- Speaker #0
Bonjour, bienvenue sur le podcast 3 vers un micro et aujourd'hui nous allons échanger avec David Biraud. Pouvez-vous vous présenter ?
- Speaker #1
Bonjour, David Biraud, donc fraîchement arrivé au poste de directeur de la Kedge Wine School et puis auparavant 30 ans de sommellerie dans des restaurants étoilés michelin avec des grands chefs très connus comme Thierry Marx, Alain Passart, Jean-François Piège et d'autres. Et puis... aussi aimant relever des challenges et je suis devenu meilleur jeune sommelier de France en 1998, meilleur sommelier de France en 2002, meilleur ouvrier de France, donc MOF, la catégorie sommellerie en 2004 et par la suite, au niveau des concours internationaux, j'ai été deux fois vice-champion d'Europe des meilleurs sommeliers et puis vice-champion du monde des sommeliers en 2016 à Mendoza en Argentine. Super,
- Speaker #0
merci. Donc comme sur chaque podcast, on va commencer par une dégustation. Aujourd'hui, on déguste la cuvée Brut sans année, donc la cuvée réserve de Paul Roger, donc en champagne. Rapidement, Paul Roger, c'est une maison familiale qui est basée à Épernay. Là, sur cette cuvée, c'est les trois cépages majoritaires champenois, donc à peu près un tiers de chaque. Donc un tiers de chardonnay, un tiers de pinot noir et un tiers de meunier. Quoi dire de plus ? Voilà, il y a quatre ans de vieillissement en cave, ils font une malolactique. Et voilà, c'est une très, très belle maison, comme je disais, familiale. qui est aussi connu notamment pour être une des dernières maisons à faire beaucoup de remuage manuel. Si vous voulez, on peut déguster tous ensemble.
- Speaker #1
Ce qui est important aussi avant la dégustation, c'est de parler champagne, parce que champagne, c'est le vin effervescent le plus connu dans le monde. Et on peut en être très, très fier parce que je dis toujours, il n'y a pas d'heure pour boire du champagne. Et ça, c'est une vérité. Après les accords, il y en a de multiples. Mais là, en l'occurrence, on va plutôt déguster le champagne pour ce qu'il est, ce qu'il représente en termes de grand vin effervescent. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet sur la dégustation, parce que concernant le lieu, le vignoble, qui est quand même un socle de calcaire assez phénoménal qui existe en France, eh bien, ça va impacter forcément la dégustation. Et puis ensuite, les trois cépages, les trois, c'est vrai, grands seigneurs de la Champagne, même s'il y en a d'autres dans le décret d'appellation de Champagne, qui seront utilisés, et à mon avis, qui seront utilisés de plus en plus par rapport à l'évolution du climat en Champagne. Mais néanmoins, ce sont des cépages... qui ont trouvé leur terreur de prédilection pour donner le meilleur d'eux-mêmes, pour qu'on obtienne déjà des vins, parce qu'on parle de champagne, mais moi je parle de vin de champagne. À la base, il faut un superbe vin qui va être magnifié par l'effervescence et surtout qui va avoir une vigueur, une tonicité, une personnalité qui va être différente des autres vins, parce que le vignoble, la climatologie et puis le savoir-faire humain ont œuvré pour nous donner une très très belle cuvée. Donc, à savoir les trois cépages représentés dans cette cuvée. Mais c'est quand même deux cépages noirs et un cépage blanc. Évidemment. Et en l'occurrence, c'est un champagne blanc. Mais ça a du sens là aussi d'évoquer la trilogie de ces cépages, parce que s'il y a deux cépages noirs, on peut s'attendre aussi à avoir une cuvée avec un peu plus de vinosité qu'un 100% chardonnay qui sera dans la catégorie des blancs de blanc. Donc l'aspect visuel, on commence toujours par cela. Eh bien là, la couleur, elle est jaune paille, brillante, limpide. Il y a toujours des fondamentaux dans la dégustation. Et ça, c'est partie des fondamentaux concernant la couleur. Les reflets sont plutôt dorés. On voit quand même un impact sur les reflets brillants et dorés sur cette cuvée. Et les fondamentaux concernant la brillance et puis la limpidité sont aussi des critères qui nous donnent envie d'aller plus loin. Parce qu'un vin avec de la turbidité du voile, tout de suite, ça freine un petit peu. Voilà. On parle de la bulle aussi. Alors là, on remarque, il y a une bulle extrêmement fine qui se dégage à l'intérieur du verre. Ça forme des cheminées très fines, très droites. Et puis, on parle toujours de la surface de ce chapelet. Donc, toutes ces petites bulles se mettent bout à bout, restent entre elles. Et puis, elles nous font signe que c'est un vin effervescent, mais qu'il y a une bulle bien intégrée aussi. Et la finesse de la bulle est aussi un critère, a priori, qui nous donne une indication concernant la maturité en cave. Le champagne, c'est un vin de patience. On sort historiquement les champagnes après à peu près 15 mois. C'est la loi, mais la champagne est très protectrice de ce savoir-faire justement concernant la prise de mousse. Et c'est pour ça que si on a un vin avec de la consistance, avec de la matière, et si on a de la patience pour laisser le vin en cave, forcément la bulle va être extrêmement bien intégrée. Et quand on parle de ce chapelet, la bulle, si elle reste, ça veut dire qu'aussi il y a de la matière au niveau du vin. Parce que le gaz, il est à l'intérieur de la bulle. Tout ce qu'il y a autour de la bulle, c'est la consistance et la matière sèche de ce vin. Et là, en l'occurrence, c'est quand même très joyeux à l'œil. Et un sens qu'on n'utilise pas souvent en termes de dégustation, mais qui est... abusant, je dirais, c'est, oui, le champagne est l'un des rares vins qui vous parle aussi en termes d'olfaction et d'audition. Donc, c'est un sens. Est-ce que ça nous apporte des informations extrêmement importantes dans la dégustation ? Je ne le sais pas. Mais néanmoins, c'est toujours quand même très intéressant de pouvoir écouter le champagne. Et puis, pour terminer sur l'aspect visuel, on va parler de la viscosité. Là, on fait tourner le champagne dans le verre. Et on se rend compte que c'est un champagne qui a une certaine matière. On se rend compte que la matière bouge bien. On voit qu'il y a une certaine consistance. On ne voit pas une fluidité apparente comme ça immédiatement quand on le fait tourner. Et là encore, on peut s'imaginer qu'en faisant tourner, aérer un vin dans un verre et surtout un vin effervescent, on se dit mais non, ne le faisons pas, on va perdre du gaz. C'est à tort. Le champagne s'aère aussi bien que les autres vins. Oui, il y a une petite perdition de gaz. Néanmoins, si la matière retient bien cette effervescence, normalement, il n'y a aucun problème. Quand on va goûter, il y aura toujours de l'effervescence. On va continuer par l'odorat. Alors, à nouveau des fondamentaux, la netteté. Champagne, mais d'une netteté remarquable. L'intensité, c'est très intense, moi je trouve. Très intense parce qu'on a juste à mettre le nez à quelques centimètres et tout de suite, c'est l'explosion des arômes. Et puis... la complexité. Et là, la complexité, elle va se traduire par une palette aromatique. Alors, on va commencer, on sent que c'est un champagne brut trésor, qui a son âge, mais qui a aussi sa prime jeunesse. Et là, en l'occurrence, on a un registre de fruits à chair blanche. Et les fruits à chair blanche, comme... La poire, la conférence, la pulpe de poire, la chair de pomme et la pomme un peu sous-mûrie, avec une certaine croustillance, une certaine acidité. On sent que ce sont des fruits qui viennent d'une climatologie là aussi un peu plus fraîche que d'autres endroits. La tonalité aussi fleur blanche. Fleur blanche assez intense et caractérisée comme ces arômes que l'on trouve quand on est dans les vergers. et les vergers de pommes ou alors de poiriers, on a cette note de fleur blanche très délicate, printanière, avec cette notion un tout petit peu pollen, très agréable. Et puis, on oublie que la minéralité est aussi en fait une odeur, parce qu'on dit oui, la minéralité, on va surtout l'apercevoir au niveau de la dégustation. Néanmoins, il ne faut pas oublier que... Il y a des tonalités, des arômes qui sont liés aux cailloux, qui sont liés aux terroirs et qui marquent les vins. Et l'un des meilleurs exemples reste effectivement la champagne, parce que si vous avez un blanc de blanc issu que de chardonnay, par exemple, pour un blanc de blanc, ou alors un blanc de noir avec que de pinot noir ou de pinot meunier, aromatiquement, on n'aura pas la même empreinte terroir, parce que les cépages réagissent vraiment différemment. Mais là, en l'occurrence, il y a, je trouve, une notion de sécheresse, lacret, mais lacret... effectivement, de la craie de notre enfance, où on en a plein les doigts. Elle est humide, elle donne une sensation déjà de sécheresse, de consistance et puis de texture. Et là, ça s'associe en fait au registre frité, floral et donc cette notion minérale. Donc là, on a, je trouve, avec l'instant T, c'est une cuvée qui imprime, en fait, je trouve, les trois facettes de ce... qu'on attend aussi d'un vin, c'est-à-dire la facette fruit, la facette climatologie et qu'est-ce que ça va donner en maturité, et puis la facette minérale et thermo. Allez, on continue par l'aspect gustatif. Là, on déroule la dégustation et on déroule la dégustation comme notre corps nous l'indique. Je m'explique. L'attaque, première sensation, beaucoup de souplesse. beaucoup de rondeur, mais aussi de calme, de sérénité. Parce que le vin s'installe, et petit à petit, là on entame l'évolution, c'est le deuxième acte, et cette évolution est extrêmement agréable en douceur, et le gaz est présent. Mais c'est une bulle qui est très crémeuse, qui est bien intégrée, qui ne nous fait pas les joues de hamster, c'est-à-dire qui n'expose pas pour nous faire mal apprécier la perception du gaz à l'intérieur de ce champagne. Pas du tout. Là, on est en phase avec une certaine consistance, un soyeux. C'est une notion un peu ouattée, un peu cotonneuse de milieu de bouche, parce que le gaz joue son rôle, c'est-à-dire d'élever le vin. Et ce milieu de bouche nous apporte beaucoup de fraîcheur, de la tonicité, de l'acidité. Mais là encore, on sent quand même l'influence des deux cépages noirs, parce qu'on a une enveloppe charnelle, une texture qui est extrêmement suave. Et ça, c'est très, très important de savoir que l'assemblage, quand on réalise une cuvée dans le monde de la champagne, est très important. Alors c'est sûr, c'est une philosophie maison. C'est un savoir-faire des maîtres de chais, des chefs de caves. Mais néanmoins, sachant qu'il y a quand même deux cépages noirs, un cépage blanc, ça se sent gustativement parlant et en termes de texture.
- Speaker #0
Là, sur cette cuvée-là, on a quand même 20% de vin de réserve. Quel impact, selon vous, ça peut avoir ?
- Speaker #1
Alors les vins de réserve sont intéressants parce que c'est un vrai savoir-faire. Il y a toujours, de toute façon, un millésime dominant. Ça, c'est certain qui... globalement peut représenter 35 à 40% quand même de la cuvée. Et là, on arrive à 20% de vins de réserve, ce qui veut dire que le reste, mais tout dépend de l'âge de ces vins de réserve, mais les vins de réserve sont faits pour pimenter, assaisonner, complexifier aussi une palette aromatique. Mais les vins de réserve, ce n'est pas une fin en soi, c'est-à-dire que le chef de cave a ce savoir-faire de se dire voilà, le millésime, en grande partie, il est de ce style. La nature a été plus sévère, c'est un millésime qui est vif. nerveux, avec un niveau d'acidité quand même assez marqué. Donc il va falloir arrondir tout ça. Il va falloir atténuer cette perception pour que le champagne soit dans le style que les consommateurs souhaitent quand ils boivent une cuvée Paul Roger Peau de Réserve. Les vins de réserve se sentent, mais je dirais se sentent plus en matière de toucher de bouche qu'en matière aromatique. Parce que parfois, certains vins de réserve, quand ils sont un peu anciens, apportent des notions fruits secs, amandes torréfiées, noisettes. même des notions parfois un peu épicées, quelques épices fines orientales, ça peut arriver. Mais là, ça veut dire qu'on a rajouté quand même des vins très matures. Là, en l'occurrence, je pense que les vins de réserve ne sont pas si anciens que ça. Il faut surtout, en fait, que cette association de vins réserve avec le millésime de base, eh bien, soit parfaitement menée et que cette association nous donne de la plénitude. Et là, en l'occurrence, c'est le cas, je trouve. Parce que c'est un champagne qui est gourmand, qui a de la texture. Ce n'est pas un champagne, voilà, virevoltant, tonique. Voilà, un peu trop dans l'adolescence, pas du tout. Je trouve qu'on est à un stade assagi, calme, avec de la sérénité et puis un peu d'éducation.
- Speaker #0
Merci beaucoup. C'était une dégustation très intéressante. On entend beaucoup le terme sommelier aujourd'hui de plus en plus. Est-ce qu'on peut revenir à la définition pour vous ? Qu'est-ce que c'est un sommelier ?
- Speaker #1
Alors, le sommelier, c'est un acteur d'une salle de restaurant ou d'un bistrot, ou alors même d'une cave, qui... ce doit être le meilleur metteur en scène qui soit avec les vins qu'il propose. Les vins et autres boissons, parce que le sommelier ne s'arrête pas qu'au monde du vin. Donc quand je dis metteur en scène, c'est qu'un sommelier, déjà, ce n'est pas un vinificateur, ce n'est pas un vigneron. Même si certains de mes collègues, moi je n'ai jamais vinifié ni eu de vignes, mais certains de mes collègues ont des petites parcelles de vignes et sont aussi de temps à autre des vignerons vinificateurs. Moi, ce n'est pas le cas. Donc j'estime avant tout que la fonction de sommelier, c'est surtout... comprendre le monde viticole, s'associer au monde viticole, ensuite mettre en avant ce monde viticole au travers de la mise en scène des vins que l'on sert, que l'on vend chez un caviste ou que l'on conseille, que l'on propose. Et donc, notre rôle, il est là. C'est qu'on se doit d'avoir un maximum de connaissances pour ensuite mettre à disposition de nos clients ces connaissances. Alors attention, moi j'ai une devise. Un sommelier, c'est un donneur de conseils, pas un donneur de leçons. C'est extrêmement important pour moi. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas nos connaissances qui doivent nous permettre d'asseoir une autorité. Non, moi, je ne suis pas là pour être autoritaire avec les clients. Pas du tout. Je suis là pour être agitateur d'idées. Je suis là pour être l'étincelle dans l'esprit des clients. Et puis, je suis surtout là pour servir les vins, les mettre à bonne température, bien conseiller mes clients pour qu'ils repartent totalement satisfaits. Et oui, il y a cette notion découverte de nouveaux vignobles, de nouveaux vignerons, de nouveaux millésimes et de nouvelles contrées. Mais je suis avant tout... Moi, ce que j'estime un metteur en scène, un sommelier, c'est un acteur de la salle qui fait vivre une carte des vins ou alors une sélection de vins de la salle ou du monde des cavistes. Parce que moi, je dis toujours le caviste, c'est le sommelier de notre quartier. C'est celui qu'on désenvoie parce qu'on est dans la panade et puis on a besoin d'une bouteille urgente. Ce qu'on ne ferait pas dans un restaurant parce qu'il y a des heures d'ouverture dans un restaurant et puis on s'installe pour manger. Alors que le caviste, c'est pour moi le sommelier du quartier. Il a ce rôle extrêmement important, comme nous, sommeliers dans des établissements de la restauration. Donc, nous sommes à diriger ces acteurs. et les diriger pour qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes vis-à-vis du public. Et le public, c'est le consommateur. C'est vous, c'est moi, de temps à autre. Donc ça, c'est notre fonction. C'est une valeur ajoutée. Et puis, je rajouterais, concernant ce rôle, ce rôle et puis cette profession, c'est que nous sommes aussi des commerçants. On se doit de faire vivre une cave, de faire vivre un stock, de bien gérer son stock, de le valoriser, de... de gérer sa boutique, si je puis dire, pour que le chiffre d'affaires permette de faire vivre la boutique. Et ça, il ne faut pas l'oublier, parce que des sommeliers compteurs, rêveurs, poètes, il y en a. Mais la plupart du temps, ils oublient l'aspect gestion et l'aspect commerce, et tout est lié. Oui,
- Speaker #0
surtout que dans le monde de la restauration, la partie boisson est quand même très importante, celle qu'on valorise le mieux.
- Speaker #1
Dans le monde de la restauration, la partie boisson est essentielle. Et je dis bien boisson au sens général, parce qu'on a affaire à l'heure actuelle à une consommation... un peu moindre concernant les boissons alcoolisées. Donc, il faut pouvoir rebondir, nous, les sommeliers, avec une autre proposition, d'autres propositions, je pourrais dire au pluriel. Donc, ces propositions, ça passe par le thé, le café, les infusions, les thés froids, infusions froides, mais les décoctions aussi, décoctions d'eau avec des plantes, avec des herbes, avec des fruits, avec des légumes, des fermentations. Et donc, cela ouvre encore différents champs d'exploitation concernant la vente de boissons dans un restaurant ou même chez un caviste. Pourquoi ? Parce que... Il ne faut pas oublier les clients qui, physiologiquement parlant ou médicalement parlant, ou alors par religion ou autre, décident de ne pas boire de l'alcool. Ça ne doit pas empêcher ces clients d'aller dans les restaurants, d'aller chez les cavistes. C'est à nous de nous adapter. Et le monde des boissons est tellement vaste qu'on a tout à fait ces possibilités de pouvoir satisfaire tout type de clients.
- Speaker #0
Et par rapport à votre métier, vous savez faire beaucoup d'accords mets et vins. Est-ce que vous pouvez nous expliquer, pour les personnes qui ne savent pas ce que c'est, qu'est-ce qu'un accord mets et vins ?
- Speaker #1
Qu'est-ce qu'un accord mets et vins, ça c'est... très très bonne question. Déjà, je dis, il y a quelques ouvrages qui sont assez bien écrits concernant les accords, mais ce n'est pas une science que l'on peut exploiter indéfiniment qu'avec de la lecture. Pas du tout. Je m'explique. Déjà, le vin, il faut comprendre ce qu'il est. Pour comprendre ce qu'il est, il faut goûter. Et on peut lire d'excellents ouvrages sur le vin, mais à un moment donné, il faut passer à l'acte, c'est-à-dire, il faut goûter et puis boire sa gorgée de vin pour comprendre comment il est. Et puis ensuite, il y a la cuisine. Donc la cuisine, pour les accords mes évins, il faut déjà comprendre quels sont les ingrédients de la recette. Les ingrédients du monde végétal, du monde animal, du monde des épices, et ensuite la cuisson. Et ça, j'y tiens énormément parce que je suis issu, moi, de la cuisine, et la cuisson ou les cuissons sont fondamentales pour comprendre comment va se comporter le produit de base, l'élément de base d'une recette, en termes de texture et en termes de goût. Griller, ce n'est pas poêler. Poêler, ce n'est pas sauter. Poêler, ce n'est pas cuire vapeur. La plaque, le teppanyaki, donne un différent résultat que dans une poêle avec une noisette de beurre. Ensuite, rôti, c'est différent. Brésé, qu'est-ce que c'est brésé ? Il y a une osmose entre le liquide et la matière solide. Il y a un échange de saveurs. Quand on comprend toutes ces cuissons, on va comprendre comment va être le produit. Ensuite, c'est le dernier tour de main du chef de cuisine, c'est-à-dire l'assaisonnement. Et la mise en relation des ingrédients de base, comment ils ont été traités, dans l'assiette. comment ils ont été cuits et ensuite l'assaisonnement. L'assaisonnement, ça peut être des plus simples, ça peut être de la fleur de sel et un tour de moulin à poivre. Mais regardez maintenant le nombre de poivres qui sont à notre disposition. On va prendre un poivre ardent, floral, pimenté. Qu'est-ce qu'on va mettre en fleur de sel ? De la fleur de sel de Maldon en Grande-Bretagne ? Ou alors une fleur de sel des marais salants du sud de la France ? Ou alors de chez moi, de la fleur de sel de Noirmoutier ? Ou alors un sel de montagne ? Que ce soit de l'Himalaya ou même un sel de baie en Suisse ? Tout ça, ça a un impact fondamental. dans la réalisation de la recette. Et quand on a compris ça, déjà, il faut goûter aussi parce qu'on ne peut pas faire les meilleurs accords maisé-fins si on ne goûte pas.
- Speaker #0
C'est un désavantage.
- Speaker #1
C'est un désavantage, oui, mais il faut que tous les chefs comprennent que goûter les plats pour les acteurs de la salle et en l'occurrence les sommeliers, c'est essentiel pour déjà vendre la cuisine de notre chef, bien parler de sa cuisine, comprendre sa philosophie et être son relais en salle de restaurant et ensuite pour faire les meilleurs accords qu'ils soient. Mais il faut faire passer ce message quand même. Un chef se doit et c'est... pas un plat perdu que de faire goûter à son équipe en salle et en sommet. Et ensuite, une fois qu'on a compris comment est le plat, avec les indications du chef et qu'on a goûté, on se dit Ah oui, mais là, je réagis différemment, je réagis comme ça. Ah oui, c'est plus salé. Ah oui, c'est plus pimenté. Et c'est là où il faut nous trouver avec notre base de données au niveau des vins, il faut trouver les points de connexion entre le plat final et les vins que l'on peut servir. Donc ça demande des essais, mais après, c'est l'expérience qui va parler. Parce que moi, j'ai tellement d'essais à mon actif, j'ai tellement expérimenté, et je le fais mais tous les jours. Je vous donne un exemple. Je décide l'autre jour de faire un plat qui était une quenelle de poisson avec une sauce crustacée aux mardines. La quenelle de poisson, c'est moelleux, c'est onctueux, c'est un vrai canapé dans lequel on a envie de se lever. C'est-à-dire qu'on a une texture qui fond dans la bouche, qui a un peu de consistance, mais qui part tout de suite en agréable mousse de poisson. J'avais pris un poisson blanc, en l'occurrence du bar, et j'avais couvert l'ensemble avec une sauce crustacée aux mardines. Et là, on est dans la carapace. On est plus violent, on est plus insinif. On est plus fort en termes de goût. Et je décide de faire un essai avec une syrah légère de Côte-Rotie sur du granit. On me dit, avec une quenelle de poisson et une sauce crustacée, on ne va pas mettre un vin rouge de la vallée du Rhône et en l'occurrence une Côte-Rotie. Eh bien si, parce que j'avais choisi un millésime tendre, demi-corf, pas du tout solaire. Donc on n'était pas du tout dans les arômes de fruits noirs, de mûres, de cassis ou de poivre. Nous étions en fait que dans des arômes extrêmement aériens. On flirtait avec des arômes de pinot noir. Structure tannique, très fine. Donc aucun problème, je n'allais pas apporter de l'amertume et une structure de tannin à un plat qui n'avait pas besoin de ça. Mais en fait, et ça ce n'est pas nouveau non plus, je n'ai rien inventé, c'est que du constat. La carapace et le crustacé, dans les accords avec des syrahs, mais attention des syrahs de cailloux, pas des syrahs de soleil, non, non, des syrahs de cailloux qui ont eu des difficultés peut-être à monter en maturité, donc qui donnent juste le minimum d'elles-mêmes, c'est-à-dire on est plus dans l'acidulé et dans le fumé que dans la confiture. et dans le soleil et les fruits d'été. Pas du tout. Et donc là, l'accord fonctionnait très, très bien parce que ce qui peut être langoustines, crustacés, homards, même crevettes, quand on en fait des coulis et quand on va aller chercher, en fait, cet insensicité de la carapace, eh bien, on a des vraies connexions à faire. Donc là, c'était un mariage improbable. Si je dis à mon client, je vais vous servir une côte rôtie avec votre plat de quenelle de poisson, c'est du jamais vu. Mais ce n'est pas idiot, vous allez comprendre pourquoi. Donc, voilà en fait ce qu'on essaie de mettre en place concernant les accords. Bien connaître ses vins. Bien connaître ses millésimes et les provenances en termes de terroir, parce que l'influence terroir, elle est énorme sur l'aspect salinité, sur l'aspect nervosité, acidité, fumée aussi. Et ensuite, les ingrédients de base du plat, comment ils sont cuits et comment ils sont assemblés et assaisonnés. Et quand on a tous ces éléments, on fait les accords mes évins. Donc les accords mes évins, s'il y avait un livre qu'on pouvait lire en une seule fois ou alors une pilule à prendre pour tout connaître au niveau des accords mes évins, ça serait trop facile. C'est surtout qu'on n'aurait plus de métier, nous les sauvetiers. Donc... Faites votre propre expérience, surtout. Testez, testez, testez constamment, constamment, constamment. Et vous allez voir que vous allez trouver par vous-même des points de connexion. De toute façon, quand ce n'est pas bon, ce n'est pas bon. Quand ça ne fonctionne pas, vous allez tout de suite le sentir. Et parfois, il vaut mieux connaître les désaccords, mes évins, que les accords, mes évins. Parce que les accords, mes évins, ils sont très vastes. Les désaccords, mes évins, ça réduit le champ de compréhension. Il y a quand même...
- Speaker #0
Il me semblait qu'il y a deux grands principes. Soit on peut faire avec des aliments et des vins qui se ressemblent, soit des vins qui sont totalement opposés. Si vous êtes d'accord avec ça, est-ce que vous pouvez nous expliquer ?
- Speaker #1
Oui, je peux totalement vous expliquer, parce que c'est une question très fréquente des jeunes que je forme. Monsieur, d'accord, on comprend que sur ce champagne, un joli tronçon de bar confit dans une huile d'olive à 120 degrés, ou le tronçon de bar, mais... va partir en écailles, les écailles vont être nacrées, ça va s'étaler dans l'assiette, il va y avoir juste un point de cuisson mais idéal, ça va fondre dans la bouche, c'est-à-dire on aura pas mal traité la texture, servi avec un petit tapioca d'huître et puis, eh bien, des fines lamelles, en fait, de cèpes qui peuvent venir avec le champignon, là, le champagne, il a son terroir de prédilection. Mais, quand certains me disent, oui, pourquoi, par exemple, avec les pâtes persillées en fromage, eh bien, on va jouer un... une confrontation avec des vins moelleux ou alors des vins mutés, que ce soit Mori, Bagnules, Porto. Vous pensez qu'en fait c'est un choc de culture ou un choc de goût. Mais réfléchissez aux saveurs. Quand on a un produit qui est salé, on va atténuer le sel avec quoi ? Avec du sucre. Quand on a un produit qui est acide ? on va atteindre l'acidité avec quoi ? Avec du sucre. Ce n'est pas en fait une confrontation, c'est une association de saveurs. C'est que quand on a des produits extrêmement puissants, que ce soit des pâtes persillées, ou même, qu'est-ce que je peux prendre comme autre exemple, un gibier. Un gibier en sauce, que ce soit un sanglier, que ce soit un lièvre, c'est du gibier. Ça sent plutôt fort. Ça sent l'animal qui a couru, qui a été mariné au vin. On y met souvent une garniture aromatique extrêmement puissante, poireaux, que ce soit les racines. Et puis, on a une sauce qui a mitonné longtemps, qui s'est construite et qui s'est solidifiée ou qui s'est texturée avec l'évaporation de l'eau. Donc, c'est une sauce qui, avec une petite cuillère, c'est une explosion de saveur. Et puis, on dit, on va mettre un grand vin rouge rassé, assez ancien, que ce soit du région bordelaise, que ce soit de la Bourgogne. Oui, soit. Mais est-ce que vous avez essayé parfois avec des vins moelleux ou des vieux sauternes ? Non, pourquoi ? Parce que d'un côté, on a de la puissance et on a du sel, et de l'autre côté, on a de la puissance et on a du sucre. Et un des mariages, mais qui est connu de tous les sommeliers et de tous les grands chefs, c'est une tranche de liéve à la royale avec un sauterne qui a 10 ou 15 ans. Et là, waouh, sur le papier, mais David, t'es cinglé. Tu me dis un sauterne sur une tarte aux abricots ou alors un pitivier, ok. Et encore que, encore faut-il que la tarte aux abricots soit la moins sucrée possible, et on va jouer sur le sucre de sauterne qui va justement agrémenter la tarte aux abricots. Parce que l'abricot est un fruit qui est très acide quand il cuit, qui fait ressortir son acidité quand il cuit. Mais là, c'est vrai que sauterne avec un gibier, et pourtant... Ça fonctionne. Donc, oui, il y a des confrontations, mais est-ce que ce sont des vraies confrontations ? En fait, je ne pense pas. C'est qu'en fait, ce sont des associations fortes de saveurs fortes et que ces saveurs s'associent. Elles se marient. Et quel joli mot. Accords, maises et vins, oui, c'est joli. Mais mariage, maises et vins. Encore plus beau. Oui, c'est encore plus joli comme terme. Est-ce que vous dites mariage, vins et mets ou accords, vins et mets ? Est-ce que ça sonne bien ? Pas sûr. accord maize et vin mariage maize et vin c'est tout ce qu'on a pu faire depuis le début oui mais moi qui suis ici de la cuisine moi j'ai toujours accepté avec tous les chefs avec lesquels j'ai travaillé j'ai toujours accepté que la recette sortait de l'imaginaire d'un chef et quand un chef fait une recette il faut le laisser faire ses fulgurances en fait créatives pour sortir sa recette c'est à nous après sommelier avec la diversité des vins que l'on pratique les accords donc faire un plat et faire évoluer un plat en fonction du vin qu'on a choisi oui c'est tout à fait possible et c'est très louable mais moi je trouve que c'est mon métier de m'adapter avec la diversité des vins au travail et à la créativité des chefs. Donc, concernant ces accords, j'espère avoir été plus clair. Ce ne sont pas des accords si anodins que ça, des accords avec des produits très hauts de goût. C'est vraiment une association de saveurs. Et là, on fait appel au sel, au sucre, à l'acide, à la mer, et puis à l'umami, qui est aussi une saveur reconnue maintenant et qu'on connaît un peu mieux. De plus en plus.
- Speaker #0
Le monde du vin, c'est assez subjectif, comme un peu l'art. Comment vous faites quand vous avez des clients qui ne font pas peut-être la même chose que vous sur un accord parfait ? Comment vous faites pour en créer un autre ou être en accord avec ça ?
- Speaker #1
Alors déjà, je ne suis pas du tout en quête de l'accord parfait. J'ai eu des moments où les accords sont exemplaires et idéals à l'instant C.
- Speaker #0
Mais peut-être parce que je n'ai pas sous la main le nombre de vins que j'aimerais avoir pour tenter d'autres accords. Donc, quand l'accord fonctionne, je n'appelle pas ça un accord parfait, j'appelle ça un aboutissement. C'est-à-dire que j'ai fait mon métier, je suis content. Ça fonctionne. Oui. Mais concernant le monde, effectivement, de la sommellerie, il faut savoir écouter ses clients, il faut savoir poser les questions ciblées à ses clients pour savoir ce qu'ils sont à attendre de notre travail. Et puis, c'est deux, trois questions sur ce qu'ils aiment boire, quels cépages ils ont l'habitude de boire, ce que vous avez dans votre cave et puis ce que vous attendez de nous aussi. Parce que moi, j'ai toujours fonctionné avec un socle de vin français, mais avec aussi une carte des vins très internationale. Parce que moi, mon métier n'a aucune frontière et le monde du vin ne doit avoir aucune frontière. Et c'est en allant goûter ailleurs et en allant visiter un maximum de pays que je revendique au effort qu'on a un des vignobles les plus extraordinaires de cette planète avec une telle diversité qu'on est enviés. et à juste titre d'ailleurs. Mais c'est parce que j'ai aussi voyagé pour voir ce qui se passe ailleurs. Donc, cette notion très subjective de la sommellerie, elle existe, mais c'est à nous d'écouter, d'analyser quelque peu, et puis des fois assez rapidement, parce que quand on a des services et puis une mission très courte à remplir concernant des accords mésévins, parce que le client est là pour être étonné, et puis le client, il est là pour être étonné, il est là pour être rassuré, il est là pour être... accompagné, c'est tout le propre du sommelier. Donc, à nous d'être à l'écoute. Et un sommelier doit être à l'écoute. Il doit être à l'écoute du monde vigneron qui l'entoure, de savoir comment les vignerons font leur vin, ce qui se passe, et puis ensuite d'être à l'écoute vis-à-vis de notre clientèle. Je le dis, en aucun cas, j'estime le métier de sommelier comme être un bonimenteur ou alors un compteur de bonnes aventures. Non, non, on est plus rationnel, c'est-à-dire... Qu'est-ce qui doit se passer aromatiquement, gustativement, avec le vin et avec les accords qu'on imagine et avec surtout le ressenti du client ? Qu'est-ce qui va se passer ? On a envie de faire plaisir au client. En fait,
- Speaker #1
c'est super intéressant de parler avec vous, que ça soit que vous êtes vraiment passionné, mais du coup, on voulait savoir en fait, qu'est-ce qui vous a amené à la sommellerie ?
- Speaker #0
Ce qui m'a amené à la sommellerie ? Alors déjà, peut-être que je ne serais pas venu dans la sommellerie si je n'avais pas fait de la cuisine. Moi, mon idée tout petit, et ça, c'est des souvenirs d'enfance, des souvenirs de maman qui cuisine toujours très bien, de mes deux grands-mères. Mais chez moi, en Vendée, on a toujours mangé traditionnel en famille, mais du vrai. C'est-à-dire qu'on a toujours fait le marché, on a toujours acheté des produits bruts. Puis en Vendée, on est plutôt assez gâtés, produits terres, mers, légumes du Val-de-Loire, et ainsi de suite. Mais on a toujours fait l'effort de se déplacer pour acheter des produits et ensuite cuisiner. Cuisine simple ! Mais la cuisine simple et familiale, c'est souvent la meilleure. Et celle, surtout, plutôt que de tourner un minuteur et puis d'entendre le ting ça y est, c'est chaud mais là, ça bitonnait, ça cuisait, et c'est rempli d'odeurs, une cuisine. Et une maison familiale, quand c'est le cas, avec une maman ou des grands-mères qui cuisinaient, c'est forcément rempli d'odeurs. Donc le monde des odeurs, c'est le monde qui est le plus fascinant, parce qu'on s'imagine plein, plein de choses. On s'imagine de la gourmandise, on s'imagine du végétal, on s'imagine... Du fumé, on s'imagine, du mitonné, de la viande, du poisson. Mais toutes les odeurs éveillent en nous des sens. Donc, j'ai démarré par la cuisine. Je fais mon école hôtelière pour devenir chef de cuisine un jour. Et puis, comme j'étais à Talens, je me suis dit, ça serait bien de rajouter un dernier diplôme, qui est la mention sommellerie. Pourquoi ? Parce que je dirais, si je suis chef, et en plus, si je sais parler du vin, ou si je comprends bien le vin, alors là, moi, je serais le plus heureux des hommes. C'est-à-dire que je pourrais non seulement cuisiner pour moi, mais en plus, boire. pour moi et puis faire partager tout le monde. Et en sommellerie, en fait, je me suis rendu compte que c'était le métier qui correspondait à toutes mes attentes. Et je m'en suis rendu compte au fur et à mesure. J'ai un triptyque que j'aime mettre toujours en avant. Moi, je suis au milieu et puis il y a trois éléments importants de mon quotidien et de ma vie personnelle. Le premier, c'est le monde agricole avec les viticulteurs parce que la Vendée, on est... un département rural. J'ai toujours été en contact de l'agriculture, un peu de viticulture, mais même si ça progresse, ce n'était pas la viticulture de nos fièvres vendéens qui était la plus dominante dans ma jeunesse. Mais ensuite, il y a le monde des chefs, c'est-à-dire que j'allais toujours pouvoir côtoyer les chefs en étant sommelier. Et puis, cet aspect client, pour pouvoir raconter mes histoires et surtout, compter tout ce que je peux vivre. Et puis... redistribuer toutes ces informations ou alors transmettre toutes ces informations au fur et à mesure de ma carrière professionnelle, que ce soit au client, mais que ce soit aussi avec mes collègues. Donc, j'ai vite compris en sommellerie que c'était le métier qu'il fallait que je fasse. Et je ne regrette rien parce que je sais que c'est un métier de passion, mais en fait, ce n'est pas un métier, c'est une façon de vivre, la sommellerie. Et je sais que quand je serai à la retraite, je serai toujours sommelier dans l'âme, à déboucher les bouteilles, à cuisiner et à toujours faire mes accords, mes évins. Donc, en fait, je ne quitterai jamais. cet habit de sommelier. Et ça, ça me va très bien. Parce que je sais que je ne m'ennuierai jamais. Donc voilà comment m'est venue la sommellerie. C'est qu'il a fallu faire des choix, mais je ne regrette absolument pas ce choix.
- Speaker #1
Et là, vous avez commencé la sommellerie. Vous avez parlé au début de vos titres que vous avez eus lors de différents concours. Comment est-ce que vous en êtes arrivé là ? Si vous pouviez nous expliquer comment ça a influencé ?
- Speaker #0
Alors, les concours de sommellerie. J'ai vite compris que si on restait dans sa salle de restaurant avec sa carte d'évain sous le bras, à discuter avec ses clients, ses habitués, On pouvait vite tourner rond. Et comme je suis quelqu'un à relever les challenges, je me suis dit, quel challenge je pourrais relever en tant que sommelier ? Eh bien, c'est de repousser mes limites. Et c'est d'essayer de voir, comme tout sportif de haut niveau, jusqu'où je pouvais aller. Alors, en termes de connaissances, en termes de dégustation, en termes de visite, en termes de compréhension, en termes de sommellerie de terrain. Et donc, tout de suite, j'ai compris que faire des compétitions de sommellerie, ça allait me permettre de progresser et surtout de m'éduquer personnellement. Alors, ce n'était pas du tout et ça n'a jamais été le cas pour pouvoir parader avec un maximum de médailles. Façon, voilà, généraux, vous voyez, quand on a cette image de toutes les récompenses et de toutes les médailles. Moi, ça n'a jamais été, en fait, mon ambition première. J'ai toujours voulu, en fait, que ces récompenses, elles soient le plus discrètes possible et qu'elles fassent partie de moi-même. Et le plus beau compliment que j'ai entendu dans une salle de restaurant vis-à-vis des clients, c'est Mais monsieur, vous devriez faire des compétitions de sommellerie. Alors que... alors que j'en avais fait beaucoup. Et là, je me suis dit, ça, c'est super comme réflexion. Parce qu'en fait, il ne m'a pas jugé pour ce que j'ai gagné, il m'a jugé pour ce que je suis dans une salle de restaurant en tant que sommelier. Et ça, humainement parlant, c'est très valorisant et très réconfortant. Donc, j'ai passé ces compétitions pour progresser, pour progresser, pour progresser, parce que ça me forçait à aller voir plus loin. Et donc, c'est vrai, meilleur jeune sommelier de moins de 26 ans, ensuite meilleur sommelier de France, et puis meilleur ouvrier de France. Et quand tout le national était acquis. Il fallait voir l'international. Donc l'international, ça m'a demandé de repousser encore plus mes limites parce qu'il fallait que je fasse des compétitions dans une autre langue que ma langue natale. Donc il fallait que je fasse all in English. Donc moi, je ne suis pas bilingue. J'ai appris l'anglais en Angleterre, dans des salles de restaurant, dans des cuisines. Donc il fallait que j'apprenne aussi l'anglais pour faire de la compétition en sommellerie. Et donc déguster des voyages, des visites dans les pays, des rencontres extrêmement enrichissantes, et ainsi de suite, et ainsi de suite, pour emmagasiner un maximum de savoirs. pour un jour faire bonne figure et essayer de représenter le plus dignement possible mon pays. Et je suis très très fier. Alors je n'ai jamais meilleur sommet d'Europe, ni meilleur sommet du monde. Je n'ai jamais récupéré cette médaille d'or qui nous fuit depuis maintenant 24 ans. Mais je suis très très satisfait de mon rôle en tant que Français parce que j'ai fait quatre concours mondiaux et puis trois concours européens. Et sur ces sept représentations internationales, j'ai ramené cinq médailles. Et j'ai encore... plus pris le poids de ces médailles avec des rencontres parce que je voulais aussi rencontrer des sportifs de haut niveau. Donc grâce à Thierry Marx, j'ai pu rencontrer Teddy Riner, j'ai pu rencontrer Elodie Clouvel qui fait de l'hectatlon moderne, qui nous a représenté aux derniers Jeux Olympiques, qui a brillamment gagné une médaille de bronze si je ne me trompe pas, ou argent. Et puis, Teddy Riner est plus à présenter. Mais aussi, j'ai pu discuter par mail interposé avec Martin Fourcade. Pourquoi ? Parce que je voulais comprendre un petit peu quelle était leur motivation pour se remettre en cause. Parce que nous, quand on gagne une compétition, c'est fini, on l'a à vie, on ne se représente plus. Mais eux, ils se représentent. C'est-à-dire, ils gagnent des médailles d'or, ils pourraient se dire, c'est bon, ça y est, le devoir est accompli. C'est intéressant,
- Speaker #1
c'est un titre que vous ne perdez pas du coup.
- Speaker #0
Non, c'est un titre qu'on garde à vie. Donc moi, pour pouvoir progresser, je dis, mais comment ils font mentalement ? Alors s'entraîner, oui, mais s'entraîner, moi je sais m'entraîner maintenant. Lire, oui, je sais lire, je sais apprendre, je sais. Mais c'était le mental qu'il fallait aussi développer. Et ce n'est pas que j'estime avoir eu quelques défaillances pour ne pas avoir la médaille d'or, c'est que sur certaines compétitions, j'étais super bien préparé, c'est que je suis tombé sur meilleur que moi. Et ça, il faut l'accepter. Mais je suis très, très fier d'avoir amené sur cette compétition internationale cinq médailles pour notre pays, la France. Donc, il fallait s'arrêter à un moment donné, parce que les années passent. Et puis surtout, il fallait laisser aussi la place aux jeunes. Donc, j'ai laissé la place à Pascaline qui nous représente là maintenant. donc je suis très très content elle a fait quatrième au dernier mondial donc j'ai cette chance de vous l'accompagner du coup absolument maintenant je suis passé de l'autre côté je suis passé dans le camp des formateurs des coachs pour lui prodiguer un maximum de conseils essayer de la détendre de la faire rire parce que son savoir est très dense elle est incroyable moi j'ai lu son livre mille vignes ah oui exceptionnellement c'est incroyable moi je ne l'ai toujours pas terminé parce que je suis bêche On peut prendre son temps.
- Speaker #1
J'ai un nouveau livre, quelques fois, quelques passages. Mais c'est un puits de savoir.
- Speaker #0
Parce qu'elle est brillante. Ce qu'il faut, c'est la faire rire. La faire se détendre pour qu'elle aborde les épreuves pratiques avec plus de détente encore. Mais moi, j'étais très, très fier qu'elle fasse quatrième au Mondial. J'aurais vraiment aimé qu'elle aille sur le podium parce qu'elle en avait les capacités. Qu'est-ce que ça me tienne ? On va voir dans pas longtemps parce que du 11 au 15 novembre, il y a le meilleur sommelier d'Europe, la Belgrade, en Serbie. Donc, elle va commencer à batailler à partir du 11 novembre jusqu'au 15. 15, c'est la finale. Donc, je vais me rendre à Belgrade pour voir. attendre de la voir sur scène pour qu'elle aille défendre nos couleurs. Mais c'est vrai que maintenant, je suis passé de l'autre côté pour essayer de transmettre et surtout d'essayer de donner un maximum de trucs, de situations qui me sont arrivées pour qu'elles puissent réagir si ces situations reviennent. Parce que le stress, on l'a tous. Celui qui me dit qu'il n'est pas stressé à une compétition de meilleure sommet d'Europe, meilleure sommet du monde, je ne le crois absolument pas. C'est quelqu'un qui veut paraître solide. Mais le stress, il faut en faire. son ami et une force. Si je peux l'aider et surtout lui faire gagner du temps concernant cette gestion du stress avec tout ce qui m'est arrivé, eh bien tant mieux. Donc je lui ai raconté toutes mes compétitions, tout ce qui m'est arrivé, pour qu'elle puisse s'inspirer de tout ça, pour qu'elle puisse réagir.
- Speaker #1
Que ce soit vous qui en faisiez les compétitions ou qui en vous avez formé parce qu'il y a une lopelle de chèque, comment est-ce que vous abordez les compétitions ? Parce que d'un point de vue extérieur, qu'on soit professionnel ou pas du vin, C'est assez incroyable. On a vu des passages de compétition où on voyait des sommeliers citer la région, mais à la fois le domaine, le millésime, la cuvée. Comment est-ce que c'est possible de connaître tout ça ? Comment est-ce que vous vous formez ? Comment est-ce que vous vous formez ?
- Speaker #0
Concernant les entraînements, alors, un, nous ne sommes pas des magiciens. On ne peut pas reconnaître un vin qu'on n'a jamais goûté dans sa vie. Ça, c'est une règle. Par contre, on va essayer de se rapprocher. Donc, il faut faire appel à sa base de données. On a le cerveau qui est absolument incroyable. Et ça, ça a été prouvé médicalement parlant, avec des études, des IRM. C'est que quand on aborde la dégustation de vin, il y a des parties du cerveau qui sont à priori la plupart du temps plutôt endormies. Mais en fait, c'est quand on n'utilise pas suffisamment ses sens que je pense que le cerveau est plutôt assez endormi et on ne stimule pas assez. Mais quand on goûte un vin, il y a des parties du cerveau qui se mettent en action, ça bouge. et qui nous permettent d'exploiter encore, moi je pense, mieux notre mémorisation et surtout notre fonctionnement cérébral. C'est un disque dur qu'il faut remplir, et il faut le remplir en goûtant, en se posant des bonnes questions, mais pourquoi ci, mais pourquoi ça, et voilà, et en emmagasinant un maximum d'informations. Pour le jour J, avec un vin à la veuve, on procède par l'entonnoir. Et comment on procède avec l'entonnoir ? C'est, déjà, en termes de visuel, la couleur, ça c'est pas possible, Mais vigilance parce qu'il y a peut-être un cépage ici avec la climatologie. Le Grenache n'aura jamais la couleur du Cabernet Sauvignon. Le Pinot Noir n'aura jamais la couleur non plus. Le Pinot Noir de Bourgogne n'a pas forcément la même couleur que le Pinot Noir d'Alsace ou le Pinot Noir même des États-Unis. Donc ça, il faut goûter. Alors se rendre sur place, c'est bien aussi parce qu'on s'apprenne un peu plus sur place, parce qu'on vit dans l'environnement et on assimile encore plus de données qui ne sont pas perceptibles, mais voilà, c'est bien. C'est bien des fois de se rendre dans les vignobles.
- Speaker #1
Mais vous ne pouvez pas avoir goûté à la fois tous les domaines et tous les minésimes, parce qu'il y a des minésimes qui sont assez anciens. Est-ce que, par exemple, si vous avez déjà goûté le vin d'un domaine, est-ce que vous pouvez vous dire, en connaissant les caractéristiques de ce minésime-là, j'estime que ça pourrait être ça ?
- Speaker #0
Oui, c'est-à-dire là encore, on procède par élimination. On procède en se disant, vu l'intensité de la couleur, vu l'évolution de la couleur, ça peut être 10, 115 ans. Mais plus on avance dans les compétitions, plus on avance dans les entraînements, plus on goûte. Et plus on a des occasions, mais absolument rêvées, avec les vignerons, de goûter des vignes mélisides. Donc on fait sa base de données. Et ensuite, c'est un travail de connaissance, un travail de lecture. Donc il faut bachoter. Il n'y a rien à y faire pour être vraiment à un très haut niveau dans la sommellerie, dans les compositions. Et même dans la compréhension du monde qui nous entoure, le monde viticole, il faut avoir une culture. Et cette culture, elle passe par beaucoup de lecture, beaucoup de visionnage. Maintenant, il y a les vidéos aussi. Et ça nous permet comme ça d'emmagasiner toutes ces connaissances pour répondre peut-être au plus près de la solution du vin qu'on a à l'aveugle. Mais déjà, sur une compétition, il y a souvent entre 2 et 4 vins au quart de finale. Ensuite, en demi-finale, on a bien souvent une série de 4 à 6 vins. Donc, ça fait déjà 10 vins. En finale, après, on a bien entre 6 et 8. Donc, voilà, 20 vins qu'on goûte à l'aveugle sur une compétition. Que ce soit au meilleur sommet d'Europe, au meilleur sommet du monde. Si on en retrouve déjà deux, moi, je trouve que c'est une prouesse. C'est une prouesse. Ça n'arrive pas souvent de tomber à quelques kilomètres près, mais si on tombe à quelques kilomètres près, ça veut dire que le disque dur et la base de données ont été sacrément bien fournies. Donc, il faut faire preuve de beaucoup d'humilité, mais de temps à autre, on tombe à une région près. Mais quand on arrive à bien cerner un petit peu ce qu'on goûte, eh bien, on procède par élimination pour essayer de s'en rapprocher.
- Speaker #1
Est-ce que pour les concours, justement, Meilleure Sommelier de France, c'est que des vins français et pour Europe, c'est que des vins européens ou pas ?
- Speaker #0
Non, non. La finale du Meilleur Sommelier de France a eu lieu hier. Il y avait un vin américain. Il y avait le Silver Oak de Napa Valley, de Oakville. Donc, non, non, fort heureusement. Fort heureusement, il faut absolument diversifier, en fait, notre champ de dégustateurs. Pourquoi ? Parce que le monde de la sommellerie, le monde du vin n'a aucun... une frontière. Pourquoi les sommeliers internationaux hors France, les vignerons internationaux hors France viennent en France pour goûter et ont dans leur cave là-bas, en Afrique du Sud, Chris Moulineux, sa collection de bouteilles vides ? C'est un exemple de ce que la vallée du Rhône peut faire de mieux. Aux Etats-Unis, dans les superbes wineries, même les plus clinquantes, qui ont de l'onotourisme incroyablement bien développé, on regarde ce qu'ils boivent en bouteilles vides dans leur sanctuaire, on voit des grands vins français. Si nous, On ne s'ouvre pas à ce qui se fait aussi à l'international pour se dire Waouh, on est quand même super bon c'est dommage. Et avant, je pense qu'on était, nous les sommeliers, un peu trop franco-français. Pourquoi ? Parce qu'on est super gâtés en France. On est parmi les meilleurs vignons et les meilleurs vignobles. Et regardez, la diversité, il n'y a pas beaucoup d'équivalents. J'en ai fait des pays, il ne me manque que l'Océanie. J'aurais fait tous les continents producteurs de vin. Mais pour retrouver un pays qui ressemble à la France dans sa diversité, dans sa... dans sa qualité, dans son histoire, dans les traditions et le savoir-faire à la française dans le monde viticole, il n'y en a pas beaucoup. Donc, moi, j'aime bien avoir cette ouverture d'esprit. Et de toute façon, les vignerons et les sommeliers ouverts d'esprit, c'est ceux qui, moi, je pense, ont cette réflexion des plus pertinentes sur le monde du vin, avec beaucoup, beaucoup de sensibilité. Il ne faut pas se cacher derrière notre notoriété, surtout pas. Il faut qu'on défende nos valeurs en France et nos traditions. Ça, c'est indéniable. Mais il faut aussi qu'on puisse voir ce qui se passe ailleurs pour se dire waouh Oui,
- Speaker #1
il y a des belles surprises ailleurs.
- Speaker #0
Oui, il y a des très très belles surprises ailleurs.
- Speaker #1
Est-ce que par curiosité, vous avez une notion de combien de vins vous avez dégusté pour un concours ?
- Speaker #0
Combien de vins j'ai dégusté ? Alors, au final, non. Par rapport à ma carrière, non. Mais ce que je peux dire, c'est que je peux faire une estimation. Parce que moi, la préparation des concours internationaux, je la démarrais un an à l'avance. Au-delà, c'est compliqué. Vous vous oubliez peut-être ? Oui, puis on peut s'user. psychologiquement. C'est bon. Parce que... C'est tous les jours. Moi, je le souviens. Oui, tout le temps.
- Speaker #1
C'est tout le temps.
- Speaker #0
Tout le temps. Sauf le dimanche après-midi. Mais moi, quand je m'entraînais, de 6h le matin ou de 5h30 le matin jusqu'à 23h, 23h30, la journée, elle était méchargée. Et ça, du lundi au samedi. Le dimanche, comme c'était la journée famille repos, je me levais à 8h. De 8h à 10h, je faisais du bachotage. C'était mes deux heures. Et après, quand mes filles étaient réveillées, c'était fini. C'était la journée famille. Mais sinon, du lundi au vendredi, de 5h30, 6h du matin jusqu'à 23h. c'est très intense et c'est pour ça que j'ai beaucoup apprécié quand j'ai discuté avec Teddy Riner parce que je dis il vous faut une masse d'entraînement et tout il dit mais nous on fait travailler notre physique et puis notre mental mais vous on vous demande de travailler votre physique votre mental et puis de goûter des vins et puis nous on ne vous demande pas de goûter des vins sur un tatami on nous demande d'aller ferrailler et de faire du judo je dis oui c'est vrai Et puis en plus, c'est qu'on vous met des bâtons dans les roues parce qu'on vous change d'environnement, on vous demande de servir avec du matériel qui ne vous appartient pas. Mais il dit non, c'est que vous êtes des sportifs de haut niveau, ça c'est clair, parce que physiquement, il faut être quand même affûté. Donc le sport fait partie. Psychologiquement, il faut être préparé, ça c'est clair. Le mental, d'ailleurs, on reproche assez fréquemment à notre culture française d'avoir des déficiences en termes de mental. Et moi, je trouve qu'on n'a pas de déficience. Alors moi, je prêche pour ma paroisse, mais on n'a pas de déficience mentale, nous, dans la sommellerie compétition internationale. Parce que, voilà, moi, j'ai fait cinq podiums. Pascaline a fait quatrième. Benjamin Roffé aussi a fait des très, très belles prestations. Au national, je pense qu'on est bien préparés. Mais il faut persévérer dans ce domaine-là. Mais il nous faut, en fait, continuer à travailler, à travailler, à travailler, et de voir que les autres... Et les autres pays ont mis en avant leur méconnaissance dans le monde du vin, parce qu'ils n'avaient pas de vignobles, certains, en force et en pouvoir, de se dire je vais aller chercher les sommeliers français sur un terrain qu'ils maîtrisent et qu'ils connaissent bien Et c'est là où nous, il ne faut pas s'endormir. Il faut toujours être au top. Mais Teddy Riner m'avait fait beaucoup rire quand je l'ai servi ce jour-là, en me disant mais non, c'est plus compliqué que ce que nous faisons Je dis ouais, bon, moi je ne suis pas prêt de monter sur un tatami quand même Ce n'est pas le même été. Mais on nous demande de faire appel à nos sens, c'est vrai, avec un chronomètre, parce qu'ils ont des chronomètres, mais avec aussi un physique qui doit tenir sur la durée. Parce que la demi-finale, quand on démarre la demi-finale le matin à 8h, 8h30, et qu'on sort des épreuves à 17h, psychologiquement, il faut tenir. Il ne faut pas craquer. Parce que quand vous craquez, là, tous les sens sont perturbés. Vous ne pouvez plus donner le meilleur de vous-même. Donc, ça demande comme ça. Et ça, le meilleur relationnel que j'ai eu avec un sportif, c'est avec Martin Fourcade. Parce que vous vous souvenez, c'est notre star, une des nos stars du biathlon. Et moi, je dis, mais Martin, comment vous faites pour foirer une course ? C'était ces derniers, je pense, JO d'hiver. où il foire du jus sur la vie de l'homme et en équipe, il fait un son au corps.
- Speaker #1
Est-ce que justement, c'est du mental ? C'est qu'à ce moment-là,
- Speaker #0
il était moins... Oui, parce que physiquement, c'est un monstre. Physiquement, on le tire. Et puis là encore, vous arrivez, vous êtes essoufflé, il faut aligner la carabine, il faut tirer dans une cible, il faut tirer, il faut appuyer sur la détente entre deux battements de cœur. Parce que chaque battement de cœur fait des vibrations et ça fait foirer sa cible. Et donc là, moi, je m'y suis revu. à faire mes compétitions quand je l'écoutais ou quand il me faisait ses notes par mail. Et ça, c'était très, très, très formateur.
- Speaker #1
C'est intéressant de comparer à un objectif de niveau français.
- Speaker #0
Et Pascaline, elle s'est entraînée et elle s'est fait accompagner aussi avec un monsieur qui est formidable, qui est Benoît Binon, qui a entraîné l'équipe de France de tir à l'arc. OK. Et ils ont fait des super scores.
- Speaker #1
Super précision.
- Speaker #0
Oui, ils ont fait des super scores aux Jeux Olympiques.
- Speaker #1
Oui, la nouvelle génération notamment. Et qu'est-ce qu'il lui a apporté justement dans cette préparation-là ? Enfin, sur quoi ils ont travaillé spécialement ?
- Speaker #0
Le mental est surtout de préparer des ateliers pour nous dire Nous sommes très bons. Et non pas Ah oui, mais là, j'ai échoué, donc il faut que je remette tout en cause. Non. Tu t'es entraîné, tu as échoué, il faut que ça te serve pour construire, il faut que ça te serve de terreau pour grandir. Donc ça, c'est très important. Parce que le tir à l'arc, c'est comme au golf. Nous, en finale, c'est comme le golf, le tennis et le tir à l'arc. C'est-à-dire que le golf, la première balle, ouf ! C'est totalement foiré. C'est dans le bunker, on va falloir s'en sortir. Le tennis, c'est pareil. Une double faute, il faut continuer. C'est un point de perdu, c'est dommage, mais il faut y aller. Et puis le tir à l'arc, c'est pareil. Moi, je les ai regardés. J'ai regardé la compétition aux Jeux Olympiques avec les Invalides. C'est une flèche, pof, c'est dans le jaune. Ouais, OK. À la masse, c'est un peu dans le rouge. Et puis, pof, celle qui suit, pof. Il y a un loupé phénoménal avec la force du vent d'un athlète qui n'est pas français. Je me suis dit, mais c'est incroyable. Paramètres qui fait que...
- Speaker #1
Ça, ça ne dépend pas que de nous.
- Speaker #0
Non, mais ils sont quand même vachement bien préparés sur la notion de vent et de prise de signes extérieurs, en fait, pour le tirage. Non, non, c'est très, très précis. Et Benoît nous a dit, il y a certainement un travail à continuer à développer au niveau de la sommellerie, de nos concours de sommellerie, pour savoir, en enchaînant les épreuves, savoir extrêmement bien se relancer et avoir le mental de gagnant, alors qu'on a fait une épreuve auparavant qui était... Donc ça, c'est super important de pouvoir travailler là-dessus et de continuer à travailler là-dessus.
- Speaker #1
C'est hyper intéressant. Et une petite notion aussi qui serait très intéressante, je pense qu'on puisse différencier. Pour vous, quelle est la différence entre un grand vin et un bon vin ? Parce que beaucoup parlent de grand vin et d'autres parlent de bon vin.
- Speaker #0
Un bon vin, c'est le vin qui va vous procurer une émotion gustative. Est-ce qu'elle va perdurer, cette notion gustative ? Pas forcément, mais une notion gustative est de partage, est de moment vécu, et de vous dire, là c'est un bon vin. On est là, on partage, un verre de champagne, un verre de cidre, un verre de sein, on dit, waouh, c'est un super moment. Et après, il y a le grand vin qui, lui, définitivement, il faut une présence gustative. Il faut que ça reste dans vos mémoires. Mais c'est surtout qu'il nous fasse dire, wow, mais quel savoir-faire, quelle tradition, quelle histoire et quel message le vigneron a pu nous faire passer. ou le message qu'il nous fait passer là. Ou alors, mais le vigneron là, son terroir, il le connaît bien parce que... Et puis c'est un vin qui, même en parlant, il y a toujours le goût. Ça s'est imprégné dans les muqueuses du palais. Ça a titillé le cerveau. Et puis après, l'environnement. Et puis quand on se rapproche de l'histoire de la bouteille ou du travail accompli par le vigneron, on se dit, waouh, chapeau. Alors ça peut être une histoire d'un millésime, ça peut être un fait historique cette année-là, ça peut être... Un moment qu'on a passé avec ce vigneron accoudé au tonneau et qu'il a sorti cette bouteille et qui nous fait dire Waouh, mais ça, je vivrais ça peut-être qu'une seule fois dans ma vie de sommelier Et là, on se dit c'est un grand vin
- Speaker #1
Ok, parce que moi, je pensais que la notion de grand vin, c'était forcément justement les grands noms ou les grandes appellations. Mais j'avais vraiment envie d'entendre justement que peut-être aussi un grand vin, ça peut être aussi le partage avec un vigneron. un moment qu'on aurait vécu, comme par exemple en Italie, le dernier domaine qu'on a visité. Il y a eu quelque chose, le tout s'est regardé en mode le Barolo. Il y a un prix, mais en fait, on a passé un super bon moment avec le vigneron. Est-ce qu'on est prêt à mettre...
- Speaker #0
Déjà, pour moi, il ne peut pas y avoir de notion de grand vin s'il n'y a pas une notion gustative qui perdure et qui vous laisse graver, tatouer à l'intérieur de vous-même, le goût, l'odeur, la saveur et la persistance aromatique. Et après ça, c'est forcément lié au vigneron qui vous a accueilli, ce qu'il a accompli en travail, et puis le lieu de provenance du vin. Et là, vous dire, waouh, mais en fait, c'est quoi une alchimie ? C'est une magie ? C'est quoi ? C'est mystique, cette histoire ? Qu'est-ce qui s'est passé là pour que j'ai une dimension comme ça gustative qui est en lien avec tout l'environnement dans lequel je suis ? Et là, oui, c'est un grand vin. Donc, assimiler la notion de grand vin avec la notion de prix, non, ce n'est pas possible. Pour moi, il n'y a pas que ça. Assimiler la notion de grand vin avec la notion de la réputation, oui, mais pas que.
- Speaker #1
Forcément. Mais oui. Forcément, oui.
- Speaker #0
Parce que les grands vins aussi ont construit leur réputation gustative et aromatique par leur ancienneté sur le terrain, avec des vieilles vignes, avec une vraie compréhension du vignoble et un vrai savoir-faire. Tous les vignerons le disent, mais chaque nouveau mille et demi, chaque vendange, nous apparaît comme une nouvelle et puis on se croit préparé et non. Je discutais avec Jean Boxler d'Alsace, il y a trois semaines de ça, qui venait de terminer ses vendanges. Il me dit David, c'est les vendanges les plus difficiles que j'ai eu à faire. Je dis Pourquoi ? Pour les vinifier ? Non, c'est que la nature nous a jamais laissé un moment de répit. Il fallait rentrer, sortir, trier, re-rentrer, sortir. Tout a été, mais par épisode, mais comme une série sans fin, avec saison 1, saison 2, saison 3, saison 4, saison 8 ou 10. Mais... Il y avait dix saisons dans l'espace de trois semaines. Donc, il me dit, mais ça m'a fatigué. Il me dit, je n'avais jamais vécu ça. Et pourtant, il a quelques mises à son actif. Et ça veut dire qu'ils ne peuvent se reposer sur aucun acquis parce que la nature, à un moment donné, va décider de ce qu'elle va leur donner en raison. Et ça, ça fait partie de la notion de grand vin, de se dire, waouh, dans ces conditions où le travail est accompli, ça parle. Mais la notion de grand vin, pour moi, c'est déjà un aspect, mais... mais magistrales en termes de dégustation d'arômes, de dégustation, de persistance aromatique. Mais tout ça, c'est lié au travail qui a été accompli par des personnes derrière. On a eu de la justesse de savoir comment vinifier à propos de la climatologie, du cépage et du terrain, comment on va faire avec la matière que la nature nous donne. Et voilà, ça, c'est la notion du grand. C'est qu'il y a une notion qui n'a rien à voir avec la notion pécuniaire. Pas du tout. Ça a à voir avec un tout. C'est un tout. C'est un tout réuni.
- Speaker #2
C'est ce qui est génial dans le vin, parce que c'est un peu du vivant et ça dépend, comme vous disiez, de la nature. Donc, en fait, ça change tout le temps. Et justement, entrer dans le vin, c'est sans cesse des remises à zéro. C'est un film, mais comme ça.
- Speaker #0
Et puis, on a tous envie, et on a vu des films là-dessus, on a tous envie, au fond de soi-même, soit d'aller dans le passé pour changer un peu le passé, mais on ne sait jamais les conséquences que ça peut avoir en changeant le passé, ou soit aller dans le futur pour revenir au présent, pour se dire je vais changer, pour ne pas en fait... faire ce que j'ai vu dans le futur. Mais ça, c'est pareil. Si vous revenez dans le présent en sachant ce qui va se passer après, vous allez transformer, ça ne va plus être le même futur. Retour vers le futur avec un film qui est beaucoup plus simple. Donc, est-ce qu'il y a une machine à remonter le temps sur cette planète ou dans ce monde ? Le vent. Oui, c'est la seule.
- Speaker #3
Ça fonctionne très bien.
- Speaker #0
J'adore l'art. Que ce soit art moderne, contemporain, ancien et tout.
- Speaker #3
On reste bloqué dans...
- Speaker #0
J'ai des grands moments d'émotion. La dernière, c'est de voir le tableau Le prisonnier peint par Van Gogh. Et là, j'ai dit, c'est unique. C'est vrai que je l'ai vu une seule fois dans ma vie. Et puis, le déjeuner des canotiers aussi, qui appartient à la collection Philips. ce tableau mythique du déjeuner des canotiers, je l'ai lu devant moi. Et là, je dis waouh Mais je n'ai pas pu toucher. Parce qu'on voit qu'il y a des reliefs avec les coups de pinceau. Et là, on se dit waouh Un petit doigt dessus pour avoir le relief. Je n'ai pas pu sentir. Parce que j'aurais bien voulu. Vraiment, comme j'adore les livres. Moi, j'adore sentir les livres. Mes viennes bandes dessinées, mes vieux Astérix, je mets le nez dessus et waouh. les premiers mangas que j'ai achetés, je mets le nez dessus, ça commence à sentir le vieux papier, ça sent le bon. Mais ça, je ne peux pas faire avec l'art. Et puis les livres, je les dévore des yeux, mais je ne peux pas les manger. C'est la seule machine à remonter le temps. C'est-à-dire qu'en fait, on prend une gorgée qui a été vinifiée une autre année par des personnes qu'on ne connaît pas forcément, dans des difficultés qu'on ne connaît pas forcément. Mais quand on boit un vin, on s'intéresse à ce qu'il représente. Et quand on s'intéresse à ce qu'il représente, on s'intéresse aux gens qui sont derrière. On s'intéresse à la provenance. Et puis, on se dit, mais waouh, que c'est bon. Et on vit intérieurement ce qui s'est passé à cette époque-là. Donc, avec la gorgée, on fait un bond dans le temps. Un bond en arrière, bien évidemment, parce que le vin du futur, à la rigueur, il n'est pas encore fait. Mais c'est la seule machine à voyager dans le temps, la seule. Et que quand on boit un vieux millésime, le premier réflexe, mais on a tous sur le flexé, c'est qu'est-ce qui s'est passé cette année-là ? Et on regarde et on se dit, ah ouais, c'était chouette quand même. 1942. pleine Deuxième Guerre mondiale, vendanges par les femmes, les enfants, les personnes âgées, dans des conditions, à mon avis, terribles. Il fallait cacher du vin, sinon l'occupant nous les prenait pour les boire. Il fallait faire des caves secrètes, ou alors il fallait détruire des récoltes pour ne pas qu'elles tombent entre les mains. Et là, on se dit, waouh, j'ai bu une partie de l'histoire. Donc, c'est la seule machine à remonter le temps. Par contre, on remonte en arrière, mais c'est quand même bien de remonter en arrière pour ce qui s'est passé à cette époque-là.
- Speaker #3
Et du coup, la spéculation... qui arrive aussi sur le monde du vin,
- Speaker #0
vous la comprenez ? La spéculation, alors oui, je la comprends par rapport au phénomène de rareté et il y a des faits qui sont indissociables de la spéculation du vin. 1. Il y a de plus en plus de personnes qui boivent du vin sur cette planète. 2. Il y a un pays pas des moindres, les Etats-Unis, 350 millions d'habitants de mémoire ou même un peu plus, ils boivent de plus en plus de vin, ils ont un potentiel d'achat assez impressionnant et quand on leur... parle de grand vin, le coup de projecteur se tourne assez rapidement vers la France. Donc, ce sont des acteurs assez majeurs dans la commercialisation du vin. Et puis après, il y a des effets de mode, que ce soit en Asie, que ce soit à l'époque en Russie, on avait un beau succès aussi sur certaines eaux de vie, ou même certains grands vins. Mais voilà, la roue tourne, le marché du vin, il évolue, donc je peux comprendre une certaine spéculation. Là où j'ai des mal à comprendre, c'est qu'à un certain niveau de prix, en fait, on se coupe potentiellement d'ambassadeur. Et pourquoi je dis ambassadeur ? C'est que moi, je me suis toujours considéré comme un ambassadeur du vin. Et c'est pour ça que quand certains vignerons restent cohérents par rapport à la fixation de prix, mais disent, vous les restaurateurs, vous les cavistes, vous les sommeliers, vous avez votre allocation, et on ne va pas vous oublier, parce que le consommateur final que vous avez dans vos salles de restaurant, oui, il est capable de mettre 1 000 euros la bouteille, par exemple, mais si je vous la vends 900 euros, Vous allez la mettre à 1 000 euros ? Non, parce qu'on a des charges aussi. Donc, par contre, soyez cohérents par rapport au marché. Mais oui. Et puis, de toute façon, la cohérence, ça passe par aussi vendre ces vins-là, les déboucher et que les clients les boivent dans nos salles de restaurant. Donc là, c'est vrai qu'il y a toute une partie des vignerons qui pensent à ça, qui pensent à l'aspect ambassadeur. C'est-à-dire que nous, les bouteilles de vin, c'est pour être débouché, pour être consommé. Et ça nous fait plaisir de sortir des grands vins à nos clients. Ça nous fait plaisir de les vendre. Moi, je... Je ne suis pas un gardien de musée. Je suis un metteur en scène des bouteilles de vin que j'achète pour la carte des vins et dans la cave. Donc, la spéculation, malheureusement, elle s'installe vis-à-vis de personnes ou ces personnes qui alimentent cette spéculation. Ce n'est pas forcément les personnes, en fait, qui débouchent des bouteilles de vin. Et c'est là où c'est dommage. Parce que le vin est un être vivant. Il n'y a pas d'autres produits alimentaires. Vous savez que le vin, l'autre produit alimentaire qui peut vieillir aussi longtemps que le vin, plus longtemps que le vin, qu'est-il ? Ah, qu'est-ce que...
- Speaker #2
C'est une possibilité.
- Speaker #0
Je vais chercher l'eau. Non, l'eau, elle peut croupir. À un moment donné, elle perd de ses qualités. Le miel ? Oui, le miel, bravo. Le miel est quasiment indestructible. Et donc, on peut manger du miel très ancien ou même des morceaux de miel séché avec le temps et ainsi de suite. Donc, c'est là où la spéculation du vin, si elle est liée uniquement à faire tourner des bouteilles de vin pour alimenter des musées, je trouve ça dommage. Je comprends que certains vins deviennent un petit peu plus onéreux parce que toute la planète en veut. Mais j'ai du mal à comprendre qu'après, ces bouteilles-là, elles ne se débouchent plus parce qu'elles atteignent un certain niveau de prix. Que nous, les sommeliers ou les cavistes ou même les consommateurs, on ne peut plus les payer ou on ne peut plus les acheter et on ne peut plus ensuite les déboucher. Et pour moi, ça, c'est une importance primordiale. C'est-à-dire déboucher à un moment donné. Qu'on conserve certains vieux millésimes et tout pour faire un patrimoine. Et ça, oui. Il y a des très bons collectionneurs, mais qui sont des très bons buveurs. Mais ils veulent avoir une jolie collection d'Ikem. C'est vrai, quand vous êtes devant une collection d'Ikem, de Petrus, on fait des yeux. Puis là, il y a le tire-bouchon. On a envie de se dire, j'aimerais bien goûter Petrus 90.
- Speaker #2
Après, il y en a plein qui achètent pour revendre.
- Speaker #0
Oui, oui. Bon, ça, après, c'est... C'est un marché. Oui, c'est un marché. C'est le marché des œuvres d'art. Certains vins sont devenus des œuvres d'art.
- Speaker #2
Après, ce qui est compliqué avec le vin, c'est que ce n'est pas... comme une œuvre d'art, vu que c'est un produit vivant, ça peut aussi changer. Et comme on a aussi une date, c'est pas une date de plan de fond, mais une date justement où le vin est à son apogée, et après, ça arrive qu'on boive un vin qui est passé.
- Speaker #0
Et c'est surtout qu'il y a plusieurs bouteilles. Un très beau millésime de pétrus, un très beau millésime de champagne, il y a un certain nombre de bouteilles, de milliers de bouteilles. Un tableau de grand maître, même s'il a peint plusieurs types de tournesols, Van Gogh, chaque tableau de ses tournesols est absolument Unique. Oui, oui. Donc, il faut aussi recentrer un peu ce débat concernant la spéculation et concernant la vente de vin. C'est qu'il y a quand même, sur certains crus, beaucoup moins de production que d'autres. Et qu'il faut savoir, je pense, trouver un juste équilibre entre la spéculation et le débouchage. Si on pouvait... Magnifique. Ouais, si on pouvait trouver... Parce que nous, les sommeliers, c'est vrai qu'il y a des moments, on se pose la question sur certaines allocations, on dit on les prend ou on ne les prend pas. Si je les prends, ça va être compliqué à ce niveau de prix. Je ne vais pas avoir beaucoup de clients. Donc, on se dit, non, je vais faire l'impasse cette fois-ci. Donc, ça, c'est un peu dommage parce que nous ne sommes pas les seuls acteurs dans le monde du vin. Nous ne sommes pas les seuls vendeurs ni les seuls commerciaux dans ce monde du vin. Mais je pense que nous avons un joli rôle à jouer sur la notoriété de certains domaines, sur la valorisation de certains domaines. Et qu'il faut relativiser. C'est une bouteille de vin et elle est faite pour être partagée, elle est faite pour être bue, si rare soit-elle.
- Speaker #2
Merci beaucoup. En tout cas, et après, on voulait vous demander encore juste une chose. Donc là, vous venez de prendre votre poste de direction à la Wine School. Pourquoi tout simplement ? Pourquoi et comment là, vous voyez votre rôle justement dans l'information des étudiants ?
- Speaker #0
J'arrête 30 ans de restauration en l'espace de deux mois.
- Speaker #3
Ah oui, ça va vite ?
- Speaker #0
Oui, ça allait très vite parce que j'ai été contacté. J'ai postulé fin mai pour suivre le process de recrutement en tant que candidat, ayant fait acte de candidature. Je me suis inscrit sur le lien LinkedIn de Kedge. J'ai suivi petit à petit et je me suis dit, parce que j'étais très bien au mandat oriental, mais est-ce que c'est une vraie opportunité pour moi pour entamer un nouveau chapitre de ma carrière professionnelle en tant que sommelier ? Et je dis oui. J'ai toujours aimé transmettre. J'ai toujours aimé parler du vin. Là, en l'occurrence, c'est dans un autre environnement. Mais est-ce qu'il n'y a pas cette notion encore plus satisfaisante de pouvoir transmettre avec un cadre plus orienté vers l'éducation ? Parce que c'est le monde des études. Alors que dans les salles de restaurant, il y a toujours le coup de feu. Il y a toujours la rapidité d'exécution. Donc, on parle certaines fois beaucoup avec des clients. Mais il y a... tellement de messages qu'on aurait voulu faire passer quand le client s'en va, ou alors on se dit Ah mince ! Et puis même avec mes jeunes, avec tous ceux que j'ai formés, j'aurais pu leur prodiguer encore plus de conseils, mais je l'ai fait dans un cadre lié à la restauration. C'est-à-dire on essaie de trouver les moments opportuns pour pouvoir former. Et là, je me suis dit Ah ouais, le directeur de la Wayne School, c'est déjà avoir une équipe formidable parce qu'ils sont sacrément brodés et surtout sacrément bien organisés. Donc là, je me dis Ouais, C'est déjà ça de fait. Ils m'ont l'air d'être bien organisés et je le constate. Donc, on peut se pencher sur l'avenir. C'est-à-dire, comment moi, avec ma personnalité de sommelier, je peux faire évoluer en fait cette wine school ?
- Speaker #3
Parce qu'on le rappelle, on n'est pas sommelier. On fait des études de commerce. Et on n'a pas de but non plus à être sommelier. Donc, comment vous apprendez ce nouveau challenge ?
- Speaker #0
Ça ne me pose aucun problème. Parce que moi, je n'ai fait aucune école de commerce. Mais par contre, j'ai fait du commerce pendant 30 ans.
- Speaker #2
Très bonne réponse.
- Speaker #0
Et que le commerce en direct live avec le client, à lui servir du vin et avoir sa satisfaction en direct, et vivre avec lui sa satisfaction ou son mécontentement, parce que ça arrive, eh bien ça, c'est une sacrée école de commerce. Donc, est-ce que je ne peux pas apporter justement une vision différente ? à discuter avec vous, à intervenir avec vous, à faire de la dégustation avec vous. Pour, c'est loin de moi cette idée de révolution, parce que la Cage Wine School, elle existait avant que je n'arrive. Et puis, j'espère qu'elle existera le plus longtemps possible, avec moi en l'occurrence, parce que je pense que je peux apporter une vision du commerce du vin qui est différente et qui n'est peut-être pas totalement dispensée dans le format actuel. Ça aura du bon de pouvoir essayer de trouver une jolie association au travers de mon poste. Et ça passera aussi par les équipes, de discuter avec elles, et puis de voir qu'elles ont un directeur qui est différent des autres de mon prédécesseur. Et alors ? Est-ce que...
- Speaker #2
C'est une farce.
- Speaker #0
Mais oui.
- Speaker #3
Je pensais que tu as une volonté aussi de Kedge.
- Speaker #0
J'imagine, sinon...
- Speaker #3
On aurait de nouvelles choses à apporter.
- Speaker #0
Sinon, on ne m'aurait pas dit, pour David, on vous devient... Donc oui, oui, j'imagine. Mais... Voilà pourquoi j'ai tourné la page de la restauration, parce que c'était un nouveau challenge à relever. Et vous vous souvenez de mon histoire des concours ? Oui. C'est que j'ai fait 30 ans de restauration, mais j'ai fait 30 ans de restauration aussi associée à 30 ans de compétition. Et que si peut-être je suis resté aussi longtemps dans la restauration, à travailler avec autant de chefs divers et variés, avec leur tempérament, leur caractère, et puis leur fulgurance créative, et puis leur génie, si j'ai fait tout ce temps-là, c'est peut-être parce que je me suis formé, et je me suis éduqué, et j'ai progressé. Donc là, c'était un nouveau chapitre, c'est-à-dire, oui, je quitte la salle de restaurant. Je me verrai toujours dans une salle de restaurant, ce n'est pas du tout un problème. Je ne suis pas usé à ce point-là, pas du tout. J'ai encore plein d'énergie, mais là, je peux entamer un nouveau chapitre de ma carrière professionnelle. Et est-ce que ce chapitre, ce n'est pas le moment de pouvoir mettre à disposition d'un maximum de personnes mon expérience ? Ce que vous avez appris. Oui.
- Speaker #3
On a hâte.
- Speaker #2
Malheureusement, non. dans deux semaines. Mais en tout cas, merci beaucoup. C'est hyper intéressant. Là, pour finir, on aime bien demander à nos invités de nous citer une expérience ou un vin qui les a marqués ou une anecdote, une dégustation partagée qui les a marqués dans leur carrière ou dans leur vie personnelle, même par rapport au vin.
- Speaker #0
Oui, alors il y en a énormément. Soit des situations dans les palaces dans lesquelles j'ai travaillé. Des Ausha sur la terrasse avec vue Place de la Concorde et puis la Tour Eiffel a décanté mon château Margot et mon château Cheval Blanc pour deux clients, mais adorables comme tout. Et puis là, on se dit, je suis au milieu de Paris et là, je vois ça. Je dis, je ne l'ai fait qu'une seule fois en plus dans ma vie. Mais voilà, je venais de démarrer. Je ne donne pas d'exemple, mais après, je vais terminer par l'exemple, moi, pour en revenir à pourquoi j'ai fait ce métier. Mais un exemple à l'arpège, je venais de démarrer. Et puis là, voilà un très bon client d'Alain Passard. collectionneur de vin qui arrive, il arrive avec un magnum et une demi-bouteille. Le magnum, c'était Cheval Blanc 47 et je savais que c'était un millésime mythique et je dis, moi, je viens sortir de l'école et je vais boire, du moins je vais goûter. Et ils étaient deux à table, donc c'était même pas goûter, c'est que l'avocat était tellement heureux de la tenue du magnum de Cheval Blanc 47, ils en ont bu quand même une grande partie, mais après il a dit, vous les jeunes, il faut vous éduquer, donc vous allez prendre un verre, donc j'ai demandé à la passare, je peux prendre ? Mais bien sûr, puis même lui à la passare, c'était pas une bonne idée. et j'ai bu un verre. Je n'ai pas fait que goûter. J'ai bu un verre de cheval blanc 47 parce que le client avait dit mais ce gamin-là il sort de l'école, il faut qu'il goûte cheval blanc 47. C'est génial. Voilà. Et la demi-bouteille, c'était Ikem 1893. Donc, il était collectionneur d'Ikem. Il avait pris des demi-bouteilles qui, je ne sais pas si elles existaient à l'époque, mais comme il avait certains millésimes qui commençaient à baisser en niveau, il avait demandé Ausha de pouvoir, sur certains millésimes, faire des demi-bouteilles pour pouvoir... Et ça, c'était magistral. et d'ailleurs ça m'amuse beaucoup quand je raconte cette histoire parce que je sais que Pascaline allait tomber dans le monde du vin aussi avec un verre de Château d'Iquem un jour mais le moment qui m'a marqué le plus c'est quand on parle de grands vins mais parce que tout était réuni c'est un ami proche qui nous réunit avec des collègues sommeliers et pas des moindres parce que j'étais avec des meilleurs sommeliers d'Europe, des meilleurs sommeliers du monde on était en petit comité et il nous met donc les vins à l'aveugle et à un moment donné il nous sert un vin la couleur elle est mais translucide, légèrement rose, des reflets orangés. Mais on voyait que ça avait été quand même bien décharné par le temps en termes de couleurs. Et puis là, on met le nœud dessus. le bouquet de roses, le pot pourri, un parfum mais envoûtant, incroyable. On goûte, on dit, c'est bon, c'est grand Bourgogne Rouge. Définitivement, grand Bourgogne Rouge, sur les plus beaux terroirs. Donc voilà, on est tous en train de... Et puis voilà, ça a un coup de nuit, mais... Quel misime, quel misime. Et c'était la tâche 1942. Donc là, on a dit, waouh. Et c'est là où, quand je dis que la machine a remonté le temps... C'est mis en branle. 42. C'est fou. Il n'y avait pas de verre. La bouteille, je l'ai gardée. J'ai demandé à cet ami-là, je lui ai dit, mais oui, de toute façon, je ne garde pas les bouteilles vides, donc tu prends là. Et j'ai cette bouteille vide de la tâche 42. Elle est bleue comme le ciel de Provence que j'ai vu quand je suis arrivé. Improbable. Mais en 42, il n'y avait quasiment pas de bouteille. Tout le verre était utilisé pour l'armement. Donc, on peut imaginer que, par exemple, il est séjourné dans les fûts, parce que la couleur était décharnée, mais translucide. à la rigueur comme une couleur un peu de tavel rosé et encore plus claire. Et quand on a vu la couleur, on se dit mais ça ne va rien sentir, il ne va pas y avoir de dimension tactile. Mais si, tout était réuni. Et là, elle dit aux 42, femmes, enfants, personnes âgées, en Bourgogne, sur le terroir de la tâche, avant d'en manger, à vinifier. Dans quelles conditions ? à mettre en tonneau. Combien de temps en tonneau ? Parce que je suis sûr qu'ils n'ont pas mis la bouteille en bouteille dans les 18 mois ou les 24 mois après. Pas possible. Il devait y avoir un manque de sous, un manque de bouteilles. Quand on voit la couleur de la bouteille, on se dit, mais ça sort d'où cette bouteille bleue ? Moi, je n'ai jamais vu de bouteille. Il y a eu quelques bouteilles bleutées aussi à Ikem, sur une période je crois après-guerre. Parce qu'il y avait un problème de qualité de verre. Il fallait mettre en bouteille, donc on s'approvisionnait chez celui qui donnait les flacons. Et puis, s'il avait fait ça bleu, il avait fait ça bleu. D'ailleurs, la couleur, elle est fantastique parce qu'elle est d'un bleu aussi. Il y a les Pères Chartreux qui ont fait une cuvée pour se remémorer d'époque marseillaise. Et la bouteille de l'époque marseillaise chartreuse, elle est bleu ciel. Couleur bleu, donc azur bleu de Marseille. Et c'est à peu près le même bleu. Et j'ai gardé cette bouteille vide. Et là, voilà, je dis 42. Je dis mais là, chapeau. Là, on ne peut que se recueillir sur ce que nous sommes en train de boire. Parce que là, on boit un vin. élaboré dans des conditions, à mon avis, très compliquées. On ne sait pas comment ils ont fait pour mettre en bouteille, à quel moment, on n'en sait rien. Mais il s'est passé quand même tout ce temps-là, et la bouteille, elle est débouchée, et elle nous fait voyager. Ça, c'est certainement l'un des plus beaux moments de dégustation que j'ai fait dans mon carrière. En plus, voilà, vin extraordinaire, année extraordinaire, on monte dans le temps. La réputation, extraordinaire, la tâche, c'est le côté de la Romanée quantique. Et puis, l'histoire et la persistance aromatique. Donc ça, grand, classé dans les grands.
- Speaker #2
Si ce n'était pas un vin aussi vieux, ça fait partie vraiment des meilleurs vins que vous avez goûté ou pas ?
- Speaker #0
Oui, il y en a beaucoup.
- Speaker #2
Sans parler du temps.
- Speaker #0
Sans parler du temps.
- Speaker #2
Au niveau consistance,
- Speaker #0
c'était encore vraiment… Ah oui, bien sûr, il y avait de la matière encore. Très légère, mais tous les extraits secs et tout ce qu'on aime dans l'épinot âgé. pour que ça reste dans le palais pendant 5 minutes après. Persistance aromatique de folie. Mais après, il y a plein d'autres vins, mais je n'ai pas fini. Je n'ai pas fini par rapport au moment de plaisir avec le vin. C'est ce qui est bien dans ce métier. Et si vous décidez de choisir un métier dans la filière vin, moi, je vous dis, allez-y, foncez. Mais foncez.
- Speaker #3
On est bien parti pour, normalement.
- Speaker #1
On est pas prêts de quitter,
- Speaker #0
quoi. Non, parce que vous verrez. Ce qu'il faut, c'est trouver votre voie. C'est tellement divers et varié.
- Speaker #3
C'est ce qui est hyper intéressant, pour autant faire du juridique, travailler dans les vignes, qu'il y a tout un des bouteilles, il y a tellement de choses, souvent qu'on ne connaît pas, et du coup, c'est hyper intéressant. Merci beaucoup. C'était très intense, exceptionnel, sincèrement.
- Speaker #2
Merci d'avoir accepté de venir ici.
- Speaker #0
Voilà, vous avez de la matière.
- Speaker #2
C'était une masterclass autant pour nous que pour les auditeurs. Merci beaucoup. Merci, et on se retrouvera pour un prochain épisode. sur un autre sujet.