- Speaker #0
L'école, on a fait les choses dans les règles de l'art, c'est-à-dire qu'on a déscolarisé l'enfant officiellement, on a demandé l'autorisation à l'éducation nationale. J'ai pris ma plus belle plume pour écrire à l'éducation nationale en expliquant qu'on ne déscolarisait pas l'enfant pour l'amener dans une secte, mais au contraire pour élargir ses horizons et que le voyage serait la meilleure des éducations pour lui, ce que je crois profondément. Ce qu'on apprend en rencontrant le monde, on ne peut pas l'apprendre entre les quatre murs d'une école.
- Speaker #1
Bonjour, c'est Marie et vous écoutez Beau Voyage. De l'ascension du Mer Apique au Népal, au tour du monde en famille, du road trip au Chili au bivouac en Inde dans les Pyrénées, vous entendrez des hommes et des femmes qui partagent leurs aventures hors des sentiers battus. Des aventuriers ordinaires qui vous racontent leurs aventures extraordinaires. À deux ou en tribu, à l'autre bout du monde ou en bas de chez eux, Avec trois sous ou en claquant leur PEL, ces voyageurs nous confient leurs histoires, leurs galères, leurs bons plans et leurs coups de cœur. Sur Beau Voyage, nous allons vous prouver que l'aventure est partout et à la portée de tout le monde. Alors montez le son et venez rêver avec nous. Je ne me demande pas où j'irai demain. Pour l'instant, je sais où je suis. Je suis adossée contre la croûte terrestre, écrasée par le bonheur d'être vivant, ici et maintenant. J'adore aussi. Le paradis n'a pas d'adresse. Il se déplace à la surface de la planète pour offrir des moments furtifs à ceux qui savent les saisir. En fait, je collectionne les citations de Julien Blangras depuis vraiment longtemps. Je les inscris dans mes carnets lecture après lecture et j'adore les relire. Alors je suis ravie de la voir à mon micro aujourd'hui. Julien est un écrivain voyageur, un explorateur du quotidien. Depuis son enfance, il rêve de parcourir la planète, de comprendre les cultures et de s'immerger vraiment dans les modes de vie d'ailleurs. Et il a réalisé ce rêve. En 20 ans, il a visité plus de 80 pays et fait de ses aventures des récits captivants, transformant chacune en une œuvre littéraire. Son dernier livre, Bengalo, relate son épopée de 4 mois en Asie du Sud-Est, du Laos à la Corée du Sud, avec sa femme et son fils. C'est un véritable roman de voyage familial en quête de sens, qui devient, au fil des étapes et des pages, une quête des origines. Avec sa plume joyeuse et sincère, il nous raconte cette évasion familiale qu'ils ont imaginée ensemble pour fuir les tumultes urbains mais surtout pour offrir à leurs petits garçons une vision du monde qui dépasse les frontières. Alors voilà, dans cet épisode, Julien nous dévoile les coulisses de son métier d'écrivain, il nous parle de son processus créatif, tout en partageant avec nous ses réflexions sur l'inspiration que lui procurent tous ses voyages. Il évoque aussi la magie de découvrir le monde à travers les yeux des enfants, tout en abordant les défis qu'implique le fait de voyager longtemps avec un enfant unique. Un échange passionnant, emprunt de découvertes et de réflexions vraiment profondes sur l'ailleurs, que j'ai hâte de vous faire découvrir. Salut Julien !
- Speaker #0
Bonjour !
- Speaker #1
Je suis ravie de t'avoir avec moi après avoir passé un peu de temps avec toi et ton livre cet été, ton livre Bungalow dont on va parler. Est-ce que tu peux te présenter ?
- Speaker #0
Alors, je m'appelle Julien Blangras, j'exerce la fonction un peu étrange d'auteur, d'écrivain, d'écrivain principalement de voyage, mais pas seulement, on va peut-être en reparler tout à l'heure. Et par ailleurs, je fais des articles, des reportages pour la presse, parfois aussi des documentaires pour la télé et d'autres choses.
- Speaker #1
Mais comment on devient écrivain voyageur ? Parce que c'est chouette comme métier.
- Speaker #0
J'avoue que c'est une fonction assez sympa, je ne me plains pas. Comment on devient écrivain voyageur ? Pour ça, il va falloir que je vous raconte ma vie, peut-être un peu depuis le début. Au départ, je crois qu'il y a une passion pour la géographie. Il remonte à ma plus tendre enfance. Je me souviens très jeune d'être passionné par les cartes, les atlas et de rêver. devant les cartes du monde, comme beaucoup de gens qui ont voyagé par la suite. Adolescent, je me souviens d'être parti vers 15 ou 16 ans, de m'être débrouillé pour partir avec quelques copains entre ados à Séville à l'Exposition universelle de 1992. Premier voyage sans les parents, donc je pense que j'avais déjà un petit côté débrouillard et avec l'envie de découvrir le monde. Et ensuite, le déclencheur, je crois que c'est à la suite de mes études, j'ai fait des études d'histoire et de journalisme. J'ai trouvé un emploi au Dauphiné Libéré à Gap, qui est ma ville natale. Et j'ai commencé à y travailler pendant quelques mois et tout se passait bien. J'étais lancé dans la vie professionnelle et j'ai fait ce qu'il ne faut pas faire normalement. J'ai démissionné un peu sur un coup de tête parce que je me suis vu 30 ans plus tard sur le même fauteuil, avec 30 kilos en plus, dans ma ville natale. Et voilà, j'étais pas malheureux, mais j'avais envie d'élargir mes horizons. Donc j'ai démissionné, j'ai pris un billet d'avion, un peu sur un coup de tête pour le Mexique. Et là, je pensais partir. quelques semaines un peu à l'aventure comme ça, parce que j'avais un copain qui vivait là-bas. Et finalement, je suis resté quasiment un an, ce qui n'était pas du tout prévu au départ. Parce que sur place, je me suis rendu compte que je n'avais rien de mieux à faire que voyager. J'étais jeune, j'avais 20 et quelques années, j'avais 3 sous d'économie qui me permettaient de voyager comme ça, à chichement, en faisant du stop et en dormant dans des auberges de jeunesse. Et donc j'ai découvert ce principe précieux qui est celui de la liberté de voyager seul. Je suis allé à Cuba, au bout d'un moment je n'avais plus de sous, donc je suis allé aux Etats-Unis, à San Francisco pour travailler et me refaire un peu sur le plan financier et continuer à voyager. Et finalement, quand même, au bout d'un an, je suis revenu dans ma bonne ville de Gap en me disant qu'est-ce que je vais faire de ma vie ? Et lors de ce voyage, mon voyage initial, mon voyage initiatique, en fait, j'ai compris ce que je voulais faire de ma vie. Je voulais voyager.
- Speaker #1
Mais tu rentres quand même à Gap. Tu ne dis pas je reste sur la route.
- Speaker #0
Non, parce que j'avais quand même voyagé pendant un an. Au bout d'un moment, on a quand même envie de rentrer. Si on voyage en permanence, sans base, sans foyer, on devient un peu un vagabond. Donc, il faut quand même... C'est mon cas en tout cas de faire des allers-retours. Donc voilà, à ce moment-là, j'ai 24-25 ans, j'ai une formation de journaliste, j'ai fait un grand voyage. J'aime bien écrire, j'aime bien lire. Donc je me dis, t'as vécu plein d'aventures au Mexique, tu t'es chargé de choses à raconter, donc raconte-les. Et là, je me suis mis à écrire un livre assez spontanément, que j'ai écrit de manière assez impulsive et rapide en quelques semaines, quelques mois. J'avais un petit boulot de barman à côté. Avant de faire ce voyage, je n'avais pas du tout prévu d'écrire, je n'avais pas l'ambition de devenir écrivain ou écrivain voyageur. C'est vraiment ce voyage qui a déclenché ça. Donc je me suis dit, tente le coup, j'ai écrit ce livre. Je ne connaissais personne dans le milieu de l'édition à Paris, évidemment parce que j'ai grandi à Gap, très loin de tout ça. Et je l'ai envoyé à une dizaine d'éditeurs par la poste avec un petit mot, s'il vous plaît, est-ce que vous voulez bien publier mon roman ?
- Speaker #1
Attends, et ça, ça se passe comment ? Tu imprimes vraiment tes pages ?
- Speaker #0
J'imprime, oui.
- Speaker #1
Et sur Internet, tu cherches les noms des éditeurs et tu envoies ?
- Speaker #0
Je l'ai envoyé aux grands éditeurs, à Gallimard, Grasset, Flammarion et compagnie. Et aussi au Diable Vauvert, une petite maison indépendante, parce que j'aimais bien les livres qu'ils faisaient. Et donc sur cette dizaine d'envois, neuf éditeurs m'ont répondu merci, mais non merci.
- Speaker #1
Mais déjà ils t'ont répondu quand même.
- Speaker #0
Et le Diable Vauvert m'a appelé quelques mois plus tard en me disant, ouais, on a bien aimé ton texte, c'est rigolo tout ça. Et finalement, deux ans plus tard, ils l'ont publié. Donc Gringoland, le roman inspiré de ce grand voyage au Mexique, au Guatemala, à Cuba et aux Etats-Unis, est sorti en 2005. Voilà mon premier livre qui a rencontré un petit écho et qui en a donc appelé d'autres.
- Speaker #1
Et donc là, tu continues d'être barman ?
- Speaker #0
Non, entre-temps, j'avais décidé de venir m'installer à Paris pour essayer de devenir journaliste et de vendre des piges à différents magazines. Moi, au départ, je me destinais plutôt au journalisme culturel, parce que moi, j'ai un peu de la musique, donc je voulais être payé pour chroniquer des disques et aller voir des concerts. Puis assez rapidement, donc j'ai commencé par la presse culturelle, je bossais pour Technicard, pour Nova, des titres comme ça. Assez rapidement, je me suis rendu compte que ça ne m'intéressait pas tant que ça de parler du travail des autres. Je n'étais pas à l'aise avec le fait de critiquer le travail des autres en fait. Et je me suis rendu compte que ce qui m'intéressait dans la vie, c'était d'avoir un billet d'avion pour aller raconter ce qui se passe à l'autre bout du monde. Donc rapidement, je me suis tourné vers le reportage et j'ai essayé de dégoter tous les plans qui permettaient de partir. Et donc ces années-là, dans les années 2005-2010, j'étais un jeune effringant célibataire avec un sac à dos. Et dès que j'avais trois sous, je prenais mon sac pour partir quelques mois en mode backpacker en Chine, en Inde, en Colombie et de ramener des papiers que j'essayais de vendre dans les rédactions parisiennes.
- Speaker #1
Extraordinaire. La liberté.
- Speaker #0
Voilà. Et tous ces voyages accumulés à cette période-là... J'ai fini par les agréger, les compiler pour faire un roman qui s'appelle Touriste, qui est sorti en 2011 et qui est peut-être celui de mes livres qui a le mieux marché, qui a rencontré le plus de lecteurs et qui, 13 ans après sa sortie, se vend tout court à ma très grande joie. Donc voilà, en gros, c'est un peu le livre qui m'a fait connaître et qui m'a fait être étiqueté écrivain voyageur. Et après, j'ai continué.
- Speaker #1
Et aujourd'hui, tu es un écrivain voyageur, tu dis on t'a mis l'étiquette, et ça ressemble à quoi le quotidien d'un écrivain voyageur ?
- Speaker #0
C'est une vie un peu schizophrène, parce qu'il y a les moments où on voyage et les moments où on est chez soi. Je compare souvent le processus à celui de la fabrication d'un film. Il y a le moment où on est en voyage, où on accumule de la matière, c'est très intense, on vit, on rencontre plein de gens, on voit plein de nouveaux endroits, c'est comme le tournage. Et après on rentre chez soi, et on est tout seul dans sa caverne, devant son ordinateur, dans son tunnel mental, pour essayer de... traiter cette matière et d'en faire quelque chose de visible. Et ça, c'est l'équivalent du montage. Donc, à un moment, on est ouvert sur le monde. À un autre moment, on est recentré sur soi. Donc voilà, la vie d'écrivain voyageur, c'est vraiment deux choses très différentes. Sachant que je ne fais pas que ça. Je suis la plupart du temps sédentaire à Paris, même si le voyage constitue une... fraction importante de mon temps. Et puis, je ne fais pas que ça parce que j'ai continué parallèlement mon parcours de journaliste et de reporter. Donc, je fais des reportages pour la presse, parfois à l'étranger, mais aussi en France. Et puis surtout, je suis indépendant depuis à peu près toujours. Donc, j'ai la liberté de faire ce que je veux à peu près quand je veux.
- Speaker #1
C'est ça le vrai.
- Speaker #0
Qui est le luxe ultime.
- Speaker #1
Le luxe ultime, mais ultime. Et après, là, on va parler de Bengalo. Mais par exemple, est-ce que tu es en train de travailler sur un prochain livre déjà ?
- Speaker #0
Oui, je suis en train de travailler sur un prochain livre. Il se trouve... que lors de ce premier semestre 2024, j'ai eu la chance d'être accueilli en résidence littéraire en Nouvelle-Zélande, à Wellington, une résidence qui s'appelle le Randall Cottage Writers'Residency. Et le principe, c'est qu'on peut rester quelques mois dans une maison et on peut venir en famille. Donc on est parti quelques mois avec ma compagne et notre fils en Nouvelle-Zélande. Là-bas, j'ai commencé à écrire un roman, pas un récit, d'habitude je fais quand même plutôt du récit. Là, c'est un roman qui se passe entre Paris et Wellington.
- Speaker #1
Mais c'est extraordinaire ! Des voiles, des trucs, j'adore ! Ma prochaine question, c'était justement comment, quand tu es un écrivain voyageur, se dessine ton prochain roman ? Est-ce que c'est justement un voyage que tu fais et finalement te donne l'idée ? Ou est-ce que tu l'écris, tu dis, tu vois, on parlait d'Afrique avant qu'on commence à enregistrer, tu dis, en fait, je veux écrire un roman sur le Zimbabwe, donc on va faire un voyage et je vais écrire. Tu vois comment ton inspiration, elle vient. Ou est-ce que tu peux avoir des commandes ? Peut-être que c'est ton éditeur qui dit franchement, ton voyage en famille, c'était canon, il faut en faire un deuxième. Je ne sais pas comment ça se dessine.
- Speaker #0
Ça dépend. Chaque projet est très différent. Je vais prendre un exemple d'un livre qui est sorti en 2013 qui s'appelle Paradis avant liquidation. Je lis un entrefilé en bas de la page 18 de je ne sais quel journal, cette petite nouvelle. Le président des îles Kiribati, un petit pays au milieu de l'océan Pacifique, a décidé... d'acheter de la terre une île aux îles Fidji voisines dans l'optique de reloger la population de son pays en cas de disparition physique du pays à cause de la montée des eaux. Je lis ça, je me dis c'est absolument dingo cette histoire quand même qu'un pays envisage sa propre disparition physique. Donc je me dis j'ai envie d'aller là-bas pour raconter cette histoire, pour documenter cette espèce d'apocalypse programmée. Et je me débrouille pour financer le truc, pour monter le voyage qui est quand même à l'autre bout du monde parce qu'on ne peut pas faire plus loin que les îles Kiribati.
- Speaker #1
C'est où exactement ?
- Speaker #0
C'est au croisement de l'équateur et de la ligne de changement de date, dans le milieu de l'océan Pacifique, donc on ne peut pas faire plus loin. On peut d'ailleurs considérer que c'est le centre du monde. Et techniquement, pour y aller, il faut aller déjà en Nouvelle-Zélande, c'est assez loin comme vous le savez, et une fois qu'on est à Auckland, il faut prendre un avion pour les Fidji, encore trois heures, et au Fidji, il faut prendre encore un vol, il y en a un par semaine pour aller à Tarawa, la capitale des Kiribati. Donc voilà, là le projet il est initié de façon personnelle, je ne me débrouille pas. pour le financer, vendre l'idée à mon éditeur. Et un an plus tard, ça donne.
- Speaker #1
Donc, tu y vas avec une commande presque ?
- Speaker #0
C'est plutôt une initiative personnelle. J'en parle avant à mon éditeur, il me dit banco. Et je pars, je suis resté peut-être un mois sur place. Un voyage assez extraordinaire parce que c'est un pays qui est vraiment en dehors des routes touristiques. Il n'y a pas de touristes là-bas, il n'y a pas d'industrie touristique. C'est loin de tout, c'est compliqué d'y accéder. Et ils ont une histoire incroyable parce que c'est des îles qui sont peuplées depuis plus de 3000 ans. qui seront donc peut-être plus peuplées d'ici un siècle. Donc il y a vraiment un thème écologique et humain à traiter. Moi, je voulais montrer la face humaine du changement climatique. C'était il y a plus de dix ans, donc on parlait moins de ces sujets-là à l'époque. Et voilà, c'était une expérience de voyage assez fascinante.
- Speaker #1
On s'adonne envie d'y aller.
- Speaker #0
Oui, ça vaut le coup.
- Speaker #1
J'en profite avant de parler de Bengalo, parce que tu parlais d'avions. Tu parles souvent de ton bilan carbone.
- Speaker #0
On m'en parle souvent.
- Speaker #1
On t'en parle souvent, évidemment. Mais c'est quoi la réponse que tu donnes à chaque fois ?
- Speaker #0
Il se trouve que dans Bagalo, j'ai écrit un chapitre, il y a un passage où je mets en scène de manière humoristique mon procès climatique. Pourquoi ? Parce qu'à chaque fois que je fais une interview, on me pose cette question qui est légitime de vous voyager beaucoup, votre bilan carbone, tout ça. Oui, c'est important d'avoir ça en tête. Moi, ce que je réponds, c'est qu'il faut essayer évidemment, il faut avoir ça en tête, être dans une forme de sobriété si on le peut, donc privilégier les voyages longs et lents, le slow travel plutôt qu'aller faire des week-end shopping à New York. que j'ai jamais fait parce que ça m'a jamais intéressé de faire ça de toute façon. Privilégier le train quand on peut, évidemment, et de manière évidente pour aller à Tokyo, ce n'est pas très pratique. Et surtout dans cette réflexion-là globale sur les enjeux environnementaux du voyage, il faut aussi inclure quand même les bénéfices du voyage. Alors il y a d'une part les bénéfices économiques pour les pays visités, qui ne sont pas négligeables. Je cite souvent ce chiffre. Après le Covid, on a évolué que la suspension de l'aérien et du... du tourisme pendant quelques années, a replongé dans la grande pauvreté, des centaines de millions de familles. C'est une étude de l'ONU. Donc, ce n'est pas neutre quand même. Le tourisme, le voyage, a aussi cette vertu-là de nourrir les gens. Donc, ça n'absout pas du bilan climatique, mais il faut essayer de voir le problème de manière globale. Et par ailleurs, je défends toujours le voyage pour ses bénéfices culturels et mentaux. C'est un cliché de dire ça, mais évidemment que le voyage... C'est une école de l'empathie, de la tolérance, de l'ouverture. C'est un antidote au repli identitaire et ça me semble important dans nos sociétés de plus en plus fracturées, tendues, polarisées. Les gens qui voyagent sont rarement des extrémistes. Ça me semble pas mal d'ouvrir l'esprit des enfants, notamment à l'altérité via le voyage.
- Speaker #1
Et tu ne penses pas qu'ils vont nous en vouloir, nos enfants, plus tard ?
- Speaker #0
Peut-être. D'ailleurs, je traite la question dans le bouquin, comment les générations futures vont considérer le fait qu'on... On pouvait voyager comme ça. Après, je trouve qu'il y a une focalisation sur le voyage et l'aérien, qui une fois de plus est légitime, mais qui est peut-être un peu excessive. Il n'y a pas que l'avion qui produit du bilan carbone. Je crois que le transport aérien, c'est seulement 2% des émissions de carbone. C'est très important. Il faut essayer de le limiter. Mais il y a des tas d'autres activités.
- Speaker #1
Mais ce n'est pas la majorité. Oui, tu as raison. Mais c'est marrant que tu dis ça, parce que moi, je n'ai pas voulu leur acheter une bouteille en plastique cet été. Tu vois, à un moment, ils avaient envie de boire. J'ai dit, tu as une gourde. Ils ont dit, pourquoi on est venus ? C'est pour ça que je te dis ça à 10 ans, tout d'un coup, d'avoir cette réflexion. Je me suis dit que ça se trouve, à 18 ans, ils vont me dire Mais maman, pourquoi tu nous as emmenés ? On a détruit la planète. J'ai aimé ça dans ton livre.
- Speaker #0
Il me semble que mettre un signe égal entre prendre l'avion et détruire la planète, c'est un peu caricatural.
- Speaker #1
C'est dangereux.
- Speaker #0
Essayons d'être sobres, de réduire notre empreinte écologique autant que faire se peut. Ce que je m'applique à faire au quotidien. Moi, je n'ai pas de voiture. C'est un peu dérisoire, mais oui, j'essaie. d'adopter les gestes écolos de l'époque. Se priver de vivre et se priver de tout, je ne suis pas sûr que ce soit la solution non plus pour rendre le monde meilleur.
- Speaker #1
Je suis d'accord. C'est quoi ton voyage le plus dingue ?
- Speaker #0
C'est très dur de répondre à cette question parce que ça dépend des périodes de la vie. Un de mes plus grands chocs, ça a été quand même la première arrivée en Inde, la première fois que je suis allé en Inde. Je me souviens de débarquer à Bombay en 2007, à la nuit, et de me trouver dans ce monde incroyable, très vivant, très grouillant, vraiment... parfois affreusement misérables et bizarrement incroyablement beaux. Cette sensation d'être désorienté sur le plan des sens et de ne pas comprendre grand-chose à ce qui se passe. Moi, c'est ce que j'aime dans le voyage, c'est d'être surpris, d'être confronté à l'inattendu, à l'insolite, être un peu bousculé dans mes repères, utiliser une expression clichée encore une fois, sortir de ma zone de confort pour être un peu modifié, échangé par le voyage. Moi je voyage pour comprendre comment les gens vivent ailleurs et enrichir ma connaissance de l'humanité et du monde dans lequel on vit. Et donc voilà, quand le voyage nous bouscule, c'est une bonne chose.
- Speaker #1
Il te bouscule toujours. Il y a une fois où il ne t'a pas bousculé, il y a un voyage qui t'a déçu ?
- Speaker #0
Je crois que je ne suis jamais revenu déçu d'un voyage, parce qu'on se remplit toujours de choses qui nous enrichissent. Cela dit, comme je suis maintenant un voyageur aguerri et que ça fait peut-être 20 ou 25 ans que le voyage est une partie importante de ma vie, j'essaye de faire attention à ne pas être blasé. C'est peut-être une tente naturelle en vieillissant de perdre sa capacité d'émerveillement. Donc j'essaie d'entretenir ça, de savourer ma chance à chaque fois que j'arrive dans un endroit que je ne connais pas. Ça régénère aussi. Moi, à chaque fois que je débarque dans une ville que je ne connais pas, je me sens tout neuf. Et une autre façon de ne pas laisser sa capacité d'émerveillement s'émousser, c'est de voyager avec un enfant.
- Speaker #1
Alors là, tu as un fils de 10 ans et tu voyages avec lui depuis qu'il est né ?
- Speaker #0
Alors on l'a pas mal fait. fait voyager, on a constaté qu'avant ses 10 ans, il était déjà allé sur les 5 continents. Alors peut-être qu'il nous reprochera plus tard le bilan en carbone qu'on lui a imposé, mais voilà, moi je continue à voyager seul quand je fais des reportages ou avec un photographe. Mais voilà, j'essaye aussi de transmettre et de partager mes voyages en voyageant en famille, ce qu'on a pu faire grâce à la résidence en Nouvelle-Zélande que j'évoquais tout à l'heure, et aussi l'an dernier lors de ce voyage en Asie que nous avons repris. tous les trois avec ma compagne et notre fils et qui a donné ce livre au bungalow
- Speaker #1
Alors, pourquoi ton truc quand tu voyages ?
- Speaker #0
Pourquoi on est parti faire ce périple familial en Asie du Sud-Est ? Plusieurs raisons. Déjà, parce que j'ai toujours envie de voyager. J'avais envie de voyager avec ma famille et avec mon fils pour lui faire découvrir aussi, pour lui montrer qu'il n'y a pas que la vie de petit bobo parisien qui existe. Lui montrer que d'autres mondes existent, qu'il y a d'autres façons de vivre. Parce que je suis absolument persuadé que c'est très enrichissant pour un gamin de se confronter à cette altérité et que c'est la meilleure école. d'élargir ses horizons. Ça, c'est une des raisons. Et l'autre aussi, c'est que ma compagne était dans un moment professionnel compliqué, avec un épuisement professionnel qui nécessitait de s'évader un petit peu. Donc, je lui ai proposé qu'on se barre tous les trois pendant plusieurs mois et qu'on vive un petit peu différemment de manière itinérante pendant plusieurs mois en se contentant de peu, essayer de voyager léger si possible. en se passant du superflu qui est dans nos vies occidentales contemporaines. Et donc, on est partis pendant quatre mois en Thaïlande, Vietnam, Laos, Cambodge. Et on a terminé sur le Japon et la Corée. Et on est revenus de ce voyage, de ce long périple un peu changé.
- Speaker #1
Mais tu reviens toujours, toi. Il n'y a pas un moment, justement parce que finalement, tu es assez libre dans ton métier, où tu dis on va partir et puis si on est bien. Et d'ailleurs, à un moment, tu l'évoques quand tu es en Thaïlande. Pourquoi on ne se met pas là ? Pourquoi on ne se pose pas là ? Finalement, tu reviens toujours quand même. Elle n'est pas si désagréable, cette vie, finalement.
- Speaker #0
Oui, mais parce que je ne suis pas tout seul dans ma vie.
- Speaker #1
Mais j'ai l'impression que même si tu étais tout seul, finalement, cette vie-là, elle te plaît d'être là et de partir.
- Speaker #0
Comme je disais tout à l'heure, ce qui est bon dans le voyage, c'est de partir, mais aussi de revenir. Alors, l'idée de s'installer ailleurs, de s'expatrier, moi, me tente. Il se trouve que je ne suis pas tout seul, que ma compagne a sa vie professionnelle et qu'on trouve nos arrangements. et nos compromis familiaux.
- Speaker #1
Et pourquoi l'Asie du Sud-Est ?
- Speaker #0
Pourquoi on est parti là-bas ? Parce que déjà, c'est des pays magnifiques que je ne connaissais pas tous, j'en connaissais certains, mais je ne connaissais pas le Cambodge ni le Laos. Et c'est des destinations assez sûres pour voyager avec un enfant. Ce n'est pas trop cher pour voyager longtemps. Donc voilà, pour toutes ces raisons, on a choisi cette région du monde au moment d'initier ce long voyage.
- Speaker #1
Et comment on décide d'un long voyage comme ça ? C'est autour de la table un soir ? Tu te dis bon écoute, vraiment ça ne va pas, viens on va partir.
- Speaker #0
Moi ça me trottait dans la tête depuis un bon moment. Et puis j'ai proposé, j'ai dit mais viens on se barre, on fait le tour du monde pendant un an. Alors je n'ai pas reçu, ça n'a pas été accueilli par un enthousiasme. Mais une fois de plus, c'est parce qu'il y avait une situation professionnelle du côté de ma compagne qui était un peu entre deux. et donc elle avait encore un pied dans son bourbier professionnel, on va dire. Finalement, on est arrivé sur ce truc de quelques mois en Asie du Sud-Est plutôt que de faire un tour du monde pendant un an. Du côté de mon fils, ça a été beaucoup plus simple de le convaincre. Il a suffi de dire, dis-moi fils, est-ce que ça te dirait de ne pas aller à l'école pendant quelques mois ? Et bien sûr, il était partant.
- Speaker #1
Évidemment. Voilà. Il a dit... Et dès le début, tu voulais en faire un livre ?
- Speaker #0
Non. Non, non, ce n'était pas le plan. C'était vraiment un voyage personnel et familial. Puis j'ai commencé à en parler avec mon éditeur qui m'a dit raconte ça Je me suis dit mais c'est pas intéressant parce que d'habitude, mes livres de voyage, il y a quand même un thème, un angle. Quand je pars au Kiribati, c'est pour parler du changement climatique. Là, c'était vraiment un voyage perso. Et il me fait mais c'est pas grave, mets un peu plus d'intime peut-être dans ton récit. Et il se trouve que je n'ai pas écrit que des livres de voyage, j'ai écrit aussi deux livres dont le thème est la paternité. En 2000,
- Speaker #1
plus grand voyage.
- Speaker #0
Le plus grand. Oui, c'est exactement ça. Donc en 2015, j'ai publié In utero, qui est un récit de grossesse, un journal de grossesse du point de vue masculin, que j'ai traité comme un voyage vers la paternité. Donc c'est évidemment un livre qui me tient à cœur, parce que je raconte l'arrivée de mon fils dans ce monde. Et j'en ai écrit un autre quelques années plus tard, qui s'appelle Comme à la guerre, où je raconte les premières années de la vie de notre fils, et les galères liées à l'éducation du petit enfant à Paris. Et donc, Bungalow unit un peu ces deux veines d'écriture, le voyage et la paternité, la famille.
- Speaker #1
Donc, ça s'est dessiné assez naturellement.
- Speaker #0
Oui, une fois de plus, ce n'était pas calculé, mais quand je m'en suis rendu compte, c'était assez logique.
- Speaker #1
Et eux, ils étaient OK ?
- Speaker #0
Ma famille ?
- Speaker #1
Tes compagnons de route ? Oui. Que tu le racontes ?
- Speaker #0
Alors, évidemment, je leur demande la permission. Ma compagne est toujours la première lectrice de mes livres, surtout quand ça parle d'elle. Elle a un droit de censure, évidemment, en ce qui la concerne, parce que je ne veux pas la vampiriser. Et donc même, j'en ai fait un procédé littéraire dans ce livre. Je lui ai proposé d'annoter le livre et de laisser ses annotations dans le texte final. Donc, le texte est parsemé de NDLF, des notes de la femme. Parce que son personnage, je l'appelle la femme avec un grand F dans le livre. Et donc, voilà, elle met ses petites annotations, ses corrections, ses petites censures aussi au fil du texte. Et ça me faisait marrer comme procédé littéraire de faire intervenir le personnage dans le texte.
- Speaker #1
C'est génial.
- Speaker #0
Et puis, ça permettait de mettre quelques vannes aussi parce que c'est rigolo. Et comme vous l'avez peut-être constaté, j'aime bien mettre un petit peu d'humour dans mes livres.
- Speaker #1
Ah bah, carrément. Ça commence déjà avec les valises, parce que tu dis on essaye de voyager léger. Est-ce que vous avez réussi ?
- Speaker #0
Effectivement, mon ambition, c'était de partir léger pour s'alléger de nos possessions, de tout ce qui nous pèse dans nos vies urbaines à Paris. On n'a pas besoin de tout ça. Moi, j'ai un côté décroissant qui fait que je pense qu'on peut vivre de peu. Donc, j'ai dit, viens, on part avec juste un petit sac à dos et tout. Tout le monde n'était pas sur cette ligne-là dans ma famille. Et donc, avant le départ, il y a une sorte de bataille conjugale sur comment on fait. fait les bagages. Donc moi, j'enlevais des trucs, elle, elle en remettait. Donc j'ai bien évidemment perdu ce duel conjugal et on est partis avec de mon point de vue, beaucoup trop de kilos de bagages. Voilà, mais au final, ça fait un truc un peu rigolo à raconter.
- Speaker #1
Vous vous êtes délaissé après un peu sur la route ?
- Speaker #0
Non, je crois qu'on n'a pas réussi à faire ça.
- Speaker #1
Et qu'est-ce que tu ressens alors quand tu montes dans l'avion tous les trois pour ce voyage ? Tu t'en souviens du moment où vraiment vous avez décollé pour cette aventure ? Oui,
- Speaker #0
c'était un mélange de jubilation, de grande joie. C'est bon, c'est parti, on le fait. Et un peu de stress aussi, parce que voyager tout seul, moi je sais faire sans problème. Partir en vacances, deux semaines, comme tout le monde fait, pas de problème. Là, on était sur un truc un peu plus aventureux, parce qu'on savait où on dormait les trois premiers jours, mais après, on ne savait pas où on allait. C'était ça aussi que je voulais faire lors de ce voyage, c'était l'improvisation. Pas savoir où on va, c'est aussi une... une certaine liberté, c'est un peu excitant. Et voilà, est-ce que le gamin de 10 ans, il va s'adapter à cette vie pendant quelques mois sur la route ? Est-ce qu'il va bien le vivre ? Donc j'avais un peu de stress aussi. Finalement, tout s'est globalement très bien passé. Et au final, ça reste une expérience formidable, même si on a eu quelques galères, même s'il y a eu quelques tensions, évidemment.
- Speaker #1
Ça fait partie du truc !
- Speaker #0
Oui, parce que ce que je savais, mais que je n'avais pas vraiment anticipé, c'est que d'habitude, dans nos vies quotidiennes, chacun va travailler de son côté. L'enfant est à l'école 8 heures par jour. Là, pendant des mois, on était ensemble 24 heures sur 24, ce qui n'arrive à peu près jamais dans une vie familiale. Donc, c'est un bon crash test pour une famille. On l'a réussi, on ne s'est pas étripé et c'était même merveilleux à bien des égards. Mais voilà, il fallait notamment occuper cet enfant. Toute la journée. Alors, on était sur la route, on voyait plein de choses, on rencontrait des gens. Donc, ça se faisait assez naturellement. Mais croyez-moi, on a fait beaucoup, beaucoup de parties de Uno.
- Speaker #1
Mais c'était le sujet que je voulais aborder avec toi, l'enfant unique. Ça, c'était un stress pour toi de dire, en fait, ce petit garçon, tu l'enlèves de ses copains, de ses cousins, de sa vie sociale à lui. Et finalement, il va se retrouver, ou pas, parce que vous avez fait des rencontres sur la route, mais tout seul, avec deux adultes pendant quatre mois.
- Speaker #0
Je m'étais posé la question, mais j'étais quand même assez confiant dans le fait que vivre sur la route apporterait son lot d'animation quotidienne. Néanmoins, il est vrai qu'un enfant a besoin d'autres enfants de son âge pour s'épanouir. Et je comptais sur le fait qu'on rencontre d'autres familles qui faisaient la même chose que nous, parce que ça se fait assez couramment. On n'en a pas rencontré tant que ça, ou alors on ne faisait que les croiser. Et donc au bout d'un moment, ça pesait un peu sur l'enfant. Parce que dans le livre, je l'appelle l'enfant avec un grand E. Donc ça, sur la fin, ça piquait un peu. Donc mon conseil aux familles qui veulent partir en voyage, partez au moins avec deux enfants, si vous le pouvez.
- Speaker #1
Oui, empruntez-en un. Et comment tu as fait pour l'école ?
- Speaker #0
Alors, l'école, on a fait les choses dans les règles de l'art. C'est-à-dire qu'on a déscolarisé l'enfant officiellement. On a demandé l'autorisation à l'éducation nationale.
- Speaker #1
Il était en quelle classe,
- Speaker #0
ton fils ? Il était en CE1. CE2, pardon, à l'époque. J'ai pris ma plus belle plume pour écrire à l'Education nationale en expliquant qu'on ne déscolarisait pas l'enfant pour l'amener dans une secte, mais au contraire pour élargir ses horizons et que le voyage serait la meilleure des éducations pour lui, ce que je crois profondément. Ce qu'on apprend en rencontrant le monde, on ne peut pas l'apprendre entre les quatre murs d'une école. Une partie de notre temps sur la route était consacrée à l'école, faire les dictées, les multiplications, parce qu'on a eu de la chance, sa maîtresse était super sympa, elle nous envoyait les... les devoirs et on lui avait promis de consacrer, de sanctuariser deux heures par jour à faire la classe. Bon, au final, quand on arrivait à faire dix minutes par jour, on était bien contents. Mais ce n'est pas grave de rater une dictée si le même jour, tu as visité les temples d'Angkor et donc un peu appris sur l'histoire et la civilisation Khmer. Et ce n'est qu'un exemple, mais tous les jours, c'était ça. Et outre l'histoire et la géographie que tu apprends en voyageant, Et évidemment, je me suis appliqué à on, c'est appliqué à transmettre le plus de choses possibles à l'enfant durant ce voyage. Le simple fait d'observer, de ressentir, de voir que les gens ailleurs ne vivent pas comme chez nous, ça une fois de plus, c'est une très bonne école de la vie.
- Speaker #1
Il lit ton fils ?
- Speaker #0
Il lit. Alors, il a 10 ans, donc sa grande passion, c'est les mangas, comme beaucoup d'enfants de son âge. Je n'ai pas de problème avec ça parce que les mangas, les BD, c'est de la lecture. Alors j'essaie de lui fournir, de lui proposer des tas de lectures diverses et variées, des romans. Et puis après, il prend ce qui l'intéresse et il laisse ce qui ne l'intéresse pas. Évidemment, je le pousse à lire, mais sans trop le forcer parce que sinon c'est contre-productif. Je mets à disposition et après, lui, il s'en empare ou pas.
- Speaker #1
Et lui, il a préféré quoi comme pays ?
- Speaker #0
Je crois qu'il a préféré le Japon.
- Speaker #1
Pour les mangas ?
- Speaker #0
Parce qu'il y avait le côté manga, toute la culture japonaise. qui parle aux enfants. Aussi parce que c'est évidemment un pays génial, le Japon, fascinant, qu'on connaît à la fois par sa culture et qui est tellement différent en termes de mode de vie, d'étiquette, de façon de vivre au quotidien, d'organisation de la société. Moi, j'y étais déjà allé plusieurs fois, mais malgré tout, à chaque fois, je suis fasciné et quand on le découvre pour la première fois, comme c'était le cas pour mon fils, il a adoré.
- Speaker #1
Et tu as ressenti, toi, le surtourisme au Japon dont on parle ?
- Speaker #0
Pas seulement au Japon, mais effectivement, les temples les plus connus étaient évidemment bondés. C'était un peu la même chose en Corse. En Corse, c'est un peu différent parce que le site est tellement grand qu'on peut facilement s'échapper du flux touristique. Donc, je pense qu'on est tous d'accord pour dire que le surtourisme est l'ennemi du tourisme. Notre exemple n'a rien à voir. Je me souviens, il y a quelques années, d'être à Porto, au mois d'août, dans des rues très mignonnes, mais... blindé de gens qui, pour la plupart, parlent français. Donc, en termes de dépaysement, ce n'est pas exactement ça. Donc, voilà. Les endroits qui sont exclusivement consacrés au tourisme sont complètement galvaudés et gâchés. Évidemment, on n'a pas envie... Enfin, moi, je n'ai pas envie d'aller là-bas. Et pour... Il faut contourner le surtourisme. Donc, prendre les guides de voyage, TripAdvisor, regarder les incontournables, et puis ne pas y aller.
- Speaker #1
Oui, c'est ça.
- Speaker #0
C'est pas grave si tu manques,
- Speaker #1
quoi.
- Speaker #0
Voilà. Ça peut paraître un peu snob, mais je suis passé à côté d'Agra et je ne suis pas allé voir le Taj Mahal. J'ai d'autres exemples comme ça. En fait, ce n'est pas du snobisme. Oui, je vais rater. Je ne vais pas voir ce truc magnifique, mais je préfère passer dans le village d'à côté et aller tout simplement dans la taverne du coin et me poser dans un café et regarder les gens vivre tout simplement. Je passe une meilleure journée que quand je coche une case à voir un truc incontournable.
- Speaker #1
Oui, tu n'as pas besoin.
- Speaker #0
Après, je suis allé encore, qui est un incontournable. Ça peut être intéressant aussi, mais la foule gâche les sites. Et on est tous responsables de ça, parce que c'est le paradoxe du touriste de vouloir aller là où les autres ne veulent pas. J'ai un autre souvenir, comme ça, au Sri Lanka, sur le site de Sigiriya. Je ne sais pas si vous voyez ce que c'est. Le rocher. Voilà, c'est un grand rocher, un grand piton rocheux planté au milieu de... de la jungle et je me mets d'accord avec un tuktuk qui me dit Viens, on y va demain à l'aube, lève-toi à 5h du mat. 5h du mat, ça pique quand même. Il insiste. Et finalement, je pars très tôt pour arriver à l'aube là-bas et je remercie le gars qui m'a conseillé de faire ça parce que j'ai fait l'ascension. tout seul. Je suis arrivé sur le plateau où il y a une espèce de ville antique, abandonnée, des ruines incroyables comme ça, avec vue sur la jungle, et j'étais tout seul. J'étais Indiana Jones pendant une heure, et c'était complètement magique au lever du soleil. Et quand j'ai commencé à redescendre, j'ai croisé les gens qui sortaient des bus de tourisme, et les groupes qui venaient tout aussi légitimement que moi visiter.
- Speaker #1
Non, non, c'est pas une critique, il y a une autre manière de voyager.
- Speaker #0
Voilà, donc moi, je préfère éviter le tourisme canalisé, mais une fois de plus, je n'ai pas de jugement moral sur les gens qui voyagent en groupe organisé, en bus, parce que déjà, moi, j'ai la chance de pouvoir choisir quand je voyage. Je ne pars pas forcément en été, je peux partir hors saison, je peux choisir les endroits, tout le monde n'a pas cette chance-là. Et dans la critique du tourisme, il y a parfois une forme de mépris social qui me gêne un peu, parce qu'il est légitime de vouloir partir.
- Speaker #1
aussi une semaine en vacances au soleil pour se changer les idées quoi oui il n'y a pas de bons mauvais touristes déjà sourire aux autres c'est extraordinaire déjà partir et avoir le courage de voilà à partir de son quotidien je trouve ça assez génial c'est vrai qu'on peut aller dans un hôtel club et pas sortir de l'hôtel et c'est pas ma façon de mais
- Speaker #0
ça c'est pas du voyage c'est ça des vacances en fait si tu parles de voyages et que déjà tu es dans une envie quand même de d'aller vers l'ailleurs voilà exactement à partir du moment quel que soit le type de voyage organisé ou indépendant ou pas Quand on a la curiosité déjà d'aller voir ailleurs, je trouve que c'est toujours ça de pris.
- Speaker #1
Il y a un moment où tu as envie de rentrer ? Où tu sens que c'est fini ?
- Speaker #0
À chaque voyage ?
- Speaker #1
Non, là, pendant votre long périple ?
- Speaker #0
Oui, il y avait des moments de creux. En fait, je crois qu'il y a dans tous les voyages, un peu long, il y a un peu toujours la même courbe. Au début, on est dans l'euphorie du voyage les premières semaines. On est tellement content d'être là à découvrir des nouvelles choses tous les jours. Après, il y a une sorte de petite lassitude de routine de la route qui s'installe. On commence à être un petit peu fatigué, on a le dos qui tire et on peut en avoir marre de ne pas avoir de confort, de bouger tout le temps. Et au moment où on se pointe la fin du voyage, on a envie que ça dure un peu plus longtemps parce qu'on a la fin arrivée et on veut prolonger. Donc il y a toujours cette espèce de courbe un peu sinuosidale en voyage. Et finalement, on est toujours aussi content de rentrer parce que le voyage n'a de valeur que quand on revient aussi.
- Speaker #1
C'est marrant parce que j'ai pas rebondi tout à l'heure, mais on a interviewé une fille qui a fait le... le tour du monde avec ses trois filles, malheureusement coupée par le Covid, donc elle a dû rentrer. Et le premier truc qu'elle nous a dit, c'est J'ai pensé que j'allais être un moine bouddhiste, tu vois, à voyager. Pareil, elle a commencé comme toi au Cambodge et tout. Et en fait, pas du tout. Et justement, parce que toute la journée, ses enfants, parce que tout le temps on pensait à ce que tu vas faire demain, ce qui n'est pas quand même dans notre quotidien, c'est qu'en fait, elle racontait quand enfin elle a réussi à endormir ses trois filles, en fait, c'est Où on dort demain ? Qu'est-ce qu'on fait demain ? On ne veut pas manquer ça. Et donc, je trouve que c'est marrant cette vision du voyage aussi. Tu n'es pas qu'un vagabond avec... ta femme et ton fils sous le bras, c'est qu'en fait, il y a quand même toujours, tu vas courir après quelque chose, faire quelque chose et être toujours ensemble. Donc c'était marrant, je trouve, cette vision de... C'est pas si paradisiaque, tu vas aussi chercher autre chose.
- Speaker #0
Bien sûr, et c'est pour ça qu'on a tous peut-être ce travers-là, de vouloir voir le plus d'endroits possible, de peur de manquer quelque chose d'incroyable, et donc de multiplier parfois un peu trop les étapes. Moi, j'avais conscience de ça, mais malgré tout, je pense qu'on est allé à... trop d'endroits lors de ce voyage que je raconte dans Bangalow. Mais quand même, on a su se poser parfois une semaine dans un endroit où il n'y avait pas grand-chose à faire, mais juste on était posé dans un petit Bangalow où on vivait pas cher, où on était un peu plus intégré à la vie locale, même si on ne reste qu'une semaine. On prend sa petite routine locale et on se pose. Parce que quand on est toujours en train de cavaler, ça peut perdre un peu de son sens aussi au bout d'un moment.
- Speaker #1
Et je pense que c'est plus dur pour les enfants, j'ai l'impression. Ça leur fait du bien de temps en temps d'être posé à un endroit avec leurs petits jouets ou leurs petits trucs, mais recréer leur petit univers quelque part.
- Speaker #0
Leur habitude, et pour les grands aussi. Une fois de plus, c'est quand on a la chance de pouvoir partir longtemps. Les gens qui ne peuvent partir en vacances que deux semaines, ils vont avoir tendance à cavaler et à revenir de leurs vacances épuisés.
- Speaker #1
Et puis avoir le max, évidemment. Moi, je ne veux pas trop en dire parce qu'il faut vraiment lire ton livre, mais si tu devais résumer ton voyage en cinq mots, ce serait lesquels ?
- Speaker #0
Cinq mots ? Famille. joie, Asie.
- Speaker #1
La food un peu, tu ne m'en as pas parlé, c'était bien. La nourriture, c'est un sujet quand on voyage.
- Speaker #0
Surtout quand même en Asie du sud-est, il y a des traditions gastronomiques vraiment formidables. Donc on a bien mangé. Et l'avantage, c'est que même dans les petits bouillibouis pas chers, avec la maman qui prépare son pâte taille comme elle le fait pour sa famille, c'est super bon. Sans parler du Japon, je crois que la gastronomie japonaise est peut-être ma préférée. Alors parfois on se plante aussi, on se retrouve dans des gargotes dégueulasses et on ne vit pas toujours très bien. Mais voilà, la nourriture ça fait... évidemment partie du voyage.
- Speaker #1
Je t'ai coupé, il t'en reste un mot, pardon.
- Speaker #0
Alors, qu'est-ce que j'ai dit ? J'ai dit famille, j'ai dit joie, Asie, quête, parce qu'on était quand même allé chercher quelque chose là-bas, et plage.
- Speaker #1
Tu dis dans ton livre Ce voyage a allumé chez l'enfant l'étincelle de la curiosité et des possibles, celle qui peut mener n'importe où T'as l'impression que t'as réussi ça ? Il est changé ton fils ?
- Speaker #0
Il me semble... Alors je pense qu'il avait déjà un esprit curieux. à la base. Mais oui, en revenant, même si une fois de plus, il y avait des moments moins faciles pendant qu'on voyageait, en revenant, il m'a dit Papa, je veux aller dans tous les pays du monde Et ce qui, évidemment, m'a rempli de joie, peut-être par identification, parce que moi, j'ai envie d'aller un peu partout. Qu'il ait un destin de voyageur ou pas, le fait qu'il ait cette curiosité du monde, cette envie-là, je trouve ça très satisfaisant.
- Speaker #1
C'est rempli.
- Speaker #0
Oui, il s'est rempli. Une fois de plus, ce n'est pas seulement l'expérience accumulée, mais c'est avoir planté la graine de la curiosité, le fait qu'il ait le désir de découvrir et d'apprendre. Ça, c'est peut-être un truc qu'il a pour la vie.
- Speaker #1
J'espère.
- Speaker #0
J'espère aussi.
- Speaker #1
On ne sait jamais les graines qu'on a plantées. Merci beaucoup, Julien. Maintenant, il faut lire le livre, sinon on en aura trop dit. Mais merci beaucoup et lisez Bangalow. C'est bien,
- Speaker #0
merci à toi.
- Speaker #1
Merci beaucoup. C'est la fin. Merci mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. J'espère que vous aussi, vous avez voyagé. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous laisser 5 étoiles sur Apple Podcast et un petit commentaire. On attend avec impatience vos retours et vos impressions. Et si vous aussi, vous avez envie de nous raconter un extraordinaire voyage ou une aventure au bout de votre rue, envoyez-nous un petit message sur Instagram. À très vite. Merci et à bientôt.