Virginie MontmartinBonjour tout le monde et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast Agriquoi. Je suis ravie de vous retrouver pour cet épisode sur la crise de l'agriculture biologique. Je voulais vous le faire depuis longtemps, mais je voulais réunir quand même quelques éléments et ça m'a pris un peu de temps. J'espère du coup que cet épisode vous plaira. Depuis 2021, l'agriculture biologique rencontre une crise sans précédent. Alors que la consommation était à la hausse jusque-là, on parle de plus 13% de croissance entre 2018 et 2019, elle a baissé de 4,6% en 2022. En plus de ça, le nombre de nouveaux producteurs en bio a baissé de 30% en 2022, et donc ce qui fait que c'est vraiment la galère pour les agriculteurs en agriculture biologique. Mais pourquoi ce changement de situation ? Pourquoi le bio est-il en crise ? Et est-ce que c'est seulement dû à l'inflation ? C'est le sujet de ce nouvel épisode. Alors je vous ai demandé sur Instagram justement quelles étaient selon vous les raisons de la crise du bio, et j'ai eu plusieurs retours de votre part, merci beaucoup à vous. Alors déjà, en effet, le premier, et vous l'avez tous cité pratiquement, le premier argument c'est la baisse du pouvoir d'achat, les prix trop chers, et oui, en effet, la hausse des prix a eu un gros effet sur cette crise. Comme je le disais du coup en intro, la demande a baissé de 4,6% en 2022, et je parlerais même plus de spirale infernale ou même de cercle vicieux, parce que vu qu'on a moins acheté de bio, les grandes surfaces n'ont plus affiché certaines références, donc ça a rendu moins visibles les produits, ce qui fait qu'on les a encore moins achetés, donc encore moins mis en rayon, et ainsi de suite. Et si on rajoute là-dessus le fait que certaines grandes surfaces ont fait des marges plus élevées sur la bio, par rapport... aux produits en agriculture conventionnelle, et du coup, on voit bien qu'on s'enfonce toujours plus dans la crise. Et c'est encore pire pour les magasins spécialisés, puisque plus de 500 magasins ont fermé sur l'année 2022-2023. Donc vraiment, c'est la dèche. Et du coup, ça a donné quoi du côté des agriculteurs ? Sans demande, il n'y a plus de débouchés, et donc en fait, les produits bio, ils ont été déclassés, c'est-à-dire vendus au prix des produits de l'agriculture classique. On parle de 40% du lieu bio, de 25% des céréales bio, bref, c'est loin d'être anecdotique. Donc oui, l'argument prix a fait que les gens ont moins acheté, ce qui a entraîné moins de visibilité des produits, ce qui a entraîné un déclassement des produits agricoles pour les producteurs en agriculture biologique. Et ça, c'est à peu près le scénario qu'il y a sur ces deux dernières années. Le deuxième argument, et vous me l'avez cité aussi, merci à vous, Et c'est valable, c'est le flou qu'il y a autour du label bio, parce que souvent les critères sont finalement assez peu connus, et c'est aussi la raison pour laquelle ça a été l'un des premiers épisodes sur le podcast agricois, ça a été qu'est-ce que l'agriculture biologique, parce que je trouvais important de rappeler quels étaient les critères. Et donc je vous les redonne en accéléré, en gros il n'y a pas d'utilisation de pesticides de synthèse, les animaux ont souvent plus d'espace en bâtiment, et les agriculteurs sont contrôlés tous les ans. En plus en bio du coup avec ces critères là les rendements sont plus faibles d'où un prix plus élevé. Ces critères sont spécifiques à l'agriculture biologique mais ça vient un peu se noyer avec tous les autres labels qui sont arrivés entre temps. Donc par exemple le haut de valeur environnementale, le zéro résidu de pesticides et tout ce genre de choses qui fait qu'au final avec l'inflation qu'il y a eu, les gens ont acheté moins bio au profit de ce genre de labels qui sont moins chers. Et en fait, ces deux arguments, le prix et le flou, ça se retrouve dans de nombreuses analyses, que ce soit celle de la Cour des comptes, de la Fondation de la nature et de l'homme, dans plusieurs autres documents. D'ailleurs, comme toujours, je vous mets les références en dessous de l'épisode, comme ça vous pouvez aller les consulter. On retrouve toujours ces arguments, et ce sont des arguments de type conjoncturel, dû au contexte économique. Voilà. La première partie de l'iceberg, je dirais. Sauf que... Derrière tout ça, il y a aussi d'autres questions, d'autres réflexions dont j'aimerais vraiment vous parler dans cet épisode, parce que je trouve que ça met en lumière des paradoxes, et qui me posent personnellement beaucoup de questions. Et après, promis, on passe aux solutions. Le premier paradoxe, c'est la dimension politique. En fait, là, en avril 2024, le gouvernement a réappuyé son plan Ambition Bio 2027, dans lequel il réaffirme son objectif de 18% de surface en agriculture biologique en 2027. C'est une bonne chose, en soi, puisque l'agriculture biologique, c'est une des voies de l'agroécologie, justement pour pouvoir lutter contre le changement climatique. Mais, je viens de vous dire que le marché se casse la gueule. Et donc du coup, même les associations qui défendent l'agriculture biologique disent que ça va être très très dur d'atteindre cet objectif. Parce que oui, il y a eu des fonds mis en place pour des aides d'urgence, pour pouvoir aider les agriculteurs dans cette crise. Mais concrètement, si on regarde les autres aides disponibles pour l'agriculture biologique, notamment dans la PAC, les aides au maintien ont été supprimées dans la dernière PAC, donc la PAC 2023-2027. Il n'y a pas d'aide au maintien. Donc une fois que tu es en agriculture biologique, tant pis pour toi. Par contre, les aides à la conversion ont été maintenues, alors que comme je vous le disais, il y a beaucoup moins de conversion qu'avant. Donc du coup... Comment on fait ? On a des objectifs mais on ne met pas les moyens derrière, donc c'est un peu paradoxal par rapport au développement de la bio attendu. Le deuxième paradoxe, c'est est-ce que le bio n'est pas finalement un marché de niche ? Je m'explique à nouveau, vu qu'on suit cet objectif de 18% de surface biologique en bio, qui s'est basé justement sur le fait que la demande était en hausse jusque-là, comme je le disais la croissance était de 13% entre 2018 et 2019. Donc du coup, les agriculteurs se sont beaucoup plus convertis jusque là, sauf qu'aujourd'hui, le marché est saturé, comme je l'expliquais, ce qui explique cette crise. Et donc du coup de maintenir cet objectif, est-ce qu'on ne va pas trop vite ? Est-ce qu'on ne pousse pas trop le marché ? C'est un avis aussi qui est partagé par plusieurs agriculteurs et que je trouve intéressant de se poser, alors même qu'au niveau environnemental ça se tient. On doit absolument lutter contre le changement climatique. Mais est-ce qu'on ne doit pas aussi trouver un modèle économique pour lui permettre d'être viable ? Je me pose vraiment la question. Et d'ailleurs, le marché du bio en vente directe, lui il n'a pas faibli. Et on voit bien que si un agriculteur a la possibilité d'expliquer ce qu'il fait à des gens qui sont déjà sensibilisés à la question, Bah ça marche ! Donc c'est, est-ce que vraiment ça doit se démocratiser, aller en supermarché, etc. Et justement, il y a quelqu'un sur Instagram qui m'a dit que le fait de passer au bio industriel, est-ce que cela n'enlèverait pas justement du sens au label de l'agriculture biologique ? Et donc cela pose question, est-ce que ça doit vraiment se démocratiser ou pas ? Et si oui, comment ? Et enfin, le troisième point, c'est l'image de l'agriculture biologique. C'est une piste qui a été évoquée dans une analyse de la crise réalisée par l'IDRI, un institut de recherche, et qui expliquait que l'image du bio est encore marquée comme une image militante, comme une image d'écolobobo, de personnes d'un niveau économique assez aisé. Et finalement, on est... pas vraiment encore sorti de cette case-là. Donc si on veut pouvoir le démocratiser, ils proposent par exemple comme piste de plutôt miser sur la proximité et sur le fait de soutenir des producteurs dans leur démarche, plutôt que sur seulement l'image 100% environnementale de la chose. Donc on voit bien qu'il y a ici trois paradoxes. que je trouve intéressants, un au niveau économique, un au niveau politique et un au niveau socioculturel, qui sont des freins à passer pour pouvoir sortir de cette crise. Aujourd'hui, quelles sont les solutions qui sont avancées pour endiguer la crise actuelle ? La première, c'est un gros plan de com'qui est lancé, c'est relancer la campagne BioRéflex, pour rappeler notamment les avantages du bio et donc lutter contre le flou qui existe avec les autres labels. Là, je vous parle de 8 millions d'euros de communication prévue en 2024. On n'est pas sur de la petite campagne. Le deuxième, ça va être de structurer les filières bio et d'essayer justement de respecter l'objectif de la loi EGalim qui est 20% de bio dans la restauration collective. Là, ici, on parle de 18 millions d'euros mis sur la table dans le plan Ambition Bio 2027. Et donc, ça va être de démocratiser le bio dans la restauration collective et commerciale. Aujourd'hui, on est loin des 20%, on est seulement à 7% de bio dans la restauration collective, et moins d'1% dans la restauration commerciale. Mais par contre, sur la restauration commerciale, il n'y a pas d'objectif annoncé, et ça reste des marchés petits comparé à le nombre de fois qu'on mange à la maison et le fait de démocratiser la bio dans ce qu'on consomme à la maison. Bref, pour conclure cet épisode, on voit que les solutions avancées, c'est donc de relancer le marché et de se faire connaître. C'est un bon pari en soi quand on voit les causes de cette crise actuelle. En revanche, on voit que ça ne répond pas forcément aux différents paradoxes que je vous ai cités après. Et ça me pose beaucoup de questions parce que je n'ai pas parlé. D'un dernier point, c'est qu'aujourd'hui les jeunes... ou tout court les nouveaux agriculteurs qui veulent s'installer et qui ne sont souvent pas issus du milieu agricole, qu'on appelle les néo-ruraux comme on dit, et bien en fait ils veulent souvent s'installer en agroécologie et notamment en agriculture biologique. Sauf qu'aujourd'hui, on ne peut pas se passer de personnes qui veulent s'installer en agriculture parce qu'on a un gros problème sur le fait que beaucoup d'agriculteurs vont partir à la retraite. Donc aujourd'hui, si c'est cette façon de s'installer qui motive, mais que derrière il n'y a pas la demande, on a aussi un problème de renouvellement agricole qui se pose. Alors, du coup, je n'ai pas la solution à cette crise, loin sans faux, mais je voulais aborder la question avec vous. Et justement, je te pose la question, à toi qui écoutes cet épisode, est-ce que pour toi, le bio est un marché de niche ? Est-ce qu'il doit se démocratiser ? Et si oui, comment ? N'hésite pas à me le dire en commentaire sur Spotify, maintenant c'est possible, ou même à venir m'en parler sur Instagram. Je partagerai également vos retours sur l'épisode, parce que je trouve que le sujet... est juste indispensable à se poser parce que ça parle de notre alimentation et de où est-ce qu'on va. Si la crise évolue, je vous referai un épisode. J'espère qu'elle évoluera dans le bon sens et on reparlera de tout ça dans les prochains mois. Je vous souhaite une très bonne journée et on se retrouve dans un prochain épisode. A bientôt !