- Speaker #0
Bienvenue dans Confidence d'entrepreneur. Ici, on vous dévoile de l'intérieur ce qu'un entrepreneur traverse lors d'une opération marquante de son parcours. Je suis Thomas Fertin, entrepreneur et surtout dirigeant du cabinet de fusion-acquisition Conseil, Finance et Transmission. Dans ce podcast, on rentre dans l'esprit d'un dirigeant d'entreprise et on essaye de comprendre sa vision de l'entrepreneuriat. Chaque mois, je vous plonge au cœur d'un récit d'un invité qui nous raconte son parcours jusqu'à une opération marquante. Cela peut être une vente, une acquisition, une association. ou même l'ouverture d'une procédure collective. L'objectif sera de comprendre le changement de paradigme suite à cet événement, afin de mieux saisir ce qu'il a vécu. Aujourd'hui, je vous propose un épisode gourmand. Je vous présente Denis Laveau, maître artisan glacier à la tête de la société L'Angélis, société artisanale de glace valorisée une trentaine de millions d'euros et surtout palme d'or du patrimoine gastronomique français. L'Angélis a toujours été une histoire de famille. Par l'origine du projet, par le nom même de la marque, en référence à sa fille aînée, au nom de ses glaces, Jade et Ali, en référence à ses petits-enfants, et surtout, parce que c'est le thème de cet épisode, par le projet de transmission de son entreprise d'un père vers ses filles. Le fil rouge de cet épisode est donc de comprendre le raisonnement et le point de vue du capitaine d'industrie qui transmet son entreprise à ses enfants. Denis Laveau est quelqu'un d'entier, avec un franc-parler. Vous allez voir, cet épisode est un régal à écouter. Il sort en plein mois d'août, que j'espère beau et chaud. Donc allez, foncez acheter ces glaces, vous ne serez pas déçus, elles sont vraiment à tomber. Bonjour Denis, merci de nous recevoir aujourd'hui au siège de ta société, à côté de Sainte, en Charente-Maritime.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter rapidement, je te prie ?
- Speaker #1
Je m'appelle Denis Laveau, j'ai 62 ans, je suis originaire de Saint-Jean-d'Angélie. Je préside la société L'Angélis qui fabrique des glaces de haute qualité et des glaces saines. Artisanal. Artisanal, je suis maître artisan.
- Speaker #0
Maître artisan glacier.
- Speaker #1
Oui, maître artisan glacier.
- Speaker #0
Avant de rentrer plus dans le détail, comment est-ce que tu pourrais résumer ton parcours en une phrase ? Un mot.
- Speaker #1
Chaotique.
- Speaker #0
Oh putain, ça, ça me plaît. Alors normalement, je demande comment... Tu expliques ton métier à tes enfants, mais il s'avère que toi, tes enfants travaillent avec toi. Donc, je pense qu'ils n'ont pas besoin de définition. Mais comment est-ce que tu qualifierais justement ton rôle aujourd'hui dans l'entreprise vis-à-vis de tes enfants, de tes salariés, de ton activité ?
- Speaker #1
Alors, il y a une chose qui est très marquée à l'angélisme, c'est la bienveillance, l'agilité, la curiosité. C'est-à-dire que quand on recrute quelqu'un, on regarde bien sûr son cursus, mais on regarde surtout s'il a ses valeurs. Je dirais que moi, mon métier, c'est d'écrire demain et contrôler aujourd'hui ce que j'ai dit hier. Donc, je suis dans le contrôle, dans l'accompagnement. J'appelle ça l'accompagnement. Toute la partie opérationnelle, maintenant, je l'ai déléguée à ma fille Sarah, qui est directrice générale. Et Angélique, elle, elle s'occupe de tout ce qui est marketing, développement de produits et des packagings. Donc, chacun a son rôle. Et puis après, je peux dire que tous les employés sont mes enfants, puisqu'il y en a beaucoup qui ont démarré à faire des emballages en carton. Aujourd'hui, ils sont cadres, acheteurs, chefs de production. Voilà, donc on emmène beaucoup de jeunes. Et la moyenne d'âge ici, c'est 35 ans. Donc c'est assez jeune. extrêmement RSE parce que j'y suis un peu mais eux ils y sont extrêmement les jeunes. Donc voilà, on a nos valeurs autour du produit qui est aussi sur l'environnement. On ne peut pas faire un produit sain si tout autour ce n'est pas sain.
- Speaker #0
Et du coup tu fais beaucoup de promotion interne ? Tu fais relativement peu de recrutement externe ou rien à voir ?
- Speaker #1
On fait beaucoup externe. En fin de compte, comme je suis dans la transmission, je recrute des gens très capés pour aider mes enfants à la reprise. Pour moi c'est important que je remette la meilleure équipe autour d'eux. pour qu'ils réussissent à faire mieux que moi. Moi, j'ai écrit une partie de la page, mais j'espère que ça va être un livre. Donc, j'ai fait un paragraphe à eux d'écrire l'autre. Mais j'essaye de leur mettre les bons mots, les bons outils pour qu'ils puissent continuer, bien sûr, à grandir.
- Speaker #0
Comment tu pourrais expliquer que tu es venu à en faire des glaces ? Enfin, à faire des glaces, à en faire ton métier, ton gain de pain ?
- Speaker #1
Longue histoire. En fin de compte, ça n'est marre quand j'ai 7 ans. À côté de chez ma grand-mère, à Saint-Jean-d'Angélie, il y avait un monsieur qui était italien qui faisait des glaces. Et comme mes parents étaient oubliés, ils n'avaient pas les moyens, ni ma grand-mère me donnait beaucoup de sous pour acheter les glaces, j'allais couper les fraises et les citrons avec ce monsieur. Je faisais avec lui, il me montrait comment on faisait un sorbet fraises ou citron, c'est le souvenir que j'en ai, et il m'offrait une glace. Puis après, j'adorais la glace, donc j'en voulais une deuxième. Je trouvais une solution, j'ai commencé à ramasser des escargots dans le jardin de mes parents, puis j'en ai vendu. Puis après, j'ai vendu aux voisins. Puis après, j'ai fait du porte-à-porte. Puis après, j'ai trouvé des restaurants. puis à 10 ans je les achetais 10 francs à mes copains et je revendais 20 francs. Donc j'avais tout un réseau. Et à 13 ans, 13-14 ans, je m'étais aperçu que je poussais les portes des maisons. Et en fin de compte, j'ai commencé à taper aux portes, bien sûr. Et les gens qui regardaient derrière le rideau, je leur proposais de percer la porte et de mettre un judas, un œilleton, pour qu'ils voient à travers la porte. Et là, je prenais 50 francs. Donc mon père me prêtait la perceuse de l'hôpital. et impédié. les œilletons et moi c'était net, 50 francs net net. Moi j'ai travaillé dans les champs, éclaircir, je partais pas en vacances avec mes parents quand j'avais 14 ans, je travaillais dans les champs. Et puis après échec scolaire, j'ai redoublé deux fois, j'avais 7 de moyenne en 3ème, j'avais 17 ans, j'étais encore en 3ème et je rentre à l'école de laiterie de Surgères, l'ENILIA, et maman m'emmène là-bas et je dis je veux patrir les vaches, c'était une très belle école qui existe toujours à Surgères. Et je vois monsieur Roulin qui était le directeur et... Il me dit, il fallait 15 de moyenne. Il me dit, écoute, je sens quelque chose, je te prends. Donc, il m'a tendu la main, je lui avalais le bras. C'était... Parce qu'il faut savoir aussi que j'ai passé... C'est un signe que ce que j'ai fait, puisque j'ai fait le concours d'Apolli, j'ai fait le concours Jean-Marie, j'ai fait le concours d'EDF, GDF, SNCF, je n'ai jamais été pris. Comme le BPC, je ne l'ai pas eu.
- Speaker #0
Alors, si tu veux bien, j'aimerais ouvrir une parenthèse là-dessus, parce que j'ai lu ça dans une interview où tu dis que tu as passé tous les concours, ton père était syndicalisé.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Comment ? Est-ce que tu pouvais avoir un profil très commercial, vendeur, entrepreneurial ? C'était peut-être un peu juvénile pour en parler.
- Speaker #1
Ce n'était même pas juvénile, non. Parce qu'à présent, c'est des amis de mes parents qui m'ont relaté ça, comme quoi je leur avais dit qu'un jour, je serais patron. Moi, ce que je voulais écrire...
- Speaker #0
Tu as passé des concours de gendarmerie. Et c'est ça que je n'arrive pas à comprendre.
- Speaker #1
Parce que j'étais en échec. Donc, j'ai essayé de m'accrocher à n'importe quelle branche.
- Speaker #0
OK.
- Speaker #1
Voilà, c'était ça le sujet.
- Speaker #0
Et tu ne t'es pas dit, je vais continuer à percer des trous pour mettre des Judas ? Il fallait faire des études.
- Speaker #1
Oui, puis j'ai eu plein d'idées. J'avais été voir les franchises, le salon des franchises, pour avoir fait des donuts sur un tapis. J'ai vu les boutiques de bonbons. Mais ce n'était pas... En fin de compte, l'histoire, c'est qu'après, je rentre au centre de recherche Nestlé. Alors avant, bien évidemment, je vis à Argenteuil quand je sors à 19 ans avec mon BEP de laiterie. Je vais à Argenteuil. Je suis conducteur de machine à... de bouic et de lait chez Candia. Ensuite, je vais au Val-Fouré à Mante-la-Jolie. Je suis conducteur de machines à yaourt. J'ai dormi pendant six mois dans une cave à ce moment-là. Je demandais des accomptes, mais mes parents n'avaient pas les moyens de me payer. Le premier mois, il fallait de jeunes travailleurs, donc des accomptes, des accomptes. Et puis après, je trouvais que ça me coûtait trop cher. Je suis allé voir les gardiens et puis j'aurais demandé s'ils n'avaient pas un appartement. Ils m'ont emmené dans une cave. Il y avait un évier, un lavabo, une fenêtre. et pendant six mois, j'ai vécu là. Mais moi, me faire mal me fait du bien. Toutes les expériences négatives, je les retourne comme positives. Je suis un hyper actif et je suis très positif. Je dis souvent, mon dicton, c'est il y a ceux qui voient le verre à moitié vide ou à moitié plein. Moi, je l'ai toujours vu déborder. Je suis fait comme ça. J'ai voulu, quand j'ai créé ma boîte, avoir un redressement. J'étais le premier en sauvegarde. Et il y a trois ans, je dis à ma femme, j'aimerais bien avoir un cancer. Comprendre quelqu'un qui reçoit le cancer, comment il le prend. Je veux mon cancer. Elle me dit, tu l'as voulu, tu l'as. Bon c'est un petit cancer, je suis en rémission. Mais cette épée d'amoclès qui nous tombe dessus au moment où on apprend qu'on a un cancer, même si on s'en doute, mais on s'accroche à quelque chose, c'est une expérience où on est encore plus fort. Pour moi, c'est me renforcer d'être encore plus fort.
- Speaker #0
D'être en difficulté.
- Speaker #1
Je m'ennuie si je n'ai pas de problème. J'aime bien que les problèmes que je vis tous les jours, ce soit des énigmes que je dois résoudre. Je prends ça comme un jeu, pas comme une souffrance. Je suis un peu fou, peut-être.
- Speaker #0
Il faut avoir une motivation, il faut avoir un objectif.
- Speaker #1
Pendant ma période d'où je viens, je suis pistonné par l'armée angoulême, par mon oncle. Il se trompe de caserne dans l'affectation. Je me retrouve au premier RIMA, camp semi-disciplinaire pendant la guerre du Liban. Au bout de trois jours, ils me disent « soldat Laveau, vous êtes pistonné, vous allez dans le transport » . Je dis « non, je suis là, j'y reste » . Mais ça m'a appris des valeurs énormes. J'étais anti-militaire. Ça m'a appris à saluer le drapeau, à l'aimer. Ça m'a appris la camaraderie, de partir tous ensemble, revenir tous ensemble. C'était l'une de mes plus belles écoles que j'ai pu faire. Je souhaiterais tellement que l'armée revienne. Je pense que ce serait super pour saluer le drapeau, la discipline, se laver le matin, se lever le matin, respecter l'autre, respecter la hiérarchie et adorer notre drapeau.
- Speaker #0
Est-ce que ton père a eu une influence dans ce parcours ? Pas le fait qu'il soit syndicaliste, mais est-ce qu'il a influencé tes choix ?
- Speaker #1
Non, il a influencé sûrement comment je fonctionne. Je dis, si je n'avais pas été chef d'entreprise, je serais syndicaliste. J'aime faire du bien aux autres. Donc je le fais dans ma fonction de chef d'entreprise. J'ai la chance de pouvoir le faire. Et je l'aurais fait si je n'avais pas été patron. Aider les autres, c'est ancré dans mes valeurs. Moi, je me dis souvent, à la fin de ma vie, si je suis encore Lucie, je me dirais ce que j'ai fait pour les autres et pas me dire ce que j'ai profité de cette terre. J'aurais réussi ma vie si je pars et j'aurais aidé beaucoup de gens.
- Speaker #0
Donc tu as eu un job de salarié chez Nestlé ?
- Speaker #1
Alors Nestlé, oui, je rentre à 21 ans chez Nestlé. Là, je suis nettoyeur de machines au Centre de recherche mondial à Beauvais dans l'Oise. Il y avait trois ateliers différents, déshydraté, plat cuisiné et crème glacée. Mon enfance, les crèmes glacées, moi, fromage et beurrier, la laiterie, le lait. Je voulais absolument être dans cet atelier, mais ils m'ont fait passer partout. Ils m'ont entraîné pour être dégustateur mondial. Moi, j'étais spécialiste du basilic. Parce qu'en fin de compte, on n'est pas dégustateur sur quelque chose qu'on maîtrise. Sauf autrement, on trouve le lait. Les erreurs de la fabrication, si on me faisait des gustes et des glaces, je vais vite savoir si c'est homogénisé, pas homogénisé, s'il y a trop d'air, pas assez d'air. Et j'ai fait des cours par correspondance. Comme je n'avais pas travaillé à l'école, pendant deux ans, j'ai fait des cours par correspondance. Donc je jouais au football, je m'entraînais trois fois par semaine, puis je jouais le samedi, je travaillais et la nuit, je faisais mes devoirs. J'ai eu un brevet de technicien, voilà, et à 27 ans, ils m'ont mis responsable de l'atelier pilote mondial. Beau parcours ! Un très gros parcours, mais ils avaient investi énormément. Ils m'ont emmené partout en Suisse. Ils m'ont emmené apprendre à faire du chocolat. J'étais leur petite pépite et ils n'ont pas trop apprécié quand je suis parti. Mais je leur avais dit que je voulais être chef d'entreprise.
- Speaker #0
Alors, c'est là où j'allais en venir. Est-ce qu'ils t'ont identifié comme une pépite ? Parce que justement, tu travaillais déjà à l'époque comme si c'était ta boîte, mais avec un raisonnement de chef d'entreprise.
- Speaker #1
Je pense que j'ai un don, c'est qu'on peut me donner une moto, un bateau. une voiture, je maîtrise tout ce qui est puissance, tout ce qui est moteur. Et en fin de compte, les prototypes, les machines, je ressentais comment ça fonctionnait. Il y a des pompes, il y a pas mal de choses. Donc, ils me donnaient tous les prototypes à régler pour la plupart et ils m'ont formé et j'étais oui, leur pépite. Ils avaient beaucoup investi et quand j'ai donné ma démission, le directeur est venu, il m'a dit vous pouvez pas partir, c'est pas possible, on vous double le salaire. Et je lui ai dit non, mais je travaille pas avec des voleurs, fallait me payer avant. Et après, je l'ai rassuré, je lui ai dit non, mais de toute façon, je vais être chef d'entreprise, donc vous ne pourrez rien faire.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui fait, selon toi, que dès 13 ans, tu as dit que tu allais être chef d'entreprise ? C'était quoi ta motivation ?
- Speaker #1
Je voulais écrire ma vie, je voulais être acteur de ma vie. Emmener des gens avec moi. Et puis j'ai aussi une envie, il ne faut pas se cacher, j'avais envie de gagner de l'argent. Puisque je n'en avais pas, je l'en mets dans une cave. Quand on crée son entreprise, c'est créer son histoire. On crée une histoire, mais pas tout seul, avec des collaborateurs. Pour moi, c'est un combat de tous les jours, mais il y a des victoires, il y a des défaites. C'est la vie d'un homme, d'une femme et d'une entreprise. en effet de ça et pour moi on sort toujours plus fort d'une difficulté.
- Speaker #0
Et est-ce que tu savais quel type d'entreprise tu voulais faire ? Est-ce que tu savais ?
- Speaker #1
Non, je ne savais pas, je voulais tout faire mais je ne trouvais pas mon projet. Puis je me suis posé la question, en quoi tu es bon ? Qu'est-ce que tu sais faire ? Bah c'est évident, je savais faire des glaces et des sorbets, donc bah je ne cherche pas. Mais au départ je ne voulais surtout pas d'agroalimentaire parce qu'il y a beaucoup de problèmes qualitatifs et bactériologiques, donc je connaissais trop le truc, les difficultés, mais en fin de compte, je l'ai fait quand même.
- Speaker #0
Alors on va y revenir là-dessus. Donc, 96, tu démarres...
- Speaker #1
Alors, juste avant, pendant deux ans, je suis débauché par le président des Glaciers de France, de chez Nestlé. Et là, je m'aménage une unité de production et je crée des recettes pour Picard, puisqu'ils vendaient à 80% pour Picard. Et je dis, je fais deux ans avec vous, mais après, je crée ma boîte.
- Speaker #0
Quand tu deviens quelqu'un qui passe plutôt sur la partie mécanique, automatisation, à créateur de recettes, c'est pas du tout le même métier.
- Speaker #1
Je travaillais les recettes chez Nestlé. Il n'y avait pas que les machines que je maîtrisais. OK. Je n'étais pas tout seul, il y avait des ingénieurs, des techniciens. Moi, je manageais les techniciens, il y avait les ingénieurs qui nous donnaient du travail. Donc bien sûr, on travaillait sur les recettes. Et puis après, quand j'étais chez l'artisan, pendant deux ans, lui, il était artisan, donc j'ai appris beaucoup de choses. Au fin de compte, j'ai emmené l'industrie dans l'artisanat. Et l'artisanat, après, j'ai repris l'artisanat avec des méthodes. Qu'est-ce que j'ai transformé en fin de compte ? Ce que j'ai réussi de faire, c'est que chez Nestlé, on faisait des mixes, des mélanges, quand même même viscosité pour tous les produits. C'est-à-dire que ça pouvait passer dans toutes les machines du monde, dans toutes les usines de Nestlé. Et en fin de compte, ce que j'ai choisi, quand j'ai vu la technique et la qualité du produit artisanal, ce que j'ai fait, j'ai modifié mes machines parce que le mix, je ne cherche pas une fluidité la même de tous mes produits. Donc, c'est la machine qui se met au diapason du produit et non l'inverse. Pour moi, l'industriel, c'est qu'il fait un produit standard qui peut passer dans toutes les machines du monde. Pour moi, l'artisan, c'est qu'il trouve des solutions pour passer à un produit qui n'est pas standard parce qu'il veut de la haute qualité.
- Speaker #0
C'est l'outil de s'adapter au produit.
- Speaker #1
Il faut s'adapter au produit, voilà. Donc,
- Speaker #0
pendant deux ans, tu fais ça à Paris. Et après, tu te dis, c'est parti, on crée la société. Du côté de Lyon ?
- Speaker #1
Non, Saint-Jean d'Angélie. Saint-Jean d'Angélie ? Oui, en fin de compte, c'est l'Angélis. Notre nom, l'avocat, le L. Et Angélis pour ma fille Angélique, qui avait deux ans et demi. C'est Saint-Jean d'Angélie. Pardon. Je n'ai rien contre Lyon.
- Speaker #0
J'ai lu que tu avais démarré avec un petit chariot de vente de glace.
- Speaker #1
Oui. En fin de compte, le projet, j'ai démarré avec 10 000 francs. Et j'ai voulu mettre un capital pour être sérieux. Mais j'ai mis ma voiture, mon répondeur téléphonique pour 300 euros. J'ai mis des trucs pour arriver à ces 10 000 francs, ces 1 500 euros. Et j'ai marqué un petit chariot. Donc, où j'avais fait les glaces pour l'artisan, il me les revendait. Et puis après, je les mettais dans mon chariot. Mais bon, c'était mes glaces, c'était mes recettes.
- Speaker #0
Tu étais revendeur, finalement.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Au départ,
- Speaker #1
oui.
- Speaker #0
Alors, il y a eu plusieurs étapes, j'imagine, mais comment tu es passé de revendeur à producteur ?
- Speaker #1
Alors, je voulais produire, mais je n'avais pas les moyens. Et en fin de compte, avec mon petit chariot, avec des caussures moncaires, j'ai perdu ma maison. Donc, je vais toujours en travers. On m'a volé ma petite maison. Phoenix, là, c'était une petite maison à 60 000 euros. Et quand j'ai vendu, les banques sont payées, recouvert le prêt qu'ils m'avaient fait. Donc, je n'ai toujours pas digéré. Ça, c'est une étape de la vie. et ce que j'ai fait, j'ai poussé les portes de grande surface. Et l'anecdote qui est extraordinaire... Je vais au Petit Leclerc de Sainte pour prendre mes glaces. Donc avec mon père, il était photographe amateur, mais il prenait les photos, donc on collait les étiquettes sur les couvercles, enfin un truc de fou quoi. Je vais voir le Petit Leclerc de Sainte et il y a la patronne qui arrive, elle me dit vous faites quoi ? J'ai rendez-vous avec votre directeur pour mes glaces. Elle dit je ne veux pas de vos glaces, vous pouvez partir. Première sentence. Et deux heures, trois heures après, je ne me souviens plus trop, mais je passe devant le tribunal de Sainte et je vais au Grand Leclerc de Sainte où j'avais rendez-vous. Mais je savais que si je loupais, c'était la fin. Et quand j'arrive au Grand Leclerc, cette dame est encore là, c'est la patronne des deux magasins, je ne le savais pas. Elle me dit mais qu'est-ce que vous faites là ? Je vous ai dit que je ne voulais pas vous voir. Et le directeur qui sort du bureau prend mes glaces, ma glacière, il lui fait goûter dans le bureau et elle ressort. Elle me dit je veux vos glaces dans mes deux magasins. Ça s'est joué à ça. En fin de compte, il faut aller jusqu'au bout. Il ne faut surtout pas dire que c'est fini. Mais après, quand j'ai créé ma boîte, je savais que j'allais revenir au voyer ou technicien ou je retrouvais du boulot. Donc, mon risque, c'était quoi ? D'essayer d'avoir une aventure personnelle. et commune avec du monde autour de moi. Mais je n'avais aucun risque. Je lui ai dit, aujourd'hui, si on veut monter sa boîte, on a un métier, il faut sauter. De la fenêtre, il y a quoi en bas ? Aujourd'hui, il y a du coton. Ben, tentons.
- Speaker #0
Alors, pour aller là-dessus, on est le 12 juin 2025. Et ce matin, j'écoutais BFM Business, comme tous les matins, et ils disaient que le chômage est en train de remonter. Et les métiers qui étaient hautement pénuriques et hautement difficiles, où en fait... Le seul moyen d'avoir un collaborateur, c'était de le chasser chez un confrère. Finalement, la tendance commence à s'inverser. Donc, c'est plutôt un « bon signal » pour entreprendre. Encore une fois, pour les gens qui se posent des questions, qui nous écoutent, si on sait qu'on va retrouver du boulot derrière, ça ne coûte rien d'essayer. Et ce n'est pas un coup d'avoir 25 ans, 30 ans, 40 ans. On s'en fout de ça.
- Speaker #1
Non, non, il faut y aller. Je veux dire, on ne peut pas vivre... Notre vie, elle est tellement importante. de notre vie personnelle que de se dire si j'avais su, j'aurais dû. Non, mais fais-le.
- Speaker #0
Puis tu verras bien.
- Speaker #1
Tu verras, t'assumes-moi. Moi, j'aurais jamais dû être chef d'entreprise, j'avais pas les us et les coutumes. Si j'avais vu ce que j'allais vivre, si j'avais fait des grandes études, j'ai reçu par Harvard le coup de cœur de l'autodidacte national et j'aurais expliqué. Si j'avais fait des études, j'aurais vu tous les problèmes que j'allais avoir, je n'y allais pas. Mais comme je ne le savais pas, j'y étais et puis j'ai pris des coups, mais des coups. Ce qui est important, c'est que je n'ai jamais été à terre, mais toujours monter la marche. monter une marche. Et après, j'ai appris aussi qu'il fallait aussi un plateau. Quand on monte des marches 4 à 4, il vaut mieux avoir un plateau où on sécurise et après on remonte des marches.
- Speaker #0
Je me permets là-dessus, par rapport à la prise de risque, tu évoquais tout à l'heure que tu avais perdu ta maison. C'était en quelle année ça ?
- Speaker #1
96, 97, quand je crée la boîte, au bout d'un an.
- Speaker #0
Ah d'accord, parce que tu n'as pas réussi à rembourser tes crédits. Si,
- Speaker #1
j'y arrivais, mais j'ai vendu la maison. Et comme la maison était en caution, le bénéfice de ma maison, ils se sont remboursés le prêt.
- Speaker #0
Ah ok.
- Speaker #1
Donc je me suis retrouvé...
- Speaker #0
Tout nu.
- Speaker #1
À poil. Tout nu n'est pas assez fort. À poil, c'est mieux.
- Speaker #0
Alors, il faut savoir qu'aujourd'hui, le domicile familial ne fait plus partie...
- Speaker #1
Oui, maintenant, mais dans le temps...
- Speaker #0
Non, mais je précise pour ceux qui nous écoutent.
- Speaker #1
C'était une bonne chose.
- Speaker #0
C'est une très bonne chose, en effet.
- Speaker #1
C'est pour ça qu'on peut sauter la fenêtre.
- Speaker #0
C'est à la limite la prise de risque et raison de plus pour y aller, oui. Donc, au final, le clair, donc de Sainte, c'était quoi ? C'était 97 ou 98 ?
- Speaker #1
On était 97.
- Speaker #0
97. Donc là, tu commences à internaliser ta production ou c'est toujours de l'achat-revente ?
- Speaker #1
Non, je trouve un deuxième, un troisième artisan et je le contrôle et j'enfile mes recettes et il fabrique mes recettes.
- Speaker #0
Quand est-ce que tu as switché de revendeur-distributeur à industriel ?
- Speaker #1
2001.
- Speaker #0
Oui, ça a duré un peu longtemps quand même.
- Speaker #1
2001 où je n'avais pas trop les moyens de monter un atelier et où on est aujourd'hui à fond couverte. C'était un bâtiment qui ne faisait pas de la vinaiserie, en terminal de cuisson, qui était en liquidation et je l'ai acheté à la barre du tribunal. Ça valait à 1,8 million. Le bâtiment, je l'ai payé 325 000 euros.
- Speaker #0
Belle OP.
- Speaker #1
J'ai sauté dans la cour quand je l'ai eu. Je criais partout. Pour moi, c'était un temple. Quand je suis rentré, c'était une cathédrale. C'est quoi ce truc ? Je n'aurais jamais.
- Speaker #0
Ça faisait quelle taille à l'époque ?
- Speaker #1
Ça faisait 1400 mètres carrés.
- Speaker #0
C'est déjà énorme.
- Speaker #1
Il y avait un tunnel de surgélation. J'avais tout l'équipement. Et un de mes confrères qui me faisait les glaces, quand j'ai acheté ce bâtiment, lui, il changeait tout son matériel de son entreprise. donc il m'a dit donné pour presque toutes les machines, pour pas grand chose.
- Speaker #0
Comme quoi, la vie est faite d'opportunités.
- Speaker #1
Oui, d'opportunités, des gens qui sont bienveillants.
- Speaker #0
Aujourd'hui, ton business model, qui était initialement de distribuer tes produits en GMS, quand est-ce que tu es passé sur les restaurants également ?
- Speaker #1
Alors, ça fait longtemps qu'on fait les restaurants, mais en direct, là, on vient de passer depuis deux ans au National avec France Ray, qui est notre distributeur national.
- Speaker #0
Moi, là où je voulais t'amener, c'est en 2021. Tu décides premièrement d'ouvrir deux boutiques et de créer une franchise, alors que le principal réseau de boutiques dans le Sud-Ouest qui était connu, c'était au Sorbet d'Amour, qui était placé en redressement judiciaire déjà. dès 2019, comment tu t'es dit lui il s'est planté, mais moi je vais réussir ? Parce qu'au final, à l'époque je t'avais appelé en disant c'est potentiellement à vendre est-ce que ça t'intéresse ? Tu m'avais dit non pour différentes raisons dont on parlera pas enfin tu parleras peut-être mais comment tu t'es dit lui il s'est planté mais moi je vais y arriver ?
- Speaker #1
En fin de compte je suis un opportuniste quand tout va bien on me voit pas trop bouger c'est quand tout va mal qu'il y a de grandes chances que je sois là pourquoi ? Parce que je parle du principe que quand on est moins nombreux sur la Et... piste pour le départ, on a plus de chances d'arriver. En fin de compte, s'il y a trop de gens qui font de la glace, on a moins de chances de réussir. S'il y en a deux qui se lancent à faire de la glace, on a plus de chances de réussir.
- Speaker #0
C'est la stratégie de l'océan bleu et de l'océan rouge. Je ne sais pas si tu connais. On apprend ça en école de commerce maintenant. L'océan rouge, c'est un océan où il y a beaucoup de poissons, mais tu as beaucoup de prédateurs et de petits poissons. En fait, tout le monde s'entrebouffe et finalement, y'a pas grand chose à bouffer in fine et parce qu'il ya une sur concurrence et l'océan bleu tab beaucoup moins d'aspects de population, mais du coup tu peux vivre tranquillement dans ton biotope et on vient pas trop de te casser les pieds.
- Speaker #1
C'est ça, mais moi je connaissais pas, j'ai pas fait de grandes écoles.
- Speaker #0
Alors c'est un mec très intelligent qui a théorisé ça, dont j'ai oublié le nom, mais j'ai retenu l'image. Donc 2021, on est post-Covid, il y a encore des restrictions, etc. et tu décides d'ouvrir des boutiques, ça crée de challenges quand même.
- Speaker #1
Ouais sacré mais... J'ai appris un métier, je suis encore en train de l'apprendre. Autant je maîtrise la grande distribution, autant les boutiques, on est en train de revoir notre modèle. Ce qui a été important pour moi, c'est monter des boutiques pour se faire connaître, plus que pour faire du profit. Les boutiques, elles ne font pas de profit et je n'en attends pas. Mais quelle est la somme qu'il faudrait mettre pour que les gens nous rencontrent à un endroit pour une dégustation ? Pour moi, le moins cher, c'était une boutique.
- Speaker #0
Alors, moi j'habite à Bordeaux. Tu vois, par exemple, vous avez ouvert une boutique à Bordeaux. J'ai mes copains bordelais qui commencent à me parler de l'Angélis, justement grâce à ta boutique alors que bon moi je le Je te connais depuis longtemps parce que je suis charentais. Donc voilà, forcément. Mais c'est vrai que c'est un excellent outil de pub.
- Speaker #1
Voilà, c'est un excellent outil de pub, si ce n'est que je la vends demain. Ah oui ? Alors, c'est un raté parce que je voulais faire ma première franchise et on ne s'est pas mis d'accord. Et la boutique est trop loin de chez nous en ce moment. On n'a pas les moyens de la suivre correctement comme celle de La Rochelle, de Royan et de l'Île de Léron. Donc,
- Speaker #0
cet aspect géographique, c'est compliqué.
- Speaker #1
En fin de compte, c'est trop loin encore. On n'a pas les équipes pour. Donc on veut monter notre première franchise et trouver notre modèle de manger de la glace tout le long de l'année. Donc c'est ce qu'on est en train de travailler. On a déjà très bien avancé le dossier.
- Speaker #0
Mais du coup, tu vends le fonds pour quelqu'un qui va en faire autre chose ?
- Speaker #1
Tu vas vendre des glaces, mais pas à l'Angélis.
- Speaker #0
D'accord, pas à l'Angélis.
- Speaker #1
Non, on se retire de Bordeaux. On veut revenir, mais d'une autre manière.
- Speaker #0
Parce que là, pour le coup, tu disais les boutiques ne gagnent pas d'argent, mais celles-là, elles en perdent ?
- Speaker #1
Non, elles n'en perdent pas spécialement. On aurait pu continuer, mais trop de problèmes de personnel. Et dernière, on a notre responsable qui voulait prendre une semaine de vacances le 15 août et on lui a dit non, il s'est mis en maladie et puis le magasin était fermé pendant une semaine. Et pour nous, c'est insupportable. Donc on doit sécuriser ça, on ne peut pas avoir ouvert, pas ouvert.
- Speaker #0
Parce que c'est quoi ? C'est plus des gens que tu connais, des hommes de main pour Royan, La Rochelle ?
- Speaker #1
Royan, c'est ma femme. T'as aide ? Moi, je suis sûr. Et puis on a deux très bonnes responsables aussi à l'île de Léron qui sont là depuis longtemps et La Rochelle.
- Speaker #0
Et concernant la franchise, tu en es où là-dessus ?
- Speaker #1
On est en train de travailler dessus, mais on est en train de prendre des experts pour nous aider. Parce que c'est un réel métier, on ne se met pas franchiseur comme ça.
- Speaker #0
Oui, ça c'est clair.
- Speaker #1
Autant on maîtrise la grande distribution, la restauration, autant c'est un vrai métier quand même, il y a beaucoup de charges salariales. Et le problème c'est de trouver des gens qui tiennent.
- Speaker #0
C'est l'identification des entrepreneurs la vraie difficulté pour moi.
- Speaker #1
C'est compliqué, puis le monde de la glace, nous on met très peu d'air dans nos glaces, donc elles sont un petit peu dures à faire des boules. Et les gens ont mal au poignet très vite et en fin de compte, il y en a qui préfèrent arrêter que de continuer.
- Speaker #0
Il n'y a pas un moyen de...
- Speaker #1
On est en train de travailler dessus pour que les gens arrêtent de se faire mal, parce qu'on n'est pas là pour faire mal aux gens. Oui. Voilà, donc c'est un vrai sujet chez nous aussi.
- Speaker #0
Tu vois, ça je ne l'avais pas vu venir. Tu m'as dit en introduction, chaotique, pour définir ton parcours, est-ce que tu penses à 2008 justement dans ce cadre ?
- Speaker #1
Dans la sauvegarde, oui. Je pense à ma maison que je perds. Je pense bien sûr à la sauvegarde qui ne m'a pas broyé, mais c'est mes employés qui m'ont sauvé. En fin de compte, le mardi, je suis en sauvegarde. J'ai vu comment fonctionnaient les banques. Je pense que je les connais très bien maintenant. Donc, il ne faut pas compter à grand chose quand ça va mal. Il y a deux choses qui me marquent beaucoup de mon expérience, c'est que la force d'une entreprise, c'est d'avoir le temps. C'est vraiment réellement une force de ne pas aller trop vite. Moi, je posais souvent les plâtres. Je promis à faire des choses. Et ça, ça m'impressionne beaucoup d'avoir le temps. Et puis la trésorerie, on peut avoir un très bon ou un très mauvais bilan. Il faut de la trésorerie. Parce que même si vous avez un bon bilan dans les glaces, les banques, s'il suffit qu'au national, ils disent il y a 4, 5 dépôts de bilan de glacis, ils vont dire on arrête les glaces. Bye Vous n'aurez pas de trésorerie. Donc nous, on a une trésorerie qui est excédentaire, mais vraiment excédentaire. En fin de compte, je suis toujours géré en bon père de famille et 50% de notre chiffre d'affaires, on l'a en trésorerie.
- Speaker #0
Ah oui ?
- Speaker #1
Ah oui. On est noté au plus haut niveau Banque de France. Mais je ne prends pas de dividendes, je ne me suis pas augmenté depuis 15 ans. Je gère en bon père de famille, oui. Pour moi, c'est plus qu'important. Et quand on investit, ne serait-ce qu'on a un investissement à faire dans 2 ans de 5 millions, on a au moins deux fois sur nos comptes la somme. Voilà, donc pour moi, ça m'a appris ces choses-là. Donc cet échec, cette souffrance que j'ai eue a été très bonifique pour moi. On apprend de ses erreurs. Et puis la deuxième chose, le mardi, je suis en sauvegarde. Le jeudi, les délégués du personnel viennent me voir. Ils me disent demain, on va tous manger ensemble au restaurant et c'est nous qui payons votre repas à vous, à votre femme. C'était fou. J'en ai encore de l'émotion. C'est eux qui m'ont sauvé.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui a généré cette situation ?
- Speaker #1
Une banque qui a eu peur par des crédits de campagne, qui a retiré son crédit de campagne. Ils ont envoyé une L60, 60 jours pour rembourser. Ils se sont payés 10 jours après. Le tribunal n'a rien dit. Et en fin de compte, les auto-mupers sont sortis. Et ils m'appelaient les uns après les autres. Et je me souviens, un banquier me dit « Monsieur Laveau, je suis désolé, on se retire » . Ben non. Il me dit « Ben si » . Ben je lui dis « Non » . Ben il me dit « Si, vous ne comprenez pas, on va vous envoyer une dette » . Non. Je suis en sauvegarde. Et là, le banquier me dit « Ah merde » . Ils étaient tous en train de me la faire à l'envers.
- Speaker #0
Mais c'est quoi ? C'est que tu finançais ton BFR sur du court terme ? Oui,
- Speaker #1
pour le crédit de campagne, pour faire la production en début d'année, il faut de la trésorerie avant de démarrer, de livrer le premier bac. Oui,
- Speaker #0
parce que tu étais GMS, donc en plus c'est toi qui portait les stocks pour tout le monde. Enfin oui, toi tu avais un BFR de malade.
- Speaker #1
Il me fallait 1,2 millions pour un chiffre d'affaires, même pas 3 millions. Donc voilà, c'est où j'ai appris que la trésorerie était importante.
- Speaker #0
Et comment tu as fait ? Alors, premièrement, comment tu es sorti de cette situation ?
- Speaker #1
Parce que je suis sorti très vite. Au bout de trois ans, on est sorti, on a serré. Et puis, alors autant, j'ai eu quelques fournisseurs qui nous ont suivis et pas d'autres. Ça, c'est chacun son choix. Et puis, j'ai eu une chance énorme. C'est que j'ai appelé la centrale d'achat Leclerc au mois de janvier. Ils faisaient 132 000 euros. On faisait 132 000 euros de chiffre d'affaires avec eux à l'année. Et j'en ai demandé une commande de 100 000 euros. Donc ils m'ont dit, envoyez-la et quand j'envoie la commande de 100 000 euros, la proposition que je leur fais, je leur fais moins 10%. Et là, ils me la renvoient, ils retirent les moins 10 et ils passent la commande. Et 15 jours après, ils me disent, monsieur Laveau, est-ce que vous voulez une deuxième commande ou ça va aller ? ils étaient prêts à acheter plus cher, plus de marchandises qu'ils vendaient en une année.
- Speaker #0
Voilà, et j'ai un profond respect pour ces gens-là. C'est mes clients qui m'ont sauvé. Mes employés et mes clients. Et quelques fournisseurs, il ne faut pas que je les oublie non plus. Les tris de Pompli qui m'ont suivi pour le beurre. Ils m'ont fait confiance, je leur ai dit que je les paierais. Et je les ai payés, j'ai payé tout le monde.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qui fait que tu as réussi à générer autant de trésorerie ? Parce que la boîte est en belle croissance, on ne va pas se le cacher. Tu as toujours cet aspect BFR. Finalement, comment tu as réussi à inverser la tendance du trésorerie ?
- Speaker #0
Des progressions. En 10 ans, on a fait plus 6 en chiffre d'affaires. On passe de 3 millions x 6, vous voyez ce que ça peut faire. Et puis, tous les résultats, on les garde tous les ans. Donc, je ne sais pas, c'est pas très compliqué.
- Speaker #1
Peut-être que tu étais trop petit par rapport à ton outil industriel, c'est pour ça ? Oui,
- Speaker #0
oui, en fin de compte, même aujourd'hui, l'outil tourne qu'à 30% de sa possibilité.
- Speaker #1
Ah oui ?
- Speaker #0
Oui, mais on n'a pas...
- Speaker #1
Ça, c'est à cause de la saisonnalité, c'est que tu résumes...
- Speaker #0
Non, non, aujourd'hui, on va avoisiner, on va dépasser les 20 millions, l'outil peut faire 60 millions. facilement. Si on ne travaille qu'en 1,8, on pourrait travailler en 3,8, on pourrait travailler le week-end. Mais le problème qu'on a, c'est que ça va être difficile de faire fois deux, on a le temps. Et comme je dis à mes filles, aux employés, je dis, il ne faut pas dépasser les 30 millions d'euros. Il faut rester à 30. Pourquoi ? Parce qu'après, on ne trouvera pas les matières premières de qualité. Notre frein, nous, c'est les matières premières. Trouver les bonnes fraises, les bonnes framboises, les bonnes gousses de vanille. Donc, c'est ça notre frein. Donc, c'est comment on vend notre production mieux. Et comment on sécurise ? Parce qu'aujourd'hui, on a 94% en grande surface. Donc là, c'est en train de diminuer rapidement avec France Frais, le groupe qui nous distribue dans les restaurants. Et puis, on a l'export qui vient de démarrer, Taïwan, on a l'Ethiopie qui vient de démarrer, on a la Suisse qui nous veut. Donc voilà, comment on va faire pour bien équilibrer notre chiffre d'affaires ? Et puis, les franchises, on peut aussi valoriser. Donc moi, je fais des projections à 10 ans. Je ne vois pas un an ou deux. Quand je fais des projections, c'est-à-dire que si je dis je vais être à l'export dans 10 ans, s'il y a une opportunité au bout de 2 ans, on la prend. Parce que ça écrit ce qu'on veut à 10 ans.
- Speaker #1
Et t'as structuré volontairement ton outil pour monter à 60 millions en 10 ans, on le mettra jamais à 100% ? Ou c'était l'opportunité qui...
- Speaker #0
Non, non, non, c'est... Nous, on a une réputation, c'est qu'on fait aucune rupture. Il n'y a pas un fraiseur qui fait la glace, il y en a 5. Il y en a 2 qui tournent tous les jours, mais il y a les trois autres qui attendent s'il y a une panne. Tout est pensé pour que... Et puis il y a beaucoup de gestes humains pour la préparation pour les mix, pour les qu'on reçoit à l'IFRI, à traiter, enfin il y a beaucoup de préparation.
- Speaker #1
Je saisis cette opportunité parce que quand on s'est appelé pour préparer cette interview, tu me disais qu'aujourd'hui, une de tes problématiques, c'est également la gestion dans le futur avec le dérèglement climatique des matières premières, notamment la vanille.
- Speaker #0
Oui, on a un vrai souci. Alors la vanille, on a fait une comparaison, c'est sympa que les gens puissent l'entendre. Il y a des gens en Bretagne qui ont fait pousser de la vanille. Et on a fait des tests avec leur vanille, parce qu'on a voulu tester avec plusieurs vanilles, ils ont fini deuxième. En Bretagne, ils font de la super vanille.
- Speaker #1
En milieu naturel ou en serre ?
- Speaker #0
En serre. Ça parle quand même. Je sais qu'il y a des gens dans le Sud qui font pousser aussi des mangues, des choses comme ça. Donc, en fin de compte, je ne pense pas qu'on manquera de fruits, de matières premières, mais géopolitiquement, ça va bouger. C'est-à-dire qu'on produira peut-être des mangues en Inde. Ça sera peut-être l'Afrique. Enfin voilà. Enfin, en Afrique, ils en ont déjà, de la mangue.
- Speaker #1
mais ça peut avoir un intérêt pour toi de... favoriser le producteur de vanille breton, par exemple, parce que demain, lui, il pourra produire. Peut-être là où Madagascar aura plus de problématiques.
- Speaker #0
De toute façon, notre priorité, c'est d'acheter au plus proche. Donc, si on ne trouve pas, on va acheter plus loin. Mais on regarde toujours autour de nous ce qu'on peut acheter. Ça, c'est notre philosophie. Le lait, le beurre, il y a plein de choses. Le caramel, tout ça, on achète le plus proche, Nouvelle-Aquitaine.
- Speaker #1
Il y a un podcast que j'ai fait avec Jérôme Forest. c'est l'épisode 4, qui était un retourneur d'entreprise qui a racheté une boîte in bonus. Et on parlait du changement de paradigme entre être salarié dans une boîte qui part en cacahuète versus être propriétaire d'une boîte en bonne santé. Lui, il disait, dans sa méthodologie de retournement d'entreprise, puisque c'était son métier, tu as trois périodes de 18 mois. La première période, c'est de l'observation, c'est voir comment ça fonctionne. Une deuxième période, c'est agir fort et vite. Et troisième période, c'est stabiliser entre le fait d'agir très fort et de rééquilibrer les forces, on va dire. De rééquilibrer les forces. Est-ce que toi, tu as suivi un plan comme celui-ci ? Ou est-ce que ça s'est fait plus naturellement ? Comment est-ce que tu as fonctionné ?
- Speaker #0
Quand tu me le dis, j'ai l'impression que j'ai fait la même chose sans le savoir, mais moi, ce n'est pas 18 mois. C'était 8 ans, 8 ans, 8 ans. C'était plutôt ça. J'ai vu, après j'ai bougé. Après, j'ai fait les éléments à agrandir l'entreprise, mettre des outils de haute technologie. Et puis après, non, mais c'est sûr. Et là, on a sécurisé. Mais je ne l'ai pas fait en 18 mois. Je n'ai pas cette faculté à faire ça.
- Speaker #1
Tu parles de 8 ans, 8 ans, 8 ans. 8 ans plus tard, tu as apporté tes titres dans une holding. Donc, tu es passé de dépôt de bilan à avoir une société valorisée plusieurs millions d'euros. Et ne serait-ce que 4 ans plus tard, tu as multiplié par 7 cette valorisation. Donc c'est que le business se portait bien. Comment est-ce que tu as réussi à aussi vite retourner la situation ?
- Speaker #0
Alors on a eu des périodes, c'est 2014 qui est une période, je dirais, cruciale. C'est là où on est passé à M6, à Capital, on est passé sur la 2, on est passé sur la 3, sur la 5. Et là, les acheteurs, les chefs de rayon, quand ils ont vu autant d'émissions, ils ont dit qu'il faut qu'on ait ces produits dans le magasin. Et c'est là où on a eu des référencements beaucoup plus forts. Ou après, rentrer à Intermarché, et c'est là où ça a pris.
- Speaker #1
C'était à ta demande, ces interviews, ou c'est eux qui sont venus ?
- Speaker #0
C'est eux qui sont venus, je n'ai jamais rien demandé. Si les gens ont envie, là on a Télématin la semaine prochaine, je n'ai rien demandé. Ils viennent tourner et on est contents. Peut-être qu'on a plusieurs sujets qui peuvent intéresser les gens, c'est que de rien on peut faire quelque chose que... Une belle entreprise française, ça peut donner l'espoir aux jeunes de faire quelque chose, que tout est possible. Moi, je dis toujours tout est possible, pas tout seul. Je pense que tout est possible à plusieurs.
- Speaker #1
Une entreprise, c'est une équipe.
- Speaker #0
Et puis moi, tout seul, je pense que je ne ferais pas grand-chose.
- Speaker #1
On va parler un petit peu de la transmission intrafamiliale, parce que c'est un peu l'objectif.
- Speaker #0
On va le juger.
- Speaker #1
Gros sujet. Gros sujet.
- Speaker #0
Très gros sujet.
- Speaker #1
En 2020, tu décides de faire entrer deux investisseurs à ton capital, la BPI et Unigrain. J'imagine que tu avais déjà réfléchi en amont à l'ouverture du capital pour pouvoir faire monter tes filles techniquement. Pourquoi est-ce que tu as choisi ces deux investisseurs-là et comment est-ce que le cheminement s'est fait dans ta tête ?
- Speaker #0
Vraiment, les faire entrer BPI, c'est des gens que j'adore, qui ont des solutions à des problématiques. Là, on veut faire de l'export, ils nous ont fait un chaque export. Ils nous donnent les moyens de nos ambitions. Et Unigrain, c'est parce que je les avais vus dans une autre vie. Le monsieur qui nous avait suivis avant a changé, a été chez Unigrain. J'avais une profonde respect et confiance surtout en lui. J'avais envie de faire un cash-out pour moi, pour me sécuriser, parce que je n'ai pas un gros salaire. Donc, moi, ma retraite, elle va être à 3 800. Quand je vois ce que je cotise, ça me fout un peu en l'air. Le moral, on se dit, il soit acteur. Donc, j'ai voulu sécuriser. Donc, j'ai sécurisé. Maintenant, j'ai une maison qui est payée. C'était le sujet. Et après, pourquoi ils avaient fait rentrer ? Parce que j'avais des ambitions. Quand ils sont rentrés aujourd'hui, la boîte n'est plus du tout la même. Ça a transformé, sans ment, nous tous. On avait des projets, mais de pouvoir les faire, de pouvoir aller plus vite, plus fort. Et là, on est en train de regarder pour qu'ils sortent ou qu'ils restent dans deux ans, parce que c'est le sujet. Mais moi, j'ai la trésorerie pour les sortir. Donc, je vais avoir cette liberté de ne pas faire rentrer quelqu'un d'autre pour les rembourser.
- Speaker #1
Pour que tout le monde puisse bien comprendre, tu as fait racheter tes... une partie de tes parts ?
- Speaker #0
10%.
- Speaker #1
10% par les fonds d'investissement. Donc toi, tu as touché l'argent à titre personnel et tu as vendu un bout de ta boîte pour pouvoir faire ce qu'on appelle un cash out, donc prendre l'argent à titre perso. Est-ce qu'il y a eu de l'injection de ce qu'on appelle le new money ? Alors, je n'aime pas les anglicismes, mais d'argent frais au sein de la société également pour financer ton développement ou même pas ?
- Speaker #0
Ceux qui ont payé le cash out, c'est les banques qui ont mis un million. Voilà, et la boîte a remboursé. Elle est presque en fin d'avoir payé mon cash out. Ok. Voilà.
- Speaker #1
Est-ce que ces fonds-là ont été moteurs également dans un redynamisme de l'entreprise ?
- Speaker #0
BPI absolument, Unigrain beaucoup moins.
- Speaker #1
Tiens, donc j'aurais dit l'inverse,
- Speaker #0
tu vois. Bah ouais.
- Speaker #1
Pourquoi BPI a été moteur ?
- Speaker #0
Pour eux, ils nous ont fait deux 360 degrés.
- Speaker #1
Alors 360 degrés,
- Speaker #0
c'est... Ouais, 360, c'est quelque chose qu'ils ne font pas payer, mais... qui fait un point sur l'entreprise. Il y a un expert qui vient, qui interroge beaucoup de personnes sur des sujets bien sûr validés en amont et qui nous font une cartographie de la société où elle en est. Et quand ils l'ont fait, ça m'a fait avancer. Et là, ils viennent de le refaire parce que j'ai un vrai sujet dans la transmission à mes filles qui est beaucoup plus proche, parce que j'ai 62 ans. Donc maintenant, on se pose la question. Donc j'ai transmis en même temps 12,5% à chacune de mes filles. Mais il y a une partie qui se paye, donc il me fallait du cash out. Moi, je n'avais pas d'argent. je ne suis pas quelqu'un qui a... 200 000 balles sur son compte, donc je ne suis pas dans ce sujet-là. Je n'ai pas d'argent de côté. J'ai une maison qui est payée, c'est tout ce que j'ai. Donc c'était le sujet, c'est comment avec la loi Dutreil, on peut améliorer. Et puis on se rend compte que là, on est un peu bloqué. Pourquoi ? Parce que je vais alors être cédé encore 10%, mais après 72 ans, je ne pourrai pas faire plus. Et si je viens à décéder aujourd'hui, le cancer m'a appris aussi à voir s'il m'arrive un pépin violent. Qu'est-ce qui se passe ? Mes filles devront donner 14 millions à l'État. Donc, ils vendront la boîte. Donc, dans ce sujet, comment fait-on ? Et j'ai alerté une ministre, puis le président de la CPME. C'est quand même terrible. En France, on veut des entreprises françaises, un savoir-faire français. Et quand on veut transmettre, il faut payer. Même si je transmettais à mes filles gratuitement, il faudrait qu'elles payent. Alors que dans les pays, on regarde en Allemagne, il y a beaucoup de pays dans le monde, ça n'existe pas. On transmet à la famille. Il n'y a pas d'enrichissement personnel et on a des grosses entreprises familiales industrielles en Allemagne qu'on n'aura jamais en France. Voilà. On peut en dire plein. Oui,
- Speaker #1
mais toutes les grosses boîtes qu'on voit, il y a encore la famille au capital.
- Speaker #0
Voilà. Donc, ils veulent tout de suite le chèque. Alors que si ça continue, ils auront les impôts qui vont être payés tout au long des années. Il vaut mieux avoir 2 millions d'impôts tous les ans, pendant 20 ans, qu'un one shot. Et puis après, ça va être un gros groupe étranger qui va acheter. Et tous les flux vont partir. Ils ne feront pas autant de profits parce qu'ils vont tout tirer avant. Et voilà. Je trouve que c'est vraiment voir le bout de son nez. Le problème qu'on a en France, c'est que nos gouvernements ont toujours 5 ans. et on ne peut rien produire parce que ceux qui arrivent, ils cassent ce qui a été fait avant. Donc on n'en s'en sort pas. Les pays qui fonctionnent, je dirais bien, c'est les produits. Malheureusement, l'éducateur, qui eux, il n'y a pas d'élection, ils font des projets à 100 ans, les Chinois. Ils ont le temps. Nous, il faut aller vite et on fait mal. Alors,
- Speaker #1
ils ont un président à vie pour l'instant,
- Speaker #0
mais...
- Speaker #1
Démocratiquement, ce n'est peut-être pas un exemple. Non,
- Speaker #0
je ne lui fais pas d'exemple, mais sur la vision, ce qui est le modèle qu'ils donnent, ce qu'ils ont envie de faire, ils ont le temps de le faire. Alors qu'en France, dans 5 ans, ça peut être détruit.
- Speaker #1
Regarde la nouvelle route de la soie. C'est un projet sur 100 ou 120 ans.
- Speaker #0
Ils ont le temps.
- Speaker #1
Tu l'as dit, tu cherches à transmettre à tes filles. C'était quoi la motivation derrière ? C'est que tu voulais que ça reste au sein de la famille ou plutôt tu ne voulais pas que ça parte chez un tiers ?
- Speaker #0
Là-dessus, je n'ai pas de sujet. Genre, j'ai dit à mes filles, je vous aime. Vous n'avez aucune pression de reprendre la boîte. Vous avez le droit d'écrire votre vie avec la boîte ou sans la boîte. Donc là, on a un vrai sujet. Demain, on va déjeuner dans un... Très bon restaurant, au calme, pour discuter ce qu'on parle depuis 5 ans. Et que chacun, tranquillement, puisse dire ce qu'il a envie. Ou surtout ce qu'il n'a pas envie. Je pense que Sarah KDG, c'est lourd de reprendre cette boîte, quand même. Parce qu'elle a 28 ans. Quand elle me dit, toi, tu as passé toutes les étapes, tu as tout connu. Moi, je prends le truc qui est quand même un peu monstrueux, à 28 ans.
- Speaker #1
Mais pas seul, parce que tu es toujours là.
- Speaker #0
Oui, pas seul. Moi, j'ai dit, je ne pars pas tout de suite. J'ai le temps. Moi, je pense qu'elle a encore... Je leur ai dit que je faisais encore 5 ans, pour maintenant une date. Et puis après, je serai dans le conseil d'administration, je serai là s'il y a besoin. Mais après, quand on n'est plus dans le business, on n'a plus les réseaux du business. Donc, si on imagine que je viens qu'une journée par semaine, j'aurais plus le réseau que j'ai. Donc, c'est elle qui va se créer son réseau. Puis Angélique aussi, qu'elle se positionne, qu'est-ce qu'elle veut de sa vie. Voilà, donc ils n'ont aucune pression de reprendre ou pas reprendre. Puis on a un sujet chez nous, c'est qu'on ne se l'est jamais dit, mais quand on se voit en dehors, on ne parle jamais du boulot. Pourtant,
- Speaker #1
c'est bien ça.
- Speaker #0
Mais on n'a pas besoin de se le dire, on n'en parle pas. Il y a les petits-enfants qui me prennent beaucoup de temps, donc je préfère... Être avec mes petits-enfants que par les boulots. On n'en parle pas. Ce n'est pas un sujet. C'est bizarre. J'en parlais aujourd'hui avec ma femme. Ils sont nus encore et on n'a pas parlé boulot. On n'a pas de besoin. On se voit tous les jours au boulot.
- Speaker #1
Oui. Imaginons demain, elles te disent finalement c'est trop gros. Il y a un refus d'obstacle.
- Speaker #0
Non, on vend. Je dis si vous voulez vendre, on vend. Si il y en a une qui veut sortir et l'autre va rester, on fait Chacun fait son choix personnel. Moi, je suis complètement libre de continuer ou de vendre. J'ai vécu ma vie qui était une vie extraordinaire. C'est bon, je l'ai adoré. Donc voilà, si elles veulent continuer, elles continuent. Si elles veulent faire d'autres choses, elles font d'autres choses. Moi, ça ne me perturbe aucunement. Je n'ai pas envie qu'elles reprennent si elles n'ont pas envie. Ça, ça serait plus terrible. Je préfère qu'on se dise des choses. On s'est déjà dit. Déjà, je vois bien qu'il y a des choses qui arrivent. Comment elles pensent ? Mais il faut leur laisser le temps, elles ont 28 et 31 ans, elles sont en juillet qu'il y a son nom qui est dedans. Enfin, c'est pas...
- Speaker #1
Anodin,
- Speaker #0
oui. Il ne faut pas vendre et que ça soit un deuil.
- Speaker #1
C'est l'éternel sujet. Je vais ouvrir une parenthèse personnelle, mais quand on a réfléchi à vendre la société familiale, quand mon père a pris la décision un soir, on a discuté, je n'en ai pas dormi de la nuit en me disant « mais je vais regretter » . C'est sûr, je vais regretter. Bon, après... L'eau coule sous les ponts, tu réfléchis un petit peu et tu te dis, finalement, est-ce que j'ai vraiment envie d'aller en Orcharente, faire un projet industriel, alors que pas industriel pour un sou. Voilà. Après, tu réfléchis en disant, non, j'ai tiré la couette par peur de manquer quelque chose. Mais au final, je suis très heureux dans mon projet. Il est très heureux dans son projet.
- Speaker #0
Il ne se balise.
- Speaker #1
Et voilà. Il faisait quoi,
- Speaker #0
ton père ?
- Speaker #1
Il était plasturgiste. Plasturgiste en Orcharente. Et voilà, tu as ce sujet-là de dire... c'est sûr, je vais regretter. En fait, non. Je suis très heureux dans mon métier. Et ce n'était pas mon projet, c'était le sien. Tout simplement.
- Speaker #0
Il n'y a pas besoin qu'un projet, il faut que tu obliges tes enfants à reprendre. Je pense qu'ils ont un petit peu pensé que je les ai obligés, ils me l'ont dit, que je les ai obligés à travailler dans la société. C'est ce qu'ils m'ont reproché le plus. C'est-à-dire que je ne les ai pas laissés vivre leur vie. Et Sarah me disait, mais moi, je voulais continuer mes études. Et tu m'as empêché de continuer. Et moi, je lui dis, mais non. Elle me dit si, si. Et je ne m'en suis pas aperçu. Je pense qu'elle a raison.
- Speaker #1
C'est quoi ? C'est à la fin de son master, tu lui as dit, viens par là.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
C'est parti.
- Speaker #0
Je prends l'apprentissage ici, puis tu viens.
- Speaker #1
Ah oui, la porte de l'apprentissage Oui,
- Speaker #0
elles sont rentrées toutes les deux comme ça Ok. Voilà, mais moi, c'était simplement pour, si ça leur plaisait, elles pouvaient continuer ou ça ne leur plaisait pas à partir. En fin de compte, elles ont senti qu'elles étaient obligées de rester après.
- Speaker #1
Une entreprise, il y a toujours des nouveaux projets, il y a toujours des nouvelles choses. Donc forcément, tu peux, tu l'as dit toi-même, tu as fait une rupture chez Nestlé, parce qu'ils avaient des ambitions, des projets pour toi, et tu as fait une rupture. Et le fait de leur donner 12,5% du capital chacun, c'était pour les inciter à reprendre ou c'était en disant, au moins... Elles seront à l'abri, elles auront un toit au-dessus de la tête ?
- Speaker #0
Oui, c'était pour les sécuriser.
- Speaker #1
Ta principale motivation à avoir fait rentrer tes filles dans la société et à leur mettre le pied à l'étrier, c'était laquelle ?
- Speaker #0
Qu'elles rentrent dans une entreprise saine. On ne parle pas toujours financière, mais au moins, elles ont connu des difficultés. Mais qu'elles comprennent qu'elles pouvaient apprendre beaucoup de choses. Elles étaient libres, comme les autres employés. pouvoir bouger, d'être formé, de changer de métier. Il y a beaucoup de gens dans l'entreprise qui changent de poste, qui évoluent. Et Sarah l'a fait aussi parce qu'elle a été RH. Elle a fait aussi finance dans la boîte. Elle a fait achat. Elle a été sur l'opérationnel, production, et maintenant elle est DG. Elle a beaucoup envie d'apprendre. Donc elle apprend vite. C'est vraiment une chaîne d'entreprise. Et Angélique, elle, c'est la perle qui vous crée un truc en une nuit. Vous ne savez pas d'où ça vient, mais c'est...
- Speaker #1
C'est la créative.
- Speaker #0
C'est la créative, c'est impressionnant. sauf qu'elle le fait toujours au dernier moment, c'est les créateurs qui me font bouillir parce que vous dites, dans un mois, il me faut ça et elle vous le fera la dernière nuit. Dans l'obligation et dans le stress.
- Speaker #1
Comment tu gères d'ailleurs cette relation à la fois managériale et patron-salarié entre papa et fille ? Parce que c'est un grand sujet quand même, le travail intrafamilial.
- Speaker #0
Depuis très longtemps, elle m'appelle Denis, elle ne m'appelle plus papa. Ça doit faire drôle, ça. Mais en fin de compte, Je suis un hyperactif et quand on était à la maison, elle me parlait, elle me disait « Papa, je ne répondais pas » . Donc, elle disait « Denis » . Et je disais quoi ? Elle me disait « Bon, on a compris, il faut l'appeler Denis, comme ça, il se réveille quand on lui parle » . Donc, elle me appelle toujours « Denis » . C'est une anecdote.
- Speaker #1
Par exemple, je ne sais pas, elle fout une connerie. Comment est-ce que tu arrives ? Est-ce que c'est un salarié que tu expliques ce qu'il a mal fait ? Ou est-ce que c'est une de tes filles qui plus est salariée ? Est-ce que tu as fait une rupture ? Total entre l'aspect famille et l'aspect salaire.
- Speaker #0
Oui, totalement. C'est là où elles peuvent dire que je suis dur, mais elles ne sont pas payées le même salaire. Elles n'ont pas la même fonction. Non, je suis dur. Je veux... Alors après, je deviens beaucoup moins dur parce qu'elles ont vraiment pris plein la gueule. J'ai voulu tellement qu'elles réussissent. Peut-être bêtement, j'ai été un peu plus dur. Mais je ne me cache pas quand il y a un truc qui ne va pas de leur dire comment un salarié. Pour moi, je suis dans la boîte, c'est des salariés. Comme moi, je suis un salarié. Tout le monde est salarié. Mieux Le droit à l'erreur existe ici. On n'a pas le droit de la faire deux fois la même erreur. Mais le droit à l'erreur, tout le monde en fait, j'en fais encore, donc tout est acceptable. Il y en a des lourdes. On ne répond pas à une centrale, on perd un million d'euros de chiffre d'affaires. Ça, c'est une erreur. Mais elle n'a pas été sanctionnée.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y a eu des points de rupture, des points particulièrement difficiles, ou à l'inverse d'ailleurs ? Particulièrement quelque chose qui a pu se faire parce que justement c'était une de tes filles ? Ou pas forcément ?
- Speaker #0
Oui, je fais des choses pour recruter autour d'elle les meilleurs. On a vraiment des pointures. Depuis deux ans, là, on a... Et non, je n'ai pas de... Mes filles, je connais leur plus et leur moins. Je sais qu'un humain, c'est deux cercles. Il y en a un qui est mauvais, l'autre qui est bon. J'ai appris à accélérer sur le bon en disant « Ouais, c'est bien ce que tu fais, c'est bien. » Et je n'ai pas fait la facilité de dire « Ouais, ce n'est pas bien ce que tu fais, parce qu'on détruit les gens. » Et je pense que quand on fait beaucoup de compliments où les gens sont forts, on voit beaucoup moins les défauts après. Donc j'ai ce style de management de... De chercher le positif des gens et pas le négatif. Parce que le négatif, on croit qu'on s'enrichit soi-même à penser que la personne est plus nulle que nous. Mais en fin de compte, on se prend en difficulté parce qu'il faut rendre la personne plus forte que nous.
- Speaker #1
Et comment est-ce que tu arrives à te mettre suffisamment en retrait pour qu'elle soit autonome dans leur choix et pas trop influencée ?
- Speaker #0
Là, je dirais que...
- Speaker #1
Pas simple.
- Speaker #0
Non, avant de dire que c'est moi qui tranche. Sarah, j'aimerais qu'elle tranche plus, mais elle vient toujours me voir. Parce qu'elle a besoin de se sécuriser, qu'elle prendra la bonne décision. Bien sûr, je ne voulais pas lui dire, toi tu ferais quoi ? Elle a toujours la bonne réponse. Mais elle a besoin encore de... Elle me disait l'autre jour, quand tu ne seras pas là, ça va être compliqué, mais je serai là longtemps encore et après tu prendras tes décisions. Elle me dit, là je suis DG, je vais prendre ton poste et je ne pourrai pas faire les deux. Mais non, si tu prends mon poste, tu vas avoir un DG. Enfin, voilà, donc elle s'inquiète de tout ça. Je vois qu'elle réfléchit sur le poids qu'elle va avoir au poste de président.
- Speaker #1
Tu penses, sans trop rentrer dans le détail, qu'il y a une crise de légitimité ou c'est juste une inquiétude par rapport à une situation future qu'elle ne maîtrise pas ?
- Speaker #0
Je pense qu'à maîtrise. Depuis 5 ans, on fait les négo avec moi. Là, je viens de finir avec Leclerc la négo toute seule. Non, non, là, elle est prête. Elle est prête, mais c'est une maman qui vient d'être encore maman, avec un petit qui a huit mois, donc elle doit s'occuper de ses enfants. C'est ça, c'est une entreprise femme et elle se débrouille très, très bien. Non, non, elle est légitime, son poste. Dans le 360° qui a été fait, tout le monde a dit qu'elle était très légitime. Il leur a été demandé aux employés qu'est-ce que sera après Denis. Ils ont dit mais on a Sarah.
- Speaker #1
Ça, c'est la plus belle des récompenses. Et justement, ça a été la question d'après, mais est-ce que, alors elle, elle est prête ? Est-ce que toi, tu es prêt à devenir un peu plus spectateur ?
- Speaker #0
Alors moi, oui, de plus en plus. En fin de compte, je n'ai pas de hobby en mi-mon boulot. Donc ça, c'est une vraie problématique pour moi. C'est-à-dire que j'ai l'impression que quand je ne serai plus là, la flamme va s'arrêter. Donc j'essaie de trouver des passions. Donc là, je suis en train de commencer à pêcher sur la plage. Il faut que je trouve des trucs. Je suis un hyperactif, donc ça ne suffira pas.
- Speaker #1
Tu crois que la pêche, c'est bien pour un hyperactif ?
- Speaker #0
Ouais parce qu'on peut parler sur la plage y'a toujours quelqu'un qui vient discuter c'est sympa et puis je fais deux heures de pêche je repars y'a une heure de préparation bon voilà ça ça me... je sais pas si ça va durer longtemps mes filles me disent que non faut que je trouve d'autres choses mais... enfin je sais pas donc je me trouve le truc pour les libérer de ma présence mais c'est à moi de faire le travail
- Speaker #1
Alors t'as la pêche pour t'y préparer mais d'un point de vue professionnel comment est-ce que tu t'y prépares aujourd'hui ? Tu t'es dit t'sais là je vais laisser Sarah négocier directement avec Leclerc et comme Merci. Comme ça, je me mets en retrait. C'est toi qui étais à cette initiative ?
- Speaker #0
Oui, oui. Bon, après, il y a des garde-fous, parce que je connais les patrons de Leclerc, d'Inter, donc on peut s'appeler s'il y a un clash. Mais Sarah m'a toujours vu négocier sans clash. Donc, à son affaire, c'est toujours des négociations, c'est un décompromis. Ça ne vit que de compromis. Donc, il n'y a pas besoin de hurler, de s'engueuler. Enfin, moi, je ne suis pas fait comme ça. Et puis, j'ai quand même le projet. Celui-là, je regardais les camping-cars et ça rallie. Ça y est, il achète le camping-car. Ce n'est pas nôtre. Quand je regarde un truc, c'est généralement...
- Speaker #1
Oui, c'est des renseignements avisés.
- Speaker #0
Oui, il suffit de regarder ce que je regarde. Et en fin de compte, oui, si je n'avais plus ma boîte, je serais chauffeur poids lourd parce que j'aime que ça bouge tout le temps. J'ai besoin que ça bouge. Et j'ai déjà eu un camping-car, j'en fais depuis très longtemps. Et j'aimerais bien faire les pays d'Europe, partir. Et ça, ça pourrait me libérer de ne pas être là parce que je suis occupé à faire d'autres choses.
- Speaker #1
conseils que tu donnerais à un entrepreneur qui a en tête de travailler avec ses enfants ?
- Speaker #0
C'est magique, mais ça peut être terrible aussi parce que les enfants, des fois, je pense qu'Angélique a suivi par obligation et pas par volonté. Si c'est naturel, oui. Si c'est un peu forcé, parce que j'ai le sentiment que j'ai forcé mes filles d'après ce qu'elles m'ont dit, ce que jamais j'aurais voulu. Il faut être sûr que les enfants aient vraiment envie. Maintenant, comme me disent mes deux filles, elles se l'ont dit en face, face à face, gentiment, elles ont dit « Mais moi, je n'ai pas envie de travailler avec toi. » Et l'autre a dit, moi non plus.
- Speaker #1
Entre elles ?
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Ah oui.
- Speaker #0
Mais c'est là où j'ai dit, mais est-ce que j'aurais voulu travailler avec mes deux frères ? Non. C'est la question qu'il faut se poser.
- Speaker #1
Je suis en train de me la poser, j'ai la réponse. Voilà.
- Speaker #0
Eh bien, il faut que l'entrepreneur, s'il veut mettre ses enfants dedans, il faut déjà qu'il se pose la question, les enfants, est-ce qu'on veut travailler ensemble ? Est-ce qu'on… Voilà. S'ils disent non, il ne faut pas y aller.
- Speaker #1
Et du coup, c'est quoi le… Si tu pouvais faire la chose différemment, c'est quoi ? C'est les laisser… Tu vois, moi, par exemple, mon père, il m'a dit, je te laisse faire les conneries chez les autres. Comme ça, une fois que tu seras bien formé, tu pourras revenir. Ce qui est plutôt une bonne stratégie.
- Speaker #0
On en fait quand même quand on revient, mais bon.
- Speaker #1
On en fait quand même quand on revient. Sauf que moi, le problème, c'est que j'ai trouvé un métier qui m'a passionné. Et du coup, je ne suis pas revenu. Donc, c'est le sujet aussi. Mais est-ce que finalement, c'est pas ça ? Si tu aurais pu faire les choses différemment, est-ce que tu ne les aurais pas fait partir faire leur apprentissage ailleurs ?
- Speaker #0
J'aurais dû. J'aurais dû les laisser ailleurs faire ailleurs. Alors Sarah, j'aurais dû la laisser faire toute... les grandes écoles qu'elle voulait parce qu'elle était toujours majeure de sa promo et elle aimait apprendre et Angélique j'aurais dû la laisser ailleurs qu'elle comprenne des choses que je n'ai pas su lui dire mais un jour Angélique a amené au travail mais a amené plutôt à 10h et puis a partit à 16h et je l'ai convoqué dans mon bureau j'ai dit Angélique bon écoute t'es licencié dis comment ça bah je dis t'arrives quand tu veux t'as pas d'horaire vis-à-vis des autres c'est pas possible et puis toi ton travail tu rends pas le travail qu'il nous faut c'est toujours trop long et elle se lève en pleurs elle me dit mais je vais faire quoi bah je dis tout de bouille, tu feras comme les autres, tu vas chercher du boulot. Et puis, elle ouvre la porte et je lui dis, attends, j'ai peut-être une idée, elle me dit quoi ? Tu vas en production pendant 6 mois à 5h le matin. Elle était en production. Voilà, et ça m'a fait un mal terrible, mais ça lui a fait un bien énorme. Qu'il y ait des horaires, qu'on ne fait pas ce qu'on veut, qu'on ne papillonne pas, c'est faux bosser. Donc, elle a lu cette expérience. Un jour, elle m'a dit, mais pourquoi Sarah, tu ne lui as pas fait ? Parce que Sarah, elle est à 7h, à 19h, elle est encore là, donc je n'ai pas besoin. C'est l'image un petit peu de...
- Speaker #1
Moi, tous les week-ends et toutes les vacances scolaires, j'ai travaillé à la prod dans l'usine. Ça a forcément influencé aussi ma façon de travailler, je pense.
- Speaker #0
Oui, mes filles, il y a huit ans, elles travaillaient. Je n'ai jamais donné de l'argent à mes filles sans travail. Donc, une fois, Sarah vient travailler, elle avait huit ans. Et elle va derrière en production et elle est à la fin de la ligne. Il y avait un monsieur qui était au début. Elle vient me voir, elle me dit, « Papa, tu ne veux pas que je sois au début parce qu'il ne va pas assez vite à mettre les produits sur le tapis et ça fait qu'on attend. » Moi, je dis, « Vas-y, elle a huit ans. » Et puis, je lui donne... Je lui retire de l'argent. Je ne sais pas pourquoi. Je lui donne 120 euros. Elle voulait s'acheter des jouets. Elle n'a rien acheté du tout. Elle a dit que c'était trop dur. Elle me dit dans la voiture. Bon, tu m'as donné 120 euros. Je pourrais travailler juillet-août à l'entreprise. J'ai peut-être un petit peu... Elle me dit, tu me paierais combien ? Je ne sais pas. Si tu travailles tous les après-midi, 3 heures. Allez, je te donnerais 500 euros. Elle me dit, tu te fous de moi. Tu me donnes 120 euros pour 3 heures. Et là, tu vas me donner 500 euros pour tout un mois.
- Speaker #1
ça s'annonce un bon directeur général ça comptait qu'est-ce que tu retiens de ton parcours entrepreneurial ?
- Speaker #0
je ne l'apprécierais pas autant si je n'avais pas eu de difficultés j'ai eu des grosses difficultés ça m'apprend à apprécier les bons moments je ne pensais pas que j'étais capable de faire aussi bien avec une équipe de manager une équipe, d'emmener une équipe ça je n'y croyais même pas mon projet au départ n'était pas du tout celui-là mais j'ai quand même cette agilité de suivre ce que veut le consommateur et pas lui imposer ce qu'il ne veut pas Merci. Donc je suis très modifiable en fin de compte. Je ne suis pas têtu sur un sujet. Je suis capable de changer de couleur, il n'y a pas de souci. Si c'est pour que les gens soient heureux, il y a du profit pour nous. Et tout roule, on peut investir, on peut continuer à grandir. Il n'y a pas de souci. Je suis le caméléon.
- Speaker #1
Et ta plus grosse leçon de vie ?
- Speaker #0
La plus grosse leçon de vie, ce n'est pas quand on a beaucoup d'argent qu'on est heureux. C'est ce qu'on fait pour les autres qui nous rend heureux.
- Speaker #1
Je retiens.
- Speaker #0
J'ai une tente. Quand j'étais dans ma cave... Ma tante, j'étais à Argenteuil, et tous les samedis, elle m'invitait. Elle habitait à côté des Champs-Elysées, place des États-Unis. Elle m'emmenait dans les palaces. Et elle se plaignait tout le temps que le camembert avait augmenté, puisqu'elle avait de l'argent qu'elle avait placé. Je ne sais pas comment il s'appelle ce syndrome, mais dès qu'on paye quelque chose, c'est un moins. Puisqu'il n'y a rien qui rentre, qui génère par un salaire. Et moi, j'étais le plus heureux parce que je n'avais rien. Donc, je ne pouvais que gagner. et en fin de compte je me suis aperçu que d'être très riche ce n'est pas un bonheur. Parce qu'on a plus l'envie une fois, Angélique me dit tu te rends compte où il se mise, comment il est heureux, il gagne 50 millions d'euros par an. Ah bah oui, mais ces enfants, il faut qu'ils soient gardés pour être enlevés. Toi, il ne peut pas aller prendre un café parce que tout le monde va l'emmerder. Ouais, mais il peut se payer sa Ferrari. Mais s'il peut se la payer, ce n'est pas un rêve. On rêve de ce qu'on peut avoir et on travaille pour l'avoir. Chez toi, tu as une Fiat Mito. Alors ? Non, la Fiat Mito, tu en as rêvé. Ah oui ? Et les enfants qui ne peuvent pas en avoir une, tu ne penses pas qu'il y en a plein qui aimeraient l'avoir ? Eh bien, il faut avoir des rêves. Moi, je dis toujours, si tu n'as plus d'envie, tu es mort. Je regarde les personnes âgées, et quand elles n'ont plus envie de manger, on sait qu'elles vont partir. Il n'y a que l'envie qui nous fait se lever le matin. Donc il faut avoir de l'envie, mais sans envie, on ne fait rien.
- Speaker #1
Quel a été le principal moment de stress dans ta carrière ? Ça a été le dépôt de bilan ou ça a été un autre moment ?
- Speaker #0
Le dépôt de bilan, le redressement, ça n'a pas été un stress parce que c'est tous au combat. Donc là, c'est des moments où il faut tout négocier. On compte les sous tous les jours, toutes les heures. Non, ça n'a pas été... Les stress, ça a été sûrement des référencements, avoir ou pas avoir, d'aller en égo et qu'on rate l'anégo. Je vais un jour avec un jeune que je formais et on va avoir une enseigne et puis tout se passe bien, ils dégustent, les gens des bureaux viennent déguster des glaces, tout, et on s'en va. Et je lui dis, alors, à combien de pourcents c'est fait ? Il me dit 100%. Moi, je lui dis que c'est zéro. Il me dit, pourquoi ? Ils ne nous ont pas demandé le franco. S'ils étaient intéressés, ils auraient demandé le franco. On n'a pas eu la commande. Donc, le stress, après, non, je ne stresse plus, j'ai dû stresser, oui. J'ai stressé quand j'étais au tribunal quand même, pour la sauvegarderie. Parce qu'on a l'impression qu'on va être jugé. Enfin, une certitude qu'on est jugé. C'est les mauvais moments. J'ai voulu me suicider dans un arbre. Et je ne l'ai pas fait parce que je savais que l'assurance vie ne marchait pas pour un suicide. Donc je ne l'ai pas fait pour mes enfants. Mais j'accompagne des gens qui sont en difficulté. Parce qu'en fin de compte, quand on est dans la rue, on croit que tout le monde nous regarde, qu'on est jugé alors que c'est faux. Mais on fabule sur le regard des autres. On stresse. moi j'ai eu des grosses angoisses Mais si je n'avais pas eu mes employés, moi, j'avais mon rayon soleil tous les matins. Je croyais du noir toute la nuit. Quand j'allais au boulot le matin, j'étais fort. Mais ils étaient là. La sauvegarde était terrible. Et l'autre jour, j'ai quelqu'un qui était en difficulté. Il vient me voir. Je lui dis alors, combien de fois cette semaine ? Il me dit quoi ? Combien de fois ? Combien de fois tu as voulu te suicider cette semaine ? Il me regarde deux fois. Ben oui, je l'ai vécu. Et en fin de compte, il faut que ce soit des gens qui ont cette expérience qui peuvent entendre ces gens-là. Et moi, il y a quelqu'un qui m'a beaucoup aidé, c'est le directeur de Brossard, qui était à Saint-Jean-d'Angélie. Il me dit, Denis, je ne fais rien pour toi, mais je t'invite à manger. Et j'ai passé le meilleur moment de ma vie de chef d'entreprise parce qu'il m'a écouté sans me juger. Et ça m'a fait un bien fou. Et dès que je vois qu'il y a quelqu'un en difficulté, Je fais très attention aux gens qui ont une sale gueule, qui font la gueule. C'est souvent des histoires de jeunesse qui ne sont pas terribles. On est trop à juger, ouais, elle fait la gueule. Ça se trouve, elle s'est fait violer quand elle était jeune. Mais non, on la juge maintenant, mais on ne regarde pas ce qu'elle... Puis on n'a pas à savoir ce qui s'est passé avant. Mais il faut être indulgent des gens qui ne sont pas bien. Et des fois, ils expriment par un mauvais regard, ils font la gueule, ils ne sourient pas. Il y a quelque chose derrière. Et c'est indulgent, ça. Il faut prendre soin des autres.
- Speaker #1
Tu fais partie de l'association 60 000 rebonds ?
- Speaker #0
Non.
- Speaker #1
J'ai fait un épisode hors série sur 60 000 rebonds qui a aidé l'épisode 2, on en a parlé tout à l'heure, de Philippe Poupaud, qui lui a perdu sa société, qui s'est fait accompagner par l'association 60 000 rebonds, où il y a à la fois quelqu'un qui t'écoute et à la fois un coach qui te fait rebondir. C'est une association qui s'adresse aux personnes qui ont déposé le bilan.
- Speaker #0
Là, tu as un truc à Sainte. C'est-à-dire que quand tu vas au tribunal, depuis quelques années, ils te demandent comment tu vas. plutôt que de dire comment va ta boîte. Déjà, comment vous allez monsieur ou madame ? Et après, il y a des séances de psy qui sont payées par des sponsors.
- Speaker #1
C'est bien ça.
- Speaker #0
On leur demande s'il va leur avoir un psy. Au départ, ils disent non, mais après, au bout d'un moment, ils disent oui. Tout s'écroule. Et moi, en plus, je gardais un truc positif. Ce n'était pas un redressement, c'était une sauvegarde. J'étais le premier en sauvegarde à Sainte. C'était tout nouveau. C'est Sarkozy qui a ramené ça des États-Unis. En fin de compte, c'est quand on est en difficulté, on va, avant que l'État ou des fournisseurs vous emmènent au tribunal... Vous allez vous protéger avant. Pour moi, c'est un outil de gestion.
- Speaker #1
Tout à fait d'accord.
- Speaker #0
C'est un outil de gestion et je l'ai fait au bon moment. Je l'ai fait au mois d'octobre. J'ai pu encaisser un million de chiffre d'affaires de bûche. Parce que souvent, les gens y vont, mais ils n'ont plus de business. Donc, il n'y a plus d'argent qu'ils rentrent pour payer. C'est trop tard. Et le problème, enfin, ce n'est pas un problème, c'est normal. Les chefs d'entreprise y croient tout le temps. Avant qu'ils se disent, ça ne va plus, c'est trop tard. toutes les petites prémices, les petites informations ils n'arrivent pas à lire parce qu'ils y croient encore Voilà. Et puis non, et puis non, et puis après, c'est trop tard. Je pense que les chars d'entreprise, c'est un manque d'anticipation.
- Speaker #1
Je suis tout à fait d'accord avec toi. Il faut y aller quand il y a encore du business et il y a moyen de sauver quelque chose. Mais pour moi, il y a le leurre du « je vais arriver à me rattraper » . Et en fait, on s'auto-persuade alors que c'est un manque de lucidité, je pense.
- Speaker #0
Oui, mais on a démarré à prendre des risques, donc on est toujours dans le risque. Mais là, c'est le risque.
- Speaker #1
C'est la gestion du risque.
- Speaker #0
Tu n'es pas à un mètre,
- Speaker #1
tu es à mille mètres. Ta principale erreur ?
- Speaker #0
Ce n'est pas une erreur, je dirais. Enfin, il y en a plein d'erreurs que j'ai faites. Mais ma principale, c'est que je n'ai pas appris quelqu'un avec moi qui était financier ou qui était du monde de la finance ou de l'économie ou de la gestion d'entreprise. Ça, j'aurais fait mieux si j'avais eu quelqu'un de... Si j'avais un comptable, un petit comptable, il me disait, oui, il n'y a pas assez de marge, vendez plus cher. Ben oui, un gamin de 10 ans pourrait le dire. Je trouve que les comptables n'ont pas toujours... Je parle des comptables commerces, Moi, j'avais à ce niveau-là. J'aurais dû monter ma boîte avec quelqu'un qui était de la finance ou qui avait fait des études.
- Speaker #1
Qui a une vision un peu plus globale.
- Speaker #0
Oui, et qui m'aurait pu me donner. Aujourd'hui, j'ai un DAF qui est exceptionnel. Mais j'ai eu des super DAF au moment où j'étais en sauvegarde. J'avais compris que c'est mes erreurs de gestion. C'est là où je n'ai pas performé, c'est sur la gestion.
- Speaker #1
Et à l'inverse, ta meilleure idée ?
- Speaker #0
Faire des glaces naturelles. Parce que ça n'existait pas.
- Speaker #1
Est-ce que tu as eu la question de faire des glaces moins naturelles ?
- Speaker #0
Non, jamais. parce que je me renierais. Moi, mon projet, c'est de faire des glaces de très haute qualité et saines à des prix abordables pour ne pas que ça soit que pour l'élite. Dès le début. Et j'ai mon rêve que je dis que les gens connaissent ici. À 70 ans, je veux être sur un banc à Tokyo et voir des gens sortir avec des glaces en gelisse avec des sacs où il y aurait marqué Paris, New York, Moscou. Alors Moscou, peut-être plus maintenant. Voilà, mais... Donc je voyage pas mal et je regarde, je me renseigne des prix d'un pas de porte et tout. donc je regarde Je serai toujours intéressé. Après, on verra.
- Speaker #1
En camping-car, Tokyo, ça fait...
- Speaker #0
Je fonderai l'avion.
- Speaker #1
Quel est le conseil que tu donnerais à quelqu'un qui a envie de se lancer aujourd'hui ? De créer une boîte ?
- Speaker #0
Fonce. Et des gardes-fous, mais fonce. Souvent, ce qu'on écrit... Pour moi, ce que j'avais écrit, ce n'est pas du tout ce que j'ai vécu. Jamais je pensais que j'en serais là. Peut-être que j'aurais eu 50 petits chariots qui parcourraient le jardin public. C'était ça, mon projet. Je n'allais pas plus loin. et puis je dis je ferai bien demain ce que ça sera et si j'avais pas été En difficulté, je n'aurais pas poussé par de grandes surfaces. Donc on a été quand même, le premier artisan à être en grande surface, il y a 29 ans. Et des glaces naturelles, tout le monde me voyait comme un zombie. Ça ne marchera pas. C'est trop cher. Et les gens mangeaient de la glace parce que c'était froid et sucré. Ça leur suffisait, avec des arômes décolorants. Ça existe encore, parce que je vois, il y a des gens qui font des glaces schtroumpf bleues et les gens y vont. Ça m'affole, je ne comprends plus. Mais ce n'est pas grave, un jour on magasine tout le monde. Oui, et puis de toute façon, je ne peux pas produire pour toute la planète et toute la France. Mais un jour, il y a une dame et un monsieur, ils viennent avec leur petit enfant et ils voulaient une glace bleue. Et moi, je n'en fais pas. et les grands-parents, non, tu vas manger une bonne glace. Non, je veux la glace bleue, je veux la glace bleue. Ils m'ont dit, bah désolé, on va prendre une glace, mais lui, on va aller chercher la glace bleue ailleurs. Bon, moi, ce qui me gêne, c'est que j'ai toujours bien fait manger mes enfants. Je leur ai jamais donné de saloperies et voilà. Mais moi, j'ai éduqué mes enfants comme je suis. Je suis un épicurien, je cuisine tous les jours. Je fais mon marché très souvent. Pour moi, la nourriture est un don qu'on donne aux autres et qu'on leur dit qu'on les aime par le repas. Chez moi, c'est très ancré.
- Speaker #1
C'est du plaisir. C'est du plaisir et de la détente. Je suis un partage. Je cuisine tous les soirs.
- Speaker #0
Moi aussi.
- Speaker #1
Selon toi, quel est l'avenir de la société dans 25 ans, dirigée par Sarah par exemple ? Dans 25 ans, tu penses que ça va devenir quoi ?
- Speaker #0
Dans 25 ans, je pense que les filles ou Sarah ou les deux, elles ont un socle qui est très costaud. Je pense que l'entreprise est hors d'eau, hors d'air, avec une trésorerie excédentaire largement. Je pense qu'elle va gérer comme moi, en bon père de famille, en bonne mère de famille. Elle est capable de l'emmener très loin. Parce qu'elle a la lucidité qu'il faut qu'elle soit très bien entourée. parce que si elle pense que c'est elle qui le fera toute seule, elle va se ramasser. Mais elle n'a pas du tout ce sentiment, elle ne fonctionne pas comme ça. Et d'ailleurs, quand on fait des recrutements, elle est très exigeante sur les capacités des personnes et elle ne regarde pas ce qu'elles vont faire en un an, mais où est-ce qu'elles peuvent emmener la boîte à 10 ans.
- Speaker #1
C'est bien ça, un recrutement.
- Speaker #0
Oui, c'est ça.
- Speaker #1
Et quel est ton objectif final ? Quand est-ce que tu Ausha tes crampons officiellement ?
- Speaker #0
Cinq ans. C'est une date. Oui, j'ai dit cinq ans 2030. Donc je voyagerai si je peux je profiterai et je viendrai au conseil d'administration mais je ferai tout pour que mes filles ou une des filles se réalisent sans explorer elles aussi
- Speaker #1
Dernière question Si tu pouvais parler au Denis de 96 qu'est-ce que tu lui dirais ?
- Speaker #0
Bah Denis tu as eu une très très belle aventure elle sera d'autant plus belle qu'il te prendra des coups de massue Mais tu t'en sortiras, tu te relèveras à chaque fois. Et entends-toi très bien des gens, de tes collaborateurs pour réussir, parce que toi tout seul, tu ne feras rien.
- Speaker #1
Merci beaucoup Denis.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
Je remercie Thibaut Dupieris pour le montage et les équipes de Conseil Finance et Transmission pour leur soutien sur cette belle aventure. N'hésitez pas à nous contacter pour nous suggérer des invités ou des thèmes que vous souhaitez aborder. Ce projet n'est pas seulement le mien, je tiens à ce qu'il évolue avec ses auditeurs.