- Pauline Leroux ArtEcoVert
Bonjour et bienvenue dans le podcast ArtEcoVert, le podcast qui vous parle d'art, d'écologie et de verdure. Je suis Pauline Leroux, ingénieure agronome passionnée de plantes, et je vous emmène à la découverte de la couleur végétale et de toutes ses applications. Que ce soit dans le textile, l'ameublement, l'artisanat, la décoration et dans d'autres domaines, chaque jeudi et samedi à 7h30, je vous propose des épisodes riches avec des invités passionnants pour approfondir le sujet de la couleur végétale sur toute la chaîne de Valeur.
- Christine D'Ingrando
Mon but,
- Pauline Leroux ArtEcoVert
fédérer et démocratiser la couleur végétale dans le monde. Alors c'est parti,
- Christine D'Ingrando
bonne écoute !
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Bonjour à tous, je suis ravie d'accueillir sur le podcast Aréco Vert Christine D'Ingrandeau. Bonjour Christine.
- Christine D'Ingrando
Bonjour.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Alors, on va être en transparence avec les auditeurs. C'est un épisode qu'on fait vraiment au pied levé, en improvisation toutes les deux, parce que grâce à Alizarine Teinture, vous m'avez été présentée, et en fait, on trouvait ça vraiment hyper intéressant d'avoir votre témoignage. Donc, je vous remercie de vous prêter à cet exercice. d'ultra spontanéité. Donc, la première question que je voudrais vous poser, c'est est-ce que vous pouvez vous présenter votre parcours et comment vous en êtes arrivée à la couleur végétale ?
- Christine D'Ingrando
Alors, mon parcours, il est un peu surprenant puisque au départ, je suis un contrôleur aérien. J'ai travaillé plus de dix ans en tant que contrôleur aérien. Et je suis arrivée par des concours de circonstances dans une commune où il y a eu beaucoup de travail sur la garance. Et dans ma reconversion, il y a eu un intérêt sur le sujet industriel, puisque c'était dans le Vaucluse, il était quand même à une échelle industrielle, la teinture naturelle. Et j'ai commencé à écrire un projet. sur les colorants naturels, il y a un peu plus de 10 ans maintenant. et le sujet me semblait quand même complexe à mener seul, parce que l'idée pour moi, c'était de réintroduire, il y a plus de dix ans, le colorant, c'était une évidence pour moi, on devait tendre vers la naturalité, et là je me suis dit, seul, tu ne vas pas y arriver, et donc, concours de circonstances ou pas, trois jours après la fin, le point final de mon projet, il y a eu un article de presse, à l'occasion des journées de la recherche à l'Université d'Avignon, où on présentait un jeune doctorant et une directrice de recherche qui travaillaient sur la garance. Donc, je suis allée me présenter. Et là, le contact a été immédiat et super entre la directrice de recherche. Et ensuite, elle m'a proposé de présenter ça au président de l'université qui m'a écoutée, qui a validé la totalité du principe. que j'exposais. Et comme ça, c'est enchaîné toutes les rencontres avec la maison de la recherche, les différents directeurs de recherche, différents départements de l'université. Et j'ai pu commencer à déposer le premier programme de recherche. Voilà, c'est comme ça que je suis arrivée à débuter mon projet sur la garance, puisque...
- Pauline Leroux ArtEcoVert
en l'occurrence c'était vraiment la garance qui était le sujet phare du Vaucluse d'accord ok et alors est-ce que du coup vous pouvez nous présenter maintenant votre entreprise Erubescence, nous expliquer quand est-ce qu'elle a été créée combien vous êtes à travailler, où elle est située son projet, ses produits et services s'il y en a pour qu'on resitue bien le cadre voilà
- Christine D'Ingrando
Alors, le projet a débuté, comme je vous l'ai dit, il y a plus de dix ans. Et on a débuté pas mal de programmes de recherche parce que, dès le départ, on m'a permis d'avoir un atelier avec des entreprises différentes qui s'intéressaient déjà à ce moment-là à la coloration naturelle. Et donc, je les ai écoutées. J'ai dit, voilà, moi, j'ai le souhait de proposer un colorant naturel. et eux m'ont dit quelles étaient leurs contraintes. Alors l'intérêt, c'est qu'ils étaient de différents secteurs, ils m'ont tous parlé de ce qu'ils attendaient d'un colorant, quel qu'il soit, naturel ou pas, comment eux travaillaient, et ce qui m'a permis dans ma réflexion de partir en fait des contraintes et du produit fini en me disant pour y arriver, qu'est-ce que je dois faire ? Et en fait, en partant comme ça à l'inverse, ça m'a permis de déposer tous les programmes de recherche en gardant à l'esprit que je partais sur le principe que j'allais travailler pour un produit industriel qui resterait en B2B, donc jamais sur le particulier. Et donc, il fallait une performance et surtout, tout de suite, ils m'ont parlé de la répétabilité de la couleur dans la production. Et là, effectivement, ça m'a permis de commencer à travailler sur la plante, sur les possibilités de transformation. et l'entreprise a été créée à l'issue de ça puisque là j'ai vu qu'il y avait vraiment une possibilité réelle d'industrialiser le colorant, l'entreprise a été créée en 2015, elle est devenue une jeune entreprise innovante il y a eu un brevet déposé et là on a continué parce qu'en fait ce qu'il faut comprendre c'est qu'industrialiser une plante c'est possible, surtout avec la performance de certaines mais il faut toujours garder à l'esprit la manière dont on va le faire pourquoi on le fait et quel est l'objectif il faut vraiment garder ça à l'esprit il y a une contrainte importante dès le départ et sur ces contraintes là techniques, moi j'ai rajouté le parcours développement durable et la soutenabilité de la production parce qu'il me paraissait évident que je ne pouvais pas présenter un produit naturel si dans mon propre parcours de transformation, je n'étais pas le plus naturel possible. Il y avait pour moi une légitimité, une évidence. Donc effectivement, ça a complexifié tout le travail et l'approche du colorant et la transformation pour avoir une proposition d'un colorant de haut niveau. Voilà.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
D'accord. Alors, du coup, Christine, j'ai plusieurs questions. Est-ce que vous pouvez expliquer comment on dépose un programme de recherche ? Parce que d'habitude, quand on parle de programme de recherche, c'est des gens qui sont chercheurs, dont c'est le métier. Ça veut dire qu'en fait, il faut trouver un partenaire et on peut proposer un programme de recherche, c'est ça ?
- Christine D'Ingrando
Oui, alors il faut un partenaire. Moi, je me suis adressée au laboratoire public, puisque du coup, le président de l'université d'Avignon avait cette volonté de m'accompagner. Et ils ont pu me mettre à disposition, avec l'accord d'un maison de la recherche, et tous les chercheurs, me mettre à disposition, les directeurs de recherche et le travail qu'ils faisaient dans différents domaines. je me suis appuyée souvent sur les laboratoires publics et j'ai été aussi dans mon parcours accompagnée par le CEA, Marc-Hulk Adarach, qui m'a mis à disposition aussi les laboratoires pour la recherche. Donc, quand on approche les laboratoires, eux ont effectivement la connaissance, la technique, l'expérience. En revanche, ce qu'ils n'ont pas, c'est quel est le but, l'objectif de la recherche. Et quand on construit un programme de recherche, il faut vraiment qu'il soit bien défini, qu'est-ce qu'on veut y mettre et vers où on veut tendre. Et en fait, il y a une logique imparable dans le programme de recherche qui va permettre aux laboratoires, aux chercheurs de commencer à travailler. Mais le but final, l'objectif, c'est quand même, moi en tant que chef d'entreprise, qu'il est toujours fixé. Et je savais pourquoi j'allais faire ce programme à ce moment, parce que ça me permettait d'avancer et de consolider les intentions que j'avais dans la transformation du colorant.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Ok, très bien. Alors, j'ai encore envie de vous demander, dans votre recherche, donc de monter en, on va dire, d'industrialiser la garance du Vaucluse, est-ce que vous avez, dans les entreprises que vous avez rencontrées, vous pouvez nous citer les applications de la couleur végétale ? Parce qu'en fait, ça, c'est l'objectif du podcast à Recover, c'est de couvrir les différentes applications de la couleur végétale. On en a trouvé plein, plus que prévu initialement, c'est pour ça que je vous propose… Enfin, je voudrais qu'on précise ensemble quels sont les types d'entreprises que vous avez rencontrées, comme ça on voit un petit peu les sujets qu'on va pouvoir aborder.
- Christine D'Ingrando
Alors, dans la production, dans le process que j'ai mis en place, l'idée c'était, je n'ai pas eu au départ un secteur ciblé en particulier. Par exemple, je n'ai pas travaillé pour le textile, absolument que le textile. j'ai travaillé un colorant. J'ai travaillé un colorant qui devait correspondre à une industrialisation. Donc c'est un état d'esprit différent. Je ne vais pas vers un secteur. Je vais proposer un colorant qui peut s'adapter à différentes techniques, parce que même au niveau textile ou dans d'autres secteurs, chacun a son procès, chacun a ses méthodes. Et donc pour moi, il ne fallait pas qu'il y ait un frein technologique derrière. Donc je ne me suis pas mise de barrière sectorielle en disant que ce sera un colorant textile. J'ai travaillé pour offrir un éventail large de possibilités. Et là, à l'heure actuelle, le colorant, ça concerne, intéresse autant le secteur textile, cosmétique, que le cuir, les encres, les peintures. Les peintures, même les restaurateurs d'art sont très intéressés parce que la garance a un parcours un peu particulier. On peut dire que maintenant, l'irubescence propose un colorant qui est micronisé, qui peut aller dans différents bains, quelles que soient les technologies ou les secteurs, et qui est assez polyvalent pour répondre à toutes les attentes.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
d'accord ok bon c'est déjà plus clair pour moi pour vous poser les questions et du coup j'avais j'apprécie votre travail d'être partie de la contrainte des entreprises pour travailler votre colorant parce que je trouve ça hyper intéressant j'ai changé avec un invité qui passera sur le podcast donc du coup après vous sur comment ça se fait que la couleur végétale n'est pas plus employée au niveau industriel ou en tout cas dans la tête des acteurs et en fait ce qu'il m'expliquait c'est que il y a trop de de préjugés. Donc ça, c'est aussi le but du podcast, de les lever un par un, avec les invités, les experts qu'il faut. Mais il dit aussi, on ne part pas des contraintes des entreprises pour adapter le produit. Donc ce que j'aimerais voir avec vous, c'est quelles sont les contraintes qui vous ont été remontées, pour savoir si on a couvert tous les préjugés de la couleur végétale. J'aimerais vraiment avoir votre retour d'expérience.
- Christine D'Ingrando
Alors, le premier préjugé, vous le connaissez tous, on nous dit que c'est un colorant qui aime bien moins que le colorant synthétique. ce qui est faux. Ce qui est faux parce que quand on expose un colorant synthétique à la lumière, je mets au défi quiconque de me dire qu'un pantalon noir va rester noir en étant aux UV en permanence. On sait très bien que les bains réciviels, on sait très bien que la lumière a un impact sur le colorant synthétique. Donc le colorant naturel n'est pas plus ou moins que le colorant synthétique. La bonne preuve, c'est que si on prend le cas de la garance, la garance est connue comme un colorant naturel depuis plus de 4000 ans. Il a été historiquement chez nous en France classé grandin par Colbert, quand il a eu la volonté d'industrialiser la France. Donc je pense que les prérequis, même à ce moment-là, étaient quand même la tenue de la couleur dans le temps. Donc ça a fait ses preuves et on retrouve historiquement… des objets, par exemple la ceinture qu'il y avait dans le sarcophage de Toutankhamon, qui était teintée en garance, la tunique dite du Christ qui est exposée à Argenteuil, qui a été décrochée, et si je ne me trompe pas, c'est bien de la garance contemporaine de cette époque-là. Donc c'est un peu le colorant de l'humanité pour moi, c'est un colorant qui a accompagné l'homme sur toutes ses intentions de teindre des textiles. et si on le retrouve d'un point de vue archéologique et historique encore rouge c'est qu'effectivement il y a une tenue donc ça c'était le premier point et je me bats contre ça après la difficulté de la plante ou du colorant naturel c'est que les plantes s'affairent à beaucoup de choses mais elles ne le font pas en grande quantité c'est à l'inverse de la chimie de synthèse qui est une molécule répétable à souhait et à bas coût Là, on est dans des produits à valeur ajoutée, de haute intensité, mais qui demandent aussi une précaution d'approche, une compréhension de son cycle végétal pour bien travailler avec elle. Donc, c'est vrai qu'il y a une complexité, mais il faut… Alors, je dirais, moi, je suis partie… C'est un choix, je suis partie de la contrainte pour comprendre comment j'allais travailler et qu'est-ce que j'allais pouvoir donner. Et est-ce qu'elle pouvait répondre à des intents industriels ? Donc, il a fallu que je… j'ai beaucoup, beaucoup d'observations, je travaille énormément, j'ai fait de nombreux tests pour comprendre si à un moment donné c'était une utopie d'industrialiser une plante naturelle. ou alors il y avait une possibilité vraiment de dire que le colorant pouvait petit à petit prendre sa place, alors peut-être pas se substituer à tous les marchés de la teinture, mais en revanche, par rapport aux entreprises qui ont des démarches comme moi je l'ai dans le principe, c'est-à-dire la durabilité d'un process industriel, là on peut effectivement retravailler, mais ça veut dire que c'est, en fait j'ai toujours tendance à dire que c'est la plante. qui va donner le chemin à suivre, et non nous qui allons forcer la plante. On a toujours été comme ça, c'est-à-dire que quel que soit le domaine, la teinture ou autre chose, on a une tendance à penser être supérieur à la nature, à la maîtriser complètement, or on ne fait que l'imiter. et on l'imite, on l'a imité pendant des décennies, mais on l'a tellement mal imité qu'on est arrivé à certaines catastrophes. Là, non, il faut respecter ce qu'elle est, il faut l'entendre et la comprendre, et ensuite travailler en se disant comment je peux travailler avec ce qu'elle donne pour en faire un produit industriel.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Ok, donc deuxième préjugé, en gros, c'est la complexité du végétal, si on résume ce deuxième préjugé.
- Christine D'Ingrando
Tout à fait, tout à fait.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Est-ce qu'il y avait d'autres préjugés qui vous ont été remontés par rapport aux entreprises que vous avez rencontrées ?
- Christine D'Ingrando
Alors, elle, c'était la répétabilité, parce qu'on est sur du naturel, c'est-à-dire qu'il peut y avoir une zone de tolérance de teinte, de nuance, mais pas un écart important. C'est-à-dire, comment… Alors, ce qu'ils m'ont expliqué, c'est que nous, par exemple, dans le textile, s'ils font un pull rouge, le bain d'après doit être à peu près le même. Alors ça, c'était un des points bloquants. et là on est sur du naturel c'est-à-dire qu'on ne maîtrise pas l'évolution climatique, on ne sait pas ce qui se passe dans le champ, on ne sait pas comment la plante va évoluer dans son cycle donc effectivement il va falloir intégrer dans sa transformation tout ce qu'elle peut subir au préalable et qui pourrait être qui pourrait amoindrir la qualité donc ça c'est un travail qu'il faut aussi faire de compréhension de la plante et de travail au moment de la transformation Donc voilà, ça, ça a été un des points sur la répétabilité, c'est-à-dire comment arriver à avoir un bain moyen en permanence, une couleur, une teinte qu'on va pouvoir redonner en permanence.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
D'accord, donc trois préjugés en gros, c'est ça, trois gros préjugés. Du coup, ça m'amène à la question, Christine, de l'agronomie, tout simplement, de la culture de la garance, parce que quand vous dites qu'il y a la tenue dans le temps, donc c'est comment la plante exprime, on va dire, ses molécules colorantes, on sait que la garance, du coup, c'est par sa racine, mais qu'il y a un temps. on en a échangé avec Laura Roussier du Champ des couleurs qui cultivait la garance, on sait qu'il y a un temps spécifique à attendre et que des fois ça ne sert à rien de laisser une garance trop longtemps dans le sol parce qu'elle ne va pas produire forcément plus de molécules. Est-ce que vous, vous pouvez nous raconter comment vous avez appréhendé cette partie agronomique ? Qui sont vos partenaires ? Comment vous faites vos tests ? Comment ça se passe ?
- Christine D'Ingrando
Alors, sur la partie agronomique, j'ai eu l'occasion et la chance de pouvoir déposer une thèse doctorale avec les laboratoires de l'Université d'Avignon, où il y avait une double entrée, une entrée agronomique et une entrée chimique. Et donc, le jeune doctorant a super bien travaillé sur ces deux principes, parce que l'un ne va pas sans l'autre, évidemment, puisqu'on est dans la chimie du vivant. et qu'effectivement les plantes s'adaptent à leur environnement. Il y a tout un environnement pédoclimatique qui fait que la plante va donner le meilleur ou le pire. C'est un peu comme le vin, c'est-à-dire qu'il y a un effet terroir sur les plantes qui est important et ça il faut l'intégrer aussi. on ne plante pas n'importe quelle plante, n'importe où. Alors déjà, parce que c'est une hérésie environnementale, ça veut dire qu'on va forcer la plante, et que là, il est hors de question qu'on force la plante que je vais traiter ensuite, parce que je veux un travail correct dans le champ, pour que derrière, je puisse travailler dans les meilleures conditions. Mais la soutenabilité pour moi, c'est-à-dire que vraiment la question de la plante, de son cycle, de sa vie, de sa chimie, commence dès la graine et finit au moment où je propose. propose le produit au client. Donc il y a une logique et il y a une manière d'appréhender le monde du vivant qui pour moi est très important. Et je pense qu'on arrive à un niveau de performance quand on intègre un peu ce principe. C'est un peu le principe des parfumeurs, qui eux savent exactement à quel moment de la journée il faut cueillir la fleur pour pouvoir ensuite la transformer et avoir les extraits.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
On m'avait dit, il y a un invité qui m'a dit que la France était le premier producteur mondial de garances au XVIIIe siècle. C'est ça ou je me suis embrouillée ? Non, c'est bien ça ?
- Christine D'Ingrando
Alors, c'est bien ça. Dans le Vaucluse, on a eu, jusqu'à la fin du XIXe, 14 000 hectares de garances. Et à ce moment-là, l'Eau Vaucluse exportait 60% du rouge mondial, avec des qualités remarquables sur ce rouge. Donc ce n'était pas une petite anecdote économique. pour la France. Et ça s'est effondré pour deux raisons. La première raison qui est connue pour beaucoup, c'est l'arrivée de la molécule de synthèse et qui a évincé le naturel parce qu'on sortait une molécule à bas coût, alors que la garance, il y a quand même des transformations et une approche, il y a beaucoup de main-d'œuvre, donc effectivement on ne peut pas sortir la garance au naturel au coût du pétrole. La deuxième, c'est qu'il y a eu une ouverture à l'import de produits asiatiques en grande quantité, avec des coûts moindres, donc à bas coût, mais de qualité moindre aussi. Là aussi, il y a une répétabilité économique malheureuse pour nous, c'est-à-dire qu'on importe des produits à bas coût, mais qui ne tiennent pas. Et donc je pense que dans le principe même de ce qu'on peut retirer de ces leçons-là historiques, c'est que tout ce qui est fast, fast fashion, fast food, etc., c'est qu'on n'a pas respecté, on a voulu spéculer sur des plantes, et on n'est pas allé au-dessous des principes, mais on n'a pas respecté ce qu'on avait sous la main, et on n'a pas élevé le niveau, on l'a plutôt baissé. et au bout d'un moment on se prend notre propre piège puisque là on voit qu'effectivement je pense qu'on est arrivé au bout du principe de la chimie de synthèse et que la chimie du naturel va devoir rejouer un rôle important dans un monde qui est en transition
- Pauline Leroux ArtEcoVert
On est complètement d'accord là-dessus J'avais des questions pour cibler la garance, c'est la garance des teinturiers que vous travaillez ou aussi la garance voyageuse ?
- Christine D'Ingrando
Alors c'est la garance des teinturiers parce que c'est celle qui a été plantée dans le Vaucluse. Et que pour l'un, pour le coup, je suis partie sur un patrimoine végétal. En fait, je suis partie sur le principe du patrimoine. Comment faire du passé, une histoire d'avenir ? C'était un peu le propos que j'ai tenu à l'université, en se disant qu'elle a existé, il n'y a pas de hasard dans la vie, si elle a existé ici, c'est qu'elle doit exister. Et du coup, en Vaucluse, on a le patrimoine végétal qui est là, le patrimoine naturel, on a le patrimoine bâti, puisqu'on a encore des fours à garance ou des moulins à garance. Et après, il y a ce patrimoine immatériel, puisque un des grands faiseurs et des grands chercheurs sur la garance était Jean-Henri Fabre. qui a déposé énormément de brevets sur la garance et qui croyait déjà à son époque à l'industrialisation, accompagné d'un autre grand chimiste qui lui a eu la chance d'être connu avec une autre plante qui était l'anis étoilé puisque c'était M. Pernaut et qui, quand il a quitté la garance, est allé faire cet alcool anisé qu'on connaît tous.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
d'accord et ça me fait penser ce que vous me racontez ça me fait penser au livre je crois que c'est Gustave Eusé ou quelque chose comme ça qui parle des plantes industrielles des territoires des terroirs à respecter etc ça vous parle ou pas ce je crois que c'était lui qui parle je ne l'ai pas lu mais en tout cas je partage complètement ce principe c'est-à-dire c'est une plante pour un territoire en
- Christine D'Ingrando
fait la plante elle sait où elle est bien il faut respecter le choix de la plante je dirais à la limite alors c'est vrai qu'on a tendance à toujours forcer la dose mais si on force ça veut dire qu'on va faire entrer certains principes qui sont peut-être un préjudice sur la qualité moi je ne veux absolument pas rogner sur la qualité du produit donc je entre guillemets j'écouterai plutôt ma plante je suivrai ce qu'elle va me dire et à partir de là je vais établir un principe c'est plutôt elle qui me dicte la manière de faire et là je reconnais toute mon humilité devant la plante parce qu'elle m'impressionne énormément sur la capacité qu'elle a et la complexité qu'elle a
- Pauline Leroux ArtEcoVert
J'ai une petite question, c'est un petit paradoxe. On m'a dit une fois qu'une plante tinctoriale exprimait plus de molécules, je vous la fais méga courte, mais exprimait plus de molécules quand elle était en souffrance. Et en gros, on m'avait parlé d'un stress par la sécheresse ou certaines plantes qui donnent le bleu par un stress hydrique donnaient plus de molécules de couleur. Est-ce que ça, ça se retrouve sur la garance ?
- Christine D'Ingrando
Alors ça se retrouve sur la guérance Mais dans tout le monde végétal C'est-à-dire qu'une plante ne fait jamais rien pour rien Tout ce qu'elle donne Est une réponse à quelque chose Et ce qui est remarquable C'est que Le monde végétal Ne génère aucun déchet Et ça c'est aussi important pour moi de regarder Comment l'évolution Des plantes Chaque chose est étudiée Il y a une ingénierie Sur la plante qui est extraordinaire quel que soit le type de plante, la plante va faire quelque chose ou va venir, va produire quelque chose, elle va exprimer effectivement soit une réponse à un stress, soit quelque chose par rapport à un stress hydrique, une attaque de... d'insectes, quelque chose. Mais en fait, la plante dans son monde, dès qu'on la change, elle est adaptée à son monde. Je prends, pour exemple, une... Alors, ça n'a rien à voir avec les plantes territoriales, mais c'est très significatif. J'ai rencontré un chercheur de l'INRA qui travaillait sur la vanille et qui me dit que la vanille est originaire d'Amérique du Sud. Et nous, on a en France la vanille Bourbon qui vient de la Réunion. en fait c'est parce que on a transporté la vanille d'Amérique du Sud à la Réunion et qu'on a fait cette vanille bourbon or on sait qu'on pollinise la vanille à la main pour qu'elle puisse donner la gousse or en Amérique du Sud il y a un insecte il y a une mouche qui pollinise la vanille toute seule donc on est parti avec les plants mais sans l'insecte et là on a fait une rupture de chaîne et on est obligé d'intervenir. Donc, vous voyez que la nature a tout pensé à tout moment. Et donc, quand la plante n'est pas dans tout ce qu'il lui faut, elle va évoluer, mais peut-être pas de manière idéale. Et la garance, c'est pareil. Quand elle est dans son domaine, elle évolue de manière idéale. Elle va donner les réponses qu'il faut. Elle ne fait rien pour rien. Si on la met dans un autre domaine, elle donnera une autre réponse.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Ah génial, j'adore votre exemple sur la vanille, ça me parle, bref c'est génial, ça illustre bien le propos que vous avez. Du coup si on retourne dans le champ, vous travaillez avec des partenaires agriculteurs ? c'est quoi ? c'est plusieurs partenaires qui ont plusieurs surfaces c'est une grande surface c'est une coopérative comment ça s'organise pour votre colorant de garance ?
- Christine D'Ingrando
alors là on est parti sur on fait un premier hectare expérimental parce que il y a des agriculteurs qui sont très intéressés que je commence à organiser en poules agricoles. Mais là, il y a quand même pour moi un raisonnement à avoir, étant donné les aléas climatiques qu'on rencontre en ce moment. c'est-à-dire comment la plante, alors les plantes s'adaptent, nous on s'adapte beaucoup plus lentement, voire des fois pas du tout, mais en fait elles vont donner évidemment une réponse, et c'est là la question précédente, on va voir comment elle évolue en ce moment, dans ces périodes de réchauffement climatique, mais où tous les événements, que ce soit pluvieux ou grande chaleur, vont avoir un impact dans le champ. Donc là on a un nectar qui est à l'étude pour l'instant, et je vais voir quelle réponse elle va donner qu'est-ce qu'elle va faire on l'a vu elle décale un petit peu son cycle en ce moment de végétalisation parce que comme tous les végétaux ils savent se mettre en sommeil et repartir ensuite parce qu'ils s'adaptent et je voudrais voir comment elle s'adapte donc là effectivement c'est un travail qui va être fait en collaboration avec des agriculteurs qui soient bien ouvert sur l'expérimentation, qu'il soit bien conscient que dans le champ, on ne va pas faire n'importe quoi, parce que pour moi, il y a une exigence aussi du champ. Je ne veux aucun produit chimique sur le champ. Et comment on va travailler de manière à ce qu'elle puisse s'épanouir dans les meilleures conditions, tout en ayant ce cadre très contraignant du réchauffement climatique.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
D'accord, et là vous avez une parcelle d'agronomie expérimentale pour voir l'adaptabilité de la garance aux aléas climatiques, donc ça je comprends bien, et les parcelles qui vous procurent la garance qui est dans votre produit que vous commercialisez depuis 2015 ?
- Christine D'Ingrando
Alors on va voir. Non, non, le colorant maintenant. En fait, industrialiser un colorant, c'est comme tout produit industriel, ça demande au moins 10 ans de travail avant de mettre le premier tram sur le marché. Donc là, on arrive. D'accord, OK. Je suis retournée à la paillasse il n'y a pas très longtemps. Donc, c'est un perpétuel retour à la paillasse parce qu'elle l'impose aussi. et donc là des fois vous savez on dérange tout pour mieux ranger c'est à dire qu'elle nous oblige à repenser complètement le process en se disant peut-être qu'on n'est pas allé au bout du principe
- Pauline Leroux ArtEcoVert
il va falloir accepter qu'on n'était peut-être pas si bon tout en croyant être performant. En fait, la plante, c'est pour ça que je vous dis, systématiquement, elle vous renvoie à ce que vous faites et elle vous demande de travailler différemment. Il faut en accepter l'augure et se dire, il y a peut-être autre chose à faire et à apporter. Donc là, on est en phase de développement commercial avec un produit qui est un concentré de rouge qui est complètement naturel. et qui est polyvalent et qui va correspondre, je pense, d'après les premiers tests qu'ils font, à ces différents secteurs. Donc, évidemment, on prend du retard. Mais un produit industriel, on ne le trouve pas en 6 mois. Ce n'est pas possible. parce qu'on a les changements d'échelle.
- Christine D'Ingrando
Non, non, c'était juste pour savoir. Chaque changement d'échelle vous fait reprendre la copie à zéro, entre guillemets, ou presque à zéro, c'est ça ?
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Automatiquement, parce que même si la plante semble morte, elle ne l'est pas, ces molécules sont juste inertées pendant un moment, et dans les bains, et dans le changement d'échelle, elles vont se comporter de manière différente. et donc chaque changement d'échelle est une prise de risque jusqu'au moment où effectivement on paramètre complètement le changement d'échelle et là on a le process écrit et validé dans la quantité de production et là on arrive à normer à peu près si on peut dire ça à normer le produit, à se dire voilà maintenant on sait qu'exactement on part avec tant de kilos on va avoir tant, on va produire tant, ça va prendre tant de temps on va faire tel pain, etc. Donc c'est effectivement le changement d'échelle qui est compliqué et qui, entre chaque changement d'échelle, demande un retour à la paillasse pour comprendre ce qui s'est passé, pourquoi ça a fonctionné, pourquoi elle a donné autre chose qu'on n'attendait pas du tout, parce que c'est elle qui donne. Elles sont chargées en molécules. Il n'y a pas que les molécules territoriales, il y a tout le reste qui est dans la plante et qui, à un moment donné, peut gêner le process.
- Christine D'Ingrando
Oui, complètement. Je voulais du coup vous demander, donc on a eu plusieurs acteurs sur la garance, bon pas spécifiquement que sur la garance, mais on a eu plusieurs agricultrices d'ailleurs, donc le champ des couleurs, donc c'est l'épisode 29 pour ceux qui sont intéressés, et on a eu Livaden en Bretagne, c'est l'épisode 33 il me semble, et dans la culture de la garance, il y avait deux gros défis, on va dire, la récolte, parce que comme on n'utilise que la racine, c'est quand même fastidieux de sortir les racines, d'en oublier le moins possible, etc. Donc il y avait la première réflexion qui était... quel engin agricole serait le plus pertinent pour la récolte mécanisée de la garance ? Est-ce que vous, vous êtes une structure sur votre hectare, vous êtes sur de la mécanisation ou vous êtes tout à la main ?
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Alors, pour aborder le monde agricole, on est quand même obligé à l'heure actuelle de penser mécanisation du début à la fin, parce qu'autrement, eux n'ont plus le temps. et on serait sur des surcoûts importants sur la récolte en revanche je pense que là c'est pareil, quand on débute des principes comme ça il faut être simple Ici en Vaucluse, manuellement, pratiquement toutes les vieilles familles paysannes ont cette fameuse fourche à garance qui faisait 14 kilos et qui devait aller chercher le plus profondément possible les racines. Et c'était deux ouvriers agricoles pour relever la fourche à chaque fois qu'ils la mettaient dans le sol. Donc elles sont là, elles sont énormes, c'est 14 kilos, vous imaginez ce que ça peut être à vos bras. donc là on peut mécaniser mais je pense qu'au départ alors d'une part on a des outils comme tous les outils qui récoltent les tubercules ou les grands rhizomes ça je pense qu'on peut s'appuyer sur ça après je pense que moi dans mes partenaires et même dans le niveau agricole tous les gens qui travaillent avec moi savent que j'aime bien avoir leur avis d'expert parce que pour moi l'expert de la terre ce n'est pas moi ça va être le paysan lui connait bien son sol il sait très bien le travailler et il sait à un moment donné peut-être apporter une petite nuance sur ce qu'il va travailler et peut-être que l'outil ne sera pas universel il sera adapté à un territoire, à un sol donc là c'est eux et je pense qu'ils prennent aussi beaucoup de plaisir à intervenir sur la technique en se disant peut-être que si je fais ça dans mon sol ça va correspondre là aussi on ne peut pas avoir un propos universel on n'est pas en train de faire un légume ou du maraîchage où là tout est tellement standardisé qu'on peut se permettre des très grandes superficies avec un standard de technologie ou même de la manière de conduire le champ. là c'est pas du tout le cas on est sur une plante qui va comme vous le disiez tout à l'heure qui va se construire chimiquement en fonction des réponses à donner et donc même dans le champ la manière dont elle va évoluer on va le voir, elle peut avoir des rhizomes qui seront très profonds parce qu'elle va aller chercher l'eau peut-être profondément pour d'autres non, une nappe beaucoup plus près où elle va aller moins plonger ou d'autres où elle sera simplement traçante et pivotante mais pratiquement à la surface donc la réponse la réponse mécanique c'est surtout le paysan avec qui je vais discuter, parce qu'on est vraiment partenaires, et je suis avec eux sur le champ du début à la fin, on est vraiment ensemble, et on a besoin de se parler pour comprendre. On ne monte pas une filière agro-industrielle si chaque segment de la filière n'a pas ses experts et ne s'écoute pas. En tout cas, moi je prends le temps d'être avec eux et de les écouter tout le temps, parce qu'ils ont cette expertise de la terre, au moins de leur terre, que moi je n'ai pas.
- Christine D'Ingrando
D'accord, donc ça c'était le premier point qu'on avait nous relevé, et le deuxième c'était la station de transformation, c'est-à-dire la garance une fois qu'elle est récoltée, elle est nettoyée, séchée, puis transformée. Donc, généralement, sur les personnes que j'ai eues, c'était sur site. Là, ça sera la même chose, c'est-à-dire que ce sera sur place, la station de transformation, pour la garance, ou ça sera par laboratoire ? Oui.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Ah non, une fois qu'ils ont récolté les racines, c'est moi qui les récupère, et c'est moi qui transforme l'unité de transformation, c'est moi. Donc eux… D'accord. Voilà, c'est eux qui vont me dire, il y en a qui se sentent d'aller jusqu'au broyage, pourquoi pas. Ça sera la première transformation sur site. d'autres qui me disent non je récolte et je vous donne les racines voilà ça c'est pareil il y a un côté respect, c'est à dire que je respecte le paysan ce qu'il veut faire ou il se sent de le faire je ne veux pas forcer qui que ce soit à faire quelque chose qu'il n'a pas envie de faire moi je sais qu'à un moment donné je peux broyer l'unité de transformation c'est moi qui l'ai merci
- Christine D'Ingrando
eux ce que je leur demande c'est vraiment d'être les meilleurs et les plus performants pour que la plante puisse me donner le meilleur jus possible d'accord ok et alors mon autre question c'était comment face au végétal qui est comme on l'a dit qui adapte ses réponses en fonction des aléas etc comment vous vous assurez que votre garance, que la qualité de votre garance elle soit constante, vous faites des tests en labo je suppose, est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu plus
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Alors déjà, il y a la vigilance sur le champ, évidemment, parce que là, c'est le premier critère. C'est l'œil de l'agriculteur qui sera là en permanence, qui regarde le champ, qui est capable de me dire, parce qu'évidemment, les terres sont un peu dispersées, et qui peut me dire là, il se passe ça ou autre chose. Après, moi, il y a un suivi, il y a un suivi analyse de la plante pour savoir si elle est à terre ou pas. Et si on peut, un peu comme, en fait, vous savez, c'est un peu comme le verre, c'est-à-dire qu'à un moment donné, on déclenche la vendange quand on sait que le raisin est arrivé à maturité. Là, c'est un peu pareil pour moi, c'est-à-dire que je vais essayer de pallier les difficultés qu'on peut avoir, surtout dans notre région où on a des épisodes de stress hydrique très, très, très importants, de savoir à quel moment on peut aller à la récolte de la racine ou s'il faut attendre encore un petit peu. Mais là aussi, c'est pareil, c'est un respect de la plante, parce qu'elle a peut-être eu des difficultés. C'est aussi l'écoute que j'aurai d'agriculteurs qui, lui, à force d'appréhender la plante, va me dire, Là, on va décaler ou ce n'est peut-être pas encore le bon moment. On est tous en train de se poser des questions sur ce réchauffement climatique et il faut savoir aussi adapter notre réponse. Si on va avoir une performance industrielle derrière, le premier c'est le respect de la graine et de la terre il faut commencer par là et peut-être adapter une réponse alors s'il faut décaler de 6 mois pour x raisons on décalera de 6 mois je ne peux pas présumer de ce qui se passe sur la plante sachant que chaque année on a une évolution climatique au moins dans notre région plus rien n'est linéaire donc il y a beaucoup de questions qui vont se poser maintenant sur la plante si on veut évidemment, avoir toujours cet objectif d'industrialisation.
- Christine D'Ingrando
ok alors du coup je pense qu'on a bien fait le tour du projet je pense que vous pouvez pas en dire plus sur je sais pas l'aspect qu'aura ce concentré est-ce qu'il sera liquide est-ce que ce sera un extrait poudre est-ce que ce sera une pâte est-ce que bon bref ça vous pouvez en parler ou c'est dans votre brevet donc c'est c'est inabordable non non
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Non, non, non. Là, le produit que je propose, c'est un produit, c'est une poudre stabilisée. et micronisée pour qu'elle puisse passer dans toutes les machines, qu'elle ne bloque pas, qu'elle soit, par exemple, dans le textile, qui a un bon unisson, qui a des bains assez homogènes pour pouvoir être dispersée. Donc non, elle est sous forme de poudre parce que pour moi, elle est stabilisée. Elle n'est plus sensible. Il n'y a surtout plus de risque de contamination bactérienne. et du coup le fait de la proposer sous forme de poudre, elle peut être utilisée dans n'importe quel secteur, puisque après la dispersion se fait assez bien.
- Christine D'Ingrando
d'accord j'ai un invité qui m'a parlé de ce serait intéressant d'avoir en fait il m'expliquait que pour les machines les imprimantes moi je me dis bah vraiment on sait faire des encres végétales pourquoi c'est pas plus employé et il me disait attention le comment ça s'appelle le le produit s'il est trop dense trop granuleux ou trop ceci trop cela ça bouche les têtes d'impression et c'était ça la problématique pour les encres Est-ce que le fait d'utiliser une poudre stabilisée micronisée, ça pourrait être une solution à l'impression textile d'encre végétale ?
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Écoutez-moi, les tests qui ont été faits, même en peinture, c'est peut-être le domaine le plus proche de l'encre. La dispersion s'est bien faite. Il y a eu une bonne homogénéité dans la dispersion et il n'y a pas eu de problème à ce niveau-là.
- Christine D'Ingrando
ok donc c'est c'est potentiellement une porte vers des encres végétales à plus grande échelle d'accord ok super alors Christine je voulais vous poser deux questions puisque on a vraiment bien parlé du projet c'était hyper intéressant rapidement qu'est-ce que vous faites pour transmettre votre savoir tout ce que vous avez fait depuis 10 ans comment vous faites pour le assurer une certaine transmission et aux plus jeunes générations ou autour de vous ?
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Alors déjà, dès le début, j'ai toujours fait appel à des étudiants, quel que soit le domaine, pour partager l'expérience. Et en fait, j'ai souvent des apprentis qui sont là, souvent avec différents secteurs, que ce soit agricole, chimie ou économie. Tout est possible. et je parle avec eux et je regarde la manière dont ils vont se comporter dans le principe en règle générale j'ai la chance d'avoir des étudiants quand ils repartent soit ils repartent avec regret et ils essayent de revenir en deuxième année parce que ça leur plaît mais à ce moment là je les associe à tout tout ce que je fais aussi bien des réunions administratives ou après dans le champ, ils sont partout. Alors, quelle que soit leur spécialité, s'ils sont dans l'agriculture ou s'ils sont dans la chimie, ils sont autant dans le champ qu'au process, qu'au labo, ils sont partout avec moi, je les amène vraiment partout. Et on a vraiment des discussions, puisque moi ce qui me tient surtout à cœur, c'est la soutenabilité de l'industrialisation, et la possibilité de faire du naturel une alternative forte à tout ce qu'on a subi avec le pétrole. et en fait je parle avec eux et je leur donne les premiers arguments et je suis souvent heureuse de voir qu'eux vont m'écrire la suite en me disant on a compris Christine, effectivement là on ne l'avait pas appréhendé de cette manière-là, ça nous ouvre des horizons même pour ce qu'ils font après, c'est-à-dire qu'il y en a certains qui partent travailler ailleurs, mais en fait ils comprennent ma logique assez globale ou voire transversale Quand je parle d'une filière agro-industrielle, en fait c'est un partage de valeurs que je veux avoir avec eux. Je leur dis, vous êtes certainement la génération charnière en ce moment. Il y a eu beaucoup d'erreurs commises avant. Il va falloir qu'on tente vers un nouveau monde. Vous serez certainement ceux, les professionnels de la transition et du monde de demain. Moi j'ai une volonté de vous amener un argument, de vous faire une démonstration de ce qu'on peut faire et ce qu'on peut être. mais en revanche à un moment donné il va falloir tout respecter et apprendre à respecter ce qu'on fait et la manière dont on le fait et se recentrer sur les objectifs à quoi sert la couleur pourquoi on fait de la couleur qu'est-ce qu'une plante qu'est-ce qu'est notre environnement et je leur apprends surtout l'humilité l'humilité par rapport à l'environnement à la nature on n'est qu'une chaîne dans cette nature et on a été un peu trop prédateur et on a fait beaucoup de dégâts et donc c'est un discours qu'ils entendent et souvent ils me disent Christine avec vous on apprend l'éthique du métier et on sait à quoi on va servir et c'est surtout ce que je veux leur transmettre au delà de l'aspect technique du savoir faire, du process ou de ce qu'ils peuvent avoir en production C'est un partage de valeurs et de se dire si vous avez compris ça, vous pouvez partir. La garance a donné le mot garantie puisqu'elle était sûre. donc ils partent avec la garantie d'avoir bien compris ce que devait être le monde de demain déjà en étant souvent je leur dis c'est un peu l'effet colibri vous amenez votre petite pierre à l'édifice mais pour moi le changement viendra du bas et pas du haut donc soyez la petite pierre qui va continuer à pousser l'autre petite pierre et tout ce qu'on se dit il va falloir le dispenser derrière donc c'est comment eux vont continuer la transition
- Christine D'Ingrando
super j'ai une avant-dernière question Christine c'est quoi la suite pour vous est-ce que c'est donc déjà c'est commercialiser votre votre colorant de garance enfin votre pour te restabiliser microniser Est-ce que la suite, c'est continuer dans la garance et proposer d'autres applications ? Est-ce que c'est de se lancer sur la commercialisation d'un autre grand teint ? J'en sais rien, le pastel, le Reseda, etc. C'est quoi pour vous votre vision d'après ?
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Alors, je vous dirais les deux. Les deux. parce que la garance, elle ne se laisse pas attraper facilement. C'est peut-être pour ça que les gens y vont un petit peu avec difficulté. Je crois qu'il faut la mériter. Elle demande beaucoup de sacrifice, beaucoup de temps. Qu'elle a des choses à dire encore, j'en suis persuadée. J'ai d'autres idées sur cette plante et la manière dont on peut travailler avec elle. que ce soit sur le colorant ou sur d'autres choses, parce qu'elle est assez multiple. Et bien évidemment, recommencer, parce que maintenant je commence bien à maîtriser le modèle d'industrialisation de la plante sectoriale et faire le choix d'autres plantes. dans un deuxième temps, arriver assez rapidement sur une autre plante et modéliser ce qu'elle aussi va me dire. Et je pense que je ne referai pas l'erreur que j'ai faite au début avec les premiers temps, avec la garance. en lui imposant des acquis, en lui disant de toute façon, ça passera par là, la transformation. Et l'expérience a montré que c'est elle qui me montrait la transformation et la manière de faire. Donc, je pense que là, je ne referai pas, je n'arriverai pas avec des certitudes en disant cette plante, elle va correspondre à ça et on va faire ça. Là, je vais prendre le temps d'observation et je me dirai, la plante me dit de faire ça.
- Christine D'Ingrando
Ok, très bien. Est-ce que, traditionnellement, à la fin de l'épisode du podcast, l'invité passe le micro à quelqu'un pour continuer d'explorer le sujet abordé ? Est-ce que vous pensez à quelqu'un que vous aimeriez que je rencontre pour qu'on continue à creuser le sujet de la garance, le sujet de l'industrialisation des colorants végétaux ? alors vous êtes en plus comme on prend le sujet vous n'avez pas eu le temps de réfléchir vu que on a vraiment enregistré comme ça est-ce que vous pensez à quelqu'un qui vous vient en tête ou est-ce que vous me ferez un petit mail par la suite avec un contact que vous souhaitez
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Je vais essayer d'y réfléchir parce que là, j'avoue que je n'ai pas vraiment d'idée. En tout cas, la seule chose que je voudrais à la limite interpeller, ce sont les industriels, admettons du textile, puisque c'était aussi le sujet de départ, dans la notion de fast fashion. Et alors que maintenant, on revient sur la slow fashion. Et dire à ces industriels-là… d'abord si la teinte a une petite évolution sur le tissu c'est très bien, ça veut dire qu'on est vraiment dans le naturel on n'est pas sur une prise agressive d'une molécule pétrolière qui bloque tout et qui donne cette opacité, cet aplat avec aucune notion de nuance que peut apporter le colorant naturel et de leur dire, même si le colorant reste un peu cher évidemment parce qu'il y a du travail derrière, il y a de la recherche il y a des investissements humains et en machine. Ça va peut-être aussi freiner cette notion de fast fashion, où tout était facile, où tout allait rapidement. Là, moi, j'ai pris le temps, j'ai pris dix ans pour faire un colorant. je pense que le coût va devenir un frein, pas un frein à l'exploitation, mais un frein à une production qui n'a plus de sens. On se retrouve avec des tonnes de vêtements dont on ne sait même plus quoi faire. Et donc, là aussi, la plante, parce qu'elle a peu de principes actifs, une plante donne un petit peu de ce qu'elle a de meilleur. Et donc, en fait, en tirer les leçons, dire à ces industriels, regardez cette plante, elle vous donne... un principe actif de très très haut niveau en très petite quantité ce qui fait qu'elle a un coût évidemment un petit peu difficile à accepter au départ mais en même temps elle vous dit de reconsidérer votre modèle et de vous dire il vaut mieux produire peu mais bien que de produire beaucoup pas bien et de tout gaspiller que ce soit l'eau, il faut tout économiser maintenant, il faut retravailler de manière différente, donc à la limite si je devais passer le relais ça serait plutôt un industriel textile en disant qu'est-ce que vous voulez maintenant ? qu'est-ce que vous attendez ? qu'est-ce que vous allez nous apprendre après avoir fait la fast fashion ? est-ce que dans la slow fashion vous vous y inscrivez ou pas ?
- Christine D'Ingrando
super Christine je vous remercie vraiment beaucoup pour l'humilité que vous avez face au végétal et j'ai vraiment hâte d'avoir des nouvelles de votre projet et de votre aventure ça me plairait vraiment que vous reveniez sur le podcast nous raconter la suite justement parce que vous avez une approche particulière on n'a rien préparé du tout et c'est sorti spontanément c'était hyper agréable pour moi de faire cet épisode complètement improbable, vous n'aviez pas la liste de questions on a vraiment pu parler de tout c'était vraiment génial est-ce que vous avez une question que je ne vous ai pas posée que vous aimeriez que vous auriez aimé que je vous pose un sujet qu'on n'a pas abordé que vous voulez aborder avant
- Pauline Leroux ArtEcoVert
qu'on ne se quitte écoutez moi ce que je me dis Ce que j'aimerais, c'est qu'à un moment donné, est-ce que les gens sont prêts à la transition ? C'est surtout ça, parce que je me dis, nous, on œuvre, on est convaincus, mais jusqu'où ils sont convaincus de la transition, est-ce que tous les acteurs de la notion du végétal sont prêts à se dire… C'est un challenge qu'on doit relever ensemble. Je suis plus dans ce qu'ils appellent la notion de coopétition, puisqu'on a la concurrence dans la coopération. C'est un terme qu'on entend souvent maintenant, la coopétition, c'est-à-dire comment tous les acteurs d'une même filière ou d'une même volonté peuvent travailler ensemble pour, à un moment donné, faire que la France soit vraiment le pays de la transition. et que dans la chaîne textile, puisque là, on est avec des teinturiers textiles, on puisse faire la preuve du concept qu'on est en industrie, qu'on est performant, qu'on est bon et qu'on a la volonté en France de montrer qu'il y a une autre industrie qui est textile qui se met en place.
- Christine D'Ingrando
Écoutez, Christine, c'était un très beau mot de la fin. Je vous remercie encore une fois d'être venue sur le podcast à Récovert.
- Pauline Leroux ArtEcoVert
Merci de m'avoir consacré ce temps Merci de l'improvisation parce qu'elle était de votre côté mais de mon côté et je pense que j'ai eu beaucoup de plaisir à échanger avec vous et vous avez de belles questions
- Christine D'Ingrando
Merci Je vous invite à me rejoindre sur ma page Instagram ARTECOVERT pour y découvrir le nom des prochains invités Je me permets de vous rappeler que la seule manière de soutenir ce podcast est de le noter et le commenter sur la plateforme d'écoute de votre choix C'est ainsi qu'on arrivera à faire porter la voix de ces passionnés de la couleur végétale Merci à tous
Savoir si vous allez aimer, les mots clés du podcast ArtEcoVert : teinture végétale plantes tinctoriales indigo garance encre végétale couleur végétale colorants végétaux pigments végétaux coloration capillaire végétale fibres naturelles colorants biosourcés tanins teinture naturelle plantes artecovert couleurs de plantes design végétal couleur jardin agriculture tinctoriale