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Episode 1 - La politique cadeaux et invitations dans les entreprises cover
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Cap Intégrité, le podcast de l'Agence Française Anticorruption

Episode 1 - La politique cadeaux et invitations dans les entreprises

Episode 1 - La politique cadeaux et invitations dans les entreprises

14min |11/09/2024
Play
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14min |11/09/2024
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Description

Nous rencontrons aujourd'hui Catherine Ferriol, chef du département de l'appui aux acteurs économiques à l'Agence française anticorruption.

Nous allons aborder avec elle des questions en rapport avec les cadeaux et les invitations que l'on peut offrir ou recevoir en entreprise, de la part de clients ou de fournisseurs par exemple.

Après un premier témoignage, nous allons nous intéresser aux risques encourus par une entreprise et aux politiques mises en place pour maîtriser ces risques.


Pour en savoir plus sur ce sujet, consultez nos guides associés : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/fr/guides-et-fiches-pratiques


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Gilles Halais

    (Voix off) Cap Intégrité, le podcast de l'Agence Française Anticorruption. (Témoignage) J'ai un fournisseur avec qui je m'entends super bien. C'est pas rare qu'il m'invite à des concerts en loge VIP. Moi j'ai jamais pensé à mal hein. Bonjour, c'est Gilles Halais. Aujourd'hui, dans les locaux de l'Agence française anticorruption, avenue d'Italie à Paris, j'ai rendez-vous avec Catherine Ferriol, chef du département de l'appui aux acteurs économiques. J'ai quelques questions à lui poser sur les cadeaux et les invitations que l'on peut être amené à recevoir en entreprise de la part de fournisseurs ou de partenaires. Le temps que je rejoigne notre agent chargé de conseiller les entreprises pour prévenir et détecter la corruption, je vous invite à découvrir l'expérience de, allez appelons-le Romain, il travaille au service achat d'un groupe de médias.

  • Romain

    Non, mais moi j'ai jamais pensé à mal. Mais c'est ma nouvelle collègue Clémence qui a fini par me mettre un doute. Elle vient d'une entreprise où ils sont très stricts sur les cadeaux et les invitations. Ils doivent tout déclarer à leur chef de service, qu'il valide ou non.

  • Collègue

    Ah ouais, quand même !

  • Romain

    Moi j'ai un fournisseur avec qui je m'entends super bien. C'est lui qui a le marché des imprimantes chez nous. Non seulement on s'entend bien, mais en plus on partage la même passion pour le rock alternatif. Et c'est pas rare qu'il m'invite à des concerts en loge VIP. (Collègue) Cool ! Et puis après, on se fait un petit resto dans le bar à vin à côté de la salle de concert. Et en général, enfin tout le temps d'ailleurs, c'est lui qui paye. (Collègue) Oh bah ça va ! On s'est d'ailleurs découvert un autre point commun, une vraie curiosité pour les Beaujolais. Tiens d'ailleurs, la semaine dernière, il m'a envoyé un morgon vieille vigne pour me le faire découvrir. Et puis bah quand j'en ai parlé à Clémence, ma nouvelle collègue acheteuse, elle m'a dit que c'était plus que limite. (Collègue) Tu m'étonnes !

  • Gilles Halais

    Bonjour Catherine.

  • Catherine Ferriol

    Bonjour Gilles.

  • Gilles Halais

    La première question que j'ai envie de vous poser Catherine, c'est pourquoi toutes les entreprises devraient mettre en place une politique relative aux cadeaux et aux invitations ?

  • Catherine Ferriol

    Alors, recevoir des cadeaux ou invitations, c'est très courant dans une entreprise. Ça fait partie de la vie des affaires. En général, cela se traduit par un geste commercial ou une volonté de courtoisie. Et en tant que tel, les cadeaux et les invitations ne constituent pas des actes de corruption. Toutefois, attention, si ces cadeaux sont offerts dans le but qu'une personne accomplisse ou n'accomplisse pas un acte normal de sa fonction, alors cela peut devenir de la corruption.

  • Gilles Halais

    Si je comprends bien, les cadeaux constituent un risque pour l'entreprise.

  • Catherine Ferriol

    Oui, exactement. Ces cadeaux et invitations représentent des risques pour les entreprises et elles se doivent de les identifier d'abord et de les gérer ensuite. S'agissant de l'identification du risque... Cela peut se faire grâce à un outil de cartographie des risques. Rappelons que les grandes entreprises, j'entends par là les entreprises qui emploient plus de 500 salariés et qui réalisent plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, sont tenues, conformément à l'article 17 de la loi du 9 décembre 2016, dite Loi Sapin II, de mettre en place 8 mesures de prévention et de détection des risques de corruption et de trafic d'influence, dont la cartographie des risques, qui constitue d'ailleurs la pierre angulaire du dispositif anticorruption. Ensuite, s'agissant de la gestion du risque, et parmi les mesures à mettre en œuvre par les entreprises, il y a le code de conduite anticorruption. C'est une obligation pour les grandes entreprises dont je viens de parler et c'est une très bonne pratique pour l'ensemble des autres entreprises. Ce code, il va venir indiquer les grandes lignes de ce qui est toléré et de ce qui est interdit en matière de cadeaux et invitations dans l'entreprise. Et il peut renvoyer à une politique dédiée, cadeau et invitation, une politique beaucoup plus détaillée. C'est important que ce code et cette politique soient accessibles à l'ensemble des collaborateurs. Et à cet égard, une bonne pratique, c'est de leur remettre dès leur arrivée au sein de l'entreprise.

  • Gilles Halais

    Je comprends mieux, mais quel est concrètement l'objectif de cette politique ?

  • Catherine Ferriol

    C'est de définir, tout simplement, les règles d'offre et d'acceptation des cadeaux et invitations pour l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise. Bien évidemment, les règles vont varier d'une entreprise à une autre. Dans la mesure où son profil de risque, et donc les risques qui sont définis dans sa cartographie, ils dépendent de sa taille, de son secteur d'activité, de son implantation géographique et des tiers avec qui elle interagit. Du coup, vous n'avez pas une politique cadeau-invitation identique d'une entreprise à une autre. Et vous pouvez avoir parfois des règles qui varient selon qu'il s'agisse des cadeaux ou des invitations. Vous pouvez aussi parfois avoir des règles spécifiques pour certaines filiales à l'étranger. Mais dans tous les cas, les règles définies, elles doivent vraiment amener le salarié à s'interroger sur le cadeau ou l'invitation afin de prendre la décision adéquate. Ça doit l'amener à se poser les bonnes questions. Et parmi ces bonnes questions... On a par exemple, quelle est la valeur approximative du cadeau ou de l'invitation qui m'est offert ? Est-ce que cela est conforme aux usages ? Dans quel contexte est-ce que cela s'inscrit ? Et est-ce que je prendrais la même décision si je refusais ce cadeau ou cette invitation ?

  • Gilles Halais

    Alors si on reprend l'exemple de Romain et de sa bouteille de Morgon.

  • Catherine Ferriol

    Romain, il devrait se demander si cette bouteille, elle aura une influence sur le choix du fournisseur au moment du renouvellement du marché des imprimantes. En d'autres termes, est-ce que pour lui, ça serait plus difficile de choisir un autre fournisseur, quand bien même l'offre commerciale de ce dernier serait plus avantageuse pour son entreprise ? Par ailleurs, est-ce que si son entourage professionnel, sa famille ou un journaliste l'apprenait, ça pourrait lui poser quelques difficultés ?

  • Gilles Halais

    Le but, c'est bien d'amener le collaborateur à se poser des questions qu'il ne se pose pas forcément spontanément. Concrètement, qu'est-ce que l'entreprise pourrait écrire ?

  • Catherine Ferriol

    En complément des situations à risque et des comportements à proscrire, définis dans le code de conduite dont nous avons parlé un peu avant, l'entreprise peut déjà préciser en introduction ce qu'elle entend par cadeaux et invitations. Qu'il s'agisse des objets publicitaires, des repas, des prestations d'hébergement, des invitations à un événement culturel ou sportif. Ensuite, lorsqu'elle autorise ses salariés à recevoir et à offrir des cadeaux et invitations, l'entreprise peut fonder sa politique sur certains critères, tels que la finalité, la valeur et la fréquence de ces cadeaux et invitations.

  • Gilles Halais

    Alors, rentrons dans le détail des critères que vous évoquez. Déjà, la finalité.

  • Catherine Ferriol

    Déjà, ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que les cadeaux et les invitations ne doivent évidemment pas constituer un avantage induit qui serait remis en contrepartie de l'accomplissement ou du non-accomplissement d'un acte normal de sa fonction. Par exemple, un cadeau offert à un agent public par un salarié avant l'attribution d'un marché public auquel l'entreprise soumissionne constitue une situation très risquée. A l'inverse, lorsque les cadeaux sont justifiés par un motif professionnel ou bien lorsqu'ils s'inscrivent dans une politique de l'entreprise, le risque est alors beaucoup plus limité. C'est le cas, par exemple, d'un responsable opérationnel d'une entreprise qui inviterait l'un de ses prestataires de service à déjeuner à l'occasion d'un déplacement professionnel sur un site en région.

  • Gilles Halais

    C'est beaucoup plus clair. Deuxième critère que vous évoquez Catherine, la valeur. C'est quand même assez difficile j'imagine de fixer une règle générale qui s'applique à toutes les entreprises et à toutes les situations.

  • Catherine Ferriol

    Vous avez raison. Ce qu'on peut dire quand même c'est que si un cadeau ou une invitation représente un montant très onéreux, il y a quand même systématiquement une vigilance à avoir pour le salarié. Néanmoins, effectivement, il n'existe pas de seuil universel au-delà duquel un cadeau ou une invitation devrait être systématiquement refusée. L'entreprise est donc libre de choisir un seuil ou une fourchette de prix, voire de recourir à un qualificatif tel que montant raisonnable, si elle le souhaite.

  • Gilles Halais

    Et troisième critère, la fréquence des cadeaux et des invitations, c'est aussi un point de vigilance.

  • Catherine Ferriol

    C'est un point de vigilance. Il n'est pas interdit, bien évidemment pour une même personne, de recevoir ou d'offrir plusieurs cadeaux et invitations. Néanmoins, l'entreprise peut prévoir des règles spécifiques tel qu'un nombre maximal de cadeaux et invitations à ne pas dépasser sur une période donnée ou une autorisation hiérarchique à partir du deuxième cadeau ou invitation. Et du coup, sur le fondement de ces trois critères que sont la finalité, la valeur et la fréquence des cadeaux et invitations, l'entreprise peut décider de laisser ses salariés prendre la décision d'accepter ou de refuser un cadeau ou une invitation, mais elle peut aussi tout à fait prévoir que tout cadeau ou invitation fasse l'objet d'une validation par la hiérarchie ou par une personne spécifiquement désignée à cet effet au sein de l'entreprise. Quelle que soit la règle qui sera définie par l'entreprise, il faut s'assurer qu'un salarié puisse, en cas de doute, se tourner vers son responsable hiérarchique ou vers la personne désignée à cet effet pour être orienté sur la bonne décision à prendre.

  • Gilles Halais

    Fixer les règles, c'est bien. S'assurer qu'elles soient respectées, c'est encore mieux. Comment l'entreprise peut-elle s'assurer du strict respect des règles qu'elle a édictées ?

  • Catherine Ferriol

    Tout d'abord, la politique cadeau et habitation a bien évidemment vocation à s'appliquer à l'ensemble des personnes exerçant leurs fonctions au sein de l'entreprise, qu'il s'agisse des dirigeants, des salariés ou de ce qu'on appelle les collaborateurs occasionnels et extérieurs, on vise par là les stagiaires ou les prestataires de services. Et c'est donc important, comme je le disais tout à l'heure, que l'ensemble de ces personnes aient connaissance non seulement du code de conduite, mais également de la politique cadeau et invitation détaillée de l'entreprise. Et ces documents doivent être communiqués par tout moyen auprès de l'ensemble de ces personnes. Cela peut être par exemple par l'intranet ou par affichage dans les espaces communs. Et au-delà de cette communication interne et vis-à-vis maintenant de l'extérieur, les dispositions du code de conduite relative aux cadeaux et invitations ou les seuils qui ont été définis, ils peuvent également être communiqués aux fournisseurs, aux clients, aux intermédiaires de l'entreprise, voire être intégrés dans les contrats qui sont signés avec eux.

  • Gilles Halais

    Tout ça c'est bien, mais je pourrais vous dire que c'est encore du texte à une époque où les gens lisent de moins en moins, en particulier les mails de communication interne.

  • Catherine Ferriol

    Oui, vous avez raison et c'est bien pour cela qu'il est vraiment très important de former sur des cas précis, sur des exemples vécus. Il faut d'abord former les cadres et les personnels les plus exposés aux risques de corruption, en les informant précisément sur les dispositions qui sont contenues dans les politiques cadeaux et invitations, et en leur expliquant en quoi ces dispositions les protègent des risques auxquels ils pourraient être confrontés. Et cette formation, elle sera encore plus efficace si elle est illustrée par des cas pratiques, par des mises en situation. qui seront issues de la cartographie des risques de l'entreprise et des retours d'expérience du personnel. Par exemple, la formation peut insister sur le risque en cas de cadeau offert par un fournisseur à un salarié de la fonction achat dans une période où l'entreprise est à la recherche de nouveaux fournisseurs. Et d'une façon générale, et donc au-delà de ces cadres et personnels les plus exposés au risque de corruption, il est recommandé, et c'est une bonne pratique, que tous les salariés de l'entreprise soient sensibilisés à cette politique cadeau et invitation, que ce soit par la mise à disposition de vidéos sur l'intranet ou des modules d'e-learning.

  • Gilles Halais

    Informés, sensibilisés, formés, est-ce que l'entreprise peut aller jusqu'à mettre en place des contrôles, une sorte de vigie anticorruption ?

  • Catherine Ferriol

    Oui, tout à fait. Elle peut mettre en place un dispositif de contrôle reposant sur plusieurs leviers. Par exemple, on a un levier qui repose sur le contrôle hiérarchique que j'ai évoqué précédemment. Le supérieur hiérarchique peut être désigné pour contrôler toutes les demandes liées aux cadeaux et invitations faites à ses collaborateurs. On a un autre levier qui repose sur la mise en place d'un registre des cadeaux d'invitation, reçu comme offert, à renseigner par tous les collaborateurs concernés et ça constitue vraiment un outil très précieux de suivi pour l'entreprise. Il y a aussi le contrôle comptable, puisque les cadeaux et invitations à destination des tiers de l'entreprise ont vocation à être enregistrés et identifiés comptablement. Les paiements liés aux cadeaux et invitations qui ne respecteraient pas la politique doivent être refusés par l'entreprise. On a aussi le dispositif de contrôle interne de l'entreprise. Il s'agit ici de contrôler la correcte application, la pertinence, l'efficacité de sa politique. A ce titre, par exemple, elle peut faire vérifier par son équipe chargée du contrôle interne que les règles relatives au contrôle hiérarchique, que les règles relatives au seuil défini dans la politique cadeau-invitation ou les règles relatives à la fréquence des cadeaux sont bien respectées par l'ensemble des collaborateurs. Et enfin, l'audit interne peut aussi s'intéresser à la pertinence des règles édictées pour couvrir les risques identifiés.

  • Gilles Halais

    Au final, Catherine, est-ce que vous diriez qu'il existe une bonne pratique en matière de cadeaux et invitations ?

  • Catherine Ferriol

    Alors, il existe certaines bonnes pratiques que l'on peut partager. Je pense notamment au partage des cadeaux reçus entre les salariés par le biais d'une loterie avec l'ensemble des collaborateurs, par exemple. ou encore la distribution d'invitations, par exemple un événement sportif à des œuvres caritatives.

  • Gilles Halais

    Merci Catherine Ferriol pour toutes ces précisions. Je pense que Romain va désormais payer ses places de concert et partager ses bouteilles de vin au moment du pot de fin d'année. Vous pouvez retrouver toutes les références réglementaires de ce podcast dans le guide pratique Politique, cadeaux et invitations de l'AFA, publié en 2020. est disponible gratuitement sur agence-francaise-anticorruption.gouv.fr. Vous pouvez aussi adresser directement vos questions concrètes aux agents de l'AFA à l'adresse suivante afa.gouv.fr. N'hésitez pas à partager et commenter ce podcast et à bientôt pour un nouvel épisode de Cap intégrité. Nous parlerons des risques liés au conflit d'intérêts.

  • Catherine Ferriol

    Cap Intégrité. Le podcast de l'Agence Française Anticorruption.

Description

Nous rencontrons aujourd'hui Catherine Ferriol, chef du département de l'appui aux acteurs économiques à l'Agence française anticorruption.

Nous allons aborder avec elle des questions en rapport avec les cadeaux et les invitations que l'on peut offrir ou recevoir en entreprise, de la part de clients ou de fournisseurs par exemple.

Après un premier témoignage, nous allons nous intéresser aux risques encourus par une entreprise et aux politiques mises en place pour maîtriser ces risques.


Pour en savoir plus sur ce sujet, consultez nos guides associés : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/fr/guides-et-fiches-pratiques


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Gilles Halais

    (Voix off) Cap Intégrité, le podcast de l'Agence Française Anticorruption. (Témoignage) J'ai un fournisseur avec qui je m'entends super bien. C'est pas rare qu'il m'invite à des concerts en loge VIP. Moi j'ai jamais pensé à mal hein. Bonjour, c'est Gilles Halais. Aujourd'hui, dans les locaux de l'Agence française anticorruption, avenue d'Italie à Paris, j'ai rendez-vous avec Catherine Ferriol, chef du département de l'appui aux acteurs économiques. J'ai quelques questions à lui poser sur les cadeaux et les invitations que l'on peut être amené à recevoir en entreprise de la part de fournisseurs ou de partenaires. Le temps que je rejoigne notre agent chargé de conseiller les entreprises pour prévenir et détecter la corruption, je vous invite à découvrir l'expérience de, allez appelons-le Romain, il travaille au service achat d'un groupe de médias.

  • Romain

    Non, mais moi j'ai jamais pensé à mal. Mais c'est ma nouvelle collègue Clémence qui a fini par me mettre un doute. Elle vient d'une entreprise où ils sont très stricts sur les cadeaux et les invitations. Ils doivent tout déclarer à leur chef de service, qu'il valide ou non.

  • Collègue

    Ah ouais, quand même !

  • Romain

    Moi j'ai un fournisseur avec qui je m'entends super bien. C'est lui qui a le marché des imprimantes chez nous. Non seulement on s'entend bien, mais en plus on partage la même passion pour le rock alternatif. Et c'est pas rare qu'il m'invite à des concerts en loge VIP. (Collègue) Cool ! Et puis après, on se fait un petit resto dans le bar à vin à côté de la salle de concert. Et en général, enfin tout le temps d'ailleurs, c'est lui qui paye. (Collègue) Oh bah ça va ! On s'est d'ailleurs découvert un autre point commun, une vraie curiosité pour les Beaujolais. Tiens d'ailleurs, la semaine dernière, il m'a envoyé un morgon vieille vigne pour me le faire découvrir. Et puis bah quand j'en ai parlé à Clémence, ma nouvelle collègue acheteuse, elle m'a dit que c'était plus que limite. (Collègue) Tu m'étonnes !

  • Gilles Halais

    Bonjour Catherine.

  • Catherine Ferriol

    Bonjour Gilles.

  • Gilles Halais

    La première question que j'ai envie de vous poser Catherine, c'est pourquoi toutes les entreprises devraient mettre en place une politique relative aux cadeaux et aux invitations ?

  • Catherine Ferriol

    Alors, recevoir des cadeaux ou invitations, c'est très courant dans une entreprise. Ça fait partie de la vie des affaires. En général, cela se traduit par un geste commercial ou une volonté de courtoisie. Et en tant que tel, les cadeaux et les invitations ne constituent pas des actes de corruption. Toutefois, attention, si ces cadeaux sont offerts dans le but qu'une personne accomplisse ou n'accomplisse pas un acte normal de sa fonction, alors cela peut devenir de la corruption.

  • Gilles Halais

    Si je comprends bien, les cadeaux constituent un risque pour l'entreprise.

  • Catherine Ferriol

    Oui, exactement. Ces cadeaux et invitations représentent des risques pour les entreprises et elles se doivent de les identifier d'abord et de les gérer ensuite. S'agissant de l'identification du risque... Cela peut se faire grâce à un outil de cartographie des risques. Rappelons que les grandes entreprises, j'entends par là les entreprises qui emploient plus de 500 salariés et qui réalisent plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, sont tenues, conformément à l'article 17 de la loi du 9 décembre 2016, dite Loi Sapin II, de mettre en place 8 mesures de prévention et de détection des risques de corruption et de trafic d'influence, dont la cartographie des risques, qui constitue d'ailleurs la pierre angulaire du dispositif anticorruption. Ensuite, s'agissant de la gestion du risque, et parmi les mesures à mettre en œuvre par les entreprises, il y a le code de conduite anticorruption. C'est une obligation pour les grandes entreprises dont je viens de parler et c'est une très bonne pratique pour l'ensemble des autres entreprises. Ce code, il va venir indiquer les grandes lignes de ce qui est toléré et de ce qui est interdit en matière de cadeaux et invitations dans l'entreprise. Et il peut renvoyer à une politique dédiée, cadeau et invitation, une politique beaucoup plus détaillée. C'est important que ce code et cette politique soient accessibles à l'ensemble des collaborateurs. Et à cet égard, une bonne pratique, c'est de leur remettre dès leur arrivée au sein de l'entreprise.

  • Gilles Halais

    Je comprends mieux, mais quel est concrètement l'objectif de cette politique ?

  • Catherine Ferriol

    C'est de définir, tout simplement, les règles d'offre et d'acceptation des cadeaux et invitations pour l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise. Bien évidemment, les règles vont varier d'une entreprise à une autre. Dans la mesure où son profil de risque, et donc les risques qui sont définis dans sa cartographie, ils dépendent de sa taille, de son secteur d'activité, de son implantation géographique et des tiers avec qui elle interagit. Du coup, vous n'avez pas une politique cadeau-invitation identique d'une entreprise à une autre. Et vous pouvez avoir parfois des règles qui varient selon qu'il s'agisse des cadeaux ou des invitations. Vous pouvez aussi parfois avoir des règles spécifiques pour certaines filiales à l'étranger. Mais dans tous les cas, les règles définies, elles doivent vraiment amener le salarié à s'interroger sur le cadeau ou l'invitation afin de prendre la décision adéquate. Ça doit l'amener à se poser les bonnes questions. Et parmi ces bonnes questions... On a par exemple, quelle est la valeur approximative du cadeau ou de l'invitation qui m'est offert ? Est-ce que cela est conforme aux usages ? Dans quel contexte est-ce que cela s'inscrit ? Et est-ce que je prendrais la même décision si je refusais ce cadeau ou cette invitation ?

  • Gilles Halais

    Alors si on reprend l'exemple de Romain et de sa bouteille de Morgon.

  • Catherine Ferriol

    Romain, il devrait se demander si cette bouteille, elle aura une influence sur le choix du fournisseur au moment du renouvellement du marché des imprimantes. En d'autres termes, est-ce que pour lui, ça serait plus difficile de choisir un autre fournisseur, quand bien même l'offre commerciale de ce dernier serait plus avantageuse pour son entreprise ? Par ailleurs, est-ce que si son entourage professionnel, sa famille ou un journaliste l'apprenait, ça pourrait lui poser quelques difficultés ?

  • Gilles Halais

    Le but, c'est bien d'amener le collaborateur à se poser des questions qu'il ne se pose pas forcément spontanément. Concrètement, qu'est-ce que l'entreprise pourrait écrire ?

  • Catherine Ferriol

    En complément des situations à risque et des comportements à proscrire, définis dans le code de conduite dont nous avons parlé un peu avant, l'entreprise peut déjà préciser en introduction ce qu'elle entend par cadeaux et invitations. Qu'il s'agisse des objets publicitaires, des repas, des prestations d'hébergement, des invitations à un événement culturel ou sportif. Ensuite, lorsqu'elle autorise ses salariés à recevoir et à offrir des cadeaux et invitations, l'entreprise peut fonder sa politique sur certains critères, tels que la finalité, la valeur et la fréquence de ces cadeaux et invitations.

  • Gilles Halais

    Alors, rentrons dans le détail des critères que vous évoquez. Déjà, la finalité.

  • Catherine Ferriol

    Déjà, ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que les cadeaux et les invitations ne doivent évidemment pas constituer un avantage induit qui serait remis en contrepartie de l'accomplissement ou du non-accomplissement d'un acte normal de sa fonction. Par exemple, un cadeau offert à un agent public par un salarié avant l'attribution d'un marché public auquel l'entreprise soumissionne constitue une situation très risquée. A l'inverse, lorsque les cadeaux sont justifiés par un motif professionnel ou bien lorsqu'ils s'inscrivent dans une politique de l'entreprise, le risque est alors beaucoup plus limité. C'est le cas, par exemple, d'un responsable opérationnel d'une entreprise qui inviterait l'un de ses prestataires de service à déjeuner à l'occasion d'un déplacement professionnel sur un site en région.

  • Gilles Halais

    C'est beaucoup plus clair. Deuxième critère que vous évoquez Catherine, la valeur. C'est quand même assez difficile j'imagine de fixer une règle générale qui s'applique à toutes les entreprises et à toutes les situations.

  • Catherine Ferriol

    Vous avez raison. Ce qu'on peut dire quand même c'est que si un cadeau ou une invitation représente un montant très onéreux, il y a quand même systématiquement une vigilance à avoir pour le salarié. Néanmoins, effectivement, il n'existe pas de seuil universel au-delà duquel un cadeau ou une invitation devrait être systématiquement refusée. L'entreprise est donc libre de choisir un seuil ou une fourchette de prix, voire de recourir à un qualificatif tel que montant raisonnable, si elle le souhaite.

  • Gilles Halais

    Et troisième critère, la fréquence des cadeaux et des invitations, c'est aussi un point de vigilance.

  • Catherine Ferriol

    C'est un point de vigilance. Il n'est pas interdit, bien évidemment pour une même personne, de recevoir ou d'offrir plusieurs cadeaux et invitations. Néanmoins, l'entreprise peut prévoir des règles spécifiques tel qu'un nombre maximal de cadeaux et invitations à ne pas dépasser sur une période donnée ou une autorisation hiérarchique à partir du deuxième cadeau ou invitation. Et du coup, sur le fondement de ces trois critères que sont la finalité, la valeur et la fréquence des cadeaux et invitations, l'entreprise peut décider de laisser ses salariés prendre la décision d'accepter ou de refuser un cadeau ou une invitation, mais elle peut aussi tout à fait prévoir que tout cadeau ou invitation fasse l'objet d'une validation par la hiérarchie ou par une personne spécifiquement désignée à cet effet au sein de l'entreprise. Quelle que soit la règle qui sera définie par l'entreprise, il faut s'assurer qu'un salarié puisse, en cas de doute, se tourner vers son responsable hiérarchique ou vers la personne désignée à cet effet pour être orienté sur la bonne décision à prendre.

  • Gilles Halais

    Fixer les règles, c'est bien. S'assurer qu'elles soient respectées, c'est encore mieux. Comment l'entreprise peut-elle s'assurer du strict respect des règles qu'elle a édictées ?

  • Catherine Ferriol

    Tout d'abord, la politique cadeau et habitation a bien évidemment vocation à s'appliquer à l'ensemble des personnes exerçant leurs fonctions au sein de l'entreprise, qu'il s'agisse des dirigeants, des salariés ou de ce qu'on appelle les collaborateurs occasionnels et extérieurs, on vise par là les stagiaires ou les prestataires de services. Et c'est donc important, comme je le disais tout à l'heure, que l'ensemble de ces personnes aient connaissance non seulement du code de conduite, mais également de la politique cadeau et invitation détaillée de l'entreprise. Et ces documents doivent être communiqués par tout moyen auprès de l'ensemble de ces personnes. Cela peut être par exemple par l'intranet ou par affichage dans les espaces communs. Et au-delà de cette communication interne et vis-à-vis maintenant de l'extérieur, les dispositions du code de conduite relative aux cadeaux et invitations ou les seuils qui ont été définis, ils peuvent également être communiqués aux fournisseurs, aux clients, aux intermédiaires de l'entreprise, voire être intégrés dans les contrats qui sont signés avec eux.

  • Gilles Halais

    Tout ça c'est bien, mais je pourrais vous dire que c'est encore du texte à une époque où les gens lisent de moins en moins, en particulier les mails de communication interne.

  • Catherine Ferriol

    Oui, vous avez raison et c'est bien pour cela qu'il est vraiment très important de former sur des cas précis, sur des exemples vécus. Il faut d'abord former les cadres et les personnels les plus exposés aux risques de corruption, en les informant précisément sur les dispositions qui sont contenues dans les politiques cadeaux et invitations, et en leur expliquant en quoi ces dispositions les protègent des risques auxquels ils pourraient être confrontés. Et cette formation, elle sera encore plus efficace si elle est illustrée par des cas pratiques, par des mises en situation. qui seront issues de la cartographie des risques de l'entreprise et des retours d'expérience du personnel. Par exemple, la formation peut insister sur le risque en cas de cadeau offert par un fournisseur à un salarié de la fonction achat dans une période où l'entreprise est à la recherche de nouveaux fournisseurs. Et d'une façon générale, et donc au-delà de ces cadres et personnels les plus exposés au risque de corruption, il est recommandé, et c'est une bonne pratique, que tous les salariés de l'entreprise soient sensibilisés à cette politique cadeau et invitation, que ce soit par la mise à disposition de vidéos sur l'intranet ou des modules d'e-learning.

  • Gilles Halais

    Informés, sensibilisés, formés, est-ce que l'entreprise peut aller jusqu'à mettre en place des contrôles, une sorte de vigie anticorruption ?

  • Catherine Ferriol

    Oui, tout à fait. Elle peut mettre en place un dispositif de contrôle reposant sur plusieurs leviers. Par exemple, on a un levier qui repose sur le contrôle hiérarchique que j'ai évoqué précédemment. Le supérieur hiérarchique peut être désigné pour contrôler toutes les demandes liées aux cadeaux et invitations faites à ses collaborateurs. On a un autre levier qui repose sur la mise en place d'un registre des cadeaux d'invitation, reçu comme offert, à renseigner par tous les collaborateurs concernés et ça constitue vraiment un outil très précieux de suivi pour l'entreprise. Il y a aussi le contrôle comptable, puisque les cadeaux et invitations à destination des tiers de l'entreprise ont vocation à être enregistrés et identifiés comptablement. Les paiements liés aux cadeaux et invitations qui ne respecteraient pas la politique doivent être refusés par l'entreprise. On a aussi le dispositif de contrôle interne de l'entreprise. Il s'agit ici de contrôler la correcte application, la pertinence, l'efficacité de sa politique. A ce titre, par exemple, elle peut faire vérifier par son équipe chargée du contrôle interne que les règles relatives au contrôle hiérarchique, que les règles relatives au seuil défini dans la politique cadeau-invitation ou les règles relatives à la fréquence des cadeaux sont bien respectées par l'ensemble des collaborateurs. Et enfin, l'audit interne peut aussi s'intéresser à la pertinence des règles édictées pour couvrir les risques identifiés.

  • Gilles Halais

    Au final, Catherine, est-ce que vous diriez qu'il existe une bonne pratique en matière de cadeaux et invitations ?

  • Catherine Ferriol

    Alors, il existe certaines bonnes pratiques que l'on peut partager. Je pense notamment au partage des cadeaux reçus entre les salariés par le biais d'une loterie avec l'ensemble des collaborateurs, par exemple. ou encore la distribution d'invitations, par exemple un événement sportif à des œuvres caritatives.

  • Gilles Halais

    Merci Catherine Ferriol pour toutes ces précisions. Je pense que Romain va désormais payer ses places de concert et partager ses bouteilles de vin au moment du pot de fin d'année. Vous pouvez retrouver toutes les références réglementaires de ce podcast dans le guide pratique Politique, cadeaux et invitations de l'AFA, publié en 2020. est disponible gratuitement sur agence-francaise-anticorruption.gouv.fr. Vous pouvez aussi adresser directement vos questions concrètes aux agents de l'AFA à l'adresse suivante afa.gouv.fr. N'hésitez pas à partager et commenter ce podcast et à bientôt pour un nouvel épisode de Cap intégrité. Nous parlerons des risques liés au conflit d'intérêts.

  • Catherine Ferriol

    Cap Intégrité. Le podcast de l'Agence Française Anticorruption.

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Description

Nous rencontrons aujourd'hui Catherine Ferriol, chef du département de l'appui aux acteurs économiques à l'Agence française anticorruption.

Nous allons aborder avec elle des questions en rapport avec les cadeaux et les invitations que l'on peut offrir ou recevoir en entreprise, de la part de clients ou de fournisseurs par exemple.

Après un premier témoignage, nous allons nous intéresser aux risques encourus par une entreprise et aux politiques mises en place pour maîtriser ces risques.


Pour en savoir plus sur ce sujet, consultez nos guides associés : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/fr/guides-et-fiches-pratiques


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Gilles Halais

    (Voix off) Cap Intégrité, le podcast de l'Agence Française Anticorruption. (Témoignage) J'ai un fournisseur avec qui je m'entends super bien. C'est pas rare qu'il m'invite à des concerts en loge VIP. Moi j'ai jamais pensé à mal hein. Bonjour, c'est Gilles Halais. Aujourd'hui, dans les locaux de l'Agence française anticorruption, avenue d'Italie à Paris, j'ai rendez-vous avec Catherine Ferriol, chef du département de l'appui aux acteurs économiques. J'ai quelques questions à lui poser sur les cadeaux et les invitations que l'on peut être amené à recevoir en entreprise de la part de fournisseurs ou de partenaires. Le temps que je rejoigne notre agent chargé de conseiller les entreprises pour prévenir et détecter la corruption, je vous invite à découvrir l'expérience de, allez appelons-le Romain, il travaille au service achat d'un groupe de médias.

  • Romain

    Non, mais moi j'ai jamais pensé à mal. Mais c'est ma nouvelle collègue Clémence qui a fini par me mettre un doute. Elle vient d'une entreprise où ils sont très stricts sur les cadeaux et les invitations. Ils doivent tout déclarer à leur chef de service, qu'il valide ou non.

  • Collègue

    Ah ouais, quand même !

  • Romain

    Moi j'ai un fournisseur avec qui je m'entends super bien. C'est lui qui a le marché des imprimantes chez nous. Non seulement on s'entend bien, mais en plus on partage la même passion pour le rock alternatif. Et c'est pas rare qu'il m'invite à des concerts en loge VIP. (Collègue) Cool ! Et puis après, on se fait un petit resto dans le bar à vin à côté de la salle de concert. Et en général, enfin tout le temps d'ailleurs, c'est lui qui paye. (Collègue) Oh bah ça va ! On s'est d'ailleurs découvert un autre point commun, une vraie curiosité pour les Beaujolais. Tiens d'ailleurs, la semaine dernière, il m'a envoyé un morgon vieille vigne pour me le faire découvrir. Et puis bah quand j'en ai parlé à Clémence, ma nouvelle collègue acheteuse, elle m'a dit que c'était plus que limite. (Collègue) Tu m'étonnes !

  • Gilles Halais

    Bonjour Catherine.

  • Catherine Ferriol

    Bonjour Gilles.

  • Gilles Halais

    La première question que j'ai envie de vous poser Catherine, c'est pourquoi toutes les entreprises devraient mettre en place une politique relative aux cadeaux et aux invitations ?

  • Catherine Ferriol

    Alors, recevoir des cadeaux ou invitations, c'est très courant dans une entreprise. Ça fait partie de la vie des affaires. En général, cela se traduit par un geste commercial ou une volonté de courtoisie. Et en tant que tel, les cadeaux et les invitations ne constituent pas des actes de corruption. Toutefois, attention, si ces cadeaux sont offerts dans le but qu'une personne accomplisse ou n'accomplisse pas un acte normal de sa fonction, alors cela peut devenir de la corruption.

  • Gilles Halais

    Si je comprends bien, les cadeaux constituent un risque pour l'entreprise.

  • Catherine Ferriol

    Oui, exactement. Ces cadeaux et invitations représentent des risques pour les entreprises et elles se doivent de les identifier d'abord et de les gérer ensuite. S'agissant de l'identification du risque... Cela peut se faire grâce à un outil de cartographie des risques. Rappelons que les grandes entreprises, j'entends par là les entreprises qui emploient plus de 500 salariés et qui réalisent plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, sont tenues, conformément à l'article 17 de la loi du 9 décembre 2016, dite Loi Sapin II, de mettre en place 8 mesures de prévention et de détection des risques de corruption et de trafic d'influence, dont la cartographie des risques, qui constitue d'ailleurs la pierre angulaire du dispositif anticorruption. Ensuite, s'agissant de la gestion du risque, et parmi les mesures à mettre en œuvre par les entreprises, il y a le code de conduite anticorruption. C'est une obligation pour les grandes entreprises dont je viens de parler et c'est une très bonne pratique pour l'ensemble des autres entreprises. Ce code, il va venir indiquer les grandes lignes de ce qui est toléré et de ce qui est interdit en matière de cadeaux et invitations dans l'entreprise. Et il peut renvoyer à une politique dédiée, cadeau et invitation, une politique beaucoup plus détaillée. C'est important que ce code et cette politique soient accessibles à l'ensemble des collaborateurs. Et à cet égard, une bonne pratique, c'est de leur remettre dès leur arrivée au sein de l'entreprise.

  • Gilles Halais

    Je comprends mieux, mais quel est concrètement l'objectif de cette politique ?

  • Catherine Ferriol

    C'est de définir, tout simplement, les règles d'offre et d'acceptation des cadeaux et invitations pour l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise. Bien évidemment, les règles vont varier d'une entreprise à une autre. Dans la mesure où son profil de risque, et donc les risques qui sont définis dans sa cartographie, ils dépendent de sa taille, de son secteur d'activité, de son implantation géographique et des tiers avec qui elle interagit. Du coup, vous n'avez pas une politique cadeau-invitation identique d'une entreprise à une autre. Et vous pouvez avoir parfois des règles qui varient selon qu'il s'agisse des cadeaux ou des invitations. Vous pouvez aussi parfois avoir des règles spécifiques pour certaines filiales à l'étranger. Mais dans tous les cas, les règles définies, elles doivent vraiment amener le salarié à s'interroger sur le cadeau ou l'invitation afin de prendre la décision adéquate. Ça doit l'amener à se poser les bonnes questions. Et parmi ces bonnes questions... On a par exemple, quelle est la valeur approximative du cadeau ou de l'invitation qui m'est offert ? Est-ce que cela est conforme aux usages ? Dans quel contexte est-ce que cela s'inscrit ? Et est-ce que je prendrais la même décision si je refusais ce cadeau ou cette invitation ?

  • Gilles Halais

    Alors si on reprend l'exemple de Romain et de sa bouteille de Morgon.

  • Catherine Ferriol

    Romain, il devrait se demander si cette bouteille, elle aura une influence sur le choix du fournisseur au moment du renouvellement du marché des imprimantes. En d'autres termes, est-ce que pour lui, ça serait plus difficile de choisir un autre fournisseur, quand bien même l'offre commerciale de ce dernier serait plus avantageuse pour son entreprise ? Par ailleurs, est-ce que si son entourage professionnel, sa famille ou un journaliste l'apprenait, ça pourrait lui poser quelques difficultés ?

  • Gilles Halais

    Le but, c'est bien d'amener le collaborateur à se poser des questions qu'il ne se pose pas forcément spontanément. Concrètement, qu'est-ce que l'entreprise pourrait écrire ?

  • Catherine Ferriol

    En complément des situations à risque et des comportements à proscrire, définis dans le code de conduite dont nous avons parlé un peu avant, l'entreprise peut déjà préciser en introduction ce qu'elle entend par cadeaux et invitations. Qu'il s'agisse des objets publicitaires, des repas, des prestations d'hébergement, des invitations à un événement culturel ou sportif. Ensuite, lorsqu'elle autorise ses salariés à recevoir et à offrir des cadeaux et invitations, l'entreprise peut fonder sa politique sur certains critères, tels que la finalité, la valeur et la fréquence de ces cadeaux et invitations.

  • Gilles Halais

    Alors, rentrons dans le détail des critères que vous évoquez. Déjà, la finalité.

  • Catherine Ferriol

    Déjà, ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que les cadeaux et les invitations ne doivent évidemment pas constituer un avantage induit qui serait remis en contrepartie de l'accomplissement ou du non-accomplissement d'un acte normal de sa fonction. Par exemple, un cadeau offert à un agent public par un salarié avant l'attribution d'un marché public auquel l'entreprise soumissionne constitue une situation très risquée. A l'inverse, lorsque les cadeaux sont justifiés par un motif professionnel ou bien lorsqu'ils s'inscrivent dans une politique de l'entreprise, le risque est alors beaucoup plus limité. C'est le cas, par exemple, d'un responsable opérationnel d'une entreprise qui inviterait l'un de ses prestataires de service à déjeuner à l'occasion d'un déplacement professionnel sur un site en région.

  • Gilles Halais

    C'est beaucoup plus clair. Deuxième critère que vous évoquez Catherine, la valeur. C'est quand même assez difficile j'imagine de fixer une règle générale qui s'applique à toutes les entreprises et à toutes les situations.

  • Catherine Ferriol

    Vous avez raison. Ce qu'on peut dire quand même c'est que si un cadeau ou une invitation représente un montant très onéreux, il y a quand même systématiquement une vigilance à avoir pour le salarié. Néanmoins, effectivement, il n'existe pas de seuil universel au-delà duquel un cadeau ou une invitation devrait être systématiquement refusée. L'entreprise est donc libre de choisir un seuil ou une fourchette de prix, voire de recourir à un qualificatif tel que montant raisonnable, si elle le souhaite.

  • Gilles Halais

    Et troisième critère, la fréquence des cadeaux et des invitations, c'est aussi un point de vigilance.

  • Catherine Ferriol

    C'est un point de vigilance. Il n'est pas interdit, bien évidemment pour une même personne, de recevoir ou d'offrir plusieurs cadeaux et invitations. Néanmoins, l'entreprise peut prévoir des règles spécifiques tel qu'un nombre maximal de cadeaux et invitations à ne pas dépasser sur une période donnée ou une autorisation hiérarchique à partir du deuxième cadeau ou invitation. Et du coup, sur le fondement de ces trois critères que sont la finalité, la valeur et la fréquence des cadeaux et invitations, l'entreprise peut décider de laisser ses salariés prendre la décision d'accepter ou de refuser un cadeau ou une invitation, mais elle peut aussi tout à fait prévoir que tout cadeau ou invitation fasse l'objet d'une validation par la hiérarchie ou par une personne spécifiquement désignée à cet effet au sein de l'entreprise. Quelle que soit la règle qui sera définie par l'entreprise, il faut s'assurer qu'un salarié puisse, en cas de doute, se tourner vers son responsable hiérarchique ou vers la personne désignée à cet effet pour être orienté sur la bonne décision à prendre.

  • Gilles Halais

    Fixer les règles, c'est bien. S'assurer qu'elles soient respectées, c'est encore mieux. Comment l'entreprise peut-elle s'assurer du strict respect des règles qu'elle a édictées ?

  • Catherine Ferriol

    Tout d'abord, la politique cadeau et habitation a bien évidemment vocation à s'appliquer à l'ensemble des personnes exerçant leurs fonctions au sein de l'entreprise, qu'il s'agisse des dirigeants, des salariés ou de ce qu'on appelle les collaborateurs occasionnels et extérieurs, on vise par là les stagiaires ou les prestataires de services. Et c'est donc important, comme je le disais tout à l'heure, que l'ensemble de ces personnes aient connaissance non seulement du code de conduite, mais également de la politique cadeau et invitation détaillée de l'entreprise. Et ces documents doivent être communiqués par tout moyen auprès de l'ensemble de ces personnes. Cela peut être par exemple par l'intranet ou par affichage dans les espaces communs. Et au-delà de cette communication interne et vis-à-vis maintenant de l'extérieur, les dispositions du code de conduite relative aux cadeaux et invitations ou les seuils qui ont été définis, ils peuvent également être communiqués aux fournisseurs, aux clients, aux intermédiaires de l'entreprise, voire être intégrés dans les contrats qui sont signés avec eux.

  • Gilles Halais

    Tout ça c'est bien, mais je pourrais vous dire que c'est encore du texte à une époque où les gens lisent de moins en moins, en particulier les mails de communication interne.

  • Catherine Ferriol

    Oui, vous avez raison et c'est bien pour cela qu'il est vraiment très important de former sur des cas précis, sur des exemples vécus. Il faut d'abord former les cadres et les personnels les plus exposés aux risques de corruption, en les informant précisément sur les dispositions qui sont contenues dans les politiques cadeaux et invitations, et en leur expliquant en quoi ces dispositions les protègent des risques auxquels ils pourraient être confrontés. Et cette formation, elle sera encore plus efficace si elle est illustrée par des cas pratiques, par des mises en situation. qui seront issues de la cartographie des risques de l'entreprise et des retours d'expérience du personnel. Par exemple, la formation peut insister sur le risque en cas de cadeau offert par un fournisseur à un salarié de la fonction achat dans une période où l'entreprise est à la recherche de nouveaux fournisseurs. Et d'une façon générale, et donc au-delà de ces cadres et personnels les plus exposés au risque de corruption, il est recommandé, et c'est une bonne pratique, que tous les salariés de l'entreprise soient sensibilisés à cette politique cadeau et invitation, que ce soit par la mise à disposition de vidéos sur l'intranet ou des modules d'e-learning.

  • Gilles Halais

    Informés, sensibilisés, formés, est-ce que l'entreprise peut aller jusqu'à mettre en place des contrôles, une sorte de vigie anticorruption ?

  • Catherine Ferriol

    Oui, tout à fait. Elle peut mettre en place un dispositif de contrôle reposant sur plusieurs leviers. Par exemple, on a un levier qui repose sur le contrôle hiérarchique que j'ai évoqué précédemment. Le supérieur hiérarchique peut être désigné pour contrôler toutes les demandes liées aux cadeaux et invitations faites à ses collaborateurs. On a un autre levier qui repose sur la mise en place d'un registre des cadeaux d'invitation, reçu comme offert, à renseigner par tous les collaborateurs concernés et ça constitue vraiment un outil très précieux de suivi pour l'entreprise. Il y a aussi le contrôle comptable, puisque les cadeaux et invitations à destination des tiers de l'entreprise ont vocation à être enregistrés et identifiés comptablement. Les paiements liés aux cadeaux et invitations qui ne respecteraient pas la politique doivent être refusés par l'entreprise. On a aussi le dispositif de contrôle interne de l'entreprise. Il s'agit ici de contrôler la correcte application, la pertinence, l'efficacité de sa politique. A ce titre, par exemple, elle peut faire vérifier par son équipe chargée du contrôle interne que les règles relatives au contrôle hiérarchique, que les règles relatives au seuil défini dans la politique cadeau-invitation ou les règles relatives à la fréquence des cadeaux sont bien respectées par l'ensemble des collaborateurs. Et enfin, l'audit interne peut aussi s'intéresser à la pertinence des règles édictées pour couvrir les risques identifiés.

  • Gilles Halais

    Au final, Catherine, est-ce que vous diriez qu'il existe une bonne pratique en matière de cadeaux et invitations ?

  • Catherine Ferriol

    Alors, il existe certaines bonnes pratiques que l'on peut partager. Je pense notamment au partage des cadeaux reçus entre les salariés par le biais d'une loterie avec l'ensemble des collaborateurs, par exemple. ou encore la distribution d'invitations, par exemple un événement sportif à des œuvres caritatives.

  • Gilles Halais

    Merci Catherine Ferriol pour toutes ces précisions. Je pense que Romain va désormais payer ses places de concert et partager ses bouteilles de vin au moment du pot de fin d'année. Vous pouvez retrouver toutes les références réglementaires de ce podcast dans le guide pratique Politique, cadeaux et invitations de l'AFA, publié en 2020. est disponible gratuitement sur agence-francaise-anticorruption.gouv.fr. Vous pouvez aussi adresser directement vos questions concrètes aux agents de l'AFA à l'adresse suivante afa.gouv.fr. N'hésitez pas à partager et commenter ce podcast et à bientôt pour un nouvel épisode de Cap intégrité. Nous parlerons des risques liés au conflit d'intérêts.

  • Catherine Ferriol

    Cap Intégrité. Le podcast de l'Agence Française Anticorruption.

Description

Nous rencontrons aujourd'hui Catherine Ferriol, chef du département de l'appui aux acteurs économiques à l'Agence française anticorruption.

Nous allons aborder avec elle des questions en rapport avec les cadeaux et les invitations que l'on peut offrir ou recevoir en entreprise, de la part de clients ou de fournisseurs par exemple.

Après un premier témoignage, nous allons nous intéresser aux risques encourus par une entreprise et aux politiques mises en place pour maîtriser ces risques.


Pour en savoir plus sur ce sujet, consultez nos guides associés : https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/fr/guides-et-fiches-pratiques


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Gilles Halais

    (Voix off) Cap Intégrité, le podcast de l'Agence Française Anticorruption. (Témoignage) J'ai un fournisseur avec qui je m'entends super bien. C'est pas rare qu'il m'invite à des concerts en loge VIP. Moi j'ai jamais pensé à mal hein. Bonjour, c'est Gilles Halais. Aujourd'hui, dans les locaux de l'Agence française anticorruption, avenue d'Italie à Paris, j'ai rendez-vous avec Catherine Ferriol, chef du département de l'appui aux acteurs économiques. J'ai quelques questions à lui poser sur les cadeaux et les invitations que l'on peut être amené à recevoir en entreprise de la part de fournisseurs ou de partenaires. Le temps que je rejoigne notre agent chargé de conseiller les entreprises pour prévenir et détecter la corruption, je vous invite à découvrir l'expérience de, allez appelons-le Romain, il travaille au service achat d'un groupe de médias.

  • Romain

    Non, mais moi j'ai jamais pensé à mal. Mais c'est ma nouvelle collègue Clémence qui a fini par me mettre un doute. Elle vient d'une entreprise où ils sont très stricts sur les cadeaux et les invitations. Ils doivent tout déclarer à leur chef de service, qu'il valide ou non.

  • Collègue

    Ah ouais, quand même !

  • Romain

    Moi j'ai un fournisseur avec qui je m'entends super bien. C'est lui qui a le marché des imprimantes chez nous. Non seulement on s'entend bien, mais en plus on partage la même passion pour le rock alternatif. Et c'est pas rare qu'il m'invite à des concerts en loge VIP. (Collègue) Cool ! Et puis après, on se fait un petit resto dans le bar à vin à côté de la salle de concert. Et en général, enfin tout le temps d'ailleurs, c'est lui qui paye. (Collègue) Oh bah ça va ! On s'est d'ailleurs découvert un autre point commun, une vraie curiosité pour les Beaujolais. Tiens d'ailleurs, la semaine dernière, il m'a envoyé un morgon vieille vigne pour me le faire découvrir. Et puis bah quand j'en ai parlé à Clémence, ma nouvelle collègue acheteuse, elle m'a dit que c'était plus que limite. (Collègue) Tu m'étonnes !

  • Gilles Halais

    Bonjour Catherine.

  • Catherine Ferriol

    Bonjour Gilles.

  • Gilles Halais

    La première question que j'ai envie de vous poser Catherine, c'est pourquoi toutes les entreprises devraient mettre en place une politique relative aux cadeaux et aux invitations ?

  • Catherine Ferriol

    Alors, recevoir des cadeaux ou invitations, c'est très courant dans une entreprise. Ça fait partie de la vie des affaires. En général, cela se traduit par un geste commercial ou une volonté de courtoisie. Et en tant que tel, les cadeaux et les invitations ne constituent pas des actes de corruption. Toutefois, attention, si ces cadeaux sont offerts dans le but qu'une personne accomplisse ou n'accomplisse pas un acte normal de sa fonction, alors cela peut devenir de la corruption.

  • Gilles Halais

    Si je comprends bien, les cadeaux constituent un risque pour l'entreprise.

  • Catherine Ferriol

    Oui, exactement. Ces cadeaux et invitations représentent des risques pour les entreprises et elles se doivent de les identifier d'abord et de les gérer ensuite. S'agissant de l'identification du risque... Cela peut se faire grâce à un outil de cartographie des risques. Rappelons que les grandes entreprises, j'entends par là les entreprises qui emploient plus de 500 salariés et qui réalisent plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, sont tenues, conformément à l'article 17 de la loi du 9 décembre 2016, dite Loi Sapin II, de mettre en place 8 mesures de prévention et de détection des risques de corruption et de trafic d'influence, dont la cartographie des risques, qui constitue d'ailleurs la pierre angulaire du dispositif anticorruption. Ensuite, s'agissant de la gestion du risque, et parmi les mesures à mettre en œuvre par les entreprises, il y a le code de conduite anticorruption. C'est une obligation pour les grandes entreprises dont je viens de parler et c'est une très bonne pratique pour l'ensemble des autres entreprises. Ce code, il va venir indiquer les grandes lignes de ce qui est toléré et de ce qui est interdit en matière de cadeaux et invitations dans l'entreprise. Et il peut renvoyer à une politique dédiée, cadeau et invitation, une politique beaucoup plus détaillée. C'est important que ce code et cette politique soient accessibles à l'ensemble des collaborateurs. Et à cet égard, une bonne pratique, c'est de leur remettre dès leur arrivée au sein de l'entreprise.

  • Gilles Halais

    Je comprends mieux, mais quel est concrètement l'objectif de cette politique ?

  • Catherine Ferriol

    C'est de définir, tout simplement, les règles d'offre et d'acceptation des cadeaux et invitations pour l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise. Bien évidemment, les règles vont varier d'une entreprise à une autre. Dans la mesure où son profil de risque, et donc les risques qui sont définis dans sa cartographie, ils dépendent de sa taille, de son secteur d'activité, de son implantation géographique et des tiers avec qui elle interagit. Du coup, vous n'avez pas une politique cadeau-invitation identique d'une entreprise à une autre. Et vous pouvez avoir parfois des règles qui varient selon qu'il s'agisse des cadeaux ou des invitations. Vous pouvez aussi parfois avoir des règles spécifiques pour certaines filiales à l'étranger. Mais dans tous les cas, les règles définies, elles doivent vraiment amener le salarié à s'interroger sur le cadeau ou l'invitation afin de prendre la décision adéquate. Ça doit l'amener à se poser les bonnes questions. Et parmi ces bonnes questions... On a par exemple, quelle est la valeur approximative du cadeau ou de l'invitation qui m'est offert ? Est-ce que cela est conforme aux usages ? Dans quel contexte est-ce que cela s'inscrit ? Et est-ce que je prendrais la même décision si je refusais ce cadeau ou cette invitation ?

  • Gilles Halais

    Alors si on reprend l'exemple de Romain et de sa bouteille de Morgon.

  • Catherine Ferriol

    Romain, il devrait se demander si cette bouteille, elle aura une influence sur le choix du fournisseur au moment du renouvellement du marché des imprimantes. En d'autres termes, est-ce que pour lui, ça serait plus difficile de choisir un autre fournisseur, quand bien même l'offre commerciale de ce dernier serait plus avantageuse pour son entreprise ? Par ailleurs, est-ce que si son entourage professionnel, sa famille ou un journaliste l'apprenait, ça pourrait lui poser quelques difficultés ?

  • Gilles Halais

    Le but, c'est bien d'amener le collaborateur à se poser des questions qu'il ne se pose pas forcément spontanément. Concrètement, qu'est-ce que l'entreprise pourrait écrire ?

  • Catherine Ferriol

    En complément des situations à risque et des comportements à proscrire, définis dans le code de conduite dont nous avons parlé un peu avant, l'entreprise peut déjà préciser en introduction ce qu'elle entend par cadeaux et invitations. Qu'il s'agisse des objets publicitaires, des repas, des prestations d'hébergement, des invitations à un événement culturel ou sportif. Ensuite, lorsqu'elle autorise ses salariés à recevoir et à offrir des cadeaux et invitations, l'entreprise peut fonder sa politique sur certains critères, tels que la finalité, la valeur et la fréquence de ces cadeaux et invitations.

  • Gilles Halais

    Alors, rentrons dans le détail des critères que vous évoquez. Déjà, la finalité.

  • Catherine Ferriol

    Déjà, ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que les cadeaux et les invitations ne doivent évidemment pas constituer un avantage induit qui serait remis en contrepartie de l'accomplissement ou du non-accomplissement d'un acte normal de sa fonction. Par exemple, un cadeau offert à un agent public par un salarié avant l'attribution d'un marché public auquel l'entreprise soumissionne constitue une situation très risquée. A l'inverse, lorsque les cadeaux sont justifiés par un motif professionnel ou bien lorsqu'ils s'inscrivent dans une politique de l'entreprise, le risque est alors beaucoup plus limité. C'est le cas, par exemple, d'un responsable opérationnel d'une entreprise qui inviterait l'un de ses prestataires de service à déjeuner à l'occasion d'un déplacement professionnel sur un site en région.

  • Gilles Halais

    C'est beaucoup plus clair. Deuxième critère que vous évoquez Catherine, la valeur. C'est quand même assez difficile j'imagine de fixer une règle générale qui s'applique à toutes les entreprises et à toutes les situations.

  • Catherine Ferriol

    Vous avez raison. Ce qu'on peut dire quand même c'est que si un cadeau ou une invitation représente un montant très onéreux, il y a quand même systématiquement une vigilance à avoir pour le salarié. Néanmoins, effectivement, il n'existe pas de seuil universel au-delà duquel un cadeau ou une invitation devrait être systématiquement refusée. L'entreprise est donc libre de choisir un seuil ou une fourchette de prix, voire de recourir à un qualificatif tel que montant raisonnable, si elle le souhaite.

  • Gilles Halais

    Et troisième critère, la fréquence des cadeaux et des invitations, c'est aussi un point de vigilance.

  • Catherine Ferriol

    C'est un point de vigilance. Il n'est pas interdit, bien évidemment pour une même personne, de recevoir ou d'offrir plusieurs cadeaux et invitations. Néanmoins, l'entreprise peut prévoir des règles spécifiques tel qu'un nombre maximal de cadeaux et invitations à ne pas dépasser sur une période donnée ou une autorisation hiérarchique à partir du deuxième cadeau ou invitation. Et du coup, sur le fondement de ces trois critères que sont la finalité, la valeur et la fréquence des cadeaux et invitations, l'entreprise peut décider de laisser ses salariés prendre la décision d'accepter ou de refuser un cadeau ou une invitation, mais elle peut aussi tout à fait prévoir que tout cadeau ou invitation fasse l'objet d'une validation par la hiérarchie ou par une personne spécifiquement désignée à cet effet au sein de l'entreprise. Quelle que soit la règle qui sera définie par l'entreprise, il faut s'assurer qu'un salarié puisse, en cas de doute, se tourner vers son responsable hiérarchique ou vers la personne désignée à cet effet pour être orienté sur la bonne décision à prendre.

  • Gilles Halais

    Fixer les règles, c'est bien. S'assurer qu'elles soient respectées, c'est encore mieux. Comment l'entreprise peut-elle s'assurer du strict respect des règles qu'elle a édictées ?

  • Catherine Ferriol

    Tout d'abord, la politique cadeau et habitation a bien évidemment vocation à s'appliquer à l'ensemble des personnes exerçant leurs fonctions au sein de l'entreprise, qu'il s'agisse des dirigeants, des salariés ou de ce qu'on appelle les collaborateurs occasionnels et extérieurs, on vise par là les stagiaires ou les prestataires de services. Et c'est donc important, comme je le disais tout à l'heure, que l'ensemble de ces personnes aient connaissance non seulement du code de conduite, mais également de la politique cadeau et invitation détaillée de l'entreprise. Et ces documents doivent être communiqués par tout moyen auprès de l'ensemble de ces personnes. Cela peut être par exemple par l'intranet ou par affichage dans les espaces communs. Et au-delà de cette communication interne et vis-à-vis maintenant de l'extérieur, les dispositions du code de conduite relative aux cadeaux et invitations ou les seuils qui ont été définis, ils peuvent également être communiqués aux fournisseurs, aux clients, aux intermédiaires de l'entreprise, voire être intégrés dans les contrats qui sont signés avec eux.

  • Gilles Halais

    Tout ça c'est bien, mais je pourrais vous dire que c'est encore du texte à une époque où les gens lisent de moins en moins, en particulier les mails de communication interne.

  • Catherine Ferriol

    Oui, vous avez raison et c'est bien pour cela qu'il est vraiment très important de former sur des cas précis, sur des exemples vécus. Il faut d'abord former les cadres et les personnels les plus exposés aux risques de corruption, en les informant précisément sur les dispositions qui sont contenues dans les politiques cadeaux et invitations, et en leur expliquant en quoi ces dispositions les protègent des risques auxquels ils pourraient être confrontés. Et cette formation, elle sera encore plus efficace si elle est illustrée par des cas pratiques, par des mises en situation. qui seront issues de la cartographie des risques de l'entreprise et des retours d'expérience du personnel. Par exemple, la formation peut insister sur le risque en cas de cadeau offert par un fournisseur à un salarié de la fonction achat dans une période où l'entreprise est à la recherche de nouveaux fournisseurs. Et d'une façon générale, et donc au-delà de ces cadres et personnels les plus exposés au risque de corruption, il est recommandé, et c'est une bonne pratique, que tous les salariés de l'entreprise soient sensibilisés à cette politique cadeau et invitation, que ce soit par la mise à disposition de vidéos sur l'intranet ou des modules d'e-learning.

  • Gilles Halais

    Informés, sensibilisés, formés, est-ce que l'entreprise peut aller jusqu'à mettre en place des contrôles, une sorte de vigie anticorruption ?

  • Catherine Ferriol

    Oui, tout à fait. Elle peut mettre en place un dispositif de contrôle reposant sur plusieurs leviers. Par exemple, on a un levier qui repose sur le contrôle hiérarchique que j'ai évoqué précédemment. Le supérieur hiérarchique peut être désigné pour contrôler toutes les demandes liées aux cadeaux et invitations faites à ses collaborateurs. On a un autre levier qui repose sur la mise en place d'un registre des cadeaux d'invitation, reçu comme offert, à renseigner par tous les collaborateurs concernés et ça constitue vraiment un outil très précieux de suivi pour l'entreprise. Il y a aussi le contrôle comptable, puisque les cadeaux et invitations à destination des tiers de l'entreprise ont vocation à être enregistrés et identifiés comptablement. Les paiements liés aux cadeaux et invitations qui ne respecteraient pas la politique doivent être refusés par l'entreprise. On a aussi le dispositif de contrôle interne de l'entreprise. Il s'agit ici de contrôler la correcte application, la pertinence, l'efficacité de sa politique. A ce titre, par exemple, elle peut faire vérifier par son équipe chargée du contrôle interne que les règles relatives au contrôle hiérarchique, que les règles relatives au seuil défini dans la politique cadeau-invitation ou les règles relatives à la fréquence des cadeaux sont bien respectées par l'ensemble des collaborateurs. Et enfin, l'audit interne peut aussi s'intéresser à la pertinence des règles édictées pour couvrir les risques identifiés.

  • Gilles Halais

    Au final, Catherine, est-ce que vous diriez qu'il existe une bonne pratique en matière de cadeaux et invitations ?

  • Catherine Ferriol

    Alors, il existe certaines bonnes pratiques que l'on peut partager. Je pense notamment au partage des cadeaux reçus entre les salariés par le biais d'une loterie avec l'ensemble des collaborateurs, par exemple. ou encore la distribution d'invitations, par exemple un événement sportif à des œuvres caritatives.

  • Gilles Halais

    Merci Catherine Ferriol pour toutes ces précisions. Je pense que Romain va désormais payer ses places de concert et partager ses bouteilles de vin au moment du pot de fin d'année. Vous pouvez retrouver toutes les références réglementaires de ce podcast dans le guide pratique Politique, cadeaux et invitations de l'AFA, publié en 2020. est disponible gratuitement sur agence-francaise-anticorruption.gouv.fr. Vous pouvez aussi adresser directement vos questions concrètes aux agents de l'AFA à l'adresse suivante afa.gouv.fr. N'hésitez pas à partager et commenter ce podcast et à bientôt pour un nouvel épisode de Cap intégrité. Nous parlerons des risques liés au conflit d'intérêts.

  • Catherine Ferriol

    Cap Intégrité. Le podcast de l'Agence Française Anticorruption.

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