- Speaker #0
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du Café sans filtre avec ton RH, le podcast sans tabou sur le monde du travail d'aujourd'hui et de demain, propulsé par le cabinet de conseil RH et l'organisme de formation Blossom Talents. Aujourd'hui, 44% des salariés français sont en état de détresse psychologique au travail. Je vous invite à explorer ce vaste sujet sous l'angle du rôle d'une manager dans la gestion de cette souffrance. Qu'il s'agisse de stress, de surcharge de travail, de conflits interpersonnels ou d'autres facteurs, cette souffrance peut avoir des conséquences néfastes sur la santé mentale et physique des collaborateurs, ainsi que sur la performance globale de l'entreprise. C'est pourquoi il est crucial de comprendre le rôle que jouent les managers Dans la prévention et la gestion de cette souffrance, ils sont en effet souvent les premiers points de contact pour les salariés confrontés à des difficultés. Et leur manière de gérer ces situations peut faire toute la différence. Pour explorer ce sujet complexe, nous avons le plaisir d'accueillir une experte, Valérie Roger. Elle partagera avec nous son expertise sur la façon dont les managers peuvent contribuer à créer un environnement de travail sain et... épanouissant pour leurs équipes. Alors sans plus tarder, prenez avec vous votre petite tasse de café et démarrons notre discussion avec Valérie Roger sur le rôle du manager dans la gestion de la souffrance au travail. Bonjour Valérie.
- Speaker #1
Bonjour Jennifer.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs ?
- Speaker #1
Oui, avec plaisir. Alors donc moi je suis Valérie Roger, je suis psychologue clinicienne. On peut définir la psychologie clinique comme la psychologie de l'individu. J'ai été amenée dans ma vie à travailler depuis 30 ans dans les entreprises privées et publiques, à la fois sur des questions individuelles et sur des questions plus collectives. J'interviens avec différentes casquettes qui sont tout autour de moi. Ce qui m'intéresse et me passionne, c'est les relations au travail. Quelquefois, je dis que mon métier, c'est de soigner les relations au travail. Je le fais à partir de différentes casquettes. Ma casquette la plus ancienne, c'est formatrice en communication et en management. Former des personnes au management, à la relation entre collègues, à la relation avec un public. à la relation qui se dégrade quand c'est la gestion de conflits, à la relation avec un public qui est potentiellement violent. Et puis, je me suis formée au coaching. Donc, j'accompagne aussi des managers sur des problématiques managériales et des équipes. Alors, par rapport au coaching, moi, je suis moins dans le coaching performance que dans le coaching difficulté, enfin, aider les personnes à surmonter des difficultés. Donc souvent, les équipes qui m'arrivent, c'est des équipes en difficulté. C'est la raison pour laquelle aussi j'ai souhaité me former plus récemment à la médiation. Donc j'interviens aussi pour gérer des conflits dans les équipes.
- Speaker #0
D'accord, donc différentes casquettes.
- Speaker #1
Voilà, différentes casquettes. Et ma dernière casquette que je fais aussi depuis une vingtaine d'années, c'est les diagnostics en prévention de risques psychosociaux ou en accompagnement de changements. Donc, interroger de façon approfondie les personnes qui risquent d'être en souffrance au travail ou qui sont en souffrance au travail pour essayer de proposer des solutions ou des préconisations aux entreprises.
- Speaker #0
Et comment tu es arrivée à porter toutes ces casquettes ? Qu'est-ce qui a fait qu'à un moment donné, tu es arrivée là où tu en es ?
- Speaker #1
En fait, j'ai commencé par la casquette formation. Je me suis dit que ça ne suffisait pas, que j'avais envie d'accompagner des gens plus. La formation, on sème des graines, mais on ne voit pas forcément ces graines germer. Et donc, j'avais envie d'accompagner les gens plus profondément, plus dans le temps. Et puis après, pareil pour la médiation, je me suis rendu compte qu'il y avait un certain nombre de situations qui ne se traitaient pas en coaching ou en diagnostic de prévention des risques psychosociaux. Je me suis dit que cette casquette-là... Mon envie, c'est de trouver la bonne clé par rapport à une situation de souffrance au travail dans une entreprise pour rentrer. Et selon les cas, ça peut être plus en amont pour prévenir ou plus en aval quand il y a un conflit, quand il y a des difficultés ou du turnover, de l'absentéisme, où il commence à y avoir vraiment des signes ou voire des dénonciations de harcèlement, de pouvoir intervenir par la... clé qui va être la meilleure pour cette situation.
- Speaker #0
Donc si je comprends bien, ton trousseau de clés va nous accompagner tout au long de notre échange.
- Speaker #1
Oui, voilà, tout à fait. Parce que du coup, ce trousseau de clés me donne plein de situations où je peux voir les situations, je peux entendre des collaborateurs en diagnostic, prévention psychosociale, me parler de leur manager qui est maltraitant ou difficile ou au contraire aidant et soutenant. soutenant. Et du coup, tout ça me donne des clés pour pouvoir accompagner les gens en formation ou en coaching. En fait, toutes ces clés se répondent les unes avec les autres et s'enrichissent les unes avec les autres.
- Speaker #0
Super, et bien on va pouvoir commencer.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Valérie, est-ce que tu peux me dire comment un manager peut repérer des signes de souffrance au travail ?
- Speaker #1
Ce qu'il faut, c'est surtout regarder les changements. Il peut y avoir des changements au niveau du comportement, de la façon d'être. La personne qui tout d'un coup s'isole avant d'aller déjeuner avec ses collègues, elle ne le fait plus ou elle s'enferme dans son bureau. Ça peut être des changements. La personne était partante toujours pour les nouveaux projets, elle ne l'est plus. Ou elle était ponctuelle, elle ne l'est plus. Elle s'endort à son travail, parfois des médicaments, ça peut amener des choses comme ça, ou elle a des problèmes de concentration. Ça peut être aussi des problèmes au niveau du travail lui-même, du rendu du travail, des erreurs, alors qu'on sait que la personne sait faire. Ou des plaintes aussi, la personne qui se plaint, la personne qui dit à quoi bon, ça ne sert à rien, c'est trop. C'est sûr que c'est plus difficile quand on est en visio à distance. Ça se sent aussi. L'humeur de quelqu'un, ça se sent aussi à distance. Il faut être attentif à tout ça.
- Speaker #0
Exactement. Je rebondis sur ce que tu disais tout à l'heure par rapport au fait de se plaindre. On est quand même en France. En France, quand on se plaint, on se plaint aussi pour socialiser. C'est une façon de trouver... un sujet commun qui va nous rallier et où on va pouvoir justement dire qu'on n'est pas tout à fait alignés. Et dans le même temps, il y a cette façon de se plaindre et puis il y a la façon de se plaindre où on est vraiment en difficulté et on veut faire la lumière sur cette difficulté. Donc c'est très difficile, j'imagine, en tant que manager, de se dire est-ce que cette personne se plaint parce qu'elle est en... souffrance ou est-ce qu'elle se plaint parce que elle veut qu'on socialise ?
- Speaker #1
Oui, je pense que tu as tout à fait raison et il y a même une troisième raison pour laquelle on se plaint. Il y a des gens qui ont une conception de la vie et du travail où il faut faire des efforts, il faut souffrir et ces gens-là se plaignent pas pour qu'on leur enlève du travail mais pour qu'on reconnaisse leurs efforts. Peut-être que de la part du manager, il faut faire des essais. Pour ces troisième personnes, de reconnaître les efforts, en général, ça adoucit la plainte. Pour les gens qui se plaignent, parce que c'est un outil de socialisation, ça fait bien de se plaindre, de demander qu'est-ce qu'il faudrait faire à la place, de demander aux gens comment ils pourraient être plus constructifs, comment ils pourraient proposer des choses pour améliorer les choses. Et puis, effectivement, être attentif à la plainte de souffrance. Et la plainte de souffrance, souvent, elle exprime qu'il y a une perte de sens. Les gens disent « à quoi bon ? Ça ne sert à rien. » Il faut être très, très vigilant par rapport à ce genre de plainte.
- Speaker #0
Avant de poursuivre notre discussion avec notre invité, j'aimerais prendre un moment pour vous adresser un message très spécial. Si vous aimez ce que vous entendez jusqu'à présent et que vous trouvez notre podcast Café sans filtre avec ton RH informatif et enrichissant, je vous serai extrêmement reconnaissante si vous preniez quelques instants pour nous soutenir. Il vous suffit de partager ce podcast avec vos amis, vos collègues et proches qui pourraient également bénéficier de ces conversations sans tabou. Votre soutien nous aide à toucher davantage de personnes et à continuer à produire du contenu de qualité. Vous pouvez aussi... Nous laissez une évaluation positive avec 5 étoiles sur la plateforme de podcast de votre choix.
- Speaker #1
Cela nous aide énormément à être mieux référencés et à atteindre de nouveaux auditeurs passionnés comme vous. Merci infiniment pour votre soutien. L'interview continue.
- Speaker #0
Valérie, est-ce que tu peux nous dire comment un manager de proximité peut favoriser un environnement de travail sain et positif ? qui prévient la souffrance au travail ?
- Speaker #1
Comme ça, j'aurais envie de dire que la première chose, c'est de donner du sens au travail. Comment est-ce qu'on accompagne ces collaborateurs pour qu'ils sentent l'utilité de leur travail ? Comment est-ce qu'on peut parler, au lieu de parler de dossiers ou de factures ? Parce que derrière les dossiers, il y a des personnes qui risquent de souffrir si jamais on ne traite pas à temps leurs dossiers ou pas bien. derrière les factures, il y a des entreprises qui risquent de faire faillite si jamais elles ne sont pas payées à temps. Donc c'est aussi comment le manager peut redonner du sens au travail et quelque part toujours ramener la question de qu'est-ce qui se passerait si on ne le faisait pas.
- Speaker #0
Intéressant. La plupart des collaborateurs, d'ailleurs il y a une étude de la DARES qui n'est pas si ancienne que ça, qui dit que les collaborateurs ont l'impression que leur charge de travail est de plus en plus importante. Et dans toute cette charge, il y a des choses qui sont prioritaires, mais on a l'impression que tout est important, tout est prioritaire. Donc, c'est assez difficile de se positionner, en tout cas quand on est le petit maillon de la chaîne, pour se dire qu'est-ce qui est prioritaire ? Où est le sens ? Quel sens je dois donner à mes actions ?
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Par rapport à ça, moi, je remarque quelque chose qui fait souvent souffrir les collaborateurs, c'est que quand on donne plus d'importance au reporting, aux statistiques, à l'évaluation du travail, mais qui n'est pas toujours sur les bonnes choses par rapport à l'utilité du travail en lui-même. Et c'est ça qui risque de mettre les gens en difficulté.
- Speaker #0
Tu soulignes quelque chose de très vrai. Les indicateurs dont on fait la promotion ne sont pas forcément les plus importants, en tout cas ceux qui ont le plus de sens. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose ?
- Speaker #1
Dans cette question de donner du sens au travail, Comment est-ce que le manager peut promouvoir ce que j'appelle moi la désirabilité du travail ? Mais c'est vrai que dans toutes les équipes que je vois par mes différentes casquettes, je vois des équipes où tout le monde se rejette le travail. Alors pourquoi moi je ferais plus de dossiers qu'une telle ? Et où l'idée c'est qu'il y ait une répartition exacte du travail. Et puis je vois d'autres équipes. Ou au contraire, on se dispute le travail et le travail difficile. Et il me semble que pour un manager, c'est aussi comment est-ce qu'on peut jouer avec ça et aussi montrer que c'est désirable pour soi-même et pas forcément pour une prime ou pour quoi que ce soit, mais de faire un travail difficile parce qu'on sait le faire et que peut-être la collègue ne sait pas le faire. Et qu'en tout cas, ça peut être une... une valorisation et une motivation intrinsèque, quand on parle de motivation intrinsèque ou extrinsèque, intérieure ou extérieure, comment est-ce que le manager peut promouvoir ça ? Il me semble très important aussi que le manager puisse se battre pour obtenir les moyens de faire du bon travail pour l'équipe et de leur donner un cadre de travail motivant et serein. Alors, ça passe par obtenir par rapport à sa hiérarchie, se battre. pour avoir des moyens. Il y avait récemment un chef cuisinier qui me racontait que pour prévenir les TMS dans son équipe, il avait réussi les troubles musculosquelétiques, les maux de dos, etc. Parce que les cuisiniers, ils sont obligés parfois de porter des choses lourdes. Il avait réussi à obtenir de sa hiérarchie un matériel nouveau qui faciliterait la vie de ses équipes. Je trouve ça super. comme manager. Il s'est battu pour ça. Ou pour pouvoir animer un stage où j'aidais des managers à accompagner leurs collaborateurs pour qu'ils se fassent moins agressés par le public. C'était dans un service où ils distribuaient des prestations à des personnes. J'avais un groupe de managers et il y avait un manager qui disait « Oui, mais moi, ils se font agresser mes équipes parce que... » On a six mois de retard dans les dossiers. Ça veut dire que les gens n'étaient pas payés pendant six mois. Donc, c'était bon. Ils étaient très agressifs et même violents. Et les autres disaient, ben oui, mais nous, on s'est battus pour avoir des renforts, des intérimaires. Donc, là aussi, c'est comment est-ce qu'on se bat quand on est manager pour pouvoir donner les moyens de faire du bon travail à ces équipes ?
- Speaker #0
Je suis d'accord avec toi. Il y a une vraie notion de combativité quand on décide d'être manager et quand on fait vraiment un choix, ce choix. Pour les bonnes raisons, mais ça, c'est un autre sujet. Mais oui, être manager, c'est se battre pour plus de temps, pour plus de moyens, pour plus d'écoute.
- Speaker #1
Et parfois dire non à la hiérarchie, on ne peut pas faire ça. Ou dire non au destinataire de l'activité, ben non, ça fait aussi partie de ça. Autre chose pour favoriser un environnement de travail sain et positif qui prévient la souffrance au travail, il me semble que le manager, c'est important qu'il soit disponible et en soutien. C'est-à-dire pas le manager porte fermée qu'on ne voit jamais et dont on ne sait pas ce qu'il fait. Et puis aussi qu'il puisse réunir régulièrement l'équipe. Les réunions d'équipe, ça sert à la cohésion d'équipe. Et également, ça sert à des espaces de régulation. Parce que les conflits, ils arrivent quand on n'a pas pu se parler. Or, il me semble très important pour prévenir les conflits, les difficultés, qu'il y ait ces espaces de régulation. On parle des problèmes et on parle des problèmes avec le manager.
- Speaker #0
Quand tu parles de disponibilité, je trouve ça hyper intéressant. Disponibilité, est-ce que ça veut dire j'ai tout le temps ma porte ouverte où ça veut dire...
- Speaker #1
j'ai des temps dédiés pour qu'on parle des choses importantes oui alors ça t'as complètement raison je suis vraiment contre la porte toujours ouverte parce que les managers ont la porte toujours ouverte après ils viennent me confier qu'ils font le travail après une fois que les gens sont partis et du coup c'est pas se préserver et c'est pas sain donc effectivement il faut Avoir de la disponibilité, mais aussi pouvoir se concentrer sur à la fois son travail de manager et puis aussi pouvoir réfléchir aussi à ce qui se passe dans l'équipe, avoir des temps de distanciation, de hauteur où on prend de la hauteur par rapport à l'équipe. Et ça, ça me semble très important.
- Speaker #0
Super. Merci pour cette précision. Ce que je voulais qu'on regarde aussi, c'est selon toi, quelles sont les compétences émotionnelles et relationnelles qui sont essentielles pour un manager de profession ? proximité qui va chercher à soutenir de façon efficace son équipe ?
- Speaker #1
Justement, pour moi, la première chose, c'est de pouvoir se préserver et se protéger. L'exemple que je donne souvent, c'est quand dans un avion, on donne les consignes de sécurité, les masques tombent et vous êtes avec quelqu'un, vous êtes avec vos enfants ou votre mère âgée, à qui vous mettez le masque en premier ? D'abord à soi.
- Speaker #0
Tout à fait.
- Speaker #1
Pour pouvoir... protéger les autres. Et donc ça, c'est vraiment quelque chose d'important qu'il faut que les managers comprennent, c'est que eux, d'abord, pour pouvoir aider les autres, s'ils sont en surcharge, s'ils sont au bord du burn-out, ils ne vont pas pouvoir apporter le cadre sécurisant pour leurs équipes. Donc ça veut dire aussi pouvoir demander de l'aide à sa propre hiérarchie ou en cas de difficulté, aller contacter son réseau de pairs, P-A-R-S, pour pouvoir ouvrir. Parce que souvent, quand on est en difficulté face à un collaborateur qui pose... problème ou une difficulté. On a toujours une centration sur le problème et une façon de voir les choses. Et le fait d'en discuter avec d'autres personnes, c'est super important parce que ça va élargir les vues, ça va élargir les solutions.
- Speaker #0
Tout à fait. L'idée d'aller voir en dehors de son organisation, c'est très important.
- Speaker #1
Très important. Et puis après, la deuxième compétence, c'est l'empathie. Aimer les gens. C'est vrai qu'en France, on est dans un système où le management, c'est quelque part une récompense, c'est une évolution de carrière. On ne valorise pas les postes d'experts, or il y a des gens qui seraient très bien dans des postes d'experts et pas forcément des bons managers. Pour être manager, il faut aimer les gens, il faut avoir de l'écoute, de l'empathie, il faut avoir de la bienveillance. Et bienveillance, ça ne veut pas forcément dire du laisser aller, du laisser faire et de j'écoute tous les problèmes. simplement s'intéresser aux personnes et quand il y a un collaborateur en difficulté qui n'arrive pas à faire le travail, plutôt que de lui dire « Ah bah, vous êtes payé comme les autres, pourquoi vous ne faites pas le même travail que les autres ? »
- Speaker #0
Ah ça, c'est très agaçant, je confirme.
- Speaker #1
C'est même plus qu'agaçant, ça met les gens en souffrance, parce que quand quelqu'un n'y arrive pas, d'entendre ce jugement-là, c'est terrible. Ah oui,
- Speaker #0
ton camarade y arrive, pourquoi pas toi ?
- Speaker #1
Pourquoi pas toi ? Et donc, comment est-ce qu'on peut s'intéresser à pourquoi Pourquoi la personne ne fait pas bien ? Est-ce qu'elle ne sait pas faire ? Ou en quel cas, comment est-ce qu'on va pouvoir la former ? Ce n'est pas parce que les gens ont eu une formation qu'ils savent faire. Est-ce que la personne a conscience de ce qu'on lui demande, de la qualité de ce qu'on lui demande ? Est-ce qu'elle a conscience de l'enjeu ? Pourquoi c'est à elle de le faire ? Il peut y avoir plein de raisons pour lesquelles les gens ne font pas bien. Et le boulot du manager bienveillant, c'est de comprendre et de pouvoir apporter des solutions et des réponses. Ce qui me semble important aussi, c'est l'exemplarité du manager. On parle beaucoup d'intelligence émotionnelle, de soft skills. En tout cas, que le manager puisse avoir une certaine façon de faire des critiques, de gérer les choses, de prendre les choses sans se mettre en colère. Et quelque part, c'est lui qui, par son exemplarité, par son modèle, va pouvoir aider l'équipe à devenir mature. Il y a des fois des équipes où les gens se... parlent mal, se disent mal les choses. C'est aussi au manager d'aller élever le niveau et pas en culpabilisant les gens et en disant parle-lui pas mal, mais simplement par son modèle à montrer comment est-ce qu'on peut dire les choses, dire les choses qui fâchent sans fâcher.
- Speaker #0
C'est une forme d'influence collective, je ne sais pas. C'est vrai que je passe beaucoup dans différentes entreprises et c'est vrai que je suis assez surprise de voir que la question de l'exemplarité n'est pas un sujet prioritaire. On parle, oui, on a des valeurs, mais comment on fait vivre ces valeurs, c'est une autre histoire.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais.
- Speaker #0
Exactement, exactement. Valérie, je passe à la question suivante. Quelles sont les limites du rôle d'un manager de proximité en ce qui concerne la gestion de la souffrance au travail ? J'enchaîne avec une deuxième question. quand devrait-il chercher à impliquer d'autres ressources ou d'autres professionnels ?
- Speaker #1
Le manager de proximité, il est le mieux placé pour aller repérer la souffrance au travail dans ses équipes et également pour avoir un rôle de proximité en jouant sur peut-être les missions, l'environnement de travail. Donc il est le mieux placé, le plus exposé aussi parce qu'il est des fois en sandwich et en conflit de valeurs entre sa hiérarchie et ses équipes. Il me semble que ce qui peut l'aider dans cette appréhension-là, c'est de bien différencier ce qui est risques psychosociaux et problèmes personnels et où est la limite de son rôle. Le risque psychosocial, c'est les impacts du travail sur la vie des personnes, au travail, mais aussi sur leur vie personnelle. donc tout ce qui peut pour impacter la vie des personnes. Par exemple, si l'entreprise déménage et que les personnes vont avoir un temps de trajet complètement allongé, quelque part, ça regarde l'entreprise et le manager. Alors, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas que l'entreprise déménage, mais c'est comment est-ce qu'on accompagne ça, comment est-ce qu'on peut trouver des solutions. Par contre, la personne qui décide elle-même d'aller habiter loin de son lieu de travail, ce n'est pas du risque psychosocial. Donc, c'est cette limite-là. qu'il faut que le manager, sur laquelle il soit au clair.
- Speaker #0
J'aime bien ces deux exemples que tu viens de nous donner parce que ça met en valeur de façon très imagée la limite entre les deux.
- Speaker #1
Oui, voilà. Et c'est important. Alors, cette limite, c'est jamais une ligne blanche parce que forcément, tout se mélange au bout du compte. Mais c'est important que le manager, il sache les limites de son rôle et là où il est légitime. Je me souviens d'un intendant d'un collège qui s'était rendu compte qu'un de ses personnels techniques dormait dans sa voiture. Or, cet homme, il était marié à une femme qui avait un logement de fonction dans le collège. Et donc là, ce manager a... Il en charge la situation en sauveur, en disant, mais attends, il faut que tu trouves un autre boulot, tu ne peux pas rester, parce qu'il y avait Bisbi dans le couple.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Donc, tu ne peux pas rester avec ta femme. Tiens, regarde, à la bourse à l'emploi, j'ai trouvé un nouveau poste dans le village à côté, postule. Et finalement, il s'est retrouvé en conflit avec ce collaborateur qui ne voulait pas postuler sur un autre poste, qui voulait retourner avec sa femme. Là, il s'est... complètement mêlés de choses qu'il ne regardait pas. Dans son rôle de manager, il pouvait dire il y a une assistante sociale, il y a une bourse à l'emploi. C'est ça, son rôle de manager. Mais par contre, pas rentrer dans les problèmes personnels de la personne, même si on peut les écouter en tant que manager. Et c'est un gros cadeau qu'on peut faire et ça fait partie du rôle de manager. Mais en tout cas, certainement pas donner des conseils là-dessus. C'est important de se sentir, voilà où sont mes limites en tant que manager.
- Speaker #0
C'est intéressant ce que tu dis parce que je vois... De plus en plus d'entreprises où, en fait, on se dit être une famille. Et c'est vrai que parfois, la limite entre ce qui est du personnel et ce qui est du professionnel, elle est très, très fine et ce n'est pas évident de se positionner.
- Speaker #1
Oui, ce n'est pas évident du tout. Ce n'est pas évident du tout. Et juste, il faut garder ça, cette ligne.
- Speaker #0
Exactement. Eh bien, on va la garder.
- Speaker #1
Et puis après aussi, le manager, il n'est ni psychologue, ni assistant social, ni médecin. Donc, c'est important aussi d'aller renvoyer les gens. sur le personnel qui est adapté.
- Speaker #0
Bien sûr, et c'est déjà les aider.
- Speaker #1
Et c'est déjà les aider, tout à fait.
- Speaker #0
La question que je te pose maintenant, c'est de nous éclairer sur comment les entreprises peuvent, elles aussi, soutenir les managers de proximité dans leur rôle face à la souffrance au travail.
- Speaker #1
Elles ont un rôle énorme. On parle souvent de prévention primaire, prévention secondaire, prévention tertiaire. La prévention primaire, c'est d'agir sur l'organisation du travail, sur comment donner les moyens de faire du bon travail aux équipes, comment communiquer pour accompagner les changements. Aussi, ce qui me semble très important, c'est comment faire les bons choix quand il y a des restrictions à faire, quand il faut faire des économies sur des choses. parfois, les entreprises font des choix où on va restreindre des choses qui sont très symboliques pour les personnes. Et du coup, à ce moment-là, on crée de la souffrance au travail. Donc, il faut bien choisir les restrictions qu'on fait. Et puis après, il y a aussi tout ce qui est en prévention secondaire, former les managers. Tous les managers n'ont pas de l'appétence et des compétences naturelles pour devenir des bons managers. Donc, c'est comment on les forme aussi.
- Speaker #0
Ça se travaille.
- Speaker #1
Ça se travaille. Et puis, il y a aussi toutes les formations à la gestion d'un public potentiellement agressif, les formations à la gestion du stress, le coaching de managers quand ils sont en difficulté ou en prise de poste, le co-développement, l'analyse de pratiques. Tout ça, c'est des choses qu'on peut offrir aux personnes pour avoir des espaces de régulation, de recul aussi par rapport à leur situation et puis aussi la médiation. Moi qui suis médiatrice en entreprise, je trouve que la médiation n'est pas assez utilisée. Quand j'ai commencé le coaching, ce n'était pas encore assez utilisé. Là maintenant, il y en a partout et c'est devenu une évidence. Pour l'instant, la médiation, ce n'est pas une évidence. Elle est très souvent contactée quand les situations sont trop tardes. Alors qu'il y a des choses à faire avant.
- Speaker #0
Dans ce que tu viens de dire, je me permets de revenir sur les préventions primaires parce qu'il y a quelque chose qui a fait écho. Il y a très peu d'entreprises dans lesquelles il y a un guide de prise de décision. Souvent, les managers, je trouve, se sentent perdus parce qu'ils ne savent pas prendre de décision. Or, certaines organisations ont mis en place des guides de prise de décision parce que la direction ne peut pas... tout décider. Par contre, elle peut donner les clés pour prendre des décisions qui sont en ligne avec la direction et le bien-être des collaborateurs.
- Speaker #1
Ça me semble très intéressant. Et ça manque cruellement.
- Speaker #0
Quelque part, ça assoit aussi sa position de manager, ça rassure sur son périmètre de compétences et ça rassure aussi les collaborateurs de savoir qu'en fait, il a un manager, mais c'est pas une marionnette, même si c'est un manager de proximité.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Et ça donne de l'alignement et de la transparence aux décisions qui sont prises. Et effectivement, elles vont être mieux acceptées.
- Speaker #0
Transparence a tout dit.
- Speaker #1
Très, très important.
- Speaker #0
Alors, on arrive bientôt à la fin de notre échange. Est-ce qu'il y a une question que je ne t'ai pas posée et que tu aurais aimé que je te pose ?
- Speaker #1
Oui, parce qu'on a beaucoup parlé du manager, de l'entreprise, mais quid du salarié ? Est-ce qu'il n'a pas un rôle aussi dans la souffrance au travail ? Alors, je ne voudrais surtout pas dire que c'est sur lui que ça doit reposer, parce qu'on a bien vu combien c'était important que l'entreprise et le manager soient là et soient bien présents. Mais il me semble aussi que le salarié a un rôle dans son propre bien-être au travail. Pouvoir bien asseoir les relations avec son manager, demander du feedback quand il n'y en a pas. demander des explications ou dire comment le manager pourrait l'aider à faire mieux son travail. Et puis aussi à pouvoir trouver du plaisir dans son travail ou bien faire des choix pour dire si je ne prends plus de plaisir et si là, je n'ai plus de motivation et de ressort au travail, comment est-ce que je pourrais en trouver peut-être dans un autre poste ? Et là aussi, le manager souvent... est prêt à aider ou l'entreprise aussi est prête à aider. Donc ça, ça me semble important aussi que le salarié se sente investi, pas responsable de son propre bonheur, mais en tout cas ait un investissement dans son bonheur au travail.
- Speaker #0
Très juste. Tu as raison, il y a une part de cette souffrance qui relève de notre part. Je ne sais pas comment le dire autrement, mais c'est quelque chose, il faut être à deux pour danser le tango et donc chacun à sa part. Valérie, en conclusion de notre échange, quel mot de la fin veux-tu partager avec nos auditeurs ?
- Speaker #1
Alors, il me semble que la souffrance au travail, c'est une affaire de tous, à tous les niveaux qu'effectivement l'entreprise... a un rôle très important pour donner les bonnes conditions de travail et la transparence et le sens. Que le manager, il est le relais aussi de ça en proximité, que c'est très important aussi. Et puis que le salarié lui-même, il a également son rôle de pouvoir faire remonter des choses et que quand c'est une organisation qui fonctionne bien, Il y a ce mouvement d'ascenseur du haut en bas où les décisions sont bien expliquées et où les demandes sont bien relayées jusqu'en haut. Parce que quelque part, le salarié, il est configuré pour faire du bon travail. Chaque personne a envie de bien travailler, d'être utile à la société et d'être reconnue pour son travail. et quand on comprend ça Finalement, on peut faire ce mouvement d'ascenseur du haut vers le bas, qui est un mouvement bénéfique pour tout le monde.
- Speaker #0
Super. Merci pour ce mot de la fin. J'espère que chacun des auditeurs qui nous écoutent le portera avec lui, parce que le travail occupe une part importante de nos vies et il n'y a pas de raison de rester dans la souffrance. Merci beaucoup. Merci à vous d'avoir écouté cet épisode de notre podcast. Pour rester informé sur nos prochains épisodes et bénéficier de contenus exclusifs, inscrivez-vous à notre newsletter. De plus, votre soutien est crucial. Laissez-nous un avis positif sur votre plateforme d'écoute préférée pour nous aider à toucher davantage de personnes. Ensemble, agissons pour un monde professionnel plus sain et plus épanouissant. Merci. Sous-tit