Speaker #0Bonjour, bonsoir, bonne nuit, bienvenue dans ce nouvel épisode de cette semaine, le podcast qui vous donne 7 recocultures par quinzaine. On commence avec la littérature, avec un roman de Maureen Desmailles sorti en 2024, La Candidate, paru aux éditions Thierry Manier. A 18 ans à peine, Ophélie accepte de participer à une émission de télé-réalité dont l'objectif est simple, séduire le beau Massimo. Massimo, elle vient de le rencontrer en boîte, et c'est lui qui a l'idée de la faire venir pour que leur idylle naissante se prolonge devant les caméras, à l'insu de la production. Ophélie découvre alors les coulisses de ses émissions qu'elle adore. Luttant contre ses sentiments naissants pour une autre personne de l'émission, la pression augmente et Ophélie se noie un peu plus chaque jour dans les faux semblants. Si elle veut aller mieux et avancer, elle va devoir être honnête avec elle-même. C'est un livre que j'aime beaucoup et qui m'a fait penser à Diamant Brut dont j'ai parlé il y a quelques semaines. Maureen Desmailles revient avec beaucoup de précision sur le monde de la télé-réalité, qui est un monde qui fascine même si on n'en consomme pas. Tout le monde a quelque chose à dire sur ce genre d'émission. La dénonciation des stéréotypes de genre fonctionne très bien aussi. On sent que l'autrice s'est renseignée et a travaillé ce sujet qui lui tient à cœur. Ces personnages vont se confronter aux stéréotypes de l'hétérosexualité de plein fouet. Les femmes sont fragiles et doivent séduire des hommes, forts et virils, appelés les princes. Pourtant les protagonistes ne sont pas dans ces clichés-là dans leur vie personnelle. Mais pour le bien des caméras, il faut ce qu'il faut. Les moments d'intimité entre Ophélie et Massimo sont plutôt touchants, mais Massimo a bien compris ce qui fera grimper sa cote de popularité, et donc son compte en banque, donc il joue à fond le jeu de la production, même si ça blesse les gens autour de lui. Je trouve que c'est un très bon roman, très bien écrit sur le fond, mais la forme m'a un peu déçue. L'écriture n'est selon moi pas assez travaillée. Enfin, bien sûr que si elle l'est, sinon le livre ne serait pas sorti, mais je n'y suis pas sensible. Les chapitres d'interview réalisés par un blogueur ne sont pas très lisibles, Et on a l'impression que c'est un problème de mise en page parce qu'il ne fallait surtout pas que le livre dépasse les 320 pages, ce que je trouve un peu étrange. Il y avait sans doute une autre manière de mettre cela en page et je ne suis vraiment pas convaincue. Ceci dit, ça reste un roman que j'ai apprécié et que je vous recommande chaudement. et bravo les lesbiennes. Alors qu'Alice fait sa rentrée au lycée de Fiordlunda, elle est tout de suite prise en main par une jeune enseignante sympathique, Molly Lesterholm, qui semble très proche de certains élèves. Alice, qui déménage sans cesse, apprécie de ne plus être seule. Très vite, elle rejoint leur groupe secret, les Anges de l'Abîme. Car dans cette ville en apparence tranquille, chacun a ses zones d'ombre. Fausse identité, pseudo, on ne sait jamais qui est derrière l'écran dans une conversation en ligne. C'est le résumé des Anges de l'Abîme de Magnus Nordin, sorti en 2014. Un thriller siédois qui s'intéresse aux prédateurs sexuels, j'étais très curieuse de découvrir cela et je n'ai pas été déçue. Le roman se tient très bien, les différents personnages sont très bien installés et on comprend tout de suite ce qui les lie et cette volonté de justice qui les anime. Car quand la police ne peut ou ne veut rien faire, le sentiment d'impunité est insupportable et les anges de l'abîme sont bien décidés à faire bouger les choses. Ils ne veulent pas tuer ou blesser les prédateurs, juste les piéger et accumuler des preuves contre eux pour qu'ensuite la police se bouge enfin. Mais quand un des prédateurs meurt accidentellement, le groupe se retrouve en grand danger et la vérité n'est plus très loin. C'est un schéma assez classique de ce genre de thriller, mais ça marche parfaitement. On s'inquiète dès que nos personnages se mettent en danger, car on sait que le camp du mal a au moins un coup d'avance sur eux à chaque fois. Et comme toujours, une personne plus maligne que ses collègues va accepter de lire entre les lignes et de se confronter à sa hiérarchie, et ça fait du bien. C'est un roman classé young adult, mais il n'est pas à mettre entre les mains des trop jeunes non plus, certaines scènes sont assez graphiques. Mais c'est important que le young adult, selon moi, s'empare de ces sujets et ait peut-être une part de sensibilisation sur ce sujet et les dangers des messageries en ligne et des personnes malveillantes qui traînent dessus. Le livre se lit d'une traite, c'est la magie des thrillers suédois. Celui-ci fait 340 pages et il est paru aux éditions du Ruerg. Michel Pastoureau est un historien-chercheur né en 1947, spécialisé en histoire des systèmes symboliques, notamment de l'héraldique et de la sigilographie, donc l'étude des sceaux, et surtout, pour ce qui nous intéresse dans cette troisième recommandation, Michel Pastoureux est un spécialiste de la symbolique des couleurs. Il sort régulièrement un ouvrage de sa série où il revient particulièrement sur une couleur. Le blanc, le vert, le jaune, le rouge, le bleu, le noir et maintenant le rose. A chaque fois, il revient sur l'histoire de cette couleur, du Moyen-Âge à l'époque moderne, sur comment on comprend la couleur, ce qu'on peut lui associer comme croyance ou superstition. Les différentes utilisations de la couleur choisie, lexique, teinture, vêtements, emblèmes, ses enjeux artistiques et politiques. C'est vraiment passionnant de se plonger dans ces ouvrages qui font... entre 200 et 300 pages, en tout cas pour les versions poche. Mais ça reste des ouvrages qui ne sont pas du tout difficiles à lire. Michel Pastoureau est un très très bon vulgarisateur, et je trouve ça passionnant de découvrir tous ces détails. Je serais très curieuse de savoir ce qui se cache derrière le violet, mais nous n'aurons jamais la réponse, car c'est la seule couleur que Michel Pastoureau n'aime pas. Il déteste cette couleur et ne manque pas une occasion de le dire en interview, à mon grand regret, puisque c'est une de mes couleurs préférées. Et il a toujours dit qu'il n'en parlerait pas parce qu'il n'avait pas de choses intéressantes ou... ou gentil à dire sur cette couleur. Pour chaque couleur, un livre grand format sort d'abord. C'est un très bel objet avec énormément d'illustrations pour appuyer son propos. Et puis quelques années plus tard, une version poche arrive avec un habillage entièrement de la couleur vedette ce qui donne aussi un très bel objet même s'il n'y a pas de photo dans cette version. Donc généralement, je feuillette les grands formats ou je les emprunte en médiathèque et ensuite j'achète le petit format ce qui donne un très bel effet dans ma bibliothèque. Merci les éditions du Seuil pour cela. Si vous voulez en savoir un peu plus sur votre couleur préférée et sur son implication dans la vie quotidienne, je vous recommande chaudement ses ouvrages et le travail de Michel Pastoure en général, car c'est une personne qui arrive à rendre passionnant tous les sujets qu'il travaille. Et peut-être que si on est nombreux, on pourra le faire changer d'avis sur le violet. On passe maintenant au cinéma et on commence avec un film sorti en 1996, Irma Vep d'Olivia Assayas avec Maggie Chung, Jean-Pierre Léo, Nathalie Richard, Bulogier et Antoine Bassler. Un réalisateur sur le déclin, René Vidal, veut réaliser une nouvelle version des vampires de Louis Feuillade tournée en 1915. Pour le rôle d'Irma Vep, anagramme de vampire, il choisit l'actrice hongkongaise Maggie Cheng qu'il a repérée dans des films de Kung Fu. Mais rapidement le tournage vire au cauchemar. Mécontent de son travail et de celui de son équipe, Vidal pète un plomb, laissant une Maggie Cheng seule avec la costumière, Zoé, qui tente maladroitement de la séduire. On ne sait pas trop ce que veut dire Olivier Assayas avec ce film. Déclaration d'amour au cinéma français, au cinéma de Louis Feuillade, à Jean-Pierre Léo ou à Maggie Chung qui l'épousera trois ans plus tard, c'est sans doute un peu tout ça à la fois. Ce qui donne un film un peu bordélique, qui ne se pose jamais vraiment. Mais j'ai bien aimé son côté brouillon. Même si c'est son sixième film, on est encore au début de la carrière d'Olivier Assayas et on sait qu'il n'a pas encore trouvé son style qu'il affinera au fur et à mesure des longs-métrages suivants. C'est un petit budget qui a été fait rapidement, du moins c'est l'impression que ça donne, et je suis contente d'avoir pris 1h40 de mon temps pour voir ce film même s'il n'a pas révolutionné ma vie non plus. Il est décrit comme une comédie dramatique et je suis un peu sceptique, mais pourquoi pas. En vrai, j'ai souri à plusieurs reprises. J'ai l'impression d'être un peu méchante avec le film alors que je l'ai vraiment aimé, c'est juste que je n'ai pas grand chose à en dire, c'était vraiment toute une question de ressenti et j'ai un petit peu du mal à l'expliquer. Mais pour des raisons de timing, je dois enregistrer deux épisodes coup sur coup et je n'ai pas de recours plus enthousiasmé que cela à vous présenter, je suis navrée. Yarmavep est dispo sur Mubi et ça vous rappellera à quel point Maggie Chang est éblouissante. Ce prochain film nous montre qu'on a raison d'avoir peur, pour certains d'entre nous, de vieillir. The Rule of Jenny Penn de James Ashcroft dispose en exclusivité sur la plateforme Shadows avec au casting John Lightgoe, Geoffrey Rush, Geoffrey Henare, Nathaniel Lys et Irene Wood. Confiné dans une maison de retraite après un AVC, un ancien juge doit faire le deuil de son autonomie. Mais son pire ennemi dans cette épreuve, ce n'est pas son corps qui l'abandonne, mais Dave Crewey, un pensionnaire sadique qui ne se sépare jamais de Jenny Penn, sa marionnette grâce à laquelle il terrorise tous les pensionnaires. Ce film est glaçant à bien des égards. Premièrement, voir son corps et ses facultés déclinées, ça n'est jamais réjouissant. Mais savoir qu'en plus, personne ne vous prendra au sérieux quand vous vous plaindrez de votre colocataire, car lui aussi il est vieux, donc inoffensif, et que votre malaise et votre inconfort est sans doute lié à ses facultés déclinantes et à vos sphincters fatigués. C'est rien monsieur, ça va aller, ça va s'arranger. C'est vraiment ce qu'il y a de plus effrayant dans ce film en tous les cas pour moi. Qu'on ne me croit pas, qu'on remette mon jugement en cause. Même si dans le film Geoffrey Rush sait qu'il n'est pas fou, les autres pensionnaires sont aussi victimes de créries et ils en parlent entre eux, mais ils sont trop effrayés pour parler car ils craignent sa vengeance et préfèrent subir en silence en attendant qu'une autre victime fasse son apparition. La réalisation fonctionne très bien à ce niveau-là et on ressent toute la peur et la colère montée chez ces gens impuissants. Et on ressent toute la peur et la colère montées chez ces gens impuissants. Ça donne lieu à une scène de haka absolument bouleversante dans une cafétéria. Le casting est très bon dans son rôle et ça ne doit pas être simple d'accepter ce genre de rôle. Parce que du coup, on est sur des acteurs vieillissants, qui sont encore en capacité de jouer, mais je pense que c'est... Enfin voilà, ils voient et ils jouent, ce qui malheureusement va les attendre d'ici quelques années. Et je ne sais pas à quel point c'est facile de se projeter. Et je sais pas à quel point c'est facile de se projeter dans ce type de rôle. C'est un petit peu comme les acteurs recrutés pour les personnages décrits comme laids ou repoussants physiquement, il faut quand même être très solide sur ses appuis pour préparer une telle performance, et je suis très admirative du film pour cela. J'aime aussi beaucoup le fait qu'il nous fasse à ce point peur sans aucun élément à proprement parler horrifique. La poupée n'est pas hantée, il n'y a pas de manifestation surnaturelle, c'est juste une extension de l'esprit malade de Créerie. C'est un film néo-zélandais et c'est assez rare pour être mentionné. C'est un film qui est assez dur à encaisser, parce que c'est un sujet qui nous touche tous ou qui nous touchera tôt ou tard. The Rule of Jenny Payne dure 1h43 et il ne vous donnera pas envie d'aller visiter vos proches en Ehpad. Je vous parlais d'Aftia Herzi, actrice, il y a deux semaines, et je vous parle maintenant d'elle en tant que réalisatrice, avec Tu mérites un amour, son premier film sorti en 2019. Suite à l'infidélité de Rémi, Lila, qui l'aimait plus que tout, vit difficilement la rupture. Un jour, il lui annonce qu'il part seul en Bolivie pour se retrouver face à lui-même et essayer de comprendre ses erreurs. Là-bas, il lui laisse entendre que leur histoire n'est pas finie. Entre discussion, réconfort et encouragement à la folie amoureuse, Lila s'égare et apprend à écouter ses envies au fil de ses nouvelles rencontres. Côté casting, on retrouve Afia Yerzi dans le rôle principal, Janice Bouziani, Mouna Soalem, Jérémy Lahurt, Jonathan Eyap et Anthony Bajon. J'aime énormément la douceur qui se dégage de ce film. La douceur de Lila bien sûr, mais la douceur des gens qu'elle rencontre. L'homme du parc, la photographe ou le couple du restaurant, tout semble se passer dans un cocon même quand il y a une tension sexuelle très forte qui s'installe. Il ne sera question que de douceur, toujours. C'est un film très pudique sur les scènes d'intimité et ça fonctionne vraiment très bien pour titiller nos attentes. Avia Herzi parvient très bien à rester sur une très grande fragilité, partagée entre son désir d'avancer et son attachement à sa précédente relation, plus qu'à son ancien compagnon d'ailleurs. Rapidement, on comprend que c'est ça qui coince. Si elle arrive à passer outre la personne de Rémi, c'est une sorte d'attachement à son histoire et au confort que cela lui procure dont elle a du mal à s'en défaire. C'est le processus classique du deuil d'une séparation amoureuse, mais c'est très bien raconté ici. Si vous voulez passer un très bon moment, je vous le recommande chaudement. C'est un film parfait pour ce début d'été. Et si en plus vous aimez le travail de Frida Kahlo, Vous y verrez une très jolie mise en scène d'un de ses poèmes par Anthony Bajon. C'est un premier film autofinancé, où les conditions de tournage font qu'il ne pouvait tourner que quelques jours par mois, et c'est vraiment une très grande réussite de réussir cela sur un premier long-métrage. Tu mérites un amour du Runeur 40, il est distribué par Réseau Films et je l'ai vu sur RTVOD. J'ai aussi très hâte d'aller voir son prochain film qui sort bientôt, La Petite Dernière, qui vient de gagner la Queer Palm et le prix d'interprétation féminine au dernier festival de Cannes. Je vous en reparlerai sûrement à sa sortie. Il existe une loi qui dit qu'un film avec Denis Ménochet et ou Zahar Amir Ibrahimi est forcément réussi. Les survivants de Guillaume Rénusson ne dérogent pas à cette règle. Samuel part s'isoler dans son chalet des Alpes italiennes. Une nuit, une jeune femme se réfugie chez lui, piégée par la neige. Elle est afghane et veut traverser la montagne pour rejoindre la France. Samuel ne veut pas d'ennui, mais devant sa détresse, il décide de l'aider. Il est alors loin de se douter qu'au-delà de l'hostilité de la nature, c'est celle des hommes qu'ils devront affronter. A mi-chemin entre drame et survival, on est plongé rapidement dans cette intrigue où rien ne va nous surprendre. Dès le début des enjeux, les personnages sont présentés et il est facile de lire entre les lignes ce que Guillaume Renusson veut faire dire à son histoire. Mais il le fait suffisamment bien pour qu'on ne soit pas frustré d'avoir deviné la trame. L'image est très belle, que ce soit les plans dans la neige, les plans de nuit ou les plans d'intérieur où Samuel et Chéri doivent se cacher pour échapper à leurs assaillants. On est toujours pris au piège dans l'image et on ne sait pas comment on va pouvoir s'en sortir. Les plans de la fin illustrent aussi très bien cela. Je ne veux rien dire de la fin, mais je la trouve très intéressante pour l'évolution d'un de nos personnages principaux, là où l'autre est condamné à stagner. Le propos politique est assez simple aussi, plutôt manichéen. Le voisin de Samuel et ses amis sont assez caricaturaux et leur pensée peut se résumer à « hum, gros gros les étrangers » . Mais sortez des réseaux sociaux et écoutez les gens dans la rue et aux terrasses des cafés, et vous verrez que cette pensée n'est pas qu'une caricature. Les gens qui sont dans la haine de l'autre n'ont généralement pas de raison de l'être et manquent d'arguments. Guillaume Renusson a selon moi eu raison de ne pas les détailler davantage. Le film s'appelle Les survivants et on ne va s'intéresser qu'à Samuel Echeret. Et on va s'y intéresser toujours par la mise en scène, rarement par le dialogue. C'est un film qui ne discute pas beaucoup parce que les deux personnages sont trop exténués de la vie pour avoir quelque chose à raconter. Et ça fait plaisir d'avoir des films qui n'ont pas besoin de tout expliquer tout le temps. Les survivants durent 1h40, il est dispo en format physique et VOD notamment sur Arte. C'est la fin de cet épisode, merci de m'avoir écouté. Les liens sont dans la description comme d'habitude. Bonne semaine, à dans 15 jours.