manufacturier avec Tesla et SpaceX. Pour toi, est-ce qu'il y a également dans les approches qu'il a amenées à ses entreprises, des choses à prendre pour appliquer à l'industrie de procédés ? Quelques points qui seraient un peu spécifiques qu'on pourrait quand même transposer.
- Speaker #0
Oui, comme dans tous les modèles, il y a des choses à prendre et d'autres pas. Mais quand j'ai fait cet effort de codification du modèle Tesla en 2017, l'idée c'était de comprendre ce qui faisait que Pour moi, c'était la première startup industrielle à passer à l'échelle, Tesla, et en plus née dans la Silicon Valley, donc c'était hyper intéressant. Du coup, j'avais codifié ça sur un certain nombre de dimensions. Quand on regarde les différentes dimensions, il y a quand même beaucoup de choses qui sont complètement transposables sur l'industrie de process. La première chose qui est hyper transposable, c'est ce que j'avais appelé le patron technicien, c'est-à-dire qu'un des points qui fait la différence de ce modèle-là, qui est beaucoup lié à Musk, mais qui est lié d'une manière générale à tous les patrons qui sont dans la tech, c'est qu'en fait, c'est des gens qui font beaucoup. Ils ont valeur d'exemplarité, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas seulement dans la vision, contrairement à ce qu'on pourrait penser, un partenaire de startup, ce n'est pas seulement la vision, c'est aussi être capable de faire et de descendre très profond sur des problématiques précises. Et donc dans l'industrie de process, très clairement, c'est quelque chose qui est totalement pour moi applicable, parce qu'avoir un patron qui ne comprend pas ce qu'est la métallurgie, par exemple, dans une boîte qui fait de l'acier, c'est à mon avis un vrai problème, même s'il y a besoin d'autres éléments, bien sûr, pour diriger une boîte qui fait de l'acier, mais c'est important d'être capable de se connecter à la base. Donc ça, ça reste un point important. L'autre aspect qui est important que j'avais décrit aussi, c'est ce que j'avais appelé la traction tentaculaire, c'est de se dire comment est-ce que je peux penser à des nouveaux modèles d'affaires dans ce monde qui est de plus en plus complet, qui utilise de plus en plus sa donnée. Donc chez Tesla, c'est assez évident, c'est la voiture connectée, donc il y a plein de potentiels modèles d'affaires associés à la voiture connectée et à la voiture autonome. dans le cadre de l'industrie lourde. Ce qu'on voit aujourd'hui dans l'industrie de process, il y a tout ce qui est lié à l'industrie circulaire. qui va permettre beaucoup plus de réutiliser les matériaux, parce que justement, on n'a plus de source, on n'a plus forcément de capacités extractives. Donc, comment est-ce qu'on fait pour, avec les gisements qu'on a, par exemple, en Europe, avoir des capacités de recyclage beaucoup plus importantes qu'avant et de rendre ces modèles d'affaires rentables, ce qui n'est jamais évident, parce qu'il faudra réussir à collecter, ce qui est souvent compliqué, et ensuite transformer. Ça, en général, on y arrive assez bien. Puis après, valoriser dans des filières et donc comprendre ce qu'on va pouvoir faire de ce qu'on a valorisé. Ça, c'est un énorme enjeu pour moi, qu'on retrouve dans le modèle Tesla, c'est-à-dire de se dire, je ne suis pas seulement un industriel qui transforme, Je pense en permanence à ce que je suis en train de faire et à ce que ça apporte à la société. et comment je pourrais avoir d'autres modèles d'affaires que mon modèle d'affaires de départ qui est de fabriquer. et puis ensuite de vendre à un client industriel au final. L'autre aspect du modèle Tesla aussi, c'est l'intégration. Je pense que c'est quelque chose qui est plus ou moins applicable dans l'industrie de process parce que c'est tellement capitalistique, on ne peut pas forcément intégrer toute la chaîne. Enfin, acheter des mines, ça coûte quand même très cher, donc ce n'est pas à la portée de tout le monde et puis ce n'est pas forcément souhaitable non plus. Mais ceci dit, si on passe au-delà de l'intégration capitalistique, mais qu'on parle plutôt d'intégration des process et des fonctions les unes avec les autres, ce que fait extrêmement bien Tesla. Je pense que c'est un enjeu énorme. Je donne un exemple, je suis en train d'accompagner une boîte actuellement dans ce secteur qui a une implantation avec plusieurs pays et il y a des silos qui sont extrêmement forts entre deux de ces pays. Et en fait, le simple fait qu'ils n'ont pas le même système d'infos, ils ont évidemment une culture un peu différente, même si c'est deux pays européens, etc. Ils ont bien sûr un passif. Les silos entre ces deux équipes génèrent énormément de pertes de valeur. Et donc, se dire qu'on va avec. qu'on peut potentiellement casser ces silos, et notamment grâce au digital et à la donnée, ça crée énormément de valeur. On a commencé à y travailler avec ce client, et on voit qu'en fait, ça ouvre des potentialités auxquelles on ne pouvait même pas penser, parce qu'en plus, les sites sont interconnectés entre eux en termes de flux physiques. Et le fait d'avoir ces silos d'infos fait qu'on perd beaucoup de valeur à l'interface. Donc ça, c'est aussi transposable. J'accélère un petit peu, mais selon le reste du modèle Tesla, on est beaucoup sur les dimensions d'utilisation du digital en général, notamment dans le système de management, et ça, c'est complètement transposable. Je prends un exemple, les maintenanciers, typiquement dans une usine, une aciérie, un laminoir, une machine à papier ou un four pour verrier. Le maintenancier, quand on le suit, il va passer 35-40% de son temps général à se déplacer parce qu'il a oublié un outil, parce qu'il va rechercher sa gamme préventive, parce qu'il va saisir son rapport, parce qu'il va refaire quelque chose qu'il n'a pas fait. On connaît tous ce genre de... Et ce n'est pas que le maintenancier, c'est juste un exemple. Et en fait, le digital va aider, le digital mobile, n'empêche, en plus, va aider potentiellement toutes les équipes à être plus collaboratifs, à perdre moins de temps, donc éviter les gaspillages de temps, les gaspillages du lean, mais aussi ça permet de casser les silos. Et puis si on pousse encore plus loin, et ça c'est ce qui est très bien fait dans des boîtes comme Tesla, c'est d'être beaucoup plus prédictif. Donc on pourra y revenir, mais c'est de se dire, dans l'industrie de process, bon je sais que tu es un expert de ça toi Mathieu, mais c'est de se dire comment est-ce qu'avec des modèles statistiques, et maintenant même avec l'intelligence artificielle, on croise beaucoup mieux les paramètres. et c'est un monde où il y a tellement de paramètres tellement complexes que ça dépasse la capacité du cerveau humain Le digital est vraiment utile pour automatiser ou optimiser beaucoup mieux qu'on ne le faisait avant les procédés. Donc ça, c'est fait chez Tesla sur l'amont, sur les usines de batterie notamment. Et c'est complètement applicable à l'industrie de process. Dernier point, c'est un point d'état d'esprit et qui est souvent compliqué, pas seulement dans l'industrie de process, c'est comment est-ce que je peux avoir une façon de penser beaucoup plus agile. Et ce que je veux dire par là, c'est de se dire qu'on accepte le fait qu'on va tenter des choses qui ne vont pas forcément tout de suite marcher et qu'on va pivoter pour y arriver. Et ça, ce n'est pas naturel, encore plus dans cet environnement-là où on a l'habitude des gros projets, des gros capex. On s'engage sur 5 ans, on fait des calculs hyper fins, avec des hypothèses en tous les sens sur les coûts de la matière première, sur les coûts de l'énergie, etc. Donc, on est plutôt sur un gros truc assez rigide. Comment est-ce qu'on passe de ce modèle-là à quelque chose de beaucoup plus flexible où en fait, on se dit, je vais déjà investir 10% de ce que j'aurais fait dans 5 ans sur un petit appareil plus petit, une petite machine miniaturisée. Je vais tester le marché avec ça. Je vais y aller assez vite. Ça sera imparfait, mais je vais améliorer en marchant. Et ça, ce n'est pas du tout un état d'esprit qui est existant ou qui est en général assez peu existant, mais qui, quand on arrive à le pousser, peut générer beaucoup de valeur aussi.
- Speaker #1
Je partage complètement ce dernier point pour l'avoir vécu dans mon expérience dans l'industrie de process. C'est difficile de faire bouger les lignes et d'amener des visions, des approches nouvelles, mais comme tu dis, avec cette politique des petits pas, où on amène les choses, ça peut marcher et les résultats sont souvent au rendez-vous. Tu as commencé à mettre le doigt dans le sujet de la transformation digitale, mais d'une manière générale, de ce que tu vois, toi, des entreprises que tu accompagnes aujourd'hui, quelles sont les transformations un peu stratégiques pour ces entreprises de l'industrie de procédés à réaliser, on va dire, aujourd'hui pour rester dans la course dans les années qui viennent ?
- Speaker #0
Alors bon, déjà, en préliminaire, je dirais que je ne vais pas prétendre avoir la solution magique parce qu'on est dans un contexte qui est... extrêmement complexes. Donc en fait, on est tous sur le pont pour aider ce secteur et faire tout ce qu'on peut faire pour que ces secteurs restent en Europe parce que je suis vraiment persuadé que c'est absolument stratégique mais c'est loin d'être simple. Ceci étant dit, il y a des choses à mon avis qui sont faisables. Bon d'abord, la première chose, c'est quelque chose qui est classique dans cette industrie, mais c'est d'être encore plus consciencieux sur la réduction des coûts et de fonctionner avec l'optimum de déficience. et de dimensionnement des équipes pour être le plus productif possible, le plus compétitif. Mais ça passe aussi par un volet de flexibilité encore plus nécessaire qu'avant, je pense. C'est-à-dire que c'est les industries qui ont l'habitude des hauts et des bas. et qui joue plutôt sur son réseau d'actifs pour se dire je mets plus ou moins de charges en fonction du prix de ce que je vends dans mon réseau. Là, chacun des sites doit se reposer la question de son point mort, de son point break-even, et de se dire de se mettre un peu en dessous en termes de capacité pour pouvoir prendre de la flexibilité au-dessus. Parce qu'en fait, vu que le marché varie beaucoup, dès que je me positionne trop haut par rapport à la demande potentielle, dès que le marché baisse, j'ai des coûts qui sont plutôt compétitifs et je n'arrive plus à... Je fais de la perte. Donc ça, c'est un premier sujet qui est un peu stratégique, voire tactique, mais qui est quand même fondamental. C'est où est-ce que je mets mon point de fonctionnement interne et qu'est-ce que je sous-traite, quitte à ce que ça me coûte un peu plus cher en instantané quand je suis sur une version haute de ma demande, mais que ça me permette de passer les clous de marché. Le deuxième sujet, c'est que malgré les difficultés, il faut continuer à investir parce que les Chinois, ils continuent à investir, les Coréens, ils continuent à investir. Maintenant, en Moyen-Orient, il y a aussi des capacités. Il y a des capacités en Inde, des capacités en Russie. Et donc, la concurrence internationale ne s'est pas arrêtée parce que l'Europe ne va pas forcément bien. Et donc, malheureusement, il faut continuer à investir. Donc, il faut être encore plus précis sur les investissements. Et c'est parfois ce qui est un peu trop approximatif dans ce monde-là. Comme on sait qu'on doit mettre du CAPEX, on a un peu cette habitude de mettre un pourcentage de chiffre d'affaires en CAPEX chaque année. Mais du coup, on est potentiellement souvent soit pas assez regardant, Si on n'a pas assez vérifié le HeroX qu'on a fait dans le passé, on peut se tromper. Mais ce qui est pour moi une erreur, c'est de ne pas mesurer. Parce que dans le temps, un investissement qu'on a fait il y a 5 ans est d'être clair sur le retour d'expérience pour apprendre et se dire la prochaine fois comment je le fais mieux, soit en termes de gestion de projet, soit comment j'investis mieux en termes de technologie, de type de machine, ou soit comment est-ce que je priorise mieux entre mes investissements. C'est encore plus important à mon avis qu'avant. Il y a un sujet sur la durée des cycles, donc les cycles de production à la longueur du délai, qui est capital. Et ça, c'est le cas de toutes les entreprises qui marchent par saisonnalité ou de manière sur des marchés fluctuants. Donc ceux qui connaissent bien ça, c'est toutes les boîtes qui bossent sur le marché de la mode puisqu'on marche par collection. Donc il faut être très agile parce qu'il faut s'adapter tout le temps. Donc on ne peut pas avoir des cycles longs en fait. C'est pour ça que les Zara ont pris des parts de marché comme ça sur le retail. Mais d'une manière générale, toutes les boîtes qui fonctionnent avec la mode, elles sont habituées d'être agiles. Et en fait, si on transpose ça dans le monde de l'industrie de process, c'est de se dire, je veux avoir des cycles les plus courts possibles, même si j'ai des gros process. Donc, il faut que j'aie bien pensé l'architecture de mes flux pour me dire c'est quoi mes moyens dominants que je dois rendre productifs tout le temps. Donc, il faut que je les charge. Mais le reste, il faut que j'aie pensé mes stocks suffisamment bien pour pouvoir être agile, pour répondre au marché avec des délais qui soient compatibles avec les attentes. Parce que comme le marché est baissier, la concurrence sur les délais ou sur le service est encore plus forte. Donc, si j'ai des délais trop longs, je vais perdre des parts de marché. Donc, ça aggrave la situation qui fait que mon volume est encore plus bas que le marché. Ça, c'est un point qui me paraît super important. Et puis après, derrière, il y a tous les leviers dont on pourra peut-être parler plus, qui sont évidemment comment j'accélère tout ça avec la donnée, le digital qui va aider tout ce que j'ai dit avant, en fait. La donnée, évidemment, bien utilisée, permet de prendre des meilleures décisions, mieux investir, être plus agile par rapport au marché, réduire les cycles de fabrication, être plus efficient aussi grâce à la maîtrise des procédés et puis à tout ce qu'on peut gagner sur le rendement des machines et sur éviter de gâcher, quoi. Voilà.
- Speaker #1
Il y a plusieurs sujets que tu viens d'évoquer qui m'interpellent. Un premier sur la capacité à améliorer la compétitivité, réduire les coûts, augmenter la productivité. Je dirais que je me mettrais dans la grande case de l'excellence opérationnelle. J'ai l'impression que ça fait des décennies qu'on en parle et que finalement, il y a eu un peu des hauts et des bas, comme tu le disais sur d'autres sujets en termes de marché. Mais là, des hauts et des bas dans le sens où des fois, on a un peu perdu l'essence de ces approches et on est en train de réinventer un peu des choses qu'on savait faire finalement il n'y a pas si longtemps que ça, et sur lesquelles on a peut-être manqué et perdu de la rigueur. C'est un sentiment, je ne sais pas si tu le partages.
- Speaker #0
Non, c'est vrai, il y a plusieurs situations. Alors, il y a quelques exceptions, parce que pour moi, c'est des exceptions sur le marché qui sont plutôt des grands groupes qui, eux, ont vraiment forcé le sujet en mettant en place des méthodes à... mondialisées comme le world class manufacturing ou des systèmes de production très structurés. Je ne parle pas de Toyota, ça c'est dans les gènes de la boîte, mais même des grosses boîtes comme des Saint-Gobain, des Michelin, etc. qui ont une partie d'industrie de process dans leurs gènes. Ils ont mis en place des systèmes qui font qu'on arrive, malgré le renouvellement des équipes et des générations, à continuer à pérenniser un système de management qui fait qu'en fait on pérennise les pratiques du Lean, les basiques du Lean et on va faire la chasse au gaspillage au quotidien parce qu'à la fin ça revient. Dans les boîtes de taille un peu inférieure, il y a aussi des boîtes qui sont très très fortes. En revanche, plus la boîte est petite, plus on va être fragile et soumis potentiellement à des changements de management qui peuvent changer, qui peuvent tout remettre en cause. Donc ça, c'est le premier sujet. Le renouvellement de la pyramide des âges qui fait qu'il y a quand même toute une génération. qui est parti à la retraite maintenant, sur les baby-boomers qui sont en train de partir à la retraite, mais il y en a déjà qui sont partis, qui font que des bonnes choses qui étaient en place peuvent avoir été supprimées. Et puis après, je rajouterais un autre aspect qui est qu'on est sur une industrie où il y a aussi, de manière capitalistique, eu beaucoup de restructurations ces dernières années. Il y a eu du M&A, il y a eu des fusions, des acquisitions, etc. qui parfois ont aidé des boîtes à s'en sortir. Donc ça a fait du bien à certaines parties de marché. Parfois aussi, on détruit de la valeur parce qu'en fait, on a été tellement loin dans le downsizing. sur des choses de court terme qui fait qu'on a attaqué le muscle et donc on a vraiment réduit trop bas pour le coup, on a attaqué le muscle et on a vraiment tué le système de management parce que les gens qui savaient faire, ils ne sont pas restés et ceux qui étaient encore là, ils n'ont pas réussi à maintenir le sujet. Donc je suis d'accord avec toi que ça peut être surprenant parce que ça fait quand même je pense 30 ou 40 ans qu'on parle des basiques du Lean. Ceci étant dit, il y a encore plein d'endroits où moi je suis hyper étonné mais des trucs tout simple comme juste avoir une réunion quotidienne autour d'indicateurs pour parler de la performance. mesurer la performance d'un actif important, être capable de se mettre des actions sur des causes racines, des choses vraiment de base ou des tours de terrain pour prendre la température un peu chaque matin, de confronter ce qu'on me dit avec ce que je vois physiquement, moi comme manager sur le terrain. Tout ça, ça n'existe plus ou ça s'est délité. Et donc, ça reste important. Et souvent, il faut remettre un coup de boost sur le sujet pour que ça tienne.
- Speaker #1
Il y a un deuxième élément qui m'a interpellé dans ce que tu disais, c'est l'importance de l'efficacité des investissements ou des CAPEX. et dans une entre... je dirais très capitalistique, ça fait à peu près sens de se poser cette question. Et un des aspects qui m'a un peu questionné également ces dernières années, c'est ce qu'on a vu dans toutes les grosses filières industrielles sur lesquelles on a investi fort, en particulier en France. Je pense aux batteries, je pense à l'hydrogène, je pense aux insectes. Ou quelque part, il y a eu un peu en mode start-up, énormément de fonds qui ont été mobilisés. Et comme dans le monde des startups, pas forcément beaucoup de contrôle sur la manière et l'efficacité avec laquelle on investissait ses fonds dans la durée. Et pour reprendre un des termes que tu utilises dans tes bouquins, est-ce que quelque part là où on aurait dû s'attendre à de l'agilité parce qu'on est sur de la startup innovante, etc., on ne s'est pas retrouvé avec un modèle de type mammouth de grand compte avant même que l'entreprise ait décollé ? C'est quoi ta vision par rapport à ça ?
- Speaker #0
C'est un sujet qui est passionnant et qui est en même temps assez complexe. Honnêtement, ces entrepreneurs, je leur tire mon chapeau, ils ont vraiment un courage fou et je pense que c'est eux qui vont sauver l'industrie française. Donc il faut vraiment que ça continue et tout faire pour que ces boîtes-là puissent d'une manière ou d'une autre retrouver de l'oxygène pour relancer leur business model qui, on le sait à terme, sera un business model viable. C'est souvent un problème de bridge parce que le marché ne va pas aussi vite que ce qu'on prévoyait ou parce qu'on n'a pas réussi à passer à l'échelle à une étape. En fait, pour moi, ce sujet-là, c'est vraiment le cœur du deuxième bouquin que j'écris sur la méthode Elon. C'est comment est-ce qu'on prend les principes des startups digitales pour les transposer dans le monde de l'industrie. Et il y a un point qui est complexe, c'est qu'une startup dans le monde du digital, tout le principe est basé sur le fait de dire que je fais un noyau, que je vais tester avec plusieurs clients une fois que j'ai trouvé ma proposition de valeur, que j'ai de l'usage, etc., dont je sais qu'ils fonctionnent, et je le passe à l'échelle très vite en mode exponentiel, parce qu'une fois que j'ai fait ce noyau, j'ai quasiment pas de coup. additionnel pour aller chercher un consommateur de plus ou un client de plus. Parce qu'en fait, le digital fait que je peux scaler comme ça très rapidement sur mon marché. La difficulté du monde industriel, c'est que même si j'ai fait ce noyau qui fonctionne en laboratoire ou en prototype, ou même si j'ai commencé à industrialiser un peu et que j'ai fait quelques pièces, au moment où je passe à l'échelle, il n'y a pas seulement l'aspect où je vais réussir à vendre ce produit et de le fabriquer à la bonne cadence, il y a en fait tous les investissements que je vais devoir faire pour y aller qui ne vont pas aussi vite. que le développement d'un logiciel. Et quand je veux changer une feature pour un utilisateur d'un logiciel comme Optimistic, ça prend du temps, mais ceci dit, c'est quelque chose que je peux faire, en centraliser, remplacer un bloc par un autre. Ce n'est pas forcément un gros investissement, c'est du temps de réflexion, etc. Par contre, si je me rends compte qu'une partie de mon process que j'avais prévu pour faire mes fermes d'insectes, je suis Antoine Hubert, et finalement, je me suis planté sur une partie de mon process et qu'il faut que je rajoute une partie d'installation ou que je remplace une par une autre, je suis parti pour six mois ou un an. Donc l'agilité de base qui est juste de retenir le code, Là, elle se transforme. Et d'où l'importance de ce que je disais tout à l'heure, qui est de se dire, investir trop gros d'un seul coup, c'est un énorme risque. Et je prends un exemple sur les usines de batterie. Je connais bien le directeur d'une de ces usines, puisque c'était mon premier chef chez PSA, donc je vais continuer à discuter avec lui. Il me disait, le problème qu'on a, déjà, le premier problème, les Chinois ont 20 ans d'avance sur nous, mais ça, c'est un problème stratégique de l'Europe.
- Speaker #1
Et surtout 20 ans de construction de savoir-faire. C'est ça. Et ça, ça ne se fait pas en 5 ans.
- Speaker #0
C'est inversé. Quand on a appris aux Chinois à faire des voitures, maintenant c'est les Chinois qui nous apprennent à faire des batteries. Mais bon, ça c'est OK. Mais même en admettant ça, le ticket minimum aujourd'hui pour faire une usine de batteries qui va faire le ticket, c'est 250 000 véhicules, donc 250 000 batteries par an, c'est 1 milliard. Donc, je suis obligé de poser ce milliard pour faire ma première unité parce qu'il n'y a pas d'entité plus petite. Sauf que si je suis trop long pour faire mon projet, et c'est là que le côté aller vite pour faire mon projet, avoir un projet minimum d'abord et ensuite le grandir, si je mets 4 ou 5 ans pour faire ça, comme les technologies ne sont pas matures, je sais qu'elles vont évoluer, donc je vais peut-être remplacer le lithium-ion par autre chose, c'est ce qui est potentiellement en train d'arriver. Donc 5 ans après, ça y est, je fonctionne à la cadence à 250 000 véhicules par an, sauf que mes batteries sont déjà obsolètes. Il faut mettre un autre milliard pour la prochaine génération techno. donc On vient d'un monde où on faisait des gros investissements, le process pouvait évoluer, mais il évoluait de manière incrémentale. Je savais que dans 5 ans, il n'aurait pas changé radicalement. Il faudrait peut-être que je fasse un peu de rattrapage, mais quand j'avais mon installation, je continuerais à faire le rattrapage. Là, on ne peut plus fonctionner comme ça. Il faut se dire que je dois réduire la durée de mon projet, donc potentiellement réduire la taille de mon investissement en termes de capacité. Peut-être pas investir sur 250 000 voitures, mais sur 10 000 ou 20 000 d'abord avec cette techno. Ça veut dire que c'est peut-être un peu plus cher localement de faire ça Mais que du coup, quand je passe à l'échelle, j'ai un peu plus de certitude. Et si c'est une autre technologie qui a pris le dessus, je vais pivoter en fait. Et c'est ça qui n'est pas évident à faire sur des actifs physiques. Ce qui est aussi, ils ont du mal à comprendre les VCs, les Venture Capitalists. C'est pour ça que dans l'industrie, en fait, l'industrie, c'est 20% du PIB mondial. Et en fait, il n'y a que 1% de l'argent qui vient des Venture Capitalists qui est dans l'industrie. Parce qu'en fait, c'est un secteur qui est difficile à comprendre. Et ils ont du mal à mettre des billes dans ce secteur-là. parce qu'en fait ça marche pas exactement pareil que le monde du logiciel
- Speaker #1
C'est peut-être là où j'allais venir. Loin de moi de jeter la faute sur les dirigeants de ces entreprises, parce qu'on a besoin d'innover, on a besoin de tester. Et je dirais même, si on regarde un peu l'histoire de l'industrie depuis le 19e siècle, il y a eu beaucoup de casses dans les phases où il y a eu de l'innovation au niveau industriel. Et quelque part, c'est normal, il faut tenter des coups. Et je dirais, on ne va pas innover sans ça. Pour revenir sur ton dernier point, la question c'est est-ce qu'on a les bons modèles de financement pour ces startups industrielles parce que le venture capital a des manières d'investir et qu'il n'y a pas nécessairement la temporalité, ni même l'agilité par rapport à la réalité du développement industriel pour pouvoir coller aux besoins de financement de ces entreprises.
- Speaker #0
je pense qu'on arrive à C'est une très bonne question et je pense que c'est un point fondamental pour la France notamment. C'est qu'on a des fonds d'amorçage qui fonctionnent. Quand on décolle, quand on est au début de l'aventure, on va réussir à trouver des aides. Notamment, il y a des choses en France 2030. Il y a plein de choses qui ont été faites depuis 2012 quand même, il faut le dire, par les différents gouvernements qui se sont succédés. Ce n'est pas une question de droite-gauche, c'est un sujet qui a été assez transpartisan. Donc, il y a des choses qui sont faites quand vous commencez vraiment. Donc, le début, vous avez une idée, vous commencez à faire un proto. mais en général ça les gens y arrivent, trouvent des financements ou des financements family and fun. Quand on fait les premières levées, on est aussi à peu près suivi. Et après, quand on discute à ceux qui sont les étapes d'après, donc les Antoine Hubert sur WineSake, les InnovaFeed, les Exotech, etc., soit dans le cas d'Exotech, ils ont fini par aller aux US, où là, ils ont trouvé des investisseurs, soit quand vous restez en Europe, c'est quand même extrêmement compliqué de faire des levées de 100 millions dans l'industrie, parce qu'en fait, quand un investisseur a 100 millions à mettre entre une boîte qui fait de l'IA, dont on sait que dans 2 ou 3 ans, de toute manière, ça aura pris énormément de valeur, même s'il n'y a pas encore énormément de résultats de marché et de ventes concrets, bah et puis de mettre dans une boîte industrielle qui a un play de long terme, on sait qu'à terme, ça va marcher, parce qu'il faudra remplacer les protéines animales par autre chose. Par exemple, si je parle des insectes, ça a de fortes chances de marcher. Je ne suis pas assertif, mais ça a de fortes chances de marcher, mais ce n'est pas forcément la même temporalité. Ce n'est pas 1, 2 ou 3 ans, c'est plutôt 10, 15 ans. Il faudrait des fonds de cette taille-là, qui soient capital patient, donc qui n'aient pas forcément besoin de sortir au bout de 3, 4 ans, mais qui puissent sortir dans 10, 15 ans. Et effectivement, je pense qu'on manque un peu d'acteurs de ce type-là qui puissent mettre un peu en mode evergreen. dans des boîtes qui se développent industriellement en acceptant qu'en fait, on a toute une phase où on n'a pas encore la rentabilité, qu'on n'a pas encore l'Ebitda. Alors que la logique d'investissement fait que, classique, je mise sur un Ebitda, je prends un multiple de l'Ebitda, et puis voilà, je veux vendre un peu plus tard, dans 5 ans ou 6 ans, avec un Ebitda un peu plus gros, une boîte plus grosse, donc j'ai fait un effet de levier. Là, c'est un mode différent. Donc, ce seraient des investisseurs qui ont l'habitude d'investir dans du développement du gros, mais en ayant un temps d'investissement beaucoup plus long.
- Speaker #1
Alors, quand j'entends ça... Quelque part, ça sous-entend aussi qu'en Europe, on a encore un problème avec l'industrie, comme tu disais tout à l'heure sur les 50 plus gros pollueurs. C'est que finalement, même quand on doit investir, on a tendance à privilégier les choses sur lesquelles on va avoir une rentabilité court-moyen terme et pas forcément l'industrie avec sa rentabilité long terme, alors que nos amis américains ont beaucoup plus de facilité à le faire.
- Speaker #0
Oui, et puis ils ont surtout un... Je trouve une façon de faire, même si on parle de la puissance publique aux États-Unis, qui est beaucoup plus pragmatique. Par exemple, l'IRA, en français, qui a été mis en place par Biden, c'était immédiatement des réductions d'impôts. Donc, qu'est-ce qui s'est passé ? Il y a plein d'industriels qui avaient des projets d'implantation d'usines en Europe qui étaient déjà avancés, qui ont vu, si je vais aux US, je gagne plusieurs centaines de millions, si c'est des très gros investissements, plusieurs dizaines de millions. ils ont switché direct aux Etats-Unis parce qu'en fait c'était comme ça Alors qu'en Europe, on va avoir tendance à faire des trucs qui sont très longs, qui sont très procéduriers, qui sont très complexes aussi. Pour comprendre, il y a plein de sources de financement différentes. Il y a, sans parler des 27 pays qui complexifient les choses, mais qui sont du coup beaucoup moins lisibles et beaucoup plus complexes à actionner. Donc ça, c'est le premier sujet. Le deuxième sujet, c'est qu'on a effectivement, je pense, une pensée trop court terme. Si je reviens sur la France, pour moi, c'est flagrant. Donc déjà, il y a cette temporalité des élections qui fait que... En fait, le problème de l'industrie, c'est que c'est un secteur qui marche à plus que le temps d'une élection présidentielle. en fait. C'est quand même un problème. Si même un président arrive en 2027 et dit « moi l'industrie c'est ma priorité numéro un » , peut-être que ce qu'il va faire pendant 5 ans, ça ne va pas se voir pendant son mandat, ou ça va commencer à se voir seulement. Donc c'est un vrai sujet quand même, parce que du coup il faut des dirigeants qui sont prêts à accepter de faire des choses pour le bien commun, sans que ça leur profite à eux directement. Donc ce n'est pas forcément évident je pense. Et je prends un exemple de ça, ce qui se passe actuellement sur les prix d'électricité, pour moi est un vrai sujet. C'est-à-dire qu'on a un avantage incroyable en France avec le nucléaire, dont on ne profite pas. Parce qu'on sait que EDF, en exportant son électricité à l'étranger, va gagner beaucoup plus d'argent qu'en permettant à l'industrie d'acheter son électricité pas chère en France. On ne le dit pas parce qu'en fait, voilà. Mais n'empêche qu'on est en train, avec des mesures comme ça, avec des décisions comme ça, qui ne sont pas avouées, potentiellement de tuer toute une filière industrielle, tout simplement en se disant qu'on ne veut pas avoir, on ne veut pas favoriser réellement le secteur industriel à court terme en ayant une énergie pas chère, et donc accepter qu'EDF fait un peu moins de bénéfices en vendant son média. Donc en fait, C'est des vrais choix stratégiques. Donc, je ne suis pas en train de dire qu'il faut faire l'un ou l'autre, mais en fait, on ne les rend pas transparents. C'est-à-dire qu'on va le faire un peu sous le chapeau. Et pour moi, c'est dommage parce qu'en fait, si vraiment on veut se dire que l'industrie, c'est une priorité, moi, j'en suis persuadé que ça devrait être un sujet politique prioritaire pour plein de raisons que tu évoquais tout à l'heure, parce que ce n'est pas qu'un sujet économique, c'est un vrai sujet de société pour l'équilibre entre les territoires. Et donc, si ça, c'est le sujet numéro un, il faut qu'on ait quelque chose de systémique. C'est-à-dire que toutes les décisions qu'on prend doivent avoir un lien potentiellement avec ce sujet-là. Donc décision économique, je parle. Donc le prix de l'énergie, quelle énergie on veut. quelle stratégie on met en place pour l'automobile à long terme, pour la mobilité neuse, tout ce qu'on fait devrait être orienté vers avoir une politique industrielle qui fait qu'on a plus d'usines en France. Et ce n'est pas vraiment le cas. C'est-à-dire qu'on le fait un peu, mais on dilue beaucoup ce qu'on fait, ce qui fait qu'à la fin, le résultat est un peu décevant. C'est-à-dire qu'on a maintenu le PIB industriel pendant 10 ans, mais on n'a pas réussi à le faire vraiment repartir à l'axe.
- Speaker #1
Comme aussi les choix sur le développement des infrastructures, des plateformes industrielles, etc., des filières qui sont... des sujets aussi très importants. Alors, on va sortir un peu du contexte et peut-être basculer sur chez vous, chez OPO, comment vous accompagnez ces entreprises de l'industrie de procédés dans ces transformations ? Qu'est-ce que vous avez comme méthodologie, comme approche pour les aider ?
- Speaker #0
Je pense déjà sur les sujets qu'on traite en ce moment, de manière conjoncturelle, c'est un peu les sujets qu'on évoquait tout à l'heure, c'est beaucoup des sujets de réduction des coûts pour s'adapter à la nouvelle donne que j'évoquais tout à l'heure, de stratégie industrielle, de mieux utiliser la donnée avec des solutions comme Optimistic par exemple, mais avec tout un tas de solutions pour créer de la valeur sur le terrain et aller jusqu'à potentiellement utiliser de l'IA une fois qu'on a suffisamment structuré les choses pour... à la fois être plus collaboratif, plus prédictif, mieux automatisé. Donc ça, c'est clair qu'il y a des sujets. Il y a des sujets de système de management qu'on a presque à chaque fois, parce que quelle que soit la transformation qu'on fait, on sait qu'on va devoir toucher à la culture et on va devoir toucher au système de management. Donc on va toucher un peu à tout ça, dans un objectif évidemment de compétitivité en général. C'est comment est-ce que je me projette dans les trois ans qui viennent en étant plus compétitif, plus rentable, plus rapide, avec un meilleur taux de service. Et en général, typiquement, une mission OPO, c'est une mission qui va durer entre trois mois et un an, dans son entièreté sur un périmètre donné qui est souvent multi-site et on va accompagner notre client jusqu'à l'amélioration tangible mesurable de ce qui est fait. C'est un mode de conseil qui est un peu particulier parce que c'est pas un mode de conseil comme beaucoup de gens le conçoit, on va faire des recommandations, c'est vraiment un mode de conseil d'implémentation donc on fait des diagnostics bien sûr, on fait des recommandations, on bosse avec des fonds, on fait plein de choses mais on fait surtout de la mise en oeuvre et donc en fait quand on va faire de recommandation on va les faire de manière réaliste parce qu'on sait que potentiellement c'est nous qui allons les mettre en oeuvre avec l'équipe du client et donc on les accompagne dans la durée pour aller capturer les gains en fait et capturer les gains c'est on le sait en France c'est un défaut qu'on a pas seulement dans l'industrie c'est qu'on a tendance à être très bon pour décrire ce qu'il faut faire et faire des lois c'est vrai aussi au niveau de l'Assemblée Nationale on fait des lois dans tous les sens la difficulté qu'on a c'est l'exécution tout est dans l'exécution et moi je suis persuadé que l'exécution est reine en fait et donc c'est comment est-ce qu'on exécute qui fait qu'on est bon et donc On peut avoir le meilleur plan stratégique possible, s'il n'est pas exécuté correctement, on n'aura pas le résultat. Donc il vaut mieux un plan un tout petit peu moins bien exécuté qu'un plan parfait qu'on exécute mal. Donc du coup, je pense que notre savoir-faire, c'est vraiment l'accompagnement de l'exécution. Comment est-ce qu'on fait aussi pivoter le système en tant que tel ? Quand je parle du système, c'est les interactions entre les gens. Et en fait, on sait très bien qu'une transformation, c'est d'abord des relations humaines. donc l'exemple que je disais tout à l'heure il est symptomatique deux pays dans la même boîte font un passif qui ont du mal à se parler Et encore hier, j'avais une séance complètement lunaire avec deux équipes des deux pays. Donc j'arrive dans la salle déjà. Donc les deux équipes, il y a une équipe qui s'assoit d'un côté, l'autre équipe qui s'assoit de l'autre. Déjà, c'est juste pour montrer. Et là, on attaque la session et pendant une heure, zéro écoute. Tout le monde se coupe la parole. Dès que quelqu'un prend la parole, il se fait couper, etc. Il a fallu une journée entière de travail ensemble pour commencer à créer un dialogue où il y avait de la confiance qui s'établissait et où on pouvait travailler ensemble. C'est juste un exemple. Mais à l'échelle d'une transformation qui dure neuf mois, des étapes comme celles que j'ai vécues hier dans ma chair. Il y en a une dizaine ou même plus, où en fait à un moment donné il va y avoir un déclic qui se fait, mais qui est un déclic humain en fait, où les gens se disent, en fait j'avais pas confiance dans cette partie, j'avais des croyances qui étaient ça, ça, ça, et en fait en travaillant concrètement sur un sujet concret, je me rends compte que finalement la personne pensait pas vraiment ça, ou c'est moi qui m'étais enfermé dans une boîte où je pensais que les autres étaient sur cette ligne là. Et donc ça, ça s'accompagne en fait, c'est un vrai savoir-faire qui est dans le temps, et qui, du coup, prend beaucoup d'énergie, mais qui permet de créer beaucoup de valeur à un moment donné.
- Speaker #1
Donc, beaucoup de choses autour de la conduite du changement sur les aspects humains et organisationnels.
- Speaker #0
Oui, et puis après, il y a bien sûr les leviers techniques. Le cœur, c'est de la technicité, c'est d'avoir les bons leviers techniques, les bons sujets pour faire la performance. Les leviers du Lean, la Data, les sujets stratégiques, les sujets sur le coût des matières premières, la façon de se sourcer. Tout ça, c'est les leviers classiques de l'industrie, mais poussés au maximum des meilleures pratiques. Et pour mettre ça en œuvre, d'avoir la bonne sauce, c'est un autre axe de travail qui est vraiment un axe de transformation. Comment les gens travaillent ensemble et comment est-ce qu'on met en place ces améliorations ? Comment on fait accepter aussi le fait qu'en ce moment, ce n'est pas facile, parce que la plupart du temps, c'est du downsizing. Donc, ça commence par, en fait, on va être moins pour le même résultat. Et comment est-ce qu'on fait pour se réorganiser ? Parce que sinon, la boîte, elle est morte. Donc, ça, ce n'est pas forcément facile. Mais malheureusement, on est obligé de passer par des phases comme ça pour que le système soit rentable. Et donc, ça s'accompagne aussi parce que, évidemment, ça doit se faire de la manière la plus humaine possible en étant sur l'accompagnement de tous ces changements.
- Speaker #1
Alors, pour continuer un peu sur cette Ausha et revenir au sujet qu'on a mis de côté, comme toi, moi, je suis un amoureux de l'industrie et je pense que l'industrie est vraiment un secteur qui a sa place à jouer dans la société parce que, déjà, je pense, déjà, c'est un lieu de mixité sociale fort qu'on retrouve dans très peu d'endroits. Et pour revenir à ce que tu disais, ton côté, pourquoi est-ce que tu vois que c'est... Pourquoi un tel engagement et pourquoi... Pourquoi tu penses qu'il y a un tel impact de l'industrie et de son rayonnement, on va dire, pour la société dans son ensemble ?
- Speaker #0
Moi, je pense que l'industrie, c'est un pont. Je le vois comme un pont. Historiquement, après la Seconde Guerre mondiale, ça a été un pont entre les métropoles, ce que sont devenues les métropoles, donc Paris, Toulouse, Lille, Lyon, Marseille, et ce qu'on appelle le père urbain ou la France périphérique, comme dans le livre de Gulli. Parce que celui qui explique très bien ça, je trouve, c'est Jérôme Fourquet dans ses analyses, le spécialiste de l'Ipsos. En fait, moi, ce pont, et tu dois le vivre aussi, toi Mathieu, dans ton quotidien, je le vis tous les jours, puisque j'habite en banlieue parisienne, donc plutôt connecté à Paris, avec tout Paris, si on prend la métropole, elle est en croissance forte, en fait, donc complètement déconnectée du reste de la France. Et en fait, ça, c'est mon quotidien, c'est là où j'habite, sauf que mon quotidien professionnel, il est plutôt à Bar-le-Duc, à Carmeau, à Lorient, à Montluçon, à Douai, donc dans les villes de 10 000 à 50 000, 100 000 habitants. qui font l'essentiel, qui représentent autant de monde. C'est intéressant, aujourd'hui, il y a près de 50% des gens qui vivent dans des grandes villes et 50% qui vivent plutôt dans des petites villes ou la campagne. Et en fait, le pont entre ces deux mondes, ça a été très longtemps l'industrie, puisque les sièges sociaux étaient plutôt les métropoles et les usines étaient dans ces endroits-là. Et donc, en fait, ça permettait de la fluidité, ça permettait que les gens passent de l'un à l'autre, puisque les cadres, on pouvait devenir cadre. C'est ce que tu disais tout à l'heure, la mixité sociale, c'est aussi ça que j'adore dans l'industrie, c'est qu'on peut commencer en usine sans diplôme et finir directeur de site et avec un statut cadre. Donc ça, c'est ce que ça permettait. Et à ce moment-là, on pouvait du coup être complètement connecté aux grandes villes parce que le siège est à Paris. Donc ça créait cette fluidité de mes physiques. Les gens transfèrent réellement.
- Speaker #1
Je confirme, je passais ma vie entre l'usine qui était dans un petit village entre Amiens et Saint-Quentin et le siège à Paris. Et j'avais les deux mondes quasiment toutes les semaines. parce que je faisais cette navette en tant que directeur de produit.
- Speaker #0
Exactement. Et tous les gens qui bossent dans l'industrie vivent ça. D'ailleurs, ce n'est pas seulement les cadres, c'est aussi les techniciens, pareil, parce qu'un bon technicien, il va être amené à bouger entre des usines parce qu'on aura besoin de lui un peu partout. Et donc, c'est un secteur qui fluidifie au sens propre les flux physiques dans un pays. Et donc, ce qui est vrai en France, c'est vrai dans tout le monde occidental. Donc, on peut généraliser. Donc, c'est pour ça que je pense que c'est super important. Après, je l'ai vécu dans ma chair aussi parce que j'ai grandi dans les Vosges, qui était le département le plus industrialisé dans les années 70. textile, métallurgie, automobile, un peu de papier, il y avait pas mal d'activités, un peu de plastique aussi. Et en fait, j'ai vraiment vu les conséquences qu'avait la désindustrialisation sur un territoire comme ça, dans ma famille, parce que toute ma famille habite encore pour la plupart là-bas. En fait, c'était une culture dans ces départements-là, où même dans les années 70-80, souvent les gens étaient fermiers le matin et ils travaillaient en équipe l'après-midi, c'est-à-dire qu'ils avaient deux jobs. Donc c'est des gens qui étaient très bosseurs, qui comme ça avaient un niveau de vie qui était satisfaisant pour eux parce qu'ils avaient ces deux jobs et qui s'en portaient bien, étaient contents de ça. Et en fait, le fait que les usines petit à petit disparaissent, qu'est-ce qui reste au bout d'un certain temps ? Il reste l'hôpital et la sous-préfecture. Et là, c'est la sinistrose parce qu'il n'y a plus de commerce de proximité, il y a le chômage qui monte, il n'y a plus personne qui veut aller là. L'immobilier, les prix de l'immobilier chutent et donc vous n'avez plus jamais accès aux métropoles parce qu'en fait, il y a un tel gap. de prix de l'immobilier entre les deux mondes, que vous, votre maison, elle ne vaut quasiment plus rien comparé à un logement ailleurs. Ça crée tout un tas de problèmes, vraiment structurels, dans la société. Et puis, dernier sujet, peut-être un peu plus fondamental, c'est que l'industrie, c'est le secteur qui permet d'avoir une balance commerciale positive. 80% des exportations, c'est l'industrie. Donc, notre balance commerciale a été positive jusqu'en 2000, elle a commencé à devenir négative, et depuis qu'elle est négative, on a le problème qu'on a actuellement, c'est-à-dire qu'on a la dette qui se creuse, qui se creusent, qui se creusent, parce qu'en fait, on exporte beaucoup moins qu'on importe. Et donc, ça crée un problème économique. Et du coup, on n'arrive plus à financer notre système social. On a trop de dettes. Les impôts servent à peine à couvrir les intérêts de la dette. Et donc, blablabla. Donc, tout ce cercle vicieux, il pourrait être en partie, à mon avis, stoppé ou freiné par le fait d'avoir un système industriel plus fort qui soit adapté au XXIe siècle aussi. Parce que l'Allemagne, à beau être industrielle, elle est aussi en difficulté en ce moment. Parce qu'en fait, elle a aussi une industrie qui s'est peu adaptée au XXIe siècle.
- Speaker #1
Est-ce que tu vois une lueur d'espoir dans les chiffres, par exemple, si on parle d'export de l'Italie ? Oui. qui a réussi à se repositionner comme quatrième exportateur mondial, et qui a un modèle un peu particulier plutôt de PME-TI avec un très fort, du moins des systèmes d'écosystèmes très forts d'entraide entre les sociétés. D'ailleurs, nous, on est basé en Savoie, pas très loin du Piémont, et ça m'arrive assez souvent d'aller soit en Lombardie, soit dans le Piémont. Et c'est vrai qu'il y a une dynamique industrielle et une culture même assez familiale, je dirais. comment tu vois ça ? est-ce qu'il y a une lueur d'espoir derrière ces chiffres ?
- Speaker #0
moi j'étais super content de voir ces chiffres et même un peu surpris parce que l'Italie a toujours eu une base industrielle plus forte que la France en ratio du PIB et c'est plutôt le deuxième bon élève après l'Allemagne en Europe il y a la Suisse aussi mais je la mets à part parce que les Suisses sont vraiment trop forts mais c'est vrai, ils ont 25% de leur PIB qui est industriel, les Suisses ça peut paraître incroyable avec des salaires moyens de 7000 euros par mois malgré la banque mais mettons la Suisse à part parce que c'est quand même pas un pays aussi gros que l'Italie ou la France, mais l'Italie, c'est vrai que c'est un modèle à suivre pour moi, pour plein de raisons, parce que d'abord, effectivement, ils ont vraiment su se spécialiser par vallée, ton exemple en Savoie est un bon exemple, c'est ce qu'il y avait dans la vallée de Larves avec le décolletage à un moment donné, il y avait la vallée de la Plasturgie aussi, pas très loin, il y avait la vallée de la Chimie dans le Rhône, donc ces vallées, qu'on essaie de recréer d'ailleurs dans le Nord avec les batteries, qui sont en difficulté aujourd'hui, mais qu'on essaie de recréer. À mon avis, cet écosystème, il est super important parce que... Quand tu parles avec tous les gens qui créent des startups industrielles, justement, ce qu'ils te disent, c'est « Moi, le endroit où je vais mettre mon usine, ce n'est pas forcément l'endroit le moins cher, c'est l'endroit où j'ai des ressources qui tout de suite vont m'aider à passer mon usine à l'échelle. » Et donc, des gens qui ont déjà travaillé dans l'industrie. Donc, dès que tu as cet écosystème, tu as un effet boule de neige qui fait que c'est beaucoup plus facile. Et en plus, si tu le fais par typologie, donc les chaussures, en Italie, c'est marrant, il y a les chaussures, les ceintures, les sacs à main, les lunettes, ils sont vraiment spécialisés par produit, mais du coup, dans ces vallées-là, ils se connaissent un peu tous, c'est un peu comme l'aéro à Toulouse, mais ils sont aussi... des métiers du coup restent vachement présents. Et nous, c'est le truc qu'on a du mal à faire en France, c'est qu'en fait, comme c'est dilué, je mets à part Toulouse justement, qui est intéressant pour ça, où il y a de la mécanique beaucoup. Donc, il y a un vrai pôle de mécanique autour de Toulouse où il y a des très bons usineurs, il y a des bons chaudronniers, etc. Et en fait, ce côté écosystème fort, ça maintient les compétences et à la fin, c'est ce qui fait qu'on y arrive. Enfin, la Silicon Valley devient la Silicon Valley parce qu'à un moment donné, il y avait du silicone et qu'on a fait des microprocesseurs et que petit à petit, on est arrivé jusqu'au GAFAM. Donc, c'est même une source de création de nouveaux business models et de valeurs. d'avoir des endroits très concentrés où on a une industrie très forte. Donc ouais, je crois au modèle italien. Et c'est un modèle, comme tu disais aussi, de plus petite boîte. Donc ça correspond un peu moins à notre culture, parce que nous, on a le côté jacobin d'aimer les très grands groupes internationaux, machin. Donc c'est bien, ça tire l'économie, mais on a un peu un trou. On a soit ça, soit des PME, on a trop peu de TI. Les Italiens, ils ont plutôt un bon tissu de PME et de TI, ils n'ont pas assez de grands groupes. Donc ils ont un peu un problème inversé par rapport à nous. Mais ce tissu-là, par contre, il est hyper dynamique.
- Speaker #1
Alors, avant de conclure, est-ce qu'il y a d'autres sujets, messages que tu souhaiterais partager ?
- Speaker #0
Non, je pense à un message d'optimisme quand même, parce que c'est vrai que peut-être la connotation de l'heure qu'on a passée ensemble n'était pas super positive dans son ensemble. Mais malgré tout ce qu'on se dit, je crois vraiment très fortement qu'on a une vraie carte à jouer en France autour de l'industrie, et notamment l'industrie de process parce qu'on a encore malgré tout des savoir-faire, on arrive encore à avoir des business models rentables. Sur tous les matériaux de base, que ce soit le papier, le verre, le ciment, l'acier, l'aluminium, il y a encore des acteurs qui sont là, il y en a qui sont rentables, qui s'en sortent, il y a la chimie aussi. Et surtout pour moi, l'avenir c'est d'avoir une industrie qui est beaucoup plus circulaire, beaucoup plus au service de la réduction des... En fait on est dans un monde maintenant de ressources finies, donc comment est-ce qu'on fait avec ce monde de ressources finies ? On sait que la pétrole s'arrêtera un jour, mais il faut qu'on arrive. à travailler pour remplacer petit tapis de pétrole, donc ça c'est quand même un peu de la recherche et développement, etc. Mais il y a un autre sujet qui est comment les ressources disponibles, les matériaux notamment, comment est-ce que je les réutilise beaucoup plus ? Et pour moi c'est un vrai sujet sur lequel l'Europe peut prendre une longueur d'avance, parce que d'abord on est beaucoup plus sensible au sujet de la planète, je pense, que toute une partie de la planète, et donc on peut s'y mettre naturellement parce qu'il y a une demande de la société, donc c'est bien, ça crée des contraintes, donc il faut mettre les contraintes au bon niveau pour ne pas se mettre un trop gros boulet par rapport au reste du monde. Mais ceci dit, quand on parle d'industrie circulaire, c'est aussi des potentialités énormes. Parce que si on récupère les matériaux et qu'on le fait suffisamment bien avec la bonne efficacité, ça peut aussi générer des modèles d'affaires beaucoup plus faciles à faire qu'avant. C'est-à-dire que les matériaux recyclés, à terme, moi j'en suis persuadé, finiront par coûter moins cher que les matériaux qui sortent de la mine. Et donc ça sera de plus en plus rentable, donc il y aura une incitation à le faire. Si on a pris une avance sur la collecte et sur tous ces flux de recyclage, cette industrie-là redeviendra viable en Europe. Parce qu'on n'aura pas les mines, mais on aura les gisements. En fait, les gisements qui sont issus du recyclage, tout simplement. Et puis du réemploi, de la réutilisation, etc. C'est pareil sur les produits plus complexes, sur les batteries des voitures, etc. Donc moi, je pense qu'on ira vers ça. Et il faut juste qu'on accepte que là, on est dans une crise. Et surtout qu'on se dise que dans les crises, il ne faut pas arrêter. Parce que la tendance, notamment en France, c'est de se dire qu'on a fait un effort pendant 10 ans. Ah ben, s'il y a une crise, on lâche. et puis si on lâche maintenant en fait non toutes les boîtes qui ont surperformées un jour dans l'histoire, elles sont presque toutes nées dans des crises. Donc c'est maintenant qu'on a des opportunités de faire des choses bien. Donc c'est dur, mais moi je suis sûr que si on tient, dans 10 ans, on est complètement capable de retourner la situation. L'Italie, c'est un bon exemple, c'est ce que tu disais, il y a plein de pays qui arrivent en quelques années à refaire pivoter, à reprendre un vrai leadership sur des sujets. L'Irlande aussi marche très bien en ce moment, pas sur l'industrie, mais je pense que si on y croit et qu'on continue, on peut devenir un leader mondiales sur ces sujets-là.
- Speaker #1
Ça fait une très belle conclusion. et je dirais qu'il rejoint un concept qui a quand même sous-tendu tout notre échange qui est le temps long et le fait de raisonner sur ces horizons de temps. Merci beaucoup, Mickaël.
- Speaker #0
Merci, Mathieu.