- Speaker #0
Bienvenue dans le podcast de l'agence Néno.
- Speaker #1
Bienvenue dans le podcast de l'agence Néno, qui fut la première à se spécialiser dans l'attractivité des métiers. Alors évidemment, tous ces bouleversements, bruissements, frétillements qui agitent le monde du travail, ça nous titille un peu. Sur le travail, tout a été dit, et parfois un peu n'importe quoi. C'est pourquoi nous allons poser la question qui fâche, la question que tout le monde se pose, la question un peu caricaturale, mais qui va nous permettre de briller dans nos dîners. Et nous allons la poser à une personne un peu différente, très authentique, pas connue pour faire de la langue de bois. Et nous allons faire avec elle bien plus que le tour de la question.
- Speaker #0
Nous recevons aujourd'hui Élodie Gentina, enseignante-chercheure à l'IESEG. docteur en sciences de gestion sur la génération Z et conférencière en entreprise. Vous l'aurez donc compris, aujourd'hui, nous allons parler de la génération Z et de son rapport au travail. Alors, on est entre boumeuses, excuse-moi, mais donc est-ce qu'aujourd'hui, on peut, entre nous, parler de cette génération Z ? Est-ce qu'elle est vraiment fainéante et est-ce qu'elle n'a vraiment pas envie de travailler ?
- Speaker #2
Alors, en effet... Déjà, quand on parle de génération Z, qu'est-ce que ça veut dire ? La génération Z rassemble tous les jeunes qui sont nés après 1995, ce qu'on appelle les digitales natifs, ceux qui sont nés pendant la quatrième révolution numérique. C'est vrai que c'est important de le rappeler. Et on tend à avoir en effet un certain nombre de stéréotypes quand on qualifie les jeunes. On le voit dans les médias, on les qualifie de fainéants, de rebelles qui remettent constamment en cause l'autorité, qui sont souvent avec leur smartphone, qui n'ont pas forcément envie de s'investir. dans le monde du travail. Et si on reste sur ces stéréotypes, ce sera très compliqué de travailler avec eux. C'est important d'essayer de les comprendre et justement d'apporter un autre regard sur ces jeunes. Et là, c'est l'objectif justement de mon job. Je mène des recherches sur cette génération-là. Je fais beaucoup d'études, à la fois qualitatives et quantitatives. Par exemple, on utilise la dernière étude de Cési Ipsos, qui vient de sortir il y a quelques jours. Cette étude montre que les jeunes ne sont pas si fainéants que ça. 91% des jeunes... déclarent que travailler est extrêmement important pour eux et ça contribue à les rendre heureux. Mais ce qui est différent, c'est le rapport au travail. Ils n'ont plus un rapport rationnel, mais plutôt un rapport affectif au travail. Donc le travail, ce n'est plus une fin en soi, comme c'était le cas, par exemple, pour les anciennes générations, baby-boomeuses comme nous, ou génération X, où on avait un devoir de loyauté qui était très fort dans l'entreprise. On parlait de métier, on pouvait s'investir toute une vie dans une même entreprise. Pour eux, les jeunes, Le travail est un moyen de s'épanouir, un moyen de se sentir bien. Donc on voit qu'on est sur un autre rapport au travail. Et aujourd'hui, j'aime bien utiliser le terme aussi d'entreprise archipel. Ça veut dire qu'en fait, les jeunes ont une vision très polycentrique de la vie. L'important pour eux, c'est le travail, mais aussi les dires, les sorties, les activités extrascolaires. Le travail n'est plus la priorité dans leur vie et n'est plus le centre de leur vie.
- Speaker #0
Ce qui explique effectivement un engagement qui est tout aussi important, mais réparti sur différents centres d'intérêt. Et ce que tu décris là, est-ce que c'est valable pour tous les jeunes ? Parce qu'on parle souvent de la génération Z comme si c'était un tout, une unité. Où est-ce qu'on peut constater effectivement des jeunes qui sont différents dans leur approche au rapport au travail ? Oui,
- Speaker #2
c'est exact. Alors souvent on tend à parler de jeunesse et d'homogénéité. Tous les jeunes vont chez McDo, chez Starbucks, ils s'habillent de la même manière, ils ont le même style vestimentaire et pourtant il y a des différences. Et c'est pourquoi je n'aime pas toujours utiliser le terme de génération parce que quand on... Quand on utilise le terme de génération, on tend à uniformiser la jeunesse, à accentuer les similarités et ne pas faire attention aux différences. Et pourtant, bien sûr, il y a des différences dans la jeunesse selon, par exemple, des critères sociodémographiques, le fait de faire des études, de ne pas en faire, le nombre d'années d'études, le milieu social, le fait d'habiter en ville, à la campagne, la culture. Et si on reprend, par exemple, la dernière étude de Terra Nova qui est sortie en 2024, Cette étude est très intéressante puisqu'elle montre qu'il y a plus de différences selon les catégories socioprofessionnelles que selon l'âge. Et si on prend en compte, par exemple, l'équilibre de vie, où très souvent on dit que les jeunes recherchent un équilibre de vie, vie pro, vie perso, puisque le travail n'est plus au centre de leur vie, ça, ce n'est pas propre à la jeunesse. L'équilibre de vie arrive dans le top 3 parmi les critères recherchés, mais ça, c'est pour toutes les générations. Et uniquement 34% des jeunes déclarent que l'équilibre de vie... est important. Donc vous voyez, ce n'est pas uniquement la jeunesse.
- Speaker #0
C'est l'évolution de la société.
- Speaker #2
C'est l'évolution de la société qui fait ça. Et c'est même plutôt les jeunes cadres actifs, donc ceux qui sont plutôt issus d'un milieu CSP+, qui recherchent aussi cet équilibre de vie et qui se disent aussi, mais moi je suis prêt à renoncer à mon équilibre de vie si derrière je m'épanouis dans mon travail, je suis capable d'apprendre dans la vie de tous les jours et je peux me former dans mon travail. Et donc je suis capable de faire plus d'heures pour être payée plus, même si ça remet en cause mon équilibre de vie.
- Speaker #0
C'est pour ça qu'il faut vraiment faire de la communication, de la communication segmentée en fonction des différentes typologies de jeunes. La principale chose qu'ils recherchent dans leur vie professionnelle maintenant, c'est la recherche de sens. J'ai une petite question un peu poil agrêtée parce que c'est l'objectif de ce podcast. Est-ce que finalement, c'est vraiment la recherche de sens ou c'est du personal branding pour être plus quali sur le monde du travail ?
- Speaker #2
Pour moi, on n'est pas sur un épiphénomène de personal branding, on est vraiment sur un phénomène profond. On est vraiment aujourd'hui, depuis la crise de la Covid-19 aussi, qui est venue. La crise de la Covid-19, elle est venue accélérer toutes ces questions liées à l'RSE, responsabilité sociétale, écologique des entreprises, ce besoin de rechercher un travail en adéquation avec ces valeurs. Et donc, cette quête de sens, c'est quelque chose que recherche véritablement. Les jeunes, plutôt les jeunes qui ont fait des études, qui peuvent aussi se permettre de se poser ce genre de questions, puisque si on est plutôt sur la jeunesse ouvrière, ils auront moins l'opportunité de se poser ces questions, ils vont être plutôt directement sur la recherche d'un salaire et sur des questions beaucoup plus pragmatiques. Mais les jeunes aujourd'hui, déjà dans la société de consommation, le déclarent, ils revendiquent une consommation plus responsable, ils sont capables de boycotter des marques qui ne respectent pas l'environnement, la diversité, l'inclusion, etc. Il y a des vrais enjeux. On retrouve ces enjeux-là dans le monde du travail. Et aujourd'hui, on parle même d'éco-anxiété. Qu'est-ce que ça veut dire ? On a 34% des jeunes qui se déclarent éco-anxieux, c'est-à-dire anxieux de l'environnement qui les entoure, en disant Ok, boomer quand ils parlent aux anciennes générations. Je vous avais dit que vous n'aviez pas fait attention à notre planète. Et donc aujourd'hui, on se sent comme une génération sacrifiée et oubliée. Et on a quand même un jeune sur trois qui déclare Demain, je ne sais pas si j'ai envie d'avoir des enfants par rapport à l'environnement dans lequel on est aujourd'hui.
- Speaker #0
Est-ce que cette génération, si on reste sur son rapport au travail, est-ce qu'elle a autant en capacité de gérer le stress et la pression au travail que les générations précédentes ?
- Speaker #2
Il est vrai que c'est une génération qui est anxieuse et qui est stressée, puisqu'ils vivent dans un monde de l'incertitude, un certain monde de l'insécurité, on le voit aussi par rapport à l'environnement qui nous entoure aujourd'hui en termes politiques, en termes des attentats, etc., de la crise de la Covid. Il y a eu beaucoup de facteurs qui ont marqué cette génération-là, donc oui. C'est une génération anxieuse. Oui, on ne parlera plus de sécurité et d'un métier toute une vie. Aujourd'hui, les jeunes ont 5, 10 plans de carrière. Donc, il est vrai que ça peut générer de l'anxiété. Si on reprend aussi des études qui sont sorties, on voit aujourd'hui qu'on a notamment cette dernière étude IPSOS saisie, 7 jeunes sur 10 qui se déclarent anxieux. Éco-anxiété, nomophobie, la phobie aussi de ne pas avoir à porter de main son téléphone portable, c'est quelque chose aussi aujourd'hui. qui les rendent particulièrement stressés, mais en même temps, ils peuvent être stressés, mais ce n'est pas pour autant qu'ils sont pessimistes. Ce sont des jeunes qui s'engagent, qui ont envie de s'engager, notamment pour toutes ces questions liées à l'environnement, au climat, à la diversité, à l'inclusion. Et donc, moi, je parle aussi d'empowerment. Empowerment, c'est quoi ? Ça veut dire qu'on va conférer à ces jeunes un pouvoir. Ils ont envie d'être acteurs dans la société. Ils ont envie d'être acteurs dans l'entreprise. Et donc, il y a des entreprises aujourd'hui qui ont bien compris et qui travaillent là-dessus et qui créent des collectifs de jeunes comme Engie, la Société Générale, Nestlé, qui vont créer des comités de jeunes pour regrouper les jeunes ensemble et afin qu'ils puissent justement participer à la vision de l'entreprise de demain.
- Speaker #0
Ça signifie que tu as vu une vraie différence dans tes recherches après la Covid-19 sur l'impact que ça a pu avoir sur le rapport au travail de la génération. Post-COVID-19 ?
- Speaker #2
Alors en fait, ce n'est pas tant une question de génération, c'est plutôt une question de contexte. Il est vrai que la crise de la COVID-19, elle est venue réveiller un certain nombre de choses. Et aujourd'hui, on est dans une société qui est complètement en mutation. On passe d'un monde hiérarchique à un monde en réseau. Voilà, on va être sur un autre rapport au travail. Aujourd'hui, le travail, c'est devenu une norme. On parle de flexibilité, tant pas uniquement sur le lieu de travail, mais les jeunes vont réclamer de la flexibilité plus dans les horaires de travail. Et pour moi, quand on parle de génération, la génération Z, c'est un peu comme la face cachée de l'iceberg. Avant tout, les mutations par rapport au travail, par rapport à la société, hypermédiatisation, post-matérialisme, hypermodernité, on les traverse tous. Mais aujourd'hui, les jeunes revendiquent, dès leur jeune âge, ce qu'ils ont envie de faire demain dans la société.
- Speaker #0
Ils sont plus acteurs de cette évolution-là.
- Speaker #2
Ils sont beaucoup plus acteurs, exactement.
- Speaker #0
En tant que chercheur, est-ce que tu peux d'ores et déjà nous donner quelques billes sur la prochaine, prochaine génération, les alphas, comme on les appelle, qui rentreront donc sur le marché du travail dans dix ans ?
- Speaker #2
Alors oui, justement, pour les comprendre, il faut déjà les comprendre dans la société de consommation avant de les comprendre dans le futur monde du travail. Et c'est ce que je fais. Donc, je m'intéresse aussi à ces adolescents, 12, 15 ans. Ceux du primaire sont encore un petit peu jeunes, donc on va encore un peu attendre. Mais on voit déjà qu'ils ont des habiletés dans le monde du digital. Ils sont biberottés au JetGPT, à l'intelligence artificielle, à Alexa. Au mobile, on a 45% des jeunes, même mineurs, qui ont déjà un compte. Facebook, c'est déjà Hasbin. Instagram, Snapchat. On a un jeune sur deux qui a moins de deux ans, donc même des petits, des bébés, qui ont déjà utilisé... le smartphone ou la tablette de leurs parents. Donc, c'est comme s'ils manipulaient déjà tout l'aspect digital de manière innée. Ils vont être aussi très porteurs et intéressés par toutes ces questions liées aux défis environnementaux et au climat, parce qu'ils le voient déjà dans la société dans laquelle on vit. Donc, voilà, digitalisation, climat...
- Speaker #0
Engagement encore plus important.
- Speaker #2
Engagement encore plus important. C'est des choses qu'on va retrouver, je pense.
- Speaker #0
La question, ça sera comment ? Professionnellement, on utilise cet engagement aussi parce qu'on avait des générations qui sont engagées dans des structures comme des syndicats professionnels. Aujourd'hui, malgré ce fort engagement, ils ne se retrouvent pas forcément dans ce type d'engagement professionnel. Donc la question, ça sera peut-être de savoir comment engager ces jeunes dans le monde du travail. Plein de défis à venir. Je te remercie beaucoup, Élodie.
- Speaker #1
Merci de nous avoir écoutés. N'hésitez pas à vous abonner sur votre plateforme de podcast préférée pour d'autres épisodes.