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Altérité

Relations Femmes/Hommes au travail : on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire

Relations Femmes/Hommes au travail : on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire

17min |06/05/2024
Play
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17min |06/05/2024
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Description

Pour ce 2ème épisode de notre podcast, Charlotte Ringrave, experte diversité et inclusion, est venue décrypter les causes et les effets d’une impression généralisée : en matière de relations femmes/hommes au travail, « on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire ». 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors, Charlotte, plongeons dans le sujet. Pourquoi entend-on aujourd'hui que l'on ne peut plus rien dire ou plus rien faire dans les relations femmes-hommes au travail ?

  • Speaker #1

    Alors, on entend qu'on ne peut plus rien dire et qu'on ne peut plus rien faire dans les relations femmes-hommes au travail, car on observe quand même un sentiment grandissant chaque année en légère hausse de gender fatigue. On est fatigué par le sujet. Donc, près de 7 femmes sur 10 et 6 hommes sur 10 ont déjà entendu ce type de phrase. On ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire. Dans le même temps, on a quand même 90% des hommes et des femmes, globalement, qui reconnaissent quand même les effets délétères du sexisme au travail. Donc on observe quand même que le sujet est vécu comme une privation de liberté, alors même qu'il y avait déjà beaucoup de choses qu'on ne pouvait pas faire au travail. Beaucoup de choses qui étaient interdites par le droit du travail. On ne peut pas prendre des congés quand on veut, on ne peut pas dire merde à son patron, on ne peut pas décider de ne pas aller à une réunion, on ne fait pas ce qu'on veut au travail. Donc la bonne question à se poser, ce n'est pas... Pourquoi on entend qu'on ne peut plus rien dire ou rien faire, c'est pourquoi ce sujet-là en particulier est vécu comme une privation de liberté. Et donc pour expliquer ça peut-être le plus simplement possible, c'est qu'aujourd'hui on est dans une phase où on interroge tout simplement les relations et les comportements entre les hommes et les femmes, dans une société qui a toujours été et est encore patriarcale, mais qui a bougé plus vite que les comportements et les mentalités. Donc on a un peu un avant. Après, alors avant quoi et après quoi ? C'est là que c'est intéressant, c'est un avant tout simplement, transformation économique et sociale, un avant mixité structurelle des métiers et des formations, un avant la diversification des modèles familiaux, un avant de l'avènement du soi, un avant des apports des neurosciences, et puis surtout un avant le séisme MeToo. Et dans cet avant, on avait des intentions qui étaient souvent de rire, de se complimenter, de se séduire, qui n'étaient pas malveillantes et avec un impact qui était globalement assez silencié. On internalisait beaucoup les stéréotypes, on reproduisait les schémas et on était dans un système un peu de déni ou d'autocensure face à ces schémas. Aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé dans notre société ces dernières années, on a les mêmes intentions, c'est-à-dire... les blagues, c'est-à-dire la séduction et les compliments, mais on a un impact qui n'est plus du tout silencié. On observe une augmentation tout simplement de l'expression de l'impact par le refus des stéréotypes, par la volonté forte de remettre en cause les schémas et par une libération de la parole apportée par le mouvement MeToo.

  • Speaker #0

    Et de quels comportements parle-t-on ?

  • Speaker #1

    Alors, les comportements qui, du coup, évoluent moins vite que la société sont des comportements qui sont définis. dans le cadre du travail sous l'appellation sexisme ordinaire ou sous l'appellation agissement sexiste. Quand on parle de sexisme ordinaire, on regroupe l'ensemble des propos et des agissements qui sont conscients ou inconscients et qui vont procéder d'une asymétrie de traitement en fonction du sexe. C'est-à-dire qu'on ne va pas agir de la même façon, on ne va pas dire les mêmes choses en fonction du sexe de la personne à qui on s'adresse. Je vous rappelle ici que le sexe fait partie des 25 critères de discrimination identifiés par la loi de 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Donc, dans un premier temps, on a ce cadre légal-là. Et puis, on a aussi une autre définition qui va définir les agissements sexistes, donc la partie la plus hostile du sexisme, dans le Code du travail depuis 2015. Donc, le législateur, il est complètement dans son rôle. Il va légiférer sur ce qui fait mal au quotidien. Et donc, il va prohiber tout agissement lié au sexe d'une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Donc on parle de comportements qui, d'une façon ou d'une autre, dégradent des conditions de travail. Et avec l'expression du pour-objet ou pour-effet, on remarque que l'impact est au cœur de la caractérisation. Et que dans une société où l'impact est de moins en moins silencié, forcément, on a de plus en plus de signalements ou de plaintes. Et cette impression qu'on ne peut plus rien faire.

  • Speaker #0

    Est-ce que du coup, on va vers une société aseptisée ?

  • Speaker #1

    Alors c'est souvent la question qu'on me pose. Est-ce qu'on va vers une société où ce serait comme aux Etats-Unis, on ne pourrait plus rien faire, avec ce fantasme d'un ascenseur pour les femmes, d'un ascenseur pour les hommes, de bureaux en plexiglas ? Donc cette aseptisation de la société qui nous fait peur culturellement en France, et ça a raison de nous faire peur, parce que ce n'est pas drôle une société qui est complètement aseptisée. Alors la bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas ce qu'on cherche à faire. Pas ce qu'on cherche à faire du tout même. On ne veut ni une guerre des sexes, donc ni une guerre des hommes contre les femmes ou des femmes contre les hommes, ni une société dans laquelle on aurait des relations qui seraient tellement régulées que finalement on n'oserait plus rien faire. Et donc on ne veut pas d'une société politiquement correcte, on ne veut pas d'une société de la pensée unique, on veut pouvoir continuer de rire, parce que le rire c'est le propre de l'homme, on veut pouvoir continuer d'être sympa les uns avec les autres et donc potentiellement de se faire des compliments, et surtout on veut aussi pouvoir... continuer de se séduire, y compris au travail. Donc l'enjeu, ça va être de se responsabiliser, tous à notre niveau, avec quelques petits réflexes qu'on doit prendre en compte, tout simplement, pour maîtriser l'impact de nos comportements. Donc là, c'est vraiment quelque chose qui va de l'ordre un peu du chantier à ciel ouvert. On réinterroge nos relations et nos comportements. Entre les hommes et les femmes, et on va continuer de les réinterroger dans les années qui arrivent. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, parce que ça nécessite tout simplement de prendre en compte l'autre. Donc par exemple, quelques petits conseils sur les blagues. Il y a des endroits où on peut rire de tout. Par exemple, quand vous allez voir un spectacle d'humour, vous payez pour rigoler avec l'artiste. Il y a un contrat qui se crée entre vous et l'artiste, peu importe d'ailleurs l'obédience de l'artiste. En entreprise, on a des normes culturelles, on a des statuts, on a des positions hiérarchiques, donc ça devient tout de suite un peu plus compliqué. Donc déjà, rien que pour ça, pour la blague, toujours se souvenir que l'objectif n'est pas de rire contre l'autre, mais bien avec l'autre. Donc il faut prendre en compte cette culture d'entreprise et toujours se demander si la personne à qui on fait une blague a la possibilité de nous dire, sans avoir peur des conséquences, que sa blague n'est pas drôle. Concernant la séduction, on a presque 17% des couples qui se forment au travail. Alors ce serait vraiment très dommageable de s'en priver. Donc deux petites règles à respecter. La première, c'est bien sûr le respect. Et la deuxième, c'est le consentement qui doit être clair et explicite. Donc si vous avez envie d'inviter un collègue ou une collègue à boire un verre dans une optique de séduction, c'est possible à partir du moment où cette personne est pleinement d'accord. Comment on fait pour savoir si elle est pleinement d'accord ? Tout simplement, on pose la question. Attention à bien garder en tête que dans un rapport hiérarchique, on ne peut pas être sûr que la personne est en capacité de nous dire non. Et puis si on nous dit non, on accepte le râteau et on ne change rien à son comportement après parce que c'est là, bien sûr, que peut commencer évidemment la dynamique de harcèlement sexuel. Et puis enfin, le compliment, on peut toujours complimenter, reconnaître le travail de chacun. C'est fondamental d'ailleurs de pouvoir reconnaître les efforts, les résultats, les compétences dans un contexte professionnel. Ça participe à l'engagement. En revanche, tous les compliments sur le physique sont toujours un peu plus touchy. Donc il faut prendre en compte pour pouvoir les faire, le contexte, à qui on les fait, dans quelle situation. S'assurer que le commentaire, le compliment est vraiment bienveillant et faire attention au dosage. Bien sûr, ce n'est pas du tout la même chose de complimenter une jeune femme qui aurait une belle robe un matin à 9h du matin quand elle arrive à tiens, t'as une jolie robe aujourd'hui que de le faire tous les jours à 18h30 dans un open space désert.

  • Speaker #0

    Et le collectif, est-ce qu'il a un rôle à jouer ?

  • Speaker #1

    Alors face aux agissements sexistes et à la répétition des agissements sexistes qui peuvent donner lieu au harcèlement sexuel, c'est bien la répétition des agissements sexistes qui, dans sa première définition, qualifie le harcèlement sexuel. Les témoins ont un rôle primordial, parce que le premier rôle du collectif, c'est celui de prévention, à travers un principe qu'on appelle un principe de co-vigilance, c'est-à-dire un principe de bienveillance accordé à l'autre. Donc, les témoins ont un rôle, celui de faire d'un environnement un environnement qui ne soit pas permissif et qui n'autorise pas implicitement ou explicitement la répétition de ses comportements. Plus un environnement va être permissif, même sur des petites blagues ou des petits compliments ou du c'est pas si grave plus on se donne des chances de voir décompenser des comportements dysfonctionnels. Donc il faut, grâce aux témoins, grâce à la co-vigilance, grâce à l'action des témoins, créer cet environnement qui soit un environnement contraignant et qui empêche cette décompensation. Néanmoins, ce n'est pas forcément toujours facile d'agir quand on est témoin, sinon ce serait trop simple. Ce n'est pas facile d'agir pour trois raisons principales. La première, c'est la dilution de la responsabilité. Est-ce que si j'agis... Je ne vais pas, moi, devoir essuyer les conséquences de mon action, et pourquoi ce ne serait pas quelqu'un d'autre qui essuierait ces conséquences ? Donc plus il y a de monde et plus on se dit que quelqu'un d'autre va agir, l'appréhension de l'évaluation, on n'est pas toujours sûr de bien l'interpréter. Comprendre la dynamique insidieuse du sexisme, c'est savoir mettre les bonnes lunettes. pour le repérer même dans les détails. Et donc, il y a aussi beaucoup de personnes qui ont du mal à naviguer dans les concepts encore aujourd'hui. Ce n'est pas de leur faute, mais ça crée cette impréhension de l'évaluation qui peut empêcher l'action des témoins. Et puis, le dernier frein à l'action des témoins, c'est ce qu'on appelle l'influence sociale. C'est la peur, tout simplement, de passer pour le féministe de service si je dis que je ne suis pas d'accord avec une blague ou avec un comportement. Donc, tout ça... se joue à la lumière, à l'aune de la culture d'entreprise. Une culture d'entreprise qui serait très permissive avec ces comportements-là aurait moins de chances de voir intervenir des témoins qui auraient peur de passer pour des rabat-joies.

  • Speaker #0

    Par exemple, qu'est-ce que je fais si ma blague ou mon compliment passent mal ?

  • Speaker #1

    Si ma blague ou mon compliment passent mal, déjà avoir l'humilité d'accepter que chacun est différent. Quand on fait une blague à quelqu'un, va se jouer dans la relation notre identité, notre culture, notre expérience, notre statut hiérarchique, l'éducation qu'on a eue, la façon dont on se projette dans l'entreprise, dans la société, etc. Donc, c'est jamais anodin, en fait. Donc, le risque, c'est vraiment d'imaginer que parce que c'est une blague, c'est anodin. Et ça, il faut vraiment essayer de sortir de ça. Donc quand ma blague passe mal parce qu'elle peut mal passer, ça ne fait pas de moi une mauvaise personne, ça fait de moi une bonne personne qui a fait une mauvaise blague. Eh bien, j'ai l'humilité de le reconnaître. Je laisse une grande place à l'empathie, donc je suis à l'affût des réactions de l'autre. Et si j'observe un malaise, alors je peux toujours présenter des excuses. Il s'agit du coup d'oser entendre que la personne l'a mal pris. et d'oser présenter des excuses parce qu'une personne qui est mal à l'aise avec notre comportement a bien sûr tout le droit de nous le demander.

  • Speaker #0

    Et si ma blague passe bien, pour moi, mais dérange mes collègues ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est aussi une question qu'on me pose souvent. C'est vrai que parfois, entre deux personnes qui se connaissent bien, où la relation est très établie, avec deux personnes qui sont conscientisées sur le sujet, on peut voir des blagues qui s'expriment. Chacun sait que ce sont des blagues sexistes, donc chacun sait que ce sont des blagues qui peuvent effectivement à un moment mettre mal à l'aise des gens. Et pourtant, là, entre ces deux personnes, ça se passe bien. J'y vois pas d'inconvénient, à partir du moment où le contrat est bien établi et que la blague est consentie, Néanmoins, si la blague est faite devant un collectif et que dans le collectif, il y a des personnes qui se sentent mal à l'aise à l'idée même que des blagues puissent être établies dans cette relation de confiance entre ces deux personnes, ils ont tout à fait le droit de le dire, de le partager, voire de signaler. Ce n'est pas parce que tu n'es pas destinataire de la blague que tu ne peux pas dire que tu es mal à l'aise. À partir du moment où une personne dans un collectif, même si elle n'est pas destinataire de la blague, est mal à l'aise, alors les comportements doivent cesser. Et donc l'écoute des destinataires des blagues est évidemment essentielle, mais l'écoute du collectif autour des destinataires est tout aussi importante.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est vraiment toujours facile de dire qu'une blague ou un compliment ne nous a pas fait rire ?

  • Speaker #1

    Alors, est-ce qu'on peut toujours dire qu'une blague ou un compliment ne nous a pas fait rire ? Et là, j'imagine que du coup, ce qu'on va chercher, c'est effectivement la dynamique d'autocensure. Est-ce que c'est facile de dire ta blague, elle est pourrie Non. Non, ce n'est pas facile de dire à quelqu'un que sa blague, elle est pourrie, parce qu'on n'est pas toujours dans une relation de confiance. Et puis, je l'ai dit déjà, dans l'entreprise, se jouent des normes culturelles, se jouent des positions hiérarchiques, se jouent des statuts. Et donc, on n'est jamais vraiment sûr que la personne en face de nous soit en capacité ou se sent autorisée à nous dire qu'on lui a fait du mal. Donc l'autocensure, c'est toujours le croisement entre qui je suis, ce que je veux dire et la situation dans laquelle je suis. Et donc la question à se poser, c'est pourquoi une personne s'empêcherait de nous dire que la blague est de mauvais goût ou que la blague ne l'a pas fait rire ? Sans doute parce qu'on est plus fort qu'elle. Plus fort au sens symbolique du terme, c'est-à-dire plus fort dans la norme qui est établie. Je vous donne un exemple. Prenons par exemple un chef d'entreprise qui ferait plein de blagues sexistes toute la journée, qui mettrait mal à l'aise ses collaborateurs et ses collaboratrices, mais qui ne s'en rendrait pas compte parce que tout le monde rigole. La bonne question à se poser n'est pas est-ce que les blagues sont drôles, mais est-ce que les gens rigolent parce que les blagues sont drôles ou parce que c'est le chef ? Évidemment que le doute est permis. Et donc c'est difficile d'observer le rire jaune, d'observer le rire franc. Et donc pour nous assurer d'un environnement non permissif et sain, il faut nous assurer que chacun a l'espace de dire là ça m'a pas fait rire sans avoir peur des conséquences.

  • Speaker #0

    C'est maintenant le temps de notre dernière séquence, possibles sur le frigo, et si on résumait tout ce qu'on vient de se dire en trois messages clés.

  • Speaker #1

    Alors si on résumait tout ce que je viens de dire en trois messages clés, je pense que le plus important, c'est vraiment d'ancrer partout qu'en matière de sexisme, c'est l'impact qui nous intéresse davantage que l'intention. L'intention, elle est souvent pas malveillante, donc il n'y a que l'impact qui compte. Et donc c'est pour ça qu'il faut vraiment augmenter notre empathie, augmenter notre écoute, ne pas... Hésiter à aller chercher du feedback sur un comportement et avoir l'humilité d'accepter parfois de présenter des excuses. La deuxième grande idée que je voudrais qu'on retienne, c'est que ce sujet est un chantier à ciel ouvert qui va continuer d'évoluer. Le curseur de ce qui est acceptable à bouger dans notre société, ça nous bouscule tous, mais c'est une bonne nouvelle. C'est une bonne nouvelle parce que ça nous invite tout simplement à faire... davantage attention aux autres. Donc en gardant en tête cette histoire d'impact et les petits réflexes que je vous ai un peu explicités, vous pourrez toujours naviguer dans les relations professionnelles, même quand elles vont continuer d'évoluer. Et puis la dernière idée, c'est que le signalement des agissements, que ce soit par la personne qui les subit ou par les témoins, est un droit fondamental de l'état de droit qui n'empêche rien à la présomption d'innocence. Donc les deux peuvent coexister. Le signalement, il est toujours utile, il est toujours juste et il est toujours légitime pour la simple et bonne raison que c'est la seule condition sine qua non pour prendre en compte une situation et des mesures correctives. Et puis enfin, parce que j'ai le droit d'en avoir un petit quatrième, c'est avant tout un sujet d'inclusion, mais c'est aussi... et peut-être de la même importance un sujet de prévention du risque psychosocial.

Description

Pour ce 2ème épisode de notre podcast, Charlotte Ringrave, experte diversité et inclusion, est venue décrypter les causes et les effets d’une impression généralisée : en matière de relations femmes/hommes au travail, « on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire ». 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors, Charlotte, plongeons dans le sujet. Pourquoi entend-on aujourd'hui que l'on ne peut plus rien dire ou plus rien faire dans les relations femmes-hommes au travail ?

  • Speaker #1

    Alors, on entend qu'on ne peut plus rien dire et qu'on ne peut plus rien faire dans les relations femmes-hommes au travail, car on observe quand même un sentiment grandissant chaque année en légère hausse de gender fatigue. On est fatigué par le sujet. Donc, près de 7 femmes sur 10 et 6 hommes sur 10 ont déjà entendu ce type de phrase. On ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire. Dans le même temps, on a quand même 90% des hommes et des femmes, globalement, qui reconnaissent quand même les effets délétères du sexisme au travail. Donc on observe quand même que le sujet est vécu comme une privation de liberté, alors même qu'il y avait déjà beaucoup de choses qu'on ne pouvait pas faire au travail. Beaucoup de choses qui étaient interdites par le droit du travail. On ne peut pas prendre des congés quand on veut, on ne peut pas dire merde à son patron, on ne peut pas décider de ne pas aller à une réunion, on ne fait pas ce qu'on veut au travail. Donc la bonne question à se poser, ce n'est pas... Pourquoi on entend qu'on ne peut plus rien dire ou rien faire, c'est pourquoi ce sujet-là en particulier est vécu comme une privation de liberté. Et donc pour expliquer ça peut-être le plus simplement possible, c'est qu'aujourd'hui on est dans une phase où on interroge tout simplement les relations et les comportements entre les hommes et les femmes, dans une société qui a toujours été et est encore patriarcale, mais qui a bougé plus vite que les comportements et les mentalités. Donc on a un peu un avant. Après, alors avant quoi et après quoi ? C'est là que c'est intéressant, c'est un avant tout simplement, transformation économique et sociale, un avant mixité structurelle des métiers et des formations, un avant la diversification des modèles familiaux, un avant de l'avènement du soi, un avant des apports des neurosciences, et puis surtout un avant le séisme MeToo. Et dans cet avant, on avait des intentions qui étaient souvent de rire, de se complimenter, de se séduire, qui n'étaient pas malveillantes et avec un impact qui était globalement assez silencié. On internalisait beaucoup les stéréotypes, on reproduisait les schémas et on était dans un système un peu de déni ou d'autocensure face à ces schémas. Aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé dans notre société ces dernières années, on a les mêmes intentions, c'est-à-dire... les blagues, c'est-à-dire la séduction et les compliments, mais on a un impact qui n'est plus du tout silencié. On observe une augmentation tout simplement de l'expression de l'impact par le refus des stéréotypes, par la volonté forte de remettre en cause les schémas et par une libération de la parole apportée par le mouvement MeToo.

  • Speaker #0

    Et de quels comportements parle-t-on ?

  • Speaker #1

    Alors, les comportements qui, du coup, évoluent moins vite que la société sont des comportements qui sont définis. dans le cadre du travail sous l'appellation sexisme ordinaire ou sous l'appellation agissement sexiste. Quand on parle de sexisme ordinaire, on regroupe l'ensemble des propos et des agissements qui sont conscients ou inconscients et qui vont procéder d'une asymétrie de traitement en fonction du sexe. C'est-à-dire qu'on ne va pas agir de la même façon, on ne va pas dire les mêmes choses en fonction du sexe de la personne à qui on s'adresse. Je vous rappelle ici que le sexe fait partie des 25 critères de discrimination identifiés par la loi de 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Donc, dans un premier temps, on a ce cadre légal-là. Et puis, on a aussi une autre définition qui va définir les agissements sexistes, donc la partie la plus hostile du sexisme, dans le Code du travail depuis 2015. Donc, le législateur, il est complètement dans son rôle. Il va légiférer sur ce qui fait mal au quotidien. Et donc, il va prohiber tout agissement lié au sexe d'une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Donc on parle de comportements qui, d'une façon ou d'une autre, dégradent des conditions de travail. Et avec l'expression du pour-objet ou pour-effet, on remarque que l'impact est au cœur de la caractérisation. Et que dans une société où l'impact est de moins en moins silencié, forcément, on a de plus en plus de signalements ou de plaintes. Et cette impression qu'on ne peut plus rien faire.

  • Speaker #0

    Est-ce que du coup, on va vers une société aseptisée ?

  • Speaker #1

    Alors c'est souvent la question qu'on me pose. Est-ce qu'on va vers une société où ce serait comme aux Etats-Unis, on ne pourrait plus rien faire, avec ce fantasme d'un ascenseur pour les femmes, d'un ascenseur pour les hommes, de bureaux en plexiglas ? Donc cette aseptisation de la société qui nous fait peur culturellement en France, et ça a raison de nous faire peur, parce que ce n'est pas drôle une société qui est complètement aseptisée. Alors la bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas ce qu'on cherche à faire. Pas ce qu'on cherche à faire du tout même. On ne veut ni une guerre des sexes, donc ni une guerre des hommes contre les femmes ou des femmes contre les hommes, ni une société dans laquelle on aurait des relations qui seraient tellement régulées que finalement on n'oserait plus rien faire. Et donc on ne veut pas d'une société politiquement correcte, on ne veut pas d'une société de la pensée unique, on veut pouvoir continuer de rire, parce que le rire c'est le propre de l'homme, on veut pouvoir continuer d'être sympa les uns avec les autres et donc potentiellement de se faire des compliments, et surtout on veut aussi pouvoir... continuer de se séduire, y compris au travail. Donc l'enjeu, ça va être de se responsabiliser, tous à notre niveau, avec quelques petits réflexes qu'on doit prendre en compte, tout simplement, pour maîtriser l'impact de nos comportements. Donc là, c'est vraiment quelque chose qui va de l'ordre un peu du chantier à ciel ouvert. On réinterroge nos relations et nos comportements. Entre les hommes et les femmes, et on va continuer de les réinterroger dans les années qui arrivent. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, parce que ça nécessite tout simplement de prendre en compte l'autre. Donc par exemple, quelques petits conseils sur les blagues. Il y a des endroits où on peut rire de tout. Par exemple, quand vous allez voir un spectacle d'humour, vous payez pour rigoler avec l'artiste. Il y a un contrat qui se crée entre vous et l'artiste, peu importe d'ailleurs l'obédience de l'artiste. En entreprise, on a des normes culturelles, on a des statuts, on a des positions hiérarchiques, donc ça devient tout de suite un peu plus compliqué. Donc déjà, rien que pour ça, pour la blague, toujours se souvenir que l'objectif n'est pas de rire contre l'autre, mais bien avec l'autre. Donc il faut prendre en compte cette culture d'entreprise et toujours se demander si la personne à qui on fait une blague a la possibilité de nous dire, sans avoir peur des conséquences, que sa blague n'est pas drôle. Concernant la séduction, on a presque 17% des couples qui se forment au travail. Alors ce serait vraiment très dommageable de s'en priver. Donc deux petites règles à respecter. La première, c'est bien sûr le respect. Et la deuxième, c'est le consentement qui doit être clair et explicite. Donc si vous avez envie d'inviter un collègue ou une collègue à boire un verre dans une optique de séduction, c'est possible à partir du moment où cette personne est pleinement d'accord. Comment on fait pour savoir si elle est pleinement d'accord ? Tout simplement, on pose la question. Attention à bien garder en tête que dans un rapport hiérarchique, on ne peut pas être sûr que la personne est en capacité de nous dire non. Et puis si on nous dit non, on accepte le râteau et on ne change rien à son comportement après parce que c'est là, bien sûr, que peut commencer évidemment la dynamique de harcèlement sexuel. Et puis enfin, le compliment, on peut toujours complimenter, reconnaître le travail de chacun. C'est fondamental d'ailleurs de pouvoir reconnaître les efforts, les résultats, les compétences dans un contexte professionnel. Ça participe à l'engagement. En revanche, tous les compliments sur le physique sont toujours un peu plus touchy. Donc il faut prendre en compte pour pouvoir les faire, le contexte, à qui on les fait, dans quelle situation. S'assurer que le commentaire, le compliment est vraiment bienveillant et faire attention au dosage. Bien sûr, ce n'est pas du tout la même chose de complimenter une jeune femme qui aurait une belle robe un matin à 9h du matin quand elle arrive à tiens, t'as une jolie robe aujourd'hui que de le faire tous les jours à 18h30 dans un open space désert.

  • Speaker #0

    Et le collectif, est-ce qu'il a un rôle à jouer ?

  • Speaker #1

    Alors face aux agissements sexistes et à la répétition des agissements sexistes qui peuvent donner lieu au harcèlement sexuel, c'est bien la répétition des agissements sexistes qui, dans sa première définition, qualifie le harcèlement sexuel. Les témoins ont un rôle primordial, parce que le premier rôle du collectif, c'est celui de prévention, à travers un principe qu'on appelle un principe de co-vigilance, c'est-à-dire un principe de bienveillance accordé à l'autre. Donc, les témoins ont un rôle, celui de faire d'un environnement un environnement qui ne soit pas permissif et qui n'autorise pas implicitement ou explicitement la répétition de ses comportements. Plus un environnement va être permissif, même sur des petites blagues ou des petits compliments ou du c'est pas si grave plus on se donne des chances de voir décompenser des comportements dysfonctionnels. Donc il faut, grâce aux témoins, grâce à la co-vigilance, grâce à l'action des témoins, créer cet environnement qui soit un environnement contraignant et qui empêche cette décompensation. Néanmoins, ce n'est pas forcément toujours facile d'agir quand on est témoin, sinon ce serait trop simple. Ce n'est pas facile d'agir pour trois raisons principales. La première, c'est la dilution de la responsabilité. Est-ce que si j'agis... Je ne vais pas, moi, devoir essuyer les conséquences de mon action, et pourquoi ce ne serait pas quelqu'un d'autre qui essuierait ces conséquences ? Donc plus il y a de monde et plus on se dit que quelqu'un d'autre va agir, l'appréhension de l'évaluation, on n'est pas toujours sûr de bien l'interpréter. Comprendre la dynamique insidieuse du sexisme, c'est savoir mettre les bonnes lunettes. pour le repérer même dans les détails. Et donc, il y a aussi beaucoup de personnes qui ont du mal à naviguer dans les concepts encore aujourd'hui. Ce n'est pas de leur faute, mais ça crée cette impréhension de l'évaluation qui peut empêcher l'action des témoins. Et puis, le dernier frein à l'action des témoins, c'est ce qu'on appelle l'influence sociale. C'est la peur, tout simplement, de passer pour le féministe de service si je dis que je ne suis pas d'accord avec une blague ou avec un comportement. Donc, tout ça... se joue à la lumière, à l'aune de la culture d'entreprise. Une culture d'entreprise qui serait très permissive avec ces comportements-là aurait moins de chances de voir intervenir des témoins qui auraient peur de passer pour des rabat-joies.

  • Speaker #0

    Par exemple, qu'est-ce que je fais si ma blague ou mon compliment passent mal ?

  • Speaker #1

    Si ma blague ou mon compliment passent mal, déjà avoir l'humilité d'accepter que chacun est différent. Quand on fait une blague à quelqu'un, va se jouer dans la relation notre identité, notre culture, notre expérience, notre statut hiérarchique, l'éducation qu'on a eue, la façon dont on se projette dans l'entreprise, dans la société, etc. Donc, c'est jamais anodin, en fait. Donc, le risque, c'est vraiment d'imaginer que parce que c'est une blague, c'est anodin. Et ça, il faut vraiment essayer de sortir de ça. Donc quand ma blague passe mal parce qu'elle peut mal passer, ça ne fait pas de moi une mauvaise personne, ça fait de moi une bonne personne qui a fait une mauvaise blague. Eh bien, j'ai l'humilité de le reconnaître. Je laisse une grande place à l'empathie, donc je suis à l'affût des réactions de l'autre. Et si j'observe un malaise, alors je peux toujours présenter des excuses. Il s'agit du coup d'oser entendre que la personne l'a mal pris. et d'oser présenter des excuses parce qu'une personne qui est mal à l'aise avec notre comportement a bien sûr tout le droit de nous le demander.

  • Speaker #0

    Et si ma blague passe bien, pour moi, mais dérange mes collègues ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est aussi une question qu'on me pose souvent. C'est vrai que parfois, entre deux personnes qui se connaissent bien, où la relation est très établie, avec deux personnes qui sont conscientisées sur le sujet, on peut voir des blagues qui s'expriment. Chacun sait que ce sont des blagues sexistes, donc chacun sait que ce sont des blagues qui peuvent effectivement à un moment mettre mal à l'aise des gens. Et pourtant, là, entre ces deux personnes, ça se passe bien. J'y vois pas d'inconvénient, à partir du moment où le contrat est bien établi et que la blague est consentie, Néanmoins, si la blague est faite devant un collectif et que dans le collectif, il y a des personnes qui se sentent mal à l'aise à l'idée même que des blagues puissent être établies dans cette relation de confiance entre ces deux personnes, ils ont tout à fait le droit de le dire, de le partager, voire de signaler. Ce n'est pas parce que tu n'es pas destinataire de la blague que tu ne peux pas dire que tu es mal à l'aise. À partir du moment où une personne dans un collectif, même si elle n'est pas destinataire de la blague, est mal à l'aise, alors les comportements doivent cesser. Et donc l'écoute des destinataires des blagues est évidemment essentielle, mais l'écoute du collectif autour des destinataires est tout aussi importante.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est vraiment toujours facile de dire qu'une blague ou un compliment ne nous a pas fait rire ?

  • Speaker #1

    Alors, est-ce qu'on peut toujours dire qu'une blague ou un compliment ne nous a pas fait rire ? Et là, j'imagine que du coup, ce qu'on va chercher, c'est effectivement la dynamique d'autocensure. Est-ce que c'est facile de dire ta blague, elle est pourrie Non. Non, ce n'est pas facile de dire à quelqu'un que sa blague, elle est pourrie, parce qu'on n'est pas toujours dans une relation de confiance. Et puis, je l'ai dit déjà, dans l'entreprise, se jouent des normes culturelles, se jouent des positions hiérarchiques, se jouent des statuts. Et donc, on n'est jamais vraiment sûr que la personne en face de nous soit en capacité ou se sent autorisée à nous dire qu'on lui a fait du mal. Donc l'autocensure, c'est toujours le croisement entre qui je suis, ce que je veux dire et la situation dans laquelle je suis. Et donc la question à se poser, c'est pourquoi une personne s'empêcherait de nous dire que la blague est de mauvais goût ou que la blague ne l'a pas fait rire ? Sans doute parce qu'on est plus fort qu'elle. Plus fort au sens symbolique du terme, c'est-à-dire plus fort dans la norme qui est établie. Je vous donne un exemple. Prenons par exemple un chef d'entreprise qui ferait plein de blagues sexistes toute la journée, qui mettrait mal à l'aise ses collaborateurs et ses collaboratrices, mais qui ne s'en rendrait pas compte parce que tout le monde rigole. La bonne question à se poser n'est pas est-ce que les blagues sont drôles, mais est-ce que les gens rigolent parce que les blagues sont drôles ou parce que c'est le chef ? Évidemment que le doute est permis. Et donc c'est difficile d'observer le rire jaune, d'observer le rire franc. Et donc pour nous assurer d'un environnement non permissif et sain, il faut nous assurer que chacun a l'espace de dire là ça m'a pas fait rire sans avoir peur des conséquences.

  • Speaker #0

    C'est maintenant le temps de notre dernière séquence, possibles sur le frigo, et si on résumait tout ce qu'on vient de se dire en trois messages clés.

  • Speaker #1

    Alors si on résumait tout ce que je viens de dire en trois messages clés, je pense que le plus important, c'est vraiment d'ancrer partout qu'en matière de sexisme, c'est l'impact qui nous intéresse davantage que l'intention. L'intention, elle est souvent pas malveillante, donc il n'y a que l'impact qui compte. Et donc c'est pour ça qu'il faut vraiment augmenter notre empathie, augmenter notre écoute, ne pas... Hésiter à aller chercher du feedback sur un comportement et avoir l'humilité d'accepter parfois de présenter des excuses. La deuxième grande idée que je voudrais qu'on retienne, c'est que ce sujet est un chantier à ciel ouvert qui va continuer d'évoluer. Le curseur de ce qui est acceptable à bouger dans notre société, ça nous bouscule tous, mais c'est une bonne nouvelle. C'est une bonne nouvelle parce que ça nous invite tout simplement à faire... davantage attention aux autres. Donc en gardant en tête cette histoire d'impact et les petits réflexes que je vous ai un peu explicités, vous pourrez toujours naviguer dans les relations professionnelles, même quand elles vont continuer d'évoluer. Et puis la dernière idée, c'est que le signalement des agissements, que ce soit par la personne qui les subit ou par les témoins, est un droit fondamental de l'état de droit qui n'empêche rien à la présomption d'innocence. Donc les deux peuvent coexister. Le signalement, il est toujours utile, il est toujours juste et il est toujours légitime pour la simple et bonne raison que c'est la seule condition sine qua non pour prendre en compte une situation et des mesures correctives. Et puis enfin, parce que j'ai le droit d'en avoir un petit quatrième, c'est avant tout un sujet d'inclusion, mais c'est aussi... et peut-être de la même importance un sujet de prévention du risque psychosocial.

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Description

Pour ce 2ème épisode de notre podcast, Charlotte Ringrave, experte diversité et inclusion, est venue décrypter les causes et les effets d’une impression généralisée : en matière de relations femmes/hommes au travail, « on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire ». 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors, Charlotte, plongeons dans le sujet. Pourquoi entend-on aujourd'hui que l'on ne peut plus rien dire ou plus rien faire dans les relations femmes-hommes au travail ?

  • Speaker #1

    Alors, on entend qu'on ne peut plus rien dire et qu'on ne peut plus rien faire dans les relations femmes-hommes au travail, car on observe quand même un sentiment grandissant chaque année en légère hausse de gender fatigue. On est fatigué par le sujet. Donc, près de 7 femmes sur 10 et 6 hommes sur 10 ont déjà entendu ce type de phrase. On ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire. Dans le même temps, on a quand même 90% des hommes et des femmes, globalement, qui reconnaissent quand même les effets délétères du sexisme au travail. Donc on observe quand même que le sujet est vécu comme une privation de liberté, alors même qu'il y avait déjà beaucoup de choses qu'on ne pouvait pas faire au travail. Beaucoup de choses qui étaient interdites par le droit du travail. On ne peut pas prendre des congés quand on veut, on ne peut pas dire merde à son patron, on ne peut pas décider de ne pas aller à une réunion, on ne fait pas ce qu'on veut au travail. Donc la bonne question à se poser, ce n'est pas... Pourquoi on entend qu'on ne peut plus rien dire ou rien faire, c'est pourquoi ce sujet-là en particulier est vécu comme une privation de liberté. Et donc pour expliquer ça peut-être le plus simplement possible, c'est qu'aujourd'hui on est dans une phase où on interroge tout simplement les relations et les comportements entre les hommes et les femmes, dans une société qui a toujours été et est encore patriarcale, mais qui a bougé plus vite que les comportements et les mentalités. Donc on a un peu un avant. Après, alors avant quoi et après quoi ? C'est là que c'est intéressant, c'est un avant tout simplement, transformation économique et sociale, un avant mixité structurelle des métiers et des formations, un avant la diversification des modèles familiaux, un avant de l'avènement du soi, un avant des apports des neurosciences, et puis surtout un avant le séisme MeToo. Et dans cet avant, on avait des intentions qui étaient souvent de rire, de se complimenter, de se séduire, qui n'étaient pas malveillantes et avec un impact qui était globalement assez silencié. On internalisait beaucoup les stéréotypes, on reproduisait les schémas et on était dans un système un peu de déni ou d'autocensure face à ces schémas. Aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé dans notre société ces dernières années, on a les mêmes intentions, c'est-à-dire... les blagues, c'est-à-dire la séduction et les compliments, mais on a un impact qui n'est plus du tout silencié. On observe une augmentation tout simplement de l'expression de l'impact par le refus des stéréotypes, par la volonté forte de remettre en cause les schémas et par une libération de la parole apportée par le mouvement MeToo.

  • Speaker #0

    Et de quels comportements parle-t-on ?

  • Speaker #1

    Alors, les comportements qui, du coup, évoluent moins vite que la société sont des comportements qui sont définis. dans le cadre du travail sous l'appellation sexisme ordinaire ou sous l'appellation agissement sexiste. Quand on parle de sexisme ordinaire, on regroupe l'ensemble des propos et des agissements qui sont conscients ou inconscients et qui vont procéder d'une asymétrie de traitement en fonction du sexe. C'est-à-dire qu'on ne va pas agir de la même façon, on ne va pas dire les mêmes choses en fonction du sexe de la personne à qui on s'adresse. Je vous rappelle ici que le sexe fait partie des 25 critères de discrimination identifiés par la loi de 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Donc, dans un premier temps, on a ce cadre légal-là. Et puis, on a aussi une autre définition qui va définir les agissements sexistes, donc la partie la plus hostile du sexisme, dans le Code du travail depuis 2015. Donc, le législateur, il est complètement dans son rôle. Il va légiférer sur ce qui fait mal au quotidien. Et donc, il va prohiber tout agissement lié au sexe d'une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Donc on parle de comportements qui, d'une façon ou d'une autre, dégradent des conditions de travail. Et avec l'expression du pour-objet ou pour-effet, on remarque que l'impact est au cœur de la caractérisation. Et que dans une société où l'impact est de moins en moins silencié, forcément, on a de plus en plus de signalements ou de plaintes. Et cette impression qu'on ne peut plus rien faire.

  • Speaker #0

    Est-ce que du coup, on va vers une société aseptisée ?

  • Speaker #1

    Alors c'est souvent la question qu'on me pose. Est-ce qu'on va vers une société où ce serait comme aux Etats-Unis, on ne pourrait plus rien faire, avec ce fantasme d'un ascenseur pour les femmes, d'un ascenseur pour les hommes, de bureaux en plexiglas ? Donc cette aseptisation de la société qui nous fait peur culturellement en France, et ça a raison de nous faire peur, parce que ce n'est pas drôle une société qui est complètement aseptisée. Alors la bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas ce qu'on cherche à faire. Pas ce qu'on cherche à faire du tout même. On ne veut ni une guerre des sexes, donc ni une guerre des hommes contre les femmes ou des femmes contre les hommes, ni une société dans laquelle on aurait des relations qui seraient tellement régulées que finalement on n'oserait plus rien faire. Et donc on ne veut pas d'une société politiquement correcte, on ne veut pas d'une société de la pensée unique, on veut pouvoir continuer de rire, parce que le rire c'est le propre de l'homme, on veut pouvoir continuer d'être sympa les uns avec les autres et donc potentiellement de se faire des compliments, et surtout on veut aussi pouvoir... continuer de se séduire, y compris au travail. Donc l'enjeu, ça va être de se responsabiliser, tous à notre niveau, avec quelques petits réflexes qu'on doit prendre en compte, tout simplement, pour maîtriser l'impact de nos comportements. Donc là, c'est vraiment quelque chose qui va de l'ordre un peu du chantier à ciel ouvert. On réinterroge nos relations et nos comportements. Entre les hommes et les femmes, et on va continuer de les réinterroger dans les années qui arrivent. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, parce que ça nécessite tout simplement de prendre en compte l'autre. Donc par exemple, quelques petits conseils sur les blagues. Il y a des endroits où on peut rire de tout. Par exemple, quand vous allez voir un spectacle d'humour, vous payez pour rigoler avec l'artiste. Il y a un contrat qui se crée entre vous et l'artiste, peu importe d'ailleurs l'obédience de l'artiste. En entreprise, on a des normes culturelles, on a des statuts, on a des positions hiérarchiques, donc ça devient tout de suite un peu plus compliqué. Donc déjà, rien que pour ça, pour la blague, toujours se souvenir que l'objectif n'est pas de rire contre l'autre, mais bien avec l'autre. Donc il faut prendre en compte cette culture d'entreprise et toujours se demander si la personne à qui on fait une blague a la possibilité de nous dire, sans avoir peur des conséquences, que sa blague n'est pas drôle. Concernant la séduction, on a presque 17% des couples qui se forment au travail. Alors ce serait vraiment très dommageable de s'en priver. Donc deux petites règles à respecter. La première, c'est bien sûr le respect. Et la deuxième, c'est le consentement qui doit être clair et explicite. Donc si vous avez envie d'inviter un collègue ou une collègue à boire un verre dans une optique de séduction, c'est possible à partir du moment où cette personne est pleinement d'accord. Comment on fait pour savoir si elle est pleinement d'accord ? Tout simplement, on pose la question. Attention à bien garder en tête que dans un rapport hiérarchique, on ne peut pas être sûr que la personne est en capacité de nous dire non. Et puis si on nous dit non, on accepte le râteau et on ne change rien à son comportement après parce que c'est là, bien sûr, que peut commencer évidemment la dynamique de harcèlement sexuel. Et puis enfin, le compliment, on peut toujours complimenter, reconnaître le travail de chacun. C'est fondamental d'ailleurs de pouvoir reconnaître les efforts, les résultats, les compétences dans un contexte professionnel. Ça participe à l'engagement. En revanche, tous les compliments sur le physique sont toujours un peu plus touchy. Donc il faut prendre en compte pour pouvoir les faire, le contexte, à qui on les fait, dans quelle situation. S'assurer que le commentaire, le compliment est vraiment bienveillant et faire attention au dosage. Bien sûr, ce n'est pas du tout la même chose de complimenter une jeune femme qui aurait une belle robe un matin à 9h du matin quand elle arrive à tiens, t'as une jolie robe aujourd'hui que de le faire tous les jours à 18h30 dans un open space désert.

  • Speaker #0

    Et le collectif, est-ce qu'il a un rôle à jouer ?

  • Speaker #1

    Alors face aux agissements sexistes et à la répétition des agissements sexistes qui peuvent donner lieu au harcèlement sexuel, c'est bien la répétition des agissements sexistes qui, dans sa première définition, qualifie le harcèlement sexuel. Les témoins ont un rôle primordial, parce que le premier rôle du collectif, c'est celui de prévention, à travers un principe qu'on appelle un principe de co-vigilance, c'est-à-dire un principe de bienveillance accordé à l'autre. Donc, les témoins ont un rôle, celui de faire d'un environnement un environnement qui ne soit pas permissif et qui n'autorise pas implicitement ou explicitement la répétition de ses comportements. Plus un environnement va être permissif, même sur des petites blagues ou des petits compliments ou du c'est pas si grave plus on se donne des chances de voir décompenser des comportements dysfonctionnels. Donc il faut, grâce aux témoins, grâce à la co-vigilance, grâce à l'action des témoins, créer cet environnement qui soit un environnement contraignant et qui empêche cette décompensation. Néanmoins, ce n'est pas forcément toujours facile d'agir quand on est témoin, sinon ce serait trop simple. Ce n'est pas facile d'agir pour trois raisons principales. La première, c'est la dilution de la responsabilité. Est-ce que si j'agis... Je ne vais pas, moi, devoir essuyer les conséquences de mon action, et pourquoi ce ne serait pas quelqu'un d'autre qui essuierait ces conséquences ? Donc plus il y a de monde et plus on se dit que quelqu'un d'autre va agir, l'appréhension de l'évaluation, on n'est pas toujours sûr de bien l'interpréter. Comprendre la dynamique insidieuse du sexisme, c'est savoir mettre les bonnes lunettes. pour le repérer même dans les détails. Et donc, il y a aussi beaucoup de personnes qui ont du mal à naviguer dans les concepts encore aujourd'hui. Ce n'est pas de leur faute, mais ça crée cette impréhension de l'évaluation qui peut empêcher l'action des témoins. Et puis, le dernier frein à l'action des témoins, c'est ce qu'on appelle l'influence sociale. C'est la peur, tout simplement, de passer pour le féministe de service si je dis que je ne suis pas d'accord avec une blague ou avec un comportement. Donc, tout ça... se joue à la lumière, à l'aune de la culture d'entreprise. Une culture d'entreprise qui serait très permissive avec ces comportements-là aurait moins de chances de voir intervenir des témoins qui auraient peur de passer pour des rabat-joies.

  • Speaker #0

    Par exemple, qu'est-ce que je fais si ma blague ou mon compliment passent mal ?

  • Speaker #1

    Si ma blague ou mon compliment passent mal, déjà avoir l'humilité d'accepter que chacun est différent. Quand on fait une blague à quelqu'un, va se jouer dans la relation notre identité, notre culture, notre expérience, notre statut hiérarchique, l'éducation qu'on a eue, la façon dont on se projette dans l'entreprise, dans la société, etc. Donc, c'est jamais anodin, en fait. Donc, le risque, c'est vraiment d'imaginer que parce que c'est une blague, c'est anodin. Et ça, il faut vraiment essayer de sortir de ça. Donc quand ma blague passe mal parce qu'elle peut mal passer, ça ne fait pas de moi une mauvaise personne, ça fait de moi une bonne personne qui a fait une mauvaise blague. Eh bien, j'ai l'humilité de le reconnaître. Je laisse une grande place à l'empathie, donc je suis à l'affût des réactions de l'autre. Et si j'observe un malaise, alors je peux toujours présenter des excuses. Il s'agit du coup d'oser entendre que la personne l'a mal pris. et d'oser présenter des excuses parce qu'une personne qui est mal à l'aise avec notre comportement a bien sûr tout le droit de nous le demander.

  • Speaker #0

    Et si ma blague passe bien, pour moi, mais dérange mes collègues ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est aussi une question qu'on me pose souvent. C'est vrai que parfois, entre deux personnes qui se connaissent bien, où la relation est très établie, avec deux personnes qui sont conscientisées sur le sujet, on peut voir des blagues qui s'expriment. Chacun sait que ce sont des blagues sexistes, donc chacun sait que ce sont des blagues qui peuvent effectivement à un moment mettre mal à l'aise des gens. Et pourtant, là, entre ces deux personnes, ça se passe bien. J'y vois pas d'inconvénient, à partir du moment où le contrat est bien établi et que la blague est consentie, Néanmoins, si la blague est faite devant un collectif et que dans le collectif, il y a des personnes qui se sentent mal à l'aise à l'idée même que des blagues puissent être établies dans cette relation de confiance entre ces deux personnes, ils ont tout à fait le droit de le dire, de le partager, voire de signaler. Ce n'est pas parce que tu n'es pas destinataire de la blague que tu ne peux pas dire que tu es mal à l'aise. À partir du moment où une personne dans un collectif, même si elle n'est pas destinataire de la blague, est mal à l'aise, alors les comportements doivent cesser. Et donc l'écoute des destinataires des blagues est évidemment essentielle, mais l'écoute du collectif autour des destinataires est tout aussi importante.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est vraiment toujours facile de dire qu'une blague ou un compliment ne nous a pas fait rire ?

  • Speaker #1

    Alors, est-ce qu'on peut toujours dire qu'une blague ou un compliment ne nous a pas fait rire ? Et là, j'imagine que du coup, ce qu'on va chercher, c'est effectivement la dynamique d'autocensure. Est-ce que c'est facile de dire ta blague, elle est pourrie Non. Non, ce n'est pas facile de dire à quelqu'un que sa blague, elle est pourrie, parce qu'on n'est pas toujours dans une relation de confiance. Et puis, je l'ai dit déjà, dans l'entreprise, se jouent des normes culturelles, se jouent des positions hiérarchiques, se jouent des statuts. Et donc, on n'est jamais vraiment sûr que la personne en face de nous soit en capacité ou se sent autorisée à nous dire qu'on lui a fait du mal. Donc l'autocensure, c'est toujours le croisement entre qui je suis, ce que je veux dire et la situation dans laquelle je suis. Et donc la question à se poser, c'est pourquoi une personne s'empêcherait de nous dire que la blague est de mauvais goût ou que la blague ne l'a pas fait rire ? Sans doute parce qu'on est plus fort qu'elle. Plus fort au sens symbolique du terme, c'est-à-dire plus fort dans la norme qui est établie. Je vous donne un exemple. Prenons par exemple un chef d'entreprise qui ferait plein de blagues sexistes toute la journée, qui mettrait mal à l'aise ses collaborateurs et ses collaboratrices, mais qui ne s'en rendrait pas compte parce que tout le monde rigole. La bonne question à se poser n'est pas est-ce que les blagues sont drôles, mais est-ce que les gens rigolent parce que les blagues sont drôles ou parce que c'est le chef ? Évidemment que le doute est permis. Et donc c'est difficile d'observer le rire jaune, d'observer le rire franc. Et donc pour nous assurer d'un environnement non permissif et sain, il faut nous assurer que chacun a l'espace de dire là ça m'a pas fait rire sans avoir peur des conséquences.

  • Speaker #0

    C'est maintenant le temps de notre dernière séquence, possibles sur le frigo, et si on résumait tout ce qu'on vient de se dire en trois messages clés.

  • Speaker #1

    Alors si on résumait tout ce que je viens de dire en trois messages clés, je pense que le plus important, c'est vraiment d'ancrer partout qu'en matière de sexisme, c'est l'impact qui nous intéresse davantage que l'intention. L'intention, elle est souvent pas malveillante, donc il n'y a que l'impact qui compte. Et donc c'est pour ça qu'il faut vraiment augmenter notre empathie, augmenter notre écoute, ne pas... Hésiter à aller chercher du feedback sur un comportement et avoir l'humilité d'accepter parfois de présenter des excuses. La deuxième grande idée que je voudrais qu'on retienne, c'est que ce sujet est un chantier à ciel ouvert qui va continuer d'évoluer. Le curseur de ce qui est acceptable à bouger dans notre société, ça nous bouscule tous, mais c'est une bonne nouvelle. C'est une bonne nouvelle parce que ça nous invite tout simplement à faire... davantage attention aux autres. Donc en gardant en tête cette histoire d'impact et les petits réflexes que je vous ai un peu explicités, vous pourrez toujours naviguer dans les relations professionnelles, même quand elles vont continuer d'évoluer. Et puis la dernière idée, c'est que le signalement des agissements, que ce soit par la personne qui les subit ou par les témoins, est un droit fondamental de l'état de droit qui n'empêche rien à la présomption d'innocence. Donc les deux peuvent coexister. Le signalement, il est toujours utile, il est toujours juste et il est toujours légitime pour la simple et bonne raison que c'est la seule condition sine qua non pour prendre en compte une situation et des mesures correctives. Et puis enfin, parce que j'ai le droit d'en avoir un petit quatrième, c'est avant tout un sujet d'inclusion, mais c'est aussi... et peut-être de la même importance un sujet de prévention du risque psychosocial.

Description

Pour ce 2ème épisode de notre podcast, Charlotte Ringrave, experte diversité et inclusion, est venue décrypter les causes et les effets d’une impression généralisée : en matière de relations femmes/hommes au travail, « on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire ». 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Alors, Charlotte, plongeons dans le sujet. Pourquoi entend-on aujourd'hui que l'on ne peut plus rien dire ou plus rien faire dans les relations femmes-hommes au travail ?

  • Speaker #1

    Alors, on entend qu'on ne peut plus rien dire et qu'on ne peut plus rien faire dans les relations femmes-hommes au travail, car on observe quand même un sentiment grandissant chaque année en légère hausse de gender fatigue. On est fatigué par le sujet. Donc, près de 7 femmes sur 10 et 6 hommes sur 10 ont déjà entendu ce type de phrase. On ne peut plus rien dire, on ne peut plus rien faire. Dans le même temps, on a quand même 90% des hommes et des femmes, globalement, qui reconnaissent quand même les effets délétères du sexisme au travail. Donc on observe quand même que le sujet est vécu comme une privation de liberté, alors même qu'il y avait déjà beaucoup de choses qu'on ne pouvait pas faire au travail. Beaucoup de choses qui étaient interdites par le droit du travail. On ne peut pas prendre des congés quand on veut, on ne peut pas dire merde à son patron, on ne peut pas décider de ne pas aller à une réunion, on ne fait pas ce qu'on veut au travail. Donc la bonne question à se poser, ce n'est pas... Pourquoi on entend qu'on ne peut plus rien dire ou rien faire, c'est pourquoi ce sujet-là en particulier est vécu comme une privation de liberté. Et donc pour expliquer ça peut-être le plus simplement possible, c'est qu'aujourd'hui on est dans une phase où on interroge tout simplement les relations et les comportements entre les hommes et les femmes, dans une société qui a toujours été et est encore patriarcale, mais qui a bougé plus vite que les comportements et les mentalités. Donc on a un peu un avant. Après, alors avant quoi et après quoi ? C'est là que c'est intéressant, c'est un avant tout simplement, transformation économique et sociale, un avant mixité structurelle des métiers et des formations, un avant la diversification des modèles familiaux, un avant de l'avènement du soi, un avant des apports des neurosciences, et puis surtout un avant le séisme MeToo. Et dans cet avant, on avait des intentions qui étaient souvent de rire, de se complimenter, de se séduire, qui n'étaient pas malveillantes et avec un impact qui était globalement assez silencié. On internalisait beaucoup les stéréotypes, on reproduisait les schémas et on était dans un système un peu de déni ou d'autocensure face à ces schémas. Aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé dans notre société ces dernières années, on a les mêmes intentions, c'est-à-dire... les blagues, c'est-à-dire la séduction et les compliments, mais on a un impact qui n'est plus du tout silencié. On observe une augmentation tout simplement de l'expression de l'impact par le refus des stéréotypes, par la volonté forte de remettre en cause les schémas et par une libération de la parole apportée par le mouvement MeToo.

  • Speaker #0

    Et de quels comportements parle-t-on ?

  • Speaker #1

    Alors, les comportements qui, du coup, évoluent moins vite que la société sont des comportements qui sont définis. dans le cadre du travail sous l'appellation sexisme ordinaire ou sous l'appellation agissement sexiste. Quand on parle de sexisme ordinaire, on regroupe l'ensemble des propos et des agissements qui sont conscients ou inconscients et qui vont procéder d'une asymétrie de traitement en fonction du sexe. C'est-à-dire qu'on ne va pas agir de la même façon, on ne va pas dire les mêmes choses en fonction du sexe de la personne à qui on s'adresse. Je vous rappelle ici que le sexe fait partie des 25 critères de discrimination identifiés par la loi de 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Donc, dans un premier temps, on a ce cadre légal-là. Et puis, on a aussi une autre définition qui va définir les agissements sexistes, donc la partie la plus hostile du sexisme, dans le Code du travail depuis 2015. Donc, le législateur, il est complètement dans son rôle. Il va légiférer sur ce qui fait mal au quotidien. Et donc, il va prohiber tout agissement lié au sexe d'une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Donc on parle de comportements qui, d'une façon ou d'une autre, dégradent des conditions de travail. Et avec l'expression du pour-objet ou pour-effet, on remarque que l'impact est au cœur de la caractérisation. Et que dans une société où l'impact est de moins en moins silencié, forcément, on a de plus en plus de signalements ou de plaintes. Et cette impression qu'on ne peut plus rien faire.

  • Speaker #0

    Est-ce que du coup, on va vers une société aseptisée ?

  • Speaker #1

    Alors c'est souvent la question qu'on me pose. Est-ce qu'on va vers une société où ce serait comme aux Etats-Unis, on ne pourrait plus rien faire, avec ce fantasme d'un ascenseur pour les femmes, d'un ascenseur pour les hommes, de bureaux en plexiglas ? Donc cette aseptisation de la société qui nous fait peur culturellement en France, et ça a raison de nous faire peur, parce que ce n'est pas drôle une société qui est complètement aseptisée. Alors la bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas ce qu'on cherche à faire. Pas ce qu'on cherche à faire du tout même. On ne veut ni une guerre des sexes, donc ni une guerre des hommes contre les femmes ou des femmes contre les hommes, ni une société dans laquelle on aurait des relations qui seraient tellement régulées que finalement on n'oserait plus rien faire. Et donc on ne veut pas d'une société politiquement correcte, on ne veut pas d'une société de la pensée unique, on veut pouvoir continuer de rire, parce que le rire c'est le propre de l'homme, on veut pouvoir continuer d'être sympa les uns avec les autres et donc potentiellement de se faire des compliments, et surtout on veut aussi pouvoir... continuer de se séduire, y compris au travail. Donc l'enjeu, ça va être de se responsabiliser, tous à notre niveau, avec quelques petits réflexes qu'on doit prendre en compte, tout simplement, pour maîtriser l'impact de nos comportements. Donc là, c'est vraiment quelque chose qui va de l'ordre un peu du chantier à ciel ouvert. On réinterroge nos relations et nos comportements. Entre les hommes et les femmes, et on va continuer de les réinterroger dans les années qui arrivent. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, parce que ça nécessite tout simplement de prendre en compte l'autre. Donc par exemple, quelques petits conseils sur les blagues. Il y a des endroits où on peut rire de tout. Par exemple, quand vous allez voir un spectacle d'humour, vous payez pour rigoler avec l'artiste. Il y a un contrat qui se crée entre vous et l'artiste, peu importe d'ailleurs l'obédience de l'artiste. En entreprise, on a des normes culturelles, on a des statuts, on a des positions hiérarchiques, donc ça devient tout de suite un peu plus compliqué. Donc déjà, rien que pour ça, pour la blague, toujours se souvenir que l'objectif n'est pas de rire contre l'autre, mais bien avec l'autre. Donc il faut prendre en compte cette culture d'entreprise et toujours se demander si la personne à qui on fait une blague a la possibilité de nous dire, sans avoir peur des conséquences, que sa blague n'est pas drôle. Concernant la séduction, on a presque 17% des couples qui se forment au travail. Alors ce serait vraiment très dommageable de s'en priver. Donc deux petites règles à respecter. La première, c'est bien sûr le respect. Et la deuxième, c'est le consentement qui doit être clair et explicite. Donc si vous avez envie d'inviter un collègue ou une collègue à boire un verre dans une optique de séduction, c'est possible à partir du moment où cette personne est pleinement d'accord. Comment on fait pour savoir si elle est pleinement d'accord ? Tout simplement, on pose la question. Attention à bien garder en tête que dans un rapport hiérarchique, on ne peut pas être sûr que la personne est en capacité de nous dire non. Et puis si on nous dit non, on accepte le râteau et on ne change rien à son comportement après parce que c'est là, bien sûr, que peut commencer évidemment la dynamique de harcèlement sexuel. Et puis enfin, le compliment, on peut toujours complimenter, reconnaître le travail de chacun. C'est fondamental d'ailleurs de pouvoir reconnaître les efforts, les résultats, les compétences dans un contexte professionnel. Ça participe à l'engagement. En revanche, tous les compliments sur le physique sont toujours un peu plus touchy. Donc il faut prendre en compte pour pouvoir les faire, le contexte, à qui on les fait, dans quelle situation. S'assurer que le commentaire, le compliment est vraiment bienveillant et faire attention au dosage. Bien sûr, ce n'est pas du tout la même chose de complimenter une jeune femme qui aurait une belle robe un matin à 9h du matin quand elle arrive à tiens, t'as une jolie robe aujourd'hui que de le faire tous les jours à 18h30 dans un open space désert.

  • Speaker #0

    Et le collectif, est-ce qu'il a un rôle à jouer ?

  • Speaker #1

    Alors face aux agissements sexistes et à la répétition des agissements sexistes qui peuvent donner lieu au harcèlement sexuel, c'est bien la répétition des agissements sexistes qui, dans sa première définition, qualifie le harcèlement sexuel. Les témoins ont un rôle primordial, parce que le premier rôle du collectif, c'est celui de prévention, à travers un principe qu'on appelle un principe de co-vigilance, c'est-à-dire un principe de bienveillance accordé à l'autre. Donc, les témoins ont un rôle, celui de faire d'un environnement un environnement qui ne soit pas permissif et qui n'autorise pas implicitement ou explicitement la répétition de ses comportements. Plus un environnement va être permissif, même sur des petites blagues ou des petits compliments ou du c'est pas si grave plus on se donne des chances de voir décompenser des comportements dysfonctionnels. Donc il faut, grâce aux témoins, grâce à la co-vigilance, grâce à l'action des témoins, créer cet environnement qui soit un environnement contraignant et qui empêche cette décompensation. Néanmoins, ce n'est pas forcément toujours facile d'agir quand on est témoin, sinon ce serait trop simple. Ce n'est pas facile d'agir pour trois raisons principales. La première, c'est la dilution de la responsabilité. Est-ce que si j'agis... Je ne vais pas, moi, devoir essuyer les conséquences de mon action, et pourquoi ce ne serait pas quelqu'un d'autre qui essuierait ces conséquences ? Donc plus il y a de monde et plus on se dit que quelqu'un d'autre va agir, l'appréhension de l'évaluation, on n'est pas toujours sûr de bien l'interpréter. Comprendre la dynamique insidieuse du sexisme, c'est savoir mettre les bonnes lunettes. pour le repérer même dans les détails. Et donc, il y a aussi beaucoup de personnes qui ont du mal à naviguer dans les concepts encore aujourd'hui. Ce n'est pas de leur faute, mais ça crée cette impréhension de l'évaluation qui peut empêcher l'action des témoins. Et puis, le dernier frein à l'action des témoins, c'est ce qu'on appelle l'influence sociale. C'est la peur, tout simplement, de passer pour le féministe de service si je dis que je ne suis pas d'accord avec une blague ou avec un comportement. Donc, tout ça... se joue à la lumière, à l'aune de la culture d'entreprise. Une culture d'entreprise qui serait très permissive avec ces comportements-là aurait moins de chances de voir intervenir des témoins qui auraient peur de passer pour des rabat-joies.

  • Speaker #0

    Par exemple, qu'est-ce que je fais si ma blague ou mon compliment passent mal ?

  • Speaker #1

    Si ma blague ou mon compliment passent mal, déjà avoir l'humilité d'accepter que chacun est différent. Quand on fait une blague à quelqu'un, va se jouer dans la relation notre identité, notre culture, notre expérience, notre statut hiérarchique, l'éducation qu'on a eue, la façon dont on se projette dans l'entreprise, dans la société, etc. Donc, c'est jamais anodin, en fait. Donc, le risque, c'est vraiment d'imaginer que parce que c'est une blague, c'est anodin. Et ça, il faut vraiment essayer de sortir de ça. Donc quand ma blague passe mal parce qu'elle peut mal passer, ça ne fait pas de moi une mauvaise personne, ça fait de moi une bonne personne qui a fait une mauvaise blague. Eh bien, j'ai l'humilité de le reconnaître. Je laisse une grande place à l'empathie, donc je suis à l'affût des réactions de l'autre. Et si j'observe un malaise, alors je peux toujours présenter des excuses. Il s'agit du coup d'oser entendre que la personne l'a mal pris. et d'oser présenter des excuses parce qu'une personne qui est mal à l'aise avec notre comportement a bien sûr tout le droit de nous le demander.

  • Speaker #0

    Et si ma blague passe bien, pour moi, mais dérange mes collègues ?

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est aussi une question qu'on me pose souvent. C'est vrai que parfois, entre deux personnes qui se connaissent bien, où la relation est très établie, avec deux personnes qui sont conscientisées sur le sujet, on peut voir des blagues qui s'expriment. Chacun sait que ce sont des blagues sexistes, donc chacun sait que ce sont des blagues qui peuvent effectivement à un moment mettre mal à l'aise des gens. Et pourtant, là, entre ces deux personnes, ça se passe bien. J'y vois pas d'inconvénient, à partir du moment où le contrat est bien établi et que la blague est consentie, Néanmoins, si la blague est faite devant un collectif et que dans le collectif, il y a des personnes qui se sentent mal à l'aise à l'idée même que des blagues puissent être établies dans cette relation de confiance entre ces deux personnes, ils ont tout à fait le droit de le dire, de le partager, voire de signaler. Ce n'est pas parce que tu n'es pas destinataire de la blague que tu ne peux pas dire que tu es mal à l'aise. À partir du moment où une personne dans un collectif, même si elle n'est pas destinataire de la blague, est mal à l'aise, alors les comportements doivent cesser. Et donc l'écoute des destinataires des blagues est évidemment essentielle, mais l'écoute du collectif autour des destinataires est tout aussi importante.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il est vraiment toujours facile de dire qu'une blague ou un compliment ne nous a pas fait rire ?

  • Speaker #1

    Alors, est-ce qu'on peut toujours dire qu'une blague ou un compliment ne nous a pas fait rire ? Et là, j'imagine que du coup, ce qu'on va chercher, c'est effectivement la dynamique d'autocensure. Est-ce que c'est facile de dire ta blague, elle est pourrie Non. Non, ce n'est pas facile de dire à quelqu'un que sa blague, elle est pourrie, parce qu'on n'est pas toujours dans une relation de confiance. Et puis, je l'ai dit déjà, dans l'entreprise, se jouent des normes culturelles, se jouent des positions hiérarchiques, se jouent des statuts. Et donc, on n'est jamais vraiment sûr que la personne en face de nous soit en capacité ou se sent autorisée à nous dire qu'on lui a fait du mal. Donc l'autocensure, c'est toujours le croisement entre qui je suis, ce que je veux dire et la situation dans laquelle je suis. Et donc la question à se poser, c'est pourquoi une personne s'empêcherait de nous dire que la blague est de mauvais goût ou que la blague ne l'a pas fait rire ? Sans doute parce qu'on est plus fort qu'elle. Plus fort au sens symbolique du terme, c'est-à-dire plus fort dans la norme qui est établie. Je vous donne un exemple. Prenons par exemple un chef d'entreprise qui ferait plein de blagues sexistes toute la journée, qui mettrait mal à l'aise ses collaborateurs et ses collaboratrices, mais qui ne s'en rendrait pas compte parce que tout le monde rigole. La bonne question à se poser n'est pas est-ce que les blagues sont drôles, mais est-ce que les gens rigolent parce que les blagues sont drôles ou parce que c'est le chef ? Évidemment que le doute est permis. Et donc c'est difficile d'observer le rire jaune, d'observer le rire franc. Et donc pour nous assurer d'un environnement non permissif et sain, il faut nous assurer que chacun a l'espace de dire là ça m'a pas fait rire sans avoir peur des conséquences.

  • Speaker #0

    C'est maintenant le temps de notre dernière séquence, possibles sur le frigo, et si on résumait tout ce qu'on vient de se dire en trois messages clés.

  • Speaker #1

    Alors si on résumait tout ce que je viens de dire en trois messages clés, je pense que le plus important, c'est vraiment d'ancrer partout qu'en matière de sexisme, c'est l'impact qui nous intéresse davantage que l'intention. L'intention, elle est souvent pas malveillante, donc il n'y a que l'impact qui compte. Et donc c'est pour ça qu'il faut vraiment augmenter notre empathie, augmenter notre écoute, ne pas... Hésiter à aller chercher du feedback sur un comportement et avoir l'humilité d'accepter parfois de présenter des excuses. La deuxième grande idée que je voudrais qu'on retienne, c'est que ce sujet est un chantier à ciel ouvert qui va continuer d'évoluer. Le curseur de ce qui est acceptable à bouger dans notre société, ça nous bouscule tous, mais c'est une bonne nouvelle. C'est une bonne nouvelle parce que ça nous invite tout simplement à faire... davantage attention aux autres. Donc en gardant en tête cette histoire d'impact et les petits réflexes que je vous ai un peu explicités, vous pourrez toujours naviguer dans les relations professionnelles, même quand elles vont continuer d'évoluer. Et puis la dernière idée, c'est que le signalement des agissements, que ce soit par la personne qui les subit ou par les témoins, est un droit fondamental de l'état de droit qui n'empêche rien à la présomption d'innocence. Donc les deux peuvent coexister. Le signalement, il est toujours utile, il est toujours juste et il est toujours légitime pour la simple et bonne raison que c'est la seule condition sine qua non pour prendre en compte une situation et des mesures correctives. Et puis enfin, parce que j'ai le droit d'en avoir un petit quatrième, c'est avant tout un sujet d'inclusion, mais c'est aussi... et peut-être de la même importance un sujet de prévention du risque psychosocial.

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