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Antidot - Le podcast qui interroge notre rapport au conflit

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28min |10/02/2024
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Description

Dans ce quatrième épisode du podcast, je reçois Dominique Dollois, avocate honoraire au Barreau de Paris, psychothérapeute, médiatrice, formatrice et animatrice de groupe d’analyse de pratique.


Nous évoquons ensemble : 



  • Son cheminement personnel qui l’a conduit à ouvrir en parallèle de son cabinet d’avocat, un cabinet de psychothérapie après avoir découvert l’approche centrée sur la personne puis sa volonté de faire connaitre cette approche au Palais de Justice 


  • L’approche centrée sur la personne (ACP) théorisée par Carl ROGERS et la médiation comme relation d’aide pour trouver en soi son propre chemin 


  • Le travail sur soi où comment passer de l’état d’«incompétent inconscient » à celui de compétent inconscient, 


  • L’écoute active, ce qui est important pour bien écouter, le rôle de la confiance et du regard positif de l’écoutant


  • L’accueil des émotions du médiant en médiation et la tranquillité du médiateur 


  • La démarche de formation à la médiation, la prise de conscience de nos prismes et le rôle du conflit dans le développement de l’individu


  • L’engouement des formations à la médiation et sa portée transformative sur le monde   



Professionnels de l’accompagnement, cet échange devait vous ravir !



Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bonjour, vous écoutez

  • #1

    Antidote, le podcast qui interroge notre rapport au conflit. Je m'appelle Émilie Thivet-Grivel, je suis avocate et médiatrice, fondatrice du cabinet ETG Avocats, et chaque mois, je vais à la rencontre de professionnels qui apportent un éclairage à nos questions. Comment dépasser ces conflits qui entravent nos vies ? Comment rétablir un dialogue avec cet autre avec lequel on doit faire ? C'est l'objet de ce podcast que de vous partager mes rencontres et outils de réflexion pour changer de regard sur la conflictualité et l'organiser autrement.

  • #0

    Aujourd'hui, je reçois Dominique Deloy. Bonjour Dominique.

  • #2

    Bonjour Émilie.

  • #0

    Dominique, tu es avocate au Barreau de Paris, tu as prêté serment en 1979, tu es avocate honoraire depuis 2019, ce qui veut dire que tu n'exerces plus la profession d'avocat, mais tu es médiatrice, formatrice, animatrice de groupes d'analyse de pratiques, et tu es aussi formée à la psychothérapie et à la PNL, si je ne me trompe pas. C'est bien ça ? Je sais tout. Alors, première question que je voudrais te demander. Comment tu es venue à la médiation ? Est-ce que cela a été progressif le fruit d'une évolution assez naturelle ? Ou est-ce que cette orientation dans ta carrière d'avocat est en lien avec un événement qui t'a conduit à prendre ce virage ?

  • #2

    Alors, c'est plutôt le fruit d'une évolution, dans la mesure où, tout jeune avocat, j'ai éprouvé le besoin de faire un travail de développement personnel. Je suis tombée dans l'approche centrée sur la personne de Carl Rogers, dont sans doute on reparlera. J'ai fait ce travail et puis à un moment donné, j'ai éprouvé le besoin de faire une formation de psychothérapeute dans l'approche centrée sur la personne et qui est venue nourrir ma pratique d'avocat. Et à un moment donné, je me suis retrouvée, c'était vers les années 96-98, dans la situation d'avoir à la fois un cabinet d'avocat et par ailleurs un cabinet de psychothérapeute, de psychoprèse. praticien. Donc c'était un peu compliqué, je travaillais énormément, j'ai participé à la fondation aussi d'un institut de formation rogerien ACP Formation et à un moment c'était plus tenable et j'ai fait ce que l'on appelle une constellation familiale, alors je ne sais pas si tu sais ce que sont les constellations familiales, qui m'a permis de travailler sur la part de moi qui était avocat et la part de moi qui était thérapeute pour essayer de trouver quelque chose de l'ordre d'un équilibre. Et j'ai été très surprise lors de cette constellation, qui met en scène des parts de la personne, de mon intériorité, d'éprouver un chagrin monumental quand l'animatrice a demandé à l'avocat, puisque je disais je ne sais pas si je veux continuer à être avocat, a demandé à l'avocat de partir, de s'en aller. Et à ce moment-là, j'ai été prise d'un chagrin absolument invraisemblable que je n'attendais pas du tout. Et j'ai réalisé que pour trouver mon équilibre, il fallait que... Je sois à la fois dans le monde de la justice, qui était mon monde, et en même temps apporter tout ce que j'avais pu apprendre en termes de psychothérapie, en termes d'accompagnement des personnes. Et alors là, je me suis lancée le défi d'apporter l'approche centrée sur la personne au Palais de Justice de Paris, puisque c'était mon barreau.

  • #0

    D'accord, donc en fait, ça a été plutôt une conciliation, la médiation. Tu n'as pas encore utilisé ce mot-là, mais finalement une conciliation de... de casquettes ?

  • #2

    Absolument. Et à ce moment-là, la médiation est apparue dans des formations. Je me suis demandé comment unir ces deux parts de moi. Et c'est à ce moment-là que je me suis formée à la médiation dans les premières formations qui se mettaient en place à l'époque.

  • #0

    D'accord. Donc, c'est d'abord la découverte de la psychothérapie et de cette approche-là dont on va effectivement parler qui t'a emmenée sur le chemin de la médiation. Et du coup, ton cheminement en termes de formation, Tu t'es formée à la médiation après ?

  • #2

    Alors je me suis formée à la médiation quasiment dans la ligne droite de cette constellation familiale qui m'avait permis de prendre conscience de ce que je resterais avocat, mais que je souhaitais apporter une dimension psychologique. Donc à ce moment-là, il y avait une association qui s'appelait l'AAF, l'Association des avocats de la famille. Et je me suis dit, alors que je faisais du droit immobilier à l'époque, je me suis dit quel est le droit qui va me permettre d'unir ces deux parts de moi et me permettre d'être sur mes deux côtés. de pied. Et l'Assemblée Générale de l'AAF, arrivant peu de temps après, j'ai été élue, faute de candidat, autre, comme secrétaire de l'AAF. Et j'ai commencé avec mes petites camarades de l'époque, dont Muriel Larocque, qui a beaucoup fait pour la médiation et pour cette écoute, à proposer des conférences aux confrères, notamment sur ces thèmes psychologiques qui n'étaient pas du tout abordés à l'époque, quand on était à la fin des années 90.

  • #0

    D'accord, très intéressant. Et alors justement, on va en parler de cette approche centrée sur la personne. Je crois que tu te définis comme Roger Yen, en référence à Carl Roger, qui est considéré comme un des psychologues les plus influents du XXe siècle, à l'origine de cette approche. Et j'en déduis que cette approche, c'est celle qui nourrit ta pratique de la médiation. On va en parler. Est-ce que pour toi, la relation que tu tisses avec les médias s'analyse comme une relation d'aide au sens où l'entendait Carl Rogers ? Et donc, on peut en dire tout de suite un mot avant que tu répondisses. Dans son ouvrage majeur qui s'appelle Le développement de la personne il explique qu'une relation d'aide... Il s'agit d'écrire des relations dans lesquelles l'un ou moins des deux protagonistes cherchent à favoriser chez l'autre la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une grande capacité d'affronter la vie.

  • #2

    Oui, je pense que dans cette définition, effectivement, la médiation peut être considérée comme une relation d'aide. Ce qui est intéressant dans la pensée de Roger, c'est qu'il ne se plaçait pas du tout en position haute, en position de sachant. Donc, c'est vraiment quelqu'un qui a fait pour lui-même un certain travail, qui va accompagner une autre personne pour qu'elle découvre ce chemin pour elle-même. Et c'est exactement ce qu'on fait en médiation, c'est d'aider les personnes à devenir responsables de leurs choix grâce à la présence d'un tiers, alors neutre. impartial, etc., on reviendra peut-être sur les termes, mais qui va faciliter, et c'est un mot de l'approche centrée sur la personne, la facilitation, qui va faciliter la communication entre les personnes grâce à cette posture, de sorte qu'elles trouvent elles-mêmes leur chemin.

  • #0

    Bien sûr, bien sûr. Et justement, il explique qu'à Roger, dans sa thérapie centrée sur le client, Il considère que c'est ce qui produit le changement le plus positif, à condition d'être congruent, d'avoir une attitude chaleureuse, positive et réceptive, qu'il appelle ça la considération positive inconditionnelle, et évidemment de faire preuve de compréhension empathique. Ça, je pense qu'on n'a pas forcément besoin de développer. Alors moi j'avais envie de te faire un retour puisqu'on a fait une médiation déjà ensemble. Et on a l'impression que toutes ces clés, compréhension empathique, authenticité, acceptation inconditionnelle, sont très naturelles chez toi en médiation. Est-ce que tu as eu à les travailler ?

  • #2

    Mon Dieu, quand j'ai commencé à me former à l'approche centrée sur la personne, j'avais une trentaine d'années. Donc c'est 40 ans d'expérience d'une certaine façon, puisque je suis plutôt jeune. Ça devient une seconde nature. J'ai l'habitude de dire en formation, de rappeler en formation qu'au début on est des incompétents inconscients, donc tout va bien. Ensuite on trouve qu'il y a des incompétents conscients, c'est très douloureux. Avant de devenir des compétents conscients, ça commence à être... Ensuite, on devient des compétents inconscients, c'est-à-dire que quand on fait le choix, parce que ça ne peut pas être toute la journée bien sûr, quand on fait le choix de mettre à disposition ces qualités d'écoute, elles sont là, elles sont disponibles. Mais pour passer de l'incompétent inconscient au compétent inconscient, il y a assez beaucoup de travail, puisque c'est de créer de nouveaux réseaux neuronaux dans notre cerveau, et c'est la répétition, l'entraînement, etc., qui va permettre… C'est la pratique.

  • #0

    C'est la pratique. Tu dirais que, puisque tu t'es formée toi… Comment tu t'es fait trouver ? Si tu dis que tu avais une trentaine d'années...

  • #2

    Alors, la psychothérapie, la médiation, c'est arrivé à la fin des années 90. Mais c'était le tout début des formations.

  • #0

    Et tu dirais qu'il t'a fallu combien d'années pour... trouver un peu ta façon d'être et de sentir...

  • #2

    Alors, pour me sentir à l'aise, il m'a fallu 4-5 ans. Simplement, c'est un chemin qui n'a pas de fin. On est bien d'accord. C'est un chemin.

  • #0

    Un chemin de vie.

  • #2

    Absolument, tout à fait.

  • #0

    J'avais une autre question à laquelle tu as un petit peu répondu rapidement. Je ne savais pas que tu avais exercé aussi comme psychothérapeute. Alors, en parallèle de ce que...

  • #2

    J'ai eu 3 ou 4 à faire cela. Parallèlement à notre métier d'avocat, bien évidemment, on ne le disait pas. Les cabinets étaient séparés, donc il n'y avait pas de...

  • #0

    Oui, tu ne communiquais pas aux clients qui venaient te voir comme avocate que tu étais aussi psychothérapeute.

  • #2

    Voilà, et puis je n'avais pas les mêmes clients, bien sûr, comme avocat, comme thérapeute, parce que déontologiquement, à l'époque, ça aurait été peut-être difficile, mais en même temps... Mes petites copines de même formation et moi, on venait nous chercher pour nous faire parler de nos formations. Donc ça intéressait déjà à l'époque fortement. Et maintenant, c'est devenu courant, alors qu'à l'époque, c'était quelque chose qui restait encore très, très, très, très marginal.

  • #0

    Oui, c'est quand même pas si fréquent, pas tant que ça, parce que la formation pour s'engager justement sur des approches de psychothérapie, j'imagine que c'est assez long aussi.

  • #2

    C'est assez long, c'est plusieurs années, bien sûr, mais comment dire, beaucoup de confrères se forment au coaching maintenant, donc c'est une autre façon. d'aborder la relation qui donne une ouverture plus grande que la stricte formation juridique. Donc, il y a quand même une évolution en 25 ans importante.

  • #0

    Et alors, je sais que tu formes à l'écoute active en médiation. Qu'est-ce qui est important, selon toi, pour bien écouter ?

  • #2

    Ah mon Dieu ! Alors, ce qui est important... Pour bien écouter, c'est d'abord d'être en paix avec soi-même, c'est-à-dire de pouvoir s'écouter soi-même.

  • #0

    Intéressant.

  • #2

    Et ça rejoint un petit peu l'attitude que proposait Carl Rogers, que tu évoquais tout à l'heure, de congruence, être conscient de soi en temps réel, pour pouvoir utiliser ce qui se passe en moi au service de la relation si je pense que c'est nécessaire ou utile pour les personnes. Donc cette connaissance de soi me semble absolument fondamentale. Ça ne veut pas dire faire une psychanalyse de 25 ans, un travail thérapeutique. 25 ans, mais voilà, être en contact avec soi-même et être relativement en paix avec soi-même de façon à éviter de projeter sur l'autre ma propre histoire. Donc de pouvoir accueillir l'autre dans sa différence, les autres, puisqu'en médiation il y a au moins deux personnes, accueillir ces deux personnes dans leur différence et leur offrir un espace de parole qui soit, comment dire, bienveillant pour chacun. Donc cette prise de conscience de soi me semble un préalable.

  • #0

    C'est le préalable. C'est le préalable. Est-ce que... Est-ce qu'il s'agit de faire confiance quelque part aux personnes à ce moment-là ? Je m'explique un peu en travaillant un peu l'ouvrage de Carl Rogers. Il parle de cette notion de tendance actualisante. Il explique que selon lui, l'être profond est orienté positivement vers la maturation, l'autonomie et les rapports constructifs avec autrui. Ça m'a beaucoup plu, ça. et que quelque part, le regard de l'écoutant, il doit être positif et respectueux, mais il est fondé sur la confiance dans l'autoréalisation de la personne, sur le fait qu'il y a du positif. Absolument. Et j'ai trouvé ça super, moi.

  • #2

    C'est une croyance magnifique et très constructive.

  • #0

    Très optimiste.

  • #2

    Roger s'est basé pour élaborer cette tendance sexualisante sur une observation que tout le monde a pu faire, que j'aime bien raconter, Une histoire de pommes de terre. Quand j'achète un kilo de pommes de terre chez le marchand, il va me le mettre dans un papier craft obscur. Je vais le mettre au fond du frigidaire. Je vais abandonner mes pommes de terre. Qu'est-ce que je vais retrouver au bout de trois semaines à moi ? Des pommes de terre qui auront germé. Rogers, enfant ou adolescent, a fait cette observation que nous avons tous fait. Il en a tiré la conclusion que si des êtres vivants comme des pommes de terre, dans des conditions difficiles, l'obscurité, l'abandon, le froid, etc., étaient capables de faire ce qu'elles ont à faire, c'est-à-dire de germer. Alors tout être vivant, et plus particulièrement les êtres humains, était capable d'aller vers le meilleur pour eux. Donc il s'est appuyé sur cette tendance actualisante, pour ce qu'il a appelé la tendance actualisante, pour faire confiance à l'autre. Vraiment faire le pari que l'autre va aller vers le meilleur, alors peut-être maladroitement, comme mes pommes de terre abandonnées, mais toute démarche est une tentative pour aller vers le meilleur pour soi. Et que grâce au médiateur qui va accueillir, chacun, eh bien quelque chose de cette croyance, de cette confiance en l'autre peut se mettre en œuvre grâce au regard du tiers.

  • #0

    Ça, c'est un très beau concept, je trouve qu'on doit garder à l'esprit, et aussi en tant qu'avocat, parce que, voilà, moi, en tout cas, une grande partie de mon travail, c'est de convaincre de l'intérêt de la médiation, et on voit bien qu'il y a souvent un... On se heurte déjà aux réticences du client qui vous décrit l'autre comme mais non, avec lui, c'est pas possible, ça sert à rien et aussi la réticence du confrère qui est très sceptique et voit quand même bah oui, mais si ça marche pas, qu'est-ce qu'on fait ? Donc on efface toujours à cette... à cette réserve, et je trouve que ça, c'est très intéressant.

  • #2

    C'est très intéressant, c'est démontré scientifiquement aujourd'hui, il y a beaucoup d'études qui ont été faites, notamment dans le domaine scolaire, qui démontrent que le regard du professeur porté sur l'élève va avoir une influence déterminante sur ce qu'il va devenir.

  • #0

    Mais moi, je crois que ça a aussi à voir... je dérive un peu, mais je pense aborder sur ce sujet, à cette énergie de la médiation. Je ne sais pas si tu ressens ça, le fait que, justement, quand on crée ce cadre et qu'on pose ce regard, il y a quelque chose d'une dynamique positive qui peut quand même s'instituer. J'ai l'impression que c'est une affaire d'énergie, moi.

  • #2

    C'est une affaire d'énergie, et puis, comment dire, alors ça demande aussi un travail très important médiateur qui est le... Être tranquille avec le fait qu'il n'a pas à chercher de solution. Il a accompagné les médias à la recherche de leur propre solution. Et quand il est là, et qu'il trouve, grâce à son travail notamment, la juste distance avec les médias, alors il va leur laisser la place qu'il leur permet. de pouvoir, avec l'accueil bienveillant qu'il va offrir, de pouvoir cheminer vers le meilleur pour eux. Dans le meilleur des cas, mais ça arrive quand même relativement souvent.

  • #0

    Mais je voulais te faire un retour quand même, parce que c'est rare de pouvoir témoigner d'une médiation vécue. Et c'est vrai que sur cet espace d'écoute, je me souviens qu'on avait fait une médiation avec mon ancien compagnon et il était ressorti en disant elle écoute bien Et moi aussi, j'avais eu cette sensation. et cet espace. Je trouve que c'est vraiment ça dont on a besoin en médiation. Évidemment cet espace de parole, mais je me souviens dans les premiers échanges qu'on avait eus, toute la place que tu laissais aux médias. qui est dans une totale confusion. Je voulais aussi partager ça, parce que quand on vient en médiation, en général, c'est qu'on est dans une situation de crise. Donc ça, j'en ai parlé dans un autre podcast, où on est complètement bouleversé, pas forcément soi-même, et donc on va travailler à retrouver quelque chose de l'ordre. un calme intérieur qui nous aide à trouver ses ressources. Mais déjà, cette énergie, on revient sur la question de l'énergie, elle aide un petit peu à décanter l'eau trouble du verre. Tu vois, quand tu secoues et qu'il y a la terre au fond, il s'agit de ça. Et c'est vrai que moi, j'avais vraiment senti ça très très fort chez toi, ce calme dont tu parles, ça m'avait fait du bien. Et c'est vrai que dans un moment de grand trouble, Je crois que c'est hyper précieux d'offrir ça aux clients qui viennent nous voir, aux médias.

  • #2

    Les personnes qui viennent en médiation sont forcément animées par des émotions qui sont des émotions fortes.

  • #0

    Oui.

  • #2

    Et de pouvoir accueillir, être accueilli dans son émotion. et voir que l'autre peut être aussi accueilli dans ses propres émotions ça va permettre de déposer quelque chose et quand tu prends cette image de ce qui se dépose au fond du verre c'est exactement ça qui se passe parce que vouloir parler rationnellement à quelqu'un qui est dans l'émotion ça n'est pas possible non, ça c'est clair Donc accueillir les personnes dans leur émotion va leur permettre justement de déposer, de décanter. Et ça prend du temps. C'est pour ça qu'une médiation souvent s'étale sur un certain temps. Parce que justement, ce travail de décantation, il se fait en séance bien sûr, il va continuer entre les séances. Et on voit l'évolution des personnes au travers du temps. Et c'est aussi de pouvoir leur offrir ce temps avant qu'elles puissent passer à des choses plus rationnelles, comme des prises de décision. Mais ce... Le passage là, il est obligé.

  • #0

    Bien sûr,

  • #2

    bien sûr. Et si le médiateur n'est pas tranquille par rapport à ses propres émotions, il va avoir du mal à accueillir les émotions de l'autre. Bien sûr,

  • #0

    bien sûr. Mais sur ce que tu dis, sur le fait qu'on ne peut pas décider lorsqu'on est dans le feu de l'émotion, c'est quelque chose encore à diffuser. Quand on est médiateur, on a déjà un peu travaillé sur la question, mais moi pour le coup, je voudrais prêcher cette parole auprès de mes confrères, parce qu'on reçoit des gens en situation de crise. et on leur met tout de suite des solutions devant le nez, quand on n'est pas sur cette approche-là, ce qui est à mon avis une erreur immense, parce que ce ne sont pas des solutions qui sont raisonnables, souvent, et qui font écho à... à une forme de réactivité qui tire sa source dans une émotion forte.

  • #2

    Exactement.

  • #0

    C'est le contraire de quelque chose qui est mûrement réfléchi.

  • #2

    Absolument, ce ne sont pas des solutions pérennes. Ce ne sont pas des solutions pérennes. Comment laisser le temps aux personnes pour pouvoir cheminer jusqu'à ce moment où elles sont capables de s'entendre entre elles, s'entendre au sens des causes. Mais c'est la magie de la médiation, c'est de voir que grâce à cette attitude... Du tiers qu'est le médiateur, grâce à sa tranquillité, grâce à sa formation, sa compétence, etc., il va pouvoir offrir ce cadre aux médiés qui vont cheminer vers la solution.

  • #0

    Quel parcours de formation tu conseillerais à une personne intéressée par la médiation ?

  • #2

    De toute façon, il faut faire une formation de base qui prend en général une dizaine de jours, de façon à acquérir les concepts, ne serait-ce que cela. Quel que soit le métier d'où l'on vienne, que ce soit le métier d'avocat, que ce soit le métier de psy, le métier d'entrepreneur, etc. Et dans les formations, il y a vraiment des gens d'univers très variés. On vient chacun avec ses prismes. Ça c'est sûr. Comment prendre conscience que nous avons tous des prismes déjà ? Et comment pouvoir prendre de la distance par rapport à eux, les travailler, pour pouvoir trouver cette juste distance par rapport aux médiés ? Donc c'est un travail très important et qui prend du temps. Je participe à plusieurs... formation de base de médiateur, leur donner des outils de réflexion sur ce qu'est la médiation, commencer à leur faire goûter ce que c'est que l'écoute, et puis ensuite les accompagner, parce que c'est un travail de développement personnel, d'une certaine façon, c'est de réaliser, et ça m'est arrivé plusieurs fois en formation, que des personnes d'un certain âge, je me souviens notamment d'un ancien expert judiciaire, qui disait qu'il avait réalisé, qu'il n'avait jamais écouté de sa vie. Et c'était douloureux, et en même temps d'une très grande beauté, et d'une très grande intégrité. mais voilà, cette écoute-là, on ne l'apprend pas. On ne l'apprend pas.

  • #0

    Non, la base, c'est l'écoute.

  • #2

    Voilà, la base, c'est l'écoute, et puis ce travail de, comme j'allais dire, patouillage, c'est-à-dire de travail intérieur qui va être absolument nécessaire pour le médiateur. Ce qui ne veut pas dire, je le redis là encore, faire une psychanalyse pendant 25 ans, un travail pendant 25 ans. Mais voilà, prendre conscience de soi.

  • #0

    De son travail. Alors justement, ça rejoint... Une phrase qu'a écrite Carl Rogers, il disait Ma capacité à créer des relations qui facilitent la croissance de l'autre comme une personne indépendante est à la mesure du développement que j'ai atteint moi-même. C'est un peu ce que tu viens de dire. Et quel est, à ton avis, le rôle du conflit dans ce développement ? Est-ce que le conflit est un facteur du développement de l'individu, selon toi ?

  • #2

    Mais je pense, en quelques mots, le conflit c'est un sujet très très vaste. C'est de pouvoir affronter le conflit et survivre au conflit, parce que beaucoup de personnes finalement fuient le conflit, ou trouvent des moyens pour l'éviter. Et puis à un moment ça surgit, parce que le conflit fait partie de la vie. Se confronter, se frotter à l'autre. C'est normal. Par contre, que ça devienne violent au sens des paroles ou physique, ça c'est une dérive qu'il est possible de travailler. Affronter le conflit, le dépasser, pour co-construire quelque chose de différent ensemble.

  • #0

    Et pour grandir.

  • #2

    Et pour grandir.

  • #0

    Et pour grandir. Bien sûr. C'est aussi notre capacité à...

  • #2

    Tous les enfants commencent par se confronter à leurs parents. La phase du non est essentielle.

  • #1

    Pourquoi cette passion de la médiation pour laquelle nous sommes nombreux à vouloir nous investir ?

  • #0

    Je me dis, mais ça t'a touché à quelque chose de profond et qui suscite, je ne sais pas, peut-être de l'espoir ? Quel est ton regard là-dessus ?

  • #2

    Je pense effectivement que ça suscite de l'espoir dans un monde qui est très matériel, matérialisé. et qu'on a besoin d'autre chose. J'enfonce des portes ouvertes en disant ça. J'ai vu une évolution, notamment chez les avocats, puisque ça fait une quinzaine d'années que j'anime des formations à la médiation. Au début, notamment, les avocats venaient parce qu'il fallait faire 40 heures de formation sur deux années et que la formation de base était de 40 heures. Donc, pourquoi ne pas faire une formation à la médiation ? Ça n'arrive plus jamais aujourd'hui. C'est-à-dire que les avocats viennent en disant J'étais prêt à quitter ce métier parce qu'il me fatigue, mais... Pareil, partagé par d'autres membres de la société, parce que dans les instituts où j'interviens en tant que formateur, il y a des gens d'entreprise, il y a des psychologues, il y a des coachs, tous les métiers sont représentés, ce qui est relativement nouveau, ce qui montre une aspiration de la société, je pense, à quelque chose qui soit plus humain, plus... mettant la relation au centre des choses, parce que les outils de la médiation sont des outils que l'on peut utiliser, quelle que soit la situation dans laquelle on est, même dans sa vie privée. Je suis toujours très heureuse quand, après une formation, quelqu'un vient me dire ça a changé ma vie, pas simplement ma vie professionnelle, mais je n'écoute plus de la même façon la maison, mes rapports avec mes enfants ont changé Je trouve que c'est très enrichissant à ce moment-là.

  • #0

    Alors, autre question. Est-ce que tu crois, je vais la formuler du coup un peu différemment, est-ce que tu crois que la médiation, au-delà de placer la relation au centre de nos métiers, quel qu'il soit, a un impact transformatif ? Est-ce que tu crois que ça peut changer le monde, comme laisse entendre Carl Rogers, puisqu'effectivement, il y avait une jolie phrase qui disait Ce n'est pas des sciences physiques que dépend l'avenir, c'est de nous qui essayons de comprendre et d'affronter les interactions entre les hommes.

  • #2

    Oui, je le pense vraiment. Il y avait un auteur connu dans le monde de la médiation qui s'appelle Jacques Faget, qui avait écrit il y a quelques années un livre, La médiation, les ateliers silencieux de la démocratie. Je pense que ça participe à ça et que le jour où on apprendra, et ça arrive dans certaines écoles et dans certains pays, on apprendra, on transmettra par l'exemple. quelque chose de l'ordre de cette écoute et de ce respect de l'autre, le monde changera. Alors là, on réfléchit en France à créer des ateliers d'empathie, mais c'est par l'exemple que ça se transmet. Ce n'est pas tant une position décentante de réflexion sur ce que c'est que l'empathie, c'est de le faire vivre.

  • #0

    On ne peut pas dire qu'on montre trop l'exemple au niveau des gouvernements. Là-dessus, il y a un vrai sujet. Sur le dialogue social.

  • #2

    Absolument.

  • #0

    Ok, est-ce que toi tu as interrogé ton propre rapport au conflit ?

  • #2

    Bien sûr, j'ai vu notamment la part de moi qui avait peur du conflit et qui trouvait les moyens de l'éviter. Ça peut être encore très douloureux pour moi d'affronter un conflit. Dès l'instant, je suis directement concernée, mais j'ai appris à le regarder en face. de le regarder en face et de pouvoir, peut-être en me faisant aider, dépasser ce conflit en acceptant la confrontation avec l'autre tranquille.

  • #0

    Tranquille. La confrontation tranquille. La confrontation Ça serait un bon slogan, ça.

  • #2

    Absolument, de pouvoir ne pas être d'accord, parce qu'en médiation, il ne s'agit pas d'être d'accord.

  • #0

    Il ne s'agit pas d'être d'accord. C'est aussi le gros malentendu qu'il y a là-dessus.

  • #2

    Absolument. Et ni forcément de rechercher des solutions. C'est avant tout d'offrir un espace de parole qui va permettre aux personnes de cheminer vers leur solution.

  • #0

    Vers leur solution, bien sûr. Écoute, je te remercie beaucoup, Dominique. C'était un échange précieux. Merci beaucoup, Dominique.

  • #2

    Merci à toi, Emile. À bientôt.

  • #1

    Intéressant, n'est-ce pas ? Merci d'avoir écouté ce podcast jusqu'à la fin. Vous pouvez me faire part de vos remarques éventuelles via les réseaux sociaux ou sur ma messagerie accessible depuis le site internet ETG Avocat. Vous pouvez également noter ce podcast sur Apple Podcasts, la aide à la diffusion, et bien évidemment le partager autour de vous. cela soutient le propos qui consiste à faire connaître la médiation et ses possibilités au plus grand nombre à bientôt

Description

Dans ce quatrième épisode du podcast, je reçois Dominique Dollois, avocate honoraire au Barreau de Paris, psychothérapeute, médiatrice, formatrice et animatrice de groupe d’analyse de pratique.


Nous évoquons ensemble : 



  • Son cheminement personnel qui l’a conduit à ouvrir en parallèle de son cabinet d’avocat, un cabinet de psychothérapie après avoir découvert l’approche centrée sur la personne puis sa volonté de faire connaitre cette approche au Palais de Justice 


  • L’approche centrée sur la personne (ACP) théorisée par Carl ROGERS et la médiation comme relation d’aide pour trouver en soi son propre chemin 


  • Le travail sur soi où comment passer de l’état d’«incompétent inconscient » à celui de compétent inconscient, 


  • L’écoute active, ce qui est important pour bien écouter, le rôle de la confiance et du regard positif de l’écoutant


  • L’accueil des émotions du médiant en médiation et la tranquillité du médiateur 


  • La démarche de formation à la médiation, la prise de conscience de nos prismes et le rôle du conflit dans le développement de l’individu


  • L’engouement des formations à la médiation et sa portée transformative sur le monde   



Professionnels de l’accompagnement, cet échange devait vous ravir !



Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bonjour, vous écoutez

  • #1

    Antidote, le podcast qui interroge notre rapport au conflit. Je m'appelle Émilie Thivet-Grivel, je suis avocate et médiatrice, fondatrice du cabinet ETG Avocats, et chaque mois, je vais à la rencontre de professionnels qui apportent un éclairage à nos questions. Comment dépasser ces conflits qui entravent nos vies ? Comment rétablir un dialogue avec cet autre avec lequel on doit faire ? C'est l'objet de ce podcast que de vous partager mes rencontres et outils de réflexion pour changer de regard sur la conflictualité et l'organiser autrement.

  • #0

    Aujourd'hui, je reçois Dominique Deloy. Bonjour Dominique.

  • #2

    Bonjour Émilie.

  • #0

    Dominique, tu es avocate au Barreau de Paris, tu as prêté serment en 1979, tu es avocate honoraire depuis 2019, ce qui veut dire que tu n'exerces plus la profession d'avocat, mais tu es médiatrice, formatrice, animatrice de groupes d'analyse de pratiques, et tu es aussi formée à la psychothérapie et à la PNL, si je ne me trompe pas. C'est bien ça ? Je sais tout. Alors, première question que je voudrais te demander. Comment tu es venue à la médiation ? Est-ce que cela a été progressif le fruit d'une évolution assez naturelle ? Ou est-ce que cette orientation dans ta carrière d'avocat est en lien avec un événement qui t'a conduit à prendre ce virage ?

  • #2

    Alors, c'est plutôt le fruit d'une évolution, dans la mesure où, tout jeune avocat, j'ai éprouvé le besoin de faire un travail de développement personnel. Je suis tombée dans l'approche centrée sur la personne de Carl Rogers, dont sans doute on reparlera. J'ai fait ce travail et puis à un moment donné, j'ai éprouvé le besoin de faire une formation de psychothérapeute dans l'approche centrée sur la personne et qui est venue nourrir ma pratique d'avocat. Et à un moment donné, je me suis retrouvée, c'était vers les années 96-98, dans la situation d'avoir à la fois un cabinet d'avocat et par ailleurs un cabinet de psychothérapeute, de psychoprèse. praticien. Donc c'était un peu compliqué, je travaillais énormément, j'ai participé à la fondation aussi d'un institut de formation rogerien ACP Formation et à un moment c'était plus tenable et j'ai fait ce que l'on appelle une constellation familiale, alors je ne sais pas si tu sais ce que sont les constellations familiales, qui m'a permis de travailler sur la part de moi qui était avocat et la part de moi qui était thérapeute pour essayer de trouver quelque chose de l'ordre d'un équilibre. Et j'ai été très surprise lors de cette constellation, qui met en scène des parts de la personne, de mon intériorité, d'éprouver un chagrin monumental quand l'animatrice a demandé à l'avocat, puisque je disais je ne sais pas si je veux continuer à être avocat, a demandé à l'avocat de partir, de s'en aller. Et à ce moment-là, j'ai été prise d'un chagrin absolument invraisemblable que je n'attendais pas du tout. Et j'ai réalisé que pour trouver mon équilibre, il fallait que... Je sois à la fois dans le monde de la justice, qui était mon monde, et en même temps apporter tout ce que j'avais pu apprendre en termes de psychothérapie, en termes d'accompagnement des personnes. Et alors là, je me suis lancée le défi d'apporter l'approche centrée sur la personne au Palais de Justice de Paris, puisque c'était mon barreau.

  • #0

    D'accord, donc en fait, ça a été plutôt une conciliation, la médiation. Tu n'as pas encore utilisé ce mot-là, mais finalement une conciliation de... de casquettes ?

  • #2

    Absolument. Et à ce moment-là, la médiation est apparue dans des formations. Je me suis demandé comment unir ces deux parts de moi. Et c'est à ce moment-là que je me suis formée à la médiation dans les premières formations qui se mettaient en place à l'époque.

  • #0

    D'accord. Donc, c'est d'abord la découverte de la psychothérapie et de cette approche-là dont on va effectivement parler qui t'a emmenée sur le chemin de la médiation. Et du coup, ton cheminement en termes de formation, Tu t'es formée à la médiation après ?

  • #2

    Alors je me suis formée à la médiation quasiment dans la ligne droite de cette constellation familiale qui m'avait permis de prendre conscience de ce que je resterais avocat, mais que je souhaitais apporter une dimension psychologique. Donc à ce moment-là, il y avait une association qui s'appelait l'AAF, l'Association des avocats de la famille. Et je me suis dit, alors que je faisais du droit immobilier à l'époque, je me suis dit quel est le droit qui va me permettre d'unir ces deux parts de moi et me permettre d'être sur mes deux côtés. de pied. Et l'Assemblée Générale de l'AAF, arrivant peu de temps après, j'ai été élue, faute de candidat, autre, comme secrétaire de l'AAF. Et j'ai commencé avec mes petites camarades de l'époque, dont Muriel Larocque, qui a beaucoup fait pour la médiation et pour cette écoute, à proposer des conférences aux confrères, notamment sur ces thèmes psychologiques qui n'étaient pas du tout abordés à l'époque, quand on était à la fin des années 90.

  • #0

    D'accord, très intéressant. Et alors justement, on va en parler de cette approche centrée sur la personne. Je crois que tu te définis comme Roger Yen, en référence à Carl Roger, qui est considéré comme un des psychologues les plus influents du XXe siècle, à l'origine de cette approche. Et j'en déduis que cette approche, c'est celle qui nourrit ta pratique de la médiation. On va en parler. Est-ce que pour toi, la relation que tu tisses avec les médias s'analyse comme une relation d'aide au sens où l'entendait Carl Rogers ? Et donc, on peut en dire tout de suite un mot avant que tu répondisses. Dans son ouvrage majeur qui s'appelle Le développement de la personne il explique qu'une relation d'aide... Il s'agit d'écrire des relations dans lesquelles l'un ou moins des deux protagonistes cherchent à favoriser chez l'autre la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une grande capacité d'affronter la vie.

  • #2

    Oui, je pense que dans cette définition, effectivement, la médiation peut être considérée comme une relation d'aide. Ce qui est intéressant dans la pensée de Roger, c'est qu'il ne se plaçait pas du tout en position haute, en position de sachant. Donc, c'est vraiment quelqu'un qui a fait pour lui-même un certain travail, qui va accompagner une autre personne pour qu'elle découvre ce chemin pour elle-même. Et c'est exactement ce qu'on fait en médiation, c'est d'aider les personnes à devenir responsables de leurs choix grâce à la présence d'un tiers, alors neutre. impartial, etc., on reviendra peut-être sur les termes, mais qui va faciliter, et c'est un mot de l'approche centrée sur la personne, la facilitation, qui va faciliter la communication entre les personnes grâce à cette posture, de sorte qu'elles trouvent elles-mêmes leur chemin.

  • #0

    Bien sûr, bien sûr. Et justement, il explique qu'à Roger, dans sa thérapie centrée sur le client, Il considère que c'est ce qui produit le changement le plus positif, à condition d'être congruent, d'avoir une attitude chaleureuse, positive et réceptive, qu'il appelle ça la considération positive inconditionnelle, et évidemment de faire preuve de compréhension empathique. Ça, je pense qu'on n'a pas forcément besoin de développer. Alors moi j'avais envie de te faire un retour puisqu'on a fait une médiation déjà ensemble. Et on a l'impression que toutes ces clés, compréhension empathique, authenticité, acceptation inconditionnelle, sont très naturelles chez toi en médiation. Est-ce que tu as eu à les travailler ?

  • #2

    Mon Dieu, quand j'ai commencé à me former à l'approche centrée sur la personne, j'avais une trentaine d'années. Donc c'est 40 ans d'expérience d'une certaine façon, puisque je suis plutôt jeune. Ça devient une seconde nature. J'ai l'habitude de dire en formation, de rappeler en formation qu'au début on est des incompétents inconscients, donc tout va bien. Ensuite on trouve qu'il y a des incompétents conscients, c'est très douloureux. Avant de devenir des compétents conscients, ça commence à être... Ensuite, on devient des compétents inconscients, c'est-à-dire que quand on fait le choix, parce que ça ne peut pas être toute la journée bien sûr, quand on fait le choix de mettre à disposition ces qualités d'écoute, elles sont là, elles sont disponibles. Mais pour passer de l'incompétent inconscient au compétent inconscient, il y a assez beaucoup de travail, puisque c'est de créer de nouveaux réseaux neuronaux dans notre cerveau, et c'est la répétition, l'entraînement, etc., qui va permettre… C'est la pratique.

  • #0

    C'est la pratique. Tu dirais que, puisque tu t'es formée toi… Comment tu t'es fait trouver ? Si tu dis que tu avais une trentaine d'années...

  • #2

    Alors, la psychothérapie, la médiation, c'est arrivé à la fin des années 90. Mais c'était le tout début des formations.

  • #0

    Et tu dirais qu'il t'a fallu combien d'années pour... trouver un peu ta façon d'être et de sentir...

  • #2

    Alors, pour me sentir à l'aise, il m'a fallu 4-5 ans. Simplement, c'est un chemin qui n'a pas de fin. On est bien d'accord. C'est un chemin.

  • #0

    Un chemin de vie.

  • #2

    Absolument, tout à fait.

  • #0

    J'avais une autre question à laquelle tu as un petit peu répondu rapidement. Je ne savais pas que tu avais exercé aussi comme psychothérapeute. Alors, en parallèle de ce que...

  • #2

    J'ai eu 3 ou 4 à faire cela. Parallèlement à notre métier d'avocat, bien évidemment, on ne le disait pas. Les cabinets étaient séparés, donc il n'y avait pas de...

  • #0

    Oui, tu ne communiquais pas aux clients qui venaient te voir comme avocate que tu étais aussi psychothérapeute.

  • #2

    Voilà, et puis je n'avais pas les mêmes clients, bien sûr, comme avocat, comme thérapeute, parce que déontologiquement, à l'époque, ça aurait été peut-être difficile, mais en même temps... Mes petites copines de même formation et moi, on venait nous chercher pour nous faire parler de nos formations. Donc ça intéressait déjà à l'époque fortement. Et maintenant, c'est devenu courant, alors qu'à l'époque, c'était quelque chose qui restait encore très, très, très, très marginal.

  • #0

    Oui, c'est quand même pas si fréquent, pas tant que ça, parce que la formation pour s'engager justement sur des approches de psychothérapie, j'imagine que c'est assez long aussi.

  • #2

    C'est assez long, c'est plusieurs années, bien sûr, mais comment dire, beaucoup de confrères se forment au coaching maintenant, donc c'est une autre façon. d'aborder la relation qui donne une ouverture plus grande que la stricte formation juridique. Donc, il y a quand même une évolution en 25 ans importante.

  • #0

    Et alors, je sais que tu formes à l'écoute active en médiation. Qu'est-ce qui est important, selon toi, pour bien écouter ?

  • #2

    Ah mon Dieu ! Alors, ce qui est important... Pour bien écouter, c'est d'abord d'être en paix avec soi-même, c'est-à-dire de pouvoir s'écouter soi-même.

  • #0

    Intéressant.

  • #2

    Et ça rejoint un petit peu l'attitude que proposait Carl Rogers, que tu évoquais tout à l'heure, de congruence, être conscient de soi en temps réel, pour pouvoir utiliser ce qui se passe en moi au service de la relation si je pense que c'est nécessaire ou utile pour les personnes. Donc cette connaissance de soi me semble absolument fondamentale. Ça ne veut pas dire faire une psychanalyse de 25 ans, un travail thérapeutique. 25 ans, mais voilà, être en contact avec soi-même et être relativement en paix avec soi-même de façon à éviter de projeter sur l'autre ma propre histoire. Donc de pouvoir accueillir l'autre dans sa différence, les autres, puisqu'en médiation il y a au moins deux personnes, accueillir ces deux personnes dans leur différence et leur offrir un espace de parole qui soit, comment dire, bienveillant pour chacun. Donc cette prise de conscience de soi me semble un préalable.

  • #0

    C'est le préalable. C'est le préalable. Est-ce que... Est-ce qu'il s'agit de faire confiance quelque part aux personnes à ce moment-là ? Je m'explique un peu en travaillant un peu l'ouvrage de Carl Rogers. Il parle de cette notion de tendance actualisante. Il explique que selon lui, l'être profond est orienté positivement vers la maturation, l'autonomie et les rapports constructifs avec autrui. Ça m'a beaucoup plu, ça. et que quelque part, le regard de l'écoutant, il doit être positif et respectueux, mais il est fondé sur la confiance dans l'autoréalisation de la personne, sur le fait qu'il y a du positif. Absolument. Et j'ai trouvé ça super, moi.

  • #2

    C'est une croyance magnifique et très constructive.

  • #0

    Très optimiste.

  • #2

    Roger s'est basé pour élaborer cette tendance sexualisante sur une observation que tout le monde a pu faire, que j'aime bien raconter, Une histoire de pommes de terre. Quand j'achète un kilo de pommes de terre chez le marchand, il va me le mettre dans un papier craft obscur. Je vais le mettre au fond du frigidaire. Je vais abandonner mes pommes de terre. Qu'est-ce que je vais retrouver au bout de trois semaines à moi ? Des pommes de terre qui auront germé. Rogers, enfant ou adolescent, a fait cette observation que nous avons tous fait. Il en a tiré la conclusion que si des êtres vivants comme des pommes de terre, dans des conditions difficiles, l'obscurité, l'abandon, le froid, etc., étaient capables de faire ce qu'elles ont à faire, c'est-à-dire de germer. Alors tout être vivant, et plus particulièrement les êtres humains, était capable d'aller vers le meilleur pour eux. Donc il s'est appuyé sur cette tendance actualisante, pour ce qu'il a appelé la tendance actualisante, pour faire confiance à l'autre. Vraiment faire le pari que l'autre va aller vers le meilleur, alors peut-être maladroitement, comme mes pommes de terre abandonnées, mais toute démarche est une tentative pour aller vers le meilleur pour soi. Et que grâce au médiateur qui va accueillir, chacun, eh bien quelque chose de cette croyance, de cette confiance en l'autre peut se mettre en œuvre grâce au regard du tiers.

  • #0

    Ça, c'est un très beau concept, je trouve qu'on doit garder à l'esprit, et aussi en tant qu'avocat, parce que, voilà, moi, en tout cas, une grande partie de mon travail, c'est de convaincre de l'intérêt de la médiation, et on voit bien qu'il y a souvent un... On se heurte déjà aux réticences du client qui vous décrit l'autre comme mais non, avec lui, c'est pas possible, ça sert à rien et aussi la réticence du confrère qui est très sceptique et voit quand même bah oui, mais si ça marche pas, qu'est-ce qu'on fait ? Donc on efface toujours à cette... à cette réserve, et je trouve que ça, c'est très intéressant.

  • #2

    C'est très intéressant, c'est démontré scientifiquement aujourd'hui, il y a beaucoup d'études qui ont été faites, notamment dans le domaine scolaire, qui démontrent que le regard du professeur porté sur l'élève va avoir une influence déterminante sur ce qu'il va devenir.

  • #0

    Mais moi, je crois que ça a aussi à voir... je dérive un peu, mais je pense aborder sur ce sujet, à cette énergie de la médiation. Je ne sais pas si tu ressens ça, le fait que, justement, quand on crée ce cadre et qu'on pose ce regard, il y a quelque chose d'une dynamique positive qui peut quand même s'instituer. J'ai l'impression que c'est une affaire d'énergie, moi.

  • #2

    C'est une affaire d'énergie, et puis, comment dire, alors ça demande aussi un travail très important médiateur qui est le... Être tranquille avec le fait qu'il n'a pas à chercher de solution. Il a accompagné les médias à la recherche de leur propre solution. Et quand il est là, et qu'il trouve, grâce à son travail notamment, la juste distance avec les médias, alors il va leur laisser la place qu'il leur permet. de pouvoir, avec l'accueil bienveillant qu'il va offrir, de pouvoir cheminer vers le meilleur pour eux. Dans le meilleur des cas, mais ça arrive quand même relativement souvent.

  • #0

    Mais je voulais te faire un retour quand même, parce que c'est rare de pouvoir témoigner d'une médiation vécue. Et c'est vrai que sur cet espace d'écoute, je me souviens qu'on avait fait une médiation avec mon ancien compagnon et il était ressorti en disant elle écoute bien Et moi aussi, j'avais eu cette sensation. et cet espace. Je trouve que c'est vraiment ça dont on a besoin en médiation. Évidemment cet espace de parole, mais je me souviens dans les premiers échanges qu'on avait eus, toute la place que tu laissais aux médias. qui est dans une totale confusion. Je voulais aussi partager ça, parce que quand on vient en médiation, en général, c'est qu'on est dans une situation de crise. Donc ça, j'en ai parlé dans un autre podcast, où on est complètement bouleversé, pas forcément soi-même, et donc on va travailler à retrouver quelque chose de l'ordre. un calme intérieur qui nous aide à trouver ses ressources. Mais déjà, cette énergie, on revient sur la question de l'énergie, elle aide un petit peu à décanter l'eau trouble du verre. Tu vois, quand tu secoues et qu'il y a la terre au fond, il s'agit de ça. Et c'est vrai que moi, j'avais vraiment senti ça très très fort chez toi, ce calme dont tu parles, ça m'avait fait du bien. Et c'est vrai que dans un moment de grand trouble, Je crois que c'est hyper précieux d'offrir ça aux clients qui viennent nous voir, aux médias.

  • #2

    Les personnes qui viennent en médiation sont forcément animées par des émotions qui sont des émotions fortes.

  • #0

    Oui.

  • #2

    Et de pouvoir accueillir, être accueilli dans son émotion. et voir que l'autre peut être aussi accueilli dans ses propres émotions ça va permettre de déposer quelque chose et quand tu prends cette image de ce qui se dépose au fond du verre c'est exactement ça qui se passe parce que vouloir parler rationnellement à quelqu'un qui est dans l'émotion ça n'est pas possible non, ça c'est clair Donc accueillir les personnes dans leur émotion va leur permettre justement de déposer, de décanter. Et ça prend du temps. C'est pour ça qu'une médiation souvent s'étale sur un certain temps. Parce que justement, ce travail de décantation, il se fait en séance bien sûr, il va continuer entre les séances. Et on voit l'évolution des personnes au travers du temps. Et c'est aussi de pouvoir leur offrir ce temps avant qu'elles puissent passer à des choses plus rationnelles, comme des prises de décision. Mais ce... Le passage là, il est obligé.

  • #0

    Bien sûr,

  • #2

    bien sûr. Et si le médiateur n'est pas tranquille par rapport à ses propres émotions, il va avoir du mal à accueillir les émotions de l'autre. Bien sûr,

  • #0

    bien sûr. Mais sur ce que tu dis, sur le fait qu'on ne peut pas décider lorsqu'on est dans le feu de l'émotion, c'est quelque chose encore à diffuser. Quand on est médiateur, on a déjà un peu travaillé sur la question, mais moi pour le coup, je voudrais prêcher cette parole auprès de mes confrères, parce qu'on reçoit des gens en situation de crise. et on leur met tout de suite des solutions devant le nez, quand on n'est pas sur cette approche-là, ce qui est à mon avis une erreur immense, parce que ce ne sont pas des solutions qui sont raisonnables, souvent, et qui font écho à... à une forme de réactivité qui tire sa source dans une émotion forte.

  • #2

    Exactement.

  • #0

    C'est le contraire de quelque chose qui est mûrement réfléchi.

  • #2

    Absolument, ce ne sont pas des solutions pérennes. Ce ne sont pas des solutions pérennes. Comment laisser le temps aux personnes pour pouvoir cheminer jusqu'à ce moment où elles sont capables de s'entendre entre elles, s'entendre au sens des causes. Mais c'est la magie de la médiation, c'est de voir que grâce à cette attitude... Du tiers qu'est le médiateur, grâce à sa tranquillité, grâce à sa formation, sa compétence, etc., il va pouvoir offrir ce cadre aux médiés qui vont cheminer vers la solution.

  • #0

    Quel parcours de formation tu conseillerais à une personne intéressée par la médiation ?

  • #2

    De toute façon, il faut faire une formation de base qui prend en général une dizaine de jours, de façon à acquérir les concepts, ne serait-ce que cela. Quel que soit le métier d'où l'on vienne, que ce soit le métier d'avocat, que ce soit le métier de psy, le métier d'entrepreneur, etc. Et dans les formations, il y a vraiment des gens d'univers très variés. On vient chacun avec ses prismes. Ça c'est sûr. Comment prendre conscience que nous avons tous des prismes déjà ? Et comment pouvoir prendre de la distance par rapport à eux, les travailler, pour pouvoir trouver cette juste distance par rapport aux médiés ? Donc c'est un travail très important et qui prend du temps. Je participe à plusieurs... formation de base de médiateur, leur donner des outils de réflexion sur ce qu'est la médiation, commencer à leur faire goûter ce que c'est que l'écoute, et puis ensuite les accompagner, parce que c'est un travail de développement personnel, d'une certaine façon, c'est de réaliser, et ça m'est arrivé plusieurs fois en formation, que des personnes d'un certain âge, je me souviens notamment d'un ancien expert judiciaire, qui disait qu'il avait réalisé, qu'il n'avait jamais écouté de sa vie. Et c'était douloureux, et en même temps d'une très grande beauté, et d'une très grande intégrité. mais voilà, cette écoute-là, on ne l'apprend pas. On ne l'apprend pas.

  • #0

    Non, la base, c'est l'écoute.

  • #2

    Voilà, la base, c'est l'écoute, et puis ce travail de, comme j'allais dire, patouillage, c'est-à-dire de travail intérieur qui va être absolument nécessaire pour le médiateur. Ce qui ne veut pas dire, je le redis là encore, faire une psychanalyse pendant 25 ans, un travail pendant 25 ans. Mais voilà, prendre conscience de soi.

  • #0

    De son travail. Alors justement, ça rejoint... Une phrase qu'a écrite Carl Rogers, il disait Ma capacité à créer des relations qui facilitent la croissance de l'autre comme une personne indépendante est à la mesure du développement que j'ai atteint moi-même. C'est un peu ce que tu viens de dire. Et quel est, à ton avis, le rôle du conflit dans ce développement ? Est-ce que le conflit est un facteur du développement de l'individu, selon toi ?

  • #2

    Mais je pense, en quelques mots, le conflit c'est un sujet très très vaste. C'est de pouvoir affronter le conflit et survivre au conflit, parce que beaucoup de personnes finalement fuient le conflit, ou trouvent des moyens pour l'éviter. Et puis à un moment ça surgit, parce que le conflit fait partie de la vie. Se confronter, se frotter à l'autre. C'est normal. Par contre, que ça devienne violent au sens des paroles ou physique, ça c'est une dérive qu'il est possible de travailler. Affronter le conflit, le dépasser, pour co-construire quelque chose de différent ensemble.

  • #0

    Et pour grandir.

  • #2

    Et pour grandir.

  • #0

    Et pour grandir. Bien sûr. C'est aussi notre capacité à...

  • #2

    Tous les enfants commencent par se confronter à leurs parents. La phase du non est essentielle.

  • #1

    Pourquoi cette passion de la médiation pour laquelle nous sommes nombreux à vouloir nous investir ?

  • #0

    Je me dis, mais ça t'a touché à quelque chose de profond et qui suscite, je ne sais pas, peut-être de l'espoir ? Quel est ton regard là-dessus ?

  • #2

    Je pense effectivement que ça suscite de l'espoir dans un monde qui est très matériel, matérialisé. et qu'on a besoin d'autre chose. J'enfonce des portes ouvertes en disant ça. J'ai vu une évolution, notamment chez les avocats, puisque ça fait une quinzaine d'années que j'anime des formations à la médiation. Au début, notamment, les avocats venaient parce qu'il fallait faire 40 heures de formation sur deux années et que la formation de base était de 40 heures. Donc, pourquoi ne pas faire une formation à la médiation ? Ça n'arrive plus jamais aujourd'hui. C'est-à-dire que les avocats viennent en disant J'étais prêt à quitter ce métier parce qu'il me fatigue, mais... Pareil, partagé par d'autres membres de la société, parce que dans les instituts où j'interviens en tant que formateur, il y a des gens d'entreprise, il y a des psychologues, il y a des coachs, tous les métiers sont représentés, ce qui est relativement nouveau, ce qui montre une aspiration de la société, je pense, à quelque chose qui soit plus humain, plus... mettant la relation au centre des choses, parce que les outils de la médiation sont des outils que l'on peut utiliser, quelle que soit la situation dans laquelle on est, même dans sa vie privée. Je suis toujours très heureuse quand, après une formation, quelqu'un vient me dire ça a changé ma vie, pas simplement ma vie professionnelle, mais je n'écoute plus de la même façon la maison, mes rapports avec mes enfants ont changé Je trouve que c'est très enrichissant à ce moment-là.

  • #0

    Alors, autre question. Est-ce que tu crois, je vais la formuler du coup un peu différemment, est-ce que tu crois que la médiation, au-delà de placer la relation au centre de nos métiers, quel qu'il soit, a un impact transformatif ? Est-ce que tu crois que ça peut changer le monde, comme laisse entendre Carl Rogers, puisqu'effectivement, il y avait une jolie phrase qui disait Ce n'est pas des sciences physiques que dépend l'avenir, c'est de nous qui essayons de comprendre et d'affronter les interactions entre les hommes.

  • #2

    Oui, je le pense vraiment. Il y avait un auteur connu dans le monde de la médiation qui s'appelle Jacques Faget, qui avait écrit il y a quelques années un livre, La médiation, les ateliers silencieux de la démocratie. Je pense que ça participe à ça et que le jour où on apprendra, et ça arrive dans certaines écoles et dans certains pays, on apprendra, on transmettra par l'exemple. quelque chose de l'ordre de cette écoute et de ce respect de l'autre, le monde changera. Alors là, on réfléchit en France à créer des ateliers d'empathie, mais c'est par l'exemple que ça se transmet. Ce n'est pas tant une position décentante de réflexion sur ce que c'est que l'empathie, c'est de le faire vivre.

  • #0

    On ne peut pas dire qu'on montre trop l'exemple au niveau des gouvernements. Là-dessus, il y a un vrai sujet. Sur le dialogue social.

  • #2

    Absolument.

  • #0

    Ok, est-ce que toi tu as interrogé ton propre rapport au conflit ?

  • #2

    Bien sûr, j'ai vu notamment la part de moi qui avait peur du conflit et qui trouvait les moyens de l'éviter. Ça peut être encore très douloureux pour moi d'affronter un conflit. Dès l'instant, je suis directement concernée, mais j'ai appris à le regarder en face. de le regarder en face et de pouvoir, peut-être en me faisant aider, dépasser ce conflit en acceptant la confrontation avec l'autre tranquille.

  • #0

    Tranquille. La confrontation tranquille. La confrontation Ça serait un bon slogan, ça.

  • #2

    Absolument, de pouvoir ne pas être d'accord, parce qu'en médiation, il ne s'agit pas d'être d'accord.

  • #0

    Il ne s'agit pas d'être d'accord. C'est aussi le gros malentendu qu'il y a là-dessus.

  • #2

    Absolument. Et ni forcément de rechercher des solutions. C'est avant tout d'offrir un espace de parole qui va permettre aux personnes de cheminer vers leur solution.

  • #0

    Vers leur solution, bien sûr. Écoute, je te remercie beaucoup, Dominique. C'était un échange précieux. Merci beaucoup, Dominique.

  • #2

    Merci à toi, Emile. À bientôt.

  • #1

    Intéressant, n'est-ce pas ? Merci d'avoir écouté ce podcast jusqu'à la fin. Vous pouvez me faire part de vos remarques éventuelles via les réseaux sociaux ou sur ma messagerie accessible depuis le site internet ETG Avocat. Vous pouvez également noter ce podcast sur Apple Podcasts, la aide à la diffusion, et bien évidemment le partager autour de vous. cela soutient le propos qui consiste à faire connaître la médiation et ses possibilités au plus grand nombre à bientôt

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Dans ce quatrième épisode du podcast, je reçois Dominique Dollois, avocate honoraire au Barreau de Paris, psychothérapeute, médiatrice, formatrice et animatrice de groupe d’analyse de pratique.


Nous évoquons ensemble : 



  • Son cheminement personnel qui l’a conduit à ouvrir en parallèle de son cabinet d’avocat, un cabinet de psychothérapie après avoir découvert l’approche centrée sur la personne puis sa volonté de faire connaitre cette approche au Palais de Justice 


  • L’approche centrée sur la personne (ACP) théorisée par Carl ROGERS et la médiation comme relation d’aide pour trouver en soi son propre chemin 


  • Le travail sur soi où comment passer de l’état d’«incompétent inconscient » à celui de compétent inconscient, 


  • L’écoute active, ce qui est important pour bien écouter, le rôle de la confiance et du regard positif de l’écoutant


  • L’accueil des émotions du médiant en médiation et la tranquillité du médiateur 


  • La démarche de formation à la médiation, la prise de conscience de nos prismes et le rôle du conflit dans le développement de l’individu


  • L’engouement des formations à la médiation et sa portée transformative sur le monde   



Professionnels de l’accompagnement, cet échange devait vous ravir !



Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bonjour, vous écoutez

  • #1

    Antidote, le podcast qui interroge notre rapport au conflit. Je m'appelle Émilie Thivet-Grivel, je suis avocate et médiatrice, fondatrice du cabinet ETG Avocats, et chaque mois, je vais à la rencontre de professionnels qui apportent un éclairage à nos questions. Comment dépasser ces conflits qui entravent nos vies ? Comment rétablir un dialogue avec cet autre avec lequel on doit faire ? C'est l'objet de ce podcast que de vous partager mes rencontres et outils de réflexion pour changer de regard sur la conflictualité et l'organiser autrement.

  • #0

    Aujourd'hui, je reçois Dominique Deloy. Bonjour Dominique.

  • #2

    Bonjour Émilie.

  • #0

    Dominique, tu es avocate au Barreau de Paris, tu as prêté serment en 1979, tu es avocate honoraire depuis 2019, ce qui veut dire que tu n'exerces plus la profession d'avocat, mais tu es médiatrice, formatrice, animatrice de groupes d'analyse de pratiques, et tu es aussi formée à la psychothérapie et à la PNL, si je ne me trompe pas. C'est bien ça ? Je sais tout. Alors, première question que je voudrais te demander. Comment tu es venue à la médiation ? Est-ce que cela a été progressif le fruit d'une évolution assez naturelle ? Ou est-ce que cette orientation dans ta carrière d'avocat est en lien avec un événement qui t'a conduit à prendre ce virage ?

  • #2

    Alors, c'est plutôt le fruit d'une évolution, dans la mesure où, tout jeune avocat, j'ai éprouvé le besoin de faire un travail de développement personnel. Je suis tombée dans l'approche centrée sur la personne de Carl Rogers, dont sans doute on reparlera. J'ai fait ce travail et puis à un moment donné, j'ai éprouvé le besoin de faire une formation de psychothérapeute dans l'approche centrée sur la personne et qui est venue nourrir ma pratique d'avocat. Et à un moment donné, je me suis retrouvée, c'était vers les années 96-98, dans la situation d'avoir à la fois un cabinet d'avocat et par ailleurs un cabinet de psychothérapeute, de psychoprèse. praticien. Donc c'était un peu compliqué, je travaillais énormément, j'ai participé à la fondation aussi d'un institut de formation rogerien ACP Formation et à un moment c'était plus tenable et j'ai fait ce que l'on appelle une constellation familiale, alors je ne sais pas si tu sais ce que sont les constellations familiales, qui m'a permis de travailler sur la part de moi qui était avocat et la part de moi qui était thérapeute pour essayer de trouver quelque chose de l'ordre d'un équilibre. Et j'ai été très surprise lors de cette constellation, qui met en scène des parts de la personne, de mon intériorité, d'éprouver un chagrin monumental quand l'animatrice a demandé à l'avocat, puisque je disais je ne sais pas si je veux continuer à être avocat, a demandé à l'avocat de partir, de s'en aller. Et à ce moment-là, j'ai été prise d'un chagrin absolument invraisemblable que je n'attendais pas du tout. Et j'ai réalisé que pour trouver mon équilibre, il fallait que... Je sois à la fois dans le monde de la justice, qui était mon monde, et en même temps apporter tout ce que j'avais pu apprendre en termes de psychothérapie, en termes d'accompagnement des personnes. Et alors là, je me suis lancée le défi d'apporter l'approche centrée sur la personne au Palais de Justice de Paris, puisque c'était mon barreau.

  • #0

    D'accord, donc en fait, ça a été plutôt une conciliation, la médiation. Tu n'as pas encore utilisé ce mot-là, mais finalement une conciliation de... de casquettes ?

  • #2

    Absolument. Et à ce moment-là, la médiation est apparue dans des formations. Je me suis demandé comment unir ces deux parts de moi. Et c'est à ce moment-là que je me suis formée à la médiation dans les premières formations qui se mettaient en place à l'époque.

  • #0

    D'accord. Donc, c'est d'abord la découverte de la psychothérapie et de cette approche-là dont on va effectivement parler qui t'a emmenée sur le chemin de la médiation. Et du coup, ton cheminement en termes de formation, Tu t'es formée à la médiation après ?

  • #2

    Alors je me suis formée à la médiation quasiment dans la ligne droite de cette constellation familiale qui m'avait permis de prendre conscience de ce que je resterais avocat, mais que je souhaitais apporter une dimension psychologique. Donc à ce moment-là, il y avait une association qui s'appelait l'AAF, l'Association des avocats de la famille. Et je me suis dit, alors que je faisais du droit immobilier à l'époque, je me suis dit quel est le droit qui va me permettre d'unir ces deux parts de moi et me permettre d'être sur mes deux côtés. de pied. Et l'Assemblée Générale de l'AAF, arrivant peu de temps après, j'ai été élue, faute de candidat, autre, comme secrétaire de l'AAF. Et j'ai commencé avec mes petites camarades de l'époque, dont Muriel Larocque, qui a beaucoup fait pour la médiation et pour cette écoute, à proposer des conférences aux confrères, notamment sur ces thèmes psychologiques qui n'étaient pas du tout abordés à l'époque, quand on était à la fin des années 90.

  • #0

    D'accord, très intéressant. Et alors justement, on va en parler de cette approche centrée sur la personne. Je crois que tu te définis comme Roger Yen, en référence à Carl Roger, qui est considéré comme un des psychologues les plus influents du XXe siècle, à l'origine de cette approche. Et j'en déduis que cette approche, c'est celle qui nourrit ta pratique de la médiation. On va en parler. Est-ce que pour toi, la relation que tu tisses avec les médias s'analyse comme une relation d'aide au sens où l'entendait Carl Rogers ? Et donc, on peut en dire tout de suite un mot avant que tu répondisses. Dans son ouvrage majeur qui s'appelle Le développement de la personne il explique qu'une relation d'aide... Il s'agit d'écrire des relations dans lesquelles l'un ou moins des deux protagonistes cherchent à favoriser chez l'autre la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une grande capacité d'affronter la vie.

  • #2

    Oui, je pense que dans cette définition, effectivement, la médiation peut être considérée comme une relation d'aide. Ce qui est intéressant dans la pensée de Roger, c'est qu'il ne se plaçait pas du tout en position haute, en position de sachant. Donc, c'est vraiment quelqu'un qui a fait pour lui-même un certain travail, qui va accompagner une autre personne pour qu'elle découvre ce chemin pour elle-même. Et c'est exactement ce qu'on fait en médiation, c'est d'aider les personnes à devenir responsables de leurs choix grâce à la présence d'un tiers, alors neutre. impartial, etc., on reviendra peut-être sur les termes, mais qui va faciliter, et c'est un mot de l'approche centrée sur la personne, la facilitation, qui va faciliter la communication entre les personnes grâce à cette posture, de sorte qu'elles trouvent elles-mêmes leur chemin.

  • #0

    Bien sûr, bien sûr. Et justement, il explique qu'à Roger, dans sa thérapie centrée sur le client, Il considère que c'est ce qui produit le changement le plus positif, à condition d'être congruent, d'avoir une attitude chaleureuse, positive et réceptive, qu'il appelle ça la considération positive inconditionnelle, et évidemment de faire preuve de compréhension empathique. Ça, je pense qu'on n'a pas forcément besoin de développer. Alors moi j'avais envie de te faire un retour puisqu'on a fait une médiation déjà ensemble. Et on a l'impression que toutes ces clés, compréhension empathique, authenticité, acceptation inconditionnelle, sont très naturelles chez toi en médiation. Est-ce que tu as eu à les travailler ?

  • #2

    Mon Dieu, quand j'ai commencé à me former à l'approche centrée sur la personne, j'avais une trentaine d'années. Donc c'est 40 ans d'expérience d'une certaine façon, puisque je suis plutôt jeune. Ça devient une seconde nature. J'ai l'habitude de dire en formation, de rappeler en formation qu'au début on est des incompétents inconscients, donc tout va bien. Ensuite on trouve qu'il y a des incompétents conscients, c'est très douloureux. Avant de devenir des compétents conscients, ça commence à être... Ensuite, on devient des compétents inconscients, c'est-à-dire que quand on fait le choix, parce que ça ne peut pas être toute la journée bien sûr, quand on fait le choix de mettre à disposition ces qualités d'écoute, elles sont là, elles sont disponibles. Mais pour passer de l'incompétent inconscient au compétent inconscient, il y a assez beaucoup de travail, puisque c'est de créer de nouveaux réseaux neuronaux dans notre cerveau, et c'est la répétition, l'entraînement, etc., qui va permettre… C'est la pratique.

  • #0

    C'est la pratique. Tu dirais que, puisque tu t'es formée toi… Comment tu t'es fait trouver ? Si tu dis que tu avais une trentaine d'années...

  • #2

    Alors, la psychothérapie, la médiation, c'est arrivé à la fin des années 90. Mais c'était le tout début des formations.

  • #0

    Et tu dirais qu'il t'a fallu combien d'années pour... trouver un peu ta façon d'être et de sentir...

  • #2

    Alors, pour me sentir à l'aise, il m'a fallu 4-5 ans. Simplement, c'est un chemin qui n'a pas de fin. On est bien d'accord. C'est un chemin.

  • #0

    Un chemin de vie.

  • #2

    Absolument, tout à fait.

  • #0

    J'avais une autre question à laquelle tu as un petit peu répondu rapidement. Je ne savais pas que tu avais exercé aussi comme psychothérapeute. Alors, en parallèle de ce que...

  • #2

    J'ai eu 3 ou 4 à faire cela. Parallèlement à notre métier d'avocat, bien évidemment, on ne le disait pas. Les cabinets étaient séparés, donc il n'y avait pas de...

  • #0

    Oui, tu ne communiquais pas aux clients qui venaient te voir comme avocate que tu étais aussi psychothérapeute.

  • #2

    Voilà, et puis je n'avais pas les mêmes clients, bien sûr, comme avocat, comme thérapeute, parce que déontologiquement, à l'époque, ça aurait été peut-être difficile, mais en même temps... Mes petites copines de même formation et moi, on venait nous chercher pour nous faire parler de nos formations. Donc ça intéressait déjà à l'époque fortement. Et maintenant, c'est devenu courant, alors qu'à l'époque, c'était quelque chose qui restait encore très, très, très, très marginal.

  • #0

    Oui, c'est quand même pas si fréquent, pas tant que ça, parce que la formation pour s'engager justement sur des approches de psychothérapie, j'imagine que c'est assez long aussi.

  • #2

    C'est assez long, c'est plusieurs années, bien sûr, mais comment dire, beaucoup de confrères se forment au coaching maintenant, donc c'est une autre façon. d'aborder la relation qui donne une ouverture plus grande que la stricte formation juridique. Donc, il y a quand même une évolution en 25 ans importante.

  • #0

    Et alors, je sais que tu formes à l'écoute active en médiation. Qu'est-ce qui est important, selon toi, pour bien écouter ?

  • #2

    Ah mon Dieu ! Alors, ce qui est important... Pour bien écouter, c'est d'abord d'être en paix avec soi-même, c'est-à-dire de pouvoir s'écouter soi-même.

  • #0

    Intéressant.

  • #2

    Et ça rejoint un petit peu l'attitude que proposait Carl Rogers, que tu évoquais tout à l'heure, de congruence, être conscient de soi en temps réel, pour pouvoir utiliser ce qui se passe en moi au service de la relation si je pense que c'est nécessaire ou utile pour les personnes. Donc cette connaissance de soi me semble absolument fondamentale. Ça ne veut pas dire faire une psychanalyse de 25 ans, un travail thérapeutique. 25 ans, mais voilà, être en contact avec soi-même et être relativement en paix avec soi-même de façon à éviter de projeter sur l'autre ma propre histoire. Donc de pouvoir accueillir l'autre dans sa différence, les autres, puisqu'en médiation il y a au moins deux personnes, accueillir ces deux personnes dans leur différence et leur offrir un espace de parole qui soit, comment dire, bienveillant pour chacun. Donc cette prise de conscience de soi me semble un préalable.

  • #0

    C'est le préalable. C'est le préalable. Est-ce que... Est-ce qu'il s'agit de faire confiance quelque part aux personnes à ce moment-là ? Je m'explique un peu en travaillant un peu l'ouvrage de Carl Rogers. Il parle de cette notion de tendance actualisante. Il explique que selon lui, l'être profond est orienté positivement vers la maturation, l'autonomie et les rapports constructifs avec autrui. Ça m'a beaucoup plu, ça. et que quelque part, le regard de l'écoutant, il doit être positif et respectueux, mais il est fondé sur la confiance dans l'autoréalisation de la personne, sur le fait qu'il y a du positif. Absolument. Et j'ai trouvé ça super, moi.

  • #2

    C'est une croyance magnifique et très constructive.

  • #0

    Très optimiste.

  • #2

    Roger s'est basé pour élaborer cette tendance sexualisante sur une observation que tout le monde a pu faire, que j'aime bien raconter, Une histoire de pommes de terre. Quand j'achète un kilo de pommes de terre chez le marchand, il va me le mettre dans un papier craft obscur. Je vais le mettre au fond du frigidaire. Je vais abandonner mes pommes de terre. Qu'est-ce que je vais retrouver au bout de trois semaines à moi ? Des pommes de terre qui auront germé. Rogers, enfant ou adolescent, a fait cette observation que nous avons tous fait. Il en a tiré la conclusion que si des êtres vivants comme des pommes de terre, dans des conditions difficiles, l'obscurité, l'abandon, le froid, etc., étaient capables de faire ce qu'elles ont à faire, c'est-à-dire de germer. Alors tout être vivant, et plus particulièrement les êtres humains, était capable d'aller vers le meilleur pour eux. Donc il s'est appuyé sur cette tendance actualisante, pour ce qu'il a appelé la tendance actualisante, pour faire confiance à l'autre. Vraiment faire le pari que l'autre va aller vers le meilleur, alors peut-être maladroitement, comme mes pommes de terre abandonnées, mais toute démarche est une tentative pour aller vers le meilleur pour soi. Et que grâce au médiateur qui va accueillir, chacun, eh bien quelque chose de cette croyance, de cette confiance en l'autre peut se mettre en œuvre grâce au regard du tiers.

  • #0

    Ça, c'est un très beau concept, je trouve qu'on doit garder à l'esprit, et aussi en tant qu'avocat, parce que, voilà, moi, en tout cas, une grande partie de mon travail, c'est de convaincre de l'intérêt de la médiation, et on voit bien qu'il y a souvent un... On se heurte déjà aux réticences du client qui vous décrit l'autre comme mais non, avec lui, c'est pas possible, ça sert à rien et aussi la réticence du confrère qui est très sceptique et voit quand même bah oui, mais si ça marche pas, qu'est-ce qu'on fait ? Donc on efface toujours à cette... à cette réserve, et je trouve que ça, c'est très intéressant.

  • #2

    C'est très intéressant, c'est démontré scientifiquement aujourd'hui, il y a beaucoup d'études qui ont été faites, notamment dans le domaine scolaire, qui démontrent que le regard du professeur porté sur l'élève va avoir une influence déterminante sur ce qu'il va devenir.

  • #0

    Mais moi, je crois que ça a aussi à voir... je dérive un peu, mais je pense aborder sur ce sujet, à cette énergie de la médiation. Je ne sais pas si tu ressens ça, le fait que, justement, quand on crée ce cadre et qu'on pose ce regard, il y a quelque chose d'une dynamique positive qui peut quand même s'instituer. J'ai l'impression que c'est une affaire d'énergie, moi.

  • #2

    C'est une affaire d'énergie, et puis, comment dire, alors ça demande aussi un travail très important médiateur qui est le... Être tranquille avec le fait qu'il n'a pas à chercher de solution. Il a accompagné les médias à la recherche de leur propre solution. Et quand il est là, et qu'il trouve, grâce à son travail notamment, la juste distance avec les médias, alors il va leur laisser la place qu'il leur permet. de pouvoir, avec l'accueil bienveillant qu'il va offrir, de pouvoir cheminer vers le meilleur pour eux. Dans le meilleur des cas, mais ça arrive quand même relativement souvent.

  • #0

    Mais je voulais te faire un retour quand même, parce que c'est rare de pouvoir témoigner d'une médiation vécue. Et c'est vrai que sur cet espace d'écoute, je me souviens qu'on avait fait une médiation avec mon ancien compagnon et il était ressorti en disant elle écoute bien Et moi aussi, j'avais eu cette sensation. et cet espace. Je trouve que c'est vraiment ça dont on a besoin en médiation. Évidemment cet espace de parole, mais je me souviens dans les premiers échanges qu'on avait eus, toute la place que tu laissais aux médias. qui est dans une totale confusion. Je voulais aussi partager ça, parce que quand on vient en médiation, en général, c'est qu'on est dans une situation de crise. Donc ça, j'en ai parlé dans un autre podcast, où on est complètement bouleversé, pas forcément soi-même, et donc on va travailler à retrouver quelque chose de l'ordre. un calme intérieur qui nous aide à trouver ses ressources. Mais déjà, cette énergie, on revient sur la question de l'énergie, elle aide un petit peu à décanter l'eau trouble du verre. Tu vois, quand tu secoues et qu'il y a la terre au fond, il s'agit de ça. Et c'est vrai que moi, j'avais vraiment senti ça très très fort chez toi, ce calme dont tu parles, ça m'avait fait du bien. Et c'est vrai que dans un moment de grand trouble, Je crois que c'est hyper précieux d'offrir ça aux clients qui viennent nous voir, aux médias.

  • #2

    Les personnes qui viennent en médiation sont forcément animées par des émotions qui sont des émotions fortes.

  • #0

    Oui.

  • #2

    Et de pouvoir accueillir, être accueilli dans son émotion. et voir que l'autre peut être aussi accueilli dans ses propres émotions ça va permettre de déposer quelque chose et quand tu prends cette image de ce qui se dépose au fond du verre c'est exactement ça qui se passe parce que vouloir parler rationnellement à quelqu'un qui est dans l'émotion ça n'est pas possible non, ça c'est clair Donc accueillir les personnes dans leur émotion va leur permettre justement de déposer, de décanter. Et ça prend du temps. C'est pour ça qu'une médiation souvent s'étale sur un certain temps. Parce que justement, ce travail de décantation, il se fait en séance bien sûr, il va continuer entre les séances. Et on voit l'évolution des personnes au travers du temps. Et c'est aussi de pouvoir leur offrir ce temps avant qu'elles puissent passer à des choses plus rationnelles, comme des prises de décision. Mais ce... Le passage là, il est obligé.

  • #0

    Bien sûr,

  • #2

    bien sûr. Et si le médiateur n'est pas tranquille par rapport à ses propres émotions, il va avoir du mal à accueillir les émotions de l'autre. Bien sûr,

  • #0

    bien sûr. Mais sur ce que tu dis, sur le fait qu'on ne peut pas décider lorsqu'on est dans le feu de l'émotion, c'est quelque chose encore à diffuser. Quand on est médiateur, on a déjà un peu travaillé sur la question, mais moi pour le coup, je voudrais prêcher cette parole auprès de mes confrères, parce qu'on reçoit des gens en situation de crise. et on leur met tout de suite des solutions devant le nez, quand on n'est pas sur cette approche-là, ce qui est à mon avis une erreur immense, parce que ce ne sont pas des solutions qui sont raisonnables, souvent, et qui font écho à... à une forme de réactivité qui tire sa source dans une émotion forte.

  • #2

    Exactement.

  • #0

    C'est le contraire de quelque chose qui est mûrement réfléchi.

  • #2

    Absolument, ce ne sont pas des solutions pérennes. Ce ne sont pas des solutions pérennes. Comment laisser le temps aux personnes pour pouvoir cheminer jusqu'à ce moment où elles sont capables de s'entendre entre elles, s'entendre au sens des causes. Mais c'est la magie de la médiation, c'est de voir que grâce à cette attitude... Du tiers qu'est le médiateur, grâce à sa tranquillité, grâce à sa formation, sa compétence, etc., il va pouvoir offrir ce cadre aux médiés qui vont cheminer vers la solution.

  • #0

    Quel parcours de formation tu conseillerais à une personne intéressée par la médiation ?

  • #2

    De toute façon, il faut faire une formation de base qui prend en général une dizaine de jours, de façon à acquérir les concepts, ne serait-ce que cela. Quel que soit le métier d'où l'on vienne, que ce soit le métier d'avocat, que ce soit le métier de psy, le métier d'entrepreneur, etc. Et dans les formations, il y a vraiment des gens d'univers très variés. On vient chacun avec ses prismes. Ça c'est sûr. Comment prendre conscience que nous avons tous des prismes déjà ? Et comment pouvoir prendre de la distance par rapport à eux, les travailler, pour pouvoir trouver cette juste distance par rapport aux médiés ? Donc c'est un travail très important et qui prend du temps. Je participe à plusieurs... formation de base de médiateur, leur donner des outils de réflexion sur ce qu'est la médiation, commencer à leur faire goûter ce que c'est que l'écoute, et puis ensuite les accompagner, parce que c'est un travail de développement personnel, d'une certaine façon, c'est de réaliser, et ça m'est arrivé plusieurs fois en formation, que des personnes d'un certain âge, je me souviens notamment d'un ancien expert judiciaire, qui disait qu'il avait réalisé, qu'il n'avait jamais écouté de sa vie. Et c'était douloureux, et en même temps d'une très grande beauté, et d'une très grande intégrité. mais voilà, cette écoute-là, on ne l'apprend pas. On ne l'apprend pas.

  • #0

    Non, la base, c'est l'écoute.

  • #2

    Voilà, la base, c'est l'écoute, et puis ce travail de, comme j'allais dire, patouillage, c'est-à-dire de travail intérieur qui va être absolument nécessaire pour le médiateur. Ce qui ne veut pas dire, je le redis là encore, faire une psychanalyse pendant 25 ans, un travail pendant 25 ans. Mais voilà, prendre conscience de soi.

  • #0

    De son travail. Alors justement, ça rejoint... Une phrase qu'a écrite Carl Rogers, il disait Ma capacité à créer des relations qui facilitent la croissance de l'autre comme une personne indépendante est à la mesure du développement que j'ai atteint moi-même. C'est un peu ce que tu viens de dire. Et quel est, à ton avis, le rôle du conflit dans ce développement ? Est-ce que le conflit est un facteur du développement de l'individu, selon toi ?

  • #2

    Mais je pense, en quelques mots, le conflit c'est un sujet très très vaste. C'est de pouvoir affronter le conflit et survivre au conflit, parce que beaucoup de personnes finalement fuient le conflit, ou trouvent des moyens pour l'éviter. Et puis à un moment ça surgit, parce que le conflit fait partie de la vie. Se confronter, se frotter à l'autre. C'est normal. Par contre, que ça devienne violent au sens des paroles ou physique, ça c'est une dérive qu'il est possible de travailler. Affronter le conflit, le dépasser, pour co-construire quelque chose de différent ensemble.

  • #0

    Et pour grandir.

  • #2

    Et pour grandir.

  • #0

    Et pour grandir. Bien sûr. C'est aussi notre capacité à...

  • #2

    Tous les enfants commencent par se confronter à leurs parents. La phase du non est essentielle.

  • #1

    Pourquoi cette passion de la médiation pour laquelle nous sommes nombreux à vouloir nous investir ?

  • #0

    Je me dis, mais ça t'a touché à quelque chose de profond et qui suscite, je ne sais pas, peut-être de l'espoir ? Quel est ton regard là-dessus ?

  • #2

    Je pense effectivement que ça suscite de l'espoir dans un monde qui est très matériel, matérialisé. et qu'on a besoin d'autre chose. J'enfonce des portes ouvertes en disant ça. J'ai vu une évolution, notamment chez les avocats, puisque ça fait une quinzaine d'années que j'anime des formations à la médiation. Au début, notamment, les avocats venaient parce qu'il fallait faire 40 heures de formation sur deux années et que la formation de base était de 40 heures. Donc, pourquoi ne pas faire une formation à la médiation ? Ça n'arrive plus jamais aujourd'hui. C'est-à-dire que les avocats viennent en disant J'étais prêt à quitter ce métier parce qu'il me fatigue, mais... Pareil, partagé par d'autres membres de la société, parce que dans les instituts où j'interviens en tant que formateur, il y a des gens d'entreprise, il y a des psychologues, il y a des coachs, tous les métiers sont représentés, ce qui est relativement nouveau, ce qui montre une aspiration de la société, je pense, à quelque chose qui soit plus humain, plus... mettant la relation au centre des choses, parce que les outils de la médiation sont des outils que l'on peut utiliser, quelle que soit la situation dans laquelle on est, même dans sa vie privée. Je suis toujours très heureuse quand, après une formation, quelqu'un vient me dire ça a changé ma vie, pas simplement ma vie professionnelle, mais je n'écoute plus de la même façon la maison, mes rapports avec mes enfants ont changé Je trouve que c'est très enrichissant à ce moment-là.

  • #0

    Alors, autre question. Est-ce que tu crois, je vais la formuler du coup un peu différemment, est-ce que tu crois que la médiation, au-delà de placer la relation au centre de nos métiers, quel qu'il soit, a un impact transformatif ? Est-ce que tu crois que ça peut changer le monde, comme laisse entendre Carl Rogers, puisqu'effectivement, il y avait une jolie phrase qui disait Ce n'est pas des sciences physiques que dépend l'avenir, c'est de nous qui essayons de comprendre et d'affronter les interactions entre les hommes.

  • #2

    Oui, je le pense vraiment. Il y avait un auteur connu dans le monde de la médiation qui s'appelle Jacques Faget, qui avait écrit il y a quelques années un livre, La médiation, les ateliers silencieux de la démocratie. Je pense que ça participe à ça et que le jour où on apprendra, et ça arrive dans certaines écoles et dans certains pays, on apprendra, on transmettra par l'exemple. quelque chose de l'ordre de cette écoute et de ce respect de l'autre, le monde changera. Alors là, on réfléchit en France à créer des ateliers d'empathie, mais c'est par l'exemple que ça se transmet. Ce n'est pas tant une position décentante de réflexion sur ce que c'est que l'empathie, c'est de le faire vivre.

  • #0

    On ne peut pas dire qu'on montre trop l'exemple au niveau des gouvernements. Là-dessus, il y a un vrai sujet. Sur le dialogue social.

  • #2

    Absolument.

  • #0

    Ok, est-ce que toi tu as interrogé ton propre rapport au conflit ?

  • #2

    Bien sûr, j'ai vu notamment la part de moi qui avait peur du conflit et qui trouvait les moyens de l'éviter. Ça peut être encore très douloureux pour moi d'affronter un conflit. Dès l'instant, je suis directement concernée, mais j'ai appris à le regarder en face. de le regarder en face et de pouvoir, peut-être en me faisant aider, dépasser ce conflit en acceptant la confrontation avec l'autre tranquille.

  • #0

    Tranquille. La confrontation tranquille. La confrontation Ça serait un bon slogan, ça.

  • #2

    Absolument, de pouvoir ne pas être d'accord, parce qu'en médiation, il ne s'agit pas d'être d'accord.

  • #0

    Il ne s'agit pas d'être d'accord. C'est aussi le gros malentendu qu'il y a là-dessus.

  • #2

    Absolument. Et ni forcément de rechercher des solutions. C'est avant tout d'offrir un espace de parole qui va permettre aux personnes de cheminer vers leur solution.

  • #0

    Vers leur solution, bien sûr. Écoute, je te remercie beaucoup, Dominique. C'était un échange précieux. Merci beaucoup, Dominique.

  • #2

    Merci à toi, Emile. À bientôt.

  • #1

    Intéressant, n'est-ce pas ? Merci d'avoir écouté ce podcast jusqu'à la fin. Vous pouvez me faire part de vos remarques éventuelles via les réseaux sociaux ou sur ma messagerie accessible depuis le site internet ETG Avocat. Vous pouvez également noter ce podcast sur Apple Podcasts, la aide à la diffusion, et bien évidemment le partager autour de vous. cela soutient le propos qui consiste à faire connaître la médiation et ses possibilités au plus grand nombre à bientôt

Description

Dans ce quatrième épisode du podcast, je reçois Dominique Dollois, avocate honoraire au Barreau de Paris, psychothérapeute, médiatrice, formatrice et animatrice de groupe d’analyse de pratique.


Nous évoquons ensemble : 



  • Son cheminement personnel qui l’a conduit à ouvrir en parallèle de son cabinet d’avocat, un cabinet de psychothérapie après avoir découvert l’approche centrée sur la personne puis sa volonté de faire connaitre cette approche au Palais de Justice 


  • L’approche centrée sur la personne (ACP) théorisée par Carl ROGERS et la médiation comme relation d’aide pour trouver en soi son propre chemin 


  • Le travail sur soi où comment passer de l’état d’«incompétent inconscient » à celui de compétent inconscient, 


  • L’écoute active, ce qui est important pour bien écouter, le rôle de la confiance et du regard positif de l’écoutant


  • L’accueil des émotions du médiant en médiation et la tranquillité du médiateur 


  • La démarche de formation à la médiation, la prise de conscience de nos prismes et le rôle du conflit dans le développement de l’individu


  • L’engouement des formations à la médiation et sa portée transformative sur le monde   



Professionnels de l’accompagnement, cet échange devait vous ravir !



Bonne écoute !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Bonjour, vous écoutez

  • #1

    Antidote, le podcast qui interroge notre rapport au conflit. Je m'appelle Émilie Thivet-Grivel, je suis avocate et médiatrice, fondatrice du cabinet ETG Avocats, et chaque mois, je vais à la rencontre de professionnels qui apportent un éclairage à nos questions. Comment dépasser ces conflits qui entravent nos vies ? Comment rétablir un dialogue avec cet autre avec lequel on doit faire ? C'est l'objet de ce podcast que de vous partager mes rencontres et outils de réflexion pour changer de regard sur la conflictualité et l'organiser autrement.

  • #0

    Aujourd'hui, je reçois Dominique Deloy. Bonjour Dominique.

  • #2

    Bonjour Émilie.

  • #0

    Dominique, tu es avocate au Barreau de Paris, tu as prêté serment en 1979, tu es avocate honoraire depuis 2019, ce qui veut dire que tu n'exerces plus la profession d'avocat, mais tu es médiatrice, formatrice, animatrice de groupes d'analyse de pratiques, et tu es aussi formée à la psychothérapie et à la PNL, si je ne me trompe pas. C'est bien ça ? Je sais tout. Alors, première question que je voudrais te demander. Comment tu es venue à la médiation ? Est-ce que cela a été progressif le fruit d'une évolution assez naturelle ? Ou est-ce que cette orientation dans ta carrière d'avocat est en lien avec un événement qui t'a conduit à prendre ce virage ?

  • #2

    Alors, c'est plutôt le fruit d'une évolution, dans la mesure où, tout jeune avocat, j'ai éprouvé le besoin de faire un travail de développement personnel. Je suis tombée dans l'approche centrée sur la personne de Carl Rogers, dont sans doute on reparlera. J'ai fait ce travail et puis à un moment donné, j'ai éprouvé le besoin de faire une formation de psychothérapeute dans l'approche centrée sur la personne et qui est venue nourrir ma pratique d'avocat. Et à un moment donné, je me suis retrouvée, c'était vers les années 96-98, dans la situation d'avoir à la fois un cabinet d'avocat et par ailleurs un cabinet de psychothérapeute, de psychoprèse. praticien. Donc c'était un peu compliqué, je travaillais énormément, j'ai participé à la fondation aussi d'un institut de formation rogerien ACP Formation et à un moment c'était plus tenable et j'ai fait ce que l'on appelle une constellation familiale, alors je ne sais pas si tu sais ce que sont les constellations familiales, qui m'a permis de travailler sur la part de moi qui était avocat et la part de moi qui était thérapeute pour essayer de trouver quelque chose de l'ordre d'un équilibre. Et j'ai été très surprise lors de cette constellation, qui met en scène des parts de la personne, de mon intériorité, d'éprouver un chagrin monumental quand l'animatrice a demandé à l'avocat, puisque je disais je ne sais pas si je veux continuer à être avocat, a demandé à l'avocat de partir, de s'en aller. Et à ce moment-là, j'ai été prise d'un chagrin absolument invraisemblable que je n'attendais pas du tout. Et j'ai réalisé que pour trouver mon équilibre, il fallait que... Je sois à la fois dans le monde de la justice, qui était mon monde, et en même temps apporter tout ce que j'avais pu apprendre en termes de psychothérapie, en termes d'accompagnement des personnes. Et alors là, je me suis lancée le défi d'apporter l'approche centrée sur la personne au Palais de Justice de Paris, puisque c'était mon barreau.

  • #0

    D'accord, donc en fait, ça a été plutôt une conciliation, la médiation. Tu n'as pas encore utilisé ce mot-là, mais finalement une conciliation de... de casquettes ?

  • #2

    Absolument. Et à ce moment-là, la médiation est apparue dans des formations. Je me suis demandé comment unir ces deux parts de moi. Et c'est à ce moment-là que je me suis formée à la médiation dans les premières formations qui se mettaient en place à l'époque.

  • #0

    D'accord. Donc, c'est d'abord la découverte de la psychothérapie et de cette approche-là dont on va effectivement parler qui t'a emmenée sur le chemin de la médiation. Et du coup, ton cheminement en termes de formation, Tu t'es formée à la médiation après ?

  • #2

    Alors je me suis formée à la médiation quasiment dans la ligne droite de cette constellation familiale qui m'avait permis de prendre conscience de ce que je resterais avocat, mais que je souhaitais apporter une dimension psychologique. Donc à ce moment-là, il y avait une association qui s'appelait l'AAF, l'Association des avocats de la famille. Et je me suis dit, alors que je faisais du droit immobilier à l'époque, je me suis dit quel est le droit qui va me permettre d'unir ces deux parts de moi et me permettre d'être sur mes deux côtés. de pied. Et l'Assemblée Générale de l'AAF, arrivant peu de temps après, j'ai été élue, faute de candidat, autre, comme secrétaire de l'AAF. Et j'ai commencé avec mes petites camarades de l'époque, dont Muriel Larocque, qui a beaucoup fait pour la médiation et pour cette écoute, à proposer des conférences aux confrères, notamment sur ces thèmes psychologiques qui n'étaient pas du tout abordés à l'époque, quand on était à la fin des années 90.

  • #0

    D'accord, très intéressant. Et alors justement, on va en parler de cette approche centrée sur la personne. Je crois que tu te définis comme Roger Yen, en référence à Carl Roger, qui est considéré comme un des psychologues les plus influents du XXe siècle, à l'origine de cette approche. Et j'en déduis que cette approche, c'est celle qui nourrit ta pratique de la médiation. On va en parler. Est-ce que pour toi, la relation que tu tisses avec les médias s'analyse comme une relation d'aide au sens où l'entendait Carl Rogers ? Et donc, on peut en dire tout de suite un mot avant que tu répondisses. Dans son ouvrage majeur qui s'appelle Le développement de la personne il explique qu'une relation d'aide... Il s'agit d'écrire des relations dans lesquelles l'un ou moins des deux protagonistes cherchent à favoriser chez l'autre la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une grande capacité d'affronter la vie.

  • #2

    Oui, je pense que dans cette définition, effectivement, la médiation peut être considérée comme une relation d'aide. Ce qui est intéressant dans la pensée de Roger, c'est qu'il ne se plaçait pas du tout en position haute, en position de sachant. Donc, c'est vraiment quelqu'un qui a fait pour lui-même un certain travail, qui va accompagner une autre personne pour qu'elle découvre ce chemin pour elle-même. Et c'est exactement ce qu'on fait en médiation, c'est d'aider les personnes à devenir responsables de leurs choix grâce à la présence d'un tiers, alors neutre. impartial, etc., on reviendra peut-être sur les termes, mais qui va faciliter, et c'est un mot de l'approche centrée sur la personne, la facilitation, qui va faciliter la communication entre les personnes grâce à cette posture, de sorte qu'elles trouvent elles-mêmes leur chemin.

  • #0

    Bien sûr, bien sûr. Et justement, il explique qu'à Roger, dans sa thérapie centrée sur le client, Il considère que c'est ce qui produit le changement le plus positif, à condition d'être congruent, d'avoir une attitude chaleureuse, positive et réceptive, qu'il appelle ça la considération positive inconditionnelle, et évidemment de faire preuve de compréhension empathique. Ça, je pense qu'on n'a pas forcément besoin de développer. Alors moi j'avais envie de te faire un retour puisqu'on a fait une médiation déjà ensemble. Et on a l'impression que toutes ces clés, compréhension empathique, authenticité, acceptation inconditionnelle, sont très naturelles chez toi en médiation. Est-ce que tu as eu à les travailler ?

  • #2

    Mon Dieu, quand j'ai commencé à me former à l'approche centrée sur la personne, j'avais une trentaine d'années. Donc c'est 40 ans d'expérience d'une certaine façon, puisque je suis plutôt jeune. Ça devient une seconde nature. J'ai l'habitude de dire en formation, de rappeler en formation qu'au début on est des incompétents inconscients, donc tout va bien. Ensuite on trouve qu'il y a des incompétents conscients, c'est très douloureux. Avant de devenir des compétents conscients, ça commence à être... Ensuite, on devient des compétents inconscients, c'est-à-dire que quand on fait le choix, parce que ça ne peut pas être toute la journée bien sûr, quand on fait le choix de mettre à disposition ces qualités d'écoute, elles sont là, elles sont disponibles. Mais pour passer de l'incompétent inconscient au compétent inconscient, il y a assez beaucoup de travail, puisque c'est de créer de nouveaux réseaux neuronaux dans notre cerveau, et c'est la répétition, l'entraînement, etc., qui va permettre… C'est la pratique.

  • #0

    C'est la pratique. Tu dirais que, puisque tu t'es formée toi… Comment tu t'es fait trouver ? Si tu dis que tu avais une trentaine d'années...

  • #2

    Alors, la psychothérapie, la médiation, c'est arrivé à la fin des années 90. Mais c'était le tout début des formations.

  • #0

    Et tu dirais qu'il t'a fallu combien d'années pour... trouver un peu ta façon d'être et de sentir...

  • #2

    Alors, pour me sentir à l'aise, il m'a fallu 4-5 ans. Simplement, c'est un chemin qui n'a pas de fin. On est bien d'accord. C'est un chemin.

  • #0

    Un chemin de vie.

  • #2

    Absolument, tout à fait.

  • #0

    J'avais une autre question à laquelle tu as un petit peu répondu rapidement. Je ne savais pas que tu avais exercé aussi comme psychothérapeute. Alors, en parallèle de ce que...

  • #2

    J'ai eu 3 ou 4 à faire cela. Parallèlement à notre métier d'avocat, bien évidemment, on ne le disait pas. Les cabinets étaient séparés, donc il n'y avait pas de...

  • #0

    Oui, tu ne communiquais pas aux clients qui venaient te voir comme avocate que tu étais aussi psychothérapeute.

  • #2

    Voilà, et puis je n'avais pas les mêmes clients, bien sûr, comme avocat, comme thérapeute, parce que déontologiquement, à l'époque, ça aurait été peut-être difficile, mais en même temps... Mes petites copines de même formation et moi, on venait nous chercher pour nous faire parler de nos formations. Donc ça intéressait déjà à l'époque fortement. Et maintenant, c'est devenu courant, alors qu'à l'époque, c'était quelque chose qui restait encore très, très, très, très marginal.

  • #0

    Oui, c'est quand même pas si fréquent, pas tant que ça, parce que la formation pour s'engager justement sur des approches de psychothérapie, j'imagine que c'est assez long aussi.

  • #2

    C'est assez long, c'est plusieurs années, bien sûr, mais comment dire, beaucoup de confrères se forment au coaching maintenant, donc c'est une autre façon. d'aborder la relation qui donne une ouverture plus grande que la stricte formation juridique. Donc, il y a quand même une évolution en 25 ans importante.

  • #0

    Et alors, je sais que tu formes à l'écoute active en médiation. Qu'est-ce qui est important, selon toi, pour bien écouter ?

  • #2

    Ah mon Dieu ! Alors, ce qui est important... Pour bien écouter, c'est d'abord d'être en paix avec soi-même, c'est-à-dire de pouvoir s'écouter soi-même.

  • #0

    Intéressant.

  • #2

    Et ça rejoint un petit peu l'attitude que proposait Carl Rogers, que tu évoquais tout à l'heure, de congruence, être conscient de soi en temps réel, pour pouvoir utiliser ce qui se passe en moi au service de la relation si je pense que c'est nécessaire ou utile pour les personnes. Donc cette connaissance de soi me semble absolument fondamentale. Ça ne veut pas dire faire une psychanalyse de 25 ans, un travail thérapeutique. 25 ans, mais voilà, être en contact avec soi-même et être relativement en paix avec soi-même de façon à éviter de projeter sur l'autre ma propre histoire. Donc de pouvoir accueillir l'autre dans sa différence, les autres, puisqu'en médiation il y a au moins deux personnes, accueillir ces deux personnes dans leur différence et leur offrir un espace de parole qui soit, comment dire, bienveillant pour chacun. Donc cette prise de conscience de soi me semble un préalable.

  • #0

    C'est le préalable. C'est le préalable. Est-ce que... Est-ce qu'il s'agit de faire confiance quelque part aux personnes à ce moment-là ? Je m'explique un peu en travaillant un peu l'ouvrage de Carl Rogers. Il parle de cette notion de tendance actualisante. Il explique que selon lui, l'être profond est orienté positivement vers la maturation, l'autonomie et les rapports constructifs avec autrui. Ça m'a beaucoup plu, ça. et que quelque part, le regard de l'écoutant, il doit être positif et respectueux, mais il est fondé sur la confiance dans l'autoréalisation de la personne, sur le fait qu'il y a du positif. Absolument. Et j'ai trouvé ça super, moi.

  • #2

    C'est une croyance magnifique et très constructive.

  • #0

    Très optimiste.

  • #2

    Roger s'est basé pour élaborer cette tendance sexualisante sur une observation que tout le monde a pu faire, que j'aime bien raconter, Une histoire de pommes de terre. Quand j'achète un kilo de pommes de terre chez le marchand, il va me le mettre dans un papier craft obscur. Je vais le mettre au fond du frigidaire. Je vais abandonner mes pommes de terre. Qu'est-ce que je vais retrouver au bout de trois semaines à moi ? Des pommes de terre qui auront germé. Rogers, enfant ou adolescent, a fait cette observation que nous avons tous fait. Il en a tiré la conclusion que si des êtres vivants comme des pommes de terre, dans des conditions difficiles, l'obscurité, l'abandon, le froid, etc., étaient capables de faire ce qu'elles ont à faire, c'est-à-dire de germer. Alors tout être vivant, et plus particulièrement les êtres humains, était capable d'aller vers le meilleur pour eux. Donc il s'est appuyé sur cette tendance actualisante, pour ce qu'il a appelé la tendance actualisante, pour faire confiance à l'autre. Vraiment faire le pari que l'autre va aller vers le meilleur, alors peut-être maladroitement, comme mes pommes de terre abandonnées, mais toute démarche est une tentative pour aller vers le meilleur pour soi. Et que grâce au médiateur qui va accueillir, chacun, eh bien quelque chose de cette croyance, de cette confiance en l'autre peut se mettre en œuvre grâce au regard du tiers.

  • #0

    Ça, c'est un très beau concept, je trouve qu'on doit garder à l'esprit, et aussi en tant qu'avocat, parce que, voilà, moi, en tout cas, une grande partie de mon travail, c'est de convaincre de l'intérêt de la médiation, et on voit bien qu'il y a souvent un... On se heurte déjà aux réticences du client qui vous décrit l'autre comme mais non, avec lui, c'est pas possible, ça sert à rien et aussi la réticence du confrère qui est très sceptique et voit quand même bah oui, mais si ça marche pas, qu'est-ce qu'on fait ? Donc on efface toujours à cette... à cette réserve, et je trouve que ça, c'est très intéressant.

  • #2

    C'est très intéressant, c'est démontré scientifiquement aujourd'hui, il y a beaucoup d'études qui ont été faites, notamment dans le domaine scolaire, qui démontrent que le regard du professeur porté sur l'élève va avoir une influence déterminante sur ce qu'il va devenir.

  • #0

    Mais moi, je crois que ça a aussi à voir... je dérive un peu, mais je pense aborder sur ce sujet, à cette énergie de la médiation. Je ne sais pas si tu ressens ça, le fait que, justement, quand on crée ce cadre et qu'on pose ce regard, il y a quelque chose d'une dynamique positive qui peut quand même s'instituer. J'ai l'impression que c'est une affaire d'énergie, moi.

  • #2

    C'est une affaire d'énergie, et puis, comment dire, alors ça demande aussi un travail très important médiateur qui est le... Être tranquille avec le fait qu'il n'a pas à chercher de solution. Il a accompagné les médias à la recherche de leur propre solution. Et quand il est là, et qu'il trouve, grâce à son travail notamment, la juste distance avec les médias, alors il va leur laisser la place qu'il leur permet. de pouvoir, avec l'accueil bienveillant qu'il va offrir, de pouvoir cheminer vers le meilleur pour eux. Dans le meilleur des cas, mais ça arrive quand même relativement souvent.

  • #0

    Mais je voulais te faire un retour quand même, parce que c'est rare de pouvoir témoigner d'une médiation vécue. Et c'est vrai que sur cet espace d'écoute, je me souviens qu'on avait fait une médiation avec mon ancien compagnon et il était ressorti en disant elle écoute bien Et moi aussi, j'avais eu cette sensation. et cet espace. Je trouve que c'est vraiment ça dont on a besoin en médiation. Évidemment cet espace de parole, mais je me souviens dans les premiers échanges qu'on avait eus, toute la place que tu laissais aux médias. qui est dans une totale confusion. Je voulais aussi partager ça, parce que quand on vient en médiation, en général, c'est qu'on est dans une situation de crise. Donc ça, j'en ai parlé dans un autre podcast, où on est complètement bouleversé, pas forcément soi-même, et donc on va travailler à retrouver quelque chose de l'ordre. un calme intérieur qui nous aide à trouver ses ressources. Mais déjà, cette énergie, on revient sur la question de l'énergie, elle aide un petit peu à décanter l'eau trouble du verre. Tu vois, quand tu secoues et qu'il y a la terre au fond, il s'agit de ça. Et c'est vrai que moi, j'avais vraiment senti ça très très fort chez toi, ce calme dont tu parles, ça m'avait fait du bien. Et c'est vrai que dans un moment de grand trouble, Je crois que c'est hyper précieux d'offrir ça aux clients qui viennent nous voir, aux médias.

  • #2

    Les personnes qui viennent en médiation sont forcément animées par des émotions qui sont des émotions fortes.

  • #0

    Oui.

  • #2

    Et de pouvoir accueillir, être accueilli dans son émotion. et voir que l'autre peut être aussi accueilli dans ses propres émotions ça va permettre de déposer quelque chose et quand tu prends cette image de ce qui se dépose au fond du verre c'est exactement ça qui se passe parce que vouloir parler rationnellement à quelqu'un qui est dans l'émotion ça n'est pas possible non, ça c'est clair Donc accueillir les personnes dans leur émotion va leur permettre justement de déposer, de décanter. Et ça prend du temps. C'est pour ça qu'une médiation souvent s'étale sur un certain temps. Parce que justement, ce travail de décantation, il se fait en séance bien sûr, il va continuer entre les séances. Et on voit l'évolution des personnes au travers du temps. Et c'est aussi de pouvoir leur offrir ce temps avant qu'elles puissent passer à des choses plus rationnelles, comme des prises de décision. Mais ce... Le passage là, il est obligé.

  • #0

    Bien sûr,

  • #2

    bien sûr. Et si le médiateur n'est pas tranquille par rapport à ses propres émotions, il va avoir du mal à accueillir les émotions de l'autre. Bien sûr,

  • #0

    bien sûr. Mais sur ce que tu dis, sur le fait qu'on ne peut pas décider lorsqu'on est dans le feu de l'émotion, c'est quelque chose encore à diffuser. Quand on est médiateur, on a déjà un peu travaillé sur la question, mais moi pour le coup, je voudrais prêcher cette parole auprès de mes confrères, parce qu'on reçoit des gens en situation de crise. et on leur met tout de suite des solutions devant le nez, quand on n'est pas sur cette approche-là, ce qui est à mon avis une erreur immense, parce que ce ne sont pas des solutions qui sont raisonnables, souvent, et qui font écho à... à une forme de réactivité qui tire sa source dans une émotion forte.

  • #2

    Exactement.

  • #0

    C'est le contraire de quelque chose qui est mûrement réfléchi.

  • #2

    Absolument, ce ne sont pas des solutions pérennes. Ce ne sont pas des solutions pérennes. Comment laisser le temps aux personnes pour pouvoir cheminer jusqu'à ce moment où elles sont capables de s'entendre entre elles, s'entendre au sens des causes. Mais c'est la magie de la médiation, c'est de voir que grâce à cette attitude... Du tiers qu'est le médiateur, grâce à sa tranquillité, grâce à sa formation, sa compétence, etc., il va pouvoir offrir ce cadre aux médiés qui vont cheminer vers la solution.

  • #0

    Quel parcours de formation tu conseillerais à une personne intéressée par la médiation ?

  • #2

    De toute façon, il faut faire une formation de base qui prend en général une dizaine de jours, de façon à acquérir les concepts, ne serait-ce que cela. Quel que soit le métier d'où l'on vienne, que ce soit le métier d'avocat, que ce soit le métier de psy, le métier d'entrepreneur, etc. Et dans les formations, il y a vraiment des gens d'univers très variés. On vient chacun avec ses prismes. Ça c'est sûr. Comment prendre conscience que nous avons tous des prismes déjà ? Et comment pouvoir prendre de la distance par rapport à eux, les travailler, pour pouvoir trouver cette juste distance par rapport aux médiés ? Donc c'est un travail très important et qui prend du temps. Je participe à plusieurs... formation de base de médiateur, leur donner des outils de réflexion sur ce qu'est la médiation, commencer à leur faire goûter ce que c'est que l'écoute, et puis ensuite les accompagner, parce que c'est un travail de développement personnel, d'une certaine façon, c'est de réaliser, et ça m'est arrivé plusieurs fois en formation, que des personnes d'un certain âge, je me souviens notamment d'un ancien expert judiciaire, qui disait qu'il avait réalisé, qu'il n'avait jamais écouté de sa vie. Et c'était douloureux, et en même temps d'une très grande beauté, et d'une très grande intégrité. mais voilà, cette écoute-là, on ne l'apprend pas. On ne l'apprend pas.

  • #0

    Non, la base, c'est l'écoute.

  • #2

    Voilà, la base, c'est l'écoute, et puis ce travail de, comme j'allais dire, patouillage, c'est-à-dire de travail intérieur qui va être absolument nécessaire pour le médiateur. Ce qui ne veut pas dire, je le redis là encore, faire une psychanalyse pendant 25 ans, un travail pendant 25 ans. Mais voilà, prendre conscience de soi.

  • #0

    De son travail. Alors justement, ça rejoint... Une phrase qu'a écrite Carl Rogers, il disait Ma capacité à créer des relations qui facilitent la croissance de l'autre comme une personne indépendante est à la mesure du développement que j'ai atteint moi-même. C'est un peu ce que tu viens de dire. Et quel est, à ton avis, le rôle du conflit dans ce développement ? Est-ce que le conflit est un facteur du développement de l'individu, selon toi ?

  • #2

    Mais je pense, en quelques mots, le conflit c'est un sujet très très vaste. C'est de pouvoir affronter le conflit et survivre au conflit, parce que beaucoup de personnes finalement fuient le conflit, ou trouvent des moyens pour l'éviter. Et puis à un moment ça surgit, parce que le conflit fait partie de la vie. Se confronter, se frotter à l'autre. C'est normal. Par contre, que ça devienne violent au sens des paroles ou physique, ça c'est une dérive qu'il est possible de travailler. Affronter le conflit, le dépasser, pour co-construire quelque chose de différent ensemble.

  • #0

    Et pour grandir.

  • #2

    Et pour grandir.

  • #0

    Et pour grandir. Bien sûr. C'est aussi notre capacité à...

  • #2

    Tous les enfants commencent par se confronter à leurs parents. La phase du non est essentielle.

  • #1

    Pourquoi cette passion de la médiation pour laquelle nous sommes nombreux à vouloir nous investir ?

  • #0

    Je me dis, mais ça t'a touché à quelque chose de profond et qui suscite, je ne sais pas, peut-être de l'espoir ? Quel est ton regard là-dessus ?

  • #2

    Je pense effectivement que ça suscite de l'espoir dans un monde qui est très matériel, matérialisé. et qu'on a besoin d'autre chose. J'enfonce des portes ouvertes en disant ça. J'ai vu une évolution, notamment chez les avocats, puisque ça fait une quinzaine d'années que j'anime des formations à la médiation. Au début, notamment, les avocats venaient parce qu'il fallait faire 40 heures de formation sur deux années et que la formation de base était de 40 heures. Donc, pourquoi ne pas faire une formation à la médiation ? Ça n'arrive plus jamais aujourd'hui. C'est-à-dire que les avocats viennent en disant J'étais prêt à quitter ce métier parce qu'il me fatigue, mais... Pareil, partagé par d'autres membres de la société, parce que dans les instituts où j'interviens en tant que formateur, il y a des gens d'entreprise, il y a des psychologues, il y a des coachs, tous les métiers sont représentés, ce qui est relativement nouveau, ce qui montre une aspiration de la société, je pense, à quelque chose qui soit plus humain, plus... mettant la relation au centre des choses, parce que les outils de la médiation sont des outils que l'on peut utiliser, quelle que soit la situation dans laquelle on est, même dans sa vie privée. Je suis toujours très heureuse quand, après une formation, quelqu'un vient me dire ça a changé ma vie, pas simplement ma vie professionnelle, mais je n'écoute plus de la même façon la maison, mes rapports avec mes enfants ont changé Je trouve que c'est très enrichissant à ce moment-là.

  • #0

    Alors, autre question. Est-ce que tu crois, je vais la formuler du coup un peu différemment, est-ce que tu crois que la médiation, au-delà de placer la relation au centre de nos métiers, quel qu'il soit, a un impact transformatif ? Est-ce que tu crois que ça peut changer le monde, comme laisse entendre Carl Rogers, puisqu'effectivement, il y avait une jolie phrase qui disait Ce n'est pas des sciences physiques que dépend l'avenir, c'est de nous qui essayons de comprendre et d'affronter les interactions entre les hommes.

  • #2

    Oui, je le pense vraiment. Il y avait un auteur connu dans le monde de la médiation qui s'appelle Jacques Faget, qui avait écrit il y a quelques années un livre, La médiation, les ateliers silencieux de la démocratie. Je pense que ça participe à ça et que le jour où on apprendra, et ça arrive dans certaines écoles et dans certains pays, on apprendra, on transmettra par l'exemple. quelque chose de l'ordre de cette écoute et de ce respect de l'autre, le monde changera. Alors là, on réfléchit en France à créer des ateliers d'empathie, mais c'est par l'exemple que ça se transmet. Ce n'est pas tant une position décentante de réflexion sur ce que c'est que l'empathie, c'est de le faire vivre.

  • #0

    On ne peut pas dire qu'on montre trop l'exemple au niveau des gouvernements. Là-dessus, il y a un vrai sujet. Sur le dialogue social.

  • #2

    Absolument.

  • #0

    Ok, est-ce que toi tu as interrogé ton propre rapport au conflit ?

  • #2

    Bien sûr, j'ai vu notamment la part de moi qui avait peur du conflit et qui trouvait les moyens de l'éviter. Ça peut être encore très douloureux pour moi d'affronter un conflit. Dès l'instant, je suis directement concernée, mais j'ai appris à le regarder en face. de le regarder en face et de pouvoir, peut-être en me faisant aider, dépasser ce conflit en acceptant la confrontation avec l'autre tranquille.

  • #0

    Tranquille. La confrontation tranquille. La confrontation Ça serait un bon slogan, ça.

  • #2

    Absolument, de pouvoir ne pas être d'accord, parce qu'en médiation, il ne s'agit pas d'être d'accord.

  • #0

    Il ne s'agit pas d'être d'accord. C'est aussi le gros malentendu qu'il y a là-dessus.

  • #2

    Absolument. Et ni forcément de rechercher des solutions. C'est avant tout d'offrir un espace de parole qui va permettre aux personnes de cheminer vers leur solution.

  • #0

    Vers leur solution, bien sûr. Écoute, je te remercie beaucoup, Dominique. C'était un échange précieux. Merci beaucoup, Dominique.

  • #2

    Merci à toi, Emile. À bientôt.

  • #1

    Intéressant, n'est-ce pas ? Merci d'avoir écouté ce podcast jusqu'à la fin. Vous pouvez me faire part de vos remarques éventuelles via les réseaux sociaux ou sur ma messagerie accessible depuis le site internet ETG Avocat. Vous pouvez également noter ce podcast sur Apple Podcasts, la aide à la diffusion, et bien évidemment le partager autour de vous. cela soutient le propos qui consiste à faire connaître la médiation et ses possibilités au plus grand nombre à bientôt

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