- Speaker #0
La grande traversée Kavak avec Christophe Vinet et Frédéric Meunier. Christophe Vinet, Frédéric Meunier, vous êtes respectivement directeur du pôle végétal et directeur du pôle animal de Kavak. Christophe Frédéric, bonjour.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
Les deux pôles que vous pilotez représentent 88% du chiffre d'affaires du groupe Cavak. Ce n'est pas une paille, plutôt une importante responsabilité que vous avez portée. avec vos équipes et bien sûr au service de nos associés coopérateurs et de notre coopérative. Vous le savez, à Cavak, le végétal et l'animal vont de pair. 75% de la ferme Cavak est en effet en polyculture élevage. On peut dire qu'à travers vos deux activités, vous faites la paire. D'où cette idée d'interview croisée à la veille de vos deux départs en retraite pour relire votre parcours au sein de Cavak, mais aussi raconter avec vos mots, le chemin parcourus de notre coopérative, les défis relevés ensemble et les enjeux à venir. En préambule, avant de remonter le fil de vos parcours respectifs, quel regard vous portez sur la ferme Cavak ? Avez-vous le sentiment, à la veille de ce départ, d'une mission accomplie ? Christophe ?
- Speaker #1
J'ai effectivement, oui, le sentiment d'une mission accomplie, mais pour autant qui n'est pas terminée. Je pense qu'il y a beaucoup de territoires en France qui envieraient la situation vendéenne. On est riche d'une agriculture en Vendée qui est pluriactive, très diversifiée, que ce soit dans le végétal comme dans l'animal. Si je prends le végétal en ce qui me concerne, on a eu cette chance de pouvoir développer une multitude de filières. Si je prends le blé tendre, par exemple, pour la meunerie, c'est plus de 27 variétés qui sont mises en place en contrat de production. Mais c'est aussi toutes les cultures de diversification, comme les semences, comme les légumes, qui ont permis de créer de la richesse sur ce territoire, et une réelle valeur ajoutée pour nos agriculteurs.
- Speaker #0
Frédéric, mission accomplie. Quel regard portes-tu sur cette ferme Cavak aujourd'hui ?
- Speaker #2
Mission accomplie, je dirais oui, comme Christophe. Après, que ce soit la Cavak ou que ce soit le territoire de la Vendée, on a quand même un territoire d'exception, avec des vrais chefs d'entreprise au niveau des agriculteurs. Je crois que l'état d'esprit de la Cavak a ouvert en fait une dynamique de l'innovation. la volonté d'apporter de la valeur ajoutée aux territoires et aux éleveurs et aux productions végétales. Et oui, vraiment, une partie du parcours a été intéressante. Alors moi, j'ai un parcours plus court à la CAVAC, mais très concentré. Et ce que je retiendrai, c'est d'avoir eu la capacité à fédérer toutes les filières animales indépendantes au sein de CAVAC, tout en leur préservant leur autonomie de gestion et de fonctionnement. Et tout ça s'est fait avec un maillage agroalimentaire du territoire, des abattoirs, des centres de conditionnement en oeufs dont on a la chance d'avoir sur notre territoire et qui nous permet aujourd'hui de répondre à leurs besoins et de développer, créer de la valeur pour les agriculteurs.
- Speaker #0
Christophe, tu es arrivé jeune à la coopérative. Raconte-nous ta première expérience, tes premiers souvenirs de Cavak en tant que salarié.
- Speaker #1
À la base, je voulais être agriculteur. Bon, ça ne s'est pas fait. Et donc, il fallait absolument que travailler. Et donc, un des premiers emplois que j'ai trouvé, c'était à la Cavac et c'était comme magasinier à Luçon. Il y avait un ancien, Robert Berton, qui partait à la retraite. Et puis, il fallait quelqu'un. J'ai sauté sur l'occasion.
- Speaker #0
C'était en quelle année ? Tu avais quel âge ?
- Speaker #1
J'avais 24 ans. C'était en 1988. Après une expérience de deux comme moniteur en maison familiale et puis l'armée, en sortant de l'école, je suis rentré quasiment tout débutant dans la vie active à la CAVAC. A l'époque, le regard que je portais... Alors bon, il faut imaginer que CAVAC, ce n'était pas la CAVAC d'aujourd'hui. Il y a près de 40 ans... On était, je pense, environ 350 salariés, je crois. Et on faisait partie, nous, d'une vague de recrutement de la fin des années 80 où il y avait besoin de renouveler tous ces anciens qui partaient à la retraite. Et puis, à l'époque, on partait à la retraite autour de 55 ans. C'était une agriculture qui était complètement différente. On était encore dans les 30 glorieuses, on n'avait pas trop le souci environnemental. Ce qu'il fallait, c'était produire. Et donc, les prix, il n'y avait pas d'évolution de prix parce que le prix était complètement, entre guillemets, contenu par la PAC. Parce que la PAC, à l'époque, se faisait sur le prix. C'était la PAC d'avant 92. Donc, on n'était pas sur le marché mondial. Il y avait des prix d'intervention, des prix de base minimum et des prix de base maximum. C'était en francs par quintal à l'époque. Sur une année, quand ça jouait 10 francs du quintal, c'était le grand maximum. L'agriculture, en fait, son seul moteur, c'était le rendement et c'était la production pour faire son revenu. Parce que le prix, elle ne pouvait pas jouer sur le prix. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus compliqué. La mondialisation, la fin de la PAC de 92, qui a libéré complètement le marché des prix sur le marché mondial, et puis la révision des aides à la PAC à l'hectare, et non plus sur le prix de la céréale, mais à l'hectare sur la SAU. Et donc on a fait une PAC avec un pilier beaucoup plus vert, beaucoup plus environnemental, et beaucoup moins économique. Et donc il a fallu réagir, d'où l'évolution après derrière d'une agriculture en recherche de valeur ajoutée permanente.
- Speaker #0
Frédéric, toi tu es arrivé avec un bagage à Cavak, avec une certaine expérience. Raconte-nous ton arrivée ici à Kavak. C'était en quelle année ? Tu avais quel âge ?
- Speaker #2
C'était en 2012. J'avais 49 ans. Donc voilà, je suis arrivé. Ça ne veut pas dire que je ne connaissais pas Cavak précédemment. Puisque j'ai travaillé une quinzaine d'années dans la Sarthe, dans une coopérative qui avait les mêmes filières animales que Cavac. Donc j'étais déjà directeur du pôle animal. Je connaissais les dirigeants de la CAVAC et c'est comme ça qu'en fait, on m'a connu. Après, j'ai eu une expérience dans le centre de la France. Et donc, c'est vrai que je suis arrivé expérimenté. Donc, l'arrivée dans CAVAC n'a pas été compliquée pour moi, très sincèrement. Même si la CAVAC a une culture très forte, propre à son entreprise et propre à son territoire. L'expérience que j'avais m'a permis de rentrer rapidement.
- Speaker #0
Quelles ont été, selon toi, les trois grandes étapes de l'évolution du pôle végétal à Cavak depuis ton arrivée ?
- Speaker #1
On est parti de la qualité, on s'est ensuite adapté à la traçabilité. La troisième grande étape sur le produit, ç'a été la gestion du risque qu'on pouvait avoir. Maintenant qu'on sait bien le produire, il est important de respecterle sol qui nous permet de le produire, tout l'aspect environnemental autour du produit.
- Speaker #0
Frédéric, les grandes étapes, est-ce qu'elles suivent les grandes étapes décrites par Christophe sur le végétal pour la production animale ?
- Speaker #2
La première phase, c'était d'accompagner nos filières pour les préserver en tissu de production et faire en sorte que globalement, les producteurs puissent tenir. C'est des crises du porc, c'est des crises de la volaille. Les crises ovines où pendant des années, les producteurs bovins ont souffert, les producteurs bovins ont suivi derrière. Donc j'allais dire, c'est vraiment cette période charnière de gestion des crises. Et Kavak, à l'époque, était sur les marchés de massification, sans être sur les productions animales de diversification. Après, on a la même chose qu'en production végétale, avec des enjeux différents. Christophe parlait d'environnement. Moi, j'ai plus parlé de santé animale, donc l'utilisation des antibiotiques, la réduction des antibiotiques, le bien-être animal. Donc ça veut dire qu'on a eu des nouvelles contraintes ou des nouvelles évolutions qui interviennent dans les modèles de production. Et en fait là, pour nous, ça a été des opportunités, puisque tout d'un coup, on pouvait se démarquer et avoir la capacité à accompagner les agriculteurs pour mettre en place ces nouveaux modèles.
- Speaker #0
La Grande Traversée Cavak avec Christophe Vinet et Frédéric Meunier. Frédéric, est-ce que dans ton parcours, il y a eu un moment particulièrement difficile que tu as dû surmonter ?
- Speaker #2
L'événement majeur, ça a touché la fière volaille avec la grippe aviaire. C'était plus de 1000 éleveurs touchés, avec quasiment pendant 8 à 9 mois des éleveurs volailles qui ne pouvaient pas produire. Et je dirais, les équipes que j'ai autour de moi, j'ai géré à la fois l'interne de la CAVAC, l'ensemble des activités volailles, mais j'ai aussi géré le collectif. de l'ensemble des acteurs volailles, qu'ils soient abattoirs, ramasseurs, j'allais dire producteurs OP, pour l'ensemble des acteurs du territoire. Et je dirais, ça c'est quelque chose qui marque de façon importante tout le monde et a donné aussi à Cavak une vraie légitimité du territoire, où tout d'un coup, quand au-delà de la Cavak, c'était les intérêts du territoire, on a géré le collectif.
- Speaker #0
Christophe, un moment peut-être plus difficile qu'un autre, que tu as dû surmonter avec tes équipes ?
- Speaker #1
Je me rappelle de juin 1990, on sortait de la récolte 2009 où les blés valaient moins de 100 euros. Et en septembre 2010, les blés en valaient 300. Donc on avait multiplié par trois le prix. Bon, ce n'est pas sans stress. On prend quand même des risques qu'il faut assumer. Et pour lesquels, au bout, il faut quand même que le résultat économique soit là.
- Speaker #0
Christophe, est-ce qu'il y a un moment satisfaisant, une certaine fierté, un moment de fierté pour toi qui reste gravé dans ta mémoire et qui restera même peut-être une fois que tu seras parti de Cavak ?
- Speaker #1
Le moment le plus important dans ma vie de commerçant et dans ma vie de salarié. Dans ma vie de commerçant, c'est les rencontres que j'ai faites. Ça a été vraiment une richesse humaine dans la rencontre que j'ai faite avec tous ces hommes-là. Puis après, en tant que salarié, ç'a été le management des équipes, cette notion de confiance réciproque pour obtenir, j'irais, le meilleur de chacun.
- Speaker #0
Frédéric, un moment satisfaisant particulièrement pour toi, un moment peut-être de fierté aussi personnelle, professionnelle ?
- Speaker #2
Ce qui va me manquer le plus, c'est la relation avec les clients. Sincèrement, tout ce qu'on a pu créer comme relation, alors bien sûr pour commercialiser, bien sûr pour revaloriser les prix, bien sûr pour développer de nouvelles productions. bien sûr pour innover, mais aussi ça finit par créer de vraies relations personnelles. Et je sais qu'il y a beaucoup de clients avec lesquels je garderai des relations après, même si effectivement ce sera beaucoup plus espacé et différent, mais ça c'est une vraie richesse.
- Speaker #0
La Grande Traversée-Kavak avec Christophe Vinet et Frédéric Monnier. Frédéric Meunier et Christophe Vinet, vous êtes respectivement directeur du pôle animal et directeur du pôle végétal de CAVAC. À l'occasion de votre départ en retraite, vous avez accepté de nous partager votre relecture du chemin parcouru, le propre d'une coopérative comme CAVAC et la mutualisation des moyens matériel et humain, pour valoriser le mieux possible les productions de nos associés et coopérateurs, vous nous l'avez expliqué. Pourriez-vous illustrer la force de ce collectif à travers un fait, une anecdote peut-être vécue, cette force du collectif qui nous constitue, nous sommes en plus dans l'année internationale de la coopération, les 60 ans de CAVAC. Cette force de collectif, elle n'est pas vaine, elle est bien réelle, Christophe ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. C'est cette capacité qu'ont les agriculteurs à se mettre ensemble et en commun pour commercialiser et pour répondre à la demande du marché. On a eu cette capacité avec les agriculteurs de pouvoir développer toute forme d'agriculture, qu'elle soit conventionnelle, qu'elle soit bio, toute forme de production. Et on est sorti des standards blé, maïs, colza. On va produire du lin, on va produire du chanvre, on va produire de la lentille, on va produire des pois chiches, on va produire des maïs semences. On a cette capacité à s'adapter au marché un petit peu en marge de l'agriculture française quand même, des agriculteurs français quand même. Et ça, c'est la force du collectif et là, je dirais, territorial.
- Speaker #0
Productrice. producteurs Vendéens Deux-Sévriens, de l'ensemble du territoire de Kavak qui va au-delà aussi de ces deux départements. C'est un territoire qui joue collectif, Frédéric, également dans le domaine de l'animal.
- Speaker #2
La force de la coopérative Kavak, c'est ses producteurs, ses représentants, ses administrateurs qui conservent le caractère économique et la dimension innovation avec la volonté que justement ça constitue la création de valeur pour l'entreprise et les agriculteurs. Donc moi je vais l'illustrer, on décide de faire de la brebis laitière, 5 ans après j'ai 15 éleveurs de brebis laitière. On décide de la faire de la ponde d'os bio parce qu'il y a un marché, on part de zéro et puis on arrive à une petite trentaine de producteurs, allez je vais dire 5 ans après, et bien c'est pas donné à tous les territoires.
- Speaker #0
On le voit bien à travers ce que vous nous racontez là Christophe et Frédéric. que le collectif fait beaucoup, en fait, dans cette dynamique de la coopérative. Une dynamique qui s'entretient, qui se vit aussi de l'intérieur, par la promotion aussi des uns et des autres. Vous préparez votre départ depuis plusieurs mois, voire peut-être encore un peu plus. Cette préparation passe par des hommes, notamment Loïc Guitton et Nicolas Picard, respectivement pour le pôle végétal et pour le pôle animal. Ils sont tous les deux de la maison depuis longtemps. Un mot peut-être pour chacun au terme de cette interview ?
- Speaker #1
Loïc, ça fait déjà 15 ans qu'il est à la CAVAC. Il avait déjà en gestion une partie des filières, tout le pôle semences et légumes, et tout naturellement, c'était logique qu'il prenne l'ensemble du pôle végétal compte tenu de ce qu'il avait déjà animé au sein des semences et des légumes, à travers à la fois les groupements de producteurs, le développement commercial, la recherche de valeur ajoutée. C'était le profil idéal pour reprendre le pôle végétal. Et puis je le remercie parce qu'il a su reprendre depuis quelques semaines maintenant le pôle végétal, tout en me préservant parce qu'il a été bienveillant à mon égard. À chaque fois, il est dans l'échange et dans mon écoute. Pour autant, je sens bien qu'il n'a plus besoin de moi maintenant, qu'il va très bien prendre son envol tout seul.
- Speaker #0
Un mot pour Nicolas Picard ?
- Speaker #2
Comme Christophe le dit, Nicolas il a les manettes. C'est comme un tandem. Là je suis vraiment sur le porte-bagages. Derrière je pédale que quand il y a vraiment besoin et souvent je pédale plus. Comme dirait Christophe. Et lui il a le manche, le guidon et il force quand effectivement il y a des côtes ou des événements à gérer. Il le fait bien donc j'ai toute confiance en lui.
- Speaker #0
Les enjeux, selon vous, qu'ils devront relever demain, Frédéric, pour Nicolas ?
- Speaker #2
Réussir le développement du besoin des clients. C'est l'ADN de la CAVAC, cette capacité à développer. En même temps, on apporte de la valeur pour les jeunes agriculteurs qui veulent s'installer ou qui veulent développer sur leur exploitation quelque chose de complémentaire par rapport aux productions végétales. Donc ça, cette réussite est majeure.
- Speaker #0
Je vois que tu acquiesces le propos de Frédéric. Les enjeux pour Loïc demain ? qui sont aussi les enjeux de la coopérative.
- Speaker #1
C'est ce qu'a exprimé Frédéric. Effectivement, on se rejoint beaucoup parce que même si on est sur des productions différentes, le souci permanent, c'est de répondre au marché, c'est de répondre à la demande client, cette recherche perpétuelle de valeurs ajoutées et puis en y mettant, j'irais, une dose d'innovation. Ce qu'on a fait avec le bio, et puis les contrats durables, et puis agriéthique par exemple. Donc il faut effectivement maintenir cette dose d'innovation qui permet, je dirais, de faire la différence et d'apporter de la valeur ajoutée à la production, parce que sans les agriculteurs on n'est rien, et donc ça commence par eux. Et puis, sans nos clients, on n'est rien.
- Speaker #0
Merci Christophe, merci Frédéric. Vous êtes prêté à l'exercice de cette interview croisée. Peut-être une question subsidiaire, vous avez le droit de ne pas y répondre. Quel est le programme pour votre retraite, Frédéric, Christophe, qui veut commencer ? Est-ce que vous savez vous-même ?
- Speaker #2
Pour l'instant, il n'y a pas de choses différentes. Ma femme est en retraite depuis un an, donc déjà on va se retrouver en famille. Après, il y a les petits-enfants, ça fait aussi partie des choses qui sont importantes dans la vie. Après, je rajouterais, j'ai la chance que Kavak me laisse encore des représentations pendant un an dans les inter-pros ou les instances aliments. Donc, ça me laisse aussi un peu de transition.
- Speaker #1
C'est une nouvelle page qui se tourne. On va se consacrer effectivement un peu plus à la famille parce qu'on a souligné beaucoup l'importance des gens avec qui on a travaillé. On a peu parlé de nos familles. Mais il faut quand même reconnaître que sans être bien accompagné, c'est difficile d'avoir les carrières qu'on a, qu'on a eues. On a été souvent parti en voyage, on n'en rend pas de bonheur le soir, on est parti tout le matin. Je vais me consacrer un peu plus à ma famille, à ma femme, bien sûr, voyager. Et puis les enfants, les petits-enfants, voilà, j'espère qu'ils vont venir plein, petits-enfants.
- Speaker #0
Christophe, Frédéric, encore merci et belle retraite à vous.
- Speaker #1
Oui, merci.
- Speaker #0
C'était la Grande Traversée Cavac avec Christophe Vinet et Frédéric Meunier.