- Virginie
Bienvenue sur le podcast d'aVB, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir ensemble quelques notions clés de l'assurance en quelques minutes. Bonsoir Santiago.
- Santiago
Bonsoir Virginie.
- Virginie
Alors on a le plaisir de se voir pour un nouvel épisode d'Assur' Actu, notre format de podcast pour comprendre l'assurance en quelques minutes. Aujourd'hui on a décidé d'aborder le thème de la revoyure solvabilité 2. Et du coup j'aurais voulu que d'abord peut-être tu nous réexpliques... ce que c'est que Solvabilité 2. On l'a déjà évoqué, je pense, mais peut-être avant de parler de la revoyure, repositionner un petit peu le sujet de Solvabilité 2 dans le monde de l'assurance, qu'est-ce que c'est ?
- Santiago
Alors, Solvabilité 2 est le nom qui est donné au régime prudentiel qui s'applique aux activités d'assurance et de réassurance au sein de l'Union Européenne. Et il est structuré autour de trois piliers. Le premier pilier va porter sur les exigences quantitatives, c'est-à-dire savoir combien de fonds propres doit disposer un assureur à un moment donné. Le deuxième pilier, qualitatif, va porter sur la gouvernance que doit mettre en place un assureur dans le cadre de ce régime. Et le troisième pilier va déterminer les exigences de reporting, que ce soit envers le superviseur ou envers le public. Ce régime, il va être lui-même défini autour de trois textes. Le premier niveau correspond à la directive du Parlement européen. Le deuxième niveau correspond au règlement délégué. Et le troisième niveau correspond aux mesures techniques d'exécution et aux orientations, que ce soit du régulateur ou de l'autorité nationale. Ce régime est entré en vigueur au 1er janvier 2016.
- Virginie
D'accord, donc ça fait 9 ans qu'on est déjà, d'ailleurs, que les assureurs sont soumis aux principes des règles de solvabilité 2. Tu parlais du Conseil européen, enfin du Parlement européen qui a défini les textes majeurs et ensuite intervient des déclinaisons par l'autorité de contrôle prudentiel, l'ACPR, qui a défini des normes, c'est bien ça ?
- Santiago
C'est ça, c'est-à-dire que ce réglement, en fait ce régime, est un régime avant tout européen, donc qui a été décidé par le Parlement, le Conseil et la Commission. Et ensuite, l'autorité locale, donc dans ce cas-là, l'ACPR, décline ce référentiel en droit local. Et c'est ce qu'on va parler de transposition en droit local.
- Virginie
D'accord. Et donc, au bout de neuf ans, on parle de revoyure solvabilité 2. J'imagine que derrière ce terme, il y a une notion de bilan. Qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui après 9 ans d'application des textes sur Solvabilité 2 ? Quels sont les enseignements qu'on en a tirés ?
- Santiago
Alors la première chose qu'on peut dire c'est que ce régime fonctionne globalement bien. Il n'y a pas eu de faillite majeure depuis la mise en application de Solvabilité 2 et la dernière faillite d'un assureur en France remonte à 2016, justement à l'année de mise en application. Les modèles qui ont été développés par les assureurs pour répondre aux exigences de solvabilité 2, ils se sont également avérés utiles pour maîtriser les effets des différents éléments majeurs ou des crises qu'on a pu connaître, et notamment par rapport au Covid, à la crise en Ukraine, à la hausse de l'inflation.
- Virginie
Ok, donc globalement un bilan très positif qui a permis aux assureurs... d'être solide face aux événements passés et récents. Est-ce qu'il y a des axes d'amélioration quand même qui émergent aujourd'hui ?
- Santiago
Bien sûr, il y a un certain nombre de points justement qui pourraient être améliorés et c'est tout l'objet de la revoyure. Le premier point, c'est qu'on s'est rendu compte qu'il y avait une complexité, parfois démesurée. pour des petits acteurs et notamment pour, par exemple, des captives d'assurance ou de réassurance. Et donc la première mesure, c'est une mesure de proportionnalité pour essayer de simplifier, pour certains acteurs, ce régime. La deuxième critique qu'on pourrait faire, c'est que ce régime n'incite pas les assureurs à investir dans l'économie réelle, puisque l'approche... où la détermination du capital par les risques va privilégier des investissements peu risqués et va limiter la capacité des assureurs à financer l'économie réelle, mais aussi par exemple la transition écologique. Troisième point, justement en parlant de transition écologique, les risques climatiques aujourd'hui ne sont pas assez pris en compte dans le régime prudentiel. Il n'y a aucune charge de capital liée à des risques climatiques, autre que les catastrophes naturelles. Et il n'y a pas non plus d'exigence de prise en compte des trajectoires climatiques dans le profil de risque des assureurs et notamment dans l'ORSA. Finalement, la situation de taux bas et négatifs que nous avons connus ces dernières années, entre 2017 et 2022, ont montré que le régime Solalité 2 n'était pas calibré pour une situation de taux particulièrement bas. Et cela nécessite un certain nombre d'ajustements, à la fois dans la détermination de la courbe de taux, mais aussi dans les chocs liés à des situations de taux anormalement bas.
- Virginie
Alors si je comprends bien au final ce que tu exprimes dans les améliorations qui sont identifiées à date, il y a des améliorations de simplicité, il y a des améliorations pour... Une meilleure allocation des capitaux des assureurs pour qu'ils contribuent à l'économie réelle, mais quand même aussi une meilleure prise en compte de certains risques qui ont peut-être été sous-estimés à l'origine de Solvabilité 2. Bref, est-ce qu'il y a, par rapport à ces pistes-là d'amélioration, il y a unanimité ? Est-ce que ça fait débat ? Qui sont les parties prenantes qui peuvent réfléchir à ces pistes d'amélioration ?
- Santiago
Alors... Je pense qu'on est tous d'accord sur les principaux constats, mais justement la question c'est de savoir jusqu'où est-ce qu'on va tirer le trait sur certains aspects et qu'est-ce qu'on va modifier ou qu'est-ce qu'on va garder. Donc cette révoyure a commencé en 2020 puisque l'EIOPA, l'autorité européenne des assurances, a livré une première opinion sur les améliorations qui pourraient... être apporté au régime. Ensuite, en 2021, la Commission européenne a fait une première proposition d'amendement, suivie en 2022 par une proposition du Conseil européen et finalement, en 2023, par celle du Parlement européen.
- Virginie
Ça fait beaucoup d'institutions qui participent aux évolutions, on va dire. Est-ce qu'il y a un accord qui a été trouvé ? Est-ce qu'il ressort finalement une convergence sur des... Règles nouvelles à mettre en œuvre ?
- Santiago
Bien sûr, chaque proposition avait un point de départ commun qui était l'avis de l'EIOPA. Puis nous sommes rentrés dans une phase de trilogue, des négociations entre chacune des parties prenantes. Et nous avons obtenu un accord du trilogue en fin d'année dernière. Et cet accord s'est manifesté par la publication d'une nouvelle directive. qui vient corriger la directive originelle de 2009 sur un certain nombre de points.
- Virginie
Donc il y a une nouvelle directive qui est parue fin 2024, si je comprends bien. Elle doit entrer en vigueur quand ? Comment ? À quoi faut-il s'attendre pour les assureurs, pour la mise en application de ce nouveau texte ?
- Santiago
Oui. Alors le chemin va être encore un tout petit peu long, parce que justement la directive... La directive qui correspond au niveau 1 a été adoptée fin 2024 et elle est apparue au journal officiel de l'Union européenne en 2025. Les États membres vont avoir maintenant une période pour pouvoir transposer cette directive en droit local. Ils ont jusqu'en début janvier 2027 pour le faire. Entre temps, nous attendons aussi les mesures de niveau 2 et de niveau 3 qui viendront compléter la directive et qui vont permettre de fixer les règles du jeu pour cette nouvelle version de Solidarité 2.
- Virginie
Donc au-delà de la directive, il reste d'autres textes à établir et d'autres règles de niveau 2 et 3 comme tu viens de les évoquer. Donc le chemin paraît long encore. Est-ce qu'il y a des sujets qui restent à trancher, qui font encore débat, justement, sur les prochaines étapes, les prochains textes à établir ?
- Santiago
Alors, justement, ce premier niveau, cette directive, on va dire, révisitée, va être complétée par des nouveaux textes, du coup, de niveau 2 et de niveau 3, c'est-à-dire par un règlement délégué de la Commission et du Parlement. qui va venir préciser un certain nombre d'aspects, et ensuite, par des orientations et des mesures d'exécution, ce qu'on appelle le niveau 3. Nous attendons maintenant justement ces nouveaux textes, et notamment le règlement délégué, qui devrait nous permettre de préciser un certain nombre d'aspects qui restent encore en suspens. Il y a notamment quatre aspects sur lesquels nous attendons de voir plus clair afin de pouvoir mesurer les impacts. de cette révoyure sur les exigences de capital des assureurs. Premièrement, nous attendons de connaître le facteur temporel qui sera appliqué au calcul de la marge pour risque ou risk-margin. C'est un paramètre très important que les assureurs ne connaissent pas encore et qui peut avoir un impact considérable sur les exigences de capital. Nous attendons aussi de connaître les contours de la nouvelle classe d'actifs pour les investissements en actions long terme. qui devrait permettre de favoriser l'investissement dans l'économie réelle et dans la transition économique, dans la transition écologique, pour lesquelles les exigences de capital ne sont pas encore totalement définies. Troisièmement, les contours du calcul de l'exigence de capital pour le risque de baisse de taux est encore à définir, et notamment sur le montant du choc additif qui serait rajouté. Et finalement, l'éventuelle prise en compte de certains risques de durabilité dont l'exigence de capital sur le pilier 1 n'est pas encore totalement exclue. Et nous attendons donc ces éléments pour connaître finalement quel sera l'impact de cette révoyure sur les fonds propres des assureurs.
- Virginie
Très bien, merci Santiago. Et puis sur la durabilité, je renvoie à un podcast qu'on a eu l'occasion de faire déjà sur cette thématique. qu'on réabordera certainement sous d'autres dimensions. Mais merci pour cet éclairage. On voit que la revoyure S2, on n'en est qu'au début finalement, et que ça va considérablement, potentiellement considérablement, transformer les modèles des assureurs, selon les choix qui seront faits bientôt. Donc on aura l'occasion peut-être d'en rediscuter quand les textes seront parus dans les mois, années à venir. Merci.
- Santiago
Avec plaisir. Merci Virginie.