Portrait sonore d'œuvres de Jill Guillais, artiste conceptuelle cover
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CHAMADE

Portrait sonore d'œuvres de Jill Guillais, artiste conceptuelle

Portrait sonore d'œuvres de Jill Guillais, artiste conceptuelle

17min |28/06/2024
Play
Portrait sonore d'œuvres de Jill Guillais, artiste conceptuelle cover
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CHAMADE

Portrait sonore d'œuvres de Jill Guillais, artiste conceptuelle

Portrait sonore d'œuvres de Jill Guillais, artiste conceptuelle

17min |28/06/2024
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Description

🎧 Vous vous apprêtez à écouter un objet sonore inédit.

Il ne s'agit pas d'un épisode de CHAMADE.
Pourtant, il n'existerait pas sans mon podcast.


🎨 Bienvenue dans le Portrait sonore d'œuvres de l'artiste conceptuelle Jill Guillais.


Le Portrait sonore est un objet sensible, poétique et personnel,

Qui parle de l'artiste à la troisième personne,

Est nourri de nos échanges, de ses messages cruciaux et de ma perception de son art.


Il est orné de sa voix et de la mienne,

Habillé de fragments sonores glanés dans son espace de travail et d’un univers musical imaginé rien que pour elle.


Et enfin, le Portrait sonore est empreint de ma fantaisie vagabonde.


J'espère que ce portrait vous plaira.


🖼️ Découvrez le travail de Jill Guillais sur son site Web et sur son compte Instagram.


🤩 Pour en savoir plus sur mes Portraits sonores, c'est ici.

✏️ Et si vous voulez suivre les coulisses de la création de mes Portraits, lisez mon Journal de bord !


Bonne écoute !


---


Je suis Marie Girardin Lépine et je fabrique de beaux objets sonores : des podcasts et des Portraits sonores pour des gens qui m'inspirent ou m'émeuvent, dont la démarche mérite, à mon sens, d'être mise en valeur.
https://lafantaisievagabonde.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    À quoi êtes-vous attentif ou attentive lorsque vous pénétrez dans un espace d'exposition ? Captez-vous d'abord la lumière, les sons, l'atmosphère, une odeur, la foule ou au contraire le calme ambiant ? Prenez-vous garde à ce que votre corps et vos émotions vous racontent ? Ce jour-là, moi, j'ai ressenti, pêle-mêle, de la joie, beaucoup d'espace et d'air, des fleurs, des assortiments de couleurs. Mon sourire réjouit et ma curiosité sautillante en forme de point d'interrogation. Des reliefs qui me donnaient envie de les toucher. de la poésie et de l'espièglerie qui flottaient tout autour. Ce jour-là, en même temps que je découvrais son travail, je rencontrais Gilles Guillet. Et aussitôt, je suis partie en exploration. Dans une exposition de Gilles Guillet, on se sent libre, et en même temps un peu accompagné, notamment grâce au titre de ses œuvres dont elle veut qu'il préserve notre rôle d'interprète. Bref, on tire des fils, on croit trouver des clés, On récolte des indices et petit à petit, on comprend le comment, le pourquoi et le quoi. L'univers de Gilles entremêle une esthétique plurielle, de l'humain et un lexique singulier. Elle dit d'ailleurs ceci.

  • Speaker #2

    L'exposition, c'est vraiment pour moi une matière à part entière. Et c'est un moment où je viens vraiment moduler chacune des œuvres comme si chaque œuvre était le mot d'une phrase. Et que la phrase, finalement, c'est l'exposition tout entière. Et de venir comme ça travailler l'espace comme une espèce de ponctuation entre les œuvres. Et de voir comment l'une peut impacter l'autre et vice-versa. Et comment elles font ensemble, tout autant qu'elles existent de manière autonome.

  • Speaker #1

    Nous voilà donc projetés au beau milieu d'une phrase à laquelle il nous revient de donner du sens. J'accepte avec joie de relever le défi. Et vous ? Pour relier les œuvres mots qu'elle a choisi d'évoquer, Gilles m'a dit ce qui les rassemble, c'est la rencontre Et puis pour illustrer son propos, elle a cité l'un de ses infinitifs, qu'elle définit comme des phrases non conjuguées en l'attente d'un sujet pour faire objet, image ou pensée Ouvrons donc le portrait sonore avec lui.

  • Speaker #2

    Écouter des guillemets qui s'ouvrent, ça veut dire s'ouvrir au dialogue et à la rencontre. Et on ne peut pas écouter des guillemets qui s'ouvrent concrètement, sauf qu'on peut y prêter attention.

  • Speaker #1

    Et ainsi, choisir de s'arrêter sur trois œuvres au carrefour de la rencontre. La rencontre est au centre du travail de Gilles Guillet. Elle la vit avec un territoire et avec ceux et celles et ceux qui l'habitent, les objets, la nature, les gens. C'est dans la rencontre qu'elle concrétise deux notions emblématiques de sa démarche, in situ et in vivo. In situ, pour elle, signifie faire avec ce qui se trouve sous ses yeux ou ses pieds. In vivo veut dire faire avec l'autre et l'altérité. Je m'en vais vous raconter trois histoires de rencontres incarnées par trois œuvres. Une œuvre photographique, une impression murale, conséquence plastique d'un protocole, et une sérigraphie.

  • Speaker #2

    Ma grand-mère étant brodeuse, j'ai toujours vu des objets tissés autour de moi. Donc ça fait partie de mon motif paysager, de mon environnement proche en tout cas. Ce qui m'intéresse, c'est l'idée de cet objet tissé où quelqu'un a pris le temps. de faire cet objet, mais c'est pas moi qui ai brodé. Et en fait, c'est une manière pour moi de... aussi de valoriser le travail qui a été fait à un moment donné, parce que les canevas, ils sont en train de se faire oublier dans tous les greniers des gens, où c'est vendu, jeté, enfin vendu rarement, parce que souvent, ça n'attire pas grand monde. Et c'est ce qui m'intéresse aussi, c'est d'aller m'attarder sur ce qui n'intéresse plus personne, et de voir comment je vais pouvoir, par un geste, une simple interaction, Simple entre guillemets parce que forcément il y a tout le process qui amène à ça, mais le geste doit pouvoir être dit de manière assez simple, en fait ça m'importe aussi, pour que d'un coup juste on puisse faire deux trois pas de côté et décaler de quelques degrés notre perception de l'objet et de son potentiel à dire des choses, et que c'est pas juste un objet, ok il est fini maintenant on n'en parle plus, on le constate, il y a un objet mais tout reste à faire dans l'interprétation de cet objet.

  • Speaker #1

    Voici donc Battle. Au premier abord, et alors que je n'ai fait que quelques pas, je sens mes yeux hésiter. Est-ce une image floue que j'ai devant moi ? De quoi s'agit-il exactement ? Je perçois de la matière, j'imagine déjà la douceur sous mes doigts, mais ces grandes horizontales là troublent ma vision. Qu'est-ce qui se trouve devant moi ? Battle est une œuvre photographique née d'un protocole pour Canva. Canva entièrement fait, partiellement fait, mal fait, non fait, que Gilles Guillet collecte. Elle prend une photo du canevas récupéré, puis sur son ordinateur, en étire les pixels. Elle travaille l'image comme si elle tirait les fils du canevas. Évidemment, maintenant je me demande, mais pourquoi ?

  • Speaker #2

    Mon idée, ce qui me plaît, c'est le fait de venir révéler des nuances qui sont habituellement absentes du monde de la broderie, puisque un fil égale une couleur, et c'est tout. Et on s'arrête là, et il n'y a pas de questions à se poser. Et là, par le simple fait de passer par la photographie, il y a d'autres enjeux de pixels, de définitions qui se font. Et d'un coup, en étirant quelques pixels, ça va venir les mélanger et on va obtenir des nuances. que je viens d'un coup insérer dans un espace qui d'habitude n'accueille pas la nuance. C'est soit telle ou telle couleur. Voilà, on sait que tel chiffre, c'est telle couleur exactement dans telle marque de fil, etc. Donc c'est quelque chose qui est très très codé. Et là, je viens un peu mettre le bazar dans tout ça, retirer cette rigueur. En fait, c'est un peu l'idée d'amener de l'irrégularité dans le motif finalement. Il y a cette idée de répétition qui me plaît bien et de repérer les motifs quelque part, qui apporte un truc un peu posé, un peu comme des repères finalement. Un motif, c'est on retrouve des repères, on retrouve des motifs qu'on connaît et donc il y a quelque chose de rassurant et moi je viens un peu les embêter pour les remettre un peu en péril, mais dans un péril positif.

  • Speaker #1

    Quand on découvre le travail de l'artiste, on sent la méthode, l'organisation, la recherche de maîtrise. Et puis très vite, on capte aussi le lâcher prise, qu'elle s'impose souvent à elle-même et que dictent les rencontres.

  • Speaker #2

    Le fait d'impliquer les publics, c'est une manière d'apporter de l'aléatoire dans quelque chose que moi je vais à un moment donné orchestrer. Et ça va justement m'imposer cette attitude du faire avec. Si j'implique des personnes dans une action, elles vont forcément agir avec leur subjectivité, leur sensibilité. Sensibilité et subjectivité que je ne connais pas, donc auxquelles je vais devoir moi m'adapter, et qui vont aller dans un sens que je n'ai pas forcément prévu. Et là, ça m'oblige à être vraiment dans une dynamique méga flexible et souple d'accueil de cette altérité, et de voir comment je vais ensuite l'intégrer dans mes processus, et que ça fasse partie intégrante du travail de cette rencontre. et c'est trouver le moyen de laisser quand même, malgré cet aspect protocolaire, consigne, etc., la possibilité d'ouvrir des espaces de liberté pour les personnes que j'implique, et leur offrir aussi cette possibilité de venir carrément directement impacter mon travail, et de voir qu'il y a des conséquences à chaque action et à chaque rencontre.

  • Speaker #1

    C'est là qu'intervient l'œuvre numéro 2. Par ici, on fait danser les thés. Elle est le fruit d'un protocole, fleurs, recettes qui s'exclament, que Gilles Guillet a activé pour la première fois avec des personnes âgées. Devant moi, une impression murale qu'on pourrait qualifier de papier peint si l'on n'était pas dans un lieu d'exposition. Certaines fleurs semblent valser, d'autres ont carrément la tête en bas, elles se répondent, se multiplient. J'assiste à une danse florale immobile. Je vois des fleurs donc, mais je ne sais pas encore ce que je regarde. C'est là que Gilles m'explique le protocole, sorte de recette en 8 étapes qui ne manquent pas de sel. 1. Évoquer des souvenirs fleuris ou souriants. 2. Choisir une couleur à associer à chacun des souvenirs évoqués. 3. Teinter des cristaux de sel de la couleur du souvenir. 4. Déposer les cristaux de sel dans un sachet de thé. 5. Laissez infuser les souvenirs. 6. Récupérez l'encre laissée sur un papier plastique à l'aide d'un papier aquarelle. 7. On obtient donc une tâche colorée sur papier. 8. C'est le moment de la co-création entre l'artiste et la personne qui a évoqué ses souvenirs, les a colorés, les a laissés infuser dans un sachet de thé et a récolté les tâches d'encre sur un papier. Ensemble, ils et elles vont transformer la tâche obtenue en fleurs.

  • Speaker #2

    Cet atelier, ça me plaît beaucoup de le faire en hiver, là où on manque de fleurs et de couleurs, et où finalement on vient les inventer ces fleurs. Et ces fleurs, elles naissent de la relation entre la personne et moi, parce qu'il y a une rencontre qui opère entre nous, et que cette fleur est la conséquence finalement de cette rencontre.

  • Speaker #1

    Ensuite, Gilles entreprend un long travail sur ordinateur pour réaliser une composition murale où toutes les fleurs co-créées vont apprendre à coexister dans l'espace d'un même format. Gilles joue sur la singularité de la fleur, elle la répète pour aboutir, ou presque, à un motif.

  • Speaker #2

    On sent un motif qui s'esquisse et d'un coup, hop, il y a une fleur qui arrive et qui vient déboussoler le motif. Et en fait, après, de réussir à obtenir comme ça une composition qui ressemble à l'idée d'un papier peint floral, qui est très cliché. Mais finalement, là, chacun sait, dans les personnes qui participent, et puis moi je l'explicite d'une certaine manière dans l'exposition, que derrière chaque fleur se cache une histoire, se cache quelqu'un.

  • Speaker #1

    C'est à ce moment que je dois vous parler de l'œuvre Annexe, placée sur un mur perpendiculaire à la pièce florale. Sur un long rectangle vertical en noir et blanc, je découvre un bouquet, des lettres éparses et une sorte de légende botanique au parfum délicatement romantique.

  • Speaker #2

    Ce que j'ai voulu faire aussi, c'est nommer les fleurs, donc offrir à chacune des fleurs le prénom de la personne avec laquelle je l'ai co-créée. Donc j'ai écrit à chaque fois le pronom lae, donc L-A-E, parce qu'il y avait cette volonté de ne pas genrer la fleur. Je voulais qu'il y ait quelque chose d'un peu universel dans le fait d'offrir un nom à une fleur. Et donc en fait, chaque prénom associé à des caractéristiques et des phrases vient imaginer et offrir à chaque fleur une symbolique, en lien étroit, intrinsèque avec la personne qui est à l'origine. de la fleur, dans son dialogue avec mon travail et avec moi, puisque c'est vraiment l'idée d'une co-création.

  • Speaker #1

    C'est comme ça que vous découvrirez par exemple Là est Bernadette, trouvez l'amour à 400 mètres de chez soi

  • Speaker #2

    Il y a un autre enjeu, c'est celui d'apporter de la valorisation à chacun et que chaque personne soit contente à la fin de l'atelier de la fleur, réaliser qu'il soit fier d'avoir fait quelque chose, d'avoir impacté le monde et finalement permettre d'habiter le monde de nouvelles fleurs.

  • Speaker #1

    Ainsi Myriam, Marcel, Alain, Michel, Valérie, Roger et les autres donnent leur nom à une fleur. Restons dans les pétales, mais cherchons maintenant du côté des spécimens qui fleurissent dans l'herbe quand le printemps s'annonce. Sur le mur face à moi, je distingue 12 cœurs soleil, et beaucoup trop de pétales pour pouvoir les compter. Vous la sentez l'odeur des rayons sur les corolles délicates ou c'est juste moi ? Je vois aussi des pixels, et en arrière-plan des teintes que j'associe à la nuit. Une pâquerette joue les héroïnes, s'imposant par sa taille et son occupation du premier plan, comme un enfant facétieux qui viendrait coller son visage à l'objectif de l'appareil, pour ne surtout pas risquer d'être invisible. D'autres pâquerettes moins imposantes n'en sont pas moins intéressantes, car je les découvre ornées de colliers faits de minuscules carrés blancs et gris. Cette sérigraphie s'appelle Pick It Up, cueillette numérique.

  • Speaker #2

    Pick it up, c'est un moment avant le printemps où j'ai cherché des pâquerettes désespérément. J'ai trouvé des pâquerettes décoiffées qui n'étaient pas en très bon état mais qui m'ont beaucoup plu, que j'ai dû forcer au réveil d'une certaine manière. J'ai dû poser mon pouce sur le cœur et venir faire des mouvements circulaires pour que les pétales s'ouvrent. J'avais vraiment l'impression de réveiller quelqu'un avant l'heure très tôt le matin. C'est juste qu'en fait, comme le soleil ne brillait pas, les pâquerettes étaient fermées.

  • Speaker #1

    Lors de cette cueillette numérique, et après avoir amené au réveil des pâquerettes, Gilles les a photographiées avant de les manipuler numériquement. À coup de baguettes magiques, C'est le vrai nom de l'outil utilisé sur les logiciels de retouches. Elle a sélectionné des fragments, on a modifié les échelles, a accentué exagérément les couleurs, jusqu'à obtenir parfois les teintes bleu-violet que j'associe à la nuit.

  • Speaker #2

    Andr, quelque chose qui est si familier, qu'on a arrêté de la regarder, pour le coup de la pâquerette, est tellement familier que j'essaie de le retravailler jusqu'à ce que ça devienne un peu étranger, et un peu en dehors justement des éléments qu'on lui attribue habituellement. Et donc on est un peu déboussolé parce qu'on sait plus exactement ce qu'on regarde, on reconnaît quand même les attributs d'une pâquerette, mais on voit bien qu'il se passe autre chose. Et l'élément qui fait un peu bug dans l'image, c'est un quadrillage en gris et blanc. Et en fait ce quadrillage, c'est le quadrillage qui apparaît lorsque justement on supprime une partie d'une image sur un logiciel de retouche. Et en fait, quand on coupe l'image, apparaît en arrière-plan ce quadrillage gris et blanc. Et donc là, il a une présence physique dans l'image, parmi toutes les couches qui se superposent dans ce projet de sérigraphie, qui donc est une sérigraphie en cinq couleurs. C'est une quadrichromie, plus le gris qui a été ajouté pour ce quadrillage, en fait, qui représente une idée de transparence. et donc l'endroit où j'ai cueilli la pâquerette dans la réalité on aurait retrouvé l'herbe vidée de cette pâquerette mais dans le travail de la photographie il n'y a plus de matière face

  • Speaker #1

    à vous, face à moi des éléments familiers que Gilles Guillet a détournés transformés Des fils de canevas qui s'étirent, mais ne baillent pas, des fleurs baptisées au subtil goût salé, et des pâquerettes cueillies avec un appareil photo. Tout ceci n'est qu'un échantillon de l'œuvre fertile de l'artiste conceptuel qui aime questionner notre attitude vis-à-vis de notre environnement proche. Avec quel parfum, quelle image, quelle impression repartez-vous ? Pour clore la balade sonore sans la terminer tout à fait, j'ai envie de citer un autre infinitif de Gilles Guillet qui a tout de la non-conclusion parfaite. étirez le point pour retarder la fin Vous venez d'écouter le portrait sonore d'œuvre de Gilles Guillet. Cette création est signée Marie Girardin-Lépine de la Fantaisie Vagabonde.

Description

🎧 Vous vous apprêtez à écouter un objet sonore inédit.

Il ne s'agit pas d'un épisode de CHAMADE.
Pourtant, il n'existerait pas sans mon podcast.


🎨 Bienvenue dans le Portrait sonore d'œuvres de l'artiste conceptuelle Jill Guillais.


Le Portrait sonore est un objet sensible, poétique et personnel,

Qui parle de l'artiste à la troisième personne,

Est nourri de nos échanges, de ses messages cruciaux et de ma perception de son art.


Il est orné de sa voix et de la mienne,

Habillé de fragments sonores glanés dans son espace de travail et d’un univers musical imaginé rien que pour elle.


Et enfin, le Portrait sonore est empreint de ma fantaisie vagabonde.


J'espère que ce portrait vous plaira.


🖼️ Découvrez le travail de Jill Guillais sur son site Web et sur son compte Instagram.


🤩 Pour en savoir plus sur mes Portraits sonores, c'est ici.

✏️ Et si vous voulez suivre les coulisses de la création de mes Portraits, lisez mon Journal de bord !


Bonne écoute !


---


Je suis Marie Girardin Lépine et je fabrique de beaux objets sonores : des podcasts et des Portraits sonores pour des gens qui m'inspirent ou m'émeuvent, dont la démarche mérite, à mon sens, d'être mise en valeur.
https://lafantaisievagabonde.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    À quoi êtes-vous attentif ou attentive lorsque vous pénétrez dans un espace d'exposition ? Captez-vous d'abord la lumière, les sons, l'atmosphère, une odeur, la foule ou au contraire le calme ambiant ? Prenez-vous garde à ce que votre corps et vos émotions vous racontent ? Ce jour-là, moi, j'ai ressenti, pêle-mêle, de la joie, beaucoup d'espace et d'air, des fleurs, des assortiments de couleurs. Mon sourire réjouit et ma curiosité sautillante en forme de point d'interrogation. Des reliefs qui me donnaient envie de les toucher. de la poésie et de l'espièglerie qui flottaient tout autour. Ce jour-là, en même temps que je découvrais son travail, je rencontrais Gilles Guillet. Et aussitôt, je suis partie en exploration. Dans une exposition de Gilles Guillet, on se sent libre, et en même temps un peu accompagné, notamment grâce au titre de ses œuvres dont elle veut qu'il préserve notre rôle d'interprète. Bref, on tire des fils, on croit trouver des clés, On récolte des indices et petit à petit, on comprend le comment, le pourquoi et le quoi. L'univers de Gilles entremêle une esthétique plurielle, de l'humain et un lexique singulier. Elle dit d'ailleurs ceci.

  • Speaker #2

    L'exposition, c'est vraiment pour moi une matière à part entière. Et c'est un moment où je viens vraiment moduler chacune des œuvres comme si chaque œuvre était le mot d'une phrase. Et que la phrase, finalement, c'est l'exposition tout entière. Et de venir comme ça travailler l'espace comme une espèce de ponctuation entre les œuvres. Et de voir comment l'une peut impacter l'autre et vice-versa. Et comment elles font ensemble, tout autant qu'elles existent de manière autonome.

  • Speaker #1

    Nous voilà donc projetés au beau milieu d'une phrase à laquelle il nous revient de donner du sens. J'accepte avec joie de relever le défi. Et vous ? Pour relier les œuvres mots qu'elle a choisi d'évoquer, Gilles m'a dit ce qui les rassemble, c'est la rencontre Et puis pour illustrer son propos, elle a cité l'un de ses infinitifs, qu'elle définit comme des phrases non conjuguées en l'attente d'un sujet pour faire objet, image ou pensée Ouvrons donc le portrait sonore avec lui.

  • Speaker #2

    Écouter des guillemets qui s'ouvrent, ça veut dire s'ouvrir au dialogue et à la rencontre. Et on ne peut pas écouter des guillemets qui s'ouvrent concrètement, sauf qu'on peut y prêter attention.

  • Speaker #1

    Et ainsi, choisir de s'arrêter sur trois œuvres au carrefour de la rencontre. La rencontre est au centre du travail de Gilles Guillet. Elle la vit avec un territoire et avec ceux et celles et ceux qui l'habitent, les objets, la nature, les gens. C'est dans la rencontre qu'elle concrétise deux notions emblématiques de sa démarche, in situ et in vivo. In situ, pour elle, signifie faire avec ce qui se trouve sous ses yeux ou ses pieds. In vivo veut dire faire avec l'autre et l'altérité. Je m'en vais vous raconter trois histoires de rencontres incarnées par trois œuvres. Une œuvre photographique, une impression murale, conséquence plastique d'un protocole, et une sérigraphie.

  • Speaker #2

    Ma grand-mère étant brodeuse, j'ai toujours vu des objets tissés autour de moi. Donc ça fait partie de mon motif paysager, de mon environnement proche en tout cas. Ce qui m'intéresse, c'est l'idée de cet objet tissé où quelqu'un a pris le temps. de faire cet objet, mais c'est pas moi qui ai brodé. Et en fait, c'est une manière pour moi de... aussi de valoriser le travail qui a été fait à un moment donné, parce que les canevas, ils sont en train de se faire oublier dans tous les greniers des gens, où c'est vendu, jeté, enfin vendu rarement, parce que souvent, ça n'attire pas grand monde. Et c'est ce qui m'intéresse aussi, c'est d'aller m'attarder sur ce qui n'intéresse plus personne, et de voir comment je vais pouvoir, par un geste, une simple interaction, Simple entre guillemets parce que forcément il y a tout le process qui amène à ça, mais le geste doit pouvoir être dit de manière assez simple, en fait ça m'importe aussi, pour que d'un coup juste on puisse faire deux trois pas de côté et décaler de quelques degrés notre perception de l'objet et de son potentiel à dire des choses, et que c'est pas juste un objet, ok il est fini maintenant on n'en parle plus, on le constate, il y a un objet mais tout reste à faire dans l'interprétation de cet objet.

  • Speaker #1

    Voici donc Battle. Au premier abord, et alors que je n'ai fait que quelques pas, je sens mes yeux hésiter. Est-ce une image floue que j'ai devant moi ? De quoi s'agit-il exactement ? Je perçois de la matière, j'imagine déjà la douceur sous mes doigts, mais ces grandes horizontales là troublent ma vision. Qu'est-ce qui se trouve devant moi ? Battle est une œuvre photographique née d'un protocole pour Canva. Canva entièrement fait, partiellement fait, mal fait, non fait, que Gilles Guillet collecte. Elle prend une photo du canevas récupéré, puis sur son ordinateur, en étire les pixels. Elle travaille l'image comme si elle tirait les fils du canevas. Évidemment, maintenant je me demande, mais pourquoi ?

  • Speaker #2

    Mon idée, ce qui me plaît, c'est le fait de venir révéler des nuances qui sont habituellement absentes du monde de la broderie, puisque un fil égale une couleur, et c'est tout. Et on s'arrête là, et il n'y a pas de questions à se poser. Et là, par le simple fait de passer par la photographie, il y a d'autres enjeux de pixels, de définitions qui se font. Et d'un coup, en étirant quelques pixels, ça va venir les mélanger et on va obtenir des nuances. que je viens d'un coup insérer dans un espace qui d'habitude n'accueille pas la nuance. C'est soit telle ou telle couleur. Voilà, on sait que tel chiffre, c'est telle couleur exactement dans telle marque de fil, etc. Donc c'est quelque chose qui est très très codé. Et là, je viens un peu mettre le bazar dans tout ça, retirer cette rigueur. En fait, c'est un peu l'idée d'amener de l'irrégularité dans le motif finalement. Il y a cette idée de répétition qui me plaît bien et de repérer les motifs quelque part, qui apporte un truc un peu posé, un peu comme des repères finalement. Un motif, c'est on retrouve des repères, on retrouve des motifs qu'on connaît et donc il y a quelque chose de rassurant et moi je viens un peu les embêter pour les remettre un peu en péril, mais dans un péril positif.

  • Speaker #1

    Quand on découvre le travail de l'artiste, on sent la méthode, l'organisation, la recherche de maîtrise. Et puis très vite, on capte aussi le lâcher prise, qu'elle s'impose souvent à elle-même et que dictent les rencontres.

  • Speaker #2

    Le fait d'impliquer les publics, c'est une manière d'apporter de l'aléatoire dans quelque chose que moi je vais à un moment donné orchestrer. Et ça va justement m'imposer cette attitude du faire avec. Si j'implique des personnes dans une action, elles vont forcément agir avec leur subjectivité, leur sensibilité. Sensibilité et subjectivité que je ne connais pas, donc auxquelles je vais devoir moi m'adapter, et qui vont aller dans un sens que je n'ai pas forcément prévu. Et là, ça m'oblige à être vraiment dans une dynamique méga flexible et souple d'accueil de cette altérité, et de voir comment je vais ensuite l'intégrer dans mes processus, et que ça fasse partie intégrante du travail de cette rencontre. et c'est trouver le moyen de laisser quand même, malgré cet aspect protocolaire, consigne, etc., la possibilité d'ouvrir des espaces de liberté pour les personnes que j'implique, et leur offrir aussi cette possibilité de venir carrément directement impacter mon travail, et de voir qu'il y a des conséquences à chaque action et à chaque rencontre.

  • Speaker #1

    C'est là qu'intervient l'œuvre numéro 2. Par ici, on fait danser les thés. Elle est le fruit d'un protocole, fleurs, recettes qui s'exclament, que Gilles Guillet a activé pour la première fois avec des personnes âgées. Devant moi, une impression murale qu'on pourrait qualifier de papier peint si l'on n'était pas dans un lieu d'exposition. Certaines fleurs semblent valser, d'autres ont carrément la tête en bas, elles se répondent, se multiplient. J'assiste à une danse florale immobile. Je vois des fleurs donc, mais je ne sais pas encore ce que je regarde. C'est là que Gilles m'explique le protocole, sorte de recette en 8 étapes qui ne manquent pas de sel. 1. Évoquer des souvenirs fleuris ou souriants. 2. Choisir une couleur à associer à chacun des souvenirs évoqués. 3. Teinter des cristaux de sel de la couleur du souvenir. 4. Déposer les cristaux de sel dans un sachet de thé. 5. Laissez infuser les souvenirs. 6. Récupérez l'encre laissée sur un papier plastique à l'aide d'un papier aquarelle. 7. On obtient donc une tâche colorée sur papier. 8. C'est le moment de la co-création entre l'artiste et la personne qui a évoqué ses souvenirs, les a colorés, les a laissés infuser dans un sachet de thé et a récolté les tâches d'encre sur un papier. Ensemble, ils et elles vont transformer la tâche obtenue en fleurs.

  • Speaker #2

    Cet atelier, ça me plaît beaucoup de le faire en hiver, là où on manque de fleurs et de couleurs, et où finalement on vient les inventer ces fleurs. Et ces fleurs, elles naissent de la relation entre la personne et moi, parce qu'il y a une rencontre qui opère entre nous, et que cette fleur est la conséquence finalement de cette rencontre.

  • Speaker #1

    Ensuite, Gilles entreprend un long travail sur ordinateur pour réaliser une composition murale où toutes les fleurs co-créées vont apprendre à coexister dans l'espace d'un même format. Gilles joue sur la singularité de la fleur, elle la répète pour aboutir, ou presque, à un motif.

  • Speaker #2

    On sent un motif qui s'esquisse et d'un coup, hop, il y a une fleur qui arrive et qui vient déboussoler le motif. Et en fait, après, de réussir à obtenir comme ça une composition qui ressemble à l'idée d'un papier peint floral, qui est très cliché. Mais finalement, là, chacun sait, dans les personnes qui participent, et puis moi je l'explicite d'une certaine manière dans l'exposition, que derrière chaque fleur se cache une histoire, se cache quelqu'un.

  • Speaker #1

    C'est à ce moment que je dois vous parler de l'œuvre Annexe, placée sur un mur perpendiculaire à la pièce florale. Sur un long rectangle vertical en noir et blanc, je découvre un bouquet, des lettres éparses et une sorte de légende botanique au parfum délicatement romantique.

  • Speaker #2

    Ce que j'ai voulu faire aussi, c'est nommer les fleurs, donc offrir à chacune des fleurs le prénom de la personne avec laquelle je l'ai co-créée. Donc j'ai écrit à chaque fois le pronom lae, donc L-A-E, parce qu'il y avait cette volonté de ne pas genrer la fleur. Je voulais qu'il y ait quelque chose d'un peu universel dans le fait d'offrir un nom à une fleur. Et donc en fait, chaque prénom associé à des caractéristiques et des phrases vient imaginer et offrir à chaque fleur une symbolique, en lien étroit, intrinsèque avec la personne qui est à l'origine. de la fleur, dans son dialogue avec mon travail et avec moi, puisque c'est vraiment l'idée d'une co-création.

  • Speaker #1

    C'est comme ça que vous découvrirez par exemple Là est Bernadette, trouvez l'amour à 400 mètres de chez soi

  • Speaker #2

    Il y a un autre enjeu, c'est celui d'apporter de la valorisation à chacun et que chaque personne soit contente à la fin de l'atelier de la fleur, réaliser qu'il soit fier d'avoir fait quelque chose, d'avoir impacté le monde et finalement permettre d'habiter le monde de nouvelles fleurs.

  • Speaker #1

    Ainsi Myriam, Marcel, Alain, Michel, Valérie, Roger et les autres donnent leur nom à une fleur. Restons dans les pétales, mais cherchons maintenant du côté des spécimens qui fleurissent dans l'herbe quand le printemps s'annonce. Sur le mur face à moi, je distingue 12 cœurs soleil, et beaucoup trop de pétales pour pouvoir les compter. Vous la sentez l'odeur des rayons sur les corolles délicates ou c'est juste moi ? Je vois aussi des pixels, et en arrière-plan des teintes que j'associe à la nuit. Une pâquerette joue les héroïnes, s'imposant par sa taille et son occupation du premier plan, comme un enfant facétieux qui viendrait coller son visage à l'objectif de l'appareil, pour ne surtout pas risquer d'être invisible. D'autres pâquerettes moins imposantes n'en sont pas moins intéressantes, car je les découvre ornées de colliers faits de minuscules carrés blancs et gris. Cette sérigraphie s'appelle Pick It Up, cueillette numérique.

  • Speaker #2

    Pick it up, c'est un moment avant le printemps où j'ai cherché des pâquerettes désespérément. J'ai trouvé des pâquerettes décoiffées qui n'étaient pas en très bon état mais qui m'ont beaucoup plu, que j'ai dû forcer au réveil d'une certaine manière. J'ai dû poser mon pouce sur le cœur et venir faire des mouvements circulaires pour que les pétales s'ouvrent. J'avais vraiment l'impression de réveiller quelqu'un avant l'heure très tôt le matin. C'est juste qu'en fait, comme le soleil ne brillait pas, les pâquerettes étaient fermées.

  • Speaker #1

    Lors de cette cueillette numérique, et après avoir amené au réveil des pâquerettes, Gilles les a photographiées avant de les manipuler numériquement. À coup de baguettes magiques, C'est le vrai nom de l'outil utilisé sur les logiciels de retouches. Elle a sélectionné des fragments, on a modifié les échelles, a accentué exagérément les couleurs, jusqu'à obtenir parfois les teintes bleu-violet que j'associe à la nuit.

  • Speaker #2

    Andr, quelque chose qui est si familier, qu'on a arrêté de la regarder, pour le coup de la pâquerette, est tellement familier que j'essaie de le retravailler jusqu'à ce que ça devienne un peu étranger, et un peu en dehors justement des éléments qu'on lui attribue habituellement. Et donc on est un peu déboussolé parce qu'on sait plus exactement ce qu'on regarde, on reconnaît quand même les attributs d'une pâquerette, mais on voit bien qu'il se passe autre chose. Et l'élément qui fait un peu bug dans l'image, c'est un quadrillage en gris et blanc. Et en fait ce quadrillage, c'est le quadrillage qui apparaît lorsque justement on supprime une partie d'une image sur un logiciel de retouche. Et en fait, quand on coupe l'image, apparaît en arrière-plan ce quadrillage gris et blanc. Et donc là, il a une présence physique dans l'image, parmi toutes les couches qui se superposent dans ce projet de sérigraphie, qui donc est une sérigraphie en cinq couleurs. C'est une quadrichromie, plus le gris qui a été ajouté pour ce quadrillage, en fait, qui représente une idée de transparence. et donc l'endroit où j'ai cueilli la pâquerette dans la réalité on aurait retrouvé l'herbe vidée de cette pâquerette mais dans le travail de la photographie il n'y a plus de matière face

  • Speaker #1

    à vous, face à moi des éléments familiers que Gilles Guillet a détournés transformés Des fils de canevas qui s'étirent, mais ne baillent pas, des fleurs baptisées au subtil goût salé, et des pâquerettes cueillies avec un appareil photo. Tout ceci n'est qu'un échantillon de l'œuvre fertile de l'artiste conceptuel qui aime questionner notre attitude vis-à-vis de notre environnement proche. Avec quel parfum, quelle image, quelle impression repartez-vous ? Pour clore la balade sonore sans la terminer tout à fait, j'ai envie de citer un autre infinitif de Gilles Guillet qui a tout de la non-conclusion parfaite. étirez le point pour retarder la fin Vous venez d'écouter le portrait sonore d'œuvre de Gilles Guillet. Cette création est signée Marie Girardin-Lépine de la Fantaisie Vagabonde.

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Description

🎧 Vous vous apprêtez à écouter un objet sonore inédit.

Il ne s'agit pas d'un épisode de CHAMADE.
Pourtant, il n'existerait pas sans mon podcast.


🎨 Bienvenue dans le Portrait sonore d'œuvres de l'artiste conceptuelle Jill Guillais.


Le Portrait sonore est un objet sensible, poétique et personnel,

Qui parle de l'artiste à la troisième personne,

Est nourri de nos échanges, de ses messages cruciaux et de ma perception de son art.


Il est orné de sa voix et de la mienne,

Habillé de fragments sonores glanés dans son espace de travail et d’un univers musical imaginé rien que pour elle.


Et enfin, le Portrait sonore est empreint de ma fantaisie vagabonde.


J'espère que ce portrait vous plaira.


🖼️ Découvrez le travail de Jill Guillais sur son site Web et sur son compte Instagram.


🤩 Pour en savoir plus sur mes Portraits sonores, c'est ici.

✏️ Et si vous voulez suivre les coulisses de la création de mes Portraits, lisez mon Journal de bord !


Bonne écoute !


---


Je suis Marie Girardin Lépine et je fabrique de beaux objets sonores : des podcasts et des Portraits sonores pour des gens qui m'inspirent ou m'émeuvent, dont la démarche mérite, à mon sens, d'être mise en valeur.
https://lafantaisievagabonde.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    À quoi êtes-vous attentif ou attentive lorsque vous pénétrez dans un espace d'exposition ? Captez-vous d'abord la lumière, les sons, l'atmosphère, une odeur, la foule ou au contraire le calme ambiant ? Prenez-vous garde à ce que votre corps et vos émotions vous racontent ? Ce jour-là, moi, j'ai ressenti, pêle-mêle, de la joie, beaucoup d'espace et d'air, des fleurs, des assortiments de couleurs. Mon sourire réjouit et ma curiosité sautillante en forme de point d'interrogation. Des reliefs qui me donnaient envie de les toucher. de la poésie et de l'espièglerie qui flottaient tout autour. Ce jour-là, en même temps que je découvrais son travail, je rencontrais Gilles Guillet. Et aussitôt, je suis partie en exploration. Dans une exposition de Gilles Guillet, on se sent libre, et en même temps un peu accompagné, notamment grâce au titre de ses œuvres dont elle veut qu'il préserve notre rôle d'interprète. Bref, on tire des fils, on croit trouver des clés, On récolte des indices et petit à petit, on comprend le comment, le pourquoi et le quoi. L'univers de Gilles entremêle une esthétique plurielle, de l'humain et un lexique singulier. Elle dit d'ailleurs ceci.

  • Speaker #2

    L'exposition, c'est vraiment pour moi une matière à part entière. Et c'est un moment où je viens vraiment moduler chacune des œuvres comme si chaque œuvre était le mot d'une phrase. Et que la phrase, finalement, c'est l'exposition tout entière. Et de venir comme ça travailler l'espace comme une espèce de ponctuation entre les œuvres. Et de voir comment l'une peut impacter l'autre et vice-versa. Et comment elles font ensemble, tout autant qu'elles existent de manière autonome.

  • Speaker #1

    Nous voilà donc projetés au beau milieu d'une phrase à laquelle il nous revient de donner du sens. J'accepte avec joie de relever le défi. Et vous ? Pour relier les œuvres mots qu'elle a choisi d'évoquer, Gilles m'a dit ce qui les rassemble, c'est la rencontre Et puis pour illustrer son propos, elle a cité l'un de ses infinitifs, qu'elle définit comme des phrases non conjuguées en l'attente d'un sujet pour faire objet, image ou pensée Ouvrons donc le portrait sonore avec lui.

  • Speaker #2

    Écouter des guillemets qui s'ouvrent, ça veut dire s'ouvrir au dialogue et à la rencontre. Et on ne peut pas écouter des guillemets qui s'ouvrent concrètement, sauf qu'on peut y prêter attention.

  • Speaker #1

    Et ainsi, choisir de s'arrêter sur trois œuvres au carrefour de la rencontre. La rencontre est au centre du travail de Gilles Guillet. Elle la vit avec un territoire et avec ceux et celles et ceux qui l'habitent, les objets, la nature, les gens. C'est dans la rencontre qu'elle concrétise deux notions emblématiques de sa démarche, in situ et in vivo. In situ, pour elle, signifie faire avec ce qui se trouve sous ses yeux ou ses pieds. In vivo veut dire faire avec l'autre et l'altérité. Je m'en vais vous raconter trois histoires de rencontres incarnées par trois œuvres. Une œuvre photographique, une impression murale, conséquence plastique d'un protocole, et une sérigraphie.

  • Speaker #2

    Ma grand-mère étant brodeuse, j'ai toujours vu des objets tissés autour de moi. Donc ça fait partie de mon motif paysager, de mon environnement proche en tout cas. Ce qui m'intéresse, c'est l'idée de cet objet tissé où quelqu'un a pris le temps. de faire cet objet, mais c'est pas moi qui ai brodé. Et en fait, c'est une manière pour moi de... aussi de valoriser le travail qui a été fait à un moment donné, parce que les canevas, ils sont en train de se faire oublier dans tous les greniers des gens, où c'est vendu, jeté, enfin vendu rarement, parce que souvent, ça n'attire pas grand monde. Et c'est ce qui m'intéresse aussi, c'est d'aller m'attarder sur ce qui n'intéresse plus personne, et de voir comment je vais pouvoir, par un geste, une simple interaction, Simple entre guillemets parce que forcément il y a tout le process qui amène à ça, mais le geste doit pouvoir être dit de manière assez simple, en fait ça m'importe aussi, pour que d'un coup juste on puisse faire deux trois pas de côté et décaler de quelques degrés notre perception de l'objet et de son potentiel à dire des choses, et que c'est pas juste un objet, ok il est fini maintenant on n'en parle plus, on le constate, il y a un objet mais tout reste à faire dans l'interprétation de cet objet.

  • Speaker #1

    Voici donc Battle. Au premier abord, et alors que je n'ai fait que quelques pas, je sens mes yeux hésiter. Est-ce une image floue que j'ai devant moi ? De quoi s'agit-il exactement ? Je perçois de la matière, j'imagine déjà la douceur sous mes doigts, mais ces grandes horizontales là troublent ma vision. Qu'est-ce qui se trouve devant moi ? Battle est une œuvre photographique née d'un protocole pour Canva. Canva entièrement fait, partiellement fait, mal fait, non fait, que Gilles Guillet collecte. Elle prend une photo du canevas récupéré, puis sur son ordinateur, en étire les pixels. Elle travaille l'image comme si elle tirait les fils du canevas. Évidemment, maintenant je me demande, mais pourquoi ?

  • Speaker #2

    Mon idée, ce qui me plaît, c'est le fait de venir révéler des nuances qui sont habituellement absentes du monde de la broderie, puisque un fil égale une couleur, et c'est tout. Et on s'arrête là, et il n'y a pas de questions à se poser. Et là, par le simple fait de passer par la photographie, il y a d'autres enjeux de pixels, de définitions qui se font. Et d'un coup, en étirant quelques pixels, ça va venir les mélanger et on va obtenir des nuances. que je viens d'un coup insérer dans un espace qui d'habitude n'accueille pas la nuance. C'est soit telle ou telle couleur. Voilà, on sait que tel chiffre, c'est telle couleur exactement dans telle marque de fil, etc. Donc c'est quelque chose qui est très très codé. Et là, je viens un peu mettre le bazar dans tout ça, retirer cette rigueur. En fait, c'est un peu l'idée d'amener de l'irrégularité dans le motif finalement. Il y a cette idée de répétition qui me plaît bien et de repérer les motifs quelque part, qui apporte un truc un peu posé, un peu comme des repères finalement. Un motif, c'est on retrouve des repères, on retrouve des motifs qu'on connaît et donc il y a quelque chose de rassurant et moi je viens un peu les embêter pour les remettre un peu en péril, mais dans un péril positif.

  • Speaker #1

    Quand on découvre le travail de l'artiste, on sent la méthode, l'organisation, la recherche de maîtrise. Et puis très vite, on capte aussi le lâcher prise, qu'elle s'impose souvent à elle-même et que dictent les rencontres.

  • Speaker #2

    Le fait d'impliquer les publics, c'est une manière d'apporter de l'aléatoire dans quelque chose que moi je vais à un moment donné orchestrer. Et ça va justement m'imposer cette attitude du faire avec. Si j'implique des personnes dans une action, elles vont forcément agir avec leur subjectivité, leur sensibilité. Sensibilité et subjectivité que je ne connais pas, donc auxquelles je vais devoir moi m'adapter, et qui vont aller dans un sens que je n'ai pas forcément prévu. Et là, ça m'oblige à être vraiment dans une dynamique méga flexible et souple d'accueil de cette altérité, et de voir comment je vais ensuite l'intégrer dans mes processus, et que ça fasse partie intégrante du travail de cette rencontre. et c'est trouver le moyen de laisser quand même, malgré cet aspect protocolaire, consigne, etc., la possibilité d'ouvrir des espaces de liberté pour les personnes que j'implique, et leur offrir aussi cette possibilité de venir carrément directement impacter mon travail, et de voir qu'il y a des conséquences à chaque action et à chaque rencontre.

  • Speaker #1

    C'est là qu'intervient l'œuvre numéro 2. Par ici, on fait danser les thés. Elle est le fruit d'un protocole, fleurs, recettes qui s'exclament, que Gilles Guillet a activé pour la première fois avec des personnes âgées. Devant moi, une impression murale qu'on pourrait qualifier de papier peint si l'on n'était pas dans un lieu d'exposition. Certaines fleurs semblent valser, d'autres ont carrément la tête en bas, elles se répondent, se multiplient. J'assiste à une danse florale immobile. Je vois des fleurs donc, mais je ne sais pas encore ce que je regarde. C'est là que Gilles m'explique le protocole, sorte de recette en 8 étapes qui ne manquent pas de sel. 1. Évoquer des souvenirs fleuris ou souriants. 2. Choisir une couleur à associer à chacun des souvenirs évoqués. 3. Teinter des cristaux de sel de la couleur du souvenir. 4. Déposer les cristaux de sel dans un sachet de thé. 5. Laissez infuser les souvenirs. 6. Récupérez l'encre laissée sur un papier plastique à l'aide d'un papier aquarelle. 7. On obtient donc une tâche colorée sur papier. 8. C'est le moment de la co-création entre l'artiste et la personne qui a évoqué ses souvenirs, les a colorés, les a laissés infuser dans un sachet de thé et a récolté les tâches d'encre sur un papier. Ensemble, ils et elles vont transformer la tâche obtenue en fleurs.

  • Speaker #2

    Cet atelier, ça me plaît beaucoup de le faire en hiver, là où on manque de fleurs et de couleurs, et où finalement on vient les inventer ces fleurs. Et ces fleurs, elles naissent de la relation entre la personne et moi, parce qu'il y a une rencontre qui opère entre nous, et que cette fleur est la conséquence finalement de cette rencontre.

  • Speaker #1

    Ensuite, Gilles entreprend un long travail sur ordinateur pour réaliser une composition murale où toutes les fleurs co-créées vont apprendre à coexister dans l'espace d'un même format. Gilles joue sur la singularité de la fleur, elle la répète pour aboutir, ou presque, à un motif.

  • Speaker #2

    On sent un motif qui s'esquisse et d'un coup, hop, il y a une fleur qui arrive et qui vient déboussoler le motif. Et en fait, après, de réussir à obtenir comme ça une composition qui ressemble à l'idée d'un papier peint floral, qui est très cliché. Mais finalement, là, chacun sait, dans les personnes qui participent, et puis moi je l'explicite d'une certaine manière dans l'exposition, que derrière chaque fleur se cache une histoire, se cache quelqu'un.

  • Speaker #1

    C'est à ce moment que je dois vous parler de l'œuvre Annexe, placée sur un mur perpendiculaire à la pièce florale. Sur un long rectangle vertical en noir et blanc, je découvre un bouquet, des lettres éparses et une sorte de légende botanique au parfum délicatement romantique.

  • Speaker #2

    Ce que j'ai voulu faire aussi, c'est nommer les fleurs, donc offrir à chacune des fleurs le prénom de la personne avec laquelle je l'ai co-créée. Donc j'ai écrit à chaque fois le pronom lae, donc L-A-E, parce qu'il y avait cette volonté de ne pas genrer la fleur. Je voulais qu'il y ait quelque chose d'un peu universel dans le fait d'offrir un nom à une fleur. Et donc en fait, chaque prénom associé à des caractéristiques et des phrases vient imaginer et offrir à chaque fleur une symbolique, en lien étroit, intrinsèque avec la personne qui est à l'origine. de la fleur, dans son dialogue avec mon travail et avec moi, puisque c'est vraiment l'idée d'une co-création.

  • Speaker #1

    C'est comme ça que vous découvrirez par exemple Là est Bernadette, trouvez l'amour à 400 mètres de chez soi

  • Speaker #2

    Il y a un autre enjeu, c'est celui d'apporter de la valorisation à chacun et que chaque personne soit contente à la fin de l'atelier de la fleur, réaliser qu'il soit fier d'avoir fait quelque chose, d'avoir impacté le monde et finalement permettre d'habiter le monde de nouvelles fleurs.

  • Speaker #1

    Ainsi Myriam, Marcel, Alain, Michel, Valérie, Roger et les autres donnent leur nom à une fleur. Restons dans les pétales, mais cherchons maintenant du côté des spécimens qui fleurissent dans l'herbe quand le printemps s'annonce. Sur le mur face à moi, je distingue 12 cœurs soleil, et beaucoup trop de pétales pour pouvoir les compter. Vous la sentez l'odeur des rayons sur les corolles délicates ou c'est juste moi ? Je vois aussi des pixels, et en arrière-plan des teintes que j'associe à la nuit. Une pâquerette joue les héroïnes, s'imposant par sa taille et son occupation du premier plan, comme un enfant facétieux qui viendrait coller son visage à l'objectif de l'appareil, pour ne surtout pas risquer d'être invisible. D'autres pâquerettes moins imposantes n'en sont pas moins intéressantes, car je les découvre ornées de colliers faits de minuscules carrés blancs et gris. Cette sérigraphie s'appelle Pick It Up, cueillette numérique.

  • Speaker #2

    Pick it up, c'est un moment avant le printemps où j'ai cherché des pâquerettes désespérément. J'ai trouvé des pâquerettes décoiffées qui n'étaient pas en très bon état mais qui m'ont beaucoup plu, que j'ai dû forcer au réveil d'une certaine manière. J'ai dû poser mon pouce sur le cœur et venir faire des mouvements circulaires pour que les pétales s'ouvrent. J'avais vraiment l'impression de réveiller quelqu'un avant l'heure très tôt le matin. C'est juste qu'en fait, comme le soleil ne brillait pas, les pâquerettes étaient fermées.

  • Speaker #1

    Lors de cette cueillette numérique, et après avoir amené au réveil des pâquerettes, Gilles les a photographiées avant de les manipuler numériquement. À coup de baguettes magiques, C'est le vrai nom de l'outil utilisé sur les logiciels de retouches. Elle a sélectionné des fragments, on a modifié les échelles, a accentué exagérément les couleurs, jusqu'à obtenir parfois les teintes bleu-violet que j'associe à la nuit.

  • Speaker #2

    Andr, quelque chose qui est si familier, qu'on a arrêté de la regarder, pour le coup de la pâquerette, est tellement familier que j'essaie de le retravailler jusqu'à ce que ça devienne un peu étranger, et un peu en dehors justement des éléments qu'on lui attribue habituellement. Et donc on est un peu déboussolé parce qu'on sait plus exactement ce qu'on regarde, on reconnaît quand même les attributs d'une pâquerette, mais on voit bien qu'il se passe autre chose. Et l'élément qui fait un peu bug dans l'image, c'est un quadrillage en gris et blanc. Et en fait ce quadrillage, c'est le quadrillage qui apparaît lorsque justement on supprime une partie d'une image sur un logiciel de retouche. Et en fait, quand on coupe l'image, apparaît en arrière-plan ce quadrillage gris et blanc. Et donc là, il a une présence physique dans l'image, parmi toutes les couches qui se superposent dans ce projet de sérigraphie, qui donc est une sérigraphie en cinq couleurs. C'est une quadrichromie, plus le gris qui a été ajouté pour ce quadrillage, en fait, qui représente une idée de transparence. et donc l'endroit où j'ai cueilli la pâquerette dans la réalité on aurait retrouvé l'herbe vidée de cette pâquerette mais dans le travail de la photographie il n'y a plus de matière face

  • Speaker #1

    à vous, face à moi des éléments familiers que Gilles Guillet a détournés transformés Des fils de canevas qui s'étirent, mais ne baillent pas, des fleurs baptisées au subtil goût salé, et des pâquerettes cueillies avec un appareil photo. Tout ceci n'est qu'un échantillon de l'œuvre fertile de l'artiste conceptuel qui aime questionner notre attitude vis-à-vis de notre environnement proche. Avec quel parfum, quelle image, quelle impression repartez-vous ? Pour clore la balade sonore sans la terminer tout à fait, j'ai envie de citer un autre infinitif de Gilles Guillet qui a tout de la non-conclusion parfaite. étirez le point pour retarder la fin Vous venez d'écouter le portrait sonore d'œuvre de Gilles Guillet. Cette création est signée Marie Girardin-Lépine de la Fantaisie Vagabonde.

Description

🎧 Vous vous apprêtez à écouter un objet sonore inédit.

Il ne s'agit pas d'un épisode de CHAMADE.
Pourtant, il n'existerait pas sans mon podcast.


🎨 Bienvenue dans le Portrait sonore d'œuvres de l'artiste conceptuelle Jill Guillais.


Le Portrait sonore est un objet sensible, poétique et personnel,

Qui parle de l'artiste à la troisième personne,

Est nourri de nos échanges, de ses messages cruciaux et de ma perception de son art.


Il est orné de sa voix et de la mienne,

Habillé de fragments sonores glanés dans son espace de travail et d’un univers musical imaginé rien que pour elle.


Et enfin, le Portrait sonore est empreint de ma fantaisie vagabonde.


J'espère que ce portrait vous plaira.


🖼️ Découvrez le travail de Jill Guillais sur son site Web et sur son compte Instagram.


🤩 Pour en savoir plus sur mes Portraits sonores, c'est ici.

✏️ Et si vous voulez suivre les coulisses de la création de mes Portraits, lisez mon Journal de bord !


Bonne écoute !


---


Je suis Marie Girardin Lépine et je fabrique de beaux objets sonores : des podcasts et des Portraits sonores pour des gens qui m'inspirent ou m'émeuvent, dont la démarche mérite, à mon sens, d'être mise en valeur.
https://lafantaisievagabonde.com


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    À quoi êtes-vous attentif ou attentive lorsque vous pénétrez dans un espace d'exposition ? Captez-vous d'abord la lumière, les sons, l'atmosphère, une odeur, la foule ou au contraire le calme ambiant ? Prenez-vous garde à ce que votre corps et vos émotions vous racontent ? Ce jour-là, moi, j'ai ressenti, pêle-mêle, de la joie, beaucoup d'espace et d'air, des fleurs, des assortiments de couleurs. Mon sourire réjouit et ma curiosité sautillante en forme de point d'interrogation. Des reliefs qui me donnaient envie de les toucher. de la poésie et de l'espièglerie qui flottaient tout autour. Ce jour-là, en même temps que je découvrais son travail, je rencontrais Gilles Guillet. Et aussitôt, je suis partie en exploration. Dans une exposition de Gilles Guillet, on se sent libre, et en même temps un peu accompagné, notamment grâce au titre de ses œuvres dont elle veut qu'il préserve notre rôle d'interprète. Bref, on tire des fils, on croit trouver des clés, On récolte des indices et petit à petit, on comprend le comment, le pourquoi et le quoi. L'univers de Gilles entremêle une esthétique plurielle, de l'humain et un lexique singulier. Elle dit d'ailleurs ceci.

  • Speaker #2

    L'exposition, c'est vraiment pour moi une matière à part entière. Et c'est un moment où je viens vraiment moduler chacune des œuvres comme si chaque œuvre était le mot d'une phrase. Et que la phrase, finalement, c'est l'exposition tout entière. Et de venir comme ça travailler l'espace comme une espèce de ponctuation entre les œuvres. Et de voir comment l'une peut impacter l'autre et vice-versa. Et comment elles font ensemble, tout autant qu'elles existent de manière autonome.

  • Speaker #1

    Nous voilà donc projetés au beau milieu d'une phrase à laquelle il nous revient de donner du sens. J'accepte avec joie de relever le défi. Et vous ? Pour relier les œuvres mots qu'elle a choisi d'évoquer, Gilles m'a dit ce qui les rassemble, c'est la rencontre Et puis pour illustrer son propos, elle a cité l'un de ses infinitifs, qu'elle définit comme des phrases non conjuguées en l'attente d'un sujet pour faire objet, image ou pensée Ouvrons donc le portrait sonore avec lui.

  • Speaker #2

    Écouter des guillemets qui s'ouvrent, ça veut dire s'ouvrir au dialogue et à la rencontre. Et on ne peut pas écouter des guillemets qui s'ouvrent concrètement, sauf qu'on peut y prêter attention.

  • Speaker #1

    Et ainsi, choisir de s'arrêter sur trois œuvres au carrefour de la rencontre. La rencontre est au centre du travail de Gilles Guillet. Elle la vit avec un territoire et avec ceux et celles et ceux qui l'habitent, les objets, la nature, les gens. C'est dans la rencontre qu'elle concrétise deux notions emblématiques de sa démarche, in situ et in vivo. In situ, pour elle, signifie faire avec ce qui se trouve sous ses yeux ou ses pieds. In vivo veut dire faire avec l'autre et l'altérité. Je m'en vais vous raconter trois histoires de rencontres incarnées par trois œuvres. Une œuvre photographique, une impression murale, conséquence plastique d'un protocole, et une sérigraphie.

  • Speaker #2

    Ma grand-mère étant brodeuse, j'ai toujours vu des objets tissés autour de moi. Donc ça fait partie de mon motif paysager, de mon environnement proche en tout cas. Ce qui m'intéresse, c'est l'idée de cet objet tissé où quelqu'un a pris le temps. de faire cet objet, mais c'est pas moi qui ai brodé. Et en fait, c'est une manière pour moi de... aussi de valoriser le travail qui a été fait à un moment donné, parce que les canevas, ils sont en train de se faire oublier dans tous les greniers des gens, où c'est vendu, jeté, enfin vendu rarement, parce que souvent, ça n'attire pas grand monde. Et c'est ce qui m'intéresse aussi, c'est d'aller m'attarder sur ce qui n'intéresse plus personne, et de voir comment je vais pouvoir, par un geste, une simple interaction, Simple entre guillemets parce que forcément il y a tout le process qui amène à ça, mais le geste doit pouvoir être dit de manière assez simple, en fait ça m'importe aussi, pour que d'un coup juste on puisse faire deux trois pas de côté et décaler de quelques degrés notre perception de l'objet et de son potentiel à dire des choses, et que c'est pas juste un objet, ok il est fini maintenant on n'en parle plus, on le constate, il y a un objet mais tout reste à faire dans l'interprétation de cet objet.

  • Speaker #1

    Voici donc Battle. Au premier abord, et alors que je n'ai fait que quelques pas, je sens mes yeux hésiter. Est-ce une image floue que j'ai devant moi ? De quoi s'agit-il exactement ? Je perçois de la matière, j'imagine déjà la douceur sous mes doigts, mais ces grandes horizontales là troublent ma vision. Qu'est-ce qui se trouve devant moi ? Battle est une œuvre photographique née d'un protocole pour Canva. Canva entièrement fait, partiellement fait, mal fait, non fait, que Gilles Guillet collecte. Elle prend une photo du canevas récupéré, puis sur son ordinateur, en étire les pixels. Elle travaille l'image comme si elle tirait les fils du canevas. Évidemment, maintenant je me demande, mais pourquoi ?

  • Speaker #2

    Mon idée, ce qui me plaît, c'est le fait de venir révéler des nuances qui sont habituellement absentes du monde de la broderie, puisque un fil égale une couleur, et c'est tout. Et on s'arrête là, et il n'y a pas de questions à se poser. Et là, par le simple fait de passer par la photographie, il y a d'autres enjeux de pixels, de définitions qui se font. Et d'un coup, en étirant quelques pixels, ça va venir les mélanger et on va obtenir des nuances. que je viens d'un coup insérer dans un espace qui d'habitude n'accueille pas la nuance. C'est soit telle ou telle couleur. Voilà, on sait que tel chiffre, c'est telle couleur exactement dans telle marque de fil, etc. Donc c'est quelque chose qui est très très codé. Et là, je viens un peu mettre le bazar dans tout ça, retirer cette rigueur. En fait, c'est un peu l'idée d'amener de l'irrégularité dans le motif finalement. Il y a cette idée de répétition qui me plaît bien et de repérer les motifs quelque part, qui apporte un truc un peu posé, un peu comme des repères finalement. Un motif, c'est on retrouve des repères, on retrouve des motifs qu'on connaît et donc il y a quelque chose de rassurant et moi je viens un peu les embêter pour les remettre un peu en péril, mais dans un péril positif.

  • Speaker #1

    Quand on découvre le travail de l'artiste, on sent la méthode, l'organisation, la recherche de maîtrise. Et puis très vite, on capte aussi le lâcher prise, qu'elle s'impose souvent à elle-même et que dictent les rencontres.

  • Speaker #2

    Le fait d'impliquer les publics, c'est une manière d'apporter de l'aléatoire dans quelque chose que moi je vais à un moment donné orchestrer. Et ça va justement m'imposer cette attitude du faire avec. Si j'implique des personnes dans une action, elles vont forcément agir avec leur subjectivité, leur sensibilité. Sensibilité et subjectivité que je ne connais pas, donc auxquelles je vais devoir moi m'adapter, et qui vont aller dans un sens que je n'ai pas forcément prévu. Et là, ça m'oblige à être vraiment dans une dynamique méga flexible et souple d'accueil de cette altérité, et de voir comment je vais ensuite l'intégrer dans mes processus, et que ça fasse partie intégrante du travail de cette rencontre. et c'est trouver le moyen de laisser quand même, malgré cet aspect protocolaire, consigne, etc., la possibilité d'ouvrir des espaces de liberté pour les personnes que j'implique, et leur offrir aussi cette possibilité de venir carrément directement impacter mon travail, et de voir qu'il y a des conséquences à chaque action et à chaque rencontre.

  • Speaker #1

    C'est là qu'intervient l'œuvre numéro 2. Par ici, on fait danser les thés. Elle est le fruit d'un protocole, fleurs, recettes qui s'exclament, que Gilles Guillet a activé pour la première fois avec des personnes âgées. Devant moi, une impression murale qu'on pourrait qualifier de papier peint si l'on n'était pas dans un lieu d'exposition. Certaines fleurs semblent valser, d'autres ont carrément la tête en bas, elles se répondent, se multiplient. J'assiste à une danse florale immobile. Je vois des fleurs donc, mais je ne sais pas encore ce que je regarde. C'est là que Gilles m'explique le protocole, sorte de recette en 8 étapes qui ne manquent pas de sel. 1. Évoquer des souvenirs fleuris ou souriants. 2. Choisir une couleur à associer à chacun des souvenirs évoqués. 3. Teinter des cristaux de sel de la couleur du souvenir. 4. Déposer les cristaux de sel dans un sachet de thé. 5. Laissez infuser les souvenirs. 6. Récupérez l'encre laissée sur un papier plastique à l'aide d'un papier aquarelle. 7. On obtient donc une tâche colorée sur papier. 8. C'est le moment de la co-création entre l'artiste et la personne qui a évoqué ses souvenirs, les a colorés, les a laissés infuser dans un sachet de thé et a récolté les tâches d'encre sur un papier. Ensemble, ils et elles vont transformer la tâche obtenue en fleurs.

  • Speaker #2

    Cet atelier, ça me plaît beaucoup de le faire en hiver, là où on manque de fleurs et de couleurs, et où finalement on vient les inventer ces fleurs. Et ces fleurs, elles naissent de la relation entre la personne et moi, parce qu'il y a une rencontre qui opère entre nous, et que cette fleur est la conséquence finalement de cette rencontre.

  • Speaker #1

    Ensuite, Gilles entreprend un long travail sur ordinateur pour réaliser une composition murale où toutes les fleurs co-créées vont apprendre à coexister dans l'espace d'un même format. Gilles joue sur la singularité de la fleur, elle la répète pour aboutir, ou presque, à un motif.

  • Speaker #2

    On sent un motif qui s'esquisse et d'un coup, hop, il y a une fleur qui arrive et qui vient déboussoler le motif. Et en fait, après, de réussir à obtenir comme ça une composition qui ressemble à l'idée d'un papier peint floral, qui est très cliché. Mais finalement, là, chacun sait, dans les personnes qui participent, et puis moi je l'explicite d'une certaine manière dans l'exposition, que derrière chaque fleur se cache une histoire, se cache quelqu'un.

  • Speaker #1

    C'est à ce moment que je dois vous parler de l'œuvre Annexe, placée sur un mur perpendiculaire à la pièce florale. Sur un long rectangle vertical en noir et blanc, je découvre un bouquet, des lettres éparses et une sorte de légende botanique au parfum délicatement romantique.

  • Speaker #2

    Ce que j'ai voulu faire aussi, c'est nommer les fleurs, donc offrir à chacune des fleurs le prénom de la personne avec laquelle je l'ai co-créée. Donc j'ai écrit à chaque fois le pronom lae, donc L-A-E, parce qu'il y avait cette volonté de ne pas genrer la fleur. Je voulais qu'il y ait quelque chose d'un peu universel dans le fait d'offrir un nom à une fleur. Et donc en fait, chaque prénom associé à des caractéristiques et des phrases vient imaginer et offrir à chaque fleur une symbolique, en lien étroit, intrinsèque avec la personne qui est à l'origine. de la fleur, dans son dialogue avec mon travail et avec moi, puisque c'est vraiment l'idée d'une co-création.

  • Speaker #1

    C'est comme ça que vous découvrirez par exemple Là est Bernadette, trouvez l'amour à 400 mètres de chez soi

  • Speaker #2

    Il y a un autre enjeu, c'est celui d'apporter de la valorisation à chacun et que chaque personne soit contente à la fin de l'atelier de la fleur, réaliser qu'il soit fier d'avoir fait quelque chose, d'avoir impacté le monde et finalement permettre d'habiter le monde de nouvelles fleurs.

  • Speaker #1

    Ainsi Myriam, Marcel, Alain, Michel, Valérie, Roger et les autres donnent leur nom à une fleur. Restons dans les pétales, mais cherchons maintenant du côté des spécimens qui fleurissent dans l'herbe quand le printemps s'annonce. Sur le mur face à moi, je distingue 12 cœurs soleil, et beaucoup trop de pétales pour pouvoir les compter. Vous la sentez l'odeur des rayons sur les corolles délicates ou c'est juste moi ? Je vois aussi des pixels, et en arrière-plan des teintes que j'associe à la nuit. Une pâquerette joue les héroïnes, s'imposant par sa taille et son occupation du premier plan, comme un enfant facétieux qui viendrait coller son visage à l'objectif de l'appareil, pour ne surtout pas risquer d'être invisible. D'autres pâquerettes moins imposantes n'en sont pas moins intéressantes, car je les découvre ornées de colliers faits de minuscules carrés blancs et gris. Cette sérigraphie s'appelle Pick It Up, cueillette numérique.

  • Speaker #2

    Pick it up, c'est un moment avant le printemps où j'ai cherché des pâquerettes désespérément. J'ai trouvé des pâquerettes décoiffées qui n'étaient pas en très bon état mais qui m'ont beaucoup plu, que j'ai dû forcer au réveil d'une certaine manière. J'ai dû poser mon pouce sur le cœur et venir faire des mouvements circulaires pour que les pétales s'ouvrent. J'avais vraiment l'impression de réveiller quelqu'un avant l'heure très tôt le matin. C'est juste qu'en fait, comme le soleil ne brillait pas, les pâquerettes étaient fermées.

  • Speaker #1

    Lors de cette cueillette numérique, et après avoir amené au réveil des pâquerettes, Gilles les a photographiées avant de les manipuler numériquement. À coup de baguettes magiques, C'est le vrai nom de l'outil utilisé sur les logiciels de retouches. Elle a sélectionné des fragments, on a modifié les échelles, a accentué exagérément les couleurs, jusqu'à obtenir parfois les teintes bleu-violet que j'associe à la nuit.

  • Speaker #2

    Andr, quelque chose qui est si familier, qu'on a arrêté de la regarder, pour le coup de la pâquerette, est tellement familier que j'essaie de le retravailler jusqu'à ce que ça devienne un peu étranger, et un peu en dehors justement des éléments qu'on lui attribue habituellement. Et donc on est un peu déboussolé parce qu'on sait plus exactement ce qu'on regarde, on reconnaît quand même les attributs d'une pâquerette, mais on voit bien qu'il se passe autre chose. Et l'élément qui fait un peu bug dans l'image, c'est un quadrillage en gris et blanc. Et en fait ce quadrillage, c'est le quadrillage qui apparaît lorsque justement on supprime une partie d'une image sur un logiciel de retouche. Et en fait, quand on coupe l'image, apparaît en arrière-plan ce quadrillage gris et blanc. Et donc là, il a une présence physique dans l'image, parmi toutes les couches qui se superposent dans ce projet de sérigraphie, qui donc est une sérigraphie en cinq couleurs. C'est une quadrichromie, plus le gris qui a été ajouté pour ce quadrillage, en fait, qui représente une idée de transparence. et donc l'endroit où j'ai cueilli la pâquerette dans la réalité on aurait retrouvé l'herbe vidée de cette pâquerette mais dans le travail de la photographie il n'y a plus de matière face

  • Speaker #1

    à vous, face à moi des éléments familiers que Gilles Guillet a détournés transformés Des fils de canevas qui s'étirent, mais ne baillent pas, des fleurs baptisées au subtil goût salé, et des pâquerettes cueillies avec un appareil photo. Tout ceci n'est qu'un échantillon de l'œuvre fertile de l'artiste conceptuel qui aime questionner notre attitude vis-à-vis de notre environnement proche. Avec quel parfum, quelle image, quelle impression repartez-vous ? Pour clore la balade sonore sans la terminer tout à fait, j'ai envie de citer un autre infinitif de Gilles Guillet qui a tout de la non-conclusion parfaite. étirez le point pour retarder la fin Vous venez d'écouter le portrait sonore d'œuvre de Gilles Guillet. Cette création est signée Marie Girardin-Lépine de la Fantaisie Vagabonde.

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