Description
La tech n’est pas un monde réservé à des ingénieurs blancs : elle infuse dans toute notre société. C’est sur ce postulat que le média Numerama a lancé, en mars 2020, la newsletter #Règle 30, allusion ironique à cette “règle des internets” qui prétend qu’ “il n’y a pas de femme sur internet”.
Preuve du contraire, l’autrice de #Règle30, Lucie Ronfaut, navigue dans la tech et le web depuis longtemps maintenant : après 6 ans à travailler sur ces sujets au Figaro, elle a décidé, fin 2019, de devenir journaliste indépendante. Avec cette newsletter, elle a trouvé l’endroit où partager un regard plus “chaud” sur ce monde très froid en apparence de la tech.
Bilan au bout de presqu’un an : 2000 abonnés et un taux d’ouverture de 57% en moyenne. Une belle performance. L’objectif pour cette année est de développer l’interactivité avec l’audience, via un live Twitch par exemple et - dès que possible - des rendez-vous en vrai.
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Pour aller plus loin :
La newsletter #Règle30
https://www.numerama.com/newsletter-regle30-il-ny-a-pas-de-femmes-sur-internet/
Les podcasts réalisés par Lucie pour Binge Audio :
https://www.binge.audio/podcast/programme-b/les-skyblogs-ladolescence-du-web
https://www.binge.audio/podcast/programme-b/mort-a-la-ligne?uri=mort-a-la-ligne%2F
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L’essentiel de l’épisode :
[02:30] Numerama voulait une newsletter qui mêle les sujets d’inclusivité, de féminisme et de tech parce que ce sont des sujets qu’ils abordent beaucoup. Pour eux, dans un monde où tout est numérique, traiter du numérique, c’est parler de la société.
Marie Turcan qui est rédactrice en chef et Julien Cadot qui est COO sont venus me voir. On a discuté plusieurs mois et on est tombé sur cette idée.
[03:30] Règle 30 c’est une inside joke. Nous ne sommes pas tombés dessus tout dessus. Un titre c’est toujours difficile… C’est une référence à “rule 30”. Au début des internets il y avait une blague comme quoi il y avait des “règles”. La plus connue est la 34 selon laquelle, quand il existe quelque chose, il en existe du porno. On connaît moins la règle 30 : “il n’y a pas de femme sur internet”. Comme les filles aiment pas aller sur internet, si tu parles à une femme, c’est sans doute en fait un mec.
Cette blague un peu stupide collait en fait assez bien à ce qu’on voulait faire : se concentrer sur tout ce qui n’est pas le cliché du geek, un homme, blanc, jeune, peut-êrre avec des lunettes… On parle de femmes, de personnes LGBT, racisées, handicapées. On essaie de sortir un peu de ce cliché.
[05:30] C’est une newsletter d’actu car hebdo. Elle est divisée en 3 parties : un édito sur une actu qui a accrochée notre attention.
[07:00] L’éco et les produits ce sont souvent les angles privilégiés de la tech. Les angles sociétaux ont longtemps été les parents pauvres de la tech et c’est que Numerama veut mettre en avant.
[07:50] Je ne suis pas toute seule. Je travaille toutes les semaines avec Marie Turcan, redchef de Numerama. Le lundi entre 10 et 16 heures, je vais voir Marie. Elle me fait ses retours, on débat et ensuite je mets à écrire. J’y consacre environ une journée. Le plus gros c’est l’intro, qui fait entre 3 et 5 000 signes. Ensuite il y a la revue de presse. C’ets un travail qui se fait tout au long de la semaine pour ma curiosité et mon travail, je “pockete” mes articles. Le lundi j’en choisis quatre, avec au moins un article en français. J’essaie aussi de trouver des articles qui n’ont pas trop tourné.
La 3e partie, c’est la reco culture : j’essaie d’élargir, d’ouvrir le point de vue. Si ça touche aux nouvelles technologies, de près ou de loin, et à l’inclusivité, je vais en parler. Le but ce n’est pas forcément de parler des nouveautés. Cela peut être un livre de science fiction d’il y a 10 ans, une vidéo de la semaine dernière...
[11:38] Au Figaro, on n’utilise pas le “je”. Je pense que c’est avec Numerama qu’on s’est dit que cet usage était approprié. Je viens en tant que femme dans la tech, qui en a aussi subi les mauvais aspects, comme le sexisme. Je ne fais pas du journalisme gonzo mais j’essaie de personnifier l’information, de la même manière que sur Twitter. Cela me permet de faire des blagues ou des coups de gueule, d’avoir une écriture “plus chaude” vis à vis d’une actu tech plutôt froide, un peu désincarnée. J’essaie de la réincarner.
[14:15] On voulait une newsletter courte, qui puisse être lu en 5 minutes dans le métro.
On utilise le logiciel Mailchimp qui donne 2 stats principales : le taux d’ouverture qui laisse pense que le format plait et le taux de clics
On vient de passer la barre des 2000 abonnés, avec un taux d'ouverture de 57%. Cela nous rend fiers.
[13:40] Fin 2020, j’ai demandé aux lecteurs ce qu’ils voulaient changer : on a beaucoup de compliments, le format a l’air de plaire.
On est à la recherche de pas mal d’interactivité. Autoriser une newsletter à venir dans sa boîte mail, c’est une marque de confiance. Mais on a moins d’interactions qu’un article, on n’a pas les commentaires. En fin de semaine je vais faire un premier live Twitch.
Quand on répond au mail je peux consulter. J’essaie d’encourager cette interactivité.
[18:10] L’enjeu c’est de tomber du premier coup dans l’onglet boîte principale et pas promotions. L’ennemi n°1 c’est Gmail et ses onglets. On a remarqué que les mots lesbiennes, pénis, vagin sont utilisés, la newsletter est moins ouverte, sans doute parce qu’elle a été envoyée dans les promotions et donc moins vue.
[21:45] On a deux leviers : ceux de Numerama, sur Twitter et Facebook, un peu moins Instagram. Et après moi de mon côté, je vais utiliser mes réseaux. J’ai 18 000 followers sur Twitter. A un moment dans la semaine, je rappelle que j’ai une newsletter. Et le jour où on envoie la newsletter, je fais une capture d’écran, je le relaie sur Twitter et Instagram.
De plus en plus, on a aussi des lectrices et des lecteurs qui en parlent directement sur Twitter. Cela nous permet de toucher une audience qui n’est pas la nôtre et c’est une démarche super valorisante.
On a remarqué aussi que dès que j’ai de la visibilité, même sans rapport avec la newsletter, cela crée des nouveaux abonnés.
[25:05] Le succès actuel des newsletters montre un vrai intérêt pour une info qui va un peu moins vite, une info plus éditorialisée. Il y a un charme un peu rétro d’attendre le numéro suivant.
Cela dit aussi des choses sur les jeunes journalistes et leur place dans les rédactions. Peut-être un retour à quelque chose de plus petit, reprendre un peu le contrôle sur la manière dont on veut traiter l’info.
Enfin, on retrouve un rapport plus direct avec le lecteur ou la lectrice. Je ne reçois jamais d’insultes, contrairement aux espaces de commentaire dans les médias, où c’est la guerre. C’est un rapport beaucoup plus sain
[28:45] La newsletter est un vieux format. Elle a été longtemps quelque chose de féminin. Est-ce que c’est une bulle ? Les meilleures et celles qui sont amenées à durer sont celles qui rémunèrent la personne qui les produit et encadre cette personne.C’est du travail. Avoir un éditeur, un redchef qui relit, c’est essentiel à sa pérennité et aussi un gage de qualité sur le long terme. C’est un format assez enthousiasmant. Convaincre une personne de payer, c’est retrouver ce rapport direct. Il y aura forcément un écrémage. Je suis assez optimiste. Je suis très cliente, je suis abonnée à au moins 40 newsletters et je les lis toutes!
[31:50] Je suis journaliste indépendante depuis plus d’un an : je suis partie du Figaro juste avant la pandémie… Le Figaro était ma première expérience professionnelle qui a été super. J’approchais de la fin de ma vingtaine. J’ai eu envie de prendre un peu de risques, de travailler avec d'autres rédactions et de creuser ces sujets de société et d’inclusivité.
J’ai eu la chance de travailler avec Numerama dès mars 2020. Avoir des piges régulières c’est le graal. Je travaille avec Libération, Le Monde…
J’avais aussi envie d’aborder des formats différents, la newsletter, le podcast. Binge audio m’a donné ma chance alors que je ne venais pas de l’audio.
Je sors un roman en avril : “Les règles du jeu”, sur les startups et le féminisme, aux éditions La ville brûle.
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Crédits
Interview : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale : Elise Colette et Jean-Baptiste Diebold
Design graphique : Benjamin Laible
Générique et habillage sonore : Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio