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#1 - Comment j'ai inventé un sport. Rencontre avec Enki Bilal. cover
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Le podcast du chessboxing

#1 - Comment j'ai inventé un sport. Rencontre avec Enki Bilal.

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1h08 |21/10/2024
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Description

Artiste connu et reconnu en France, j'ai la chance d'avoir reçu le grand artiste Enki Bilal dans le premier épisode du podcast.


Quel est le rapport ? Simplement que c'est lui qui a créé le chessboxing, il y a 32 ans, dans le tome 3 de la trilogie Nikopol, l'album Froid Equateur. Si ce podcast voit le jour, si l'équipe de France part aux championnats du monde de chessboxing en Arménie cette semaine, c'est grâce à lui, à ces quelques planches de bande-dessinée qui ont inspiré un artiste, et depuis, des centaines de personnes à travers le monde.


Il retrace pour moi son parcours, son enfance à Belgrade, le début de carrière à Paris ; ses inspirations, sa vision, sa façon de travailler... et aussi bien sûr, cette idée d'un sport nouveau qui aujourd'hui grossit de jour en jour.


J'ai tenu à lui poser une question personnelle, un conseil qu'il aurait à donner, à la fin de l'interview, qu'en pensez-vous ?


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Le podcast du Chessboxing donne la parole à chessboxers, des joueurs d'échecs, des coachs, des entrepreneurs, des personnes d'horizons insoupçonnés pour explorer leur parcours de vie, leur travail, et leur passion. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits surprenants, avec le lien fort entre les invités qu'est la pratique ou l'amour du chessboxing.


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Le podcast du Chessboxing est une émission produite par Mona Malca.

Générique, montage et mixage : Andy Maistre.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Né de l'imaginaire d'Enki Bilal en 1992, puis concrétisé par l'artiste néerlandais Iepe Rubingh en 2003, ce sport qui mélange la boxe anglaise et le jeu d'échecs est aujourd'hui en plein essor car il est tout simplement génial. Bienvenue dans le podcast du Chessboxing. Sans Enki Bilal, tout ça n'aurait jamais existé. Toute cette histoire de chessboxing, ça vient de lui. C'est pour ça que ça avait vraiment du sens pour moi de le recevoir dans le premier épisode du podcast. Et la question que je me pose, c'est comment est-ce qu'un artiste devient, malgré lui... le fondateur d'un sport. Bonjour Enki Bilal, merci de me recevoir. Donc vous êtes tchèque bosniaque, vous êtes né à Belgrade et vous avez déménagé à Paris à 16 ans.

  • Speaker #1

    Tchèque par ma mère, Bosniaque par mon père, à Belgrade en Yougoslavie. Donc, je suis ex-Yougoslave. C'est un pays qui n'existe plus, mais j'aime bien dire ex-Yougoslave.

  • Speaker #0

    Vous avez écrit de nombreuses BD, vous avez fait de la peinture, trois films. Vous avez eu le Grand Prix du Festival d'Angoulême il y a longtemps, en 87. L'Ordre National du Mérite, en 2010. L'Ordre National de la Légion d'honneur, en 2022. Et je n'ai pas parlé de Froid-Équateur, qui n'est pas du tout votre BD la plus connue. La Trilogie Nicopole est une des plus connues. Mais celle-ci, c'est une dont on va parler le plus, vu que c'est dans celle-ci qu'on parle du chessboxing. Est-ce que j'ai oublié quelque chose ?

  • Speaker #1

    Non, non. Mais Froid Equateur, justement, c'est vrai que ce n'est pas un album forcément très connu, mais c'est un album particulier puisqu'il a été élu meilleur livre de l'année, tout genre confondu, par le magazine Lire de Bernard Pivot. donc devant des grands romanciers français internationaux et c'est amusant parce que ça m'a valu ça m'a valu des problèmes avec le monde littéraire avec le monde de la bande dessinée ni aux uns ni aux autres. Moi j'étais très content.

  • Speaker #0

    Avant de parler de chessboxing et de votre oeuvre, je me demandais un petit peu votre enfance à Belgrade. puisque vous avez déménagé à Paris en 1961, donc, on va dire, vos dix premières années à Belgrade. Quels souvenirs en avez-vous ? Est-ce que vous voulez raconter un petit peu cette enfance en ex-Yougoslavie ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une enfance finalement assez heureuse, même si mon père est parti très tôt pour Paris, donc, il y avait l'absence du père, mais il donnait des nouvelles, il m'envoyait des cadeaux, des paquets, etc., de l'argent même. Mais c'est une enfance heureuse dans une ville... qui sortait alors je suis dans 51 donc la guerre s'était finie depuis six ans déjà mais mais belgrade avait gardé toutes les stigmates de la guerre en fait c'était tito le dictateur soft de la Yougoslavie qui avait décidé, vraiment je crois que c'est de la com déjà, c'est une communication, de montrer que sa ville avait souffert, ce qui était vrai, les nazis avaient énormément abîmé Belgrade, et donc c'était une façon de montrer au monde, puisqu'il avait dit non à Staline, je ne vais pas faire beaucoup d'histoire, ni de géopolitique, mais il avait dit non à Staline, donc il n'est pas entré dans le bloc communiste, bien que communiste, et donc ça lui a valu une forme de... de reconnaissance et de sympathie du monde occidental. Et lui, il jouait là-dessus pour dire, je suis le héros de cette guerre dans les Balkans, c'est moi qui ai vaincu les nazis, ce qui est partiellement vrai, et donc voici la ville, c'est ma ville, les Belgrads, c'est la capitale de la Yougoslavie, c'est l'autogestion, etc. Donc en fait, j'ai passé du temps à voir dans cette ville des délégations. international, défilé dans les rues, etc. J'ai passé du temps à être aussi dans les pionniers, gamins. Les pionniers, c'est-à-dire que j'avais un foulard rouge autour du cou, avec un anneau doré, et je défilais dans les grands stades de Belgrade pour rendre hommage à Tito, notre bienfaiteur. Donc ça, c'est des souvenirs plutôt joyeux, avec un terrain de jeu formidable qui était un peu... parc en face de l'endroit où j'étais né et c'était un parc qui avait été construit, une forteresse plutôt, qui était entourée d'un parc pour résister aux ottomans. Donc c'est très historique, c'est très... Belgrade est une ville très marquée par la violence, par les conflits, par les invasions, les résistances, etc. Donc tout ça, je pense, a joué quelque part pour me donner une espèce de conscience, inconsciemment d'ailleurs, mais une forme de conscience de la du pouvoir, de la géopolitique, de la politique, etc. Et donc c'est dix années plutôt heureuses jusqu'au moment où j'arrive en France pour rejoindre mon père avec le reste de la famille.

  • Speaker #0

    Et vous diriez que ça a influencé aussi esthétiquement quand même aussi, pas tout ce que vous avez fait,

  • Speaker #1

    mais tout ce que vous avez fait ? Je pense que oui, bien sûr, absolument. Je dessinais déjà à ce moment-là, j'ai commencé à dessiner. Alors je ne dessinais pas, je dessinais des cow-boys et des indiens. Mais je pense que la mémoire, la mémoire visuelle, olfactive, toutes les mémoires, quand on est gamin, c'est hyper important. On en magasine tout, on engrange, on est de forme d'éponge. Et tout ça, ça ressort après. C'est vrai que moi, je peux reconnaître, savoir ce qui sort, y compris dans mon imaginaire, ce qui sort de cette période de l'enfance.

  • Speaker #0

    Et donc, vous arrivez à Paris à 10 ans. Est-ce que l'arrivée à Paris a été une période heureuse ?

  • Speaker #1

    C'est une période plus compliquée. Changement de pays, changement de culture, changement de langue. Il faut apprendre la langue. Le changement de mode de vie, je dois dire, je ne vais pas m'étaler là-dessus, mais la vie à Paris, en banlieue, était beaucoup plus difficile qu'à Belgrade, pour des raisons économiques, donc ce n'était pas facile, je n'en dirais pas plus. Mais j'avais la langue française, je la maîtrise très vite, ma sœur qui a deux ans de plus que moi, on la maîtrise très vite, à l'école ça va vite, quand on a dix ans, il n'y a pas de problème. Et donc je découvre à ce moment-là la bande dessinée, maintenant la bande dessinée franco-belge. Alors Pilote, Tintin, Spirou, tous ces magazines pour la jeunesse. Et je découvre, en découvrant la langue française, dont je tombe amoureux littéralement, parce que vraiment je prends du plaisir à... pas trop à la parler d'ailleurs, mais plutôt à l'écrire. Et je vois que... La bande dessinée franco-belge, précisément, c'est un mélange de mes deux passions. Alors ma nouvelle passion qui est la langue française et la passion de Belgrade, d'attente de Belgrade, qui est celle du dessin. Et donc tout naturellement, je deviens passionné par la bande dessinée, par les récits, par ce que je peux lire. Et c'est comme ça que plus tard, je tenterai à ma chance un concours organisé par Pilote. J'ai 20 ans à ce moment-là, c'est la date limite. et je remporte le premier prix. Les choses se démarrent comme ça. Mais en tout cas, c'est une vie qui est liée. C'est là que je découvre la culture française. Je m'échappe souvent de chez moi, du petit chez moi, où il n'était pas forcément facile de vivre à quatre. Et je découvre le cinéma, les ciné-clubs au lycée, le cinéma à Paris avec des copains, puis la bande dessinée, puis la littérature. Enfin, tout ça, ça me... Ça me maintient, et la musique aussi. Moi, je n'avais pas de quoi écouter la musique chez moi, mais j'avais un copain qui était hyper bien équipé en hi-fi, donc on a créé comme ça un groupe. Et donc tous ces éléments culturels me stimulent et sont importants aussi pour la suite de ma propre vie.

  • Speaker #0

    Le résultat est que... Quelques années plus tard, en tout cas aujourd'hui,

  • Speaker #1

    vous êtes encore en Paris finalement. Paris, c'est chez vous ? Paris, c'est chez moi. Paris, ça sera toujours chez moi, mais j'ai découvert d'autres endroits. Belgrade, c'est toujours chez moi, vraiment. Chaque fois que j'y retourne, je suis très, très, très heureux de retourner à cette ville. Sarajevo, c'est chez moi. Sarajevo, c'est l'autre ville, c'est la ville de Bosnie, une région d'où est né mon père. Et c'est aussi ma ville. Sarajevo, j'ai une profonde affection pour cette ville. J'y ai des amis, j'y ai... Voilà, donc je ne suis pas tiraillé entre les deux, j'aime les deux et ça n'a pas été facile à un moment d'apprécier les deux, parce qu'il y a eu cette guerre absolument terrible, atroce, dans les années 90. Mais voilà, moi je sais faire preuve de nuance et voilà, j'entretiens d'excellents rapports avec Ludoville.

  • Speaker #0

    On le connaît, en tout cas dans le chessboxing, on le connaît tous, 92. la date,

  • Speaker #1

    entre 71 et 92 je sais qu'il se passe beaucoup de choses et moi je suis un peu de tout ce qui se passe mais je préfère que vous m'en parliez alors c'est des années où effectivement je commence, je suis publié à pilote donc j'étais au Beaux-Arts à ce moment là, j'entrais au Beaux-Arts j'avais été reçu au Beaux-Arts et bien reçu même plutôt mais j'ai laissé tomber au bout de 3 mois 3 mois de Beaux-Arts, c'est quand même pas mal pourquoi ? Parce que euh... Parce que précisément, Pilote m'offrait cette opportunité. d'ouvrir ses portes puisque je venais de remporter ce concours et aussi parce que j'étais vraiment très attiré par l'idée de raconter des histoires d'écrire, de dessiner, il y avait quelque chose, une forme d'urgence et au Beaux-Arts où j'étais, c'était vraiment une école prestigieuse évidemment mais on était dans du dessin pur, dans de la théorie et puis en même temps j'ai pas vraiment accroché avec l'ambiance des Beaux-Arts de cette époque vraiment Et donc j'ai vraiment abandonné assez rapidement et décidé de me consacrer réellement à la à l'avant dessinée donc à Pilote mais des récits courts d'abord inspiré de Lovecraft fantastique et puis je rencontre Pierre Christin qui malheureusement nous a nous a quitté il y a peu de temps donc Pierre avec lui on lance une série qui est on va dire de Politique fiction, une série assez politique, ce qui était assez nouveau. Ça, c'est sa part à lui. Il était prof de journalisme et très passionné de politique. En bande dessinée, à cette époque-là, la politique, on n'en faisait pas trop. La bande dessinée est quand même destinée aux enfants. Il y avait ce côté un peu classique, nostalgique. Et donc, on ouvre un peu les perspectives avec des récits. politiques, engagés même, ce qui sont mes premiers albums, La Croisière des Oubliés, Le vaisseau de pierre, La ville qui n'existait pas, et surtout, je dirais, Les phalanges de l'ordre noir et Parti de chasse, qui représentent les deux livres phares de notre collaboration, sur la politique à l'ordre international, les phalanges, c'est sur la résurgence d'une extrême droite et d'un terrorisme d'extrême droite en Europe, donc en liaison avec la... La guerre d'Espagne, donc on fait un lien entre les deux, le passé et le présent. Ça, c'est le début des années 80. Et puis Partizas, qui est un récit plutôt initié par moi, parce que je voulais qu'on fasse quelque chose sur les pays de l'Est. C'est la fin du communisme, c'est la perestroïka, etc. Bref, on était dans une espèce de vision d'un futur proche où le mur se tomberait. Et effectivement, il est tombé en 89. Donc ça, c'est notre collaboration entre les deux. Et parallèlement à ça, je fais aussi mes propres armes tout seul. Je fais des récits courts tout seul, en couleur directe. Et je fais deux albums, la Force Immortelle et la Fin Piège. La Fin Piège qui marquera aussi un tournant. Alors Pierre, il avait déjà cette idée. Il avait commencé avec Tardy une histoire qui s'appelait Rumors sur le Rue Erg, qui était un peu de cette veine qu'on appelait Légende d'aujourd'hui, qui raconte... dans certaines régions de France, enfin, des contextes politiques, sociaux, sociétaux même, et donc avec une dose de fantastique. Donc ça, c'est quelque chose qui vient de lui, l'aspect politique vient de lui, moi je vais ramener peut-être le côté fantastique, en insistant qu'il ait ce côté fantastique, mais en même temps, je veux dire, notre collaboration fonctionne très vite, tout de suite, parce que je pense aussi, tout ce que je disais un peu sur mon enfance belgradoise, à savoir la conscience inconsciente de la politique, de la géopolitique, des enjeux politiques du pouvoir. Toutes ces choses-là sont déjà, sont aussi dans la démarche de Pierre-Christophe. Donc on se retrouve là-dessus. Et c'est pour ça aussi que les deux albums, les deux qu'on est fait, les deux derniers, Les phalanges de l'ordre noir et Partie de chasse sont des albums qui vont marquer et qui vont faire passer, mais je dis ça en toute humilité, qui vont faire... passer de la bande dessinée dans un monde beaucoup plus adulte, reconnu notamment par le milieu intellectuel, universitaire. Ce sont des albums qui vont être diffusés dans les pays de l'Est, notamment, Parti de Chasse, diffusés dans les pays de l'Est, sous le manteau. Et c'est une forme de reconnaissance un peu de la bande dessinée adulte. Ce sont deux albums phares et moi, en même temps, donc en parallèle, je commence ma propre production d'auteur complet, écriture. Évidemment, j'étais très... Je suis vraiment passionné par l'écriture. Je reviens à cette idée de la langue française qui m'a séduit quand j'étais à l'âge de 13-14 ans, quand j'ai commencé à la maîtriser. Et donc, en parallèle, même au bout d'un moment, je donne la priorité à mon travail personnel. Je dis quand même un truc intéressant, parce que pourquoi on n'a pas continué après Parti de chasse ? Pierre-Christophe, c'est un mois, Parti de chasse qui est sorti en 83 ou 84. Pourquoi on n'a pas continué ? C'est parce que, vraiment, on s'est dit On est allé peut-être au bout de notre façon de fonctionner, dans la façon de fonctionner tous les deux, en termes de création, de vraie collaboration, et on s'est dit, on commence à avoir quand même des visions prémonitoires, donc c'est un peu embêtant, parce que tous les deux on avait eu envie de parler de la Troisième Guerre mondiale. Et on s'est dit, si on fait un album sur la troisième guerre mondiale, elle va avoir lieu, donc on va s'abstenir de le faire. Je dis ça un peu en blaguant. On a blagué là-dessus, mais on s'est arrêté là-dessus, sur la chute du communisme avec Parti de Chasse. Et on a continué après à travailler sur d'autres types de livres, qui ne sont pas du tout de l'avant-dessiné, mais on a continué à garder des liens et à travailler ensemble. Mais en tout cas, moi, c'était aussi ma façon de quitter la collaboration quel que soit le scénariste, en plus Pierre, je pense, était le meilleur, et donc je me consacre à partir de ce moment-là à mon travail personnel.

  • Speaker #0

    Seule, en fait, collaboration étroite avec quelqu'un ?

  • Speaker #1

    Étroite, oui, mais j'ai quand même travaillé avec Jean-Pierre Duvenet, on a fait Exterminator 17, quand même, qui est un livre qui a marqué aussi la période métalure. Mais le vrai échange, collaboration sur la durée, c'est avec Pierre Castagne.

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement,

  • Speaker #1

    Vous avez une vision prémonitoire, donc vous imaginez quelque chose ? La prémonition, elle vient... ça ne me vient pas comme ça. Un matin, je ne me lève pas en disant... Parlons de bug, par exemple. Bug, c'est un épée de Damoclès, le bug. Mais le bug général, tel que j'imagine, il est absolument... Je pense qu'il est inconcevable, parce qu'il y a des pare-feux à tous les niveaux. Donc moi, j'imagine le bug définitif, c'est-à-dire tout s'arrête immédiatement, et on ne sait pas pourquoi. Alors pourquoi on ne sait pas pourquoi ? Parce que simplement, ça vient... d'une entité extraterrestre. Donc là, pour l'instant, on ne peut pas. On ne sait pas, mais le bug a vraiment lieu. Donc ça, c'est peut-être aussi... C'est après, moi, ça m'a servi de leçon de faire Monstre, c'est-à-dire le Sommet du Monstre et toute la série après. Ça m'a servi de leçon. Pourquoi ? Parce que là, c'est la pire des prémonitions que j'ai eues et qui s'est réalisée, c'est celle de l'obscurantisme religieux. Ça, c'est sorti en 97, Sommet du Monstre, et j'imaginais, effectivement, des forces obscurantistes. qui s'attaque à l'Occident, à la liberté d'expression, à la liberté de penser, à la culture, bref. Mais ça, je dois dire que quand je l'ai écrit, je n'imaginais pas que ça arriverait. C'est arrivé avec le 11 septembre qui a axé cette espèce d'offensive de l'obscurantisme. Moi, j'avais fait une vision, on va dire, un peu globale des trois monothéismes. Je n'avais pas pointé du doigt un seul monothéisme, j'avais décidé que les trois. pouvaient s'associer par intérêt, des intérêts qui peuvent converger, évidemment, d'éliminer toute la pensée, la liberté de penser, bref, tout ce qu'un obscurantisme peut vouloir interdire. Donc, ça, ça m'a fait un choc, vraiment, parce que je ne m'y attendais pas. Et quand c'est arrivé, je n'ai pas réalisé. J'étais comme tout le monde. sidéré dans un état de sidération devant les images du 11 septembre. Je me demandais si ce n'était pas un film hollywoodien, si ce n'était pas une bande-annonce d'un film à effets spéciaux avec... Non, c'était la réalité. Et à ce moment-là, je ne réalise pas, c'est un ami qui me dit Mais tu te rends compte, ce que tu as prédit vient d'arriver. Et ça, ça m'a un peu glacé le sang, je me suis dit non pas que j'ai eu peur de mes visions, parce que... C'était pas si compliqué que ça, je pense que c'était pas si compliqué que ça, je pense que des politiques avisées le savaient, qui savaient qu'il y avait un danger, mais bon. Donc ça m'a un peu, ça a modifié complètement la suite de mon travail sur cette série, puisque j'avais asséché le sujet, le sujet était asséché par la réalité. Mais en tout cas, après j'ai bifurqué vers une vision plutôt écologique, on va dire. Le coup de sang, c'est la planète qui se révolte, c'est une fable. La planète se révolte contre l'homme, tout simplement, parce qu'elle considère que l'homme ne se comporte pas bien avec elle. Je crois qu'elle a raison, parce que l'homme lui a fait du mal, l'homme l'a maltraitée, et elle décide de se secouer les dos, comme si on les débarrasserait de puces, comme un chien. se débarrassent de puces, la planète se débarrasse d'une grande partie de l'humanité et restent des groupuscules d'humains qui survivent et qui cherchent un eldorado. Bref, c'est comme ça que partent mes récits, c'est toujours avec l'idée du futur. Qu'est-ce qui peut nous arriver ? C'est quoi ? Après l'obscurantisme, ça y est, il est là. Malheureusement, il est toujours là. Qu'est-ce qui peut arriver d'autre ? C'était le réchauffement climatique, on est dedans, on est toujours dedans. Et Bug fait partie de cette... Sauf que Bug, c'est tellement énorme qu'au-delà de Bug, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir d'autre. Donc il faut refaire une société planétaire complète. Il faut tout réinventer. Puisque plus rien de ce qu'on a inventé technologique ne marche.

  • Speaker #0

    Pour vous, on y va ? À la catastrophe technologique ? À Elon Musk avec ses robots ? Oui, oui, oui. Enfin voilà,

  • Speaker #1

    qu'est-ce que vous pensez de tout ça ? Ça m'excite évidemment, mais ça m'inquiète aussi. Ça m'inquiète, ça m'excite. Et voilà, je fais partie du bateau, on est tous à bord de ce Titanic. Alors pour l'instant, on espère qu'on ne va pas se taper l'iceberg qui va surgir devant nous. Non, c'est fascinant. Le bug peut provenir de ces technologies, évidemment, puisqu'on a créé des technologies qui sont exceptionnelles, extraordinaires, le numérique, tout ça, ça a modifié complètement le fonctionnement de l'état d'esprit de l'humain et même de l'esprit. C'est dangereux d'ailleurs, parce que ça produit des tas de... Ça va très très vite. En fait, c'est ça qui est désarmant, c'est l'accélération de tout, de la communication, de la... Alors ça a des effets, forcément... très déstabilisateur sur l'humain, sur nos relations entre... Il y a quelque chose qui dysfonctionne, moi je trouve. On ne va pas... Ce n'est pas le sujet, mais quelque part, il y a... Là, en deux jours, j'ai eu deux, trois affaires d'agressivité vis-à-vis de moi, simplement parce que l'exemple est tout bête. Il y a un feu rouge, moi je traverse, tout le monde traverse, et d'un coup, il me fonce dessus, il me poussait avec un bébé dedans, et un mec qui... qui foncent, qui zigzaguent au milieu des gens. Donc moi je fais oh là, oh là, le type m'agresse, m'insulte Je dis mais c'est quoi le problème ? Vous foncez sur des gens, là, comme ça, il y a des voitures et tout, c'est très dangereux, ce que vous faites pour votre enfant Non, le mec est dans l'agressivité. Et ça, c'est le simple fait qu'on ne communique plus, naturellement, normalement. Ce type-là, il était certainement, il a un enfant qui est bien réel, mais lui… dans sa tête, il était sur ses réseaux sociaux, dans son iPhone, dans ses réseaux, je ne sais pas dans quoi il était. Et ça, ça se retrouve un peu partout dans la société. Donc tout ça, ça peut produire des fonctionnements différents. Arrivent en plus des nouvelles technologies, par exemple, ça c'est un sujet extraordinaire, vaste, et en même temps, le plus inquiétant qu'il soit, c'est l'intelligence artificielle. Qu'est-ce que va se passer ? Qu'est-ce que va se passer en termes de, par exemple, sur le plan culturel ? de l'art, les arts. Moi, je suis très, évidemment, très impliqué dans la création. L'art, c'est ce qui me paraît essentiel à la santé mentale de l'humanité. Et ça, l'art, s'il bascule, s'il disparaît ou ne sort de la zone d'influence et de création de l'humain, ça va être très problématique. Donc, voilà. Tout ça, c'est un monde qui est en devenir. Moi, je le... Je le subis comme tout le monde. Et il me fascine. Et évidemment, c'est un terrain de jeu, c'est un terrain pour mes récits. Donc, il est évident que dans Bug, l'intelligence artificielle va avoir sa place dans le quatrième volume et le cinquième qui sera le dernier. Donc, moi, je lis aussi en fonction du rythme du développement de la société mondiale, de la technologie, de la science. Tout ça, ça me passionne, ça me fascine. Et je m'en sers, évidemment, comme d'un... C'est stimulant, forcément.

  • Speaker #0

    J'ai deux questions. La première, c'était, est-ce que c'est parce que vous, vous êtes pessimiste, ou est-ce que c'est plutôt vous chercher à mettre en garde, mais sans vous être particulièrement pessimiste ? Ça, c'est ma première question. Et la deuxième, c'était sur l'inspiration, justement. Où est-ce que vous avez cherché votre inspiration, mais que vous avez un petit peu répondu le même ?

  • Speaker #1

    Alors, le pessimisme, oui et non. Non, le pessimisme, on me dit souvent ça, on me dit, vous êtes pessimiste, vos histoires sont pessimistes. Non, je ne crois pas. Je crois que c'est... Alors moi j'ai une phrase que je ne sais plus qui a dit ça, je le trouve absolument génial. Un pessimiste, c'est un optimiste qui a compris. Donc la phrase est magnifique. Ça veut dire tout simplement, c'est une forme de lucidité. Je pense que je suis assez lucide. Alors effectivement, mes récits, ma atmosphère, mon graphisme, tout ça c'est assez sombre, on va dire sombre, pesant, inquiétant, on est d'accord là-dessus. Mais beaucoup de gens se font une idée de ce que je fais sans me lire vraiment. Ou alors ils lisent en diagonale, donc ils ne comprennent pas, ou ils n'aiment pas. C'est ce que je comprends, c'est tout à fait. Mais quand on me dit vous êtes pessimiste et sombre je dis non, si vous lisez bien, vous verrez qu'il y a de l'humour et du second degré et qu'il y a une distance. C'est-à-dire que tous les sujets que je traite, ces sujets graves et inquiétants de notre futur, je les traite avec une forme d'érision. Donc déjà, ça désamorce pas mal de choses et ça modifie la compréhension du sujet. Mais c'est vrai que je reviens sans doute à cette enfance de Belgrade, ce que je disais sur l'influence inconsciente de l'atmosphère politique et géopolitique qu'il y avait. En plus, il y avait le... Je reviens un peu sur cette période-là, parce que mon père était à Paris. Mon père était à Paris, il n'est venu qu'une seule fois en 4-5 ans. Il est revenu une seule fois et pas longtemps à Béval. Donc il y avait, en plus mon père avait été pendant la guerre, il avait été un compagnon de Tito. Il s'est battu aux côtés de Tito dans les partisans. Donc mon père était proche de Tito et à la fin de la guerre, il a été son tailleur pendant un moment. Il était tailleur, il faisait ses costumes, ses tenues de maréchal et tout ça. Donc tout ça c'était d'autant plus trouble parce que ma mère était dans une parano, quand on est gamin on ne comprend pas forcément, mais après j'ai compris que c'était très difficile d'être à Belgrade, alors que le mari est dans un pays occidental. Donc ça avait créé des visites régulières de la police secrète, mais quand... en manteau de cuir noir, donc ça rappelle quand même un peu la Gestapo, qui en pleine nuit venait taper quand même, pour voir si tout allait bien, si c'était quand même pas très agréable. Alors peut-être tout ça inconsciemment, ça a influencé ma vision du monde, mais j'ai pris vraiment de la distance, et je traite ça avec humour, même si ça ne m'amuse pas d'avoir tapé juste sur l'obscurantisme. Alors le reste de la question, c'est comment me vient l'inspiration ? Elle me vient de... D'abord, je voyage beaucoup, je m'intéresse au monde tel qu'il marche, je lis beaucoup la presse, je suis un grand consommateur d'informations, d'infos, et l'info, plus tout ça, ça occupe le cerveau, les choses viennent comme ça, les idées. C'est comme, on en parlera, mais le chess boxing, c'est venu comme ça. Ça n'est jamais arrivé de m'asseoir et de me dire, bon, qu'est-ce que je fais ? C'est jamais, je ne m'assois pas. Si je ne sais pas pourquoi. Donc c'est parce que j'ai un truc à faire, il y a une urgence. L'idée elle est là déjà. Et l'idée, elle ne se passe pas ni à mon bureau, mon ordinateur là où j'écris, ni à mes tables de travail, des scènes peintures, etc. Non, ça se passe dans la rue quand je marche, y compris quand je suis parfois avec des gens, des amis. Il paraît que je suis très très bon pour donner le chant, je donne le sentiment que j'écoute et que je participe alors que je ne suis pas du tout là. Ce qui est vrai. Je suis pas là. Et parfois même je suis meilleur quand je suis dans cette inconscience où je suis pas là et je donne l'impression vraiment de suivre les débats davantage que dans le réel. Quand j'écoute vraiment pour de bon, les gens disent mais tu t'en fous, tu écoutes pas Non, non, c'est très étrange comme truc. Donc je donne le change et souvent dans ces moments-là, je trouve des trucs. Je note pas ou je note peu. Alors ça m'a joué des tours et parfois j'ai eu des idées. Je ne vais pas noter, je m'en suis voulu, alors je ne sais pas si j'ai perdu quelque chose ou pas, mais en tout cas c'est perdu. Donc la création se fait ensuite, lorsque je sais où je vais, où je veux aller, après c'est un chemin. J'ai la chance aussi de ne pas devoir, lorsque je propose un livre, alors au cinéma c'est différent, mais en édition on ne me demande plus, au début on me demandait forcément, c'est normal. On ne me demande plus d'écrire un synopsis, de dire ce qu'elle raconte, comment ça se termine, maintenant je suis totalement libre, on me dit merci, bravo, allez-y. Forcément, mes éditeurs, je leur raconte ce que j'ai envie de faire, ils sont partants, et c'est très bien.

  • Speaker #0

    Il y a de la confiance entre vous et moi. Donc voilà, c'est comme ça que les choses... Donc j'ai une chance énorme d'être libre dans ce domaine-là. Le cinéma c'est très différent, il faut écrire un script, il faut budgéter. Là je suis en train de lire les affres de ce type de film que j'ai écrit, là il est deux fois trop cher, donc bref. taillé dedans, enfin bon ouais. Mais ça, ça fait partie de la règle du jeu.

  • Speaker #1

    Vous parlez beaucoup de la mémoire et du temps, et c'est deux des thèmes, des thématiques les plus connues en tout cas sur votre œuvre. Une thématique précise, c'est la mémoire collective. Le rapport à la mémoire est différent aujourd'hui parce que déjà tout est enregistré. Comment ça avance tout ça ? Et est-ce que ça va après forcément les choses changent ?

  • Speaker #0

    Ça fait partie du bug quand même de cette thématique-là. Mais la mémoire, il y a plusieurs mémoires. Mais il y en a au moins deux qui est la mémoire collective, qui est la grande mémoire historique. C'est un peu moi, c'est ce que j'ai vécu, qu'on vit tous. Mais au XXe siècle, j'ai l'impression que vous ne connaissez pas le XXe siècle. C'est un siècle où se sont passées tellement de choses incroyables, violentes, démentielles, littéralement, dans l'histoire de l'humanité. Je crois que c'est le siècle le plus important qu'on ait eu à vivre, ce qui est un peu normal. Les historiens me diront sans doute qu'ils ont sûrement d'autres idées. Ils diront que la Renaissance est plus importante, la Révolution, je ne sais pas. Je ne suis pas historien, mais pour moi, c'est quand même un siècle où... Il s'est passé énormément de choses. En plus, la deuxième moitié, évidemment, pas la première, mais la première, elle a laissé des traces très puissantes, très fortes. Donc, tout ça, c'est un monde qu'on ne peut pas oublier, qui fait partie de nous. Donc, ça, c'est la première mémoire. Elle est en danger aujourd'hui, mais c'est la première mémoire. Et le danger, c'est de la perdre. Donc, ça, on en parlera un petit peu après. La deuxième mémoire, en fait, c'est la mémoire individuelle. Donc, c'est sa propre vie. Dans cette grande mémoire historique, c'est sa propre vie. Donc celle-là, je l'ai aussi, mais je ne l'utilise pas personnellement. C'est-à-dire que je ne suis pas quelqu'un qui va faire des livres sur sa vie. Je ne veux pas dire moi, je, El Kibilah, quand j'étais petit, etc. Ça marche très fort. En bande dessinée, il y a énormément d'autofictions, on appelle ça l'autofiction. Il y en a qui font ça très très bien, mais moi, personnellement, ça ne m'intéresse pas. Ça ne m'intéresse pas de le faire pour moi. D'en lire, j'en lis un peu de temps en temps, mais ça ne m'intéresse pas non plus vraiment. Donc ma propre mémoire ne me sert qu'à filtrer la grande mémoire historique pour en faire des récits et me poser des questions sur le futur. C'est comme ça que ça fonctionne. Et donc à partir de ce moment-là, on est là effectivement, dans ce monde qui a subi une révolution incroyable, la plus grande des révolutions, plus grande que l'industrielle, plus grande que le butinbert, tout ça c'était extraordinaire. À côté de ce qu'on a vécu avec le numérique, c'est rien. Et cette révolution est tellement importante, énorme, tellement rapide et tellement globale, générale, qu'il y a eu un déficit de transmission terrible, comme une espèce de dépression où l'être humain n'a pas su, n'a pas eu le temps et n'a pas pu transmettre. C'est-à-dire qu'on n'a pas transmis à nos gamins, à nos enfants, beaucoup de choses que logiquement on aurait dû transmettre naturellement. Là, le simple fait que cette révolution soit arrivée, qu'il nous ait foutu devant un mur qu'il fallait maîtriser, il a fallu essayer de comprendre comment ça marchait, prendre le truc en marche, la technologie qui avance très très vite, et on s'est retrouvé très vite dépassé, je parle des adultes, ce qui fait que les gamins, nos enfants, ils ont dit Ah non, attends, papa, non, c'est pas comme ça que ça marche, je vais t'expliquer Et c'est les enfants qui ont expliqué aux adultes comment marchait ce nouveau monde. Donc ça, c'est quand même un truc assez incroyable. Et ça, ça a créé ce fossé où toute une série de connaissances ou d'intuitions n'ont pas été transmises. Donc, on est face à ce monde-là, ce nouveau monde qui va, et qui, quelque part, essaye inconsciemment peut-être de gommer l'ancien, en se disant, voilà, on ne peut pas tout porter en nous, on ne peut pas avoir tout le même. On peut garder des photos, on peut garder tout, mais on ne va pas s'en occuper de ça. Il faut bâtir autre chose. Et c'est vrai, il faut bâtir autre chose. Parce qu'en plus, notre monde à nous, notre démocratie, notre Occident, on parle pour nous, on est en Occident, est en train de s'effondrer sur lui-même. Donc, tout ça, c'est passionnant, ce qui va se passer. Mais là-dessus, je ne peux avoir que moi des visions. d'expliquer comment je vois les choses. Mais je n'ai pas envie de le faire parce que je crois que c'est beaucoup plus grave que la chute du mur. On est dans quelque chose d'un peu d'existentiel, planétaire. Et là, je suis très content d'avoir Bug comme sujet parce que le Bug englobe tout. Et puis, je m'amuse de cette série. Je suis dans le numéro 4 et je me pose des questions avec mon personnage principal qui est... Je me pose la question de savoir ce qui va lui arriver dans les prochaines pages. J'en suis là. C'est ça qui est drôle. C'est que je sais que je connais la fin. La fin, je ne l'appliquerai qu'à la fin du 5. Mais là, j'avance avec mes personnages. Donc, mon pauvre personnage de Hobbes, qui a toute la mémoire du monde en tête, est quand même très mal barré parce qu'il est sous la domination du bug négatif, celui du mal. Et le mal, il est en train d'accomplir le mal. Et il ne se rend pas compte, il est très heureux d'accomplir le mal. Donc c'est quand même très embêtant pour sa fille, pour toute l'humanité entière. Il fait vraiment du mal. Donc ça ne va pas durer parce que sinon ce serait trop déprimant. Mais en tout cas, je me suis lancé sur cette piste-là et je suis obligé maintenant de la gérer et de m'en sortir. Donc de l'en sortir lui. Donc c'est ça mes préoccupations du moment. Ce n'est pas la fin du monde, c'est comment Hobbes sort de... de cette horrible situation où il est en train de faire du mal.

  • Speaker #1

    Et vous travaillez d'abord sur le texte et après sur les images ou c'est en même temps ?

  • Speaker #0

    C'est en même temps.

  • Speaker #1

    Toujours en même temps ?

  • Speaker #0

    Maintenant, oui.

  • Speaker #1

    D'accord,

  • Speaker #0

    et donc vous nourrissez vraiment ? Oui, oui, oui. Alors, bien moi je pense, je sais ce que je vais dessiner à la scène, c'est comme un film, on déroule des trucs, voilà, ça va se passer ça, mais j'écris vraiment les dialogues, ça j'écris directement sur l'ordinateur. Quand je monte mes dessins, je monte les cases, et je l'ai peint après ou peu importe mais en tout cas je déroule le truc et j'écris directement avant j'écrivais à part le script, le scénario, je rajoutais les dialogues maintenant je fais tout sur le même logiciel et c'est très très bien et vraiment j'ai l'impression d'être plus certaine partie de la bande dessinée depuis très longtemps plus grand chose à voir avec les gens qui gèrent la bande dessinée globalement je parle pas de mes éditeurs ou de mes amis proches mais voilà j'ai été entre guillemets lâchée et délaissée par le monde classique traditionnel de la bande dessinée. Ce sont des gens qui me reconnaissent, mais en même temps je ne fais pas partie de leur monde et je leur ai échappé. De n'appartenir ni à ce monde-là, ni à celui du cinéma, ni à celui de l'art contemporain, j'ai l'impression d'être un électron libre, mais qui est très heureux de sa liberté.

  • Speaker #1

    Vous avez une grande carrière, vous avez de la reconnaissance de l'état. père qui,

  • Speaker #0

    bon, vous le dites quand même,

  • Speaker #1

    il y a un certain nombre de filles, des choses pas simples. Qu'est-ce que vous diriez à la personne de 16 ans qui refuse, qui joue des beaux-arts,

  • Speaker #0

    ou qui fait le pouvoir de pilote ? Qu'est-ce que vous pensez de vous ? On ne m'a jamais posé la question, donc ce n'est pas une question. Non, non, mais je vois très bien ce que vous voulez dire. Mais non, non, mais c'est intéressant. Je me dirais quand même que j'ai réussi quand même. Non, non, mais pas au sens que j'ai réussi à faire. En fait, c'est ça qui est très étrange, c'est que j'ai l'impression d'avoir réussi à la fois à, comment dire, pas à satisfaire, parce qu'on n'est jamais satisfait, mais toutes mes passions de ce moment-là d'adolescence, le moment où je me suis constitué en apprenant la langue française, en allant au lycée, en découvrant la musique, le cinéma, la littérature, mes amis, mes copains, ce petit groupe-là qui n'existe plus, mais j'ai l'impression que finalement, finalement, j'ai tout. J'aurais goûté à tout, c'est-à-dire que l'écriture, le dessin, évidemment. Mais l'écriture, j'écris des livres aussi qui ne sont pas dans la bande dessinée. J'ai le cinéma. Le cinéma, c'est quelque chose qui me... Gamma, à Belgrade, j'allais voir beaucoup de films, tous les dimanches, j'allais voir des films. Puis à la Garenne-Colombe, en banlieue, je fuyais de chez moi, c'était pour aller voir des films. Donc j'ai essayé... frustré parce que j'aurais aimé faire plus et cinéma est mieux c'est compliqué en trois films de voilà mais j'ai fait des films qui me ce qui me ressemble sont pas des films formatés donc voilà je me dirais mais bien bah écoute tu es pas mal démerdé quand même en est en restant en restant honnête, je veux dire intellectuellement honnête dans ma démarche. J'ai pas l'impression d'avoir fait de compromissions ou de trucs tordus. Vraiment, j'y suis allé à fond. Ça passe ou ça casse. J'ai perdu beaucoup de temps. Je n'ai pas fait non plus les choses pour l'argent, surtout pas. J'ai perdu des mois et des mois à écrire des trucs qui ne se sont jamais faits, par passion, par envie de, du cinéma notamment, des trois projets de films qui sont... qui ont failli se faire, et qui ne se sont pas faits au dernier moment. C'est toujours trop cher, c'est toujours trop ambitieux. Ça, ça me fait mal quand j'entends quelqu'un me dire Non, on ne vous suit pas parce que c'est trop ambitieux votre truc. C'est quoi ? Faut faire du formatage ? Ben oui, il faut faire du formatage. Mais j'ai perdu du temps, mais je n'ai pas perdu le temps parce que j'ai pris du plaisir à écrire un truc qui ne sera jamais monté au cinéma, mais ce n'est pas grave, ça fait partie des dégâts collatéraux de ma démarche.

  • Speaker #1

    Et je rebondis sur ça, est-ce qu'il y a un… un projet en particulier ou une décision ou un choix que vous regrettez d'avoir fait ou pas fait ou quelque chose que vous considérez comme un échec, un regret ou un échec, quelque chose qui vous a marqué ?

  • Speaker #0

    C'est lié en bande dessinée ou en littéraire, en bande dessinée, dans l'édition. Dans l'édition, je n'ai quand même pas vraiment de regrets, pas du tout. Parce que quand je me trompais de route sur un récit, dans un récit, je m'arrêtais à temps. Donc j'ai très peu gaspillé Je n'ai pas eu de fausse route. Je maîtrisais toujours ma démarche. Le cinéma, c'est plus délicat, c'est plus compliqué. Là, j'ai des frustrations, notamment sur mon troisième film, avec des effets 3D qui ne sont pas ratés, mais on n'était pas suffisamment armés, ni financièrement, ni technologiquement, pour que ce soit réussi. Donc ça, je m'en veux de m'être laissé embarquer par des... Un système de production un peu... pas forcément très très bien. Je ne parle pas du producteur lui-même, mais de tout ce qui est autour. Donc j'ai forcément des frustrations, mais pas un regret, mais non, surtout pas.

  • Speaker #1

    Alors j'ai entendu dire que vous étiez sportif, et que le sport avait une grande place dans votre vie. Alors il y a peu de choses sur ça dans les médias, c'est vrai que ce n'est pas ce dont on parle.

  • Speaker #0

    Non, non. Moi je me suis dit que c'était un petit peu... Pourquoi le sport est présent dans mes... on va arriver à un autre sujet, pourquoi le sport est présent dans mes histoires, dans mes récits, il est présent parce que simplement, le sport a toujours été, notamment au XXe siècle, lorsque il y avait l'opposition entre les deux blocs, c'était une vitrine, deux vitrines qui s'affrontaient. C'était quand même au moment des Jeux Olympiques, c'est celui qui aura le plus de médailles, et d'un côté il y avait les États-Unis, et de l'autre l'Union Soviétique, puis le RSS. Donc c'était les deux grands... Et ces vitrines sont hyper importantes, ça a donné lieu à du dopage, à des tas de choses très malhonnêtes, parce que simplement les enjeux sont énormes. Ça contient un peuple, c'est l'opium du peuple, on va dire. Quand je suis arrivé de Belgrade à Paris, pas tout de suite, mais après, quand j'ai commencé à connaître, à fréquenter le monde, même le monde intellectuel, Je me suis rendu compte très vite qu'en France, les intellectuels méprisaient le sport. Ils méprisaient ça. Je suis crétin, etc. Alors qu'à Belgrade et dans les pays de l'Est, au contraire, tous les intellectuels, ils avaient tous leur équipe favorite, ils connaissaient le nom de tous les joueurs de foot, ils jouaient aux échecs. Tout ça faisait partie en même temps de la vie de la société et le sport était considéré comme quelque chose de... un prolongement carrément de l'intelligence de l'humain voilà donc ça ça m'avait frappé quand je suis arrivé en france donc voilà moi j'ai continué sport et je mettais dans tous mes récits le sport était présent alors ça a été une sorte de hockey sur glace très violent dans la force immortelle d'autres sports enfin bon c'était toujours présent j'ai fait un livre sur le football avec patrick covin mais un truc très libre pas du tout et et puis voilà et Et quand j'arrive à Froid-Équateur, c'est une société où tout est noté, un peu comme les sociétés d'aujourd'hui avec des clics du genre, tout est noté sur des échelles de valeurs, tout, l'intelligence, l'élégance, la culture. Bref, à tous les niveaux, on est noté. Il faut être au maximum. Et donc, il manquait une échelle, il manquait un sport pour... pour que l'échec de l'accomplissement sportif du corps soit... et son rôle dans le récit, dans le portrait de cette société, du froid équateur. Et là, je cherche un sport qui n'existe pas, mais qui serait un truc, un mix. Et là, ça arrive en une fraction de seconde. On ne sait pas comment ça arrive, ça. Je me dis, mais les échecs... Les échecs pour moi c'est un sport et que effectivement quand j'étais gamin... À Belgrade, dans les journaux, je regardais les photos des footballeurs, mais en bas de chaque page de sport, il y avait une double colonne qui était réservée aux échecs, où on décortiquait les parties d'échecs des grands champions. Donc ça faisait partie du sport. Et donc là, je pense que tout ça, les échecs, c'est imposé comme ça, comme un sport de l'intelligence, de l'esprit. Et en opposition vient tout de suite, je me dis, la boxe. C'est arrivé comme ça en une fraction de seconde, j'ai dit l'idée est géniale, je la garde. Et je l'ai développée dans l'album sur une séquence qui était importante, mais voilà, mais c'est pas le sujet de l'album, c'est juste une séquence dans l'album. Et là je reçois un mail de Hyper Rubing, je connais pas, en plus c'est un nom étrange, I-E-P-E, Rubing et Rubing H, ça m'intrigue. Et il me dit voilà, je suis artiste néerlandais, je me suis installé à Berlin, je... J'ai découvert votre sport dans trois équateurs, le Chess Boxing, je trouve cette idée formidable. Vraiment, j'ai envie de la mettre en pratique. Moi-même, je suis artiste, donc il m'explique ce qu'il fait. Il m'envoie un peu des liens montrant qu'effectivement, il fait des installations, des trucs assez dingues. Et je dis voilà, je vais essayer d'organiser, je pense que c'est à Amsterdam qu'il voulait le faire, un combat, une première démonstration du Chess Boxing. Alors ça, ça me plaît, ça m'amuse, ça me fait... C'est sourire, ça fait plaisir, mais en même temps j'étais tellement pris dans mes trucs, j'oublie, je réponds même pas. Je réponds même pas. Et quelques années plus tard, un journaliste me dit Mais tu es au courant de cette histoire de chess boxing ? Je dis Ah bon, ah oui, qu'est-ce que c'est ? Il me dit À Berlin, apparemment il y a une... Il y a une fédération internationale, c'est génial, ça m'amuse. Et les choses s'enchaînent, alors étrangement, Antoine de Cônes, je ne le connaissais très peu, on s'était croisés comme ça une fois, il m'appelle et me dit, je fais une série de portraits, de reportages sur des villes. Alors il avait fait Los Angeles, Londres, il dit je fais Berlin en ce moment, et j'aimerais, si tu en es d'accord, t'emmener pour un petit tournage, je voudrais te faire une surprise. Et là, j'ai compris que c'était ça la surprise. Je savais que la Fédération était là-bas et j'étais sûr que c'était ça. Et effectivement, ça a été ça. Il me fait rencontrer Ypé devant les caméras. On se rencontre, c'est un mec super, une très belle rencontre. Il nous emmène, toute l'équipe et moi, tout est filmé dans la Fédération. Dans la Fédération, c'est une espèce de hangar où il y a un ring. Je vois des athlètes sauter à la corde, Pouching Ball, tous les trucs de la boxe. Et aussi toute une série d'échiqués comme ça, en blitz. Le blitz, c'est effectivement quand on joue très très vite aux échecs sans réfléchir quasiment. Et ça sent la sueur là-dedans. Et donc on assiste à une démonstration. Et là je suis bluffé littéralement par la qualité. des échecs ça se voit on voit tout de suite mais je suis pas un grand spécialiste je joue aux échecs et j'ai joué beaucoup mais c'est du sérieux je ne sais pas ce bricolage et en boxe à ses ans si ça tombe pas les mecs sont sont affûtés physiquement à rien des bulgares est allemand ukrainien russe avait un peu de ma mélange voilà on sait on sait à ce moment là que ces pays là vont des les premiers à être preneur, c'est dans la culture. Et donc là, j'assiste à ça et c'est comme ça qu'il peut m'expliquer qu'il veut aller plus loin. Après, on organise chez Arcurial à Paris, une zone de vente avec laquelle je travaille souvent, on organise une démonstration de chestboxing. Ça se passe très très bien, je fais une peinture qui est vendue aux enchères pour... pour la bonne cause du chest boxing.

  • Speaker #1

    Je voulais vous parler un petit peu d'IP.

  • Speaker #0

    IP, je le voyais de manière tout à fait épisodique, comme ça quand il venait à Paris on se voyait, on m'envoyait des nouvelles. En fait on se voyait peu, parce qu'on n'avait pas forcément à se voir beaucoup, mais en tout cas il me tenait au courant. Moi j'étais là derrière lui, je suis le parrain de cette histoire, je la suis, je suis avec toi, donc j'ai quand même financé un peu avec cette vente. Et on essaye, donc le but c'était d'asseoir le... de le faire connaître, il a réussi à le faire. Fédération internationale, ensuite Fédération nationale, il y en a eu beaucoup. Et alors que ça prend de l'importance dans beaucoup de pays d'Europe, en Angleterre notamment, les pays de l'Est, Russie aussi, en plus il y a après l'Iran, l'Inde. Les Etats-Unis ? Bref.

  • Speaker #1

    Vous avez inventé ce sport, comme vous expliquez, en fait, en 92. Après, vous faites autre chose. Oui. En fait, vous n'avez pas vocation à développer un sport. Non, non. Vous êtes bien chargé.

  • Speaker #0

    En plus, je ne me sens pas en état de le pratiquer. L'échec, je vais bien, mais la boxe, je n'ai pas envie. Et donc...

  • Speaker #1

    vous laissez en fait type et entre guillemets s'emparer en tout cas de ce concept et pour les développer ça vous suivez je soutiens vous soutenez et après qu'est ce qui se passe cette rencontre là c'est guillaume qui apparaît en disant voilà je voilà

  • Speaker #0

    voilà donc il est celui qui a envie de faire bouger les choses en france donc enfin c'est le premier il prend les choses en Donc moi je trouve ça super, je rencontre, on fait des interviews, je suis filmé, il y a plein de choses comme ça. Et puis arrive malheureusement cette terrible nouvelle où Ypé n'est plus là. Ypé meurt de manière tout à fait incroyable, allongé comme ça dans l'après-midi, ses lunettes dans la main, son portable, un bon FC Sidéran, il paraissait en pleine santé. c'était un truc de fou donc il nous laisse un peu d'orphelin quoi de tout ça et guillaume alors moi ça m'a donné un coup parce que je ne comprenais plus quoi pourquoi c'est pourquoi il était parti c'était hallucinant et la présence de guillaume il a lui il a vraiment pris les choses en main pour le territoire français mais aussi pour le reste. C'est quelqu'un qui a une grande générosité, une capacité d'action qui est incroyable et il va au bout des choses. ça a été une superbe rencontre et il donc il fait voilà il fait passer un peu plus facilement la pilule de disparition d'ip et donc il a et voilà il est à l'oeuvre moi je sais de voir quand je peux je suis présent là on a fait une très belle chose très belle prestation à l'onapien qui c'est un père qui s'est arrêté un peu brutalement on va dire mais ce qui a montré en même temps même si c'est ça a été frustrant le carreau très rapide première rente de boxe Ça a montré à quel point c'était sérieux. On ne s'est pas rigolé, on a eu peur.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous retenez ? Évidemment, il y a ce chaos qui va être ce qu'on retient le plus. Mais on se disait, pour les personnes qui pensent que le chessboxing, c'est un peu... ridicule, c'est un peu loufoque, c'est un peu je sais pas quoi là en fait on voit bien que non c'est pas le cas qu'est-ce que entre eux cette première fois où vous allez à Berlin dans ce hangar qui sent la transpiration et on se retrouve à l'Olympia, donc vous ne l'avez pas expliqué. Après, je ne sais pas combien de personnes qui nous écouteront savent le contexte.

  • Speaker #0

    Le contexte, c'était au début des Jeux Olympiques, donc c'était le lien entre la culture et le sport. Il y a eu trois soirées à l'Olympia avec des très, très beaux spectacles, enfin des choses de mise en lumière d'activités incroyables liées au sport et à la culture, à la performance culturelle. et artistique et sportive et donc nous on était à une soirée pour le chess boxing et ça c'est alors six choses importantes il y avait aussi un combat féminin et on a on a bien soigné on a bien soigné la présentation le look j'avais dessiné un peu des costumes Les peignoirs, les shorts, des trucs un peu délirants, mais on a fait très fort, c'était très beau, très élégant je trouve. Musique, une vraie mise en condition du spectateur, la salle était pleine. bondé la salle de l'Olympia, on se dit quand même, c'est à l'historique, c'est vrai que quand on traîne dans les coulisses, on voit les photos, les mains de tous les artistes, c'est assez sidérant, je voyais la toute petite main de Claude Nougaro, il a une toute petite main, pas un petit chanteur, et donc tous les autres, et donc la soirée se passe très très bien avec ce premier combat entre une française de banlieue et une indienne très beau combat l'indienne gagne mais en tout cas c'était superbe là on a vu quand même aussi qu'elle y allait c'est à la fois élégant, beau et c'est violent c'est violent et puis la violence aussi qu'on n'imagine pas et je pense que là les gens sont sensibles la violence c'est la violence des jeux d'échecs qui produit une forme de violence qui est Une violence sourde rentrée, une tension, voilà. La tension est très très violente, on le voit en plus avec ce grand tableau où le déplacement des pièces est indiqué et le commentaire. Parce que c'est très sophistiqué en fait, le commentaire de maître d'échecs, de grand maître d'échecs, qui, pour que le public comprenne un peu, explique l'évolution du jeu d'échecs. Pour la boxe, pas besoin d'expliquer, on voit. Et voilà, donc le décor est très très bien, le premier combat est très très bien, féminin, et le second, de très haut niveau, deux champions, et là, tension énorme aux échecs, premier round, toujours par... on commence par les échecs et ensuite, le premier round de boxe, et là, au bout d'une minute, 1 minute 30, un chaos incroyable, et le tenant, le plus âgé, perd face au challenger, le plus jeune. On a eu peur, très peur, parce que ça a été un vrai chaos et qu'il y a eu une immobilité longue. Le rideau s'est fermé, on a fermé le rideau. Guillaume a hurlé, on ferme. Le rideau s'est fermé, nous on a été sur la scène, et puis heureusement, vu l'œil s'ouvrir, tout de suite une annonce dans la salle. Et ça, c'est vrai que c'est frustrant, parce qu'on n'a pas pu voir, ça aurait été un superbe combat, magnifique, on n'a pas pu le voir se dérouler, mais malgré tout, je pense que les gens, de cette frustration, ils auront vu quelque chose de vrai. de sérieux, je dis ça avec vraiment sérieux, d'encadré, et puis c'est pas, je suis désolé, les nouvelles disciplines aux Jeux Olympiques, pourquoi les acrobaties en skate ou je ne sais quoi, il y a des trucs, je suis désolé, c'est super à voir, mais comment départager, c'est quoi le truc, c'est quoi ? Alors ceux qui se moquent du chestboxing, qui regardent un peu le curling par exemple, c'est Hippe qui me disait, le curling est bien aux Jeux Olympiques, pourquoi le chestboxing n'y serait pas, évidemment. Ce que je trouvais très beau, c'est que derrière, sur scène, derrière le ring, on voyait la salle et tout, et il y avait une solidarité, une famille. Et ça, c'est très beau. J'étais vraiment derrière le ring, donc sur scène, et je les voyais se préparer. Ils arrivent, ils montent sur scène, ils montent sur le ring. Et j'ai vu Valentin extrêmement concentré, mais très concentré. Il m'a fait presque peur. Et je voyais notre camarade arriver souriant, tout ça, se marrant. Il avait son passé derrière lui. Carl, là, et il a... Et je me suis dit, c'est bizarre, il n'est pas dans le coup. Il avait l'impression qu'il faisait partie du spectacle et qu'il se regardait, lui. Il était là, c'est génial, j'ai une superbe peignoir. Ouais, c'est génial. Et alors que Valentin, il était... Et la même chose un peu avec les deux filles. Tout à fait d'accord. Elle aussi, elle est arrivée. Et l'Indienne, je voyais la coach de l'Indienne. Chose émouvante aussi, l'Indienne, quand elle m'a vue avec sa coach, vraiment, c'est comme ça, elle m'a remercié, la coach aussi m'a remercié. Merci beaucoup. Alors en fait, j'ai compris, c'est qu'elles ont une vie, elles vivent de ça. Et donc j'ai inventé le métier. qui les nourrit. Et ça, c'était très émouvant, très très émouvant. Et donc, c'est marrant, mais ceux qui étaient dans la compétition et dans l'envie de gagner, ils ont gagné. Et c'est parfait, c'est ça. C'est ça.

  • Speaker #1

    Non mais c'est vrai que c'est ça qui peut être peut-être une des choses gratifiantes pour vous.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça c'est le sujet, bien sûr. Ça et une autre histoire. Là, l'histoire, les multiples histoires dans les banlieues. où il y a énormément de jeunes qui se mettent alors qui sont dans la boxe parce qu'ils bagarrent dans la rue, mais ils se mettent aux échecs et ils se mettent finalement à faire du chess boxing. Et ça, c'est incroyable. Et Guillaume fait un boulot incroyable là-dessus. Et il m'a raconté ça. Et j'ai vu, j'ai rencontré des tas de jeunes qui trouvent dans ce combat une forme d'exutoire, une forme de... Et Kenza, il en parle très, très bien. Et c'est peut-être la beauté d'un sport ou d'un art. Voilà, il se trouve.

  • Speaker #1

    On trouve du sens à l'envie grâce à ça.

  • Speaker #0

    C'est la plus belle à voir. Moi, c'est ce qui me touche, parce que je ne m'attendais pas à ça, évidemment. J'ai eu une idée un peu farfelue, dessinée, machin, etc. Moi, j'étais content, je me marrais. Et c'est devenu ça. Donc ça, c'est magnifique. Début,

  • Speaker #1

    ça fait 32 ans maintenant.

  • Speaker #0

    Ça fait déjà 32 ans. C'est incroyable. 2003, donc 21 ans,

  • Speaker #1

    qu'il y a eu la première démonstration. En France, Thomas Cazeneuve a commencé en 2017.

  • Speaker #0

    Oui, donc...

  • Speaker #1

    La fédération a été créée en 2019, il y a eu le Covid. Donc voilà, tout ça pour dire que c'est encore...

  • Speaker #0

    C'est un bébé,

  • Speaker #1

    oui....quel on travaille activement avec Guillaume et autres personnes sur ça. Pour vous, sachant qu'il y a tout à faire, en fait, pour concrétiser cette idée de ce dessin, c'est quoi les priorités pour la fédé française et pour la fédé internationale ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne suis pas dans la technique, dans les droits, les fonctionnements, je ne suis pas du tout, je ne suis pas doué pour ça. Mais déjà, que la Fédération française soit sérieuse et soit crédible, elle l'est, je pense, vraiment. Donc, il y a la Fédération internationale qui chapeaute le tout. Donc là, c'est là qu'il faut que ce soit solide, à mon avis. Pour que, moi, je ne sais pas comment ça marche, j'ai peur que ce soit compliqué, parce qu'il y a des lobbies. L'olympisme, c'est joli en soi, c'est des anneaux, on dit que c'est magnifique, un esprit saint dans un corps saint, mais je ne suis pas sûr que ça marche comme ça. Mais j'aimerais bien, parce qu'il n'y a aucune raison qu'un sport comme celui-là ne soit pas olympique, parce qu'en fait, c'est le sport qui ressemble le plus à l'esprit olympique grec des origines. Donc, je ne sais pas, ces histoires de lobby, je ne sais pas comment ça fonctionne, mais là, c'est un sport neuf qui a une... Il y a une philosophie, c'est un concept qui, pour moi, il est imparable. Je ne vois pas quels pourraient être les arguments pour expliquer que ce sport, non, ne convient pas, alors que d'autres, ils sont des sports de pur spectacle, qui n'ont aucun sens. J'ai vu du hip-hop, je ne sais pas, il y a eu des... c'est grotesque. On ne va pas donner des médailles, il n'y a pas de vainqueur, comment on détermine un vainqueur ? Mais donc je ne sais pas, je ne sais pas comment ça marche. Donc le plus difficile, c'est ça, c'est d'avoir un lobby soi-même.

  • Speaker #1

    Même s'il y a tout à faire, c'est quand même en train de se développer, de plus en plus de pays, de plus en plus de gens. Pour vous, quelles pourraient être les dérives possibles, en tout cas ? À quoi est-ce qu'il faut être vigilant peut-être ?

  • Speaker #0

    Peut-être, alors, essayer de garder la notion, la rigueur du sport. Essayer de garder cette idée-là, que nous-mêmes on considère comme un sport. qu'on ne considère pas comme un spectacle, ne pas glisser vers le spectaculaire, même si chaque sport a sa part de spectacle, il faut l'intégrer. Le foot, c'est du spectacle aussi maintenant. Donc ça, il ne faut pas basculer. Ça, c'est une chose. Et autre chose très importante, c'est essayer de... Alors ça, c'est le travail de pédagogie, surtout dans ce monde-là, le monde d'aujourd'hui, qui est un monde où tout va trop vite. Parce qu'il y a un truc quand même qui est spécifique à ce sport, c'est un oxymore à plein de degrés. Il y a un oxymore aussi, c'est dans la vitesse. La boxe, c'est la vitesse, c'est l'instinct, c'est l'instinct et la stratégie bien sûr. Et les échecs, c'est, alors c'est pas la lenteur, mais c'est la pensée. Donc ce sont deux mondes qui ne cheminent pas de la même manière du tout. Et donc l'idée c'est d'essayer de faire de la pédagogie sur l'ensemble et sur les échecs. Je pense qu'il faut valoriser les échecs, mais en même temps, comme c'est un package, il faut vendre le package, il faut vendre la spécificité, l'originalité du sport là-dessus. Et ça va venir avec des... il faut qu'il y ait des champions, alors il faut médiatiser ces champions. Donc ça, je pense que c'est important. Il faut rester sur la pureté de ce sport. Il y a une forme de pureté là qu'il ne faut pas abîmer. Je pense que les règles sont en place, c'est vachement bien de les faire élever. il faut toujours ajuster un peu les choses.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez que comme c'est encore le début, il faut être très strict sur le cadre qu'on veut poser, ou est-ce qu'il faut quand même autoriser les gens à être libres sur leur perspective et leur perception du sport ?

  • Speaker #0

    Déjà, c'est ce que me disait Guillaume, il me disait que les Anglais voulaient modifier des règles. Les Anglais, déjà, ils essaient de s'approprier le truc. Moi, je pense que c'est la Fédération internationale qui doit gérer ça, essayer de... Mais est-ce qu'elle a le pouvoir ? Non, parce que c'est pas... Puis il suffit de voir même, au foot, les choses, ça se tire dans les pattes à tous les niveaux, donc c'est... Non, non, bien sûr que non. Bien sûr que non.

  • Speaker #1

    Et alors, pour terminer, on... terminé, j'ai une dernière question. Est-ce que vous aurez quelque chose à conseiller à des personnes qui veulent créer, que ce soit artistiquement, technologiquement, dans l'entrepreneuriat, dans le sport, peu importe, ou qui pensent que tout a déjà été créé ?

  • Speaker #0

    D'abord, surtout ne jamais penser ça, que tout n'est pas... Non, non. Les choses s'enchaînent, se multiplient, se métissent, s'hybridifient. Donc... Il ne faut pas partir avec l'idée d'inventer quelque chose qui n'a jamais existé. C'est un peu si ça n'existe pas déjà en soi. Tout est un enchaînement. Par contre, quand une idée germe, déjà, à ce moment-là, on est son premier juge. Il faut savoir si l'idée est jouable ou pas, si elle peut se développer, si elle peut déboucher sur quelque chose. Si on a cette intuition, même l'intuition suffit, à ce moment-là, il faut y aller à fond. C'est tout. Je pense que c'est ça. Essayer de partager le truc. Ça, après, c'est l'histoire de la vie. Je pense qu'on est dans une période où... Alors, on parlait un peu de géopolitique. Je disais que l'Occident était un peu en chute libre. Mais c'est des idées comme ça. C'est une génération de gens qui ont des idées. Alors, avec les nouvelles technologies qui sont là, à la portée de main, donc déjà, être vigilant, ne pas essayer de les utiliser à bon escient. Mais en même temps, ce sont des outils incroyables qui peuvent aider à créer des idées d'un monde nouveau. C'est clair. On est face à quelque chose qui va être très surpris. La culture va changer énormément. L'art, tout ça, ça va bouger terriblement. C'est un réflexe de survie de l'humain que dans des périodes comme celle-ci, qui sont des périodes de doute et d'angoisse. On est angoissé par tout ce qui se passe. On ne peut pas le nier. globalement, je parle du monde, je ne parle même pas seulement de la France, il y a des moments de sidération, où on est tétanisé, c'est qu'on est en train de vivre ce moment-là. Je pense que vraiment, tout paraît plus difficile, les projets se montrent plus difficilement, on dit tout ça c'est en crise. On est dans ce moment de sidération, de tétanisation un peu, mais à un moment, forcément, il y a l'instinct de... le survie qui revient et là l'énergie arrive. C'est comme moi je parlais tout à l'heure de Belgrade et de Sarajevo, moi j'ai connu Sarajevo, j'étais à Sarajevo pendant la guerre, avant la fin, vraiment vers les dernières semaines de guerre, mais j'y suis allé et j'ai vécu des choses incroyables et lorsque ça s'est terminé, j'ai senti la dépression des gens de Sarajevo. Le fait que la guerre se soit arrêtée, ils sont tombés en dépression parce que finalement cette guerre leur a donné une énergie de survie et un sens à leur vie. Complètement, c'était assez émouvant d'aller jouer une pièce de théâtre alors que les snipers étaient... dans les collines, alors que les bombes tombaient par ici ou là, des histoires incroyables qui se sont créées d'humanité, de création, d'audace, d'amour, des belles histoires d'amour, il y a plein de choses comme ça. Et lorsque ça s'arrête, c'était pas si terrible, c'était ça le pire. Pour eux, c'était le pire. C'est effrayant de dire la guerre est terminée, mais c'est pire que pendant la guerre. C'est un truc dément. Et ça, je pense que c'est quelque chose qu'il faut... L'humain a cette capacité de se surpasser pour trouver une énergie de vie, de survie dans les moments les pires. Donc c'était ça. Et là, je pense que c'est pareil. La mutation, ce n'est pas le moment le plus pire, mais c'est que simplement la mutation va donner lieu à la découverte de ces nouvelles technologies. Je veux dire, même l'intelligence artificielle, c'est un truc dément. Donc tout ça, ça va donner... Et malheureusement, et heureusement, comme dans toute invention, il y a le... Il y a toujours le négatif, c'est ce que disait Paul Virilio, il y a l'invention la plus géniale qui soit, qui renferme toujours son côté sombre. Et ça, ça continuera de tout temps, mais c'est comme ça que l'homme ne peut pas s'empêcher d'être un apprenti sorcier génial. Donc il faut continuer, on n'a pas le choix. Et voilà, c'est dans nos gènes. Merci beaucoup, Enki Bilal. Merci.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Période de l'enfance

    02:13

  • Début de carrière

    09:26

  • Bug, police secrète et prémonition

    16:21

  • Inspiration, passion, mémoire individuelle et collective

    26:42

  • Chapitre 6

    39:18

  • Projets, temps, regrets

    39:37

  • Échelle de valeur, Froid Équateur

    42:33

  • Échecs + boxe = Chessboxing

    43:55

  • Débuts et rencontre avec Iepe Rubingh

    45:13

  • Tournant en France jusqu'à l'Olympia

    50:21

  • Trouver du sens, développer les structures

    57:50

  • Rigueur, dérives, communication

    01:00:18

  • On a pas le choix, il faut créer pour vivre.

    01:03:30

Description

Artiste connu et reconnu en France, j'ai la chance d'avoir reçu le grand artiste Enki Bilal dans le premier épisode du podcast.


Quel est le rapport ? Simplement que c'est lui qui a créé le chessboxing, il y a 32 ans, dans le tome 3 de la trilogie Nikopol, l'album Froid Equateur. Si ce podcast voit le jour, si l'équipe de France part aux championnats du monde de chessboxing en Arménie cette semaine, c'est grâce à lui, à ces quelques planches de bande-dessinée qui ont inspiré un artiste, et depuis, des centaines de personnes à travers le monde.


Il retrace pour moi son parcours, son enfance à Belgrade, le début de carrière à Paris ; ses inspirations, sa vision, sa façon de travailler... et aussi bien sûr, cette idée d'un sport nouveau qui aujourd'hui grossit de jour en jour.


J'ai tenu à lui poser une question personnelle, un conseil qu'il aurait à donner, à la fin de l'interview, qu'en pensez-vous ?


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Le podcast du Chessboxing donne la parole à chessboxers, des joueurs d'échecs, des coachs, des entrepreneurs, des personnes d'horizons insoupçonnés pour explorer leur parcours de vie, leur travail, et leur passion. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits surprenants, avec le lien fort entre les invités qu'est la pratique ou l'amour du chessboxing.


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Le podcast du Chessboxing est une émission produite par Mona Malca.

Générique, montage et mixage : Andy Maistre.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Né de l'imaginaire d'Enki Bilal en 1992, puis concrétisé par l'artiste néerlandais Iepe Rubingh en 2003, ce sport qui mélange la boxe anglaise et le jeu d'échecs est aujourd'hui en plein essor car il est tout simplement génial. Bienvenue dans le podcast du Chessboxing. Sans Enki Bilal, tout ça n'aurait jamais existé. Toute cette histoire de chessboxing, ça vient de lui. C'est pour ça que ça avait vraiment du sens pour moi de le recevoir dans le premier épisode du podcast. Et la question que je me pose, c'est comment est-ce qu'un artiste devient, malgré lui... le fondateur d'un sport. Bonjour Enki Bilal, merci de me recevoir. Donc vous êtes tchèque bosniaque, vous êtes né à Belgrade et vous avez déménagé à Paris à 16 ans.

  • Speaker #1

    Tchèque par ma mère, Bosniaque par mon père, à Belgrade en Yougoslavie. Donc, je suis ex-Yougoslave. C'est un pays qui n'existe plus, mais j'aime bien dire ex-Yougoslave.

  • Speaker #0

    Vous avez écrit de nombreuses BD, vous avez fait de la peinture, trois films. Vous avez eu le Grand Prix du Festival d'Angoulême il y a longtemps, en 87. L'Ordre National du Mérite, en 2010. L'Ordre National de la Légion d'honneur, en 2022. Et je n'ai pas parlé de Froid-Équateur, qui n'est pas du tout votre BD la plus connue. La Trilogie Nicopole est une des plus connues. Mais celle-ci, c'est une dont on va parler le plus, vu que c'est dans celle-ci qu'on parle du chessboxing. Est-ce que j'ai oublié quelque chose ?

  • Speaker #1

    Non, non. Mais Froid Equateur, justement, c'est vrai que ce n'est pas un album forcément très connu, mais c'est un album particulier puisqu'il a été élu meilleur livre de l'année, tout genre confondu, par le magazine Lire de Bernard Pivot. donc devant des grands romanciers français internationaux et c'est amusant parce que ça m'a valu ça m'a valu des problèmes avec le monde littéraire avec le monde de la bande dessinée ni aux uns ni aux autres. Moi j'étais très content.

  • Speaker #0

    Avant de parler de chessboxing et de votre oeuvre, je me demandais un petit peu votre enfance à Belgrade. puisque vous avez déménagé à Paris en 1961, donc, on va dire, vos dix premières années à Belgrade. Quels souvenirs en avez-vous ? Est-ce que vous voulez raconter un petit peu cette enfance en ex-Yougoslavie ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une enfance finalement assez heureuse, même si mon père est parti très tôt pour Paris, donc, il y avait l'absence du père, mais il donnait des nouvelles, il m'envoyait des cadeaux, des paquets, etc., de l'argent même. Mais c'est une enfance heureuse dans une ville... qui sortait alors je suis dans 51 donc la guerre s'était finie depuis six ans déjà mais mais belgrade avait gardé toutes les stigmates de la guerre en fait c'était tito le dictateur soft de la Yougoslavie qui avait décidé, vraiment je crois que c'est de la com déjà, c'est une communication, de montrer que sa ville avait souffert, ce qui était vrai, les nazis avaient énormément abîmé Belgrade, et donc c'était une façon de montrer au monde, puisqu'il avait dit non à Staline, je ne vais pas faire beaucoup d'histoire, ni de géopolitique, mais il avait dit non à Staline, donc il n'est pas entré dans le bloc communiste, bien que communiste, et donc ça lui a valu une forme de... de reconnaissance et de sympathie du monde occidental. Et lui, il jouait là-dessus pour dire, je suis le héros de cette guerre dans les Balkans, c'est moi qui ai vaincu les nazis, ce qui est partiellement vrai, et donc voici la ville, c'est ma ville, les Belgrads, c'est la capitale de la Yougoslavie, c'est l'autogestion, etc. Donc en fait, j'ai passé du temps à voir dans cette ville des délégations. international, défilé dans les rues, etc. J'ai passé du temps à être aussi dans les pionniers, gamins. Les pionniers, c'est-à-dire que j'avais un foulard rouge autour du cou, avec un anneau doré, et je défilais dans les grands stades de Belgrade pour rendre hommage à Tito, notre bienfaiteur. Donc ça, c'est des souvenirs plutôt joyeux, avec un terrain de jeu formidable qui était un peu... parc en face de l'endroit où j'étais né et c'était un parc qui avait été construit, une forteresse plutôt, qui était entourée d'un parc pour résister aux ottomans. Donc c'est très historique, c'est très... Belgrade est une ville très marquée par la violence, par les conflits, par les invasions, les résistances, etc. Donc tout ça, je pense, a joué quelque part pour me donner une espèce de conscience, inconsciemment d'ailleurs, mais une forme de conscience de la du pouvoir, de la géopolitique, de la politique, etc. Et donc c'est dix années plutôt heureuses jusqu'au moment où j'arrive en France pour rejoindre mon père avec le reste de la famille.

  • Speaker #0

    Et vous diriez que ça a influencé aussi esthétiquement quand même aussi, pas tout ce que vous avez fait,

  • Speaker #1

    mais tout ce que vous avez fait ? Je pense que oui, bien sûr, absolument. Je dessinais déjà à ce moment-là, j'ai commencé à dessiner. Alors je ne dessinais pas, je dessinais des cow-boys et des indiens. Mais je pense que la mémoire, la mémoire visuelle, olfactive, toutes les mémoires, quand on est gamin, c'est hyper important. On en magasine tout, on engrange, on est de forme d'éponge. Et tout ça, ça ressort après. C'est vrai que moi, je peux reconnaître, savoir ce qui sort, y compris dans mon imaginaire, ce qui sort de cette période de l'enfance.

  • Speaker #0

    Et donc, vous arrivez à Paris à 10 ans. Est-ce que l'arrivée à Paris a été une période heureuse ?

  • Speaker #1

    C'est une période plus compliquée. Changement de pays, changement de culture, changement de langue. Il faut apprendre la langue. Le changement de mode de vie, je dois dire, je ne vais pas m'étaler là-dessus, mais la vie à Paris, en banlieue, était beaucoup plus difficile qu'à Belgrade, pour des raisons économiques, donc ce n'était pas facile, je n'en dirais pas plus. Mais j'avais la langue française, je la maîtrise très vite, ma sœur qui a deux ans de plus que moi, on la maîtrise très vite, à l'école ça va vite, quand on a dix ans, il n'y a pas de problème. Et donc je découvre à ce moment-là la bande dessinée, maintenant la bande dessinée franco-belge. Alors Pilote, Tintin, Spirou, tous ces magazines pour la jeunesse. Et je découvre, en découvrant la langue française, dont je tombe amoureux littéralement, parce que vraiment je prends du plaisir à... pas trop à la parler d'ailleurs, mais plutôt à l'écrire. Et je vois que... La bande dessinée franco-belge, précisément, c'est un mélange de mes deux passions. Alors ma nouvelle passion qui est la langue française et la passion de Belgrade, d'attente de Belgrade, qui est celle du dessin. Et donc tout naturellement, je deviens passionné par la bande dessinée, par les récits, par ce que je peux lire. Et c'est comme ça que plus tard, je tenterai à ma chance un concours organisé par Pilote. J'ai 20 ans à ce moment-là, c'est la date limite. et je remporte le premier prix. Les choses se démarrent comme ça. Mais en tout cas, c'est une vie qui est liée. C'est là que je découvre la culture française. Je m'échappe souvent de chez moi, du petit chez moi, où il n'était pas forcément facile de vivre à quatre. Et je découvre le cinéma, les ciné-clubs au lycée, le cinéma à Paris avec des copains, puis la bande dessinée, puis la littérature. Enfin, tout ça, ça me... Ça me maintient, et la musique aussi. Moi, je n'avais pas de quoi écouter la musique chez moi, mais j'avais un copain qui était hyper bien équipé en hi-fi, donc on a créé comme ça un groupe. Et donc tous ces éléments culturels me stimulent et sont importants aussi pour la suite de ma propre vie.

  • Speaker #0

    Le résultat est que... Quelques années plus tard, en tout cas aujourd'hui,

  • Speaker #1

    vous êtes encore en Paris finalement. Paris, c'est chez vous ? Paris, c'est chez moi. Paris, ça sera toujours chez moi, mais j'ai découvert d'autres endroits. Belgrade, c'est toujours chez moi, vraiment. Chaque fois que j'y retourne, je suis très, très, très heureux de retourner à cette ville. Sarajevo, c'est chez moi. Sarajevo, c'est l'autre ville, c'est la ville de Bosnie, une région d'où est né mon père. Et c'est aussi ma ville. Sarajevo, j'ai une profonde affection pour cette ville. J'y ai des amis, j'y ai... Voilà, donc je ne suis pas tiraillé entre les deux, j'aime les deux et ça n'a pas été facile à un moment d'apprécier les deux, parce qu'il y a eu cette guerre absolument terrible, atroce, dans les années 90. Mais voilà, moi je sais faire preuve de nuance et voilà, j'entretiens d'excellents rapports avec Ludoville.

  • Speaker #0

    On le connaît, en tout cas dans le chessboxing, on le connaît tous, 92. la date,

  • Speaker #1

    entre 71 et 92 je sais qu'il se passe beaucoup de choses et moi je suis un peu de tout ce qui se passe mais je préfère que vous m'en parliez alors c'est des années où effectivement je commence, je suis publié à pilote donc j'étais au Beaux-Arts à ce moment là, j'entrais au Beaux-Arts j'avais été reçu au Beaux-Arts et bien reçu même plutôt mais j'ai laissé tomber au bout de 3 mois 3 mois de Beaux-Arts, c'est quand même pas mal pourquoi ? Parce que euh... Parce que précisément, Pilote m'offrait cette opportunité. d'ouvrir ses portes puisque je venais de remporter ce concours et aussi parce que j'étais vraiment très attiré par l'idée de raconter des histoires d'écrire, de dessiner, il y avait quelque chose, une forme d'urgence et au Beaux-Arts où j'étais, c'était vraiment une école prestigieuse évidemment mais on était dans du dessin pur, dans de la théorie et puis en même temps j'ai pas vraiment accroché avec l'ambiance des Beaux-Arts de cette époque vraiment Et donc j'ai vraiment abandonné assez rapidement et décidé de me consacrer réellement à la à l'avant dessinée donc à Pilote mais des récits courts d'abord inspiré de Lovecraft fantastique et puis je rencontre Pierre Christin qui malheureusement nous a nous a quitté il y a peu de temps donc Pierre avec lui on lance une série qui est on va dire de Politique fiction, une série assez politique, ce qui était assez nouveau. Ça, c'est sa part à lui. Il était prof de journalisme et très passionné de politique. En bande dessinée, à cette époque-là, la politique, on n'en faisait pas trop. La bande dessinée est quand même destinée aux enfants. Il y avait ce côté un peu classique, nostalgique. Et donc, on ouvre un peu les perspectives avec des récits. politiques, engagés même, ce qui sont mes premiers albums, La Croisière des Oubliés, Le vaisseau de pierre, La ville qui n'existait pas, et surtout, je dirais, Les phalanges de l'ordre noir et Parti de chasse, qui représentent les deux livres phares de notre collaboration, sur la politique à l'ordre international, les phalanges, c'est sur la résurgence d'une extrême droite et d'un terrorisme d'extrême droite en Europe, donc en liaison avec la... La guerre d'Espagne, donc on fait un lien entre les deux, le passé et le présent. Ça, c'est le début des années 80. Et puis Partizas, qui est un récit plutôt initié par moi, parce que je voulais qu'on fasse quelque chose sur les pays de l'Est. C'est la fin du communisme, c'est la perestroïka, etc. Bref, on était dans une espèce de vision d'un futur proche où le mur se tomberait. Et effectivement, il est tombé en 89. Donc ça, c'est notre collaboration entre les deux. Et parallèlement à ça, je fais aussi mes propres armes tout seul. Je fais des récits courts tout seul, en couleur directe. Et je fais deux albums, la Force Immortelle et la Fin Piège. La Fin Piège qui marquera aussi un tournant. Alors Pierre, il avait déjà cette idée. Il avait commencé avec Tardy une histoire qui s'appelait Rumors sur le Rue Erg, qui était un peu de cette veine qu'on appelait Légende d'aujourd'hui, qui raconte... dans certaines régions de France, enfin, des contextes politiques, sociaux, sociétaux même, et donc avec une dose de fantastique. Donc ça, c'est quelque chose qui vient de lui, l'aspect politique vient de lui, moi je vais ramener peut-être le côté fantastique, en insistant qu'il ait ce côté fantastique, mais en même temps, je veux dire, notre collaboration fonctionne très vite, tout de suite, parce que je pense aussi, tout ce que je disais un peu sur mon enfance belgradoise, à savoir la conscience inconsciente de la politique, de la géopolitique, des enjeux politiques du pouvoir. Toutes ces choses-là sont déjà, sont aussi dans la démarche de Pierre-Christophe. Donc on se retrouve là-dessus. Et c'est pour ça aussi que les deux albums, les deux qu'on est fait, les deux derniers, Les phalanges de l'ordre noir et Partie de chasse sont des albums qui vont marquer et qui vont faire passer, mais je dis ça en toute humilité, qui vont faire... passer de la bande dessinée dans un monde beaucoup plus adulte, reconnu notamment par le milieu intellectuel, universitaire. Ce sont des albums qui vont être diffusés dans les pays de l'Est, notamment, Parti de Chasse, diffusés dans les pays de l'Est, sous le manteau. Et c'est une forme de reconnaissance un peu de la bande dessinée adulte. Ce sont deux albums phares et moi, en même temps, donc en parallèle, je commence ma propre production d'auteur complet, écriture. Évidemment, j'étais très... Je suis vraiment passionné par l'écriture. Je reviens à cette idée de la langue française qui m'a séduit quand j'étais à l'âge de 13-14 ans, quand j'ai commencé à la maîtriser. Et donc, en parallèle, même au bout d'un moment, je donne la priorité à mon travail personnel. Je dis quand même un truc intéressant, parce que pourquoi on n'a pas continué après Parti de chasse ? Pierre-Christophe, c'est un mois, Parti de chasse qui est sorti en 83 ou 84. Pourquoi on n'a pas continué ? C'est parce que, vraiment, on s'est dit On est allé peut-être au bout de notre façon de fonctionner, dans la façon de fonctionner tous les deux, en termes de création, de vraie collaboration, et on s'est dit, on commence à avoir quand même des visions prémonitoires, donc c'est un peu embêtant, parce que tous les deux on avait eu envie de parler de la Troisième Guerre mondiale. Et on s'est dit, si on fait un album sur la troisième guerre mondiale, elle va avoir lieu, donc on va s'abstenir de le faire. Je dis ça un peu en blaguant. On a blagué là-dessus, mais on s'est arrêté là-dessus, sur la chute du communisme avec Parti de Chasse. Et on a continué après à travailler sur d'autres types de livres, qui ne sont pas du tout de l'avant-dessiné, mais on a continué à garder des liens et à travailler ensemble. Mais en tout cas, moi, c'était aussi ma façon de quitter la collaboration quel que soit le scénariste, en plus Pierre, je pense, était le meilleur, et donc je me consacre à partir de ce moment-là à mon travail personnel.

  • Speaker #0

    Seule, en fait, collaboration étroite avec quelqu'un ?

  • Speaker #1

    Étroite, oui, mais j'ai quand même travaillé avec Jean-Pierre Duvenet, on a fait Exterminator 17, quand même, qui est un livre qui a marqué aussi la période métalure. Mais le vrai échange, collaboration sur la durée, c'est avec Pierre Castagne.

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement,

  • Speaker #1

    Vous avez une vision prémonitoire, donc vous imaginez quelque chose ? La prémonition, elle vient... ça ne me vient pas comme ça. Un matin, je ne me lève pas en disant... Parlons de bug, par exemple. Bug, c'est un épée de Damoclès, le bug. Mais le bug général, tel que j'imagine, il est absolument... Je pense qu'il est inconcevable, parce qu'il y a des pare-feux à tous les niveaux. Donc moi, j'imagine le bug définitif, c'est-à-dire tout s'arrête immédiatement, et on ne sait pas pourquoi. Alors pourquoi on ne sait pas pourquoi ? Parce que simplement, ça vient... d'une entité extraterrestre. Donc là, pour l'instant, on ne peut pas. On ne sait pas, mais le bug a vraiment lieu. Donc ça, c'est peut-être aussi... C'est après, moi, ça m'a servi de leçon de faire Monstre, c'est-à-dire le Sommet du Monstre et toute la série après. Ça m'a servi de leçon. Pourquoi ? Parce que là, c'est la pire des prémonitions que j'ai eues et qui s'est réalisée, c'est celle de l'obscurantisme religieux. Ça, c'est sorti en 97, Sommet du Monstre, et j'imaginais, effectivement, des forces obscurantistes. qui s'attaque à l'Occident, à la liberté d'expression, à la liberté de penser, à la culture, bref. Mais ça, je dois dire que quand je l'ai écrit, je n'imaginais pas que ça arriverait. C'est arrivé avec le 11 septembre qui a axé cette espèce d'offensive de l'obscurantisme. Moi, j'avais fait une vision, on va dire, un peu globale des trois monothéismes. Je n'avais pas pointé du doigt un seul monothéisme, j'avais décidé que les trois. pouvaient s'associer par intérêt, des intérêts qui peuvent converger, évidemment, d'éliminer toute la pensée, la liberté de penser, bref, tout ce qu'un obscurantisme peut vouloir interdire. Donc, ça, ça m'a fait un choc, vraiment, parce que je ne m'y attendais pas. Et quand c'est arrivé, je n'ai pas réalisé. J'étais comme tout le monde. sidéré dans un état de sidération devant les images du 11 septembre. Je me demandais si ce n'était pas un film hollywoodien, si ce n'était pas une bande-annonce d'un film à effets spéciaux avec... Non, c'était la réalité. Et à ce moment-là, je ne réalise pas, c'est un ami qui me dit Mais tu te rends compte, ce que tu as prédit vient d'arriver. Et ça, ça m'a un peu glacé le sang, je me suis dit non pas que j'ai eu peur de mes visions, parce que... C'était pas si compliqué que ça, je pense que c'était pas si compliqué que ça, je pense que des politiques avisées le savaient, qui savaient qu'il y avait un danger, mais bon. Donc ça m'a un peu, ça a modifié complètement la suite de mon travail sur cette série, puisque j'avais asséché le sujet, le sujet était asséché par la réalité. Mais en tout cas, après j'ai bifurqué vers une vision plutôt écologique, on va dire. Le coup de sang, c'est la planète qui se révolte, c'est une fable. La planète se révolte contre l'homme, tout simplement, parce qu'elle considère que l'homme ne se comporte pas bien avec elle. Je crois qu'elle a raison, parce que l'homme lui a fait du mal, l'homme l'a maltraitée, et elle décide de se secouer les dos, comme si on les débarrasserait de puces, comme un chien. se débarrassent de puces, la planète se débarrasse d'une grande partie de l'humanité et restent des groupuscules d'humains qui survivent et qui cherchent un eldorado. Bref, c'est comme ça que partent mes récits, c'est toujours avec l'idée du futur. Qu'est-ce qui peut nous arriver ? C'est quoi ? Après l'obscurantisme, ça y est, il est là. Malheureusement, il est toujours là. Qu'est-ce qui peut arriver d'autre ? C'était le réchauffement climatique, on est dedans, on est toujours dedans. Et Bug fait partie de cette... Sauf que Bug, c'est tellement énorme qu'au-delà de Bug, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir d'autre. Donc il faut refaire une société planétaire complète. Il faut tout réinventer. Puisque plus rien de ce qu'on a inventé technologique ne marche.

  • Speaker #0

    Pour vous, on y va ? À la catastrophe technologique ? À Elon Musk avec ses robots ? Oui, oui, oui. Enfin voilà,

  • Speaker #1

    qu'est-ce que vous pensez de tout ça ? Ça m'excite évidemment, mais ça m'inquiète aussi. Ça m'inquiète, ça m'excite. Et voilà, je fais partie du bateau, on est tous à bord de ce Titanic. Alors pour l'instant, on espère qu'on ne va pas se taper l'iceberg qui va surgir devant nous. Non, c'est fascinant. Le bug peut provenir de ces technologies, évidemment, puisqu'on a créé des technologies qui sont exceptionnelles, extraordinaires, le numérique, tout ça, ça a modifié complètement le fonctionnement de l'état d'esprit de l'humain et même de l'esprit. C'est dangereux d'ailleurs, parce que ça produit des tas de... Ça va très très vite. En fait, c'est ça qui est désarmant, c'est l'accélération de tout, de la communication, de la... Alors ça a des effets, forcément... très déstabilisateur sur l'humain, sur nos relations entre... Il y a quelque chose qui dysfonctionne, moi je trouve. On ne va pas... Ce n'est pas le sujet, mais quelque part, il y a... Là, en deux jours, j'ai eu deux, trois affaires d'agressivité vis-à-vis de moi, simplement parce que l'exemple est tout bête. Il y a un feu rouge, moi je traverse, tout le monde traverse, et d'un coup, il me fonce dessus, il me poussait avec un bébé dedans, et un mec qui... qui foncent, qui zigzaguent au milieu des gens. Donc moi je fais oh là, oh là, le type m'agresse, m'insulte Je dis mais c'est quoi le problème ? Vous foncez sur des gens, là, comme ça, il y a des voitures et tout, c'est très dangereux, ce que vous faites pour votre enfant Non, le mec est dans l'agressivité. Et ça, c'est le simple fait qu'on ne communique plus, naturellement, normalement. Ce type-là, il était certainement, il a un enfant qui est bien réel, mais lui… dans sa tête, il était sur ses réseaux sociaux, dans son iPhone, dans ses réseaux, je ne sais pas dans quoi il était. Et ça, ça se retrouve un peu partout dans la société. Donc tout ça, ça peut produire des fonctionnements différents. Arrivent en plus des nouvelles technologies, par exemple, ça c'est un sujet extraordinaire, vaste, et en même temps, le plus inquiétant qu'il soit, c'est l'intelligence artificielle. Qu'est-ce que va se passer ? Qu'est-ce que va se passer en termes de, par exemple, sur le plan culturel ? de l'art, les arts. Moi, je suis très, évidemment, très impliqué dans la création. L'art, c'est ce qui me paraît essentiel à la santé mentale de l'humanité. Et ça, l'art, s'il bascule, s'il disparaît ou ne sort de la zone d'influence et de création de l'humain, ça va être très problématique. Donc, voilà. Tout ça, c'est un monde qui est en devenir. Moi, je le... Je le subis comme tout le monde. Et il me fascine. Et évidemment, c'est un terrain de jeu, c'est un terrain pour mes récits. Donc, il est évident que dans Bug, l'intelligence artificielle va avoir sa place dans le quatrième volume et le cinquième qui sera le dernier. Donc, moi, je lis aussi en fonction du rythme du développement de la société mondiale, de la technologie, de la science. Tout ça, ça me passionne, ça me fascine. Et je m'en sers, évidemment, comme d'un... C'est stimulant, forcément.

  • Speaker #0

    J'ai deux questions. La première, c'était, est-ce que c'est parce que vous, vous êtes pessimiste, ou est-ce que c'est plutôt vous chercher à mettre en garde, mais sans vous être particulièrement pessimiste ? Ça, c'est ma première question. Et la deuxième, c'était sur l'inspiration, justement. Où est-ce que vous avez cherché votre inspiration, mais que vous avez un petit peu répondu le même ?

  • Speaker #1

    Alors, le pessimisme, oui et non. Non, le pessimisme, on me dit souvent ça, on me dit, vous êtes pessimiste, vos histoires sont pessimistes. Non, je ne crois pas. Je crois que c'est... Alors moi j'ai une phrase que je ne sais plus qui a dit ça, je le trouve absolument génial. Un pessimiste, c'est un optimiste qui a compris. Donc la phrase est magnifique. Ça veut dire tout simplement, c'est une forme de lucidité. Je pense que je suis assez lucide. Alors effectivement, mes récits, ma atmosphère, mon graphisme, tout ça c'est assez sombre, on va dire sombre, pesant, inquiétant, on est d'accord là-dessus. Mais beaucoup de gens se font une idée de ce que je fais sans me lire vraiment. Ou alors ils lisent en diagonale, donc ils ne comprennent pas, ou ils n'aiment pas. C'est ce que je comprends, c'est tout à fait. Mais quand on me dit vous êtes pessimiste et sombre je dis non, si vous lisez bien, vous verrez qu'il y a de l'humour et du second degré et qu'il y a une distance. C'est-à-dire que tous les sujets que je traite, ces sujets graves et inquiétants de notre futur, je les traite avec une forme d'érision. Donc déjà, ça désamorce pas mal de choses et ça modifie la compréhension du sujet. Mais c'est vrai que je reviens sans doute à cette enfance de Belgrade, ce que je disais sur l'influence inconsciente de l'atmosphère politique et géopolitique qu'il y avait. En plus, il y avait le... Je reviens un peu sur cette période-là, parce que mon père était à Paris. Mon père était à Paris, il n'est venu qu'une seule fois en 4-5 ans. Il est revenu une seule fois et pas longtemps à Béval. Donc il y avait, en plus mon père avait été pendant la guerre, il avait été un compagnon de Tito. Il s'est battu aux côtés de Tito dans les partisans. Donc mon père était proche de Tito et à la fin de la guerre, il a été son tailleur pendant un moment. Il était tailleur, il faisait ses costumes, ses tenues de maréchal et tout ça. Donc tout ça c'était d'autant plus trouble parce que ma mère était dans une parano, quand on est gamin on ne comprend pas forcément, mais après j'ai compris que c'était très difficile d'être à Belgrade, alors que le mari est dans un pays occidental. Donc ça avait créé des visites régulières de la police secrète, mais quand... en manteau de cuir noir, donc ça rappelle quand même un peu la Gestapo, qui en pleine nuit venait taper quand même, pour voir si tout allait bien, si c'était quand même pas très agréable. Alors peut-être tout ça inconsciemment, ça a influencé ma vision du monde, mais j'ai pris vraiment de la distance, et je traite ça avec humour, même si ça ne m'amuse pas d'avoir tapé juste sur l'obscurantisme. Alors le reste de la question, c'est comment me vient l'inspiration ? Elle me vient de... D'abord, je voyage beaucoup, je m'intéresse au monde tel qu'il marche, je lis beaucoup la presse, je suis un grand consommateur d'informations, d'infos, et l'info, plus tout ça, ça occupe le cerveau, les choses viennent comme ça, les idées. C'est comme, on en parlera, mais le chess boxing, c'est venu comme ça. Ça n'est jamais arrivé de m'asseoir et de me dire, bon, qu'est-ce que je fais ? C'est jamais, je ne m'assois pas. Si je ne sais pas pourquoi. Donc c'est parce que j'ai un truc à faire, il y a une urgence. L'idée elle est là déjà. Et l'idée, elle ne se passe pas ni à mon bureau, mon ordinateur là où j'écris, ni à mes tables de travail, des scènes peintures, etc. Non, ça se passe dans la rue quand je marche, y compris quand je suis parfois avec des gens, des amis. Il paraît que je suis très très bon pour donner le chant, je donne le sentiment que j'écoute et que je participe alors que je ne suis pas du tout là. Ce qui est vrai. Je suis pas là. Et parfois même je suis meilleur quand je suis dans cette inconscience où je suis pas là et je donne l'impression vraiment de suivre les débats davantage que dans le réel. Quand j'écoute vraiment pour de bon, les gens disent mais tu t'en fous, tu écoutes pas Non, non, c'est très étrange comme truc. Donc je donne le change et souvent dans ces moments-là, je trouve des trucs. Je note pas ou je note peu. Alors ça m'a joué des tours et parfois j'ai eu des idées. Je ne vais pas noter, je m'en suis voulu, alors je ne sais pas si j'ai perdu quelque chose ou pas, mais en tout cas c'est perdu. Donc la création se fait ensuite, lorsque je sais où je vais, où je veux aller, après c'est un chemin. J'ai la chance aussi de ne pas devoir, lorsque je propose un livre, alors au cinéma c'est différent, mais en édition on ne me demande plus, au début on me demandait forcément, c'est normal. On ne me demande plus d'écrire un synopsis, de dire ce qu'elle raconte, comment ça se termine, maintenant je suis totalement libre, on me dit merci, bravo, allez-y. Forcément, mes éditeurs, je leur raconte ce que j'ai envie de faire, ils sont partants, et c'est très bien.

  • Speaker #0

    Il y a de la confiance entre vous et moi. Donc voilà, c'est comme ça que les choses... Donc j'ai une chance énorme d'être libre dans ce domaine-là. Le cinéma c'est très différent, il faut écrire un script, il faut budgéter. Là je suis en train de lire les affres de ce type de film que j'ai écrit, là il est deux fois trop cher, donc bref. taillé dedans, enfin bon ouais. Mais ça, ça fait partie de la règle du jeu.

  • Speaker #1

    Vous parlez beaucoup de la mémoire et du temps, et c'est deux des thèmes, des thématiques les plus connues en tout cas sur votre œuvre. Une thématique précise, c'est la mémoire collective. Le rapport à la mémoire est différent aujourd'hui parce que déjà tout est enregistré. Comment ça avance tout ça ? Et est-ce que ça va après forcément les choses changent ?

  • Speaker #0

    Ça fait partie du bug quand même de cette thématique-là. Mais la mémoire, il y a plusieurs mémoires. Mais il y en a au moins deux qui est la mémoire collective, qui est la grande mémoire historique. C'est un peu moi, c'est ce que j'ai vécu, qu'on vit tous. Mais au XXe siècle, j'ai l'impression que vous ne connaissez pas le XXe siècle. C'est un siècle où se sont passées tellement de choses incroyables, violentes, démentielles, littéralement, dans l'histoire de l'humanité. Je crois que c'est le siècle le plus important qu'on ait eu à vivre, ce qui est un peu normal. Les historiens me diront sans doute qu'ils ont sûrement d'autres idées. Ils diront que la Renaissance est plus importante, la Révolution, je ne sais pas. Je ne suis pas historien, mais pour moi, c'est quand même un siècle où... Il s'est passé énormément de choses. En plus, la deuxième moitié, évidemment, pas la première, mais la première, elle a laissé des traces très puissantes, très fortes. Donc, tout ça, c'est un monde qu'on ne peut pas oublier, qui fait partie de nous. Donc, ça, c'est la première mémoire. Elle est en danger aujourd'hui, mais c'est la première mémoire. Et le danger, c'est de la perdre. Donc, ça, on en parlera un petit peu après. La deuxième mémoire, en fait, c'est la mémoire individuelle. Donc, c'est sa propre vie. Dans cette grande mémoire historique, c'est sa propre vie. Donc celle-là, je l'ai aussi, mais je ne l'utilise pas personnellement. C'est-à-dire que je ne suis pas quelqu'un qui va faire des livres sur sa vie. Je ne veux pas dire moi, je, El Kibilah, quand j'étais petit, etc. Ça marche très fort. En bande dessinée, il y a énormément d'autofictions, on appelle ça l'autofiction. Il y en a qui font ça très très bien, mais moi, personnellement, ça ne m'intéresse pas. Ça ne m'intéresse pas de le faire pour moi. D'en lire, j'en lis un peu de temps en temps, mais ça ne m'intéresse pas non plus vraiment. Donc ma propre mémoire ne me sert qu'à filtrer la grande mémoire historique pour en faire des récits et me poser des questions sur le futur. C'est comme ça que ça fonctionne. Et donc à partir de ce moment-là, on est là effectivement, dans ce monde qui a subi une révolution incroyable, la plus grande des révolutions, plus grande que l'industrielle, plus grande que le butinbert, tout ça c'était extraordinaire. À côté de ce qu'on a vécu avec le numérique, c'est rien. Et cette révolution est tellement importante, énorme, tellement rapide et tellement globale, générale, qu'il y a eu un déficit de transmission terrible, comme une espèce de dépression où l'être humain n'a pas su, n'a pas eu le temps et n'a pas pu transmettre. C'est-à-dire qu'on n'a pas transmis à nos gamins, à nos enfants, beaucoup de choses que logiquement on aurait dû transmettre naturellement. Là, le simple fait que cette révolution soit arrivée, qu'il nous ait foutu devant un mur qu'il fallait maîtriser, il a fallu essayer de comprendre comment ça marchait, prendre le truc en marche, la technologie qui avance très très vite, et on s'est retrouvé très vite dépassé, je parle des adultes, ce qui fait que les gamins, nos enfants, ils ont dit Ah non, attends, papa, non, c'est pas comme ça que ça marche, je vais t'expliquer Et c'est les enfants qui ont expliqué aux adultes comment marchait ce nouveau monde. Donc ça, c'est quand même un truc assez incroyable. Et ça, ça a créé ce fossé où toute une série de connaissances ou d'intuitions n'ont pas été transmises. Donc, on est face à ce monde-là, ce nouveau monde qui va, et qui, quelque part, essaye inconsciemment peut-être de gommer l'ancien, en se disant, voilà, on ne peut pas tout porter en nous, on ne peut pas avoir tout le même. On peut garder des photos, on peut garder tout, mais on ne va pas s'en occuper de ça. Il faut bâtir autre chose. Et c'est vrai, il faut bâtir autre chose. Parce qu'en plus, notre monde à nous, notre démocratie, notre Occident, on parle pour nous, on est en Occident, est en train de s'effondrer sur lui-même. Donc, tout ça, c'est passionnant, ce qui va se passer. Mais là-dessus, je ne peux avoir que moi des visions. d'expliquer comment je vois les choses. Mais je n'ai pas envie de le faire parce que je crois que c'est beaucoup plus grave que la chute du mur. On est dans quelque chose d'un peu d'existentiel, planétaire. Et là, je suis très content d'avoir Bug comme sujet parce que le Bug englobe tout. Et puis, je m'amuse de cette série. Je suis dans le numéro 4 et je me pose des questions avec mon personnage principal qui est... Je me pose la question de savoir ce qui va lui arriver dans les prochaines pages. J'en suis là. C'est ça qui est drôle. C'est que je sais que je connais la fin. La fin, je ne l'appliquerai qu'à la fin du 5. Mais là, j'avance avec mes personnages. Donc, mon pauvre personnage de Hobbes, qui a toute la mémoire du monde en tête, est quand même très mal barré parce qu'il est sous la domination du bug négatif, celui du mal. Et le mal, il est en train d'accomplir le mal. Et il ne se rend pas compte, il est très heureux d'accomplir le mal. Donc c'est quand même très embêtant pour sa fille, pour toute l'humanité entière. Il fait vraiment du mal. Donc ça ne va pas durer parce que sinon ce serait trop déprimant. Mais en tout cas, je me suis lancé sur cette piste-là et je suis obligé maintenant de la gérer et de m'en sortir. Donc de l'en sortir lui. Donc c'est ça mes préoccupations du moment. Ce n'est pas la fin du monde, c'est comment Hobbes sort de... de cette horrible situation où il est en train de faire du mal.

  • Speaker #1

    Et vous travaillez d'abord sur le texte et après sur les images ou c'est en même temps ?

  • Speaker #0

    C'est en même temps.

  • Speaker #1

    Toujours en même temps ?

  • Speaker #0

    Maintenant, oui.

  • Speaker #1

    D'accord,

  • Speaker #0

    et donc vous nourrissez vraiment ? Oui, oui, oui. Alors, bien moi je pense, je sais ce que je vais dessiner à la scène, c'est comme un film, on déroule des trucs, voilà, ça va se passer ça, mais j'écris vraiment les dialogues, ça j'écris directement sur l'ordinateur. Quand je monte mes dessins, je monte les cases, et je l'ai peint après ou peu importe mais en tout cas je déroule le truc et j'écris directement avant j'écrivais à part le script, le scénario, je rajoutais les dialogues maintenant je fais tout sur le même logiciel et c'est très très bien et vraiment j'ai l'impression d'être plus certaine partie de la bande dessinée depuis très longtemps plus grand chose à voir avec les gens qui gèrent la bande dessinée globalement je parle pas de mes éditeurs ou de mes amis proches mais voilà j'ai été entre guillemets lâchée et délaissée par le monde classique traditionnel de la bande dessinée. Ce sont des gens qui me reconnaissent, mais en même temps je ne fais pas partie de leur monde et je leur ai échappé. De n'appartenir ni à ce monde-là, ni à celui du cinéma, ni à celui de l'art contemporain, j'ai l'impression d'être un électron libre, mais qui est très heureux de sa liberté.

  • Speaker #1

    Vous avez une grande carrière, vous avez de la reconnaissance de l'état. père qui,

  • Speaker #0

    bon, vous le dites quand même,

  • Speaker #1

    il y a un certain nombre de filles, des choses pas simples. Qu'est-ce que vous diriez à la personne de 16 ans qui refuse, qui joue des beaux-arts,

  • Speaker #0

    ou qui fait le pouvoir de pilote ? Qu'est-ce que vous pensez de vous ? On ne m'a jamais posé la question, donc ce n'est pas une question. Non, non, mais je vois très bien ce que vous voulez dire. Mais non, non, mais c'est intéressant. Je me dirais quand même que j'ai réussi quand même. Non, non, mais pas au sens que j'ai réussi à faire. En fait, c'est ça qui est très étrange, c'est que j'ai l'impression d'avoir réussi à la fois à, comment dire, pas à satisfaire, parce qu'on n'est jamais satisfait, mais toutes mes passions de ce moment-là d'adolescence, le moment où je me suis constitué en apprenant la langue française, en allant au lycée, en découvrant la musique, le cinéma, la littérature, mes amis, mes copains, ce petit groupe-là qui n'existe plus, mais j'ai l'impression que finalement, finalement, j'ai tout. J'aurais goûté à tout, c'est-à-dire que l'écriture, le dessin, évidemment. Mais l'écriture, j'écris des livres aussi qui ne sont pas dans la bande dessinée. J'ai le cinéma. Le cinéma, c'est quelque chose qui me... Gamma, à Belgrade, j'allais voir beaucoup de films, tous les dimanches, j'allais voir des films. Puis à la Garenne-Colombe, en banlieue, je fuyais de chez moi, c'était pour aller voir des films. Donc j'ai essayé... frustré parce que j'aurais aimé faire plus et cinéma est mieux c'est compliqué en trois films de voilà mais j'ai fait des films qui me ce qui me ressemble sont pas des films formatés donc voilà je me dirais mais bien bah écoute tu es pas mal démerdé quand même en est en restant en restant honnête, je veux dire intellectuellement honnête dans ma démarche. J'ai pas l'impression d'avoir fait de compromissions ou de trucs tordus. Vraiment, j'y suis allé à fond. Ça passe ou ça casse. J'ai perdu beaucoup de temps. Je n'ai pas fait non plus les choses pour l'argent, surtout pas. J'ai perdu des mois et des mois à écrire des trucs qui ne se sont jamais faits, par passion, par envie de, du cinéma notamment, des trois projets de films qui sont... qui ont failli se faire, et qui ne se sont pas faits au dernier moment. C'est toujours trop cher, c'est toujours trop ambitieux. Ça, ça me fait mal quand j'entends quelqu'un me dire Non, on ne vous suit pas parce que c'est trop ambitieux votre truc. C'est quoi ? Faut faire du formatage ? Ben oui, il faut faire du formatage. Mais j'ai perdu du temps, mais je n'ai pas perdu le temps parce que j'ai pris du plaisir à écrire un truc qui ne sera jamais monté au cinéma, mais ce n'est pas grave, ça fait partie des dégâts collatéraux de ma démarche.

  • Speaker #1

    Et je rebondis sur ça, est-ce qu'il y a un… un projet en particulier ou une décision ou un choix que vous regrettez d'avoir fait ou pas fait ou quelque chose que vous considérez comme un échec, un regret ou un échec, quelque chose qui vous a marqué ?

  • Speaker #0

    C'est lié en bande dessinée ou en littéraire, en bande dessinée, dans l'édition. Dans l'édition, je n'ai quand même pas vraiment de regrets, pas du tout. Parce que quand je me trompais de route sur un récit, dans un récit, je m'arrêtais à temps. Donc j'ai très peu gaspillé Je n'ai pas eu de fausse route. Je maîtrisais toujours ma démarche. Le cinéma, c'est plus délicat, c'est plus compliqué. Là, j'ai des frustrations, notamment sur mon troisième film, avec des effets 3D qui ne sont pas ratés, mais on n'était pas suffisamment armés, ni financièrement, ni technologiquement, pour que ce soit réussi. Donc ça, je m'en veux de m'être laissé embarquer par des... Un système de production un peu... pas forcément très très bien. Je ne parle pas du producteur lui-même, mais de tout ce qui est autour. Donc j'ai forcément des frustrations, mais pas un regret, mais non, surtout pas.

  • Speaker #1

    Alors j'ai entendu dire que vous étiez sportif, et que le sport avait une grande place dans votre vie. Alors il y a peu de choses sur ça dans les médias, c'est vrai que ce n'est pas ce dont on parle.

  • Speaker #0

    Non, non. Moi je me suis dit que c'était un petit peu... Pourquoi le sport est présent dans mes... on va arriver à un autre sujet, pourquoi le sport est présent dans mes histoires, dans mes récits, il est présent parce que simplement, le sport a toujours été, notamment au XXe siècle, lorsque il y avait l'opposition entre les deux blocs, c'était une vitrine, deux vitrines qui s'affrontaient. C'était quand même au moment des Jeux Olympiques, c'est celui qui aura le plus de médailles, et d'un côté il y avait les États-Unis, et de l'autre l'Union Soviétique, puis le RSS. Donc c'était les deux grands... Et ces vitrines sont hyper importantes, ça a donné lieu à du dopage, à des tas de choses très malhonnêtes, parce que simplement les enjeux sont énormes. Ça contient un peuple, c'est l'opium du peuple, on va dire. Quand je suis arrivé de Belgrade à Paris, pas tout de suite, mais après, quand j'ai commencé à connaître, à fréquenter le monde, même le monde intellectuel, Je me suis rendu compte très vite qu'en France, les intellectuels méprisaient le sport. Ils méprisaient ça. Je suis crétin, etc. Alors qu'à Belgrade et dans les pays de l'Est, au contraire, tous les intellectuels, ils avaient tous leur équipe favorite, ils connaissaient le nom de tous les joueurs de foot, ils jouaient aux échecs. Tout ça faisait partie en même temps de la vie de la société et le sport était considéré comme quelque chose de... un prolongement carrément de l'intelligence de l'humain voilà donc ça ça m'avait frappé quand je suis arrivé en france donc voilà moi j'ai continué sport et je mettais dans tous mes récits le sport était présent alors ça a été une sorte de hockey sur glace très violent dans la force immortelle d'autres sports enfin bon c'était toujours présent j'ai fait un livre sur le football avec patrick covin mais un truc très libre pas du tout et et puis voilà et Et quand j'arrive à Froid-Équateur, c'est une société où tout est noté, un peu comme les sociétés d'aujourd'hui avec des clics du genre, tout est noté sur des échelles de valeurs, tout, l'intelligence, l'élégance, la culture. Bref, à tous les niveaux, on est noté. Il faut être au maximum. Et donc, il manquait une échelle, il manquait un sport pour... pour que l'échec de l'accomplissement sportif du corps soit... et son rôle dans le récit, dans le portrait de cette société, du froid équateur. Et là, je cherche un sport qui n'existe pas, mais qui serait un truc, un mix. Et là, ça arrive en une fraction de seconde. On ne sait pas comment ça arrive, ça. Je me dis, mais les échecs... Les échecs pour moi c'est un sport et que effectivement quand j'étais gamin... À Belgrade, dans les journaux, je regardais les photos des footballeurs, mais en bas de chaque page de sport, il y avait une double colonne qui était réservée aux échecs, où on décortiquait les parties d'échecs des grands champions. Donc ça faisait partie du sport. Et donc là, je pense que tout ça, les échecs, c'est imposé comme ça, comme un sport de l'intelligence, de l'esprit. Et en opposition vient tout de suite, je me dis, la boxe. C'est arrivé comme ça en une fraction de seconde, j'ai dit l'idée est géniale, je la garde. Et je l'ai développée dans l'album sur une séquence qui était importante, mais voilà, mais c'est pas le sujet de l'album, c'est juste une séquence dans l'album. Et là je reçois un mail de Hyper Rubing, je connais pas, en plus c'est un nom étrange, I-E-P-E, Rubing et Rubing H, ça m'intrigue. Et il me dit voilà, je suis artiste néerlandais, je me suis installé à Berlin, je... J'ai découvert votre sport dans trois équateurs, le Chess Boxing, je trouve cette idée formidable. Vraiment, j'ai envie de la mettre en pratique. Moi-même, je suis artiste, donc il m'explique ce qu'il fait. Il m'envoie un peu des liens montrant qu'effectivement, il fait des installations, des trucs assez dingues. Et je dis voilà, je vais essayer d'organiser, je pense que c'est à Amsterdam qu'il voulait le faire, un combat, une première démonstration du Chess Boxing. Alors ça, ça me plaît, ça m'amuse, ça me fait... C'est sourire, ça fait plaisir, mais en même temps j'étais tellement pris dans mes trucs, j'oublie, je réponds même pas. Je réponds même pas. Et quelques années plus tard, un journaliste me dit Mais tu es au courant de cette histoire de chess boxing ? Je dis Ah bon, ah oui, qu'est-ce que c'est ? Il me dit À Berlin, apparemment il y a une... Il y a une fédération internationale, c'est génial, ça m'amuse. Et les choses s'enchaînent, alors étrangement, Antoine de Cônes, je ne le connaissais très peu, on s'était croisés comme ça une fois, il m'appelle et me dit, je fais une série de portraits, de reportages sur des villes. Alors il avait fait Los Angeles, Londres, il dit je fais Berlin en ce moment, et j'aimerais, si tu en es d'accord, t'emmener pour un petit tournage, je voudrais te faire une surprise. Et là, j'ai compris que c'était ça la surprise. Je savais que la Fédération était là-bas et j'étais sûr que c'était ça. Et effectivement, ça a été ça. Il me fait rencontrer Ypé devant les caméras. On se rencontre, c'est un mec super, une très belle rencontre. Il nous emmène, toute l'équipe et moi, tout est filmé dans la Fédération. Dans la Fédération, c'est une espèce de hangar où il y a un ring. Je vois des athlètes sauter à la corde, Pouching Ball, tous les trucs de la boxe. Et aussi toute une série d'échiqués comme ça, en blitz. Le blitz, c'est effectivement quand on joue très très vite aux échecs sans réfléchir quasiment. Et ça sent la sueur là-dedans. Et donc on assiste à une démonstration. Et là je suis bluffé littéralement par la qualité. des échecs ça se voit on voit tout de suite mais je suis pas un grand spécialiste je joue aux échecs et j'ai joué beaucoup mais c'est du sérieux je ne sais pas ce bricolage et en boxe à ses ans si ça tombe pas les mecs sont sont affûtés physiquement à rien des bulgares est allemand ukrainien russe avait un peu de ma mélange voilà on sait on sait à ce moment là que ces pays là vont des les premiers à être preneur, c'est dans la culture. Et donc là, j'assiste à ça et c'est comme ça qu'il peut m'expliquer qu'il veut aller plus loin. Après, on organise chez Arcurial à Paris, une zone de vente avec laquelle je travaille souvent, on organise une démonstration de chestboxing. Ça se passe très très bien, je fais une peinture qui est vendue aux enchères pour... pour la bonne cause du chest boxing.

  • Speaker #1

    Je voulais vous parler un petit peu d'IP.

  • Speaker #0

    IP, je le voyais de manière tout à fait épisodique, comme ça quand il venait à Paris on se voyait, on m'envoyait des nouvelles. En fait on se voyait peu, parce qu'on n'avait pas forcément à se voir beaucoup, mais en tout cas il me tenait au courant. Moi j'étais là derrière lui, je suis le parrain de cette histoire, je la suis, je suis avec toi, donc j'ai quand même financé un peu avec cette vente. Et on essaye, donc le but c'était d'asseoir le... de le faire connaître, il a réussi à le faire. Fédération internationale, ensuite Fédération nationale, il y en a eu beaucoup. Et alors que ça prend de l'importance dans beaucoup de pays d'Europe, en Angleterre notamment, les pays de l'Est, Russie aussi, en plus il y a après l'Iran, l'Inde. Les Etats-Unis ? Bref.

  • Speaker #1

    Vous avez inventé ce sport, comme vous expliquez, en fait, en 92. Après, vous faites autre chose. Oui. En fait, vous n'avez pas vocation à développer un sport. Non, non. Vous êtes bien chargé.

  • Speaker #0

    En plus, je ne me sens pas en état de le pratiquer. L'échec, je vais bien, mais la boxe, je n'ai pas envie. Et donc...

  • Speaker #1

    vous laissez en fait type et entre guillemets s'emparer en tout cas de ce concept et pour les développer ça vous suivez je soutiens vous soutenez et après qu'est ce qui se passe cette rencontre là c'est guillaume qui apparaît en disant voilà je voilà

  • Speaker #0

    voilà donc il est celui qui a envie de faire bouger les choses en france donc enfin c'est le premier il prend les choses en Donc moi je trouve ça super, je rencontre, on fait des interviews, je suis filmé, il y a plein de choses comme ça. Et puis arrive malheureusement cette terrible nouvelle où Ypé n'est plus là. Ypé meurt de manière tout à fait incroyable, allongé comme ça dans l'après-midi, ses lunettes dans la main, son portable, un bon FC Sidéran, il paraissait en pleine santé. c'était un truc de fou donc il nous laisse un peu d'orphelin quoi de tout ça et guillaume alors moi ça m'a donné un coup parce que je ne comprenais plus quoi pourquoi c'est pourquoi il était parti c'était hallucinant et la présence de guillaume il a lui il a vraiment pris les choses en main pour le territoire français mais aussi pour le reste. C'est quelqu'un qui a une grande générosité, une capacité d'action qui est incroyable et il va au bout des choses. ça a été une superbe rencontre et il donc il fait voilà il fait passer un peu plus facilement la pilule de disparition d'ip et donc il a et voilà il est à l'oeuvre moi je sais de voir quand je peux je suis présent là on a fait une très belle chose très belle prestation à l'onapien qui c'est un père qui s'est arrêté un peu brutalement on va dire mais ce qui a montré en même temps même si c'est ça a été frustrant le carreau très rapide première rente de boxe Ça a montré à quel point c'était sérieux. On ne s'est pas rigolé, on a eu peur.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous retenez ? Évidemment, il y a ce chaos qui va être ce qu'on retient le plus. Mais on se disait, pour les personnes qui pensent que le chessboxing, c'est un peu... ridicule, c'est un peu loufoque, c'est un peu je sais pas quoi là en fait on voit bien que non c'est pas le cas qu'est-ce que entre eux cette première fois où vous allez à Berlin dans ce hangar qui sent la transpiration et on se retrouve à l'Olympia, donc vous ne l'avez pas expliqué. Après, je ne sais pas combien de personnes qui nous écouteront savent le contexte.

  • Speaker #0

    Le contexte, c'était au début des Jeux Olympiques, donc c'était le lien entre la culture et le sport. Il y a eu trois soirées à l'Olympia avec des très, très beaux spectacles, enfin des choses de mise en lumière d'activités incroyables liées au sport et à la culture, à la performance culturelle. et artistique et sportive et donc nous on était à une soirée pour le chess boxing et ça c'est alors six choses importantes il y avait aussi un combat féminin et on a on a bien soigné on a bien soigné la présentation le look j'avais dessiné un peu des costumes Les peignoirs, les shorts, des trucs un peu délirants, mais on a fait très fort, c'était très beau, très élégant je trouve. Musique, une vraie mise en condition du spectateur, la salle était pleine. bondé la salle de l'Olympia, on se dit quand même, c'est à l'historique, c'est vrai que quand on traîne dans les coulisses, on voit les photos, les mains de tous les artistes, c'est assez sidérant, je voyais la toute petite main de Claude Nougaro, il a une toute petite main, pas un petit chanteur, et donc tous les autres, et donc la soirée se passe très très bien avec ce premier combat entre une française de banlieue et une indienne très beau combat l'indienne gagne mais en tout cas c'était superbe là on a vu quand même aussi qu'elle y allait c'est à la fois élégant, beau et c'est violent c'est violent et puis la violence aussi qu'on n'imagine pas et je pense que là les gens sont sensibles la violence c'est la violence des jeux d'échecs qui produit une forme de violence qui est Une violence sourde rentrée, une tension, voilà. La tension est très très violente, on le voit en plus avec ce grand tableau où le déplacement des pièces est indiqué et le commentaire. Parce que c'est très sophistiqué en fait, le commentaire de maître d'échecs, de grand maître d'échecs, qui, pour que le public comprenne un peu, explique l'évolution du jeu d'échecs. Pour la boxe, pas besoin d'expliquer, on voit. Et voilà, donc le décor est très très bien, le premier combat est très très bien, féminin, et le second, de très haut niveau, deux champions, et là, tension énorme aux échecs, premier round, toujours par... on commence par les échecs et ensuite, le premier round de boxe, et là, au bout d'une minute, 1 minute 30, un chaos incroyable, et le tenant, le plus âgé, perd face au challenger, le plus jeune. On a eu peur, très peur, parce que ça a été un vrai chaos et qu'il y a eu une immobilité longue. Le rideau s'est fermé, on a fermé le rideau. Guillaume a hurlé, on ferme. Le rideau s'est fermé, nous on a été sur la scène, et puis heureusement, vu l'œil s'ouvrir, tout de suite une annonce dans la salle. Et ça, c'est vrai que c'est frustrant, parce qu'on n'a pas pu voir, ça aurait été un superbe combat, magnifique, on n'a pas pu le voir se dérouler, mais malgré tout, je pense que les gens, de cette frustration, ils auront vu quelque chose de vrai. de sérieux, je dis ça avec vraiment sérieux, d'encadré, et puis c'est pas, je suis désolé, les nouvelles disciplines aux Jeux Olympiques, pourquoi les acrobaties en skate ou je ne sais quoi, il y a des trucs, je suis désolé, c'est super à voir, mais comment départager, c'est quoi le truc, c'est quoi ? Alors ceux qui se moquent du chestboxing, qui regardent un peu le curling par exemple, c'est Hippe qui me disait, le curling est bien aux Jeux Olympiques, pourquoi le chestboxing n'y serait pas, évidemment. Ce que je trouvais très beau, c'est que derrière, sur scène, derrière le ring, on voyait la salle et tout, et il y avait une solidarité, une famille. Et ça, c'est très beau. J'étais vraiment derrière le ring, donc sur scène, et je les voyais se préparer. Ils arrivent, ils montent sur scène, ils montent sur le ring. Et j'ai vu Valentin extrêmement concentré, mais très concentré. Il m'a fait presque peur. Et je voyais notre camarade arriver souriant, tout ça, se marrant. Il avait son passé derrière lui. Carl, là, et il a... Et je me suis dit, c'est bizarre, il n'est pas dans le coup. Il avait l'impression qu'il faisait partie du spectacle et qu'il se regardait, lui. Il était là, c'est génial, j'ai une superbe peignoir. Ouais, c'est génial. Et alors que Valentin, il était... Et la même chose un peu avec les deux filles. Tout à fait d'accord. Elle aussi, elle est arrivée. Et l'Indienne, je voyais la coach de l'Indienne. Chose émouvante aussi, l'Indienne, quand elle m'a vue avec sa coach, vraiment, c'est comme ça, elle m'a remercié, la coach aussi m'a remercié. Merci beaucoup. Alors en fait, j'ai compris, c'est qu'elles ont une vie, elles vivent de ça. Et donc j'ai inventé le métier. qui les nourrit. Et ça, c'était très émouvant, très très émouvant. Et donc, c'est marrant, mais ceux qui étaient dans la compétition et dans l'envie de gagner, ils ont gagné. Et c'est parfait, c'est ça. C'est ça.

  • Speaker #1

    Non mais c'est vrai que c'est ça qui peut être peut-être une des choses gratifiantes pour vous.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça c'est le sujet, bien sûr. Ça et une autre histoire. Là, l'histoire, les multiples histoires dans les banlieues. où il y a énormément de jeunes qui se mettent alors qui sont dans la boxe parce qu'ils bagarrent dans la rue, mais ils se mettent aux échecs et ils se mettent finalement à faire du chess boxing. Et ça, c'est incroyable. Et Guillaume fait un boulot incroyable là-dessus. Et il m'a raconté ça. Et j'ai vu, j'ai rencontré des tas de jeunes qui trouvent dans ce combat une forme d'exutoire, une forme de... Et Kenza, il en parle très, très bien. Et c'est peut-être la beauté d'un sport ou d'un art. Voilà, il se trouve.

  • Speaker #1

    On trouve du sens à l'envie grâce à ça.

  • Speaker #0

    C'est la plus belle à voir. Moi, c'est ce qui me touche, parce que je ne m'attendais pas à ça, évidemment. J'ai eu une idée un peu farfelue, dessinée, machin, etc. Moi, j'étais content, je me marrais. Et c'est devenu ça. Donc ça, c'est magnifique. Début,

  • Speaker #1

    ça fait 32 ans maintenant.

  • Speaker #0

    Ça fait déjà 32 ans. C'est incroyable. 2003, donc 21 ans,

  • Speaker #1

    qu'il y a eu la première démonstration. En France, Thomas Cazeneuve a commencé en 2017.

  • Speaker #0

    Oui, donc...

  • Speaker #1

    La fédération a été créée en 2019, il y a eu le Covid. Donc voilà, tout ça pour dire que c'est encore...

  • Speaker #0

    C'est un bébé,

  • Speaker #1

    oui....quel on travaille activement avec Guillaume et autres personnes sur ça. Pour vous, sachant qu'il y a tout à faire, en fait, pour concrétiser cette idée de ce dessin, c'est quoi les priorités pour la fédé française et pour la fédé internationale ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne suis pas dans la technique, dans les droits, les fonctionnements, je ne suis pas du tout, je ne suis pas doué pour ça. Mais déjà, que la Fédération française soit sérieuse et soit crédible, elle l'est, je pense, vraiment. Donc, il y a la Fédération internationale qui chapeaute le tout. Donc là, c'est là qu'il faut que ce soit solide, à mon avis. Pour que, moi, je ne sais pas comment ça marche, j'ai peur que ce soit compliqué, parce qu'il y a des lobbies. L'olympisme, c'est joli en soi, c'est des anneaux, on dit que c'est magnifique, un esprit saint dans un corps saint, mais je ne suis pas sûr que ça marche comme ça. Mais j'aimerais bien, parce qu'il n'y a aucune raison qu'un sport comme celui-là ne soit pas olympique, parce qu'en fait, c'est le sport qui ressemble le plus à l'esprit olympique grec des origines. Donc, je ne sais pas, ces histoires de lobby, je ne sais pas comment ça fonctionne, mais là, c'est un sport neuf qui a une... Il y a une philosophie, c'est un concept qui, pour moi, il est imparable. Je ne vois pas quels pourraient être les arguments pour expliquer que ce sport, non, ne convient pas, alors que d'autres, ils sont des sports de pur spectacle, qui n'ont aucun sens. J'ai vu du hip-hop, je ne sais pas, il y a eu des... c'est grotesque. On ne va pas donner des médailles, il n'y a pas de vainqueur, comment on détermine un vainqueur ? Mais donc je ne sais pas, je ne sais pas comment ça marche. Donc le plus difficile, c'est ça, c'est d'avoir un lobby soi-même.

  • Speaker #1

    Même s'il y a tout à faire, c'est quand même en train de se développer, de plus en plus de pays, de plus en plus de gens. Pour vous, quelles pourraient être les dérives possibles, en tout cas ? À quoi est-ce qu'il faut être vigilant peut-être ?

  • Speaker #0

    Peut-être, alors, essayer de garder la notion, la rigueur du sport. Essayer de garder cette idée-là, que nous-mêmes on considère comme un sport. qu'on ne considère pas comme un spectacle, ne pas glisser vers le spectaculaire, même si chaque sport a sa part de spectacle, il faut l'intégrer. Le foot, c'est du spectacle aussi maintenant. Donc ça, il ne faut pas basculer. Ça, c'est une chose. Et autre chose très importante, c'est essayer de... Alors ça, c'est le travail de pédagogie, surtout dans ce monde-là, le monde d'aujourd'hui, qui est un monde où tout va trop vite. Parce qu'il y a un truc quand même qui est spécifique à ce sport, c'est un oxymore à plein de degrés. Il y a un oxymore aussi, c'est dans la vitesse. La boxe, c'est la vitesse, c'est l'instinct, c'est l'instinct et la stratégie bien sûr. Et les échecs, c'est, alors c'est pas la lenteur, mais c'est la pensée. Donc ce sont deux mondes qui ne cheminent pas de la même manière du tout. Et donc l'idée c'est d'essayer de faire de la pédagogie sur l'ensemble et sur les échecs. Je pense qu'il faut valoriser les échecs, mais en même temps, comme c'est un package, il faut vendre le package, il faut vendre la spécificité, l'originalité du sport là-dessus. Et ça va venir avec des... il faut qu'il y ait des champions, alors il faut médiatiser ces champions. Donc ça, je pense que c'est important. Il faut rester sur la pureté de ce sport. Il y a une forme de pureté là qu'il ne faut pas abîmer. Je pense que les règles sont en place, c'est vachement bien de les faire élever. il faut toujours ajuster un peu les choses.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez que comme c'est encore le début, il faut être très strict sur le cadre qu'on veut poser, ou est-ce qu'il faut quand même autoriser les gens à être libres sur leur perspective et leur perception du sport ?

  • Speaker #0

    Déjà, c'est ce que me disait Guillaume, il me disait que les Anglais voulaient modifier des règles. Les Anglais, déjà, ils essaient de s'approprier le truc. Moi, je pense que c'est la Fédération internationale qui doit gérer ça, essayer de... Mais est-ce qu'elle a le pouvoir ? Non, parce que c'est pas... Puis il suffit de voir même, au foot, les choses, ça se tire dans les pattes à tous les niveaux, donc c'est... Non, non, bien sûr que non. Bien sûr que non.

  • Speaker #1

    Et alors, pour terminer, on... terminé, j'ai une dernière question. Est-ce que vous aurez quelque chose à conseiller à des personnes qui veulent créer, que ce soit artistiquement, technologiquement, dans l'entrepreneuriat, dans le sport, peu importe, ou qui pensent que tout a déjà été créé ?

  • Speaker #0

    D'abord, surtout ne jamais penser ça, que tout n'est pas... Non, non. Les choses s'enchaînent, se multiplient, se métissent, s'hybridifient. Donc... Il ne faut pas partir avec l'idée d'inventer quelque chose qui n'a jamais existé. C'est un peu si ça n'existe pas déjà en soi. Tout est un enchaînement. Par contre, quand une idée germe, déjà, à ce moment-là, on est son premier juge. Il faut savoir si l'idée est jouable ou pas, si elle peut se développer, si elle peut déboucher sur quelque chose. Si on a cette intuition, même l'intuition suffit, à ce moment-là, il faut y aller à fond. C'est tout. Je pense que c'est ça. Essayer de partager le truc. Ça, après, c'est l'histoire de la vie. Je pense qu'on est dans une période où... Alors, on parlait un peu de géopolitique. Je disais que l'Occident était un peu en chute libre. Mais c'est des idées comme ça. C'est une génération de gens qui ont des idées. Alors, avec les nouvelles technologies qui sont là, à la portée de main, donc déjà, être vigilant, ne pas essayer de les utiliser à bon escient. Mais en même temps, ce sont des outils incroyables qui peuvent aider à créer des idées d'un monde nouveau. C'est clair. On est face à quelque chose qui va être très surpris. La culture va changer énormément. L'art, tout ça, ça va bouger terriblement. C'est un réflexe de survie de l'humain que dans des périodes comme celle-ci, qui sont des périodes de doute et d'angoisse. On est angoissé par tout ce qui se passe. On ne peut pas le nier. globalement, je parle du monde, je ne parle même pas seulement de la France, il y a des moments de sidération, où on est tétanisé, c'est qu'on est en train de vivre ce moment-là. Je pense que vraiment, tout paraît plus difficile, les projets se montrent plus difficilement, on dit tout ça c'est en crise. On est dans ce moment de sidération, de tétanisation un peu, mais à un moment, forcément, il y a l'instinct de... le survie qui revient et là l'énergie arrive. C'est comme moi je parlais tout à l'heure de Belgrade et de Sarajevo, moi j'ai connu Sarajevo, j'étais à Sarajevo pendant la guerre, avant la fin, vraiment vers les dernières semaines de guerre, mais j'y suis allé et j'ai vécu des choses incroyables et lorsque ça s'est terminé, j'ai senti la dépression des gens de Sarajevo. Le fait que la guerre se soit arrêtée, ils sont tombés en dépression parce que finalement cette guerre leur a donné une énergie de survie et un sens à leur vie. Complètement, c'était assez émouvant d'aller jouer une pièce de théâtre alors que les snipers étaient... dans les collines, alors que les bombes tombaient par ici ou là, des histoires incroyables qui se sont créées d'humanité, de création, d'audace, d'amour, des belles histoires d'amour, il y a plein de choses comme ça. Et lorsque ça s'arrête, c'était pas si terrible, c'était ça le pire. Pour eux, c'était le pire. C'est effrayant de dire la guerre est terminée, mais c'est pire que pendant la guerre. C'est un truc dément. Et ça, je pense que c'est quelque chose qu'il faut... L'humain a cette capacité de se surpasser pour trouver une énergie de vie, de survie dans les moments les pires. Donc c'était ça. Et là, je pense que c'est pareil. La mutation, ce n'est pas le moment le plus pire, mais c'est que simplement la mutation va donner lieu à la découverte de ces nouvelles technologies. Je veux dire, même l'intelligence artificielle, c'est un truc dément. Donc tout ça, ça va donner... Et malheureusement, et heureusement, comme dans toute invention, il y a le... Il y a toujours le négatif, c'est ce que disait Paul Virilio, il y a l'invention la plus géniale qui soit, qui renferme toujours son côté sombre. Et ça, ça continuera de tout temps, mais c'est comme ça que l'homme ne peut pas s'empêcher d'être un apprenti sorcier génial. Donc il faut continuer, on n'a pas le choix. Et voilà, c'est dans nos gènes. Merci beaucoup, Enki Bilal. Merci.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Période de l'enfance

    02:13

  • Début de carrière

    09:26

  • Bug, police secrète et prémonition

    16:21

  • Inspiration, passion, mémoire individuelle et collective

    26:42

  • Chapitre 6

    39:18

  • Projets, temps, regrets

    39:37

  • Échelle de valeur, Froid Équateur

    42:33

  • Échecs + boxe = Chessboxing

    43:55

  • Débuts et rencontre avec Iepe Rubingh

    45:13

  • Tournant en France jusqu'à l'Olympia

    50:21

  • Trouver du sens, développer les structures

    57:50

  • Rigueur, dérives, communication

    01:00:18

  • On a pas le choix, il faut créer pour vivre.

    01:03:30

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Description

Artiste connu et reconnu en France, j'ai la chance d'avoir reçu le grand artiste Enki Bilal dans le premier épisode du podcast.


Quel est le rapport ? Simplement que c'est lui qui a créé le chessboxing, il y a 32 ans, dans le tome 3 de la trilogie Nikopol, l'album Froid Equateur. Si ce podcast voit le jour, si l'équipe de France part aux championnats du monde de chessboxing en Arménie cette semaine, c'est grâce à lui, à ces quelques planches de bande-dessinée qui ont inspiré un artiste, et depuis, des centaines de personnes à travers le monde.


Il retrace pour moi son parcours, son enfance à Belgrade, le début de carrière à Paris ; ses inspirations, sa vision, sa façon de travailler... et aussi bien sûr, cette idée d'un sport nouveau qui aujourd'hui grossit de jour en jour.


J'ai tenu à lui poser une question personnelle, un conseil qu'il aurait à donner, à la fin de l'interview, qu'en pensez-vous ?


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Le podcast du Chessboxing donne la parole à chessboxers, des joueurs d'échecs, des coachs, des entrepreneurs, des personnes d'horizons insoupçonnés pour explorer leur parcours de vie, leur travail, et leur passion. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits surprenants, avec le lien fort entre les invités qu'est la pratique ou l'amour du chessboxing.


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Le podcast du Chessboxing est une émission produite par Mona Malca.

Générique, montage et mixage : Andy Maistre.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Né de l'imaginaire d'Enki Bilal en 1992, puis concrétisé par l'artiste néerlandais Iepe Rubingh en 2003, ce sport qui mélange la boxe anglaise et le jeu d'échecs est aujourd'hui en plein essor car il est tout simplement génial. Bienvenue dans le podcast du Chessboxing. Sans Enki Bilal, tout ça n'aurait jamais existé. Toute cette histoire de chessboxing, ça vient de lui. C'est pour ça que ça avait vraiment du sens pour moi de le recevoir dans le premier épisode du podcast. Et la question que je me pose, c'est comment est-ce qu'un artiste devient, malgré lui... le fondateur d'un sport. Bonjour Enki Bilal, merci de me recevoir. Donc vous êtes tchèque bosniaque, vous êtes né à Belgrade et vous avez déménagé à Paris à 16 ans.

  • Speaker #1

    Tchèque par ma mère, Bosniaque par mon père, à Belgrade en Yougoslavie. Donc, je suis ex-Yougoslave. C'est un pays qui n'existe plus, mais j'aime bien dire ex-Yougoslave.

  • Speaker #0

    Vous avez écrit de nombreuses BD, vous avez fait de la peinture, trois films. Vous avez eu le Grand Prix du Festival d'Angoulême il y a longtemps, en 87. L'Ordre National du Mérite, en 2010. L'Ordre National de la Légion d'honneur, en 2022. Et je n'ai pas parlé de Froid-Équateur, qui n'est pas du tout votre BD la plus connue. La Trilogie Nicopole est une des plus connues. Mais celle-ci, c'est une dont on va parler le plus, vu que c'est dans celle-ci qu'on parle du chessboxing. Est-ce que j'ai oublié quelque chose ?

  • Speaker #1

    Non, non. Mais Froid Equateur, justement, c'est vrai que ce n'est pas un album forcément très connu, mais c'est un album particulier puisqu'il a été élu meilleur livre de l'année, tout genre confondu, par le magazine Lire de Bernard Pivot. donc devant des grands romanciers français internationaux et c'est amusant parce que ça m'a valu ça m'a valu des problèmes avec le monde littéraire avec le monde de la bande dessinée ni aux uns ni aux autres. Moi j'étais très content.

  • Speaker #0

    Avant de parler de chessboxing et de votre oeuvre, je me demandais un petit peu votre enfance à Belgrade. puisque vous avez déménagé à Paris en 1961, donc, on va dire, vos dix premières années à Belgrade. Quels souvenirs en avez-vous ? Est-ce que vous voulez raconter un petit peu cette enfance en ex-Yougoslavie ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une enfance finalement assez heureuse, même si mon père est parti très tôt pour Paris, donc, il y avait l'absence du père, mais il donnait des nouvelles, il m'envoyait des cadeaux, des paquets, etc., de l'argent même. Mais c'est une enfance heureuse dans une ville... qui sortait alors je suis dans 51 donc la guerre s'était finie depuis six ans déjà mais mais belgrade avait gardé toutes les stigmates de la guerre en fait c'était tito le dictateur soft de la Yougoslavie qui avait décidé, vraiment je crois que c'est de la com déjà, c'est une communication, de montrer que sa ville avait souffert, ce qui était vrai, les nazis avaient énormément abîmé Belgrade, et donc c'était une façon de montrer au monde, puisqu'il avait dit non à Staline, je ne vais pas faire beaucoup d'histoire, ni de géopolitique, mais il avait dit non à Staline, donc il n'est pas entré dans le bloc communiste, bien que communiste, et donc ça lui a valu une forme de... de reconnaissance et de sympathie du monde occidental. Et lui, il jouait là-dessus pour dire, je suis le héros de cette guerre dans les Balkans, c'est moi qui ai vaincu les nazis, ce qui est partiellement vrai, et donc voici la ville, c'est ma ville, les Belgrads, c'est la capitale de la Yougoslavie, c'est l'autogestion, etc. Donc en fait, j'ai passé du temps à voir dans cette ville des délégations. international, défilé dans les rues, etc. J'ai passé du temps à être aussi dans les pionniers, gamins. Les pionniers, c'est-à-dire que j'avais un foulard rouge autour du cou, avec un anneau doré, et je défilais dans les grands stades de Belgrade pour rendre hommage à Tito, notre bienfaiteur. Donc ça, c'est des souvenirs plutôt joyeux, avec un terrain de jeu formidable qui était un peu... parc en face de l'endroit où j'étais né et c'était un parc qui avait été construit, une forteresse plutôt, qui était entourée d'un parc pour résister aux ottomans. Donc c'est très historique, c'est très... Belgrade est une ville très marquée par la violence, par les conflits, par les invasions, les résistances, etc. Donc tout ça, je pense, a joué quelque part pour me donner une espèce de conscience, inconsciemment d'ailleurs, mais une forme de conscience de la du pouvoir, de la géopolitique, de la politique, etc. Et donc c'est dix années plutôt heureuses jusqu'au moment où j'arrive en France pour rejoindre mon père avec le reste de la famille.

  • Speaker #0

    Et vous diriez que ça a influencé aussi esthétiquement quand même aussi, pas tout ce que vous avez fait,

  • Speaker #1

    mais tout ce que vous avez fait ? Je pense que oui, bien sûr, absolument. Je dessinais déjà à ce moment-là, j'ai commencé à dessiner. Alors je ne dessinais pas, je dessinais des cow-boys et des indiens. Mais je pense que la mémoire, la mémoire visuelle, olfactive, toutes les mémoires, quand on est gamin, c'est hyper important. On en magasine tout, on engrange, on est de forme d'éponge. Et tout ça, ça ressort après. C'est vrai que moi, je peux reconnaître, savoir ce qui sort, y compris dans mon imaginaire, ce qui sort de cette période de l'enfance.

  • Speaker #0

    Et donc, vous arrivez à Paris à 10 ans. Est-ce que l'arrivée à Paris a été une période heureuse ?

  • Speaker #1

    C'est une période plus compliquée. Changement de pays, changement de culture, changement de langue. Il faut apprendre la langue. Le changement de mode de vie, je dois dire, je ne vais pas m'étaler là-dessus, mais la vie à Paris, en banlieue, était beaucoup plus difficile qu'à Belgrade, pour des raisons économiques, donc ce n'était pas facile, je n'en dirais pas plus. Mais j'avais la langue française, je la maîtrise très vite, ma sœur qui a deux ans de plus que moi, on la maîtrise très vite, à l'école ça va vite, quand on a dix ans, il n'y a pas de problème. Et donc je découvre à ce moment-là la bande dessinée, maintenant la bande dessinée franco-belge. Alors Pilote, Tintin, Spirou, tous ces magazines pour la jeunesse. Et je découvre, en découvrant la langue française, dont je tombe amoureux littéralement, parce que vraiment je prends du plaisir à... pas trop à la parler d'ailleurs, mais plutôt à l'écrire. Et je vois que... La bande dessinée franco-belge, précisément, c'est un mélange de mes deux passions. Alors ma nouvelle passion qui est la langue française et la passion de Belgrade, d'attente de Belgrade, qui est celle du dessin. Et donc tout naturellement, je deviens passionné par la bande dessinée, par les récits, par ce que je peux lire. Et c'est comme ça que plus tard, je tenterai à ma chance un concours organisé par Pilote. J'ai 20 ans à ce moment-là, c'est la date limite. et je remporte le premier prix. Les choses se démarrent comme ça. Mais en tout cas, c'est une vie qui est liée. C'est là que je découvre la culture française. Je m'échappe souvent de chez moi, du petit chez moi, où il n'était pas forcément facile de vivre à quatre. Et je découvre le cinéma, les ciné-clubs au lycée, le cinéma à Paris avec des copains, puis la bande dessinée, puis la littérature. Enfin, tout ça, ça me... Ça me maintient, et la musique aussi. Moi, je n'avais pas de quoi écouter la musique chez moi, mais j'avais un copain qui était hyper bien équipé en hi-fi, donc on a créé comme ça un groupe. Et donc tous ces éléments culturels me stimulent et sont importants aussi pour la suite de ma propre vie.

  • Speaker #0

    Le résultat est que... Quelques années plus tard, en tout cas aujourd'hui,

  • Speaker #1

    vous êtes encore en Paris finalement. Paris, c'est chez vous ? Paris, c'est chez moi. Paris, ça sera toujours chez moi, mais j'ai découvert d'autres endroits. Belgrade, c'est toujours chez moi, vraiment. Chaque fois que j'y retourne, je suis très, très, très heureux de retourner à cette ville. Sarajevo, c'est chez moi. Sarajevo, c'est l'autre ville, c'est la ville de Bosnie, une région d'où est né mon père. Et c'est aussi ma ville. Sarajevo, j'ai une profonde affection pour cette ville. J'y ai des amis, j'y ai... Voilà, donc je ne suis pas tiraillé entre les deux, j'aime les deux et ça n'a pas été facile à un moment d'apprécier les deux, parce qu'il y a eu cette guerre absolument terrible, atroce, dans les années 90. Mais voilà, moi je sais faire preuve de nuance et voilà, j'entretiens d'excellents rapports avec Ludoville.

  • Speaker #0

    On le connaît, en tout cas dans le chessboxing, on le connaît tous, 92. la date,

  • Speaker #1

    entre 71 et 92 je sais qu'il se passe beaucoup de choses et moi je suis un peu de tout ce qui se passe mais je préfère que vous m'en parliez alors c'est des années où effectivement je commence, je suis publié à pilote donc j'étais au Beaux-Arts à ce moment là, j'entrais au Beaux-Arts j'avais été reçu au Beaux-Arts et bien reçu même plutôt mais j'ai laissé tomber au bout de 3 mois 3 mois de Beaux-Arts, c'est quand même pas mal pourquoi ? Parce que euh... Parce que précisément, Pilote m'offrait cette opportunité. d'ouvrir ses portes puisque je venais de remporter ce concours et aussi parce que j'étais vraiment très attiré par l'idée de raconter des histoires d'écrire, de dessiner, il y avait quelque chose, une forme d'urgence et au Beaux-Arts où j'étais, c'était vraiment une école prestigieuse évidemment mais on était dans du dessin pur, dans de la théorie et puis en même temps j'ai pas vraiment accroché avec l'ambiance des Beaux-Arts de cette époque vraiment Et donc j'ai vraiment abandonné assez rapidement et décidé de me consacrer réellement à la à l'avant dessinée donc à Pilote mais des récits courts d'abord inspiré de Lovecraft fantastique et puis je rencontre Pierre Christin qui malheureusement nous a nous a quitté il y a peu de temps donc Pierre avec lui on lance une série qui est on va dire de Politique fiction, une série assez politique, ce qui était assez nouveau. Ça, c'est sa part à lui. Il était prof de journalisme et très passionné de politique. En bande dessinée, à cette époque-là, la politique, on n'en faisait pas trop. La bande dessinée est quand même destinée aux enfants. Il y avait ce côté un peu classique, nostalgique. Et donc, on ouvre un peu les perspectives avec des récits. politiques, engagés même, ce qui sont mes premiers albums, La Croisière des Oubliés, Le vaisseau de pierre, La ville qui n'existait pas, et surtout, je dirais, Les phalanges de l'ordre noir et Parti de chasse, qui représentent les deux livres phares de notre collaboration, sur la politique à l'ordre international, les phalanges, c'est sur la résurgence d'une extrême droite et d'un terrorisme d'extrême droite en Europe, donc en liaison avec la... La guerre d'Espagne, donc on fait un lien entre les deux, le passé et le présent. Ça, c'est le début des années 80. Et puis Partizas, qui est un récit plutôt initié par moi, parce que je voulais qu'on fasse quelque chose sur les pays de l'Est. C'est la fin du communisme, c'est la perestroïka, etc. Bref, on était dans une espèce de vision d'un futur proche où le mur se tomberait. Et effectivement, il est tombé en 89. Donc ça, c'est notre collaboration entre les deux. Et parallèlement à ça, je fais aussi mes propres armes tout seul. Je fais des récits courts tout seul, en couleur directe. Et je fais deux albums, la Force Immortelle et la Fin Piège. La Fin Piège qui marquera aussi un tournant. Alors Pierre, il avait déjà cette idée. Il avait commencé avec Tardy une histoire qui s'appelait Rumors sur le Rue Erg, qui était un peu de cette veine qu'on appelait Légende d'aujourd'hui, qui raconte... dans certaines régions de France, enfin, des contextes politiques, sociaux, sociétaux même, et donc avec une dose de fantastique. Donc ça, c'est quelque chose qui vient de lui, l'aspect politique vient de lui, moi je vais ramener peut-être le côté fantastique, en insistant qu'il ait ce côté fantastique, mais en même temps, je veux dire, notre collaboration fonctionne très vite, tout de suite, parce que je pense aussi, tout ce que je disais un peu sur mon enfance belgradoise, à savoir la conscience inconsciente de la politique, de la géopolitique, des enjeux politiques du pouvoir. Toutes ces choses-là sont déjà, sont aussi dans la démarche de Pierre-Christophe. Donc on se retrouve là-dessus. Et c'est pour ça aussi que les deux albums, les deux qu'on est fait, les deux derniers, Les phalanges de l'ordre noir et Partie de chasse sont des albums qui vont marquer et qui vont faire passer, mais je dis ça en toute humilité, qui vont faire... passer de la bande dessinée dans un monde beaucoup plus adulte, reconnu notamment par le milieu intellectuel, universitaire. Ce sont des albums qui vont être diffusés dans les pays de l'Est, notamment, Parti de Chasse, diffusés dans les pays de l'Est, sous le manteau. Et c'est une forme de reconnaissance un peu de la bande dessinée adulte. Ce sont deux albums phares et moi, en même temps, donc en parallèle, je commence ma propre production d'auteur complet, écriture. Évidemment, j'étais très... Je suis vraiment passionné par l'écriture. Je reviens à cette idée de la langue française qui m'a séduit quand j'étais à l'âge de 13-14 ans, quand j'ai commencé à la maîtriser. Et donc, en parallèle, même au bout d'un moment, je donne la priorité à mon travail personnel. Je dis quand même un truc intéressant, parce que pourquoi on n'a pas continué après Parti de chasse ? Pierre-Christophe, c'est un mois, Parti de chasse qui est sorti en 83 ou 84. Pourquoi on n'a pas continué ? C'est parce que, vraiment, on s'est dit On est allé peut-être au bout de notre façon de fonctionner, dans la façon de fonctionner tous les deux, en termes de création, de vraie collaboration, et on s'est dit, on commence à avoir quand même des visions prémonitoires, donc c'est un peu embêtant, parce que tous les deux on avait eu envie de parler de la Troisième Guerre mondiale. Et on s'est dit, si on fait un album sur la troisième guerre mondiale, elle va avoir lieu, donc on va s'abstenir de le faire. Je dis ça un peu en blaguant. On a blagué là-dessus, mais on s'est arrêté là-dessus, sur la chute du communisme avec Parti de Chasse. Et on a continué après à travailler sur d'autres types de livres, qui ne sont pas du tout de l'avant-dessiné, mais on a continué à garder des liens et à travailler ensemble. Mais en tout cas, moi, c'était aussi ma façon de quitter la collaboration quel que soit le scénariste, en plus Pierre, je pense, était le meilleur, et donc je me consacre à partir de ce moment-là à mon travail personnel.

  • Speaker #0

    Seule, en fait, collaboration étroite avec quelqu'un ?

  • Speaker #1

    Étroite, oui, mais j'ai quand même travaillé avec Jean-Pierre Duvenet, on a fait Exterminator 17, quand même, qui est un livre qui a marqué aussi la période métalure. Mais le vrai échange, collaboration sur la durée, c'est avec Pierre Castagne.

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement,

  • Speaker #1

    Vous avez une vision prémonitoire, donc vous imaginez quelque chose ? La prémonition, elle vient... ça ne me vient pas comme ça. Un matin, je ne me lève pas en disant... Parlons de bug, par exemple. Bug, c'est un épée de Damoclès, le bug. Mais le bug général, tel que j'imagine, il est absolument... Je pense qu'il est inconcevable, parce qu'il y a des pare-feux à tous les niveaux. Donc moi, j'imagine le bug définitif, c'est-à-dire tout s'arrête immédiatement, et on ne sait pas pourquoi. Alors pourquoi on ne sait pas pourquoi ? Parce que simplement, ça vient... d'une entité extraterrestre. Donc là, pour l'instant, on ne peut pas. On ne sait pas, mais le bug a vraiment lieu. Donc ça, c'est peut-être aussi... C'est après, moi, ça m'a servi de leçon de faire Monstre, c'est-à-dire le Sommet du Monstre et toute la série après. Ça m'a servi de leçon. Pourquoi ? Parce que là, c'est la pire des prémonitions que j'ai eues et qui s'est réalisée, c'est celle de l'obscurantisme religieux. Ça, c'est sorti en 97, Sommet du Monstre, et j'imaginais, effectivement, des forces obscurantistes. qui s'attaque à l'Occident, à la liberté d'expression, à la liberté de penser, à la culture, bref. Mais ça, je dois dire que quand je l'ai écrit, je n'imaginais pas que ça arriverait. C'est arrivé avec le 11 septembre qui a axé cette espèce d'offensive de l'obscurantisme. Moi, j'avais fait une vision, on va dire, un peu globale des trois monothéismes. Je n'avais pas pointé du doigt un seul monothéisme, j'avais décidé que les trois. pouvaient s'associer par intérêt, des intérêts qui peuvent converger, évidemment, d'éliminer toute la pensée, la liberté de penser, bref, tout ce qu'un obscurantisme peut vouloir interdire. Donc, ça, ça m'a fait un choc, vraiment, parce que je ne m'y attendais pas. Et quand c'est arrivé, je n'ai pas réalisé. J'étais comme tout le monde. sidéré dans un état de sidération devant les images du 11 septembre. Je me demandais si ce n'était pas un film hollywoodien, si ce n'était pas une bande-annonce d'un film à effets spéciaux avec... Non, c'était la réalité. Et à ce moment-là, je ne réalise pas, c'est un ami qui me dit Mais tu te rends compte, ce que tu as prédit vient d'arriver. Et ça, ça m'a un peu glacé le sang, je me suis dit non pas que j'ai eu peur de mes visions, parce que... C'était pas si compliqué que ça, je pense que c'était pas si compliqué que ça, je pense que des politiques avisées le savaient, qui savaient qu'il y avait un danger, mais bon. Donc ça m'a un peu, ça a modifié complètement la suite de mon travail sur cette série, puisque j'avais asséché le sujet, le sujet était asséché par la réalité. Mais en tout cas, après j'ai bifurqué vers une vision plutôt écologique, on va dire. Le coup de sang, c'est la planète qui se révolte, c'est une fable. La planète se révolte contre l'homme, tout simplement, parce qu'elle considère que l'homme ne se comporte pas bien avec elle. Je crois qu'elle a raison, parce que l'homme lui a fait du mal, l'homme l'a maltraitée, et elle décide de se secouer les dos, comme si on les débarrasserait de puces, comme un chien. se débarrassent de puces, la planète se débarrasse d'une grande partie de l'humanité et restent des groupuscules d'humains qui survivent et qui cherchent un eldorado. Bref, c'est comme ça que partent mes récits, c'est toujours avec l'idée du futur. Qu'est-ce qui peut nous arriver ? C'est quoi ? Après l'obscurantisme, ça y est, il est là. Malheureusement, il est toujours là. Qu'est-ce qui peut arriver d'autre ? C'était le réchauffement climatique, on est dedans, on est toujours dedans. Et Bug fait partie de cette... Sauf que Bug, c'est tellement énorme qu'au-delà de Bug, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir d'autre. Donc il faut refaire une société planétaire complète. Il faut tout réinventer. Puisque plus rien de ce qu'on a inventé technologique ne marche.

  • Speaker #0

    Pour vous, on y va ? À la catastrophe technologique ? À Elon Musk avec ses robots ? Oui, oui, oui. Enfin voilà,

  • Speaker #1

    qu'est-ce que vous pensez de tout ça ? Ça m'excite évidemment, mais ça m'inquiète aussi. Ça m'inquiète, ça m'excite. Et voilà, je fais partie du bateau, on est tous à bord de ce Titanic. Alors pour l'instant, on espère qu'on ne va pas se taper l'iceberg qui va surgir devant nous. Non, c'est fascinant. Le bug peut provenir de ces technologies, évidemment, puisqu'on a créé des technologies qui sont exceptionnelles, extraordinaires, le numérique, tout ça, ça a modifié complètement le fonctionnement de l'état d'esprit de l'humain et même de l'esprit. C'est dangereux d'ailleurs, parce que ça produit des tas de... Ça va très très vite. En fait, c'est ça qui est désarmant, c'est l'accélération de tout, de la communication, de la... Alors ça a des effets, forcément... très déstabilisateur sur l'humain, sur nos relations entre... Il y a quelque chose qui dysfonctionne, moi je trouve. On ne va pas... Ce n'est pas le sujet, mais quelque part, il y a... Là, en deux jours, j'ai eu deux, trois affaires d'agressivité vis-à-vis de moi, simplement parce que l'exemple est tout bête. Il y a un feu rouge, moi je traverse, tout le monde traverse, et d'un coup, il me fonce dessus, il me poussait avec un bébé dedans, et un mec qui... qui foncent, qui zigzaguent au milieu des gens. Donc moi je fais oh là, oh là, le type m'agresse, m'insulte Je dis mais c'est quoi le problème ? Vous foncez sur des gens, là, comme ça, il y a des voitures et tout, c'est très dangereux, ce que vous faites pour votre enfant Non, le mec est dans l'agressivité. Et ça, c'est le simple fait qu'on ne communique plus, naturellement, normalement. Ce type-là, il était certainement, il a un enfant qui est bien réel, mais lui… dans sa tête, il était sur ses réseaux sociaux, dans son iPhone, dans ses réseaux, je ne sais pas dans quoi il était. Et ça, ça se retrouve un peu partout dans la société. Donc tout ça, ça peut produire des fonctionnements différents. Arrivent en plus des nouvelles technologies, par exemple, ça c'est un sujet extraordinaire, vaste, et en même temps, le plus inquiétant qu'il soit, c'est l'intelligence artificielle. Qu'est-ce que va se passer ? Qu'est-ce que va se passer en termes de, par exemple, sur le plan culturel ? de l'art, les arts. Moi, je suis très, évidemment, très impliqué dans la création. L'art, c'est ce qui me paraît essentiel à la santé mentale de l'humanité. Et ça, l'art, s'il bascule, s'il disparaît ou ne sort de la zone d'influence et de création de l'humain, ça va être très problématique. Donc, voilà. Tout ça, c'est un monde qui est en devenir. Moi, je le... Je le subis comme tout le monde. Et il me fascine. Et évidemment, c'est un terrain de jeu, c'est un terrain pour mes récits. Donc, il est évident que dans Bug, l'intelligence artificielle va avoir sa place dans le quatrième volume et le cinquième qui sera le dernier. Donc, moi, je lis aussi en fonction du rythme du développement de la société mondiale, de la technologie, de la science. Tout ça, ça me passionne, ça me fascine. Et je m'en sers, évidemment, comme d'un... C'est stimulant, forcément.

  • Speaker #0

    J'ai deux questions. La première, c'était, est-ce que c'est parce que vous, vous êtes pessimiste, ou est-ce que c'est plutôt vous chercher à mettre en garde, mais sans vous être particulièrement pessimiste ? Ça, c'est ma première question. Et la deuxième, c'était sur l'inspiration, justement. Où est-ce que vous avez cherché votre inspiration, mais que vous avez un petit peu répondu le même ?

  • Speaker #1

    Alors, le pessimisme, oui et non. Non, le pessimisme, on me dit souvent ça, on me dit, vous êtes pessimiste, vos histoires sont pessimistes. Non, je ne crois pas. Je crois que c'est... Alors moi j'ai une phrase que je ne sais plus qui a dit ça, je le trouve absolument génial. Un pessimiste, c'est un optimiste qui a compris. Donc la phrase est magnifique. Ça veut dire tout simplement, c'est une forme de lucidité. Je pense que je suis assez lucide. Alors effectivement, mes récits, ma atmosphère, mon graphisme, tout ça c'est assez sombre, on va dire sombre, pesant, inquiétant, on est d'accord là-dessus. Mais beaucoup de gens se font une idée de ce que je fais sans me lire vraiment. Ou alors ils lisent en diagonale, donc ils ne comprennent pas, ou ils n'aiment pas. C'est ce que je comprends, c'est tout à fait. Mais quand on me dit vous êtes pessimiste et sombre je dis non, si vous lisez bien, vous verrez qu'il y a de l'humour et du second degré et qu'il y a une distance. C'est-à-dire que tous les sujets que je traite, ces sujets graves et inquiétants de notre futur, je les traite avec une forme d'érision. Donc déjà, ça désamorce pas mal de choses et ça modifie la compréhension du sujet. Mais c'est vrai que je reviens sans doute à cette enfance de Belgrade, ce que je disais sur l'influence inconsciente de l'atmosphère politique et géopolitique qu'il y avait. En plus, il y avait le... Je reviens un peu sur cette période-là, parce que mon père était à Paris. Mon père était à Paris, il n'est venu qu'une seule fois en 4-5 ans. Il est revenu une seule fois et pas longtemps à Béval. Donc il y avait, en plus mon père avait été pendant la guerre, il avait été un compagnon de Tito. Il s'est battu aux côtés de Tito dans les partisans. Donc mon père était proche de Tito et à la fin de la guerre, il a été son tailleur pendant un moment. Il était tailleur, il faisait ses costumes, ses tenues de maréchal et tout ça. Donc tout ça c'était d'autant plus trouble parce que ma mère était dans une parano, quand on est gamin on ne comprend pas forcément, mais après j'ai compris que c'était très difficile d'être à Belgrade, alors que le mari est dans un pays occidental. Donc ça avait créé des visites régulières de la police secrète, mais quand... en manteau de cuir noir, donc ça rappelle quand même un peu la Gestapo, qui en pleine nuit venait taper quand même, pour voir si tout allait bien, si c'était quand même pas très agréable. Alors peut-être tout ça inconsciemment, ça a influencé ma vision du monde, mais j'ai pris vraiment de la distance, et je traite ça avec humour, même si ça ne m'amuse pas d'avoir tapé juste sur l'obscurantisme. Alors le reste de la question, c'est comment me vient l'inspiration ? Elle me vient de... D'abord, je voyage beaucoup, je m'intéresse au monde tel qu'il marche, je lis beaucoup la presse, je suis un grand consommateur d'informations, d'infos, et l'info, plus tout ça, ça occupe le cerveau, les choses viennent comme ça, les idées. C'est comme, on en parlera, mais le chess boxing, c'est venu comme ça. Ça n'est jamais arrivé de m'asseoir et de me dire, bon, qu'est-ce que je fais ? C'est jamais, je ne m'assois pas. Si je ne sais pas pourquoi. Donc c'est parce que j'ai un truc à faire, il y a une urgence. L'idée elle est là déjà. Et l'idée, elle ne se passe pas ni à mon bureau, mon ordinateur là où j'écris, ni à mes tables de travail, des scènes peintures, etc. Non, ça se passe dans la rue quand je marche, y compris quand je suis parfois avec des gens, des amis. Il paraît que je suis très très bon pour donner le chant, je donne le sentiment que j'écoute et que je participe alors que je ne suis pas du tout là. Ce qui est vrai. Je suis pas là. Et parfois même je suis meilleur quand je suis dans cette inconscience où je suis pas là et je donne l'impression vraiment de suivre les débats davantage que dans le réel. Quand j'écoute vraiment pour de bon, les gens disent mais tu t'en fous, tu écoutes pas Non, non, c'est très étrange comme truc. Donc je donne le change et souvent dans ces moments-là, je trouve des trucs. Je note pas ou je note peu. Alors ça m'a joué des tours et parfois j'ai eu des idées. Je ne vais pas noter, je m'en suis voulu, alors je ne sais pas si j'ai perdu quelque chose ou pas, mais en tout cas c'est perdu. Donc la création se fait ensuite, lorsque je sais où je vais, où je veux aller, après c'est un chemin. J'ai la chance aussi de ne pas devoir, lorsque je propose un livre, alors au cinéma c'est différent, mais en édition on ne me demande plus, au début on me demandait forcément, c'est normal. On ne me demande plus d'écrire un synopsis, de dire ce qu'elle raconte, comment ça se termine, maintenant je suis totalement libre, on me dit merci, bravo, allez-y. Forcément, mes éditeurs, je leur raconte ce que j'ai envie de faire, ils sont partants, et c'est très bien.

  • Speaker #0

    Il y a de la confiance entre vous et moi. Donc voilà, c'est comme ça que les choses... Donc j'ai une chance énorme d'être libre dans ce domaine-là. Le cinéma c'est très différent, il faut écrire un script, il faut budgéter. Là je suis en train de lire les affres de ce type de film que j'ai écrit, là il est deux fois trop cher, donc bref. taillé dedans, enfin bon ouais. Mais ça, ça fait partie de la règle du jeu.

  • Speaker #1

    Vous parlez beaucoup de la mémoire et du temps, et c'est deux des thèmes, des thématiques les plus connues en tout cas sur votre œuvre. Une thématique précise, c'est la mémoire collective. Le rapport à la mémoire est différent aujourd'hui parce que déjà tout est enregistré. Comment ça avance tout ça ? Et est-ce que ça va après forcément les choses changent ?

  • Speaker #0

    Ça fait partie du bug quand même de cette thématique-là. Mais la mémoire, il y a plusieurs mémoires. Mais il y en a au moins deux qui est la mémoire collective, qui est la grande mémoire historique. C'est un peu moi, c'est ce que j'ai vécu, qu'on vit tous. Mais au XXe siècle, j'ai l'impression que vous ne connaissez pas le XXe siècle. C'est un siècle où se sont passées tellement de choses incroyables, violentes, démentielles, littéralement, dans l'histoire de l'humanité. Je crois que c'est le siècle le plus important qu'on ait eu à vivre, ce qui est un peu normal. Les historiens me diront sans doute qu'ils ont sûrement d'autres idées. Ils diront que la Renaissance est plus importante, la Révolution, je ne sais pas. Je ne suis pas historien, mais pour moi, c'est quand même un siècle où... Il s'est passé énormément de choses. En plus, la deuxième moitié, évidemment, pas la première, mais la première, elle a laissé des traces très puissantes, très fortes. Donc, tout ça, c'est un monde qu'on ne peut pas oublier, qui fait partie de nous. Donc, ça, c'est la première mémoire. Elle est en danger aujourd'hui, mais c'est la première mémoire. Et le danger, c'est de la perdre. Donc, ça, on en parlera un petit peu après. La deuxième mémoire, en fait, c'est la mémoire individuelle. Donc, c'est sa propre vie. Dans cette grande mémoire historique, c'est sa propre vie. Donc celle-là, je l'ai aussi, mais je ne l'utilise pas personnellement. C'est-à-dire que je ne suis pas quelqu'un qui va faire des livres sur sa vie. Je ne veux pas dire moi, je, El Kibilah, quand j'étais petit, etc. Ça marche très fort. En bande dessinée, il y a énormément d'autofictions, on appelle ça l'autofiction. Il y en a qui font ça très très bien, mais moi, personnellement, ça ne m'intéresse pas. Ça ne m'intéresse pas de le faire pour moi. D'en lire, j'en lis un peu de temps en temps, mais ça ne m'intéresse pas non plus vraiment. Donc ma propre mémoire ne me sert qu'à filtrer la grande mémoire historique pour en faire des récits et me poser des questions sur le futur. C'est comme ça que ça fonctionne. Et donc à partir de ce moment-là, on est là effectivement, dans ce monde qui a subi une révolution incroyable, la plus grande des révolutions, plus grande que l'industrielle, plus grande que le butinbert, tout ça c'était extraordinaire. À côté de ce qu'on a vécu avec le numérique, c'est rien. Et cette révolution est tellement importante, énorme, tellement rapide et tellement globale, générale, qu'il y a eu un déficit de transmission terrible, comme une espèce de dépression où l'être humain n'a pas su, n'a pas eu le temps et n'a pas pu transmettre. C'est-à-dire qu'on n'a pas transmis à nos gamins, à nos enfants, beaucoup de choses que logiquement on aurait dû transmettre naturellement. Là, le simple fait que cette révolution soit arrivée, qu'il nous ait foutu devant un mur qu'il fallait maîtriser, il a fallu essayer de comprendre comment ça marchait, prendre le truc en marche, la technologie qui avance très très vite, et on s'est retrouvé très vite dépassé, je parle des adultes, ce qui fait que les gamins, nos enfants, ils ont dit Ah non, attends, papa, non, c'est pas comme ça que ça marche, je vais t'expliquer Et c'est les enfants qui ont expliqué aux adultes comment marchait ce nouveau monde. Donc ça, c'est quand même un truc assez incroyable. Et ça, ça a créé ce fossé où toute une série de connaissances ou d'intuitions n'ont pas été transmises. Donc, on est face à ce monde-là, ce nouveau monde qui va, et qui, quelque part, essaye inconsciemment peut-être de gommer l'ancien, en se disant, voilà, on ne peut pas tout porter en nous, on ne peut pas avoir tout le même. On peut garder des photos, on peut garder tout, mais on ne va pas s'en occuper de ça. Il faut bâtir autre chose. Et c'est vrai, il faut bâtir autre chose. Parce qu'en plus, notre monde à nous, notre démocratie, notre Occident, on parle pour nous, on est en Occident, est en train de s'effondrer sur lui-même. Donc, tout ça, c'est passionnant, ce qui va se passer. Mais là-dessus, je ne peux avoir que moi des visions. d'expliquer comment je vois les choses. Mais je n'ai pas envie de le faire parce que je crois que c'est beaucoup plus grave que la chute du mur. On est dans quelque chose d'un peu d'existentiel, planétaire. Et là, je suis très content d'avoir Bug comme sujet parce que le Bug englobe tout. Et puis, je m'amuse de cette série. Je suis dans le numéro 4 et je me pose des questions avec mon personnage principal qui est... Je me pose la question de savoir ce qui va lui arriver dans les prochaines pages. J'en suis là. C'est ça qui est drôle. C'est que je sais que je connais la fin. La fin, je ne l'appliquerai qu'à la fin du 5. Mais là, j'avance avec mes personnages. Donc, mon pauvre personnage de Hobbes, qui a toute la mémoire du monde en tête, est quand même très mal barré parce qu'il est sous la domination du bug négatif, celui du mal. Et le mal, il est en train d'accomplir le mal. Et il ne se rend pas compte, il est très heureux d'accomplir le mal. Donc c'est quand même très embêtant pour sa fille, pour toute l'humanité entière. Il fait vraiment du mal. Donc ça ne va pas durer parce que sinon ce serait trop déprimant. Mais en tout cas, je me suis lancé sur cette piste-là et je suis obligé maintenant de la gérer et de m'en sortir. Donc de l'en sortir lui. Donc c'est ça mes préoccupations du moment. Ce n'est pas la fin du monde, c'est comment Hobbes sort de... de cette horrible situation où il est en train de faire du mal.

  • Speaker #1

    Et vous travaillez d'abord sur le texte et après sur les images ou c'est en même temps ?

  • Speaker #0

    C'est en même temps.

  • Speaker #1

    Toujours en même temps ?

  • Speaker #0

    Maintenant, oui.

  • Speaker #1

    D'accord,

  • Speaker #0

    et donc vous nourrissez vraiment ? Oui, oui, oui. Alors, bien moi je pense, je sais ce que je vais dessiner à la scène, c'est comme un film, on déroule des trucs, voilà, ça va se passer ça, mais j'écris vraiment les dialogues, ça j'écris directement sur l'ordinateur. Quand je monte mes dessins, je monte les cases, et je l'ai peint après ou peu importe mais en tout cas je déroule le truc et j'écris directement avant j'écrivais à part le script, le scénario, je rajoutais les dialogues maintenant je fais tout sur le même logiciel et c'est très très bien et vraiment j'ai l'impression d'être plus certaine partie de la bande dessinée depuis très longtemps plus grand chose à voir avec les gens qui gèrent la bande dessinée globalement je parle pas de mes éditeurs ou de mes amis proches mais voilà j'ai été entre guillemets lâchée et délaissée par le monde classique traditionnel de la bande dessinée. Ce sont des gens qui me reconnaissent, mais en même temps je ne fais pas partie de leur monde et je leur ai échappé. De n'appartenir ni à ce monde-là, ni à celui du cinéma, ni à celui de l'art contemporain, j'ai l'impression d'être un électron libre, mais qui est très heureux de sa liberté.

  • Speaker #1

    Vous avez une grande carrière, vous avez de la reconnaissance de l'état. père qui,

  • Speaker #0

    bon, vous le dites quand même,

  • Speaker #1

    il y a un certain nombre de filles, des choses pas simples. Qu'est-ce que vous diriez à la personne de 16 ans qui refuse, qui joue des beaux-arts,

  • Speaker #0

    ou qui fait le pouvoir de pilote ? Qu'est-ce que vous pensez de vous ? On ne m'a jamais posé la question, donc ce n'est pas une question. Non, non, mais je vois très bien ce que vous voulez dire. Mais non, non, mais c'est intéressant. Je me dirais quand même que j'ai réussi quand même. Non, non, mais pas au sens que j'ai réussi à faire. En fait, c'est ça qui est très étrange, c'est que j'ai l'impression d'avoir réussi à la fois à, comment dire, pas à satisfaire, parce qu'on n'est jamais satisfait, mais toutes mes passions de ce moment-là d'adolescence, le moment où je me suis constitué en apprenant la langue française, en allant au lycée, en découvrant la musique, le cinéma, la littérature, mes amis, mes copains, ce petit groupe-là qui n'existe plus, mais j'ai l'impression que finalement, finalement, j'ai tout. J'aurais goûté à tout, c'est-à-dire que l'écriture, le dessin, évidemment. Mais l'écriture, j'écris des livres aussi qui ne sont pas dans la bande dessinée. J'ai le cinéma. Le cinéma, c'est quelque chose qui me... Gamma, à Belgrade, j'allais voir beaucoup de films, tous les dimanches, j'allais voir des films. Puis à la Garenne-Colombe, en banlieue, je fuyais de chez moi, c'était pour aller voir des films. Donc j'ai essayé... frustré parce que j'aurais aimé faire plus et cinéma est mieux c'est compliqué en trois films de voilà mais j'ai fait des films qui me ce qui me ressemble sont pas des films formatés donc voilà je me dirais mais bien bah écoute tu es pas mal démerdé quand même en est en restant en restant honnête, je veux dire intellectuellement honnête dans ma démarche. J'ai pas l'impression d'avoir fait de compromissions ou de trucs tordus. Vraiment, j'y suis allé à fond. Ça passe ou ça casse. J'ai perdu beaucoup de temps. Je n'ai pas fait non plus les choses pour l'argent, surtout pas. J'ai perdu des mois et des mois à écrire des trucs qui ne se sont jamais faits, par passion, par envie de, du cinéma notamment, des trois projets de films qui sont... qui ont failli se faire, et qui ne se sont pas faits au dernier moment. C'est toujours trop cher, c'est toujours trop ambitieux. Ça, ça me fait mal quand j'entends quelqu'un me dire Non, on ne vous suit pas parce que c'est trop ambitieux votre truc. C'est quoi ? Faut faire du formatage ? Ben oui, il faut faire du formatage. Mais j'ai perdu du temps, mais je n'ai pas perdu le temps parce que j'ai pris du plaisir à écrire un truc qui ne sera jamais monté au cinéma, mais ce n'est pas grave, ça fait partie des dégâts collatéraux de ma démarche.

  • Speaker #1

    Et je rebondis sur ça, est-ce qu'il y a un… un projet en particulier ou une décision ou un choix que vous regrettez d'avoir fait ou pas fait ou quelque chose que vous considérez comme un échec, un regret ou un échec, quelque chose qui vous a marqué ?

  • Speaker #0

    C'est lié en bande dessinée ou en littéraire, en bande dessinée, dans l'édition. Dans l'édition, je n'ai quand même pas vraiment de regrets, pas du tout. Parce que quand je me trompais de route sur un récit, dans un récit, je m'arrêtais à temps. Donc j'ai très peu gaspillé Je n'ai pas eu de fausse route. Je maîtrisais toujours ma démarche. Le cinéma, c'est plus délicat, c'est plus compliqué. Là, j'ai des frustrations, notamment sur mon troisième film, avec des effets 3D qui ne sont pas ratés, mais on n'était pas suffisamment armés, ni financièrement, ni technologiquement, pour que ce soit réussi. Donc ça, je m'en veux de m'être laissé embarquer par des... Un système de production un peu... pas forcément très très bien. Je ne parle pas du producteur lui-même, mais de tout ce qui est autour. Donc j'ai forcément des frustrations, mais pas un regret, mais non, surtout pas.

  • Speaker #1

    Alors j'ai entendu dire que vous étiez sportif, et que le sport avait une grande place dans votre vie. Alors il y a peu de choses sur ça dans les médias, c'est vrai que ce n'est pas ce dont on parle.

  • Speaker #0

    Non, non. Moi je me suis dit que c'était un petit peu... Pourquoi le sport est présent dans mes... on va arriver à un autre sujet, pourquoi le sport est présent dans mes histoires, dans mes récits, il est présent parce que simplement, le sport a toujours été, notamment au XXe siècle, lorsque il y avait l'opposition entre les deux blocs, c'était une vitrine, deux vitrines qui s'affrontaient. C'était quand même au moment des Jeux Olympiques, c'est celui qui aura le plus de médailles, et d'un côté il y avait les États-Unis, et de l'autre l'Union Soviétique, puis le RSS. Donc c'était les deux grands... Et ces vitrines sont hyper importantes, ça a donné lieu à du dopage, à des tas de choses très malhonnêtes, parce que simplement les enjeux sont énormes. Ça contient un peuple, c'est l'opium du peuple, on va dire. Quand je suis arrivé de Belgrade à Paris, pas tout de suite, mais après, quand j'ai commencé à connaître, à fréquenter le monde, même le monde intellectuel, Je me suis rendu compte très vite qu'en France, les intellectuels méprisaient le sport. Ils méprisaient ça. Je suis crétin, etc. Alors qu'à Belgrade et dans les pays de l'Est, au contraire, tous les intellectuels, ils avaient tous leur équipe favorite, ils connaissaient le nom de tous les joueurs de foot, ils jouaient aux échecs. Tout ça faisait partie en même temps de la vie de la société et le sport était considéré comme quelque chose de... un prolongement carrément de l'intelligence de l'humain voilà donc ça ça m'avait frappé quand je suis arrivé en france donc voilà moi j'ai continué sport et je mettais dans tous mes récits le sport était présent alors ça a été une sorte de hockey sur glace très violent dans la force immortelle d'autres sports enfin bon c'était toujours présent j'ai fait un livre sur le football avec patrick covin mais un truc très libre pas du tout et et puis voilà et Et quand j'arrive à Froid-Équateur, c'est une société où tout est noté, un peu comme les sociétés d'aujourd'hui avec des clics du genre, tout est noté sur des échelles de valeurs, tout, l'intelligence, l'élégance, la culture. Bref, à tous les niveaux, on est noté. Il faut être au maximum. Et donc, il manquait une échelle, il manquait un sport pour... pour que l'échec de l'accomplissement sportif du corps soit... et son rôle dans le récit, dans le portrait de cette société, du froid équateur. Et là, je cherche un sport qui n'existe pas, mais qui serait un truc, un mix. Et là, ça arrive en une fraction de seconde. On ne sait pas comment ça arrive, ça. Je me dis, mais les échecs... Les échecs pour moi c'est un sport et que effectivement quand j'étais gamin... À Belgrade, dans les journaux, je regardais les photos des footballeurs, mais en bas de chaque page de sport, il y avait une double colonne qui était réservée aux échecs, où on décortiquait les parties d'échecs des grands champions. Donc ça faisait partie du sport. Et donc là, je pense que tout ça, les échecs, c'est imposé comme ça, comme un sport de l'intelligence, de l'esprit. Et en opposition vient tout de suite, je me dis, la boxe. C'est arrivé comme ça en une fraction de seconde, j'ai dit l'idée est géniale, je la garde. Et je l'ai développée dans l'album sur une séquence qui était importante, mais voilà, mais c'est pas le sujet de l'album, c'est juste une séquence dans l'album. Et là je reçois un mail de Hyper Rubing, je connais pas, en plus c'est un nom étrange, I-E-P-E, Rubing et Rubing H, ça m'intrigue. Et il me dit voilà, je suis artiste néerlandais, je me suis installé à Berlin, je... J'ai découvert votre sport dans trois équateurs, le Chess Boxing, je trouve cette idée formidable. Vraiment, j'ai envie de la mettre en pratique. Moi-même, je suis artiste, donc il m'explique ce qu'il fait. Il m'envoie un peu des liens montrant qu'effectivement, il fait des installations, des trucs assez dingues. Et je dis voilà, je vais essayer d'organiser, je pense que c'est à Amsterdam qu'il voulait le faire, un combat, une première démonstration du Chess Boxing. Alors ça, ça me plaît, ça m'amuse, ça me fait... C'est sourire, ça fait plaisir, mais en même temps j'étais tellement pris dans mes trucs, j'oublie, je réponds même pas. Je réponds même pas. Et quelques années plus tard, un journaliste me dit Mais tu es au courant de cette histoire de chess boxing ? Je dis Ah bon, ah oui, qu'est-ce que c'est ? Il me dit À Berlin, apparemment il y a une... Il y a une fédération internationale, c'est génial, ça m'amuse. Et les choses s'enchaînent, alors étrangement, Antoine de Cônes, je ne le connaissais très peu, on s'était croisés comme ça une fois, il m'appelle et me dit, je fais une série de portraits, de reportages sur des villes. Alors il avait fait Los Angeles, Londres, il dit je fais Berlin en ce moment, et j'aimerais, si tu en es d'accord, t'emmener pour un petit tournage, je voudrais te faire une surprise. Et là, j'ai compris que c'était ça la surprise. Je savais que la Fédération était là-bas et j'étais sûr que c'était ça. Et effectivement, ça a été ça. Il me fait rencontrer Ypé devant les caméras. On se rencontre, c'est un mec super, une très belle rencontre. Il nous emmène, toute l'équipe et moi, tout est filmé dans la Fédération. Dans la Fédération, c'est une espèce de hangar où il y a un ring. Je vois des athlètes sauter à la corde, Pouching Ball, tous les trucs de la boxe. Et aussi toute une série d'échiqués comme ça, en blitz. Le blitz, c'est effectivement quand on joue très très vite aux échecs sans réfléchir quasiment. Et ça sent la sueur là-dedans. Et donc on assiste à une démonstration. Et là je suis bluffé littéralement par la qualité. des échecs ça se voit on voit tout de suite mais je suis pas un grand spécialiste je joue aux échecs et j'ai joué beaucoup mais c'est du sérieux je ne sais pas ce bricolage et en boxe à ses ans si ça tombe pas les mecs sont sont affûtés physiquement à rien des bulgares est allemand ukrainien russe avait un peu de ma mélange voilà on sait on sait à ce moment là que ces pays là vont des les premiers à être preneur, c'est dans la culture. Et donc là, j'assiste à ça et c'est comme ça qu'il peut m'expliquer qu'il veut aller plus loin. Après, on organise chez Arcurial à Paris, une zone de vente avec laquelle je travaille souvent, on organise une démonstration de chestboxing. Ça se passe très très bien, je fais une peinture qui est vendue aux enchères pour... pour la bonne cause du chest boxing.

  • Speaker #1

    Je voulais vous parler un petit peu d'IP.

  • Speaker #0

    IP, je le voyais de manière tout à fait épisodique, comme ça quand il venait à Paris on se voyait, on m'envoyait des nouvelles. En fait on se voyait peu, parce qu'on n'avait pas forcément à se voir beaucoup, mais en tout cas il me tenait au courant. Moi j'étais là derrière lui, je suis le parrain de cette histoire, je la suis, je suis avec toi, donc j'ai quand même financé un peu avec cette vente. Et on essaye, donc le but c'était d'asseoir le... de le faire connaître, il a réussi à le faire. Fédération internationale, ensuite Fédération nationale, il y en a eu beaucoup. Et alors que ça prend de l'importance dans beaucoup de pays d'Europe, en Angleterre notamment, les pays de l'Est, Russie aussi, en plus il y a après l'Iran, l'Inde. Les Etats-Unis ? Bref.

  • Speaker #1

    Vous avez inventé ce sport, comme vous expliquez, en fait, en 92. Après, vous faites autre chose. Oui. En fait, vous n'avez pas vocation à développer un sport. Non, non. Vous êtes bien chargé.

  • Speaker #0

    En plus, je ne me sens pas en état de le pratiquer. L'échec, je vais bien, mais la boxe, je n'ai pas envie. Et donc...

  • Speaker #1

    vous laissez en fait type et entre guillemets s'emparer en tout cas de ce concept et pour les développer ça vous suivez je soutiens vous soutenez et après qu'est ce qui se passe cette rencontre là c'est guillaume qui apparaît en disant voilà je voilà

  • Speaker #0

    voilà donc il est celui qui a envie de faire bouger les choses en france donc enfin c'est le premier il prend les choses en Donc moi je trouve ça super, je rencontre, on fait des interviews, je suis filmé, il y a plein de choses comme ça. Et puis arrive malheureusement cette terrible nouvelle où Ypé n'est plus là. Ypé meurt de manière tout à fait incroyable, allongé comme ça dans l'après-midi, ses lunettes dans la main, son portable, un bon FC Sidéran, il paraissait en pleine santé. c'était un truc de fou donc il nous laisse un peu d'orphelin quoi de tout ça et guillaume alors moi ça m'a donné un coup parce que je ne comprenais plus quoi pourquoi c'est pourquoi il était parti c'était hallucinant et la présence de guillaume il a lui il a vraiment pris les choses en main pour le territoire français mais aussi pour le reste. C'est quelqu'un qui a une grande générosité, une capacité d'action qui est incroyable et il va au bout des choses. ça a été une superbe rencontre et il donc il fait voilà il fait passer un peu plus facilement la pilule de disparition d'ip et donc il a et voilà il est à l'oeuvre moi je sais de voir quand je peux je suis présent là on a fait une très belle chose très belle prestation à l'onapien qui c'est un père qui s'est arrêté un peu brutalement on va dire mais ce qui a montré en même temps même si c'est ça a été frustrant le carreau très rapide première rente de boxe Ça a montré à quel point c'était sérieux. On ne s'est pas rigolé, on a eu peur.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous retenez ? Évidemment, il y a ce chaos qui va être ce qu'on retient le plus. Mais on se disait, pour les personnes qui pensent que le chessboxing, c'est un peu... ridicule, c'est un peu loufoque, c'est un peu je sais pas quoi là en fait on voit bien que non c'est pas le cas qu'est-ce que entre eux cette première fois où vous allez à Berlin dans ce hangar qui sent la transpiration et on se retrouve à l'Olympia, donc vous ne l'avez pas expliqué. Après, je ne sais pas combien de personnes qui nous écouteront savent le contexte.

  • Speaker #0

    Le contexte, c'était au début des Jeux Olympiques, donc c'était le lien entre la culture et le sport. Il y a eu trois soirées à l'Olympia avec des très, très beaux spectacles, enfin des choses de mise en lumière d'activités incroyables liées au sport et à la culture, à la performance culturelle. et artistique et sportive et donc nous on était à une soirée pour le chess boxing et ça c'est alors six choses importantes il y avait aussi un combat féminin et on a on a bien soigné on a bien soigné la présentation le look j'avais dessiné un peu des costumes Les peignoirs, les shorts, des trucs un peu délirants, mais on a fait très fort, c'était très beau, très élégant je trouve. Musique, une vraie mise en condition du spectateur, la salle était pleine. bondé la salle de l'Olympia, on se dit quand même, c'est à l'historique, c'est vrai que quand on traîne dans les coulisses, on voit les photos, les mains de tous les artistes, c'est assez sidérant, je voyais la toute petite main de Claude Nougaro, il a une toute petite main, pas un petit chanteur, et donc tous les autres, et donc la soirée se passe très très bien avec ce premier combat entre une française de banlieue et une indienne très beau combat l'indienne gagne mais en tout cas c'était superbe là on a vu quand même aussi qu'elle y allait c'est à la fois élégant, beau et c'est violent c'est violent et puis la violence aussi qu'on n'imagine pas et je pense que là les gens sont sensibles la violence c'est la violence des jeux d'échecs qui produit une forme de violence qui est Une violence sourde rentrée, une tension, voilà. La tension est très très violente, on le voit en plus avec ce grand tableau où le déplacement des pièces est indiqué et le commentaire. Parce que c'est très sophistiqué en fait, le commentaire de maître d'échecs, de grand maître d'échecs, qui, pour que le public comprenne un peu, explique l'évolution du jeu d'échecs. Pour la boxe, pas besoin d'expliquer, on voit. Et voilà, donc le décor est très très bien, le premier combat est très très bien, féminin, et le second, de très haut niveau, deux champions, et là, tension énorme aux échecs, premier round, toujours par... on commence par les échecs et ensuite, le premier round de boxe, et là, au bout d'une minute, 1 minute 30, un chaos incroyable, et le tenant, le plus âgé, perd face au challenger, le plus jeune. On a eu peur, très peur, parce que ça a été un vrai chaos et qu'il y a eu une immobilité longue. Le rideau s'est fermé, on a fermé le rideau. Guillaume a hurlé, on ferme. Le rideau s'est fermé, nous on a été sur la scène, et puis heureusement, vu l'œil s'ouvrir, tout de suite une annonce dans la salle. Et ça, c'est vrai que c'est frustrant, parce qu'on n'a pas pu voir, ça aurait été un superbe combat, magnifique, on n'a pas pu le voir se dérouler, mais malgré tout, je pense que les gens, de cette frustration, ils auront vu quelque chose de vrai. de sérieux, je dis ça avec vraiment sérieux, d'encadré, et puis c'est pas, je suis désolé, les nouvelles disciplines aux Jeux Olympiques, pourquoi les acrobaties en skate ou je ne sais quoi, il y a des trucs, je suis désolé, c'est super à voir, mais comment départager, c'est quoi le truc, c'est quoi ? Alors ceux qui se moquent du chestboxing, qui regardent un peu le curling par exemple, c'est Hippe qui me disait, le curling est bien aux Jeux Olympiques, pourquoi le chestboxing n'y serait pas, évidemment. Ce que je trouvais très beau, c'est que derrière, sur scène, derrière le ring, on voyait la salle et tout, et il y avait une solidarité, une famille. Et ça, c'est très beau. J'étais vraiment derrière le ring, donc sur scène, et je les voyais se préparer. Ils arrivent, ils montent sur scène, ils montent sur le ring. Et j'ai vu Valentin extrêmement concentré, mais très concentré. Il m'a fait presque peur. Et je voyais notre camarade arriver souriant, tout ça, se marrant. Il avait son passé derrière lui. Carl, là, et il a... Et je me suis dit, c'est bizarre, il n'est pas dans le coup. Il avait l'impression qu'il faisait partie du spectacle et qu'il se regardait, lui. Il était là, c'est génial, j'ai une superbe peignoir. Ouais, c'est génial. Et alors que Valentin, il était... Et la même chose un peu avec les deux filles. Tout à fait d'accord. Elle aussi, elle est arrivée. Et l'Indienne, je voyais la coach de l'Indienne. Chose émouvante aussi, l'Indienne, quand elle m'a vue avec sa coach, vraiment, c'est comme ça, elle m'a remercié, la coach aussi m'a remercié. Merci beaucoup. Alors en fait, j'ai compris, c'est qu'elles ont une vie, elles vivent de ça. Et donc j'ai inventé le métier. qui les nourrit. Et ça, c'était très émouvant, très très émouvant. Et donc, c'est marrant, mais ceux qui étaient dans la compétition et dans l'envie de gagner, ils ont gagné. Et c'est parfait, c'est ça. C'est ça.

  • Speaker #1

    Non mais c'est vrai que c'est ça qui peut être peut-être une des choses gratifiantes pour vous.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça c'est le sujet, bien sûr. Ça et une autre histoire. Là, l'histoire, les multiples histoires dans les banlieues. où il y a énormément de jeunes qui se mettent alors qui sont dans la boxe parce qu'ils bagarrent dans la rue, mais ils se mettent aux échecs et ils se mettent finalement à faire du chess boxing. Et ça, c'est incroyable. Et Guillaume fait un boulot incroyable là-dessus. Et il m'a raconté ça. Et j'ai vu, j'ai rencontré des tas de jeunes qui trouvent dans ce combat une forme d'exutoire, une forme de... Et Kenza, il en parle très, très bien. Et c'est peut-être la beauté d'un sport ou d'un art. Voilà, il se trouve.

  • Speaker #1

    On trouve du sens à l'envie grâce à ça.

  • Speaker #0

    C'est la plus belle à voir. Moi, c'est ce qui me touche, parce que je ne m'attendais pas à ça, évidemment. J'ai eu une idée un peu farfelue, dessinée, machin, etc. Moi, j'étais content, je me marrais. Et c'est devenu ça. Donc ça, c'est magnifique. Début,

  • Speaker #1

    ça fait 32 ans maintenant.

  • Speaker #0

    Ça fait déjà 32 ans. C'est incroyable. 2003, donc 21 ans,

  • Speaker #1

    qu'il y a eu la première démonstration. En France, Thomas Cazeneuve a commencé en 2017.

  • Speaker #0

    Oui, donc...

  • Speaker #1

    La fédération a été créée en 2019, il y a eu le Covid. Donc voilà, tout ça pour dire que c'est encore...

  • Speaker #0

    C'est un bébé,

  • Speaker #1

    oui....quel on travaille activement avec Guillaume et autres personnes sur ça. Pour vous, sachant qu'il y a tout à faire, en fait, pour concrétiser cette idée de ce dessin, c'est quoi les priorités pour la fédé française et pour la fédé internationale ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne suis pas dans la technique, dans les droits, les fonctionnements, je ne suis pas du tout, je ne suis pas doué pour ça. Mais déjà, que la Fédération française soit sérieuse et soit crédible, elle l'est, je pense, vraiment. Donc, il y a la Fédération internationale qui chapeaute le tout. Donc là, c'est là qu'il faut que ce soit solide, à mon avis. Pour que, moi, je ne sais pas comment ça marche, j'ai peur que ce soit compliqué, parce qu'il y a des lobbies. L'olympisme, c'est joli en soi, c'est des anneaux, on dit que c'est magnifique, un esprit saint dans un corps saint, mais je ne suis pas sûr que ça marche comme ça. Mais j'aimerais bien, parce qu'il n'y a aucune raison qu'un sport comme celui-là ne soit pas olympique, parce qu'en fait, c'est le sport qui ressemble le plus à l'esprit olympique grec des origines. Donc, je ne sais pas, ces histoires de lobby, je ne sais pas comment ça fonctionne, mais là, c'est un sport neuf qui a une... Il y a une philosophie, c'est un concept qui, pour moi, il est imparable. Je ne vois pas quels pourraient être les arguments pour expliquer que ce sport, non, ne convient pas, alors que d'autres, ils sont des sports de pur spectacle, qui n'ont aucun sens. J'ai vu du hip-hop, je ne sais pas, il y a eu des... c'est grotesque. On ne va pas donner des médailles, il n'y a pas de vainqueur, comment on détermine un vainqueur ? Mais donc je ne sais pas, je ne sais pas comment ça marche. Donc le plus difficile, c'est ça, c'est d'avoir un lobby soi-même.

  • Speaker #1

    Même s'il y a tout à faire, c'est quand même en train de se développer, de plus en plus de pays, de plus en plus de gens. Pour vous, quelles pourraient être les dérives possibles, en tout cas ? À quoi est-ce qu'il faut être vigilant peut-être ?

  • Speaker #0

    Peut-être, alors, essayer de garder la notion, la rigueur du sport. Essayer de garder cette idée-là, que nous-mêmes on considère comme un sport. qu'on ne considère pas comme un spectacle, ne pas glisser vers le spectaculaire, même si chaque sport a sa part de spectacle, il faut l'intégrer. Le foot, c'est du spectacle aussi maintenant. Donc ça, il ne faut pas basculer. Ça, c'est une chose. Et autre chose très importante, c'est essayer de... Alors ça, c'est le travail de pédagogie, surtout dans ce monde-là, le monde d'aujourd'hui, qui est un monde où tout va trop vite. Parce qu'il y a un truc quand même qui est spécifique à ce sport, c'est un oxymore à plein de degrés. Il y a un oxymore aussi, c'est dans la vitesse. La boxe, c'est la vitesse, c'est l'instinct, c'est l'instinct et la stratégie bien sûr. Et les échecs, c'est, alors c'est pas la lenteur, mais c'est la pensée. Donc ce sont deux mondes qui ne cheminent pas de la même manière du tout. Et donc l'idée c'est d'essayer de faire de la pédagogie sur l'ensemble et sur les échecs. Je pense qu'il faut valoriser les échecs, mais en même temps, comme c'est un package, il faut vendre le package, il faut vendre la spécificité, l'originalité du sport là-dessus. Et ça va venir avec des... il faut qu'il y ait des champions, alors il faut médiatiser ces champions. Donc ça, je pense que c'est important. Il faut rester sur la pureté de ce sport. Il y a une forme de pureté là qu'il ne faut pas abîmer. Je pense que les règles sont en place, c'est vachement bien de les faire élever. il faut toujours ajuster un peu les choses.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez que comme c'est encore le début, il faut être très strict sur le cadre qu'on veut poser, ou est-ce qu'il faut quand même autoriser les gens à être libres sur leur perspective et leur perception du sport ?

  • Speaker #0

    Déjà, c'est ce que me disait Guillaume, il me disait que les Anglais voulaient modifier des règles. Les Anglais, déjà, ils essaient de s'approprier le truc. Moi, je pense que c'est la Fédération internationale qui doit gérer ça, essayer de... Mais est-ce qu'elle a le pouvoir ? Non, parce que c'est pas... Puis il suffit de voir même, au foot, les choses, ça se tire dans les pattes à tous les niveaux, donc c'est... Non, non, bien sûr que non. Bien sûr que non.

  • Speaker #1

    Et alors, pour terminer, on... terminé, j'ai une dernière question. Est-ce que vous aurez quelque chose à conseiller à des personnes qui veulent créer, que ce soit artistiquement, technologiquement, dans l'entrepreneuriat, dans le sport, peu importe, ou qui pensent que tout a déjà été créé ?

  • Speaker #0

    D'abord, surtout ne jamais penser ça, que tout n'est pas... Non, non. Les choses s'enchaînent, se multiplient, se métissent, s'hybridifient. Donc... Il ne faut pas partir avec l'idée d'inventer quelque chose qui n'a jamais existé. C'est un peu si ça n'existe pas déjà en soi. Tout est un enchaînement. Par contre, quand une idée germe, déjà, à ce moment-là, on est son premier juge. Il faut savoir si l'idée est jouable ou pas, si elle peut se développer, si elle peut déboucher sur quelque chose. Si on a cette intuition, même l'intuition suffit, à ce moment-là, il faut y aller à fond. C'est tout. Je pense que c'est ça. Essayer de partager le truc. Ça, après, c'est l'histoire de la vie. Je pense qu'on est dans une période où... Alors, on parlait un peu de géopolitique. Je disais que l'Occident était un peu en chute libre. Mais c'est des idées comme ça. C'est une génération de gens qui ont des idées. Alors, avec les nouvelles technologies qui sont là, à la portée de main, donc déjà, être vigilant, ne pas essayer de les utiliser à bon escient. Mais en même temps, ce sont des outils incroyables qui peuvent aider à créer des idées d'un monde nouveau. C'est clair. On est face à quelque chose qui va être très surpris. La culture va changer énormément. L'art, tout ça, ça va bouger terriblement. C'est un réflexe de survie de l'humain que dans des périodes comme celle-ci, qui sont des périodes de doute et d'angoisse. On est angoissé par tout ce qui se passe. On ne peut pas le nier. globalement, je parle du monde, je ne parle même pas seulement de la France, il y a des moments de sidération, où on est tétanisé, c'est qu'on est en train de vivre ce moment-là. Je pense que vraiment, tout paraît plus difficile, les projets se montrent plus difficilement, on dit tout ça c'est en crise. On est dans ce moment de sidération, de tétanisation un peu, mais à un moment, forcément, il y a l'instinct de... le survie qui revient et là l'énergie arrive. C'est comme moi je parlais tout à l'heure de Belgrade et de Sarajevo, moi j'ai connu Sarajevo, j'étais à Sarajevo pendant la guerre, avant la fin, vraiment vers les dernières semaines de guerre, mais j'y suis allé et j'ai vécu des choses incroyables et lorsque ça s'est terminé, j'ai senti la dépression des gens de Sarajevo. Le fait que la guerre se soit arrêtée, ils sont tombés en dépression parce que finalement cette guerre leur a donné une énergie de survie et un sens à leur vie. Complètement, c'était assez émouvant d'aller jouer une pièce de théâtre alors que les snipers étaient... dans les collines, alors que les bombes tombaient par ici ou là, des histoires incroyables qui se sont créées d'humanité, de création, d'audace, d'amour, des belles histoires d'amour, il y a plein de choses comme ça. Et lorsque ça s'arrête, c'était pas si terrible, c'était ça le pire. Pour eux, c'était le pire. C'est effrayant de dire la guerre est terminée, mais c'est pire que pendant la guerre. C'est un truc dément. Et ça, je pense que c'est quelque chose qu'il faut... L'humain a cette capacité de se surpasser pour trouver une énergie de vie, de survie dans les moments les pires. Donc c'était ça. Et là, je pense que c'est pareil. La mutation, ce n'est pas le moment le plus pire, mais c'est que simplement la mutation va donner lieu à la découverte de ces nouvelles technologies. Je veux dire, même l'intelligence artificielle, c'est un truc dément. Donc tout ça, ça va donner... Et malheureusement, et heureusement, comme dans toute invention, il y a le... Il y a toujours le négatif, c'est ce que disait Paul Virilio, il y a l'invention la plus géniale qui soit, qui renferme toujours son côté sombre. Et ça, ça continuera de tout temps, mais c'est comme ça que l'homme ne peut pas s'empêcher d'être un apprenti sorcier génial. Donc il faut continuer, on n'a pas le choix. Et voilà, c'est dans nos gènes. Merci beaucoup, Enki Bilal. Merci.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Période de l'enfance

    02:13

  • Début de carrière

    09:26

  • Bug, police secrète et prémonition

    16:21

  • Inspiration, passion, mémoire individuelle et collective

    26:42

  • Chapitre 6

    39:18

  • Projets, temps, regrets

    39:37

  • Échelle de valeur, Froid Équateur

    42:33

  • Échecs + boxe = Chessboxing

    43:55

  • Débuts et rencontre avec Iepe Rubingh

    45:13

  • Tournant en France jusqu'à l'Olympia

    50:21

  • Trouver du sens, développer les structures

    57:50

  • Rigueur, dérives, communication

    01:00:18

  • On a pas le choix, il faut créer pour vivre.

    01:03:30

Description

Artiste connu et reconnu en France, j'ai la chance d'avoir reçu le grand artiste Enki Bilal dans le premier épisode du podcast.


Quel est le rapport ? Simplement que c'est lui qui a créé le chessboxing, il y a 32 ans, dans le tome 3 de la trilogie Nikopol, l'album Froid Equateur. Si ce podcast voit le jour, si l'équipe de France part aux championnats du monde de chessboxing en Arménie cette semaine, c'est grâce à lui, à ces quelques planches de bande-dessinée qui ont inspiré un artiste, et depuis, des centaines de personnes à travers le monde.


Il retrace pour moi son parcours, son enfance à Belgrade, le début de carrière à Paris ; ses inspirations, sa vision, sa façon de travailler... et aussi bien sûr, cette idée d'un sport nouveau qui aujourd'hui grossit de jour en jour.


J'ai tenu à lui poser une question personnelle, un conseil qu'il aurait à donner, à la fin de l'interview, qu'en pensez-vous ?


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Le podcast du Chessboxing donne la parole à chessboxers, des joueurs d'échecs, des coachs, des entrepreneurs, des personnes d'horizons insoupçonnés pour explorer leur parcours de vie, leur travail, et leur passion. Ce podcast a pour vocation de faire émerger des récits surprenants, avec le lien fort entre les invités qu'est la pratique ou l'amour du chessboxing.


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Le podcast du Chessboxing est une émission produite par Mona Malca.

Générique, montage et mixage : Andy Maistre.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Né de l'imaginaire d'Enki Bilal en 1992, puis concrétisé par l'artiste néerlandais Iepe Rubingh en 2003, ce sport qui mélange la boxe anglaise et le jeu d'échecs est aujourd'hui en plein essor car il est tout simplement génial. Bienvenue dans le podcast du Chessboxing. Sans Enki Bilal, tout ça n'aurait jamais existé. Toute cette histoire de chessboxing, ça vient de lui. C'est pour ça que ça avait vraiment du sens pour moi de le recevoir dans le premier épisode du podcast. Et la question que je me pose, c'est comment est-ce qu'un artiste devient, malgré lui... le fondateur d'un sport. Bonjour Enki Bilal, merci de me recevoir. Donc vous êtes tchèque bosniaque, vous êtes né à Belgrade et vous avez déménagé à Paris à 16 ans.

  • Speaker #1

    Tchèque par ma mère, Bosniaque par mon père, à Belgrade en Yougoslavie. Donc, je suis ex-Yougoslave. C'est un pays qui n'existe plus, mais j'aime bien dire ex-Yougoslave.

  • Speaker #0

    Vous avez écrit de nombreuses BD, vous avez fait de la peinture, trois films. Vous avez eu le Grand Prix du Festival d'Angoulême il y a longtemps, en 87. L'Ordre National du Mérite, en 2010. L'Ordre National de la Légion d'honneur, en 2022. Et je n'ai pas parlé de Froid-Équateur, qui n'est pas du tout votre BD la plus connue. La Trilogie Nicopole est une des plus connues. Mais celle-ci, c'est une dont on va parler le plus, vu que c'est dans celle-ci qu'on parle du chessboxing. Est-ce que j'ai oublié quelque chose ?

  • Speaker #1

    Non, non. Mais Froid Equateur, justement, c'est vrai que ce n'est pas un album forcément très connu, mais c'est un album particulier puisqu'il a été élu meilleur livre de l'année, tout genre confondu, par le magazine Lire de Bernard Pivot. donc devant des grands romanciers français internationaux et c'est amusant parce que ça m'a valu ça m'a valu des problèmes avec le monde littéraire avec le monde de la bande dessinée ni aux uns ni aux autres. Moi j'étais très content.

  • Speaker #0

    Avant de parler de chessboxing et de votre oeuvre, je me demandais un petit peu votre enfance à Belgrade. puisque vous avez déménagé à Paris en 1961, donc, on va dire, vos dix premières années à Belgrade. Quels souvenirs en avez-vous ? Est-ce que vous voulez raconter un petit peu cette enfance en ex-Yougoslavie ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est une enfance finalement assez heureuse, même si mon père est parti très tôt pour Paris, donc, il y avait l'absence du père, mais il donnait des nouvelles, il m'envoyait des cadeaux, des paquets, etc., de l'argent même. Mais c'est une enfance heureuse dans une ville... qui sortait alors je suis dans 51 donc la guerre s'était finie depuis six ans déjà mais mais belgrade avait gardé toutes les stigmates de la guerre en fait c'était tito le dictateur soft de la Yougoslavie qui avait décidé, vraiment je crois que c'est de la com déjà, c'est une communication, de montrer que sa ville avait souffert, ce qui était vrai, les nazis avaient énormément abîmé Belgrade, et donc c'était une façon de montrer au monde, puisqu'il avait dit non à Staline, je ne vais pas faire beaucoup d'histoire, ni de géopolitique, mais il avait dit non à Staline, donc il n'est pas entré dans le bloc communiste, bien que communiste, et donc ça lui a valu une forme de... de reconnaissance et de sympathie du monde occidental. Et lui, il jouait là-dessus pour dire, je suis le héros de cette guerre dans les Balkans, c'est moi qui ai vaincu les nazis, ce qui est partiellement vrai, et donc voici la ville, c'est ma ville, les Belgrads, c'est la capitale de la Yougoslavie, c'est l'autogestion, etc. Donc en fait, j'ai passé du temps à voir dans cette ville des délégations. international, défilé dans les rues, etc. J'ai passé du temps à être aussi dans les pionniers, gamins. Les pionniers, c'est-à-dire que j'avais un foulard rouge autour du cou, avec un anneau doré, et je défilais dans les grands stades de Belgrade pour rendre hommage à Tito, notre bienfaiteur. Donc ça, c'est des souvenirs plutôt joyeux, avec un terrain de jeu formidable qui était un peu... parc en face de l'endroit où j'étais né et c'était un parc qui avait été construit, une forteresse plutôt, qui était entourée d'un parc pour résister aux ottomans. Donc c'est très historique, c'est très... Belgrade est une ville très marquée par la violence, par les conflits, par les invasions, les résistances, etc. Donc tout ça, je pense, a joué quelque part pour me donner une espèce de conscience, inconsciemment d'ailleurs, mais une forme de conscience de la du pouvoir, de la géopolitique, de la politique, etc. Et donc c'est dix années plutôt heureuses jusqu'au moment où j'arrive en France pour rejoindre mon père avec le reste de la famille.

  • Speaker #0

    Et vous diriez que ça a influencé aussi esthétiquement quand même aussi, pas tout ce que vous avez fait,

  • Speaker #1

    mais tout ce que vous avez fait ? Je pense que oui, bien sûr, absolument. Je dessinais déjà à ce moment-là, j'ai commencé à dessiner. Alors je ne dessinais pas, je dessinais des cow-boys et des indiens. Mais je pense que la mémoire, la mémoire visuelle, olfactive, toutes les mémoires, quand on est gamin, c'est hyper important. On en magasine tout, on engrange, on est de forme d'éponge. Et tout ça, ça ressort après. C'est vrai que moi, je peux reconnaître, savoir ce qui sort, y compris dans mon imaginaire, ce qui sort de cette période de l'enfance.

  • Speaker #0

    Et donc, vous arrivez à Paris à 10 ans. Est-ce que l'arrivée à Paris a été une période heureuse ?

  • Speaker #1

    C'est une période plus compliquée. Changement de pays, changement de culture, changement de langue. Il faut apprendre la langue. Le changement de mode de vie, je dois dire, je ne vais pas m'étaler là-dessus, mais la vie à Paris, en banlieue, était beaucoup plus difficile qu'à Belgrade, pour des raisons économiques, donc ce n'était pas facile, je n'en dirais pas plus. Mais j'avais la langue française, je la maîtrise très vite, ma sœur qui a deux ans de plus que moi, on la maîtrise très vite, à l'école ça va vite, quand on a dix ans, il n'y a pas de problème. Et donc je découvre à ce moment-là la bande dessinée, maintenant la bande dessinée franco-belge. Alors Pilote, Tintin, Spirou, tous ces magazines pour la jeunesse. Et je découvre, en découvrant la langue française, dont je tombe amoureux littéralement, parce que vraiment je prends du plaisir à... pas trop à la parler d'ailleurs, mais plutôt à l'écrire. Et je vois que... La bande dessinée franco-belge, précisément, c'est un mélange de mes deux passions. Alors ma nouvelle passion qui est la langue française et la passion de Belgrade, d'attente de Belgrade, qui est celle du dessin. Et donc tout naturellement, je deviens passionné par la bande dessinée, par les récits, par ce que je peux lire. Et c'est comme ça que plus tard, je tenterai à ma chance un concours organisé par Pilote. J'ai 20 ans à ce moment-là, c'est la date limite. et je remporte le premier prix. Les choses se démarrent comme ça. Mais en tout cas, c'est une vie qui est liée. C'est là que je découvre la culture française. Je m'échappe souvent de chez moi, du petit chez moi, où il n'était pas forcément facile de vivre à quatre. Et je découvre le cinéma, les ciné-clubs au lycée, le cinéma à Paris avec des copains, puis la bande dessinée, puis la littérature. Enfin, tout ça, ça me... Ça me maintient, et la musique aussi. Moi, je n'avais pas de quoi écouter la musique chez moi, mais j'avais un copain qui était hyper bien équipé en hi-fi, donc on a créé comme ça un groupe. Et donc tous ces éléments culturels me stimulent et sont importants aussi pour la suite de ma propre vie.

  • Speaker #0

    Le résultat est que... Quelques années plus tard, en tout cas aujourd'hui,

  • Speaker #1

    vous êtes encore en Paris finalement. Paris, c'est chez vous ? Paris, c'est chez moi. Paris, ça sera toujours chez moi, mais j'ai découvert d'autres endroits. Belgrade, c'est toujours chez moi, vraiment. Chaque fois que j'y retourne, je suis très, très, très heureux de retourner à cette ville. Sarajevo, c'est chez moi. Sarajevo, c'est l'autre ville, c'est la ville de Bosnie, une région d'où est né mon père. Et c'est aussi ma ville. Sarajevo, j'ai une profonde affection pour cette ville. J'y ai des amis, j'y ai... Voilà, donc je ne suis pas tiraillé entre les deux, j'aime les deux et ça n'a pas été facile à un moment d'apprécier les deux, parce qu'il y a eu cette guerre absolument terrible, atroce, dans les années 90. Mais voilà, moi je sais faire preuve de nuance et voilà, j'entretiens d'excellents rapports avec Ludoville.

  • Speaker #0

    On le connaît, en tout cas dans le chessboxing, on le connaît tous, 92. la date,

  • Speaker #1

    entre 71 et 92 je sais qu'il se passe beaucoup de choses et moi je suis un peu de tout ce qui se passe mais je préfère que vous m'en parliez alors c'est des années où effectivement je commence, je suis publié à pilote donc j'étais au Beaux-Arts à ce moment là, j'entrais au Beaux-Arts j'avais été reçu au Beaux-Arts et bien reçu même plutôt mais j'ai laissé tomber au bout de 3 mois 3 mois de Beaux-Arts, c'est quand même pas mal pourquoi ? Parce que euh... Parce que précisément, Pilote m'offrait cette opportunité. d'ouvrir ses portes puisque je venais de remporter ce concours et aussi parce que j'étais vraiment très attiré par l'idée de raconter des histoires d'écrire, de dessiner, il y avait quelque chose, une forme d'urgence et au Beaux-Arts où j'étais, c'était vraiment une école prestigieuse évidemment mais on était dans du dessin pur, dans de la théorie et puis en même temps j'ai pas vraiment accroché avec l'ambiance des Beaux-Arts de cette époque vraiment Et donc j'ai vraiment abandonné assez rapidement et décidé de me consacrer réellement à la à l'avant dessinée donc à Pilote mais des récits courts d'abord inspiré de Lovecraft fantastique et puis je rencontre Pierre Christin qui malheureusement nous a nous a quitté il y a peu de temps donc Pierre avec lui on lance une série qui est on va dire de Politique fiction, une série assez politique, ce qui était assez nouveau. Ça, c'est sa part à lui. Il était prof de journalisme et très passionné de politique. En bande dessinée, à cette époque-là, la politique, on n'en faisait pas trop. La bande dessinée est quand même destinée aux enfants. Il y avait ce côté un peu classique, nostalgique. Et donc, on ouvre un peu les perspectives avec des récits. politiques, engagés même, ce qui sont mes premiers albums, La Croisière des Oubliés, Le vaisseau de pierre, La ville qui n'existait pas, et surtout, je dirais, Les phalanges de l'ordre noir et Parti de chasse, qui représentent les deux livres phares de notre collaboration, sur la politique à l'ordre international, les phalanges, c'est sur la résurgence d'une extrême droite et d'un terrorisme d'extrême droite en Europe, donc en liaison avec la... La guerre d'Espagne, donc on fait un lien entre les deux, le passé et le présent. Ça, c'est le début des années 80. Et puis Partizas, qui est un récit plutôt initié par moi, parce que je voulais qu'on fasse quelque chose sur les pays de l'Est. C'est la fin du communisme, c'est la perestroïka, etc. Bref, on était dans une espèce de vision d'un futur proche où le mur se tomberait. Et effectivement, il est tombé en 89. Donc ça, c'est notre collaboration entre les deux. Et parallèlement à ça, je fais aussi mes propres armes tout seul. Je fais des récits courts tout seul, en couleur directe. Et je fais deux albums, la Force Immortelle et la Fin Piège. La Fin Piège qui marquera aussi un tournant. Alors Pierre, il avait déjà cette idée. Il avait commencé avec Tardy une histoire qui s'appelait Rumors sur le Rue Erg, qui était un peu de cette veine qu'on appelait Légende d'aujourd'hui, qui raconte... dans certaines régions de France, enfin, des contextes politiques, sociaux, sociétaux même, et donc avec une dose de fantastique. Donc ça, c'est quelque chose qui vient de lui, l'aspect politique vient de lui, moi je vais ramener peut-être le côté fantastique, en insistant qu'il ait ce côté fantastique, mais en même temps, je veux dire, notre collaboration fonctionne très vite, tout de suite, parce que je pense aussi, tout ce que je disais un peu sur mon enfance belgradoise, à savoir la conscience inconsciente de la politique, de la géopolitique, des enjeux politiques du pouvoir. Toutes ces choses-là sont déjà, sont aussi dans la démarche de Pierre-Christophe. Donc on se retrouve là-dessus. Et c'est pour ça aussi que les deux albums, les deux qu'on est fait, les deux derniers, Les phalanges de l'ordre noir et Partie de chasse sont des albums qui vont marquer et qui vont faire passer, mais je dis ça en toute humilité, qui vont faire... passer de la bande dessinée dans un monde beaucoup plus adulte, reconnu notamment par le milieu intellectuel, universitaire. Ce sont des albums qui vont être diffusés dans les pays de l'Est, notamment, Parti de Chasse, diffusés dans les pays de l'Est, sous le manteau. Et c'est une forme de reconnaissance un peu de la bande dessinée adulte. Ce sont deux albums phares et moi, en même temps, donc en parallèle, je commence ma propre production d'auteur complet, écriture. Évidemment, j'étais très... Je suis vraiment passionné par l'écriture. Je reviens à cette idée de la langue française qui m'a séduit quand j'étais à l'âge de 13-14 ans, quand j'ai commencé à la maîtriser. Et donc, en parallèle, même au bout d'un moment, je donne la priorité à mon travail personnel. Je dis quand même un truc intéressant, parce que pourquoi on n'a pas continué après Parti de chasse ? Pierre-Christophe, c'est un mois, Parti de chasse qui est sorti en 83 ou 84. Pourquoi on n'a pas continué ? C'est parce que, vraiment, on s'est dit On est allé peut-être au bout de notre façon de fonctionner, dans la façon de fonctionner tous les deux, en termes de création, de vraie collaboration, et on s'est dit, on commence à avoir quand même des visions prémonitoires, donc c'est un peu embêtant, parce que tous les deux on avait eu envie de parler de la Troisième Guerre mondiale. Et on s'est dit, si on fait un album sur la troisième guerre mondiale, elle va avoir lieu, donc on va s'abstenir de le faire. Je dis ça un peu en blaguant. On a blagué là-dessus, mais on s'est arrêté là-dessus, sur la chute du communisme avec Parti de Chasse. Et on a continué après à travailler sur d'autres types de livres, qui ne sont pas du tout de l'avant-dessiné, mais on a continué à garder des liens et à travailler ensemble. Mais en tout cas, moi, c'était aussi ma façon de quitter la collaboration quel que soit le scénariste, en plus Pierre, je pense, était le meilleur, et donc je me consacre à partir de ce moment-là à mon travail personnel.

  • Speaker #0

    Seule, en fait, collaboration étroite avec quelqu'un ?

  • Speaker #1

    Étroite, oui, mais j'ai quand même travaillé avec Jean-Pierre Duvenet, on a fait Exterminator 17, quand même, qui est un livre qui a marqué aussi la période métalure. Mais le vrai échange, collaboration sur la durée, c'est avec Pierre Castagne.

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement,

  • Speaker #1

    Vous avez une vision prémonitoire, donc vous imaginez quelque chose ? La prémonition, elle vient... ça ne me vient pas comme ça. Un matin, je ne me lève pas en disant... Parlons de bug, par exemple. Bug, c'est un épée de Damoclès, le bug. Mais le bug général, tel que j'imagine, il est absolument... Je pense qu'il est inconcevable, parce qu'il y a des pare-feux à tous les niveaux. Donc moi, j'imagine le bug définitif, c'est-à-dire tout s'arrête immédiatement, et on ne sait pas pourquoi. Alors pourquoi on ne sait pas pourquoi ? Parce que simplement, ça vient... d'une entité extraterrestre. Donc là, pour l'instant, on ne peut pas. On ne sait pas, mais le bug a vraiment lieu. Donc ça, c'est peut-être aussi... C'est après, moi, ça m'a servi de leçon de faire Monstre, c'est-à-dire le Sommet du Monstre et toute la série après. Ça m'a servi de leçon. Pourquoi ? Parce que là, c'est la pire des prémonitions que j'ai eues et qui s'est réalisée, c'est celle de l'obscurantisme religieux. Ça, c'est sorti en 97, Sommet du Monstre, et j'imaginais, effectivement, des forces obscurantistes. qui s'attaque à l'Occident, à la liberté d'expression, à la liberté de penser, à la culture, bref. Mais ça, je dois dire que quand je l'ai écrit, je n'imaginais pas que ça arriverait. C'est arrivé avec le 11 septembre qui a axé cette espèce d'offensive de l'obscurantisme. Moi, j'avais fait une vision, on va dire, un peu globale des trois monothéismes. Je n'avais pas pointé du doigt un seul monothéisme, j'avais décidé que les trois. pouvaient s'associer par intérêt, des intérêts qui peuvent converger, évidemment, d'éliminer toute la pensée, la liberté de penser, bref, tout ce qu'un obscurantisme peut vouloir interdire. Donc, ça, ça m'a fait un choc, vraiment, parce que je ne m'y attendais pas. Et quand c'est arrivé, je n'ai pas réalisé. J'étais comme tout le monde. sidéré dans un état de sidération devant les images du 11 septembre. Je me demandais si ce n'était pas un film hollywoodien, si ce n'était pas une bande-annonce d'un film à effets spéciaux avec... Non, c'était la réalité. Et à ce moment-là, je ne réalise pas, c'est un ami qui me dit Mais tu te rends compte, ce que tu as prédit vient d'arriver. Et ça, ça m'a un peu glacé le sang, je me suis dit non pas que j'ai eu peur de mes visions, parce que... C'était pas si compliqué que ça, je pense que c'était pas si compliqué que ça, je pense que des politiques avisées le savaient, qui savaient qu'il y avait un danger, mais bon. Donc ça m'a un peu, ça a modifié complètement la suite de mon travail sur cette série, puisque j'avais asséché le sujet, le sujet était asséché par la réalité. Mais en tout cas, après j'ai bifurqué vers une vision plutôt écologique, on va dire. Le coup de sang, c'est la planète qui se révolte, c'est une fable. La planète se révolte contre l'homme, tout simplement, parce qu'elle considère que l'homme ne se comporte pas bien avec elle. Je crois qu'elle a raison, parce que l'homme lui a fait du mal, l'homme l'a maltraitée, et elle décide de se secouer les dos, comme si on les débarrasserait de puces, comme un chien. se débarrassent de puces, la planète se débarrasse d'une grande partie de l'humanité et restent des groupuscules d'humains qui survivent et qui cherchent un eldorado. Bref, c'est comme ça que partent mes récits, c'est toujours avec l'idée du futur. Qu'est-ce qui peut nous arriver ? C'est quoi ? Après l'obscurantisme, ça y est, il est là. Malheureusement, il est toujours là. Qu'est-ce qui peut arriver d'autre ? C'était le réchauffement climatique, on est dedans, on est toujours dedans. Et Bug fait partie de cette... Sauf que Bug, c'est tellement énorme qu'au-delà de Bug, je ne vois pas ce qu'il peut y avoir d'autre. Donc il faut refaire une société planétaire complète. Il faut tout réinventer. Puisque plus rien de ce qu'on a inventé technologique ne marche.

  • Speaker #0

    Pour vous, on y va ? À la catastrophe technologique ? À Elon Musk avec ses robots ? Oui, oui, oui. Enfin voilà,

  • Speaker #1

    qu'est-ce que vous pensez de tout ça ? Ça m'excite évidemment, mais ça m'inquiète aussi. Ça m'inquiète, ça m'excite. Et voilà, je fais partie du bateau, on est tous à bord de ce Titanic. Alors pour l'instant, on espère qu'on ne va pas se taper l'iceberg qui va surgir devant nous. Non, c'est fascinant. Le bug peut provenir de ces technologies, évidemment, puisqu'on a créé des technologies qui sont exceptionnelles, extraordinaires, le numérique, tout ça, ça a modifié complètement le fonctionnement de l'état d'esprit de l'humain et même de l'esprit. C'est dangereux d'ailleurs, parce que ça produit des tas de... Ça va très très vite. En fait, c'est ça qui est désarmant, c'est l'accélération de tout, de la communication, de la... Alors ça a des effets, forcément... très déstabilisateur sur l'humain, sur nos relations entre... Il y a quelque chose qui dysfonctionne, moi je trouve. On ne va pas... Ce n'est pas le sujet, mais quelque part, il y a... Là, en deux jours, j'ai eu deux, trois affaires d'agressivité vis-à-vis de moi, simplement parce que l'exemple est tout bête. Il y a un feu rouge, moi je traverse, tout le monde traverse, et d'un coup, il me fonce dessus, il me poussait avec un bébé dedans, et un mec qui... qui foncent, qui zigzaguent au milieu des gens. Donc moi je fais oh là, oh là, le type m'agresse, m'insulte Je dis mais c'est quoi le problème ? Vous foncez sur des gens, là, comme ça, il y a des voitures et tout, c'est très dangereux, ce que vous faites pour votre enfant Non, le mec est dans l'agressivité. Et ça, c'est le simple fait qu'on ne communique plus, naturellement, normalement. Ce type-là, il était certainement, il a un enfant qui est bien réel, mais lui… dans sa tête, il était sur ses réseaux sociaux, dans son iPhone, dans ses réseaux, je ne sais pas dans quoi il était. Et ça, ça se retrouve un peu partout dans la société. Donc tout ça, ça peut produire des fonctionnements différents. Arrivent en plus des nouvelles technologies, par exemple, ça c'est un sujet extraordinaire, vaste, et en même temps, le plus inquiétant qu'il soit, c'est l'intelligence artificielle. Qu'est-ce que va se passer ? Qu'est-ce que va se passer en termes de, par exemple, sur le plan culturel ? de l'art, les arts. Moi, je suis très, évidemment, très impliqué dans la création. L'art, c'est ce qui me paraît essentiel à la santé mentale de l'humanité. Et ça, l'art, s'il bascule, s'il disparaît ou ne sort de la zone d'influence et de création de l'humain, ça va être très problématique. Donc, voilà. Tout ça, c'est un monde qui est en devenir. Moi, je le... Je le subis comme tout le monde. Et il me fascine. Et évidemment, c'est un terrain de jeu, c'est un terrain pour mes récits. Donc, il est évident que dans Bug, l'intelligence artificielle va avoir sa place dans le quatrième volume et le cinquième qui sera le dernier. Donc, moi, je lis aussi en fonction du rythme du développement de la société mondiale, de la technologie, de la science. Tout ça, ça me passionne, ça me fascine. Et je m'en sers, évidemment, comme d'un... C'est stimulant, forcément.

  • Speaker #0

    J'ai deux questions. La première, c'était, est-ce que c'est parce que vous, vous êtes pessimiste, ou est-ce que c'est plutôt vous chercher à mettre en garde, mais sans vous être particulièrement pessimiste ? Ça, c'est ma première question. Et la deuxième, c'était sur l'inspiration, justement. Où est-ce que vous avez cherché votre inspiration, mais que vous avez un petit peu répondu le même ?

  • Speaker #1

    Alors, le pessimisme, oui et non. Non, le pessimisme, on me dit souvent ça, on me dit, vous êtes pessimiste, vos histoires sont pessimistes. Non, je ne crois pas. Je crois que c'est... Alors moi j'ai une phrase que je ne sais plus qui a dit ça, je le trouve absolument génial. Un pessimiste, c'est un optimiste qui a compris. Donc la phrase est magnifique. Ça veut dire tout simplement, c'est une forme de lucidité. Je pense que je suis assez lucide. Alors effectivement, mes récits, ma atmosphère, mon graphisme, tout ça c'est assez sombre, on va dire sombre, pesant, inquiétant, on est d'accord là-dessus. Mais beaucoup de gens se font une idée de ce que je fais sans me lire vraiment. Ou alors ils lisent en diagonale, donc ils ne comprennent pas, ou ils n'aiment pas. C'est ce que je comprends, c'est tout à fait. Mais quand on me dit vous êtes pessimiste et sombre je dis non, si vous lisez bien, vous verrez qu'il y a de l'humour et du second degré et qu'il y a une distance. C'est-à-dire que tous les sujets que je traite, ces sujets graves et inquiétants de notre futur, je les traite avec une forme d'érision. Donc déjà, ça désamorce pas mal de choses et ça modifie la compréhension du sujet. Mais c'est vrai que je reviens sans doute à cette enfance de Belgrade, ce que je disais sur l'influence inconsciente de l'atmosphère politique et géopolitique qu'il y avait. En plus, il y avait le... Je reviens un peu sur cette période-là, parce que mon père était à Paris. Mon père était à Paris, il n'est venu qu'une seule fois en 4-5 ans. Il est revenu une seule fois et pas longtemps à Béval. Donc il y avait, en plus mon père avait été pendant la guerre, il avait été un compagnon de Tito. Il s'est battu aux côtés de Tito dans les partisans. Donc mon père était proche de Tito et à la fin de la guerre, il a été son tailleur pendant un moment. Il était tailleur, il faisait ses costumes, ses tenues de maréchal et tout ça. Donc tout ça c'était d'autant plus trouble parce que ma mère était dans une parano, quand on est gamin on ne comprend pas forcément, mais après j'ai compris que c'était très difficile d'être à Belgrade, alors que le mari est dans un pays occidental. Donc ça avait créé des visites régulières de la police secrète, mais quand... en manteau de cuir noir, donc ça rappelle quand même un peu la Gestapo, qui en pleine nuit venait taper quand même, pour voir si tout allait bien, si c'était quand même pas très agréable. Alors peut-être tout ça inconsciemment, ça a influencé ma vision du monde, mais j'ai pris vraiment de la distance, et je traite ça avec humour, même si ça ne m'amuse pas d'avoir tapé juste sur l'obscurantisme. Alors le reste de la question, c'est comment me vient l'inspiration ? Elle me vient de... D'abord, je voyage beaucoup, je m'intéresse au monde tel qu'il marche, je lis beaucoup la presse, je suis un grand consommateur d'informations, d'infos, et l'info, plus tout ça, ça occupe le cerveau, les choses viennent comme ça, les idées. C'est comme, on en parlera, mais le chess boxing, c'est venu comme ça. Ça n'est jamais arrivé de m'asseoir et de me dire, bon, qu'est-ce que je fais ? C'est jamais, je ne m'assois pas. Si je ne sais pas pourquoi. Donc c'est parce que j'ai un truc à faire, il y a une urgence. L'idée elle est là déjà. Et l'idée, elle ne se passe pas ni à mon bureau, mon ordinateur là où j'écris, ni à mes tables de travail, des scènes peintures, etc. Non, ça se passe dans la rue quand je marche, y compris quand je suis parfois avec des gens, des amis. Il paraît que je suis très très bon pour donner le chant, je donne le sentiment que j'écoute et que je participe alors que je ne suis pas du tout là. Ce qui est vrai. Je suis pas là. Et parfois même je suis meilleur quand je suis dans cette inconscience où je suis pas là et je donne l'impression vraiment de suivre les débats davantage que dans le réel. Quand j'écoute vraiment pour de bon, les gens disent mais tu t'en fous, tu écoutes pas Non, non, c'est très étrange comme truc. Donc je donne le change et souvent dans ces moments-là, je trouve des trucs. Je note pas ou je note peu. Alors ça m'a joué des tours et parfois j'ai eu des idées. Je ne vais pas noter, je m'en suis voulu, alors je ne sais pas si j'ai perdu quelque chose ou pas, mais en tout cas c'est perdu. Donc la création se fait ensuite, lorsque je sais où je vais, où je veux aller, après c'est un chemin. J'ai la chance aussi de ne pas devoir, lorsque je propose un livre, alors au cinéma c'est différent, mais en édition on ne me demande plus, au début on me demandait forcément, c'est normal. On ne me demande plus d'écrire un synopsis, de dire ce qu'elle raconte, comment ça se termine, maintenant je suis totalement libre, on me dit merci, bravo, allez-y. Forcément, mes éditeurs, je leur raconte ce que j'ai envie de faire, ils sont partants, et c'est très bien.

  • Speaker #0

    Il y a de la confiance entre vous et moi. Donc voilà, c'est comme ça que les choses... Donc j'ai une chance énorme d'être libre dans ce domaine-là. Le cinéma c'est très différent, il faut écrire un script, il faut budgéter. Là je suis en train de lire les affres de ce type de film que j'ai écrit, là il est deux fois trop cher, donc bref. taillé dedans, enfin bon ouais. Mais ça, ça fait partie de la règle du jeu.

  • Speaker #1

    Vous parlez beaucoup de la mémoire et du temps, et c'est deux des thèmes, des thématiques les plus connues en tout cas sur votre œuvre. Une thématique précise, c'est la mémoire collective. Le rapport à la mémoire est différent aujourd'hui parce que déjà tout est enregistré. Comment ça avance tout ça ? Et est-ce que ça va après forcément les choses changent ?

  • Speaker #0

    Ça fait partie du bug quand même de cette thématique-là. Mais la mémoire, il y a plusieurs mémoires. Mais il y en a au moins deux qui est la mémoire collective, qui est la grande mémoire historique. C'est un peu moi, c'est ce que j'ai vécu, qu'on vit tous. Mais au XXe siècle, j'ai l'impression que vous ne connaissez pas le XXe siècle. C'est un siècle où se sont passées tellement de choses incroyables, violentes, démentielles, littéralement, dans l'histoire de l'humanité. Je crois que c'est le siècle le plus important qu'on ait eu à vivre, ce qui est un peu normal. Les historiens me diront sans doute qu'ils ont sûrement d'autres idées. Ils diront que la Renaissance est plus importante, la Révolution, je ne sais pas. Je ne suis pas historien, mais pour moi, c'est quand même un siècle où... Il s'est passé énormément de choses. En plus, la deuxième moitié, évidemment, pas la première, mais la première, elle a laissé des traces très puissantes, très fortes. Donc, tout ça, c'est un monde qu'on ne peut pas oublier, qui fait partie de nous. Donc, ça, c'est la première mémoire. Elle est en danger aujourd'hui, mais c'est la première mémoire. Et le danger, c'est de la perdre. Donc, ça, on en parlera un petit peu après. La deuxième mémoire, en fait, c'est la mémoire individuelle. Donc, c'est sa propre vie. Dans cette grande mémoire historique, c'est sa propre vie. Donc celle-là, je l'ai aussi, mais je ne l'utilise pas personnellement. C'est-à-dire que je ne suis pas quelqu'un qui va faire des livres sur sa vie. Je ne veux pas dire moi, je, El Kibilah, quand j'étais petit, etc. Ça marche très fort. En bande dessinée, il y a énormément d'autofictions, on appelle ça l'autofiction. Il y en a qui font ça très très bien, mais moi, personnellement, ça ne m'intéresse pas. Ça ne m'intéresse pas de le faire pour moi. D'en lire, j'en lis un peu de temps en temps, mais ça ne m'intéresse pas non plus vraiment. Donc ma propre mémoire ne me sert qu'à filtrer la grande mémoire historique pour en faire des récits et me poser des questions sur le futur. C'est comme ça que ça fonctionne. Et donc à partir de ce moment-là, on est là effectivement, dans ce monde qui a subi une révolution incroyable, la plus grande des révolutions, plus grande que l'industrielle, plus grande que le butinbert, tout ça c'était extraordinaire. À côté de ce qu'on a vécu avec le numérique, c'est rien. Et cette révolution est tellement importante, énorme, tellement rapide et tellement globale, générale, qu'il y a eu un déficit de transmission terrible, comme une espèce de dépression où l'être humain n'a pas su, n'a pas eu le temps et n'a pas pu transmettre. C'est-à-dire qu'on n'a pas transmis à nos gamins, à nos enfants, beaucoup de choses que logiquement on aurait dû transmettre naturellement. Là, le simple fait que cette révolution soit arrivée, qu'il nous ait foutu devant un mur qu'il fallait maîtriser, il a fallu essayer de comprendre comment ça marchait, prendre le truc en marche, la technologie qui avance très très vite, et on s'est retrouvé très vite dépassé, je parle des adultes, ce qui fait que les gamins, nos enfants, ils ont dit Ah non, attends, papa, non, c'est pas comme ça que ça marche, je vais t'expliquer Et c'est les enfants qui ont expliqué aux adultes comment marchait ce nouveau monde. Donc ça, c'est quand même un truc assez incroyable. Et ça, ça a créé ce fossé où toute une série de connaissances ou d'intuitions n'ont pas été transmises. Donc, on est face à ce monde-là, ce nouveau monde qui va, et qui, quelque part, essaye inconsciemment peut-être de gommer l'ancien, en se disant, voilà, on ne peut pas tout porter en nous, on ne peut pas avoir tout le même. On peut garder des photos, on peut garder tout, mais on ne va pas s'en occuper de ça. Il faut bâtir autre chose. Et c'est vrai, il faut bâtir autre chose. Parce qu'en plus, notre monde à nous, notre démocratie, notre Occident, on parle pour nous, on est en Occident, est en train de s'effondrer sur lui-même. Donc, tout ça, c'est passionnant, ce qui va se passer. Mais là-dessus, je ne peux avoir que moi des visions. d'expliquer comment je vois les choses. Mais je n'ai pas envie de le faire parce que je crois que c'est beaucoup plus grave que la chute du mur. On est dans quelque chose d'un peu d'existentiel, planétaire. Et là, je suis très content d'avoir Bug comme sujet parce que le Bug englobe tout. Et puis, je m'amuse de cette série. Je suis dans le numéro 4 et je me pose des questions avec mon personnage principal qui est... Je me pose la question de savoir ce qui va lui arriver dans les prochaines pages. J'en suis là. C'est ça qui est drôle. C'est que je sais que je connais la fin. La fin, je ne l'appliquerai qu'à la fin du 5. Mais là, j'avance avec mes personnages. Donc, mon pauvre personnage de Hobbes, qui a toute la mémoire du monde en tête, est quand même très mal barré parce qu'il est sous la domination du bug négatif, celui du mal. Et le mal, il est en train d'accomplir le mal. Et il ne se rend pas compte, il est très heureux d'accomplir le mal. Donc c'est quand même très embêtant pour sa fille, pour toute l'humanité entière. Il fait vraiment du mal. Donc ça ne va pas durer parce que sinon ce serait trop déprimant. Mais en tout cas, je me suis lancé sur cette piste-là et je suis obligé maintenant de la gérer et de m'en sortir. Donc de l'en sortir lui. Donc c'est ça mes préoccupations du moment. Ce n'est pas la fin du monde, c'est comment Hobbes sort de... de cette horrible situation où il est en train de faire du mal.

  • Speaker #1

    Et vous travaillez d'abord sur le texte et après sur les images ou c'est en même temps ?

  • Speaker #0

    C'est en même temps.

  • Speaker #1

    Toujours en même temps ?

  • Speaker #0

    Maintenant, oui.

  • Speaker #1

    D'accord,

  • Speaker #0

    et donc vous nourrissez vraiment ? Oui, oui, oui. Alors, bien moi je pense, je sais ce que je vais dessiner à la scène, c'est comme un film, on déroule des trucs, voilà, ça va se passer ça, mais j'écris vraiment les dialogues, ça j'écris directement sur l'ordinateur. Quand je monte mes dessins, je monte les cases, et je l'ai peint après ou peu importe mais en tout cas je déroule le truc et j'écris directement avant j'écrivais à part le script, le scénario, je rajoutais les dialogues maintenant je fais tout sur le même logiciel et c'est très très bien et vraiment j'ai l'impression d'être plus certaine partie de la bande dessinée depuis très longtemps plus grand chose à voir avec les gens qui gèrent la bande dessinée globalement je parle pas de mes éditeurs ou de mes amis proches mais voilà j'ai été entre guillemets lâchée et délaissée par le monde classique traditionnel de la bande dessinée. Ce sont des gens qui me reconnaissent, mais en même temps je ne fais pas partie de leur monde et je leur ai échappé. De n'appartenir ni à ce monde-là, ni à celui du cinéma, ni à celui de l'art contemporain, j'ai l'impression d'être un électron libre, mais qui est très heureux de sa liberté.

  • Speaker #1

    Vous avez une grande carrière, vous avez de la reconnaissance de l'état. père qui,

  • Speaker #0

    bon, vous le dites quand même,

  • Speaker #1

    il y a un certain nombre de filles, des choses pas simples. Qu'est-ce que vous diriez à la personne de 16 ans qui refuse, qui joue des beaux-arts,

  • Speaker #0

    ou qui fait le pouvoir de pilote ? Qu'est-ce que vous pensez de vous ? On ne m'a jamais posé la question, donc ce n'est pas une question. Non, non, mais je vois très bien ce que vous voulez dire. Mais non, non, mais c'est intéressant. Je me dirais quand même que j'ai réussi quand même. Non, non, mais pas au sens que j'ai réussi à faire. En fait, c'est ça qui est très étrange, c'est que j'ai l'impression d'avoir réussi à la fois à, comment dire, pas à satisfaire, parce qu'on n'est jamais satisfait, mais toutes mes passions de ce moment-là d'adolescence, le moment où je me suis constitué en apprenant la langue française, en allant au lycée, en découvrant la musique, le cinéma, la littérature, mes amis, mes copains, ce petit groupe-là qui n'existe plus, mais j'ai l'impression que finalement, finalement, j'ai tout. J'aurais goûté à tout, c'est-à-dire que l'écriture, le dessin, évidemment. Mais l'écriture, j'écris des livres aussi qui ne sont pas dans la bande dessinée. J'ai le cinéma. Le cinéma, c'est quelque chose qui me... Gamma, à Belgrade, j'allais voir beaucoup de films, tous les dimanches, j'allais voir des films. Puis à la Garenne-Colombe, en banlieue, je fuyais de chez moi, c'était pour aller voir des films. Donc j'ai essayé... frustré parce que j'aurais aimé faire plus et cinéma est mieux c'est compliqué en trois films de voilà mais j'ai fait des films qui me ce qui me ressemble sont pas des films formatés donc voilà je me dirais mais bien bah écoute tu es pas mal démerdé quand même en est en restant en restant honnête, je veux dire intellectuellement honnête dans ma démarche. J'ai pas l'impression d'avoir fait de compromissions ou de trucs tordus. Vraiment, j'y suis allé à fond. Ça passe ou ça casse. J'ai perdu beaucoup de temps. Je n'ai pas fait non plus les choses pour l'argent, surtout pas. J'ai perdu des mois et des mois à écrire des trucs qui ne se sont jamais faits, par passion, par envie de, du cinéma notamment, des trois projets de films qui sont... qui ont failli se faire, et qui ne se sont pas faits au dernier moment. C'est toujours trop cher, c'est toujours trop ambitieux. Ça, ça me fait mal quand j'entends quelqu'un me dire Non, on ne vous suit pas parce que c'est trop ambitieux votre truc. C'est quoi ? Faut faire du formatage ? Ben oui, il faut faire du formatage. Mais j'ai perdu du temps, mais je n'ai pas perdu le temps parce que j'ai pris du plaisir à écrire un truc qui ne sera jamais monté au cinéma, mais ce n'est pas grave, ça fait partie des dégâts collatéraux de ma démarche.

  • Speaker #1

    Et je rebondis sur ça, est-ce qu'il y a un… un projet en particulier ou une décision ou un choix que vous regrettez d'avoir fait ou pas fait ou quelque chose que vous considérez comme un échec, un regret ou un échec, quelque chose qui vous a marqué ?

  • Speaker #0

    C'est lié en bande dessinée ou en littéraire, en bande dessinée, dans l'édition. Dans l'édition, je n'ai quand même pas vraiment de regrets, pas du tout. Parce que quand je me trompais de route sur un récit, dans un récit, je m'arrêtais à temps. Donc j'ai très peu gaspillé Je n'ai pas eu de fausse route. Je maîtrisais toujours ma démarche. Le cinéma, c'est plus délicat, c'est plus compliqué. Là, j'ai des frustrations, notamment sur mon troisième film, avec des effets 3D qui ne sont pas ratés, mais on n'était pas suffisamment armés, ni financièrement, ni technologiquement, pour que ce soit réussi. Donc ça, je m'en veux de m'être laissé embarquer par des... Un système de production un peu... pas forcément très très bien. Je ne parle pas du producteur lui-même, mais de tout ce qui est autour. Donc j'ai forcément des frustrations, mais pas un regret, mais non, surtout pas.

  • Speaker #1

    Alors j'ai entendu dire que vous étiez sportif, et que le sport avait une grande place dans votre vie. Alors il y a peu de choses sur ça dans les médias, c'est vrai que ce n'est pas ce dont on parle.

  • Speaker #0

    Non, non. Moi je me suis dit que c'était un petit peu... Pourquoi le sport est présent dans mes... on va arriver à un autre sujet, pourquoi le sport est présent dans mes histoires, dans mes récits, il est présent parce que simplement, le sport a toujours été, notamment au XXe siècle, lorsque il y avait l'opposition entre les deux blocs, c'était une vitrine, deux vitrines qui s'affrontaient. C'était quand même au moment des Jeux Olympiques, c'est celui qui aura le plus de médailles, et d'un côté il y avait les États-Unis, et de l'autre l'Union Soviétique, puis le RSS. Donc c'était les deux grands... Et ces vitrines sont hyper importantes, ça a donné lieu à du dopage, à des tas de choses très malhonnêtes, parce que simplement les enjeux sont énormes. Ça contient un peuple, c'est l'opium du peuple, on va dire. Quand je suis arrivé de Belgrade à Paris, pas tout de suite, mais après, quand j'ai commencé à connaître, à fréquenter le monde, même le monde intellectuel, Je me suis rendu compte très vite qu'en France, les intellectuels méprisaient le sport. Ils méprisaient ça. Je suis crétin, etc. Alors qu'à Belgrade et dans les pays de l'Est, au contraire, tous les intellectuels, ils avaient tous leur équipe favorite, ils connaissaient le nom de tous les joueurs de foot, ils jouaient aux échecs. Tout ça faisait partie en même temps de la vie de la société et le sport était considéré comme quelque chose de... un prolongement carrément de l'intelligence de l'humain voilà donc ça ça m'avait frappé quand je suis arrivé en france donc voilà moi j'ai continué sport et je mettais dans tous mes récits le sport était présent alors ça a été une sorte de hockey sur glace très violent dans la force immortelle d'autres sports enfin bon c'était toujours présent j'ai fait un livre sur le football avec patrick covin mais un truc très libre pas du tout et et puis voilà et Et quand j'arrive à Froid-Équateur, c'est une société où tout est noté, un peu comme les sociétés d'aujourd'hui avec des clics du genre, tout est noté sur des échelles de valeurs, tout, l'intelligence, l'élégance, la culture. Bref, à tous les niveaux, on est noté. Il faut être au maximum. Et donc, il manquait une échelle, il manquait un sport pour... pour que l'échec de l'accomplissement sportif du corps soit... et son rôle dans le récit, dans le portrait de cette société, du froid équateur. Et là, je cherche un sport qui n'existe pas, mais qui serait un truc, un mix. Et là, ça arrive en une fraction de seconde. On ne sait pas comment ça arrive, ça. Je me dis, mais les échecs... Les échecs pour moi c'est un sport et que effectivement quand j'étais gamin... À Belgrade, dans les journaux, je regardais les photos des footballeurs, mais en bas de chaque page de sport, il y avait une double colonne qui était réservée aux échecs, où on décortiquait les parties d'échecs des grands champions. Donc ça faisait partie du sport. Et donc là, je pense que tout ça, les échecs, c'est imposé comme ça, comme un sport de l'intelligence, de l'esprit. Et en opposition vient tout de suite, je me dis, la boxe. C'est arrivé comme ça en une fraction de seconde, j'ai dit l'idée est géniale, je la garde. Et je l'ai développée dans l'album sur une séquence qui était importante, mais voilà, mais c'est pas le sujet de l'album, c'est juste une séquence dans l'album. Et là je reçois un mail de Hyper Rubing, je connais pas, en plus c'est un nom étrange, I-E-P-E, Rubing et Rubing H, ça m'intrigue. Et il me dit voilà, je suis artiste néerlandais, je me suis installé à Berlin, je... J'ai découvert votre sport dans trois équateurs, le Chess Boxing, je trouve cette idée formidable. Vraiment, j'ai envie de la mettre en pratique. Moi-même, je suis artiste, donc il m'explique ce qu'il fait. Il m'envoie un peu des liens montrant qu'effectivement, il fait des installations, des trucs assez dingues. Et je dis voilà, je vais essayer d'organiser, je pense que c'est à Amsterdam qu'il voulait le faire, un combat, une première démonstration du Chess Boxing. Alors ça, ça me plaît, ça m'amuse, ça me fait... C'est sourire, ça fait plaisir, mais en même temps j'étais tellement pris dans mes trucs, j'oublie, je réponds même pas. Je réponds même pas. Et quelques années plus tard, un journaliste me dit Mais tu es au courant de cette histoire de chess boxing ? Je dis Ah bon, ah oui, qu'est-ce que c'est ? Il me dit À Berlin, apparemment il y a une... Il y a une fédération internationale, c'est génial, ça m'amuse. Et les choses s'enchaînent, alors étrangement, Antoine de Cônes, je ne le connaissais très peu, on s'était croisés comme ça une fois, il m'appelle et me dit, je fais une série de portraits, de reportages sur des villes. Alors il avait fait Los Angeles, Londres, il dit je fais Berlin en ce moment, et j'aimerais, si tu en es d'accord, t'emmener pour un petit tournage, je voudrais te faire une surprise. Et là, j'ai compris que c'était ça la surprise. Je savais que la Fédération était là-bas et j'étais sûr que c'était ça. Et effectivement, ça a été ça. Il me fait rencontrer Ypé devant les caméras. On se rencontre, c'est un mec super, une très belle rencontre. Il nous emmène, toute l'équipe et moi, tout est filmé dans la Fédération. Dans la Fédération, c'est une espèce de hangar où il y a un ring. Je vois des athlètes sauter à la corde, Pouching Ball, tous les trucs de la boxe. Et aussi toute une série d'échiqués comme ça, en blitz. Le blitz, c'est effectivement quand on joue très très vite aux échecs sans réfléchir quasiment. Et ça sent la sueur là-dedans. Et donc on assiste à une démonstration. Et là je suis bluffé littéralement par la qualité. des échecs ça se voit on voit tout de suite mais je suis pas un grand spécialiste je joue aux échecs et j'ai joué beaucoup mais c'est du sérieux je ne sais pas ce bricolage et en boxe à ses ans si ça tombe pas les mecs sont sont affûtés physiquement à rien des bulgares est allemand ukrainien russe avait un peu de ma mélange voilà on sait on sait à ce moment là que ces pays là vont des les premiers à être preneur, c'est dans la culture. Et donc là, j'assiste à ça et c'est comme ça qu'il peut m'expliquer qu'il veut aller plus loin. Après, on organise chez Arcurial à Paris, une zone de vente avec laquelle je travaille souvent, on organise une démonstration de chestboxing. Ça se passe très très bien, je fais une peinture qui est vendue aux enchères pour... pour la bonne cause du chest boxing.

  • Speaker #1

    Je voulais vous parler un petit peu d'IP.

  • Speaker #0

    IP, je le voyais de manière tout à fait épisodique, comme ça quand il venait à Paris on se voyait, on m'envoyait des nouvelles. En fait on se voyait peu, parce qu'on n'avait pas forcément à se voir beaucoup, mais en tout cas il me tenait au courant. Moi j'étais là derrière lui, je suis le parrain de cette histoire, je la suis, je suis avec toi, donc j'ai quand même financé un peu avec cette vente. Et on essaye, donc le but c'était d'asseoir le... de le faire connaître, il a réussi à le faire. Fédération internationale, ensuite Fédération nationale, il y en a eu beaucoup. Et alors que ça prend de l'importance dans beaucoup de pays d'Europe, en Angleterre notamment, les pays de l'Est, Russie aussi, en plus il y a après l'Iran, l'Inde. Les Etats-Unis ? Bref.

  • Speaker #1

    Vous avez inventé ce sport, comme vous expliquez, en fait, en 92. Après, vous faites autre chose. Oui. En fait, vous n'avez pas vocation à développer un sport. Non, non. Vous êtes bien chargé.

  • Speaker #0

    En plus, je ne me sens pas en état de le pratiquer. L'échec, je vais bien, mais la boxe, je n'ai pas envie. Et donc...

  • Speaker #1

    vous laissez en fait type et entre guillemets s'emparer en tout cas de ce concept et pour les développer ça vous suivez je soutiens vous soutenez et après qu'est ce qui se passe cette rencontre là c'est guillaume qui apparaît en disant voilà je voilà

  • Speaker #0

    voilà donc il est celui qui a envie de faire bouger les choses en france donc enfin c'est le premier il prend les choses en Donc moi je trouve ça super, je rencontre, on fait des interviews, je suis filmé, il y a plein de choses comme ça. Et puis arrive malheureusement cette terrible nouvelle où Ypé n'est plus là. Ypé meurt de manière tout à fait incroyable, allongé comme ça dans l'après-midi, ses lunettes dans la main, son portable, un bon FC Sidéran, il paraissait en pleine santé. c'était un truc de fou donc il nous laisse un peu d'orphelin quoi de tout ça et guillaume alors moi ça m'a donné un coup parce que je ne comprenais plus quoi pourquoi c'est pourquoi il était parti c'était hallucinant et la présence de guillaume il a lui il a vraiment pris les choses en main pour le territoire français mais aussi pour le reste. C'est quelqu'un qui a une grande générosité, une capacité d'action qui est incroyable et il va au bout des choses. ça a été une superbe rencontre et il donc il fait voilà il fait passer un peu plus facilement la pilule de disparition d'ip et donc il a et voilà il est à l'oeuvre moi je sais de voir quand je peux je suis présent là on a fait une très belle chose très belle prestation à l'onapien qui c'est un père qui s'est arrêté un peu brutalement on va dire mais ce qui a montré en même temps même si c'est ça a été frustrant le carreau très rapide première rente de boxe Ça a montré à quel point c'était sérieux. On ne s'est pas rigolé, on a eu peur.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous retenez ? Évidemment, il y a ce chaos qui va être ce qu'on retient le plus. Mais on se disait, pour les personnes qui pensent que le chessboxing, c'est un peu... ridicule, c'est un peu loufoque, c'est un peu je sais pas quoi là en fait on voit bien que non c'est pas le cas qu'est-ce que entre eux cette première fois où vous allez à Berlin dans ce hangar qui sent la transpiration et on se retrouve à l'Olympia, donc vous ne l'avez pas expliqué. Après, je ne sais pas combien de personnes qui nous écouteront savent le contexte.

  • Speaker #0

    Le contexte, c'était au début des Jeux Olympiques, donc c'était le lien entre la culture et le sport. Il y a eu trois soirées à l'Olympia avec des très, très beaux spectacles, enfin des choses de mise en lumière d'activités incroyables liées au sport et à la culture, à la performance culturelle. et artistique et sportive et donc nous on était à une soirée pour le chess boxing et ça c'est alors six choses importantes il y avait aussi un combat féminin et on a on a bien soigné on a bien soigné la présentation le look j'avais dessiné un peu des costumes Les peignoirs, les shorts, des trucs un peu délirants, mais on a fait très fort, c'était très beau, très élégant je trouve. Musique, une vraie mise en condition du spectateur, la salle était pleine. bondé la salle de l'Olympia, on se dit quand même, c'est à l'historique, c'est vrai que quand on traîne dans les coulisses, on voit les photos, les mains de tous les artistes, c'est assez sidérant, je voyais la toute petite main de Claude Nougaro, il a une toute petite main, pas un petit chanteur, et donc tous les autres, et donc la soirée se passe très très bien avec ce premier combat entre une française de banlieue et une indienne très beau combat l'indienne gagne mais en tout cas c'était superbe là on a vu quand même aussi qu'elle y allait c'est à la fois élégant, beau et c'est violent c'est violent et puis la violence aussi qu'on n'imagine pas et je pense que là les gens sont sensibles la violence c'est la violence des jeux d'échecs qui produit une forme de violence qui est Une violence sourde rentrée, une tension, voilà. La tension est très très violente, on le voit en plus avec ce grand tableau où le déplacement des pièces est indiqué et le commentaire. Parce que c'est très sophistiqué en fait, le commentaire de maître d'échecs, de grand maître d'échecs, qui, pour que le public comprenne un peu, explique l'évolution du jeu d'échecs. Pour la boxe, pas besoin d'expliquer, on voit. Et voilà, donc le décor est très très bien, le premier combat est très très bien, féminin, et le second, de très haut niveau, deux champions, et là, tension énorme aux échecs, premier round, toujours par... on commence par les échecs et ensuite, le premier round de boxe, et là, au bout d'une minute, 1 minute 30, un chaos incroyable, et le tenant, le plus âgé, perd face au challenger, le plus jeune. On a eu peur, très peur, parce que ça a été un vrai chaos et qu'il y a eu une immobilité longue. Le rideau s'est fermé, on a fermé le rideau. Guillaume a hurlé, on ferme. Le rideau s'est fermé, nous on a été sur la scène, et puis heureusement, vu l'œil s'ouvrir, tout de suite une annonce dans la salle. Et ça, c'est vrai que c'est frustrant, parce qu'on n'a pas pu voir, ça aurait été un superbe combat, magnifique, on n'a pas pu le voir se dérouler, mais malgré tout, je pense que les gens, de cette frustration, ils auront vu quelque chose de vrai. de sérieux, je dis ça avec vraiment sérieux, d'encadré, et puis c'est pas, je suis désolé, les nouvelles disciplines aux Jeux Olympiques, pourquoi les acrobaties en skate ou je ne sais quoi, il y a des trucs, je suis désolé, c'est super à voir, mais comment départager, c'est quoi le truc, c'est quoi ? Alors ceux qui se moquent du chestboxing, qui regardent un peu le curling par exemple, c'est Hippe qui me disait, le curling est bien aux Jeux Olympiques, pourquoi le chestboxing n'y serait pas, évidemment. Ce que je trouvais très beau, c'est que derrière, sur scène, derrière le ring, on voyait la salle et tout, et il y avait une solidarité, une famille. Et ça, c'est très beau. J'étais vraiment derrière le ring, donc sur scène, et je les voyais se préparer. Ils arrivent, ils montent sur scène, ils montent sur le ring. Et j'ai vu Valentin extrêmement concentré, mais très concentré. Il m'a fait presque peur. Et je voyais notre camarade arriver souriant, tout ça, se marrant. Il avait son passé derrière lui. Carl, là, et il a... Et je me suis dit, c'est bizarre, il n'est pas dans le coup. Il avait l'impression qu'il faisait partie du spectacle et qu'il se regardait, lui. Il était là, c'est génial, j'ai une superbe peignoir. Ouais, c'est génial. Et alors que Valentin, il était... Et la même chose un peu avec les deux filles. Tout à fait d'accord. Elle aussi, elle est arrivée. Et l'Indienne, je voyais la coach de l'Indienne. Chose émouvante aussi, l'Indienne, quand elle m'a vue avec sa coach, vraiment, c'est comme ça, elle m'a remercié, la coach aussi m'a remercié. Merci beaucoup. Alors en fait, j'ai compris, c'est qu'elles ont une vie, elles vivent de ça. Et donc j'ai inventé le métier. qui les nourrit. Et ça, c'était très émouvant, très très émouvant. Et donc, c'est marrant, mais ceux qui étaient dans la compétition et dans l'envie de gagner, ils ont gagné. Et c'est parfait, c'est ça. C'est ça.

  • Speaker #1

    Non mais c'est vrai que c'est ça qui peut être peut-être une des choses gratifiantes pour vous.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça c'est le sujet, bien sûr. Ça et une autre histoire. Là, l'histoire, les multiples histoires dans les banlieues. où il y a énormément de jeunes qui se mettent alors qui sont dans la boxe parce qu'ils bagarrent dans la rue, mais ils se mettent aux échecs et ils se mettent finalement à faire du chess boxing. Et ça, c'est incroyable. Et Guillaume fait un boulot incroyable là-dessus. Et il m'a raconté ça. Et j'ai vu, j'ai rencontré des tas de jeunes qui trouvent dans ce combat une forme d'exutoire, une forme de... Et Kenza, il en parle très, très bien. Et c'est peut-être la beauté d'un sport ou d'un art. Voilà, il se trouve.

  • Speaker #1

    On trouve du sens à l'envie grâce à ça.

  • Speaker #0

    C'est la plus belle à voir. Moi, c'est ce qui me touche, parce que je ne m'attendais pas à ça, évidemment. J'ai eu une idée un peu farfelue, dessinée, machin, etc. Moi, j'étais content, je me marrais. Et c'est devenu ça. Donc ça, c'est magnifique. Début,

  • Speaker #1

    ça fait 32 ans maintenant.

  • Speaker #0

    Ça fait déjà 32 ans. C'est incroyable. 2003, donc 21 ans,

  • Speaker #1

    qu'il y a eu la première démonstration. En France, Thomas Cazeneuve a commencé en 2017.

  • Speaker #0

    Oui, donc...

  • Speaker #1

    La fédération a été créée en 2019, il y a eu le Covid. Donc voilà, tout ça pour dire que c'est encore...

  • Speaker #0

    C'est un bébé,

  • Speaker #1

    oui....quel on travaille activement avec Guillaume et autres personnes sur ça. Pour vous, sachant qu'il y a tout à faire, en fait, pour concrétiser cette idée de ce dessin, c'est quoi les priorités pour la fédé française et pour la fédé internationale ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne suis pas dans la technique, dans les droits, les fonctionnements, je ne suis pas du tout, je ne suis pas doué pour ça. Mais déjà, que la Fédération française soit sérieuse et soit crédible, elle l'est, je pense, vraiment. Donc, il y a la Fédération internationale qui chapeaute le tout. Donc là, c'est là qu'il faut que ce soit solide, à mon avis. Pour que, moi, je ne sais pas comment ça marche, j'ai peur que ce soit compliqué, parce qu'il y a des lobbies. L'olympisme, c'est joli en soi, c'est des anneaux, on dit que c'est magnifique, un esprit saint dans un corps saint, mais je ne suis pas sûr que ça marche comme ça. Mais j'aimerais bien, parce qu'il n'y a aucune raison qu'un sport comme celui-là ne soit pas olympique, parce qu'en fait, c'est le sport qui ressemble le plus à l'esprit olympique grec des origines. Donc, je ne sais pas, ces histoires de lobby, je ne sais pas comment ça fonctionne, mais là, c'est un sport neuf qui a une... Il y a une philosophie, c'est un concept qui, pour moi, il est imparable. Je ne vois pas quels pourraient être les arguments pour expliquer que ce sport, non, ne convient pas, alors que d'autres, ils sont des sports de pur spectacle, qui n'ont aucun sens. J'ai vu du hip-hop, je ne sais pas, il y a eu des... c'est grotesque. On ne va pas donner des médailles, il n'y a pas de vainqueur, comment on détermine un vainqueur ? Mais donc je ne sais pas, je ne sais pas comment ça marche. Donc le plus difficile, c'est ça, c'est d'avoir un lobby soi-même.

  • Speaker #1

    Même s'il y a tout à faire, c'est quand même en train de se développer, de plus en plus de pays, de plus en plus de gens. Pour vous, quelles pourraient être les dérives possibles, en tout cas ? À quoi est-ce qu'il faut être vigilant peut-être ?

  • Speaker #0

    Peut-être, alors, essayer de garder la notion, la rigueur du sport. Essayer de garder cette idée-là, que nous-mêmes on considère comme un sport. qu'on ne considère pas comme un spectacle, ne pas glisser vers le spectaculaire, même si chaque sport a sa part de spectacle, il faut l'intégrer. Le foot, c'est du spectacle aussi maintenant. Donc ça, il ne faut pas basculer. Ça, c'est une chose. Et autre chose très importante, c'est essayer de... Alors ça, c'est le travail de pédagogie, surtout dans ce monde-là, le monde d'aujourd'hui, qui est un monde où tout va trop vite. Parce qu'il y a un truc quand même qui est spécifique à ce sport, c'est un oxymore à plein de degrés. Il y a un oxymore aussi, c'est dans la vitesse. La boxe, c'est la vitesse, c'est l'instinct, c'est l'instinct et la stratégie bien sûr. Et les échecs, c'est, alors c'est pas la lenteur, mais c'est la pensée. Donc ce sont deux mondes qui ne cheminent pas de la même manière du tout. Et donc l'idée c'est d'essayer de faire de la pédagogie sur l'ensemble et sur les échecs. Je pense qu'il faut valoriser les échecs, mais en même temps, comme c'est un package, il faut vendre le package, il faut vendre la spécificité, l'originalité du sport là-dessus. Et ça va venir avec des... il faut qu'il y ait des champions, alors il faut médiatiser ces champions. Donc ça, je pense que c'est important. Il faut rester sur la pureté de ce sport. Il y a une forme de pureté là qu'il ne faut pas abîmer. Je pense que les règles sont en place, c'est vachement bien de les faire élever. il faut toujours ajuster un peu les choses.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pensez que comme c'est encore le début, il faut être très strict sur le cadre qu'on veut poser, ou est-ce qu'il faut quand même autoriser les gens à être libres sur leur perspective et leur perception du sport ?

  • Speaker #0

    Déjà, c'est ce que me disait Guillaume, il me disait que les Anglais voulaient modifier des règles. Les Anglais, déjà, ils essaient de s'approprier le truc. Moi, je pense que c'est la Fédération internationale qui doit gérer ça, essayer de... Mais est-ce qu'elle a le pouvoir ? Non, parce que c'est pas... Puis il suffit de voir même, au foot, les choses, ça se tire dans les pattes à tous les niveaux, donc c'est... Non, non, bien sûr que non. Bien sûr que non.

  • Speaker #1

    Et alors, pour terminer, on... terminé, j'ai une dernière question. Est-ce que vous aurez quelque chose à conseiller à des personnes qui veulent créer, que ce soit artistiquement, technologiquement, dans l'entrepreneuriat, dans le sport, peu importe, ou qui pensent que tout a déjà été créé ?

  • Speaker #0

    D'abord, surtout ne jamais penser ça, que tout n'est pas... Non, non. Les choses s'enchaînent, se multiplient, se métissent, s'hybridifient. Donc... Il ne faut pas partir avec l'idée d'inventer quelque chose qui n'a jamais existé. C'est un peu si ça n'existe pas déjà en soi. Tout est un enchaînement. Par contre, quand une idée germe, déjà, à ce moment-là, on est son premier juge. Il faut savoir si l'idée est jouable ou pas, si elle peut se développer, si elle peut déboucher sur quelque chose. Si on a cette intuition, même l'intuition suffit, à ce moment-là, il faut y aller à fond. C'est tout. Je pense que c'est ça. Essayer de partager le truc. Ça, après, c'est l'histoire de la vie. Je pense qu'on est dans une période où... Alors, on parlait un peu de géopolitique. Je disais que l'Occident était un peu en chute libre. Mais c'est des idées comme ça. C'est une génération de gens qui ont des idées. Alors, avec les nouvelles technologies qui sont là, à la portée de main, donc déjà, être vigilant, ne pas essayer de les utiliser à bon escient. Mais en même temps, ce sont des outils incroyables qui peuvent aider à créer des idées d'un monde nouveau. C'est clair. On est face à quelque chose qui va être très surpris. La culture va changer énormément. L'art, tout ça, ça va bouger terriblement. C'est un réflexe de survie de l'humain que dans des périodes comme celle-ci, qui sont des périodes de doute et d'angoisse. On est angoissé par tout ce qui se passe. On ne peut pas le nier. globalement, je parle du monde, je ne parle même pas seulement de la France, il y a des moments de sidération, où on est tétanisé, c'est qu'on est en train de vivre ce moment-là. Je pense que vraiment, tout paraît plus difficile, les projets se montrent plus difficilement, on dit tout ça c'est en crise. On est dans ce moment de sidération, de tétanisation un peu, mais à un moment, forcément, il y a l'instinct de... le survie qui revient et là l'énergie arrive. C'est comme moi je parlais tout à l'heure de Belgrade et de Sarajevo, moi j'ai connu Sarajevo, j'étais à Sarajevo pendant la guerre, avant la fin, vraiment vers les dernières semaines de guerre, mais j'y suis allé et j'ai vécu des choses incroyables et lorsque ça s'est terminé, j'ai senti la dépression des gens de Sarajevo. Le fait que la guerre se soit arrêtée, ils sont tombés en dépression parce que finalement cette guerre leur a donné une énergie de survie et un sens à leur vie. Complètement, c'était assez émouvant d'aller jouer une pièce de théâtre alors que les snipers étaient... dans les collines, alors que les bombes tombaient par ici ou là, des histoires incroyables qui se sont créées d'humanité, de création, d'audace, d'amour, des belles histoires d'amour, il y a plein de choses comme ça. Et lorsque ça s'arrête, c'était pas si terrible, c'était ça le pire. Pour eux, c'était le pire. C'est effrayant de dire la guerre est terminée, mais c'est pire que pendant la guerre. C'est un truc dément. Et ça, je pense que c'est quelque chose qu'il faut... L'humain a cette capacité de se surpasser pour trouver une énergie de vie, de survie dans les moments les pires. Donc c'était ça. Et là, je pense que c'est pareil. La mutation, ce n'est pas le moment le plus pire, mais c'est que simplement la mutation va donner lieu à la découverte de ces nouvelles technologies. Je veux dire, même l'intelligence artificielle, c'est un truc dément. Donc tout ça, ça va donner... Et malheureusement, et heureusement, comme dans toute invention, il y a le... Il y a toujours le négatif, c'est ce que disait Paul Virilio, il y a l'invention la plus géniale qui soit, qui renferme toujours son côté sombre. Et ça, ça continuera de tout temps, mais c'est comme ça que l'homme ne peut pas s'empêcher d'être un apprenti sorcier génial. Donc il faut continuer, on n'a pas le choix. Et voilà, c'est dans nos gènes. Merci beaucoup, Enki Bilal. Merci.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Période de l'enfance

    02:13

  • Début de carrière

    09:26

  • Bug, police secrète et prémonition

    16:21

  • Inspiration, passion, mémoire individuelle et collective

    26:42

  • Chapitre 6

    39:18

  • Projets, temps, regrets

    39:37

  • Échelle de valeur, Froid Équateur

    42:33

  • Échecs + boxe = Chessboxing

    43:55

  • Débuts et rencontre avec Iepe Rubingh

    45:13

  • Tournant en France jusqu'à l'Olympia

    50:21

  • Trouver du sens, développer les structures

    57:50

  • Rigueur, dérives, communication

    01:00:18

  • On a pas le choix, il faut créer pour vivre.

    01:03:30

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