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ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE : "MILADY EST UN COLD CASE !". cover
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Conversations chez Lapérouse

ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE : "MILADY EST UN COLD CASE !".

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37min |03/10/2025
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37min |03/10/2025
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Description

Cette semaine, je reçois la patronne de "Point de vue" pour parler de son roman sur Milady de Winter, la femme fatale des "Trois Mousquetaires". On parle très librement de son corps marqué au fer rouge, de son exécution capitale à 25 ans, de sa mère assassinée, du retour de la monarchie en France et du nombrilisme qui domine la littérature française au 21e siècle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ça rec ! Non mais parce que je suis entouré de techniciens qui disent ça rec au lieu de ça enregistre, voilà je suis navré. Bonsoir à tous, bienvenue Majesté Adélaïde de Clermont-Deners. Je vous en prie Frédéric,

  • Speaker #1

    je suis ravie d'être avec vous.

  • Speaker #0

    Vous êtes normalienne, romancière, auteure de quatre romans et vous dirigez aussi la revue Point de vue. Absolument. Toujours hein ? Oui, Et vous êtes donc l'auteur de « Je voulais vivre » en cette rentrée qui figure sur la première liste du prix Renaudot. « Je voulais vivre » aux éditions Grasset. Et il y a un sous-titre intéressant qui est sur le bandeau mais qui est aussi à l'intérieur. « Milady n'est pas une femme qui pleure, elle est de celle qui se venge. » Pourquoi avez-vous eu envie de rajouter ce sous-titre ?

  • Speaker #1

    Parce que ça c'est une phrase qui vient de Dumas. et ça montre la vengeance c'est le thème du Mazien par excellence on pense tous évidemment à Monte Cristo qui est écrit la même année que les trois mousquetaires dont est issue ma méchante affreuse Mélédie et il a cette phrase en disant Mélédie n'est pas une femme qui pleure,

  • Speaker #0

    elle est de celle qui se venge et j'ai voulu du coup reprendre parce que c'est tout le thème de mon livre parce qu'en même temps vous en faites quand même une victime alors elle pleure pas mais dans les trois mousquetaires Mélédie de Winter C'est la méchante, mais toujours décrite comme une espionne, qui joue double, triple jeu, mais on passe assez vite sur son enfance.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'on ne passe pas du tout sur son enfance, personne n'en parle, on ne va quasiment pas dans sa psychologie, elle parle très peu. Il y a un moment incroyable où on rentre un peu dans sa tête, c'est quand elle est enfermée à Londres. tenue par un gardien qui s'appelle Felton. Et il y a une scène de manipulation chez l'humain incroyable où elle va retourner ce gardien qui est très prude, très puritain et l'envoyer assassiner le duc de Buckingham. Sinon, rien. On ne dit pas un mot de ce qu'elle pense, d'où elle vient. Et donc, je me suis dit comment on fabrique la plus grande méchante de la littérature française.

  • Speaker #0

    Et vous, vous le dites et vous expliquez pourquoi. Quel est son moteur ? C'est qu'elle a été abusée dans son enfance, enfin dans son adolescence.

  • Speaker #1

    Elle a été victime d'un crime terrible dans son enfance, sa mère et sa nourrice sont assassinées, et elle est abusée dans son adolescence, puisque le moment où je me rends compte qu'il faut que j'écrive cette histoire, c'est en écoutant une version très simplifiée pour enfants des Trois Mousquetaires, et j'entends cette phrase, Milady qui a 15 ans à peine, cette perverse. à détourner un prêtre du droit chemin. C'est un peu difficile à notre époque de se dire que tout ça est parfaitement normal.

  • Speaker #0

    C'est la faute de Milady. C'est peut-être la faute du prêtre.

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est partagé, je pense, à minima.

  • Speaker #0

    Donc, est-ce qu'on peut dire que Je voulais vivre est une réécriture des Trois Mousquetaires version néo-féministe, woke ? Alors,

  • Speaker #1

    pas du tout. En fait, moi, j'aime passionnément Dumas. Dumas, il a été très méprisé. Là, maintenant, tout le monde aime Dumas. C'est merveilleux. Il y a des millions de gens qui lui font... Il y a des films.

  • Speaker #0

    Il y a toujours eu des films.

  • Speaker #1

    Oui, c'est l'œuvre la plus adaptée, réadaptée en BD, en cinéma, enfin bref, tout. Mais il restait une chose à raconter quand même. Et c'est vrai que dans Dumas, le personnage de Milady, il est à peine esquissé. Elle a pourtant traversé les siècles et la littérature. C'est un personnage que tout le monde connaît et on ne sait rien d'elle. Et moi, je me suis dit au fond, je vais rentrer. Dumas, c'est le premier showrunner de l'histoire. Il invente la série télévisée, il fait travailler des auteurs. en atelier. Donc, je me suis dit, je vais me glisser dans l'atelier d'écriture de Dumas. Je deviens une de ses auteurs et moi, je raconte peut-être un point de vue féminin. Mais ce n'est pas woke parce que je ne vais pas contre son texte. Je prends les blancs.

  • Speaker #0

    Quand même, vous avez l'air d'insinuer que Dumas avait regardé Milady avec un male gaze. Vous voyez ? Ah ben,

  • Speaker #1

    il la désire.

  • Speaker #0

    Ah ben, énormément. Elle est désirable. C'est une héroïne ultra sexy.

  • Speaker #1

    Ah ben, elle est très sexy. et elle aime les hommes. Donc, pour une féministe furibarde, elle aime quand même vraiment les hommes. Elle a des histoires d'amour, elle suscite le désir et elle en éprouve. Et la seule chose que je fais, c'est que dans Dumas, elle est un objet. Elle sert pour l'intrigue, elle sert effectivement d'objet de désir, elle sert pour provoquer des sentiments. Là, j'en fais un sujet.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et alors, elle a changé de nom beaucoup de fois. Elle s'est appelée Anne de Breuil, Charlotte Baxon, la comtesse de l'affaire quand elle a épousé Athos. Et Lady Claric, c'est une...

  • Speaker #1

    Ah bah oui, c'est-à-dire que quand on est jeune fille et qu'on regarde des exemples dans la littérature, il y a quand même pas mal de potiches. Cette méchante-là, au moins, elle est intelligente, Richelieu l'écoute, elle arrive à finalement faire son chemin avec quatre hommes contre elle qui sont quand même des gens très forts, très puissants. Donc moi, ça m'a plu quand même qu'elle soit capable de tout ça, parce que c'est bien les femmes sacrifiées. Alors moi, quand je suis petite, je veux être Constance, je veux être la gentille, la compagne de D'Artagnan, elle est toute lisse, elle est bien coiffée, elle est sacrifiée.

  • Speaker #0

    La Constance Bonacieux se fait assassiner par qui ?

  • Speaker #1

    Parmi les dix. Mais elle le regrette quand même. Elle s'en veut beaucoup.

  • Speaker #0

    Vous aviez répondu à la question que je vous ai posée précédemment sur est-ce que vous corrigez le chef-d'oeuvre de Dumas. Vous avez répondu à la fin du livre. Je vous demandais de lire votre réponse.

  • Speaker #1

    Vous avez raison. Autre temps, autre meurtre, je ne révise pas, je n'accuse pas non plus, je me glisse dans les blancs de ton texte. Je m'adresse à Dumas. dans les angles morts et j'invite ceux qui, comme moi, sont épris de justice à ouvrir les yeux et les oreilles, à renverser l'illusion pour voir les faits nus. Si vous y prêtez attention, Anne a laissé sa marque partout. Derrière le costume de Milady, j'entends battre le cœur d'une petite fille, puis d'une jeune femme pleine de force et d'idéal. Descendez de cheval, posez votre épée, écoutez. Sa voix sous les orgues chrétiennes et les orchestres viriles, je l'entends. Elle est claire, elle est déterminée. sa voix de femme au temps des hommes.

  • Speaker #0

    Une femme au temps des hommes, ça c'est une belle formule qui clôt votre roman. Il y avait quand même un précédent. Moi, je n'ai pas détesté Angélique Marquise des Anges. Moi aussi,

  • Speaker #1

    j'ai couru avec elle derrière Geoffrey.

  • Speaker #0

    Mais oui, c'était un roman écrit par une femme, Anne Gollon. Et alors, est-ce que c'est une référence pour vous ? Parce qu'elle est quand même très érotique aussi, Angélique.

  • Speaker #1

    Ah bah oui, on a tous été, je crois que des générations ont été marquées. marquée par quand elle est vendue au marché aux esclaves et qu'on dénude sa poitrine. C'était torride.

  • Speaker #0

    Je n'osais pas en parler.

  • Speaker #1

    Mais je l'ai fait.

  • Speaker #0

    Mais Milady, quand elle est marquée au fer rouge avec une fleur de lys à l'épaule, eh bien oui, mais pour les enfants pervers, pour les adolescents un petit peu bizarres.

  • Speaker #1

    Mais vous n'avez aucune empathie.

  • Speaker #0

    Non, je peux vous dire, je peux vous citer beaucoup de mes amis écrivains qui ont fantasmé sur le fait de marquer au fer rouge. C'est un côté un peu sadomaso, quoi.

  • Speaker #1

    Ah oui, alors moi, je n'ai pas du tout ça en moi. Je me suis sentie vraiment très attristée pour elle,

  • Speaker #0

    mais tardivement.

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est une injustice,

  • Speaker #0

    ça. Pourquoi on la marque ?

  • Speaker #1

    Elle est marquée au fer rouge, sans aucun jugement, parce que le bourreau, qui est le frère du prêtre qui a détourné la jeune fille perverse de 15 ans, a décidé qu'il devait venger son frère, parce qu'elle l'a laissé tomber, c'est vrai. Enfin, est-ce qu'on marque au fer rouge toutes les femmes qui vous ont quittées ? Qui vous quittent ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    C'est problématique.

  • Speaker #0

    Ça ne se fait pas. plus, ça ne se fait plus, Dieu merci ça s'est beaucoup fait mais maintenant ça ne passe plus un autre auteur aussi auquel j'ai pensé en vous lisant c'est Jacques Laurent avec sa série des Caroline Chéry alors ça je n'ai jamais lu c'était un peu comme ça ? oui c'était aussi une femme qui fait tomber tous les mecs et puis il y a des cavalcades et puis il y a des rebondissements et on sent que vous vous êtes beaucoup amusé à pasticher le style de Dumas alors je me suis amusé beaucoup parce qu'il m'a fait découvrir le plaisir de lecture

  • Speaker #1

    Moi, j'ai passé un été entier où, comme je n'avais aucun autre livre, j'ai lu la trilogie de Dumas, de la première ligne à la dernière ligne. Et dès que j'avais fini, je recommençais pendant deux mois. Je n'avais pas d'autres livres. Et j'aime profondément ce goût de l'aventure, ce souffle. Et puis, il est très humain, c'est très charnel. Et en même temps, j'ai voulu écrire avec une langue qui reste contemporaine. C'est-à-dire, je me suis dit, je ne vais pas singer la langue du XIXe qui singe elle-même la langue du XVIIe. et donc j'ai coloré de mots,

  • Speaker #0

    de modernité,

  • Speaker #1

    mais j'ai voulu le traiter de façon... Parce qu'elle est très contemporaine, il est dit.

  • Speaker #0

    Dans mon dictionnaire des écrivains vivants, où vous êtes... Ça,

  • Speaker #1

    c'était un grand honneur d'être en mode dictionnaire.

  • Speaker #0

    Vous savez que je l'avais prédit que vous alliez écrire... Oui, écoutez, je... Non,

  • Speaker #1

    mais vous êtes visionnaire.

  • Speaker #0

    À propos de votre troisième roman, Les jours heureux, publié en 2021. Voici ce que j'écrivais. Par une construction à droite et une écriture pressée, toujours en quête du mot juste et tranchant, Madame de Clermont-Tonnerre emballe une cavalcane Une cavalcade pleine de charme à la Dumas. Je parle du roman précédent.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est extraordinaire.

  • Speaker #0

    Donc j'avais prédit que vous alliez faire du Dumas. C'était prévu.

  • Speaker #1

    Ah mais vous voyez tout.

  • Speaker #0

    Non, ou alors vous m'avez obéi.

  • Speaker #1

    Ah mais c'est ça en fait. C'était une injonction et je l'ai suivi.

  • Speaker #0

    Voilà, bon, non, non, pas du tout.

  • Speaker #1

    Et je me suis aperçue d'ailleurs que je citais Milady dans mon tout premier livre. Ah oui, Fourrure ? J'avais oublié, oui.

  • Speaker #0

    C'est votre premier roman historique. Oui. Les précédents étaient plutôt des tableaux contemporains, donc Fourrure...

  • Speaker #1

    Pas le dernier des nôtres, il y avait un peu d'histoire avec la seconde... Oui, c'est ça, c'était récent, c'était plus facile. Voilà,

  • Speaker #0

    voilà. Non, non, mais quel a été le déclic qui vous a donné envie de remonter 300 ans en arrière ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne sais pas quelle folie m'a prise, parce que c'est très compliqué.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr !

  • Speaker #1

    J'ai souffert à chaque ligne. Je me suis posé des questions tout le temps, parce que l'histoire récente, on a quand même... n'ont pas des souvenirs, mais enfin, c'est plus facile. Là, je me dis, mais alors, elle porte une robe de velours vert. Mais est-ce que ça existe, le velours ? Est-ce qu'elle aurait les moyens de se l'acheter ? Quand je mets des légumes dans son assiette, je me dis, mais est-ce qu'ils sont déjà arrivés d'Amérique ? Quand je me lance dans une histoire, une petite scène d'amour, je dis, elle défait le bouton de sa boutonnière. Et là, j'ai un flash, je me dis, mais il n'y a pas de bouton, il n'y a pas de boutonnière, c'est des lacets. Ça a été un cauchemar. Mais c'était bien aussi.

  • Speaker #0

    Mais vous avez dit que vous ne voulez pas pasticher le style de Dumas. En revanche, c'est vrai que vous êtes beaucoup documenté.

  • Speaker #1

    non seulement en relisant j'imagine plusieurs fois les Trois Mousquetaires encore oui alors je les connaissais très très bien parce que comme je les avais lus quand même tout un été pendant voilà mais je les ai relus et j'ai relu des biographies et j'ai relu et je m'amuse aussi avec les vrais personnages historiques c'est-à-dire que Buckingham chez Dumas c'est le héros romantique viril qui fait tomber la reine de France elle est folle de lui en vrai c'était ... l'amant du roi Jacques Ier, et il doit toute son ascension et tous ses titres au fait qu'il avait un certain talent amoureux.

  • Speaker #0

    Et alors la construction ici est intéressante, c'est que vous avez fait témoigner, en quelque sorte, pas mal de proches de Milady, dont d'Artagnan à la fin de sa vie, et puis d'autres comme ça. C'est une construction qu'il y avait dans un livre de Françoise Chandernagore qui était sur Louis XVII.

  • Speaker #1

    Ah, c'est drôle.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si vous vous souvenez de celui-là.

  • Speaker #1

    Celui-là, non. J'en ai lu pas mal de François Chandernagor, beaucoup, mais celui-là, je ne l'ai pas lu.

  • Speaker #0

    Donc, tous les grands personnages de sa vie s'expriment sur elle. Et ça, c'est la journaliste en vous qui a voulu faire comme une sorte de reportage.

  • Speaker #1

    Oui, ou l'avocat raté, je ne sais pas. Mais je me suis dit, d'une certaine manière, je rouvre le cas Milady. C'est un cold case. Et donc, j'avais envie de recréer un peu cette idée d'un jugement.

  • Speaker #0

    Comme dans un procès.

  • Speaker #1

    Comme dans un procès, parce que le livre s'ouvre sur une scène célèbre de l'humain, qui est ce procès,

  • Speaker #0

    ce simulacre de procès,

  • Speaker #1

    dix hommes qui la jugent, deux d'entre eux ont été en plus, l'un son mari, l'autre son amant, donc ils sont évidemment d'une objectivité totale. Elle n'a pas d'avocat, on ne l'entend même pas se défendre. Et donc j'ai eu envie d'apporter...

  • Speaker #0

    Un vrai procès avec vous comme avocate de la défense. Mais je pense quand même que si elle avait eu un procès, Avec tous les gens qu'elle a tués, elle aurait quand même fini par être exécutée, vous ne croyez pas ?

  • Speaker #1

    Moi, je ne suis pas sûre. Justement, parce que quand on regarde...

  • Speaker #0

    Elle empoisonne Constance Bonacieux qui ne lui a rien fait.

  • Speaker #1

    Elle a juste empoisonné Constance. C'est vrai, ça c'est le plus problématique, je suis d'accord. Ce n'est pas cool. Non, ce n'est pas cool, c'est le plus problématique. En même temps, Constance, je pense qu'elle est plus compliquée que ce qu'on imagine. Oui,

  • Speaker #0

    alors vous avez une théorie dans votre livre. Vous dites que Constance était peut-être une espionne, comme Milady.

  • Speaker #1

    Mais oui, parce que quand vous regardez le texte de Dumas, donc Constance est censée être adorable, la maîtresse de D'Artagnan, mais enfin, c'est une lingère qui est très jolie et intelligente et qui épouse quand même un espèce de benêt qui n'a aucun intérêt et qui devient en très peu de temps la confidente préférée de la reine Anne d'Autriche. C'est quand même bizarre.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est bizarre.

  • Speaker #1

    C'est bizarre.

  • Speaker #0

    Oui, comment cette ascension s'explique ? Voilà,

  • Speaker #1

    et de surcroît, elle est quand même... proche de la fameuse Marie de Roran, qui était la plus grande intrigante. C'est une véritable personnage historique qui est aussi dans Dumas, qui deviendra par la suite la mère du vicomte de Brajlon. Et on peut se poser des questions sur Constance. Donc, est-ce que c'était un affrontement d'espionnes ? Ce n'est pas exclu. J'ai pensé à faire une scène de combat de boue et puis j'ai renoncé.

  • Speaker #0

    C'est dommage.

  • Speaker #1

    Mais ça aurait pu être pas mal.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il va y avoir un... Un projet d'adaptation au cinéma de Je voulais vivre ?

  • Speaker #1

    Ça, je ne sais pas du tout.

  • Speaker #0

    Pas encore ?

  • Speaker #1

    Ça m'amuserait beaucoup, évidemment, mais je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Ce serait génial, une version wokiste des Trois Mousquetaires.

  • Speaker #1

    Oui, parce que quand même, il y a des beaux portraits. J'essaye de faire des beaux portraits d'hommes. On aime les hommes dans ce texte aussi. C'est-à-dire que ce n'est pas contre les hommes. Et même d'Artagnan, quand on le trouve dans les Trois Mousquetaires, il est à l'âge des certitudes. Il est jeune. Il a tout vu, tout lu, tout bu. Il a tout compris. Et puis, quand on le retrouve dans mon livre, beaucoup plus vieux, au moment du siège de Maastricht, où on sait qu'un peu plus tard, il perdra la vie, il est à l'âge des doutes. Et je trouve ça beau aussi. Un homme qui a eu son parcours et qui se met à se poser des questions.

  • Speaker #0

    Lui-même, d'ailleurs, culpabilise un peu d'avoir jugé un peu rapidement Milady. Et puis, il a quand même couché avec elle. Ah ben oui,

  • Speaker #1

    il était très... Pendant que Constance était emprisonnée. Donc bon, la Constance, elle a quand même... Bon, oui, enfin c'est... Voilà.

  • Speaker #0

    Quand même, vous n'aimez pas les femmes fatales ? Dans les romans, c'est extraordinaire les femmes fatales. Pourquoi vouloir en faire une traumatisée ?

  • Speaker #1

    Elle n'est pas qu'une victime. Elle a quand même un sacré tempérament. Elle se bat, elle se défend. Elle décide de prendre finalement des outils d'homme à une époque où elle n'aurait pas eu le droit de s'en emparer.

  • Speaker #0

    Dans ce sens-là, peut-être que Les Trois Mousquetaires, version Dumas, est un roman féministe.

  • Speaker #1

    Oui, mais totalement. Mais c'est le premier à nous faire une personnalité forte. Parce que sinon, on n'a pas...

  • Speaker #0

    Elle est puissante, elle est dangereuse.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Moi, elle m'a beaucoup plu. Et elle se bat ? Oui. Elle reste puissante, elle reste dangereuse, mais elle devient... À mon sens, une femme. C'est-à-dire que là, chez Dumas, on a une esquisse. On a l'archétype de la méchante. Moi, j'avais envie qu'elle ait une peau, un parfum, des failles, une enfance. Qu'on sache ce qu'il y a derrière. J'ai juste voulu la déployer, en fait.

  • Speaker #0

    Vous avez donc écrit trois romans contemporains. Et puis là, vous avez lancé dans cette saga historique. Est-ce que c'est aussi... une déclaration de guerre au nombrilisme de la littérature actuelle, parce que vous n'aimez pas, vous n'avez jamais écrit d'autobiographie, et là il y a tout le temps de l'action, des dialogues. Non mais c'est vrai que c'est peut-être un manifeste aussi pour une certaine littérature dumasienne ?

  • Speaker #1

    Alors d'une certaine manière je pourrais dire c'est vrai, un manifeste, c'est pas faux, parce qu'en tout cas moi depuis mon premier livre, j'essaye d'écrire les livres que j'aime lire en fait. Et j'aime profondément les livres romanesques. Je trouve qu'il y a eu un grand mépris pendant un moment, là aussi, du roman. On a eu avec le néo-roman, il ne fallait plus avoir de personnages. Ensuite, c'était nul de raconter des histoires. Et puis, on a en ce moment, il y a des très beaux textes d'autofiction. Vous en avez écrit aussi des très beaux. Des chefs-d'œuvre. Mais des chefs-d'œuvre, absolument. Je pourrais les réciter dans le texte.

  • Speaker #0

    C'est quelque chose que vous ne ferez jamais ?

  • Speaker #1

    Il ne faut jamais dire jamais, parce que dès qu'on dit jamais, en fait, on se retrouve à faire exactement ce qu'on avait dit qu'on ne ferait pas.

  • Speaker #0

    Donc, je précise à la famille de Clermont-Tonnerre, vous pouvez être inquiets,

  • Speaker #1

    vous pouvez vous inquiéter. Il y a un moment où le tabou... Il y a un moment où ça va sortir,

  • Speaker #0

    elle va tout dire. Oui. Elle va détruire cette famille.

  • Speaker #1

    Ça va être terrible.

  • Speaker #0

    Non, mais c'est vrai que c'est toujours une mauvaise nouvelle dans une famille quand il y a un écrivain.

  • Speaker #1

    D'une certaine manière, c'est dangereux. Un écrivain est dangereux, c'est vrai. mais j'aime en tout cas j'aime le roman et je pense qu'il faut lui laisser une place c'est très beau l'autofiction. Il y a des textes de récits personnels, cette rentrée particulièrement, mais laissons de la place au roman quand même.

  • Speaker #0

    Je vais recevoir bientôt Percival Everett dans cette émission. Il a fait un peu la même chose que vous. Il a réécrit les aventures de Huckleberry Finn. C'est lui qui s'est inspiré de moi, très clairement. Ça veut dire qu'il y a une tendance. Lui, il a réécrit le personnage de Jim dans Huckleberry Finn, qui est l'esclave. Vous, vous prenez Milady, vous les mettez en avant. Pourquoi cette tendance de réécriture des œuvres du passé ? C'est pour ça que je vous taquine en disant que vous êtes woke, mais est-ce que vous allez par exemple réécrire Anna Karenin en traitant le fronski de salaud ?

  • Speaker #1

    Surtout que je n'ai jamais pu le lire ce livre. À chaque fois que je commence, je ne comprends plus qui est qui, je mélange tous les prénoms, je repars en arrière, je me fais des fiches et je laisse tomber. Tous les dix ans, j'essaye de le lire.

  • Speaker #0

    Prends un autre exemple. Est-ce que vous allez réécrire Madame Bovary en décrivant... tous ses amants comme des prédateurs toxiques.

  • Speaker #1

    Ah non, alors surtout, j'espère, j'espère avoir été plus nuancée que ça, franchement. Je suis désolé. Non, non, et honnêtement, je crois aussi que c'est plutôt une volonté de réconciliation. On a un patrimoine littéraire merveilleux. Et je trouve que je n'ai pas envie de l'annuler. Je n'ai pas envie justement de le réécrire. Je n'ai pas envie de le trahir. J'ai envie de l'éclairer différemment. Et pour moi...

  • Speaker #0

    Un autre angle, c'est ce que vous faites.

  • Speaker #1

    D'une certaine manière, j'épouse Dumas. J'épouse au sens que je me mets dans les creux, dans les blancs, et d'une certaine manière, j'essaye de lui faire un nouvel enfant. C'est l'œuvre la plus féconde de l'histoire de la littérature. Non, c'est vrai, il a été tellement repris. Et je lui offre une autre postérité.

  • Speaker #0

    C'est drôle que vous disiez ça, parce que lui-même disait... peut violer l'histoire à condition de lui faire de beaux enfants. Une phrase d'ailleurs assez inadmissible aujourd'hui.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, en tout cas, Jean-Christophe Ruffin considère qu'il ne l'a pas dite et qu'il disait « L'histoire est un clou auquel j'accroche mes romans » , qui est joli aussi. Mais il y a de ça d'ailleurs. Je ne fais que ce qu'il a fait, Dumas, puisque lui a emprunté les trois mousquetaires à un précédent romancier et il a rajouté son génie, son panache.

  • Speaker #0

    On réécrit les mêmes... pas l'impseste depuis toujours. Quand même, là, vous avez l'air de minimiser, mais vous avez dit, dans une interview, que l'exécution de Milady était le plus grand féminicide de l'histoire de la littérature.

  • Speaker #1

    Mais c'est vrai, est-ce que vous en avez un autre aussi affreux que celui-là ? Il l'a tué deux fois.

  • Speaker #0

    Esmeralda, dans Notre-Dame de Paris, c'est avant, c'est en 1831, et Victor Hugo l'a fait, je ne sais plus si elle est brûlée vive, enfin,

  • Speaker #1

    c'est terrible. Il l'a tué deux fois. Parce que, quand même, c'est fort, mais... Et Athos, quand il se rend compte qu'elle porte cette marque, alors qu'il l'a épousée, qu'il pense avoir épousé une jeune femme. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai, il l'a fait pendre.

  • Speaker #1

    Mais c'est pire que ça. Donc, elle tombe de cheval. Il croit avoir épousé une jeune fille pure. Elle n'arrive plus à respirer. Il ouvre ses vêtements. Il découvre la marque sur son épaule. Et là, il est tellement furieux qu'elle ait pu appartenir à un autre homme, etc., qu'il la met à nu et il la pend sans autre forme de procès. il lui demande pas mais ma chérie que s'est-il passé non direct il la pend et on la retrouve quelques années plus tard et là boum il la décapite enfin c'est encore pire qu'Esmeralda oui c'est vrai que c'est moche bah non c'est pas joli

  • Speaker #0

    Est-ce que vous allez revenir au XXIe siècle la prochaine fois ? Oui. Ah, vous avez commencé déjà ?

  • Speaker #1

    Oui, oui. En fait, j'en ai plusieurs en cours, mais là, il y en a un qui prend le dessus.

  • Speaker #0

    Il y a une question que j'avais envie de vous poser, puis en tant que reine de France, prétendant au trône.

  • Speaker #1

    Je vous en prie, posez, posez.

  • Speaker #0

    Vous ne trouvez pas que la République française va assez mal depuis 1789 et que finalement, d'avoir supprimé la monarchie, franchement, ça nous… enfin, on est devenu un peu… Ingouvernable ? Est-ce que vous êtes pour le retour de...

  • Speaker #1

    Alors moi, je ne suis pas du tout monarchiste, parce que malheureusement, en tout cas, si on était dans les prétendants légitimes, je trouve que ce n'est pas très enthousiasmant.

  • Speaker #0

    Dis donc, la patronne de Point de vue dit du mal du comte de Paris ?

  • Speaker #1

    Non, je ne dis pas du mal du comte de Paris. Je dis que, dans ce cas-là, il faudrait une monarchie élective.

  • Speaker #0

    Ah ben, c'est ce qui existe déjà.

  • Speaker #1

    Oui, d'une certaine manière...

  • Speaker #0

    C'est ce qui se passe au palais de l'Elysée. On met un roi qu'on a élu.

  • Speaker #1

    Je trouve... que j'aime bien, alors sans doute me suis-je embourgeoisée, j'aime bien l'idée de mérite quand même, je trouve ça assez sympathique.

  • Speaker #0

    Moi ce que je prône c'est un roi qui est là pour symboliser la permanence de la France, la grandeur de la nation et tout ça, mais qui fait strictement rien. Et il y a un intendant, un premier ministre, qui s'occupe de l'économie, des finances.

  • Speaker #1

    Mais alors comme on est en pleine crise constitutionnelle, je pense qu'il faut que vous... vous soumettiez le sujet. Je pense que c'est franchement... Vous feriez un très bon rédacteur d'un nouveau code civil, d'un nouveau Stéphane Bern. Ah non, moi je vous voyais plutôt constitutionnaliste de haut vol.

  • Speaker #0

    Non, parce que toute l'Europe est monarchique, quasiment. Oui,

  • Speaker #1

    une grande partie.

  • Speaker #0

    Les Anglais, la Hollande, l'Espagne, la Norvège, la Belgique, le Luxembourg, la Suède.

  • Speaker #1

    Oui, ça leur va bien. Mais ce qui est drôle, c'est que, je le sais à travers le journal, le point de vue que je dirige, c'est... C'est une évidence qu'il y a une fascination française pour la monarchie et qu'on n'a pas fait notre psychanalyse de 1789. Il faut tous qu'on se mette sur un divan et qu'on sorte ça de notre système.

  • Speaker #0

    Je pense que le succès de votre roman s'explique aussi pour cette raison-là, une fascination pour la grandeur de la France des

  • Speaker #1

    17e. Il faut se réconcilier avec ça quand même, parce que c'est vrai que c'est un patrimoine magnifique. Ici,

  • Speaker #0

    nous sommes dans un restaurant. qui a ouvert en

  • Speaker #1

    1766. C'est quand même magnifique. Et il faut penser que le monde entier vient en France. Pourquoi ? Aussi pour ça. Donc, on peut peut-être accepter qu'on a fait des choses pas mal dans le passé.

  • Speaker #0

    On va passer au « Je devine tes citations » Adélaïde. Je vais vous lire des phrases tirées de vos œuvres.

  • Speaker #1

    C'est très bizarre.

  • Speaker #0

    Dans quel livre vous avez écrit cette phrase ? « La première chose que je vis d'elle fut sa cheville, délicate,

  • Speaker #1

    nerveuse. »

  • Speaker #0

    Le dernier des nôtres, c'est l'insipide, 2016. Sa cheville délicate, nerveuse, cancérait l'abride d'une sandale bleue. Vous regardez les femmes comme un vieux fétichiste.

  • Speaker #1

    Alors, ce qui m'amuse, c'est que j'avais rencontré quelqu'un qui aime, qui est fou des chevilles des femmes. Et ça m'a beaucoup intéressée. Et là, c'est vrai que je pars dans ce qu'on a appelé longtemps le blason. Cette manière d'en écriver des petits textes sur une partie très précise du corps féminin. Et le fait qu'on aime tellement les chemises, les chevilles, pardon, et les chemises, ça m'a plu.

  • Speaker #0

    Vous savez, vous êtes comme Brigitte Bardot, parce que Brigitte Bardot, on lui demandait ce qu'elle regardait en premier chez un homme et elle répondait sa femme.

  • Speaker #1

    Ça c'est drôle, moi c'est les mains.

  • Speaker #0

    Ah oui, autre phrase de vous, écrire c'est se prostituer, se décaper, se montrer, fourrure, s'exhiber, je continue. Les métaphores, la lingerie fine, les descriptions, le lubrifiant, les aphorismes, les gâteries. Le tout pour 18 euros. Avouez que ça n'est pas cher payé si la passe était bonne. Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Mais enfin. Mais vous avez écrit ça dans votre premier roman qui avait obtenu le prix Sagan en 2016. 2010.

  • Speaker #1

    C'était longtemps.

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est un personnage qui s'exprime. Ce n'est pas vous. C'est un personnage.

  • Speaker #1

    Ce qui est drôle, c'est que comme tout le monde est dans l'autofiction, les lecteurs venaient me voir. C'est l'histoire d'une fille de Madame Claude. Ils étaient un peu consternés en disant « Vous avez été obligés de faire ça pour payer vos études ? » Je leur disais « Mais ce n'est pas moi du tout ! » Ils étaient très embêtés pour mon parcours.

  • Speaker #0

    Cela dit, quand vous dites qu'écrire, c'est séduire, c'est vrai. Quand vous écrivez, on sent que vous voulez plaire.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, moi, j'ai envie d'embarquer les gens avec moi.

  • Speaker #0

    Il se passe des choses.

  • Speaker #1

    J'ai envie qu'il se passe des choses. J'ai envie de leur donner du plaisir. J'ai vraiment envie de donner du plaisir de lecture. Et je trouve que c'est souvent mépriser le plaisir de lecture. C'est-à-dire, quand il y a du plaisir, c'est comme si ce n'était pas très bien. C'est suspect. C'est suspect. Il faut être chiant. Ça ne doit pas être de la bonne littérature parce que c'était trop bien. Je ne suis pas très convaincue que ce soit vrai.

  • Speaker #0

    Vous n'êtes pas assez ennuyeuse. Je vous le reproche.

  • Speaker #1

    Je vais m'appliquer pour le prochain.

  • Speaker #0

    Une autre phrase de vous. Truffaut, pour elle. c'est une jardinerie.

  • Speaker #1

    Je me suis amusée avec ça. Oui, ça, c'est dans Les jours heureux.

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    vous voyez que vous vous souvenez de tout. Oui, en fait, je me souviens.

  • Speaker #0

    Parce qu'avant l'émission, Adélaïde disait mais moi, je ne vais pas y arriver. C'est trop difficile. Je suis amnésique.

  • Speaker #1

    J'oublie beaucoup de choses de mes livres.

  • Speaker #0

    Mais non, Les jours heureux 2021. Alors, le problème de cette blague, donc Truffaut, c'est une jardinerie, c'est qu'il faut connaître le cinéaste et le magasin. Ma jardinerie. Et je pense que les jeunes qui nous regardent ne connaissent ni l'un ni l'autre.

  • Speaker #1

    À vous penser. Mais vous, vous avez compris.

  • Speaker #0

    Cela dit, c'est vrai que... Une chose qui m'avait frappé dans Fourrure et puis dans les suivants aussi, vous aimez la satire et vous êtes assez méchante. Vous êtes plus méchante finalement à l'écrit qu'à l'oral. Là, vous êtes tout à fait charmante, mais quand vous écrivez, la langue de vipère...

  • Speaker #1

    Il y a des moments, c'est très drôle. On ne peut pas s'empêcher quand même d'avoir envie de croquer. Oui, oui, j'aime bien.

  • Speaker #0

    Vous défoulez à l'écrit. Tout ce que vous ne pouvez pas dire dans votre journal, vous le mettez dans vos livres.

  • Speaker #1

    Oui, c'est peut-être ça en fait.

  • Speaker #0

    Une autre phrase. Attention, il y a un piège. Ah. Le 24 février 1815, la vigie de Notre-Dame de la Garde signala le trois mâts le pharaon venant de Smyrne, Trieste et Naples.

  • Speaker #1

    Ça, c'est pas du tout moi.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Pourquoi je la connais ?

  • Speaker #0

    Vous la connaissez par cœur.

  • Speaker #1

    Je la connais par cœur.

  • Speaker #0

    C'est Alexandre Dumas. Ah, mais voilà. Mais le piège, c'est que c'est l'insipide du conte de Montecristo.

  • Speaker #1

    Ah mais oui, c'est ça, bien sûr. C'est une phrase sublime. C'est magnifique.

  • Speaker #0

    Parce que là,

  • Speaker #1

    il y a un souffle. Déjà, il crée un monde en une dizaine de mots.

  • Speaker #0

    Je trouve que c'est même du même niveau que le début de Salambo.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai. C'était à Mégara, au bord de Carthage,

  • Speaker #1

    dans les jardins d'Amica. Et on a les parfums, les épices, et ça y en est parti.

  • Speaker #0

    Une autre phrase, cette fois vraiment de vous. Vous avez reçu à la naissance le don de la beauté. C'est une chose merveilleuse si vous le confiez à Dieu, c'est dans le dernier, si vous le confiez à Dieu ou à un être digne de vous, mais elle peut devenir une malédiction. Donc vous pensez que la beauté peut être une catastrophe ?

  • Speaker #1

    Ah je pense que pour... il y a des femmes sublimes et je pense que ça peut être une malédiction pour elles parce qu'on ne voit plus que ça. Et on oublie complètement leur intériorité et ça devient un écran qui casse tout, mais comme la célébrité, comme tout ce qui... qui interdit l'accès à qui on est vraiment. Et je m'y intéressais déjà dans « Les jours heureux » , j'ai ce personnage d'une influenceuse que tout le monde prend pour une sombre idiote parce qu'elle est magnifique et qui se révèle justement peut-être une garce un peu à la milady. Et je trouve que oui, la beauté peut être une malédiction.

  • Speaker #0

    Dans « Je voulais vivre » , il y a cette question qui revient plusieurs fois. Elle doit prouver qu'elle a un cerveau.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et puis cette malédiction dont vous parlez, c'est peut-être aussi que vieillir.

  • Speaker #1

    C'est perdre ce pouvoir. C'est tout perdre, exactement. C'est pour ça, moi, toutes les femmes qui travaillent avec leur beauté, les femmes des magazines, etc., je trouve ça... C'est-à-dire que vieillir n'est pas facile pour personne. Je trouve ça d'une cruauté encore plus difficile quand en plus vous perdez votre travail d'une certaine manière. Nous, écrivains, on peut devenir très vieux, très laid, très longtemps. Ça ne nous empêchera pas d'écrire. La preuve ! Vous cherchez le compliment, Frédéric, c'est pas bien.

  • Speaker #0

    Je développe alors encore dans... C'est encore dans Je voulais vivre. Tu me reproches la légèreté qui t'a séduit. Dans une lettre, Milady, vous faites dire ça à Milady. Tu me reproches la légèreté qui t'a séduit. Ça, ça m'a touché parce que... Comment dire ?

  • Speaker #1

    On vous a reproché votre légèreté.

  • Speaker #0

    On a tous vécu ça, j'ai l'impression.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça me fait toujours... Ça me trouble toujours dans les couples. Les couples qui se mettent à détester les raisons exactes pour lesquelles ils sont tombés amoureux. Et je ne comprends pas ça. Et c'est vrai qu'on met un certain temps, ça vient avec la maturité, de se dire qu'on ne changera jamais quelqu'un. Jamais, jamais, au grand jamais, on change quelqu'un. Et continuons de les aimer pour tout ce qui nous a attirés au départ. Oui.

  • Speaker #0

    Alors là, elle meurt à quel âge, Milady ? 25 ans. Oui, c'est ça qui est dingue. Oui.

  • Speaker #1

    Mais ça n'a dérangé personne. Non,

  • Speaker #0

    mais du coup, elle reste toujours...

  • Speaker #1

    Ah ben, éternellement belle.

  • Speaker #0

    Éternellement, ce personnage...

  • Speaker #1

    Mais ce qui est drôle si vous regardez, c'est que Milady a très très souvent été...

  • Speaker #0

    choisie en brune. Alors qu'en fait, dans le texte de Dubas, elle est blonde. Elle a une beauté très pure, très classique.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que vous êtes intéressée à elle.

  • Speaker #0

    C'est narcissique. Ah, mais non, pas du tout. Parce que ma première héroïne Zita, que j'aime profondément, est une magnifique brune.

  • Speaker #1

    Vous avez préféré quelle actrice dans le rôle de Milady ? Je vous donne une liste. Eva Green en 2023, Mila Jovovich en 2011, Faye Dunaway en 1973, Mylène de Mongeau en 1961. ou Lana Turner en 1948 ?

  • Speaker #0

    Alors moi, ce serait un mélange de Lana Turner et Eva Green, parce qu'Eva Green a quand même ce magnétisme. Et puis moi, elle m'a inspirée depuis mon premier livre Fourrure, l'héroïne s'inspire d'Eva Green et de Charlotte Rampling.

  • Speaker #1

    Donc froide, un peu plus froide.

  • Speaker #0

    Froide, très mystérieuse, avec une présence très forte. Elle a, oui, cette beauté fatale, même si justement, je ne vais pas que vers la fatalité.

  • Speaker #1

    Merci infiniment. Alors, on passe au questionnaire du WBD. Il faut faire des réponses courtes, s'il vous plaît.

  • Speaker #0

    Je vais essayer.

  • Speaker #1

    Vous aimez les romans virevoltants. Longs.

  • Speaker #0

    Vous êtes ennuyé peut-être.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout. Alors, on y va. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Si c'est une fille, parce qu'elle apprendra à dire non, à dire oui si elle a vraiment envie, à se défendre. Et si c'est un garçon, il apprendra ce que c'est que des préliminaires.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire, chat GPT ?

  • Speaker #0

    Des mojitos aux fruits de la passion.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'il ne sait pas. Ben non. Il peut vous donner la recette.

  • Speaker #0

    Oui, mais il ne pourra pas vous le faire. Mais non, non.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en l'écrivant que votre livre ne serve à rien ?

  • Speaker #0

    Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès. C'est encore plus beau lorsque c'est inutile.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est Cyrano, ça. Oui. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Oui, ah oui, vraiment.

  • Speaker #1

    Ça alors ! Vous êtes la première à me dire oui depuis que je pose cette question.

  • Speaker #0

    Moi je pense vraiment qu'un écrivain doit être gentil. Je pense qu'il a un pouvoir de blesser, de salir, de détruire, et je pense qu'il a le pouvoir exactement inverse et que c'est celui-là qu'il faut utiliser.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    La solitude parce que ça m'arrive tellement rarement. J'aime vraiment la solitude.

  • Speaker #1

    Ça donne une excuse, en fait, pour dire aux gens d'aller nous foutre la paix.

  • Speaker #0

    Je me rappelle d'un grand écrivain qui disait « être écrivain, c'est dire non du matin jusqu'au soir » . C'est vrai.

  • Speaker #1

    Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    J'ai essayé, c'était nul. Ah bon ? C'était complètement raté. Ça allait un peu mieux avec la vodka, mais quand même, c'était pas…

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce que c'est un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense vraiment que c'est un bien nécessaire. Il y a tellement de livres. Il y a tellement de livres qui ont déjà été publiés dans l'histoire et tellement de livres qui sortent chaque année. Moi, j'ai vraiment envie qu'on m'emmène vers des livres que je n'aurais pas été chercher toute seule, en fait.

  • Speaker #1

    Mais les critiques sur vous, par exemple, elles vous apprennent des choses ? Oui. Là, vous avez beaucoup de bonnes critiques, de compliments.

  • Speaker #0

    Oui, alors je crois plus aux critiques quand elles sont bonnes. Quand elles sont mauvaises, c'est un peu comme l'horoscope, vous voyez. On y croit quand c'est bon, puis quand c'est pas bon, on passe.

  • Speaker #1

    Fantasmez-vous sur J.D. Salinger, comme moi, qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Moi, j'aime beaucoup les interviews, mais comme je suis journaliste, j'aime encore plus quand c'est moi qui pose les questions.

  • Speaker #1

    Un roman doit-il réparer le monde ? Ça, c'est, je trouve, ma question la plus con. Non,

  • Speaker #0

    non, moi, je trouve ça très vrai. Oui. Alors, oui.

  • Speaker #1

    En fait, vous êtes vraiment... Oui, oui, je vois. Mais vous, vous êtes vraiment une feel-good, quoi. Vous êtes une feel-good. Non,

  • Speaker #0

    je ne suis pas une feel-good. Moi, j'écris. J'écris pourquoi ? parce que le monde me blesse. Parce qu'il y a quelque chose dans le monde qui ne me plaît pas, dans l'être humain qui ne me plaît pas. J'ai envie de faire quelque chose de…

  • Speaker #1

    Que dans votre monde à vous, au moins…

  • Speaker #0

    Je m'échappe. Je m'échappe. Alors, il y a des scènes très violentes. Il y a toute la fureur de l'être humain aussi dans mes livres. Mais c'est moi qui la contrôle, donc je préfère.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'œuvre ?

  • Speaker #0

    Le prochain.

  • Speaker #1

    Êtes-vous une ouin-ouin ? Alors, pas du tout. Je ne crois pas.

  • Speaker #0

    Ah non, je n'aime pas les ouin-ouins. Non, vraiment, je n'aime pas ça. On a beaucoup de chance tous.

  • Speaker #1

    Vous n'aimez pas vous plaindre ? Vous n'aimez pas les auteurs qui se lamentent ?

  • Speaker #0

    Ah non, mais par exemple, Chateaubriand, pendant tout un moment, Attala, je n'en pouvais plus. Ah non, ça me fatigue.

  • Speaker #1

    Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Moi, je ne crois pas que ce soit de mentir. Je pense que le but de la littérature, c'est d'embellir, pas de mentir.

  • Speaker #1

    Ils avaient vraiment une fixette sur la positivité. C'est bien.

  • Speaker #0

    Alors, pas que positif, mais en tout cas, oui.

  • Speaker #1

    C'est rare dans mes invités. C'est ça. J'invite que des pessimistes, des astreux.

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose auquel je pense que ça m'a marqué. Romain Garry, dans Pour Osganarelle, il écrit « La botte du réel a écrasé les écrivains » . Moi, avec l'imagination, j'ai envie de soulever le poids de cette botte.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que... que quand on dit à un écrivain que c'est le meilleur écrivain, on le tue. Ça y est, il est lyophilisé, donc je n'ai pas envie de tuer les gens que j'aime.

  • Speaker #1

    Si vous étiez très riche, continueriez-vous d'écrire ?

  • Speaker #0

    Je crois que j'écrirais beaucoup plus, parce que j'aurais plus de temps.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fière ?

  • Speaker #0

    Les textos que j'envoie à mon mari.

  • Speaker #1

    Avez-vous... Je n'arrive pas à lire mes questions.

  • Speaker #0

    Vos questions ? Oui.

  • Speaker #1

    Non, la question Farnell 451. Imaginons un monde où les livres seraient interdits. Quel livre seriez-vous prête à retenir par cœur pour le sauver ?

  • Speaker #0

    Alors, justement, quelque chose qui n'est pas ouin ouin du tout. Candide, de Voltaire. Je reste sur la ligne optimiste. Très bien. Et voilà.

  • Speaker #1

    Encore que c'est un livre qui critique beaucoup de choses. Ah oui,

  • Speaker #0

    et puis il y a des scènes apocalyptiques. de guerre épouvantable.

  • Speaker #1

    Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. C'est évidemment une antiphrase. Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?

  • Speaker #0

    Il ne m'a peut-être pas sauvé la vie, mais il m'a beaucoup aidée. C'est le fameux livre L'année de la pensée magique, John Didion. Elle écrit ça en ayant perdu son mari. Sa fille est en très mauvais état de santé, semi-mourante. Elle écrit ce livre incroyable sur le deuil. Je le donne aux gens qui perdent quelqu'un.

  • Speaker #1

    C'est sublime. Quel est votre âge mental ? 7 ans. C'est l'âge de raison.

  • Speaker #0

    Oui, tout juste. Merci beaucoup Adélaïde de Clermont-Tonnerre.

  • Speaker #1

    Je vous remercie infiniment. Je vous ordonne à tous de lire « Je voulais vivre » aux éditions Grasset. Abonnez-vous, likez, faites plein de trucs avec vos doigts sur vos téléphones pour que vous receviez les prochaines conversations prioritairement. Et puis vous pouvez aussi commenter. m'insulter en allemand, allez-y, lâchez-vous. Si vous voulez sponsoriser Conversations chez la Pérouse, allez sur l'adresse conversationschezlaperouse.com C'est vraiment facile à retenir. Comme ça, ça permettra de payer mes frais de costume, de champagne, la drogue d'Adélaïde de Clermont-Tonnerre, etc. Et surtout, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot. C'est vrai. Bonsoir.

  • Speaker #0

    Bonsoir.

Description

Cette semaine, je reçois la patronne de "Point de vue" pour parler de son roman sur Milady de Winter, la femme fatale des "Trois Mousquetaires". On parle très librement de son corps marqué au fer rouge, de son exécution capitale à 25 ans, de sa mère assassinée, du retour de la monarchie en France et du nombrilisme qui domine la littérature française au 21e siècle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ça rec ! Non mais parce que je suis entouré de techniciens qui disent ça rec au lieu de ça enregistre, voilà je suis navré. Bonsoir à tous, bienvenue Majesté Adélaïde de Clermont-Deners. Je vous en prie Frédéric,

  • Speaker #1

    je suis ravie d'être avec vous.

  • Speaker #0

    Vous êtes normalienne, romancière, auteure de quatre romans et vous dirigez aussi la revue Point de vue. Absolument. Toujours hein ? Oui, Et vous êtes donc l'auteur de « Je voulais vivre » en cette rentrée qui figure sur la première liste du prix Renaudot. « Je voulais vivre » aux éditions Grasset. Et il y a un sous-titre intéressant qui est sur le bandeau mais qui est aussi à l'intérieur. « Milady n'est pas une femme qui pleure, elle est de celle qui se venge. » Pourquoi avez-vous eu envie de rajouter ce sous-titre ?

  • Speaker #1

    Parce que ça c'est une phrase qui vient de Dumas. et ça montre la vengeance c'est le thème du Mazien par excellence on pense tous évidemment à Monte Cristo qui est écrit la même année que les trois mousquetaires dont est issue ma méchante affreuse Mélédie et il a cette phrase en disant Mélédie n'est pas une femme qui pleure,

  • Speaker #0

    elle est de celle qui se venge et j'ai voulu du coup reprendre parce que c'est tout le thème de mon livre parce qu'en même temps vous en faites quand même une victime alors elle pleure pas mais dans les trois mousquetaires Mélédie de Winter C'est la méchante, mais toujours décrite comme une espionne, qui joue double, triple jeu, mais on passe assez vite sur son enfance.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'on ne passe pas du tout sur son enfance, personne n'en parle, on ne va quasiment pas dans sa psychologie, elle parle très peu. Il y a un moment incroyable où on rentre un peu dans sa tête, c'est quand elle est enfermée à Londres. tenue par un gardien qui s'appelle Felton. Et il y a une scène de manipulation chez l'humain incroyable où elle va retourner ce gardien qui est très prude, très puritain et l'envoyer assassiner le duc de Buckingham. Sinon, rien. On ne dit pas un mot de ce qu'elle pense, d'où elle vient. Et donc, je me suis dit comment on fabrique la plus grande méchante de la littérature française.

  • Speaker #0

    Et vous, vous le dites et vous expliquez pourquoi. Quel est son moteur ? C'est qu'elle a été abusée dans son enfance, enfin dans son adolescence.

  • Speaker #1

    Elle a été victime d'un crime terrible dans son enfance, sa mère et sa nourrice sont assassinées, et elle est abusée dans son adolescence, puisque le moment où je me rends compte qu'il faut que j'écrive cette histoire, c'est en écoutant une version très simplifiée pour enfants des Trois Mousquetaires, et j'entends cette phrase, Milady qui a 15 ans à peine, cette perverse. à détourner un prêtre du droit chemin. C'est un peu difficile à notre époque de se dire que tout ça est parfaitement normal.

  • Speaker #0

    C'est la faute de Milady. C'est peut-être la faute du prêtre.

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est partagé, je pense, à minima.

  • Speaker #0

    Donc, est-ce qu'on peut dire que Je voulais vivre est une réécriture des Trois Mousquetaires version néo-féministe, woke ? Alors,

  • Speaker #1

    pas du tout. En fait, moi, j'aime passionnément Dumas. Dumas, il a été très méprisé. Là, maintenant, tout le monde aime Dumas. C'est merveilleux. Il y a des millions de gens qui lui font... Il y a des films.

  • Speaker #0

    Il y a toujours eu des films.

  • Speaker #1

    Oui, c'est l'œuvre la plus adaptée, réadaptée en BD, en cinéma, enfin bref, tout. Mais il restait une chose à raconter quand même. Et c'est vrai que dans Dumas, le personnage de Milady, il est à peine esquissé. Elle a pourtant traversé les siècles et la littérature. C'est un personnage que tout le monde connaît et on ne sait rien d'elle. Et moi, je me suis dit au fond, je vais rentrer. Dumas, c'est le premier showrunner de l'histoire. Il invente la série télévisée, il fait travailler des auteurs. en atelier. Donc, je me suis dit, je vais me glisser dans l'atelier d'écriture de Dumas. Je deviens une de ses auteurs et moi, je raconte peut-être un point de vue féminin. Mais ce n'est pas woke parce que je ne vais pas contre son texte. Je prends les blancs.

  • Speaker #0

    Quand même, vous avez l'air d'insinuer que Dumas avait regardé Milady avec un male gaze. Vous voyez ? Ah ben,

  • Speaker #1

    il la désire.

  • Speaker #0

    Ah ben, énormément. Elle est désirable. C'est une héroïne ultra sexy.

  • Speaker #1

    Ah ben, elle est très sexy. et elle aime les hommes. Donc, pour une féministe furibarde, elle aime quand même vraiment les hommes. Elle a des histoires d'amour, elle suscite le désir et elle en éprouve. Et la seule chose que je fais, c'est que dans Dumas, elle est un objet. Elle sert pour l'intrigue, elle sert effectivement d'objet de désir, elle sert pour provoquer des sentiments. Là, j'en fais un sujet.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et alors, elle a changé de nom beaucoup de fois. Elle s'est appelée Anne de Breuil, Charlotte Baxon, la comtesse de l'affaire quand elle a épousé Athos. Et Lady Claric, c'est une...

  • Speaker #1

    Ah bah oui, c'est-à-dire que quand on est jeune fille et qu'on regarde des exemples dans la littérature, il y a quand même pas mal de potiches. Cette méchante-là, au moins, elle est intelligente, Richelieu l'écoute, elle arrive à finalement faire son chemin avec quatre hommes contre elle qui sont quand même des gens très forts, très puissants. Donc moi, ça m'a plu quand même qu'elle soit capable de tout ça, parce que c'est bien les femmes sacrifiées. Alors moi, quand je suis petite, je veux être Constance, je veux être la gentille, la compagne de D'Artagnan, elle est toute lisse, elle est bien coiffée, elle est sacrifiée.

  • Speaker #0

    La Constance Bonacieux se fait assassiner par qui ?

  • Speaker #1

    Parmi les dix. Mais elle le regrette quand même. Elle s'en veut beaucoup.

  • Speaker #0

    Vous aviez répondu à la question que je vous ai posée précédemment sur est-ce que vous corrigez le chef-d'oeuvre de Dumas. Vous avez répondu à la fin du livre. Je vous demandais de lire votre réponse.

  • Speaker #1

    Vous avez raison. Autre temps, autre meurtre, je ne révise pas, je n'accuse pas non plus, je me glisse dans les blancs de ton texte. Je m'adresse à Dumas. dans les angles morts et j'invite ceux qui, comme moi, sont épris de justice à ouvrir les yeux et les oreilles, à renverser l'illusion pour voir les faits nus. Si vous y prêtez attention, Anne a laissé sa marque partout. Derrière le costume de Milady, j'entends battre le cœur d'une petite fille, puis d'une jeune femme pleine de force et d'idéal. Descendez de cheval, posez votre épée, écoutez. Sa voix sous les orgues chrétiennes et les orchestres viriles, je l'entends. Elle est claire, elle est déterminée. sa voix de femme au temps des hommes.

  • Speaker #0

    Une femme au temps des hommes, ça c'est une belle formule qui clôt votre roman. Il y avait quand même un précédent. Moi, je n'ai pas détesté Angélique Marquise des Anges. Moi aussi,

  • Speaker #1

    j'ai couru avec elle derrière Geoffrey.

  • Speaker #0

    Mais oui, c'était un roman écrit par une femme, Anne Gollon. Et alors, est-ce que c'est une référence pour vous ? Parce qu'elle est quand même très érotique aussi, Angélique.

  • Speaker #1

    Ah bah oui, on a tous été, je crois que des générations ont été marquées. marquée par quand elle est vendue au marché aux esclaves et qu'on dénude sa poitrine. C'était torride.

  • Speaker #0

    Je n'osais pas en parler.

  • Speaker #1

    Mais je l'ai fait.

  • Speaker #0

    Mais Milady, quand elle est marquée au fer rouge avec une fleur de lys à l'épaule, eh bien oui, mais pour les enfants pervers, pour les adolescents un petit peu bizarres.

  • Speaker #1

    Mais vous n'avez aucune empathie.

  • Speaker #0

    Non, je peux vous dire, je peux vous citer beaucoup de mes amis écrivains qui ont fantasmé sur le fait de marquer au fer rouge. C'est un côté un peu sadomaso, quoi.

  • Speaker #1

    Ah oui, alors moi, je n'ai pas du tout ça en moi. Je me suis sentie vraiment très attristée pour elle,

  • Speaker #0

    mais tardivement.

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est une injustice,

  • Speaker #0

    ça. Pourquoi on la marque ?

  • Speaker #1

    Elle est marquée au fer rouge, sans aucun jugement, parce que le bourreau, qui est le frère du prêtre qui a détourné la jeune fille perverse de 15 ans, a décidé qu'il devait venger son frère, parce qu'elle l'a laissé tomber, c'est vrai. Enfin, est-ce qu'on marque au fer rouge toutes les femmes qui vous ont quittées ? Qui vous quittent ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    C'est problématique.

  • Speaker #0

    Ça ne se fait pas. plus, ça ne se fait plus, Dieu merci ça s'est beaucoup fait mais maintenant ça ne passe plus un autre auteur aussi auquel j'ai pensé en vous lisant c'est Jacques Laurent avec sa série des Caroline Chéry alors ça je n'ai jamais lu c'était un peu comme ça ? oui c'était aussi une femme qui fait tomber tous les mecs et puis il y a des cavalcades et puis il y a des rebondissements et on sent que vous vous êtes beaucoup amusé à pasticher le style de Dumas alors je me suis amusé beaucoup parce qu'il m'a fait découvrir le plaisir de lecture

  • Speaker #1

    Moi, j'ai passé un été entier où, comme je n'avais aucun autre livre, j'ai lu la trilogie de Dumas, de la première ligne à la dernière ligne. Et dès que j'avais fini, je recommençais pendant deux mois. Je n'avais pas d'autres livres. Et j'aime profondément ce goût de l'aventure, ce souffle. Et puis, il est très humain, c'est très charnel. Et en même temps, j'ai voulu écrire avec une langue qui reste contemporaine. C'est-à-dire, je me suis dit, je ne vais pas singer la langue du XIXe qui singe elle-même la langue du XVIIe. et donc j'ai coloré de mots,

  • Speaker #0

    de modernité,

  • Speaker #1

    mais j'ai voulu le traiter de façon... Parce qu'elle est très contemporaine, il est dit.

  • Speaker #0

    Dans mon dictionnaire des écrivains vivants, où vous êtes... Ça,

  • Speaker #1

    c'était un grand honneur d'être en mode dictionnaire.

  • Speaker #0

    Vous savez que je l'avais prédit que vous alliez écrire... Oui, écoutez, je... Non,

  • Speaker #1

    mais vous êtes visionnaire.

  • Speaker #0

    À propos de votre troisième roman, Les jours heureux, publié en 2021. Voici ce que j'écrivais. Par une construction à droite et une écriture pressée, toujours en quête du mot juste et tranchant, Madame de Clermont-Tonnerre emballe une cavalcane Une cavalcade pleine de charme à la Dumas. Je parle du roman précédent.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est extraordinaire.

  • Speaker #0

    Donc j'avais prédit que vous alliez faire du Dumas. C'était prévu.

  • Speaker #1

    Ah mais vous voyez tout.

  • Speaker #0

    Non, ou alors vous m'avez obéi.

  • Speaker #1

    Ah mais c'est ça en fait. C'était une injonction et je l'ai suivi.

  • Speaker #0

    Voilà, bon, non, non, pas du tout.

  • Speaker #1

    Et je me suis aperçue d'ailleurs que je citais Milady dans mon tout premier livre. Ah oui, Fourrure ? J'avais oublié, oui.

  • Speaker #0

    C'est votre premier roman historique. Oui. Les précédents étaient plutôt des tableaux contemporains, donc Fourrure...

  • Speaker #1

    Pas le dernier des nôtres, il y avait un peu d'histoire avec la seconde... Oui, c'est ça, c'était récent, c'était plus facile. Voilà,

  • Speaker #0

    voilà. Non, non, mais quel a été le déclic qui vous a donné envie de remonter 300 ans en arrière ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne sais pas quelle folie m'a prise, parce que c'est très compliqué.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr !

  • Speaker #1

    J'ai souffert à chaque ligne. Je me suis posé des questions tout le temps, parce que l'histoire récente, on a quand même... n'ont pas des souvenirs, mais enfin, c'est plus facile. Là, je me dis, mais alors, elle porte une robe de velours vert. Mais est-ce que ça existe, le velours ? Est-ce qu'elle aurait les moyens de se l'acheter ? Quand je mets des légumes dans son assiette, je me dis, mais est-ce qu'ils sont déjà arrivés d'Amérique ? Quand je me lance dans une histoire, une petite scène d'amour, je dis, elle défait le bouton de sa boutonnière. Et là, j'ai un flash, je me dis, mais il n'y a pas de bouton, il n'y a pas de boutonnière, c'est des lacets. Ça a été un cauchemar. Mais c'était bien aussi.

  • Speaker #0

    Mais vous avez dit que vous ne voulez pas pasticher le style de Dumas. En revanche, c'est vrai que vous êtes beaucoup documenté.

  • Speaker #1

    non seulement en relisant j'imagine plusieurs fois les Trois Mousquetaires encore oui alors je les connaissais très très bien parce que comme je les avais lus quand même tout un été pendant voilà mais je les ai relus et j'ai relu des biographies et j'ai relu et je m'amuse aussi avec les vrais personnages historiques c'est-à-dire que Buckingham chez Dumas c'est le héros romantique viril qui fait tomber la reine de France elle est folle de lui en vrai c'était ... l'amant du roi Jacques Ier, et il doit toute son ascension et tous ses titres au fait qu'il avait un certain talent amoureux.

  • Speaker #0

    Et alors la construction ici est intéressante, c'est que vous avez fait témoigner, en quelque sorte, pas mal de proches de Milady, dont d'Artagnan à la fin de sa vie, et puis d'autres comme ça. C'est une construction qu'il y avait dans un livre de Françoise Chandernagore qui était sur Louis XVII.

  • Speaker #1

    Ah, c'est drôle.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si vous vous souvenez de celui-là.

  • Speaker #1

    Celui-là, non. J'en ai lu pas mal de François Chandernagor, beaucoup, mais celui-là, je ne l'ai pas lu.

  • Speaker #0

    Donc, tous les grands personnages de sa vie s'expriment sur elle. Et ça, c'est la journaliste en vous qui a voulu faire comme une sorte de reportage.

  • Speaker #1

    Oui, ou l'avocat raté, je ne sais pas. Mais je me suis dit, d'une certaine manière, je rouvre le cas Milady. C'est un cold case. Et donc, j'avais envie de recréer un peu cette idée d'un jugement.

  • Speaker #0

    Comme dans un procès.

  • Speaker #1

    Comme dans un procès, parce que le livre s'ouvre sur une scène célèbre de l'humain, qui est ce procès,

  • Speaker #0

    ce simulacre de procès,

  • Speaker #1

    dix hommes qui la jugent, deux d'entre eux ont été en plus, l'un son mari, l'autre son amant, donc ils sont évidemment d'une objectivité totale. Elle n'a pas d'avocat, on ne l'entend même pas se défendre. Et donc j'ai eu envie d'apporter...

  • Speaker #0

    Un vrai procès avec vous comme avocate de la défense. Mais je pense quand même que si elle avait eu un procès, Avec tous les gens qu'elle a tués, elle aurait quand même fini par être exécutée, vous ne croyez pas ?

  • Speaker #1

    Moi, je ne suis pas sûre. Justement, parce que quand on regarde...

  • Speaker #0

    Elle empoisonne Constance Bonacieux qui ne lui a rien fait.

  • Speaker #1

    Elle a juste empoisonné Constance. C'est vrai, ça c'est le plus problématique, je suis d'accord. Ce n'est pas cool. Non, ce n'est pas cool, c'est le plus problématique. En même temps, Constance, je pense qu'elle est plus compliquée que ce qu'on imagine. Oui,

  • Speaker #0

    alors vous avez une théorie dans votre livre. Vous dites que Constance était peut-être une espionne, comme Milady.

  • Speaker #1

    Mais oui, parce que quand vous regardez le texte de Dumas, donc Constance est censée être adorable, la maîtresse de D'Artagnan, mais enfin, c'est une lingère qui est très jolie et intelligente et qui épouse quand même un espèce de benêt qui n'a aucun intérêt et qui devient en très peu de temps la confidente préférée de la reine Anne d'Autriche. C'est quand même bizarre.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est bizarre.

  • Speaker #1

    C'est bizarre.

  • Speaker #0

    Oui, comment cette ascension s'explique ? Voilà,

  • Speaker #1

    et de surcroît, elle est quand même... proche de la fameuse Marie de Roran, qui était la plus grande intrigante. C'est une véritable personnage historique qui est aussi dans Dumas, qui deviendra par la suite la mère du vicomte de Brajlon. Et on peut se poser des questions sur Constance. Donc, est-ce que c'était un affrontement d'espionnes ? Ce n'est pas exclu. J'ai pensé à faire une scène de combat de boue et puis j'ai renoncé.

  • Speaker #0

    C'est dommage.

  • Speaker #1

    Mais ça aurait pu être pas mal.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il va y avoir un... Un projet d'adaptation au cinéma de Je voulais vivre ?

  • Speaker #1

    Ça, je ne sais pas du tout.

  • Speaker #0

    Pas encore ?

  • Speaker #1

    Ça m'amuserait beaucoup, évidemment, mais je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Ce serait génial, une version wokiste des Trois Mousquetaires.

  • Speaker #1

    Oui, parce que quand même, il y a des beaux portraits. J'essaye de faire des beaux portraits d'hommes. On aime les hommes dans ce texte aussi. C'est-à-dire que ce n'est pas contre les hommes. Et même d'Artagnan, quand on le trouve dans les Trois Mousquetaires, il est à l'âge des certitudes. Il est jeune. Il a tout vu, tout lu, tout bu. Il a tout compris. Et puis, quand on le retrouve dans mon livre, beaucoup plus vieux, au moment du siège de Maastricht, où on sait qu'un peu plus tard, il perdra la vie, il est à l'âge des doutes. Et je trouve ça beau aussi. Un homme qui a eu son parcours et qui se met à se poser des questions.

  • Speaker #0

    Lui-même, d'ailleurs, culpabilise un peu d'avoir jugé un peu rapidement Milady. Et puis, il a quand même couché avec elle. Ah ben oui,

  • Speaker #1

    il était très... Pendant que Constance était emprisonnée. Donc bon, la Constance, elle a quand même... Bon, oui, enfin c'est... Voilà.

  • Speaker #0

    Quand même, vous n'aimez pas les femmes fatales ? Dans les romans, c'est extraordinaire les femmes fatales. Pourquoi vouloir en faire une traumatisée ?

  • Speaker #1

    Elle n'est pas qu'une victime. Elle a quand même un sacré tempérament. Elle se bat, elle se défend. Elle décide de prendre finalement des outils d'homme à une époque où elle n'aurait pas eu le droit de s'en emparer.

  • Speaker #0

    Dans ce sens-là, peut-être que Les Trois Mousquetaires, version Dumas, est un roman féministe.

  • Speaker #1

    Oui, mais totalement. Mais c'est le premier à nous faire une personnalité forte. Parce que sinon, on n'a pas...

  • Speaker #0

    Elle est puissante, elle est dangereuse.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Moi, elle m'a beaucoup plu. Et elle se bat ? Oui. Elle reste puissante, elle reste dangereuse, mais elle devient... À mon sens, une femme. C'est-à-dire que là, chez Dumas, on a une esquisse. On a l'archétype de la méchante. Moi, j'avais envie qu'elle ait une peau, un parfum, des failles, une enfance. Qu'on sache ce qu'il y a derrière. J'ai juste voulu la déployer, en fait.

  • Speaker #0

    Vous avez donc écrit trois romans contemporains. Et puis là, vous avez lancé dans cette saga historique. Est-ce que c'est aussi... une déclaration de guerre au nombrilisme de la littérature actuelle, parce que vous n'aimez pas, vous n'avez jamais écrit d'autobiographie, et là il y a tout le temps de l'action, des dialogues. Non mais c'est vrai que c'est peut-être un manifeste aussi pour une certaine littérature dumasienne ?

  • Speaker #1

    Alors d'une certaine manière je pourrais dire c'est vrai, un manifeste, c'est pas faux, parce qu'en tout cas moi depuis mon premier livre, j'essaye d'écrire les livres que j'aime lire en fait. Et j'aime profondément les livres romanesques. Je trouve qu'il y a eu un grand mépris pendant un moment, là aussi, du roman. On a eu avec le néo-roman, il ne fallait plus avoir de personnages. Ensuite, c'était nul de raconter des histoires. Et puis, on a en ce moment, il y a des très beaux textes d'autofiction. Vous en avez écrit aussi des très beaux. Des chefs-d'œuvre. Mais des chefs-d'œuvre, absolument. Je pourrais les réciter dans le texte.

  • Speaker #0

    C'est quelque chose que vous ne ferez jamais ?

  • Speaker #1

    Il ne faut jamais dire jamais, parce que dès qu'on dit jamais, en fait, on se retrouve à faire exactement ce qu'on avait dit qu'on ne ferait pas.

  • Speaker #0

    Donc, je précise à la famille de Clermont-Tonnerre, vous pouvez être inquiets,

  • Speaker #1

    vous pouvez vous inquiéter. Il y a un moment où le tabou... Il y a un moment où ça va sortir,

  • Speaker #0

    elle va tout dire. Oui. Elle va détruire cette famille.

  • Speaker #1

    Ça va être terrible.

  • Speaker #0

    Non, mais c'est vrai que c'est toujours une mauvaise nouvelle dans une famille quand il y a un écrivain.

  • Speaker #1

    D'une certaine manière, c'est dangereux. Un écrivain est dangereux, c'est vrai. mais j'aime en tout cas j'aime le roman et je pense qu'il faut lui laisser une place c'est très beau l'autofiction. Il y a des textes de récits personnels, cette rentrée particulièrement, mais laissons de la place au roman quand même.

  • Speaker #0

    Je vais recevoir bientôt Percival Everett dans cette émission. Il a fait un peu la même chose que vous. Il a réécrit les aventures de Huckleberry Finn. C'est lui qui s'est inspiré de moi, très clairement. Ça veut dire qu'il y a une tendance. Lui, il a réécrit le personnage de Jim dans Huckleberry Finn, qui est l'esclave. Vous, vous prenez Milady, vous les mettez en avant. Pourquoi cette tendance de réécriture des œuvres du passé ? C'est pour ça que je vous taquine en disant que vous êtes woke, mais est-ce que vous allez par exemple réécrire Anna Karenin en traitant le fronski de salaud ?

  • Speaker #1

    Surtout que je n'ai jamais pu le lire ce livre. À chaque fois que je commence, je ne comprends plus qui est qui, je mélange tous les prénoms, je repars en arrière, je me fais des fiches et je laisse tomber. Tous les dix ans, j'essaye de le lire.

  • Speaker #0

    Prends un autre exemple. Est-ce que vous allez réécrire Madame Bovary en décrivant... tous ses amants comme des prédateurs toxiques.

  • Speaker #1

    Ah non, alors surtout, j'espère, j'espère avoir été plus nuancée que ça, franchement. Je suis désolé. Non, non, et honnêtement, je crois aussi que c'est plutôt une volonté de réconciliation. On a un patrimoine littéraire merveilleux. Et je trouve que je n'ai pas envie de l'annuler. Je n'ai pas envie justement de le réécrire. Je n'ai pas envie de le trahir. J'ai envie de l'éclairer différemment. Et pour moi...

  • Speaker #0

    Un autre angle, c'est ce que vous faites.

  • Speaker #1

    D'une certaine manière, j'épouse Dumas. J'épouse au sens que je me mets dans les creux, dans les blancs, et d'une certaine manière, j'essaye de lui faire un nouvel enfant. C'est l'œuvre la plus féconde de l'histoire de la littérature. Non, c'est vrai, il a été tellement repris. Et je lui offre une autre postérité.

  • Speaker #0

    C'est drôle que vous disiez ça, parce que lui-même disait... peut violer l'histoire à condition de lui faire de beaux enfants. Une phrase d'ailleurs assez inadmissible aujourd'hui.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, en tout cas, Jean-Christophe Ruffin considère qu'il ne l'a pas dite et qu'il disait « L'histoire est un clou auquel j'accroche mes romans » , qui est joli aussi. Mais il y a de ça d'ailleurs. Je ne fais que ce qu'il a fait, Dumas, puisque lui a emprunté les trois mousquetaires à un précédent romancier et il a rajouté son génie, son panache.

  • Speaker #0

    On réécrit les mêmes... pas l'impseste depuis toujours. Quand même, là, vous avez l'air de minimiser, mais vous avez dit, dans une interview, que l'exécution de Milady était le plus grand féminicide de l'histoire de la littérature.

  • Speaker #1

    Mais c'est vrai, est-ce que vous en avez un autre aussi affreux que celui-là ? Il l'a tué deux fois.

  • Speaker #0

    Esmeralda, dans Notre-Dame de Paris, c'est avant, c'est en 1831, et Victor Hugo l'a fait, je ne sais plus si elle est brûlée vive, enfin,

  • Speaker #1

    c'est terrible. Il l'a tué deux fois. Parce que, quand même, c'est fort, mais... Et Athos, quand il se rend compte qu'elle porte cette marque, alors qu'il l'a épousée, qu'il pense avoir épousé une jeune femme. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai, il l'a fait pendre.

  • Speaker #1

    Mais c'est pire que ça. Donc, elle tombe de cheval. Il croit avoir épousé une jeune fille pure. Elle n'arrive plus à respirer. Il ouvre ses vêtements. Il découvre la marque sur son épaule. Et là, il est tellement furieux qu'elle ait pu appartenir à un autre homme, etc., qu'il la met à nu et il la pend sans autre forme de procès. il lui demande pas mais ma chérie que s'est-il passé non direct il la pend et on la retrouve quelques années plus tard et là boum il la décapite enfin c'est encore pire qu'Esmeralda oui c'est vrai que c'est moche bah non c'est pas joli

  • Speaker #0

    Est-ce que vous allez revenir au XXIe siècle la prochaine fois ? Oui. Ah, vous avez commencé déjà ?

  • Speaker #1

    Oui, oui. En fait, j'en ai plusieurs en cours, mais là, il y en a un qui prend le dessus.

  • Speaker #0

    Il y a une question que j'avais envie de vous poser, puis en tant que reine de France, prétendant au trône.

  • Speaker #1

    Je vous en prie, posez, posez.

  • Speaker #0

    Vous ne trouvez pas que la République française va assez mal depuis 1789 et que finalement, d'avoir supprimé la monarchie, franchement, ça nous… enfin, on est devenu un peu… Ingouvernable ? Est-ce que vous êtes pour le retour de...

  • Speaker #1

    Alors moi, je ne suis pas du tout monarchiste, parce que malheureusement, en tout cas, si on était dans les prétendants légitimes, je trouve que ce n'est pas très enthousiasmant.

  • Speaker #0

    Dis donc, la patronne de Point de vue dit du mal du comte de Paris ?

  • Speaker #1

    Non, je ne dis pas du mal du comte de Paris. Je dis que, dans ce cas-là, il faudrait une monarchie élective.

  • Speaker #0

    Ah ben, c'est ce qui existe déjà.

  • Speaker #1

    Oui, d'une certaine manière...

  • Speaker #0

    C'est ce qui se passe au palais de l'Elysée. On met un roi qu'on a élu.

  • Speaker #1

    Je trouve... que j'aime bien, alors sans doute me suis-je embourgeoisée, j'aime bien l'idée de mérite quand même, je trouve ça assez sympathique.

  • Speaker #0

    Moi ce que je prône c'est un roi qui est là pour symboliser la permanence de la France, la grandeur de la nation et tout ça, mais qui fait strictement rien. Et il y a un intendant, un premier ministre, qui s'occupe de l'économie, des finances.

  • Speaker #1

    Mais alors comme on est en pleine crise constitutionnelle, je pense qu'il faut que vous... vous soumettiez le sujet. Je pense que c'est franchement... Vous feriez un très bon rédacteur d'un nouveau code civil, d'un nouveau Stéphane Bern. Ah non, moi je vous voyais plutôt constitutionnaliste de haut vol.

  • Speaker #0

    Non, parce que toute l'Europe est monarchique, quasiment. Oui,

  • Speaker #1

    une grande partie.

  • Speaker #0

    Les Anglais, la Hollande, l'Espagne, la Norvège, la Belgique, le Luxembourg, la Suède.

  • Speaker #1

    Oui, ça leur va bien. Mais ce qui est drôle, c'est que, je le sais à travers le journal, le point de vue que je dirige, c'est... C'est une évidence qu'il y a une fascination française pour la monarchie et qu'on n'a pas fait notre psychanalyse de 1789. Il faut tous qu'on se mette sur un divan et qu'on sorte ça de notre système.

  • Speaker #0

    Je pense que le succès de votre roman s'explique aussi pour cette raison-là, une fascination pour la grandeur de la France des

  • Speaker #1

    17e. Il faut se réconcilier avec ça quand même, parce que c'est vrai que c'est un patrimoine magnifique. Ici,

  • Speaker #0

    nous sommes dans un restaurant. qui a ouvert en

  • Speaker #1

    1766. C'est quand même magnifique. Et il faut penser que le monde entier vient en France. Pourquoi ? Aussi pour ça. Donc, on peut peut-être accepter qu'on a fait des choses pas mal dans le passé.

  • Speaker #0

    On va passer au « Je devine tes citations » Adélaïde. Je vais vous lire des phrases tirées de vos œuvres.

  • Speaker #1

    C'est très bizarre.

  • Speaker #0

    Dans quel livre vous avez écrit cette phrase ? « La première chose que je vis d'elle fut sa cheville, délicate,

  • Speaker #1

    nerveuse. »

  • Speaker #0

    Le dernier des nôtres, c'est l'insipide, 2016. Sa cheville délicate, nerveuse, cancérait l'abride d'une sandale bleue. Vous regardez les femmes comme un vieux fétichiste.

  • Speaker #1

    Alors, ce qui m'amuse, c'est que j'avais rencontré quelqu'un qui aime, qui est fou des chevilles des femmes. Et ça m'a beaucoup intéressée. Et là, c'est vrai que je pars dans ce qu'on a appelé longtemps le blason. Cette manière d'en écriver des petits textes sur une partie très précise du corps féminin. Et le fait qu'on aime tellement les chemises, les chevilles, pardon, et les chemises, ça m'a plu.

  • Speaker #0

    Vous savez, vous êtes comme Brigitte Bardot, parce que Brigitte Bardot, on lui demandait ce qu'elle regardait en premier chez un homme et elle répondait sa femme.

  • Speaker #1

    Ça c'est drôle, moi c'est les mains.

  • Speaker #0

    Ah oui, autre phrase de vous, écrire c'est se prostituer, se décaper, se montrer, fourrure, s'exhiber, je continue. Les métaphores, la lingerie fine, les descriptions, le lubrifiant, les aphorismes, les gâteries. Le tout pour 18 euros. Avouez que ça n'est pas cher payé si la passe était bonne. Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Mais enfin. Mais vous avez écrit ça dans votre premier roman qui avait obtenu le prix Sagan en 2016. 2010.

  • Speaker #1

    C'était longtemps.

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est un personnage qui s'exprime. Ce n'est pas vous. C'est un personnage.

  • Speaker #1

    Ce qui est drôle, c'est que comme tout le monde est dans l'autofiction, les lecteurs venaient me voir. C'est l'histoire d'une fille de Madame Claude. Ils étaient un peu consternés en disant « Vous avez été obligés de faire ça pour payer vos études ? » Je leur disais « Mais ce n'est pas moi du tout ! » Ils étaient très embêtés pour mon parcours.

  • Speaker #0

    Cela dit, quand vous dites qu'écrire, c'est séduire, c'est vrai. Quand vous écrivez, on sent que vous voulez plaire.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, moi, j'ai envie d'embarquer les gens avec moi.

  • Speaker #0

    Il se passe des choses.

  • Speaker #1

    J'ai envie qu'il se passe des choses. J'ai envie de leur donner du plaisir. J'ai vraiment envie de donner du plaisir de lecture. Et je trouve que c'est souvent mépriser le plaisir de lecture. C'est-à-dire, quand il y a du plaisir, c'est comme si ce n'était pas très bien. C'est suspect. C'est suspect. Il faut être chiant. Ça ne doit pas être de la bonne littérature parce que c'était trop bien. Je ne suis pas très convaincue que ce soit vrai.

  • Speaker #0

    Vous n'êtes pas assez ennuyeuse. Je vous le reproche.

  • Speaker #1

    Je vais m'appliquer pour le prochain.

  • Speaker #0

    Une autre phrase de vous. Truffaut, pour elle. c'est une jardinerie.

  • Speaker #1

    Je me suis amusée avec ça. Oui, ça, c'est dans Les jours heureux.

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    vous voyez que vous vous souvenez de tout. Oui, en fait, je me souviens.

  • Speaker #0

    Parce qu'avant l'émission, Adélaïde disait mais moi, je ne vais pas y arriver. C'est trop difficile. Je suis amnésique.

  • Speaker #1

    J'oublie beaucoup de choses de mes livres.

  • Speaker #0

    Mais non, Les jours heureux 2021. Alors, le problème de cette blague, donc Truffaut, c'est une jardinerie, c'est qu'il faut connaître le cinéaste et le magasin. Ma jardinerie. Et je pense que les jeunes qui nous regardent ne connaissent ni l'un ni l'autre.

  • Speaker #1

    À vous penser. Mais vous, vous avez compris.

  • Speaker #0

    Cela dit, c'est vrai que... Une chose qui m'avait frappé dans Fourrure et puis dans les suivants aussi, vous aimez la satire et vous êtes assez méchante. Vous êtes plus méchante finalement à l'écrit qu'à l'oral. Là, vous êtes tout à fait charmante, mais quand vous écrivez, la langue de vipère...

  • Speaker #1

    Il y a des moments, c'est très drôle. On ne peut pas s'empêcher quand même d'avoir envie de croquer. Oui, oui, j'aime bien.

  • Speaker #0

    Vous défoulez à l'écrit. Tout ce que vous ne pouvez pas dire dans votre journal, vous le mettez dans vos livres.

  • Speaker #1

    Oui, c'est peut-être ça en fait.

  • Speaker #0

    Une autre phrase. Attention, il y a un piège. Ah. Le 24 février 1815, la vigie de Notre-Dame de la Garde signala le trois mâts le pharaon venant de Smyrne, Trieste et Naples.

  • Speaker #1

    Ça, c'est pas du tout moi.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Pourquoi je la connais ?

  • Speaker #0

    Vous la connaissez par cœur.

  • Speaker #1

    Je la connais par cœur.

  • Speaker #0

    C'est Alexandre Dumas. Ah, mais voilà. Mais le piège, c'est que c'est l'insipide du conte de Montecristo.

  • Speaker #1

    Ah mais oui, c'est ça, bien sûr. C'est une phrase sublime. C'est magnifique.

  • Speaker #0

    Parce que là,

  • Speaker #1

    il y a un souffle. Déjà, il crée un monde en une dizaine de mots.

  • Speaker #0

    Je trouve que c'est même du même niveau que le début de Salambo.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai. C'était à Mégara, au bord de Carthage,

  • Speaker #1

    dans les jardins d'Amica. Et on a les parfums, les épices, et ça y en est parti.

  • Speaker #0

    Une autre phrase, cette fois vraiment de vous. Vous avez reçu à la naissance le don de la beauté. C'est une chose merveilleuse si vous le confiez à Dieu, c'est dans le dernier, si vous le confiez à Dieu ou à un être digne de vous, mais elle peut devenir une malédiction. Donc vous pensez que la beauté peut être une catastrophe ?

  • Speaker #1

    Ah je pense que pour... il y a des femmes sublimes et je pense que ça peut être une malédiction pour elles parce qu'on ne voit plus que ça. Et on oublie complètement leur intériorité et ça devient un écran qui casse tout, mais comme la célébrité, comme tout ce qui... qui interdit l'accès à qui on est vraiment. Et je m'y intéressais déjà dans « Les jours heureux » , j'ai ce personnage d'une influenceuse que tout le monde prend pour une sombre idiote parce qu'elle est magnifique et qui se révèle justement peut-être une garce un peu à la milady. Et je trouve que oui, la beauté peut être une malédiction.

  • Speaker #0

    Dans « Je voulais vivre » , il y a cette question qui revient plusieurs fois. Elle doit prouver qu'elle a un cerveau.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et puis cette malédiction dont vous parlez, c'est peut-être aussi que vieillir.

  • Speaker #1

    C'est perdre ce pouvoir. C'est tout perdre, exactement. C'est pour ça, moi, toutes les femmes qui travaillent avec leur beauté, les femmes des magazines, etc., je trouve ça... C'est-à-dire que vieillir n'est pas facile pour personne. Je trouve ça d'une cruauté encore plus difficile quand en plus vous perdez votre travail d'une certaine manière. Nous, écrivains, on peut devenir très vieux, très laid, très longtemps. Ça ne nous empêchera pas d'écrire. La preuve ! Vous cherchez le compliment, Frédéric, c'est pas bien.

  • Speaker #0

    Je développe alors encore dans... C'est encore dans Je voulais vivre. Tu me reproches la légèreté qui t'a séduit. Dans une lettre, Milady, vous faites dire ça à Milady. Tu me reproches la légèreté qui t'a séduit. Ça, ça m'a touché parce que... Comment dire ?

  • Speaker #1

    On vous a reproché votre légèreté.

  • Speaker #0

    On a tous vécu ça, j'ai l'impression.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça me fait toujours... Ça me trouble toujours dans les couples. Les couples qui se mettent à détester les raisons exactes pour lesquelles ils sont tombés amoureux. Et je ne comprends pas ça. Et c'est vrai qu'on met un certain temps, ça vient avec la maturité, de se dire qu'on ne changera jamais quelqu'un. Jamais, jamais, au grand jamais, on change quelqu'un. Et continuons de les aimer pour tout ce qui nous a attirés au départ. Oui.

  • Speaker #0

    Alors là, elle meurt à quel âge, Milady ? 25 ans. Oui, c'est ça qui est dingue. Oui.

  • Speaker #1

    Mais ça n'a dérangé personne. Non,

  • Speaker #0

    mais du coup, elle reste toujours...

  • Speaker #1

    Ah ben, éternellement belle.

  • Speaker #0

    Éternellement, ce personnage...

  • Speaker #1

    Mais ce qui est drôle si vous regardez, c'est que Milady a très très souvent été...

  • Speaker #0

    choisie en brune. Alors qu'en fait, dans le texte de Dubas, elle est blonde. Elle a une beauté très pure, très classique.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que vous êtes intéressée à elle.

  • Speaker #0

    C'est narcissique. Ah, mais non, pas du tout. Parce que ma première héroïne Zita, que j'aime profondément, est une magnifique brune.

  • Speaker #1

    Vous avez préféré quelle actrice dans le rôle de Milady ? Je vous donne une liste. Eva Green en 2023, Mila Jovovich en 2011, Faye Dunaway en 1973, Mylène de Mongeau en 1961. ou Lana Turner en 1948 ?

  • Speaker #0

    Alors moi, ce serait un mélange de Lana Turner et Eva Green, parce qu'Eva Green a quand même ce magnétisme. Et puis moi, elle m'a inspirée depuis mon premier livre Fourrure, l'héroïne s'inspire d'Eva Green et de Charlotte Rampling.

  • Speaker #1

    Donc froide, un peu plus froide.

  • Speaker #0

    Froide, très mystérieuse, avec une présence très forte. Elle a, oui, cette beauté fatale, même si justement, je ne vais pas que vers la fatalité.

  • Speaker #1

    Merci infiniment. Alors, on passe au questionnaire du WBD. Il faut faire des réponses courtes, s'il vous plaît.

  • Speaker #0

    Je vais essayer.

  • Speaker #1

    Vous aimez les romans virevoltants. Longs.

  • Speaker #0

    Vous êtes ennuyé peut-être.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout. Alors, on y va. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Si c'est une fille, parce qu'elle apprendra à dire non, à dire oui si elle a vraiment envie, à se défendre. Et si c'est un garçon, il apprendra ce que c'est que des préliminaires.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire, chat GPT ?

  • Speaker #0

    Des mojitos aux fruits de la passion.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'il ne sait pas. Ben non. Il peut vous donner la recette.

  • Speaker #0

    Oui, mais il ne pourra pas vous le faire. Mais non, non.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en l'écrivant que votre livre ne serve à rien ?

  • Speaker #0

    Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès. C'est encore plus beau lorsque c'est inutile.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est Cyrano, ça. Oui. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Oui, ah oui, vraiment.

  • Speaker #1

    Ça alors ! Vous êtes la première à me dire oui depuis que je pose cette question.

  • Speaker #0

    Moi je pense vraiment qu'un écrivain doit être gentil. Je pense qu'il a un pouvoir de blesser, de salir, de détruire, et je pense qu'il a le pouvoir exactement inverse et que c'est celui-là qu'il faut utiliser.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    La solitude parce que ça m'arrive tellement rarement. J'aime vraiment la solitude.

  • Speaker #1

    Ça donne une excuse, en fait, pour dire aux gens d'aller nous foutre la paix.

  • Speaker #0

    Je me rappelle d'un grand écrivain qui disait « être écrivain, c'est dire non du matin jusqu'au soir » . C'est vrai.

  • Speaker #1

    Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    J'ai essayé, c'était nul. Ah bon ? C'était complètement raté. Ça allait un peu mieux avec la vodka, mais quand même, c'était pas…

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce que c'est un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense vraiment que c'est un bien nécessaire. Il y a tellement de livres. Il y a tellement de livres qui ont déjà été publiés dans l'histoire et tellement de livres qui sortent chaque année. Moi, j'ai vraiment envie qu'on m'emmène vers des livres que je n'aurais pas été chercher toute seule, en fait.

  • Speaker #1

    Mais les critiques sur vous, par exemple, elles vous apprennent des choses ? Oui. Là, vous avez beaucoup de bonnes critiques, de compliments.

  • Speaker #0

    Oui, alors je crois plus aux critiques quand elles sont bonnes. Quand elles sont mauvaises, c'est un peu comme l'horoscope, vous voyez. On y croit quand c'est bon, puis quand c'est pas bon, on passe.

  • Speaker #1

    Fantasmez-vous sur J.D. Salinger, comme moi, qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Moi, j'aime beaucoup les interviews, mais comme je suis journaliste, j'aime encore plus quand c'est moi qui pose les questions.

  • Speaker #1

    Un roman doit-il réparer le monde ? Ça, c'est, je trouve, ma question la plus con. Non,

  • Speaker #0

    non, moi, je trouve ça très vrai. Oui. Alors, oui.

  • Speaker #1

    En fait, vous êtes vraiment... Oui, oui, je vois. Mais vous, vous êtes vraiment une feel-good, quoi. Vous êtes une feel-good. Non,

  • Speaker #0

    je ne suis pas une feel-good. Moi, j'écris. J'écris pourquoi ? parce que le monde me blesse. Parce qu'il y a quelque chose dans le monde qui ne me plaît pas, dans l'être humain qui ne me plaît pas. J'ai envie de faire quelque chose de…

  • Speaker #1

    Que dans votre monde à vous, au moins…

  • Speaker #0

    Je m'échappe. Je m'échappe. Alors, il y a des scènes très violentes. Il y a toute la fureur de l'être humain aussi dans mes livres. Mais c'est moi qui la contrôle, donc je préfère.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'œuvre ?

  • Speaker #0

    Le prochain.

  • Speaker #1

    Êtes-vous une ouin-ouin ? Alors, pas du tout. Je ne crois pas.

  • Speaker #0

    Ah non, je n'aime pas les ouin-ouins. Non, vraiment, je n'aime pas ça. On a beaucoup de chance tous.

  • Speaker #1

    Vous n'aimez pas vous plaindre ? Vous n'aimez pas les auteurs qui se lamentent ?

  • Speaker #0

    Ah non, mais par exemple, Chateaubriand, pendant tout un moment, Attala, je n'en pouvais plus. Ah non, ça me fatigue.

  • Speaker #1

    Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Moi, je ne crois pas que ce soit de mentir. Je pense que le but de la littérature, c'est d'embellir, pas de mentir.

  • Speaker #1

    Ils avaient vraiment une fixette sur la positivité. C'est bien.

  • Speaker #0

    Alors, pas que positif, mais en tout cas, oui.

  • Speaker #1

    C'est rare dans mes invités. C'est ça. J'invite que des pessimistes, des astreux.

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose auquel je pense que ça m'a marqué. Romain Garry, dans Pour Osganarelle, il écrit « La botte du réel a écrasé les écrivains » . Moi, avec l'imagination, j'ai envie de soulever le poids de cette botte.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que... que quand on dit à un écrivain que c'est le meilleur écrivain, on le tue. Ça y est, il est lyophilisé, donc je n'ai pas envie de tuer les gens que j'aime.

  • Speaker #1

    Si vous étiez très riche, continueriez-vous d'écrire ?

  • Speaker #0

    Je crois que j'écrirais beaucoup plus, parce que j'aurais plus de temps.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fière ?

  • Speaker #0

    Les textos que j'envoie à mon mari.

  • Speaker #1

    Avez-vous... Je n'arrive pas à lire mes questions.

  • Speaker #0

    Vos questions ? Oui.

  • Speaker #1

    Non, la question Farnell 451. Imaginons un monde où les livres seraient interdits. Quel livre seriez-vous prête à retenir par cœur pour le sauver ?

  • Speaker #0

    Alors, justement, quelque chose qui n'est pas ouin ouin du tout. Candide, de Voltaire. Je reste sur la ligne optimiste. Très bien. Et voilà.

  • Speaker #1

    Encore que c'est un livre qui critique beaucoup de choses. Ah oui,

  • Speaker #0

    et puis il y a des scènes apocalyptiques. de guerre épouvantable.

  • Speaker #1

    Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. C'est évidemment une antiphrase. Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?

  • Speaker #0

    Il ne m'a peut-être pas sauvé la vie, mais il m'a beaucoup aidée. C'est le fameux livre L'année de la pensée magique, John Didion. Elle écrit ça en ayant perdu son mari. Sa fille est en très mauvais état de santé, semi-mourante. Elle écrit ce livre incroyable sur le deuil. Je le donne aux gens qui perdent quelqu'un.

  • Speaker #1

    C'est sublime. Quel est votre âge mental ? 7 ans. C'est l'âge de raison.

  • Speaker #0

    Oui, tout juste. Merci beaucoup Adélaïde de Clermont-Tonnerre.

  • Speaker #1

    Je vous remercie infiniment. Je vous ordonne à tous de lire « Je voulais vivre » aux éditions Grasset. Abonnez-vous, likez, faites plein de trucs avec vos doigts sur vos téléphones pour que vous receviez les prochaines conversations prioritairement. Et puis vous pouvez aussi commenter. m'insulter en allemand, allez-y, lâchez-vous. Si vous voulez sponsoriser Conversations chez la Pérouse, allez sur l'adresse conversationschezlaperouse.com C'est vraiment facile à retenir. Comme ça, ça permettra de payer mes frais de costume, de champagne, la drogue d'Adélaïde de Clermont-Tonnerre, etc. Et surtout, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot. C'est vrai. Bonsoir.

  • Speaker #0

    Bonsoir.

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Description

Cette semaine, je reçois la patronne de "Point de vue" pour parler de son roman sur Milady de Winter, la femme fatale des "Trois Mousquetaires". On parle très librement de son corps marqué au fer rouge, de son exécution capitale à 25 ans, de sa mère assassinée, du retour de la monarchie en France et du nombrilisme qui domine la littérature française au 21e siècle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ça rec ! Non mais parce que je suis entouré de techniciens qui disent ça rec au lieu de ça enregistre, voilà je suis navré. Bonsoir à tous, bienvenue Majesté Adélaïde de Clermont-Deners. Je vous en prie Frédéric,

  • Speaker #1

    je suis ravie d'être avec vous.

  • Speaker #0

    Vous êtes normalienne, romancière, auteure de quatre romans et vous dirigez aussi la revue Point de vue. Absolument. Toujours hein ? Oui, Et vous êtes donc l'auteur de « Je voulais vivre » en cette rentrée qui figure sur la première liste du prix Renaudot. « Je voulais vivre » aux éditions Grasset. Et il y a un sous-titre intéressant qui est sur le bandeau mais qui est aussi à l'intérieur. « Milady n'est pas une femme qui pleure, elle est de celle qui se venge. » Pourquoi avez-vous eu envie de rajouter ce sous-titre ?

  • Speaker #1

    Parce que ça c'est une phrase qui vient de Dumas. et ça montre la vengeance c'est le thème du Mazien par excellence on pense tous évidemment à Monte Cristo qui est écrit la même année que les trois mousquetaires dont est issue ma méchante affreuse Mélédie et il a cette phrase en disant Mélédie n'est pas une femme qui pleure,

  • Speaker #0

    elle est de celle qui se venge et j'ai voulu du coup reprendre parce que c'est tout le thème de mon livre parce qu'en même temps vous en faites quand même une victime alors elle pleure pas mais dans les trois mousquetaires Mélédie de Winter C'est la méchante, mais toujours décrite comme une espionne, qui joue double, triple jeu, mais on passe assez vite sur son enfance.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'on ne passe pas du tout sur son enfance, personne n'en parle, on ne va quasiment pas dans sa psychologie, elle parle très peu. Il y a un moment incroyable où on rentre un peu dans sa tête, c'est quand elle est enfermée à Londres. tenue par un gardien qui s'appelle Felton. Et il y a une scène de manipulation chez l'humain incroyable où elle va retourner ce gardien qui est très prude, très puritain et l'envoyer assassiner le duc de Buckingham. Sinon, rien. On ne dit pas un mot de ce qu'elle pense, d'où elle vient. Et donc, je me suis dit comment on fabrique la plus grande méchante de la littérature française.

  • Speaker #0

    Et vous, vous le dites et vous expliquez pourquoi. Quel est son moteur ? C'est qu'elle a été abusée dans son enfance, enfin dans son adolescence.

  • Speaker #1

    Elle a été victime d'un crime terrible dans son enfance, sa mère et sa nourrice sont assassinées, et elle est abusée dans son adolescence, puisque le moment où je me rends compte qu'il faut que j'écrive cette histoire, c'est en écoutant une version très simplifiée pour enfants des Trois Mousquetaires, et j'entends cette phrase, Milady qui a 15 ans à peine, cette perverse. à détourner un prêtre du droit chemin. C'est un peu difficile à notre époque de se dire que tout ça est parfaitement normal.

  • Speaker #0

    C'est la faute de Milady. C'est peut-être la faute du prêtre.

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est partagé, je pense, à minima.

  • Speaker #0

    Donc, est-ce qu'on peut dire que Je voulais vivre est une réécriture des Trois Mousquetaires version néo-féministe, woke ? Alors,

  • Speaker #1

    pas du tout. En fait, moi, j'aime passionnément Dumas. Dumas, il a été très méprisé. Là, maintenant, tout le monde aime Dumas. C'est merveilleux. Il y a des millions de gens qui lui font... Il y a des films.

  • Speaker #0

    Il y a toujours eu des films.

  • Speaker #1

    Oui, c'est l'œuvre la plus adaptée, réadaptée en BD, en cinéma, enfin bref, tout. Mais il restait une chose à raconter quand même. Et c'est vrai que dans Dumas, le personnage de Milady, il est à peine esquissé. Elle a pourtant traversé les siècles et la littérature. C'est un personnage que tout le monde connaît et on ne sait rien d'elle. Et moi, je me suis dit au fond, je vais rentrer. Dumas, c'est le premier showrunner de l'histoire. Il invente la série télévisée, il fait travailler des auteurs. en atelier. Donc, je me suis dit, je vais me glisser dans l'atelier d'écriture de Dumas. Je deviens une de ses auteurs et moi, je raconte peut-être un point de vue féminin. Mais ce n'est pas woke parce que je ne vais pas contre son texte. Je prends les blancs.

  • Speaker #0

    Quand même, vous avez l'air d'insinuer que Dumas avait regardé Milady avec un male gaze. Vous voyez ? Ah ben,

  • Speaker #1

    il la désire.

  • Speaker #0

    Ah ben, énormément. Elle est désirable. C'est une héroïne ultra sexy.

  • Speaker #1

    Ah ben, elle est très sexy. et elle aime les hommes. Donc, pour une féministe furibarde, elle aime quand même vraiment les hommes. Elle a des histoires d'amour, elle suscite le désir et elle en éprouve. Et la seule chose que je fais, c'est que dans Dumas, elle est un objet. Elle sert pour l'intrigue, elle sert effectivement d'objet de désir, elle sert pour provoquer des sentiments. Là, j'en fais un sujet.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et alors, elle a changé de nom beaucoup de fois. Elle s'est appelée Anne de Breuil, Charlotte Baxon, la comtesse de l'affaire quand elle a épousé Athos. Et Lady Claric, c'est une...

  • Speaker #1

    Ah bah oui, c'est-à-dire que quand on est jeune fille et qu'on regarde des exemples dans la littérature, il y a quand même pas mal de potiches. Cette méchante-là, au moins, elle est intelligente, Richelieu l'écoute, elle arrive à finalement faire son chemin avec quatre hommes contre elle qui sont quand même des gens très forts, très puissants. Donc moi, ça m'a plu quand même qu'elle soit capable de tout ça, parce que c'est bien les femmes sacrifiées. Alors moi, quand je suis petite, je veux être Constance, je veux être la gentille, la compagne de D'Artagnan, elle est toute lisse, elle est bien coiffée, elle est sacrifiée.

  • Speaker #0

    La Constance Bonacieux se fait assassiner par qui ?

  • Speaker #1

    Parmi les dix. Mais elle le regrette quand même. Elle s'en veut beaucoup.

  • Speaker #0

    Vous aviez répondu à la question que je vous ai posée précédemment sur est-ce que vous corrigez le chef-d'oeuvre de Dumas. Vous avez répondu à la fin du livre. Je vous demandais de lire votre réponse.

  • Speaker #1

    Vous avez raison. Autre temps, autre meurtre, je ne révise pas, je n'accuse pas non plus, je me glisse dans les blancs de ton texte. Je m'adresse à Dumas. dans les angles morts et j'invite ceux qui, comme moi, sont épris de justice à ouvrir les yeux et les oreilles, à renverser l'illusion pour voir les faits nus. Si vous y prêtez attention, Anne a laissé sa marque partout. Derrière le costume de Milady, j'entends battre le cœur d'une petite fille, puis d'une jeune femme pleine de force et d'idéal. Descendez de cheval, posez votre épée, écoutez. Sa voix sous les orgues chrétiennes et les orchestres viriles, je l'entends. Elle est claire, elle est déterminée. sa voix de femme au temps des hommes.

  • Speaker #0

    Une femme au temps des hommes, ça c'est une belle formule qui clôt votre roman. Il y avait quand même un précédent. Moi, je n'ai pas détesté Angélique Marquise des Anges. Moi aussi,

  • Speaker #1

    j'ai couru avec elle derrière Geoffrey.

  • Speaker #0

    Mais oui, c'était un roman écrit par une femme, Anne Gollon. Et alors, est-ce que c'est une référence pour vous ? Parce qu'elle est quand même très érotique aussi, Angélique.

  • Speaker #1

    Ah bah oui, on a tous été, je crois que des générations ont été marquées. marquée par quand elle est vendue au marché aux esclaves et qu'on dénude sa poitrine. C'était torride.

  • Speaker #0

    Je n'osais pas en parler.

  • Speaker #1

    Mais je l'ai fait.

  • Speaker #0

    Mais Milady, quand elle est marquée au fer rouge avec une fleur de lys à l'épaule, eh bien oui, mais pour les enfants pervers, pour les adolescents un petit peu bizarres.

  • Speaker #1

    Mais vous n'avez aucune empathie.

  • Speaker #0

    Non, je peux vous dire, je peux vous citer beaucoup de mes amis écrivains qui ont fantasmé sur le fait de marquer au fer rouge. C'est un côté un peu sadomaso, quoi.

  • Speaker #1

    Ah oui, alors moi, je n'ai pas du tout ça en moi. Je me suis sentie vraiment très attristée pour elle,

  • Speaker #0

    mais tardivement.

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est une injustice,

  • Speaker #0

    ça. Pourquoi on la marque ?

  • Speaker #1

    Elle est marquée au fer rouge, sans aucun jugement, parce que le bourreau, qui est le frère du prêtre qui a détourné la jeune fille perverse de 15 ans, a décidé qu'il devait venger son frère, parce qu'elle l'a laissé tomber, c'est vrai. Enfin, est-ce qu'on marque au fer rouge toutes les femmes qui vous ont quittées ? Qui vous quittent ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    C'est problématique.

  • Speaker #0

    Ça ne se fait pas. plus, ça ne se fait plus, Dieu merci ça s'est beaucoup fait mais maintenant ça ne passe plus un autre auteur aussi auquel j'ai pensé en vous lisant c'est Jacques Laurent avec sa série des Caroline Chéry alors ça je n'ai jamais lu c'était un peu comme ça ? oui c'était aussi une femme qui fait tomber tous les mecs et puis il y a des cavalcades et puis il y a des rebondissements et on sent que vous vous êtes beaucoup amusé à pasticher le style de Dumas alors je me suis amusé beaucoup parce qu'il m'a fait découvrir le plaisir de lecture

  • Speaker #1

    Moi, j'ai passé un été entier où, comme je n'avais aucun autre livre, j'ai lu la trilogie de Dumas, de la première ligne à la dernière ligne. Et dès que j'avais fini, je recommençais pendant deux mois. Je n'avais pas d'autres livres. Et j'aime profondément ce goût de l'aventure, ce souffle. Et puis, il est très humain, c'est très charnel. Et en même temps, j'ai voulu écrire avec une langue qui reste contemporaine. C'est-à-dire, je me suis dit, je ne vais pas singer la langue du XIXe qui singe elle-même la langue du XVIIe. et donc j'ai coloré de mots,

  • Speaker #0

    de modernité,

  • Speaker #1

    mais j'ai voulu le traiter de façon... Parce qu'elle est très contemporaine, il est dit.

  • Speaker #0

    Dans mon dictionnaire des écrivains vivants, où vous êtes... Ça,

  • Speaker #1

    c'était un grand honneur d'être en mode dictionnaire.

  • Speaker #0

    Vous savez que je l'avais prédit que vous alliez écrire... Oui, écoutez, je... Non,

  • Speaker #1

    mais vous êtes visionnaire.

  • Speaker #0

    À propos de votre troisième roman, Les jours heureux, publié en 2021. Voici ce que j'écrivais. Par une construction à droite et une écriture pressée, toujours en quête du mot juste et tranchant, Madame de Clermont-Tonnerre emballe une cavalcane Une cavalcade pleine de charme à la Dumas. Je parle du roman précédent.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est extraordinaire.

  • Speaker #0

    Donc j'avais prédit que vous alliez faire du Dumas. C'était prévu.

  • Speaker #1

    Ah mais vous voyez tout.

  • Speaker #0

    Non, ou alors vous m'avez obéi.

  • Speaker #1

    Ah mais c'est ça en fait. C'était une injonction et je l'ai suivi.

  • Speaker #0

    Voilà, bon, non, non, pas du tout.

  • Speaker #1

    Et je me suis aperçue d'ailleurs que je citais Milady dans mon tout premier livre. Ah oui, Fourrure ? J'avais oublié, oui.

  • Speaker #0

    C'est votre premier roman historique. Oui. Les précédents étaient plutôt des tableaux contemporains, donc Fourrure...

  • Speaker #1

    Pas le dernier des nôtres, il y avait un peu d'histoire avec la seconde... Oui, c'est ça, c'était récent, c'était plus facile. Voilà,

  • Speaker #0

    voilà. Non, non, mais quel a été le déclic qui vous a donné envie de remonter 300 ans en arrière ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne sais pas quelle folie m'a prise, parce que c'est très compliqué.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr !

  • Speaker #1

    J'ai souffert à chaque ligne. Je me suis posé des questions tout le temps, parce que l'histoire récente, on a quand même... n'ont pas des souvenirs, mais enfin, c'est plus facile. Là, je me dis, mais alors, elle porte une robe de velours vert. Mais est-ce que ça existe, le velours ? Est-ce qu'elle aurait les moyens de se l'acheter ? Quand je mets des légumes dans son assiette, je me dis, mais est-ce qu'ils sont déjà arrivés d'Amérique ? Quand je me lance dans une histoire, une petite scène d'amour, je dis, elle défait le bouton de sa boutonnière. Et là, j'ai un flash, je me dis, mais il n'y a pas de bouton, il n'y a pas de boutonnière, c'est des lacets. Ça a été un cauchemar. Mais c'était bien aussi.

  • Speaker #0

    Mais vous avez dit que vous ne voulez pas pasticher le style de Dumas. En revanche, c'est vrai que vous êtes beaucoup documenté.

  • Speaker #1

    non seulement en relisant j'imagine plusieurs fois les Trois Mousquetaires encore oui alors je les connaissais très très bien parce que comme je les avais lus quand même tout un été pendant voilà mais je les ai relus et j'ai relu des biographies et j'ai relu et je m'amuse aussi avec les vrais personnages historiques c'est-à-dire que Buckingham chez Dumas c'est le héros romantique viril qui fait tomber la reine de France elle est folle de lui en vrai c'était ... l'amant du roi Jacques Ier, et il doit toute son ascension et tous ses titres au fait qu'il avait un certain talent amoureux.

  • Speaker #0

    Et alors la construction ici est intéressante, c'est que vous avez fait témoigner, en quelque sorte, pas mal de proches de Milady, dont d'Artagnan à la fin de sa vie, et puis d'autres comme ça. C'est une construction qu'il y avait dans un livre de Françoise Chandernagore qui était sur Louis XVII.

  • Speaker #1

    Ah, c'est drôle.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si vous vous souvenez de celui-là.

  • Speaker #1

    Celui-là, non. J'en ai lu pas mal de François Chandernagor, beaucoup, mais celui-là, je ne l'ai pas lu.

  • Speaker #0

    Donc, tous les grands personnages de sa vie s'expriment sur elle. Et ça, c'est la journaliste en vous qui a voulu faire comme une sorte de reportage.

  • Speaker #1

    Oui, ou l'avocat raté, je ne sais pas. Mais je me suis dit, d'une certaine manière, je rouvre le cas Milady. C'est un cold case. Et donc, j'avais envie de recréer un peu cette idée d'un jugement.

  • Speaker #0

    Comme dans un procès.

  • Speaker #1

    Comme dans un procès, parce que le livre s'ouvre sur une scène célèbre de l'humain, qui est ce procès,

  • Speaker #0

    ce simulacre de procès,

  • Speaker #1

    dix hommes qui la jugent, deux d'entre eux ont été en plus, l'un son mari, l'autre son amant, donc ils sont évidemment d'une objectivité totale. Elle n'a pas d'avocat, on ne l'entend même pas se défendre. Et donc j'ai eu envie d'apporter...

  • Speaker #0

    Un vrai procès avec vous comme avocate de la défense. Mais je pense quand même que si elle avait eu un procès, Avec tous les gens qu'elle a tués, elle aurait quand même fini par être exécutée, vous ne croyez pas ?

  • Speaker #1

    Moi, je ne suis pas sûre. Justement, parce que quand on regarde...

  • Speaker #0

    Elle empoisonne Constance Bonacieux qui ne lui a rien fait.

  • Speaker #1

    Elle a juste empoisonné Constance. C'est vrai, ça c'est le plus problématique, je suis d'accord. Ce n'est pas cool. Non, ce n'est pas cool, c'est le plus problématique. En même temps, Constance, je pense qu'elle est plus compliquée que ce qu'on imagine. Oui,

  • Speaker #0

    alors vous avez une théorie dans votre livre. Vous dites que Constance était peut-être une espionne, comme Milady.

  • Speaker #1

    Mais oui, parce que quand vous regardez le texte de Dumas, donc Constance est censée être adorable, la maîtresse de D'Artagnan, mais enfin, c'est une lingère qui est très jolie et intelligente et qui épouse quand même un espèce de benêt qui n'a aucun intérêt et qui devient en très peu de temps la confidente préférée de la reine Anne d'Autriche. C'est quand même bizarre.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est bizarre.

  • Speaker #1

    C'est bizarre.

  • Speaker #0

    Oui, comment cette ascension s'explique ? Voilà,

  • Speaker #1

    et de surcroît, elle est quand même... proche de la fameuse Marie de Roran, qui était la plus grande intrigante. C'est une véritable personnage historique qui est aussi dans Dumas, qui deviendra par la suite la mère du vicomte de Brajlon. Et on peut se poser des questions sur Constance. Donc, est-ce que c'était un affrontement d'espionnes ? Ce n'est pas exclu. J'ai pensé à faire une scène de combat de boue et puis j'ai renoncé.

  • Speaker #0

    C'est dommage.

  • Speaker #1

    Mais ça aurait pu être pas mal.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il va y avoir un... Un projet d'adaptation au cinéma de Je voulais vivre ?

  • Speaker #1

    Ça, je ne sais pas du tout.

  • Speaker #0

    Pas encore ?

  • Speaker #1

    Ça m'amuserait beaucoup, évidemment, mais je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Ce serait génial, une version wokiste des Trois Mousquetaires.

  • Speaker #1

    Oui, parce que quand même, il y a des beaux portraits. J'essaye de faire des beaux portraits d'hommes. On aime les hommes dans ce texte aussi. C'est-à-dire que ce n'est pas contre les hommes. Et même d'Artagnan, quand on le trouve dans les Trois Mousquetaires, il est à l'âge des certitudes. Il est jeune. Il a tout vu, tout lu, tout bu. Il a tout compris. Et puis, quand on le retrouve dans mon livre, beaucoup plus vieux, au moment du siège de Maastricht, où on sait qu'un peu plus tard, il perdra la vie, il est à l'âge des doutes. Et je trouve ça beau aussi. Un homme qui a eu son parcours et qui se met à se poser des questions.

  • Speaker #0

    Lui-même, d'ailleurs, culpabilise un peu d'avoir jugé un peu rapidement Milady. Et puis, il a quand même couché avec elle. Ah ben oui,

  • Speaker #1

    il était très... Pendant que Constance était emprisonnée. Donc bon, la Constance, elle a quand même... Bon, oui, enfin c'est... Voilà.

  • Speaker #0

    Quand même, vous n'aimez pas les femmes fatales ? Dans les romans, c'est extraordinaire les femmes fatales. Pourquoi vouloir en faire une traumatisée ?

  • Speaker #1

    Elle n'est pas qu'une victime. Elle a quand même un sacré tempérament. Elle se bat, elle se défend. Elle décide de prendre finalement des outils d'homme à une époque où elle n'aurait pas eu le droit de s'en emparer.

  • Speaker #0

    Dans ce sens-là, peut-être que Les Trois Mousquetaires, version Dumas, est un roman féministe.

  • Speaker #1

    Oui, mais totalement. Mais c'est le premier à nous faire une personnalité forte. Parce que sinon, on n'a pas...

  • Speaker #0

    Elle est puissante, elle est dangereuse.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Moi, elle m'a beaucoup plu. Et elle se bat ? Oui. Elle reste puissante, elle reste dangereuse, mais elle devient... À mon sens, une femme. C'est-à-dire que là, chez Dumas, on a une esquisse. On a l'archétype de la méchante. Moi, j'avais envie qu'elle ait une peau, un parfum, des failles, une enfance. Qu'on sache ce qu'il y a derrière. J'ai juste voulu la déployer, en fait.

  • Speaker #0

    Vous avez donc écrit trois romans contemporains. Et puis là, vous avez lancé dans cette saga historique. Est-ce que c'est aussi... une déclaration de guerre au nombrilisme de la littérature actuelle, parce que vous n'aimez pas, vous n'avez jamais écrit d'autobiographie, et là il y a tout le temps de l'action, des dialogues. Non mais c'est vrai que c'est peut-être un manifeste aussi pour une certaine littérature dumasienne ?

  • Speaker #1

    Alors d'une certaine manière je pourrais dire c'est vrai, un manifeste, c'est pas faux, parce qu'en tout cas moi depuis mon premier livre, j'essaye d'écrire les livres que j'aime lire en fait. Et j'aime profondément les livres romanesques. Je trouve qu'il y a eu un grand mépris pendant un moment, là aussi, du roman. On a eu avec le néo-roman, il ne fallait plus avoir de personnages. Ensuite, c'était nul de raconter des histoires. Et puis, on a en ce moment, il y a des très beaux textes d'autofiction. Vous en avez écrit aussi des très beaux. Des chefs-d'œuvre. Mais des chefs-d'œuvre, absolument. Je pourrais les réciter dans le texte.

  • Speaker #0

    C'est quelque chose que vous ne ferez jamais ?

  • Speaker #1

    Il ne faut jamais dire jamais, parce que dès qu'on dit jamais, en fait, on se retrouve à faire exactement ce qu'on avait dit qu'on ne ferait pas.

  • Speaker #0

    Donc, je précise à la famille de Clermont-Tonnerre, vous pouvez être inquiets,

  • Speaker #1

    vous pouvez vous inquiéter. Il y a un moment où le tabou... Il y a un moment où ça va sortir,

  • Speaker #0

    elle va tout dire. Oui. Elle va détruire cette famille.

  • Speaker #1

    Ça va être terrible.

  • Speaker #0

    Non, mais c'est vrai que c'est toujours une mauvaise nouvelle dans une famille quand il y a un écrivain.

  • Speaker #1

    D'une certaine manière, c'est dangereux. Un écrivain est dangereux, c'est vrai. mais j'aime en tout cas j'aime le roman et je pense qu'il faut lui laisser une place c'est très beau l'autofiction. Il y a des textes de récits personnels, cette rentrée particulièrement, mais laissons de la place au roman quand même.

  • Speaker #0

    Je vais recevoir bientôt Percival Everett dans cette émission. Il a fait un peu la même chose que vous. Il a réécrit les aventures de Huckleberry Finn. C'est lui qui s'est inspiré de moi, très clairement. Ça veut dire qu'il y a une tendance. Lui, il a réécrit le personnage de Jim dans Huckleberry Finn, qui est l'esclave. Vous, vous prenez Milady, vous les mettez en avant. Pourquoi cette tendance de réécriture des œuvres du passé ? C'est pour ça que je vous taquine en disant que vous êtes woke, mais est-ce que vous allez par exemple réécrire Anna Karenin en traitant le fronski de salaud ?

  • Speaker #1

    Surtout que je n'ai jamais pu le lire ce livre. À chaque fois que je commence, je ne comprends plus qui est qui, je mélange tous les prénoms, je repars en arrière, je me fais des fiches et je laisse tomber. Tous les dix ans, j'essaye de le lire.

  • Speaker #0

    Prends un autre exemple. Est-ce que vous allez réécrire Madame Bovary en décrivant... tous ses amants comme des prédateurs toxiques.

  • Speaker #1

    Ah non, alors surtout, j'espère, j'espère avoir été plus nuancée que ça, franchement. Je suis désolé. Non, non, et honnêtement, je crois aussi que c'est plutôt une volonté de réconciliation. On a un patrimoine littéraire merveilleux. Et je trouve que je n'ai pas envie de l'annuler. Je n'ai pas envie justement de le réécrire. Je n'ai pas envie de le trahir. J'ai envie de l'éclairer différemment. Et pour moi...

  • Speaker #0

    Un autre angle, c'est ce que vous faites.

  • Speaker #1

    D'une certaine manière, j'épouse Dumas. J'épouse au sens que je me mets dans les creux, dans les blancs, et d'une certaine manière, j'essaye de lui faire un nouvel enfant. C'est l'œuvre la plus féconde de l'histoire de la littérature. Non, c'est vrai, il a été tellement repris. Et je lui offre une autre postérité.

  • Speaker #0

    C'est drôle que vous disiez ça, parce que lui-même disait... peut violer l'histoire à condition de lui faire de beaux enfants. Une phrase d'ailleurs assez inadmissible aujourd'hui.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, en tout cas, Jean-Christophe Ruffin considère qu'il ne l'a pas dite et qu'il disait « L'histoire est un clou auquel j'accroche mes romans » , qui est joli aussi. Mais il y a de ça d'ailleurs. Je ne fais que ce qu'il a fait, Dumas, puisque lui a emprunté les trois mousquetaires à un précédent romancier et il a rajouté son génie, son panache.

  • Speaker #0

    On réécrit les mêmes... pas l'impseste depuis toujours. Quand même, là, vous avez l'air de minimiser, mais vous avez dit, dans une interview, que l'exécution de Milady était le plus grand féminicide de l'histoire de la littérature.

  • Speaker #1

    Mais c'est vrai, est-ce que vous en avez un autre aussi affreux que celui-là ? Il l'a tué deux fois.

  • Speaker #0

    Esmeralda, dans Notre-Dame de Paris, c'est avant, c'est en 1831, et Victor Hugo l'a fait, je ne sais plus si elle est brûlée vive, enfin,

  • Speaker #1

    c'est terrible. Il l'a tué deux fois. Parce que, quand même, c'est fort, mais... Et Athos, quand il se rend compte qu'elle porte cette marque, alors qu'il l'a épousée, qu'il pense avoir épousé une jeune femme. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai, il l'a fait pendre.

  • Speaker #1

    Mais c'est pire que ça. Donc, elle tombe de cheval. Il croit avoir épousé une jeune fille pure. Elle n'arrive plus à respirer. Il ouvre ses vêtements. Il découvre la marque sur son épaule. Et là, il est tellement furieux qu'elle ait pu appartenir à un autre homme, etc., qu'il la met à nu et il la pend sans autre forme de procès. il lui demande pas mais ma chérie que s'est-il passé non direct il la pend et on la retrouve quelques années plus tard et là boum il la décapite enfin c'est encore pire qu'Esmeralda oui c'est vrai que c'est moche bah non c'est pas joli

  • Speaker #0

    Est-ce que vous allez revenir au XXIe siècle la prochaine fois ? Oui. Ah, vous avez commencé déjà ?

  • Speaker #1

    Oui, oui. En fait, j'en ai plusieurs en cours, mais là, il y en a un qui prend le dessus.

  • Speaker #0

    Il y a une question que j'avais envie de vous poser, puis en tant que reine de France, prétendant au trône.

  • Speaker #1

    Je vous en prie, posez, posez.

  • Speaker #0

    Vous ne trouvez pas que la République française va assez mal depuis 1789 et que finalement, d'avoir supprimé la monarchie, franchement, ça nous… enfin, on est devenu un peu… Ingouvernable ? Est-ce que vous êtes pour le retour de...

  • Speaker #1

    Alors moi, je ne suis pas du tout monarchiste, parce que malheureusement, en tout cas, si on était dans les prétendants légitimes, je trouve que ce n'est pas très enthousiasmant.

  • Speaker #0

    Dis donc, la patronne de Point de vue dit du mal du comte de Paris ?

  • Speaker #1

    Non, je ne dis pas du mal du comte de Paris. Je dis que, dans ce cas-là, il faudrait une monarchie élective.

  • Speaker #0

    Ah ben, c'est ce qui existe déjà.

  • Speaker #1

    Oui, d'une certaine manière...

  • Speaker #0

    C'est ce qui se passe au palais de l'Elysée. On met un roi qu'on a élu.

  • Speaker #1

    Je trouve... que j'aime bien, alors sans doute me suis-je embourgeoisée, j'aime bien l'idée de mérite quand même, je trouve ça assez sympathique.

  • Speaker #0

    Moi ce que je prône c'est un roi qui est là pour symboliser la permanence de la France, la grandeur de la nation et tout ça, mais qui fait strictement rien. Et il y a un intendant, un premier ministre, qui s'occupe de l'économie, des finances.

  • Speaker #1

    Mais alors comme on est en pleine crise constitutionnelle, je pense qu'il faut que vous... vous soumettiez le sujet. Je pense que c'est franchement... Vous feriez un très bon rédacteur d'un nouveau code civil, d'un nouveau Stéphane Bern. Ah non, moi je vous voyais plutôt constitutionnaliste de haut vol.

  • Speaker #0

    Non, parce que toute l'Europe est monarchique, quasiment. Oui,

  • Speaker #1

    une grande partie.

  • Speaker #0

    Les Anglais, la Hollande, l'Espagne, la Norvège, la Belgique, le Luxembourg, la Suède.

  • Speaker #1

    Oui, ça leur va bien. Mais ce qui est drôle, c'est que, je le sais à travers le journal, le point de vue que je dirige, c'est... C'est une évidence qu'il y a une fascination française pour la monarchie et qu'on n'a pas fait notre psychanalyse de 1789. Il faut tous qu'on se mette sur un divan et qu'on sorte ça de notre système.

  • Speaker #0

    Je pense que le succès de votre roman s'explique aussi pour cette raison-là, une fascination pour la grandeur de la France des

  • Speaker #1

    17e. Il faut se réconcilier avec ça quand même, parce que c'est vrai que c'est un patrimoine magnifique. Ici,

  • Speaker #0

    nous sommes dans un restaurant. qui a ouvert en

  • Speaker #1

    1766. C'est quand même magnifique. Et il faut penser que le monde entier vient en France. Pourquoi ? Aussi pour ça. Donc, on peut peut-être accepter qu'on a fait des choses pas mal dans le passé.

  • Speaker #0

    On va passer au « Je devine tes citations » Adélaïde. Je vais vous lire des phrases tirées de vos œuvres.

  • Speaker #1

    C'est très bizarre.

  • Speaker #0

    Dans quel livre vous avez écrit cette phrase ? « La première chose que je vis d'elle fut sa cheville, délicate,

  • Speaker #1

    nerveuse. »

  • Speaker #0

    Le dernier des nôtres, c'est l'insipide, 2016. Sa cheville délicate, nerveuse, cancérait l'abride d'une sandale bleue. Vous regardez les femmes comme un vieux fétichiste.

  • Speaker #1

    Alors, ce qui m'amuse, c'est que j'avais rencontré quelqu'un qui aime, qui est fou des chevilles des femmes. Et ça m'a beaucoup intéressée. Et là, c'est vrai que je pars dans ce qu'on a appelé longtemps le blason. Cette manière d'en écriver des petits textes sur une partie très précise du corps féminin. Et le fait qu'on aime tellement les chemises, les chevilles, pardon, et les chemises, ça m'a plu.

  • Speaker #0

    Vous savez, vous êtes comme Brigitte Bardot, parce que Brigitte Bardot, on lui demandait ce qu'elle regardait en premier chez un homme et elle répondait sa femme.

  • Speaker #1

    Ça c'est drôle, moi c'est les mains.

  • Speaker #0

    Ah oui, autre phrase de vous, écrire c'est se prostituer, se décaper, se montrer, fourrure, s'exhiber, je continue. Les métaphores, la lingerie fine, les descriptions, le lubrifiant, les aphorismes, les gâteries. Le tout pour 18 euros. Avouez que ça n'est pas cher payé si la passe était bonne. Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Mais enfin. Mais vous avez écrit ça dans votre premier roman qui avait obtenu le prix Sagan en 2016. 2010.

  • Speaker #1

    C'était longtemps.

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est un personnage qui s'exprime. Ce n'est pas vous. C'est un personnage.

  • Speaker #1

    Ce qui est drôle, c'est que comme tout le monde est dans l'autofiction, les lecteurs venaient me voir. C'est l'histoire d'une fille de Madame Claude. Ils étaient un peu consternés en disant « Vous avez été obligés de faire ça pour payer vos études ? » Je leur disais « Mais ce n'est pas moi du tout ! » Ils étaient très embêtés pour mon parcours.

  • Speaker #0

    Cela dit, quand vous dites qu'écrire, c'est séduire, c'est vrai. Quand vous écrivez, on sent que vous voulez plaire.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, moi, j'ai envie d'embarquer les gens avec moi.

  • Speaker #0

    Il se passe des choses.

  • Speaker #1

    J'ai envie qu'il se passe des choses. J'ai envie de leur donner du plaisir. J'ai vraiment envie de donner du plaisir de lecture. Et je trouve que c'est souvent mépriser le plaisir de lecture. C'est-à-dire, quand il y a du plaisir, c'est comme si ce n'était pas très bien. C'est suspect. C'est suspect. Il faut être chiant. Ça ne doit pas être de la bonne littérature parce que c'était trop bien. Je ne suis pas très convaincue que ce soit vrai.

  • Speaker #0

    Vous n'êtes pas assez ennuyeuse. Je vous le reproche.

  • Speaker #1

    Je vais m'appliquer pour le prochain.

  • Speaker #0

    Une autre phrase de vous. Truffaut, pour elle. c'est une jardinerie.

  • Speaker #1

    Je me suis amusée avec ça. Oui, ça, c'est dans Les jours heureux.

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    vous voyez que vous vous souvenez de tout. Oui, en fait, je me souviens.

  • Speaker #0

    Parce qu'avant l'émission, Adélaïde disait mais moi, je ne vais pas y arriver. C'est trop difficile. Je suis amnésique.

  • Speaker #1

    J'oublie beaucoup de choses de mes livres.

  • Speaker #0

    Mais non, Les jours heureux 2021. Alors, le problème de cette blague, donc Truffaut, c'est une jardinerie, c'est qu'il faut connaître le cinéaste et le magasin. Ma jardinerie. Et je pense que les jeunes qui nous regardent ne connaissent ni l'un ni l'autre.

  • Speaker #1

    À vous penser. Mais vous, vous avez compris.

  • Speaker #0

    Cela dit, c'est vrai que... Une chose qui m'avait frappé dans Fourrure et puis dans les suivants aussi, vous aimez la satire et vous êtes assez méchante. Vous êtes plus méchante finalement à l'écrit qu'à l'oral. Là, vous êtes tout à fait charmante, mais quand vous écrivez, la langue de vipère...

  • Speaker #1

    Il y a des moments, c'est très drôle. On ne peut pas s'empêcher quand même d'avoir envie de croquer. Oui, oui, j'aime bien.

  • Speaker #0

    Vous défoulez à l'écrit. Tout ce que vous ne pouvez pas dire dans votre journal, vous le mettez dans vos livres.

  • Speaker #1

    Oui, c'est peut-être ça en fait.

  • Speaker #0

    Une autre phrase. Attention, il y a un piège. Ah. Le 24 février 1815, la vigie de Notre-Dame de la Garde signala le trois mâts le pharaon venant de Smyrne, Trieste et Naples.

  • Speaker #1

    Ça, c'est pas du tout moi.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Pourquoi je la connais ?

  • Speaker #0

    Vous la connaissez par cœur.

  • Speaker #1

    Je la connais par cœur.

  • Speaker #0

    C'est Alexandre Dumas. Ah, mais voilà. Mais le piège, c'est que c'est l'insipide du conte de Montecristo.

  • Speaker #1

    Ah mais oui, c'est ça, bien sûr. C'est une phrase sublime. C'est magnifique.

  • Speaker #0

    Parce que là,

  • Speaker #1

    il y a un souffle. Déjà, il crée un monde en une dizaine de mots.

  • Speaker #0

    Je trouve que c'est même du même niveau que le début de Salambo.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai. C'était à Mégara, au bord de Carthage,

  • Speaker #1

    dans les jardins d'Amica. Et on a les parfums, les épices, et ça y en est parti.

  • Speaker #0

    Une autre phrase, cette fois vraiment de vous. Vous avez reçu à la naissance le don de la beauté. C'est une chose merveilleuse si vous le confiez à Dieu, c'est dans le dernier, si vous le confiez à Dieu ou à un être digne de vous, mais elle peut devenir une malédiction. Donc vous pensez que la beauté peut être une catastrophe ?

  • Speaker #1

    Ah je pense que pour... il y a des femmes sublimes et je pense que ça peut être une malédiction pour elles parce qu'on ne voit plus que ça. Et on oublie complètement leur intériorité et ça devient un écran qui casse tout, mais comme la célébrité, comme tout ce qui... qui interdit l'accès à qui on est vraiment. Et je m'y intéressais déjà dans « Les jours heureux » , j'ai ce personnage d'une influenceuse que tout le monde prend pour une sombre idiote parce qu'elle est magnifique et qui se révèle justement peut-être une garce un peu à la milady. Et je trouve que oui, la beauté peut être une malédiction.

  • Speaker #0

    Dans « Je voulais vivre » , il y a cette question qui revient plusieurs fois. Elle doit prouver qu'elle a un cerveau.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et puis cette malédiction dont vous parlez, c'est peut-être aussi que vieillir.

  • Speaker #1

    C'est perdre ce pouvoir. C'est tout perdre, exactement. C'est pour ça, moi, toutes les femmes qui travaillent avec leur beauté, les femmes des magazines, etc., je trouve ça... C'est-à-dire que vieillir n'est pas facile pour personne. Je trouve ça d'une cruauté encore plus difficile quand en plus vous perdez votre travail d'une certaine manière. Nous, écrivains, on peut devenir très vieux, très laid, très longtemps. Ça ne nous empêchera pas d'écrire. La preuve ! Vous cherchez le compliment, Frédéric, c'est pas bien.

  • Speaker #0

    Je développe alors encore dans... C'est encore dans Je voulais vivre. Tu me reproches la légèreté qui t'a séduit. Dans une lettre, Milady, vous faites dire ça à Milady. Tu me reproches la légèreté qui t'a séduit. Ça, ça m'a touché parce que... Comment dire ?

  • Speaker #1

    On vous a reproché votre légèreté.

  • Speaker #0

    On a tous vécu ça, j'ai l'impression.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça me fait toujours... Ça me trouble toujours dans les couples. Les couples qui se mettent à détester les raisons exactes pour lesquelles ils sont tombés amoureux. Et je ne comprends pas ça. Et c'est vrai qu'on met un certain temps, ça vient avec la maturité, de se dire qu'on ne changera jamais quelqu'un. Jamais, jamais, au grand jamais, on change quelqu'un. Et continuons de les aimer pour tout ce qui nous a attirés au départ. Oui.

  • Speaker #0

    Alors là, elle meurt à quel âge, Milady ? 25 ans. Oui, c'est ça qui est dingue. Oui.

  • Speaker #1

    Mais ça n'a dérangé personne. Non,

  • Speaker #0

    mais du coup, elle reste toujours...

  • Speaker #1

    Ah ben, éternellement belle.

  • Speaker #0

    Éternellement, ce personnage...

  • Speaker #1

    Mais ce qui est drôle si vous regardez, c'est que Milady a très très souvent été...

  • Speaker #0

    choisie en brune. Alors qu'en fait, dans le texte de Dubas, elle est blonde. Elle a une beauté très pure, très classique.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que vous êtes intéressée à elle.

  • Speaker #0

    C'est narcissique. Ah, mais non, pas du tout. Parce que ma première héroïne Zita, que j'aime profondément, est une magnifique brune.

  • Speaker #1

    Vous avez préféré quelle actrice dans le rôle de Milady ? Je vous donne une liste. Eva Green en 2023, Mila Jovovich en 2011, Faye Dunaway en 1973, Mylène de Mongeau en 1961. ou Lana Turner en 1948 ?

  • Speaker #0

    Alors moi, ce serait un mélange de Lana Turner et Eva Green, parce qu'Eva Green a quand même ce magnétisme. Et puis moi, elle m'a inspirée depuis mon premier livre Fourrure, l'héroïne s'inspire d'Eva Green et de Charlotte Rampling.

  • Speaker #1

    Donc froide, un peu plus froide.

  • Speaker #0

    Froide, très mystérieuse, avec une présence très forte. Elle a, oui, cette beauté fatale, même si justement, je ne vais pas que vers la fatalité.

  • Speaker #1

    Merci infiniment. Alors, on passe au questionnaire du WBD. Il faut faire des réponses courtes, s'il vous plaît.

  • Speaker #0

    Je vais essayer.

  • Speaker #1

    Vous aimez les romans virevoltants. Longs.

  • Speaker #0

    Vous êtes ennuyé peut-être.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout. Alors, on y va. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Si c'est une fille, parce qu'elle apprendra à dire non, à dire oui si elle a vraiment envie, à se défendre. Et si c'est un garçon, il apprendra ce que c'est que des préliminaires.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire, chat GPT ?

  • Speaker #0

    Des mojitos aux fruits de la passion.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'il ne sait pas. Ben non. Il peut vous donner la recette.

  • Speaker #0

    Oui, mais il ne pourra pas vous le faire. Mais non, non.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en l'écrivant que votre livre ne serve à rien ?

  • Speaker #0

    Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès. C'est encore plus beau lorsque c'est inutile.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est Cyrano, ça. Oui. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Oui, ah oui, vraiment.

  • Speaker #1

    Ça alors ! Vous êtes la première à me dire oui depuis que je pose cette question.

  • Speaker #0

    Moi je pense vraiment qu'un écrivain doit être gentil. Je pense qu'il a un pouvoir de blesser, de salir, de détruire, et je pense qu'il a le pouvoir exactement inverse et que c'est celui-là qu'il faut utiliser.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    La solitude parce que ça m'arrive tellement rarement. J'aime vraiment la solitude.

  • Speaker #1

    Ça donne une excuse, en fait, pour dire aux gens d'aller nous foutre la paix.

  • Speaker #0

    Je me rappelle d'un grand écrivain qui disait « être écrivain, c'est dire non du matin jusqu'au soir » . C'est vrai.

  • Speaker #1

    Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    J'ai essayé, c'était nul. Ah bon ? C'était complètement raté. Ça allait un peu mieux avec la vodka, mais quand même, c'était pas…

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce que c'est un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense vraiment que c'est un bien nécessaire. Il y a tellement de livres. Il y a tellement de livres qui ont déjà été publiés dans l'histoire et tellement de livres qui sortent chaque année. Moi, j'ai vraiment envie qu'on m'emmène vers des livres que je n'aurais pas été chercher toute seule, en fait.

  • Speaker #1

    Mais les critiques sur vous, par exemple, elles vous apprennent des choses ? Oui. Là, vous avez beaucoup de bonnes critiques, de compliments.

  • Speaker #0

    Oui, alors je crois plus aux critiques quand elles sont bonnes. Quand elles sont mauvaises, c'est un peu comme l'horoscope, vous voyez. On y croit quand c'est bon, puis quand c'est pas bon, on passe.

  • Speaker #1

    Fantasmez-vous sur J.D. Salinger, comme moi, qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Moi, j'aime beaucoup les interviews, mais comme je suis journaliste, j'aime encore plus quand c'est moi qui pose les questions.

  • Speaker #1

    Un roman doit-il réparer le monde ? Ça, c'est, je trouve, ma question la plus con. Non,

  • Speaker #0

    non, moi, je trouve ça très vrai. Oui. Alors, oui.

  • Speaker #1

    En fait, vous êtes vraiment... Oui, oui, je vois. Mais vous, vous êtes vraiment une feel-good, quoi. Vous êtes une feel-good. Non,

  • Speaker #0

    je ne suis pas une feel-good. Moi, j'écris. J'écris pourquoi ? parce que le monde me blesse. Parce qu'il y a quelque chose dans le monde qui ne me plaît pas, dans l'être humain qui ne me plaît pas. J'ai envie de faire quelque chose de…

  • Speaker #1

    Que dans votre monde à vous, au moins…

  • Speaker #0

    Je m'échappe. Je m'échappe. Alors, il y a des scènes très violentes. Il y a toute la fureur de l'être humain aussi dans mes livres. Mais c'est moi qui la contrôle, donc je préfère.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'œuvre ?

  • Speaker #0

    Le prochain.

  • Speaker #1

    Êtes-vous une ouin-ouin ? Alors, pas du tout. Je ne crois pas.

  • Speaker #0

    Ah non, je n'aime pas les ouin-ouins. Non, vraiment, je n'aime pas ça. On a beaucoup de chance tous.

  • Speaker #1

    Vous n'aimez pas vous plaindre ? Vous n'aimez pas les auteurs qui se lamentent ?

  • Speaker #0

    Ah non, mais par exemple, Chateaubriand, pendant tout un moment, Attala, je n'en pouvais plus. Ah non, ça me fatigue.

  • Speaker #1

    Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Moi, je ne crois pas que ce soit de mentir. Je pense que le but de la littérature, c'est d'embellir, pas de mentir.

  • Speaker #1

    Ils avaient vraiment une fixette sur la positivité. C'est bien.

  • Speaker #0

    Alors, pas que positif, mais en tout cas, oui.

  • Speaker #1

    C'est rare dans mes invités. C'est ça. J'invite que des pessimistes, des astreux.

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose auquel je pense que ça m'a marqué. Romain Garry, dans Pour Osganarelle, il écrit « La botte du réel a écrasé les écrivains » . Moi, avec l'imagination, j'ai envie de soulever le poids de cette botte.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que... que quand on dit à un écrivain que c'est le meilleur écrivain, on le tue. Ça y est, il est lyophilisé, donc je n'ai pas envie de tuer les gens que j'aime.

  • Speaker #1

    Si vous étiez très riche, continueriez-vous d'écrire ?

  • Speaker #0

    Je crois que j'écrirais beaucoup plus, parce que j'aurais plus de temps.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fière ?

  • Speaker #0

    Les textos que j'envoie à mon mari.

  • Speaker #1

    Avez-vous... Je n'arrive pas à lire mes questions.

  • Speaker #0

    Vos questions ? Oui.

  • Speaker #1

    Non, la question Farnell 451. Imaginons un monde où les livres seraient interdits. Quel livre seriez-vous prête à retenir par cœur pour le sauver ?

  • Speaker #0

    Alors, justement, quelque chose qui n'est pas ouin ouin du tout. Candide, de Voltaire. Je reste sur la ligne optimiste. Très bien. Et voilà.

  • Speaker #1

    Encore que c'est un livre qui critique beaucoup de choses. Ah oui,

  • Speaker #0

    et puis il y a des scènes apocalyptiques. de guerre épouvantable.

  • Speaker #1

    Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. C'est évidemment une antiphrase. Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?

  • Speaker #0

    Il ne m'a peut-être pas sauvé la vie, mais il m'a beaucoup aidée. C'est le fameux livre L'année de la pensée magique, John Didion. Elle écrit ça en ayant perdu son mari. Sa fille est en très mauvais état de santé, semi-mourante. Elle écrit ce livre incroyable sur le deuil. Je le donne aux gens qui perdent quelqu'un.

  • Speaker #1

    C'est sublime. Quel est votre âge mental ? 7 ans. C'est l'âge de raison.

  • Speaker #0

    Oui, tout juste. Merci beaucoup Adélaïde de Clermont-Tonnerre.

  • Speaker #1

    Je vous remercie infiniment. Je vous ordonne à tous de lire « Je voulais vivre » aux éditions Grasset. Abonnez-vous, likez, faites plein de trucs avec vos doigts sur vos téléphones pour que vous receviez les prochaines conversations prioritairement. Et puis vous pouvez aussi commenter. m'insulter en allemand, allez-y, lâchez-vous. Si vous voulez sponsoriser Conversations chez la Pérouse, allez sur l'adresse conversationschezlaperouse.com C'est vraiment facile à retenir. Comme ça, ça permettra de payer mes frais de costume, de champagne, la drogue d'Adélaïde de Clermont-Tonnerre, etc. Et surtout, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot. C'est vrai. Bonsoir.

  • Speaker #0

    Bonsoir.

Description

Cette semaine, je reçois la patronne de "Point de vue" pour parler de son roman sur Milady de Winter, la femme fatale des "Trois Mousquetaires". On parle très librement de son corps marqué au fer rouge, de son exécution capitale à 25 ans, de sa mère assassinée, du retour de la monarchie en France et du nombrilisme qui domine la littérature française au 21e siècle.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ça rec ! Non mais parce que je suis entouré de techniciens qui disent ça rec au lieu de ça enregistre, voilà je suis navré. Bonsoir à tous, bienvenue Majesté Adélaïde de Clermont-Deners. Je vous en prie Frédéric,

  • Speaker #1

    je suis ravie d'être avec vous.

  • Speaker #0

    Vous êtes normalienne, romancière, auteure de quatre romans et vous dirigez aussi la revue Point de vue. Absolument. Toujours hein ? Oui, Et vous êtes donc l'auteur de « Je voulais vivre » en cette rentrée qui figure sur la première liste du prix Renaudot. « Je voulais vivre » aux éditions Grasset. Et il y a un sous-titre intéressant qui est sur le bandeau mais qui est aussi à l'intérieur. « Milady n'est pas une femme qui pleure, elle est de celle qui se venge. » Pourquoi avez-vous eu envie de rajouter ce sous-titre ?

  • Speaker #1

    Parce que ça c'est une phrase qui vient de Dumas. et ça montre la vengeance c'est le thème du Mazien par excellence on pense tous évidemment à Monte Cristo qui est écrit la même année que les trois mousquetaires dont est issue ma méchante affreuse Mélédie et il a cette phrase en disant Mélédie n'est pas une femme qui pleure,

  • Speaker #0

    elle est de celle qui se venge et j'ai voulu du coup reprendre parce que c'est tout le thème de mon livre parce qu'en même temps vous en faites quand même une victime alors elle pleure pas mais dans les trois mousquetaires Mélédie de Winter C'est la méchante, mais toujours décrite comme une espionne, qui joue double, triple jeu, mais on passe assez vite sur son enfance.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'on ne passe pas du tout sur son enfance, personne n'en parle, on ne va quasiment pas dans sa psychologie, elle parle très peu. Il y a un moment incroyable où on rentre un peu dans sa tête, c'est quand elle est enfermée à Londres. tenue par un gardien qui s'appelle Felton. Et il y a une scène de manipulation chez l'humain incroyable où elle va retourner ce gardien qui est très prude, très puritain et l'envoyer assassiner le duc de Buckingham. Sinon, rien. On ne dit pas un mot de ce qu'elle pense, d'où elle vient. Et donc, je me suis dit comment on fabrique la plus grande méchante de la littérature française.

  • Speaker #0

    Et vous, vous le dites et vous expliquez pourquoi. Quel est son moteur ? C'est qu'elle a été abusée dans son enfance, enfin dans son adolescence.

  • Speaker #1

    Elle a été victime d'un crime terrible dans son enfance, sa mère et sa nourrice sont assassinées, et elle est abusée dans son adolescence, puisque le moment où je me rends compte qu'il faut que j'écrive cette histoire, c'est en écoutant une version très simplifiée pour enfants des Trois Mousquetaires, et j'entends cette phrase, Milady qui a 15 ans à peine, cette perverse. à détourner un prêtre du droit chemin. C'est un peu difficile à notre époque de se dire que tout ça est parfaitement normal.

  • Speaker #0

    C'est la faute de Milady. C'est peut-être la faute du prêtre.

  • Speaker #1

    En tout cas, c'est partagé, je pense, à minima.

  • Speaker #0

    Donc, est-ce qu'on peut dire que Je voulais vivre est une réécriture des Trois Mousquetaires version néo-féministe, woke ? Alors,

  • Speaker #1

    pas du tout. En fait, moi, j'aime passionnément Dumas. Dumas, il a été très méprisé. Là, maintenant, tout le monde aime Dumas. C'est merveilleux. Il y a des millions de gens qui lui font... Il y a des films.

  • Speaker #0

    Il y a toujours eu des films.

  • Speaker #1

    Oui, c'est l'œuvre la plus adaptée, réadaptée en BD, en cinéma, enfin bref, tout. Mais il restait une chose à raconter quand même. Et c'est vrai que dans Dumas, le personnage de Milady, il est à peine esquissé. Elle a pourtant traversé les siècles et la littérature. C'est un personnage que tout le monde connaît et on ne sait rien d'elle. Et moi, je me suis dit au fond, je vais rentrer. Dumas, c'est le premier showrunner de l'histoire. Il invente la série télévisée, il fait travailler des auteurs. en atelier. Donc, je me suis dit, je vais me glisser dans l'atelier d'écriture de Dumas. Je deviens une de ses auteurs et moi, je raconte peut-être un point de vue féminin. Mais ce n'est pas woke parce que je ne vais pas contre son texte. Je prends les blancs.

  • Speaker #0

    Quand même, vous avez l'air d'insinuer que Dumas avait regardé Milady avec un male gaze. Vous voyez ? Ah ben,

  • Speaker #1

    il la désire.

  • Speaker #0

    Ah ben, énormément. Elle est désirable. C'est une héroïne ultra sexy.

  • Speaker #1

    Ah ben, elle est très sexy. et elle aime les hommes. Donc, pour une féministe furibarde, elle aime quand même vraiment les hommes. Elle a des histoires d'amour, elle suscite le désir et elle en éprouve. Et la seule chose que je fais, c'est que dans Dumas, elle est un objet. Elle sert pour l'intrigue, elle sert effectivement d'objet de désir, elle sert pour provoquer des sentiments. Là, j'en fais un sujet.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et alors, elle a changé de nom beaucoup de fois. Elle s'est appelée Anne de Breuil, Charlotte Baxon, la comtesse de l'affaire quand elle a épousé Athos. Et Lady Claric, c'est une...

  • Speaker #1

    Ah bah oui, c'est-à-dire que quand on est jeune fille et qu'on regarde des exemples dans la littérature, il y a quand même pas mal de potiches. Cette méchante-là, au moins, elle est intelligente, Richelieu l'écoute, elle arrive à finalement faire son chemin avec quatre hommes contre elle qui sont quand même des gens très forts, très puissants. Donc moi, ça m'a plu quand même qu'elle soit capable de tout ça, parce que c'est bien les femmes sacrifiées. Alors moi, quand je suis petite, je veux être Constance, je veux être la gentille, la compagne de D'Artagnan, elle est toute lisse, elle est bien coiffée, elle est sacrifiée.

  • Speaker #0

    La Constance Bonacieux se fait assassiner par qui ?

  • Speaker #1

    Parmi les dix. Mais elle le regrette quand même. Elle s'en veut beaucoup.

  • Speaker #0

    Vous aviez répondu à la question que je vous ai posée précédemment sur est-ce que vous corrigez le chef-d'oeuvre de Dumas. Vous avez répondu à la fin du livre. Je vous demandais de lire votre réponse.

  • Speaker #1

    Vous avez raison. Autre temps, autre meurtre, je ne révise pas, je n'accuse pas non plus, je me glisse dans les blancs de ton texte. Je m'adresse à Dumas. dans les angles morts et j'invite ceux qui, comme moi, sont épris de justice à ouvrir les yeux et les oreilles, à renverser l'illusion pour voir les faits nus. Si vous y prêtez attention, Anne a laissé sa marque partout. Derrière le costume de Milady, j'entends battre le cœur d'une petite fille, puis d'une jeune femme pleine de force et d'idéal. Descendez de cheval, posez votre épée, écoutez. Sa voix sous les orgues chrétiennes et les orchestres viriles, je l'entends. Elle est claire, elle est déterminée. sa voix de femme au temps des hommes.

  • Speaker #0

    Une femme au temps des hommes, ça c'est une belle formule qui clôt votre roman. Il y avait quand même un précédent. Moi, je n'ai pas détesté Angélique Marquise des Anges. Moi aussi,

  • Speaker #1

    j'ai couru avec elle derrière Geoffrey.

  • Speaker #0

    Mais oui, c'était un roman écrit par une femme, Anne Gollon. Et alors, est-ce que c'est une référence pour vous ? Parce qu'elle est quand même très érotique aussi, Angélique.

  • Speaker #1

    Ah bah oui, on a tous été, je crois que des générations ont été marquées. marquée par quand elle est vendue au marché aux esclaves et qu'on dénude sa poitrine. C'était torride.

  • Speaker #0

    Je n'osais pas en parler.

  • Speaker #1

    Mais je l'ai fait.

  • Speaker #0

    Mais Milady, quand elle est marquée au fer rouge avec une fleur de lys à l'épaule, eh bien oui, mais pour les enfants pervers, pour les adolescents un petit peu bizarres.

  • Speaker #1

    Mais vous n'avez aucune empathie.

  • Speaker #0

    Non, je peux vous dire, je peux vous citer beaucoup de mes amis écrivains qui ont fantasmé sur le fait de marquer au fer rouge. C'est un côté un peu sadomaso, quoi.

  • Speaker #1

    Ah oui, alors moi, je n'ai pas du tout ça en moi. Je me suis sentie vraiment très attristée pour elle,

  • Speaker #0

    mais tardivement.

  • Speaker #1

    C'est vrai que c'est une injustice,

  • Speaker #0

    ça. Pourquoi on la marque ?

  • Speaker #1

    Elle est marquée au fer rouge, sans aucun jugement, parce que le bourreau, qui est le frère du prêtre qui a détourné la jeune fille perverse de 15 ans, a décidé qu'il devait venger son frère, parce qu'elle l'a laissé tomber, c'est vrai. Enfin, est-ce qu'on marque au fer rouge toutes les femmes qui vous ont quittées ? Qui vous quittent ?

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    C'est problématique.

  • Speaker #0

    Ça ne se fait pas. plus, ça ne se fait plus, Dieu merci ça s'est beaucoup fait mais maintenant ça ne passe plus un autre auteur aussi auquel j'ai pensé en vous lisant c'est Jacques Laurent avec sa série des Caroline Chéry alors ça je n'ai jamais lu c'était un peu comme ça ? oui c'était aussi une femme qui fait tomber tous les mecs et puis il y a des cavalcades et puis il y a des rebondissements et on sent que vous vous êtes beaucoup amusé à pasticher le style de Dumas alors je me suis amusé beaucoup parce qu'il m'a fait découvrir le plaisir de lecture

  • Speaker #1

    Moi, j'ai passé un été entier où, comme je n'avais aucun autre livre, j'ai lu la trilogie de Dumas, de la première ligne à la dernière ligne. Et dès que j'avais fini, je recommençais pendant deux mois. Je n'avais pas d'autres livres. Et j'aime profondément ce goût de l'aventure, ce souffle. Et puis, il est très humain, c'est très charnel. Et en même temps, j'ai voulu écrire avec une langue qui reste contemporaine. C'est-à-dire, je me suis dit, je ne vais pas singer la langue du XIXe qui singe elle-même la langue du XVIIe. et donc j'ai coloré de mots,

  • Speaker #0

    de modernité,

  • Speaker #1

    mais j'ai voulu le traiter de façon... Parce qu'elle est très contemporaine, il est dit.

  • Speaker #0

    Dans mon dictionnaire des écrivains vivants, où vous êtes... Ça,

  • Speaker #1

    c'était un grand honneur d'être en mode dictionnaire.

  • Speaker #0

    Vous savez que je l'avais prédit que vous alliez écrire... Oui, écoutez, je... Non,

  • Speaker #1

    mais vous êtes visionnaire.

  • Speaker #0

    À propos de votre troisième roman, Les jours heureux, publié en 2021. Voici ce que j'écrivais. Par une construction à droite et une écriture pressée, toujours en quête du mot juste et tranchant, Madame de Clermont-Tonnerre emballe une cavalcane Une cavalcade pleine de charme à la Dumas. Je parle du roman précédent.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est extraordinaire.

  • Speaker #0

    Donc j'avais prédit que vous alliez faire du Dumas. C'était prévu.

  • Speaker #1

    Ah mais vous voyez tout.

  • Speaker #0

    Non, ou alors vous m'avez obéi.

  • Speaker #1

    Ah mais c'est ça en fait. C'était une injonction et je l'ai suivi.

  • Speaker #0

    Voilà, bon, non, non, pas du tout.

  • Speaker #1

    Et je me suis aperçue d'ailleurs que je citais Milady dans mon tout premier livre. Ah oui, Fourrure ? J'avais oublié, oui.

  • Speaker #0

    C'est votre premier roman historique. Oui. Les précédents étaient plutôt des tableaux contemporains, donc Fourrure...

  • Speaker #1

    Pas le dernier des nôtres, il y avait un peu d'histoire avec la seconde... Oui, c'est ça, c'était récent, c'était plus facile. Voilà,

  • Speaker #0

    voilà. Non, non, mais quel a été le déclic qui vous a donné envie de remonter 300 ans en arrière ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne sais pas quelle folie m'a prise, parce que c'est très compliqué.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr !

  • Speaker #1

    J'ai souffert à chaque ligne. Je me suis posé des questions tout le temps, parce que l'histoire récente, on a quand même... n'ont pas des souvenirs, mais enfin, c'est plus facile. Là, je me dis, mais alors, elle porte une robe de velours vert. Mais est-ce que ça existe, le velours ? Est-ce qu'elle aurait les moyens de se l'acheter ? Quand je mets des légumes dans son assiette, je me dis, mais est-ce qu'ils sont déjà arrivés d'Amérique ? Quand je me lance dans une histoire, une petite scène d'amour, je dis, elle défait le bouton de sa boutonnière. Et là, j'ai un flash, je me dis, mais il n'y a pas de bouton, il n'y a pas de boutonnière, c'est des lacets. Ça a été un cauchemar. Mais c'était bien aussi.

  • Speaker #0

    Mais vous avez dit que vous ne voulez pas pasticher le style de Dumas. En revanche, c'est vrai que vous êtes beaucoup documenté.

  • Speaker #1

    non seulement en relisant j'imagine plusieurs fois les Trois Mousquetaires encore oui alors je les connaissais très très bien parce que comme je les avais lus quand même tout un été pendant voilà mais je les ai relus et j'ai relu des biographies et j'ai relu et je m'amuse aussi avec les vrais personnages historiques c'est-à-dire que Buckingham chez Dumas c'est le héros romantique viril qui fait tomber la reine de France elle est folle de lui en vrai c'était ... l'amant du roi Jacques Ier, et il doit toute son ascension et tous ses titres au fait qu'il avait un certain talent amoureux.

  • Speaker #0

    Et alors la construction ici est intéressante, c'est que vous avez fait témoigner, en quelque sorte, pas mal de proches de Milady, dont d'Artagnan à la fin de sa vie, et puis d'autres comme ça. C'est une construction qu'il y avait dans un livre de Françoise Chandernagore qui était sur Louis XVII.

  • Speaker #1

    Ah, c'est drôle.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas si vous vous souvenez de celui-là.

  • Speaker #1

    Celui-là, non. J'en ai lu pas mal de François Chandernagor, beaucoup, mais celui-là, je ne l'ai pas lu.

  • Speaker #0

    Donc, tous les grands personnages de sa vie s'expriment sur elle. Et ça, c'est la journaliste en vous qui a voulu faire comme une sorte de reportage.

  • Speaker #1

    Oui, ou l'avocat raté, je ne sais pas. Mais je me suis dit, d'une certaine manière, je rouvre le cas Milady. C'est un cold case. Et donc, j'avais envie de recréer un peu cette idée d'un jugement.

  • Speaker #0

    Comme dans un procès.

  • Speaker #1

    Comme dans un procès, parce que le livre s'ouvre sur une scène célèbre de l'humain, qui est ce procès,

  • Speaker #0

    ce simulacre de procès,

  • Speaker #1

    dix hommes qui la jugent, deux d'entre eux ont été en plus, l'un son mari, l'autre son amant, donc ils sont évidemment d'une objectivité totale. Elle n'a pas d'avocat, on ne l'entend même pas se défendre. Et donc j'ai eu envie d'apporter...

  • Speaker #0

    Un vrai procès avec vous comme avocate de la défense. Mais je pense quand même que si elle avait eu un procès, Avec tous les gens qu'elle a tués, elle aurait quand même fini par être exécutée, vous ne croyez pas ?

  • Speaker #1

    Moi, je ne suis pas sûre. Justement, parce que quand on regarde...

  • Speaker #0

    Elle empoisonne Constance Bonacieux qui ne lui a rien fait.

  • Speaker #1

    Elle a juste empoisonné Constance. C'est vrai, ça c'est le plus problématique, je suis d'accord. Ce n'est pas cool. Non, ce n'est pas cool, c'est le plus problématique. En même temps, Constance, je pense qu'elle est plus compliquée que ce qu'on imagine. Oui,

  • Speaker #0

    alors vous avez une théorie dans votre livre. Vous dites que Constance était peut-être une espionne, comme Milady.

  • Speaker #1

    Mais oui, parce que quand vous regardez le texte de Dumas, donc Constance est censée être adorable, la maîtresse de D'Artagnan, mais enfin, c'est une lingère qui est très jolie et intelligente et qui épouse quand même un espèce de benêt qui n'a aucun intérêt et qui devient en très peu de temps la confidente préférée de la reine Anne d'Autriche. C'est quand même bizarre.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est bizarre.

  • Speaker #1

    C'est bizarre.

  • Speaker #0

    Oui, comment cette ascension s'explique ? Voilà,

  • Speaker #1

    et de surcroît, elle est quand même... proche de la fameuse Marie de Roran, qui était la plus grande intrigante. C'est une véritable personnage historique qui est aussi dans Dumas, qui deviendra par la suite la mère du vicomte de Brajlon. Et on peut se poser des questions sur Constance. Donc, est-ce que c'était un affrontement d'espionnes ? Ce n'est pas exclu. J'ai pensé à faire une scène de combat de boue et puis j'ai renoncé.

  • Speaker #0

    C'est dommage.

  • Speaker #1

    Mais ça aurait pu être pas mal.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'il va y avoir un... Un projet d'adaptation au cinéma de Je voulais vivre ?

  • Speaker #1

    Ça, je ne sais pas du tout.

  • Speaker #0

    Pas encore ?

  • Speaker #1

    Ça m'amuserait beaucoup, évidemment, mais je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Ce serait génial, une version wokiste des Trois Mousquetaires.

  • Speaker #1

    Oui, parce que quand même, il y a des beaux portraits. J'essaye de faire des beaux portraits d'hommes. On aime les hommes dans ce texte aussi. C'est-à-dire que ce n'est pas contre les hommes. Et même d'Artagnan, quand on le trouve dans les Trois Mousquetaires, il est à l'âge des certitudes. Il est jeune. Il a tout vu, tout lu, tout bu. Il a tout compris. Et puis, quand on le retrouve dans mon livre, beaucoup plus vieux, au moment du siège de Maastricht, où on sait qu'un peu plus tard, il perdra la vie, il est à l'âge des doutes. Et je trouve ça beau aussi. Un homme qui a eu son parcours et qui se met à se poser des questions.

  • Speaker #0

    Lui-même, d'ailleurs, culpabilise un peu d'avoir jugé un peu rapidement Milady. Et puis, il a quand même couché avec elle. Ah ben oui,

  • Speaker #1

    il était très... Pendant que Constance était emprisonnée. Donc bon, la Constance, elle a quand même... Bon, oui, enfin c'est... Voilà.

  • Speaker #0

    Quand même, vous n'aimez pas les femmes fatales ? Dans les romans, c'est extraordinaire les femmes fatales. Pourquoi vouloir en faire une traumatisée ?

  • Speaker #1

    Elle n'est pas qu'une victime. Elle a quand même un sacré tempérament. Elle se bat, elle se défend. Elle décide de prendre finalement des outils d'homme à une époque où elle n'aurait pas eu le droit de s'en emparer.

  • Speaker #0

    Dans ce sens-là, peut-être que Les Trois Mousquetaires, version Dumas, est un roman féministe.

  • Speaker #1

    Oui, mais totalement. Mais c'est le premier à nous faire une personnalité forte. Parce que sinon, on n'a pas...

  • Speaker #0

    Elle est puissante, elle est dangereuse.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Moi, elle m'a beaucoup plu. Et elle se bat ? Oui. Elle reste puissante, elle reste dangereuse, mais elle devient... À mon sens, une femme. C'est-à-dire que là, chez Dumas, on a une esquisse. On a l'archétype de la méchante. Moi, j'avais envie qu'elle ait une peau, un parfum, des failles, une enfance. Qu'on sache ce qu'il y a derrière. J'ai juste voulu la déployer, en fait.

  • Speaker #0

    Vous avez donc écrit trois romans contemporains. Et puis là, vous avez lancé dans cette saga historique. Est-ce que c'est aussi... une déclaration de guerre au nombrilisme de la littérature actuelle, parce que vous n'aimez pas, vous n'avez jamais écrit d'autobiographie, et là il y a tout le temps de l'action, des dialogues. Non mais c'est vrai que c'est peut-être un manifeste aussi pour une certaine littérature dumasienne ?

  • Speaker #1

    Alors d'une certaine manière je pourrais dire c'est vrai, un manifeste, c'est pas faux, parce qu'en tout cas moi depuis mon premier livre, j'essaye d'écrire les livres que j'aime lire en fait. Et j'aime profondément les livres romanesques. Je trouve qu'il y a eu un grand mépris pendant un moment, là aussi, du roman. On a eu avec le néo-roman, il ne fallait plus avoir de personnages. Ensuite, c'était nul de raconter des histoires. Et puis, on a en ce moment, il y a des très beaux textes d'autofiction. Vous en avez écrit aussi des très beaux. Des chefs-d'œuvre. Mais des chefs-d'œuvre, absolument. Je pourrais les réciter dans le texte.

  • Speaker #0

    C'est quelque chose que vous ne ferez jamais ?

  • Speaker #1

    Il ne faut jamais dire jamais, parce que dès qu'on dit jamais, en fait, on se retrouve à faire exactement ce qu'on avait dit qu'on ne ferait pas.

  • Speaker #0

    Donc, je précise à la famille de Clermont-Tonnerre, vous pouvez être inquiets,

  • Speaker #1

    vous pouvez vous inquiéter. Il y a un moment où le tabou... Il y a un moment où ça va sortir,

  • Speaker #0

    elle va tout dire. Oui. Elle va détruire cette famille.

  • Speaker #1

    Ça va être terrible.

  • Speaker #0

    Non, mais c'est vrai que c'est toujours une mauvaise nouvelle dans une famille quand il y a un écrivain.

  • Speaker #1

    D'une certaine manière, c'est dangereux. Un écrivain est dangereux, c'est vrai. mais j'aime en tout cas j'aime le roman et je pense qu'il faut lui laisser une place c'est très beau l'autofiction. Il y a des textes de récits personnels, cette rentrée particulièrement, mais laissons de la place au roman quand même.

  • Speaker #0

    Je vais recevoir bientôt Percival Everett dans cette émission. Il a fait un peu la même chose que vous. Il a réécrit les aventures de Huckleberry Finn. C'est lui qui s'est inspiré de moi, très clairement. Ça veut dire qu'il y a une tendance. Lui, il a réécrit le personnage de Jim dans Huckleberry Finn, qui est l'esclave. Vous, vous prenez Milady, vous les mettez en avant. Pourquoi cette tendance de réécriture des œuvres du passé ? C'est pour ça que je vous taquine en disant que vous êtes woke, mais est-ce que vous allez par exemple réécrire Anna Karenin en traitant le fronski de salaud ?

  • Speaker #1

    Surtout que je n'ai jamais pu le lire ce livre. À chaque fois que je commence, je ne comprends plus qui est qui, je mélange tous les prénoms, je repars en arrière, je me fais des fiches et je laisse tomber. Tous les dix ans, j'essaye de le lire.

  • Speaker #0

    Prends un autre exemple. Est-ce que vous allez réécrire Madame Bovary en décrivant... tous ses amants comme des prédateurs toxiques.

  • Speaker #1

    Ah non, alors surtout, j'espère, j'espère avoir été plus nuancée que ça, franchement. Je suis désolé. Non, non, et honnêtement, je crois aussi que c'est plutôt une volonté de réconciliation. On a un patrimoine littéraire merveilleux. Et je trouve que je n'ai pas envie de l'annuler. Je n'ai pas envie justement de le réécrire. Je n'ai pas envie de le trahir. J'ai envie de l'éclairer différemment. Et pour moi...

  • Speaker #0

    Un autre angle, c'est ce que vous faites.

  • Speaker #1

    D'une certaine manière, j'épouse Dumas. J'épouse au sens que je me mets dans les creux, dans les blancs, et d'une certaine manière, j'essaye de lui faire un nouvel enfant. C'est l'œuvre la plus féconde de l'histoire de la littérature. Non, c'est vrai, il a été tellement repris. Et je lui offre une autre postérité.

  • Speaker #0

    C'est drôle que vous disiez ça, parce que lui-même disait... peut violer l'histoire à condition de lui faire de beaux enfants. Une phrase d'ailleurs assez inadmissible aujourd'hui.

  • Speaker #1

    D'ailleurs, en tout cas, Jean-Christophe Ruffin considère qu'il ne l'a pas dite et qu'il disait « L'histoire est un clou auquel j'accroche mes romans » , qui est joli aussi. Mais il y a de ça d'ailleurs. Je ne fais que ce qu'il a fait, Dumas, puisque lui a emprunté les trois mousquetaires à un précédent romancier et il a rajouté son génie, son panache.

  • Speaker #0

    On réécrit les mêmes... pas l'impseste depuis toujours. Quand même, là, vous avez l'air de minimiser, mais vous avez dit, dans une interview, que l'exécution de Milady était le plus grand féminicide de l'histoire de la littérature.

  • Speaker #1

    Mais c'est vrai, est-ce que vous en avez un autre aussi affreux que celui-là ? Il l'a tué deux fois.

  • Speaker #0

    Esmeralda, dans Notre-Dame de Paris, c'est avant, c'est en 1831, et Victor Hugo l'a fait, je ne sais plus si elle est brûlée vive, enfin,

  • Speaker #1

    c'est terrible. Il l'a tué deux fois. Parce que, quand même, c'est fort, mais... Et Athos, quand il se rend compte qu'elle porte cette marque, alors qu'il l'a épousée, qu'il pense avoir épousé une jeune femme. Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai, il l'a fait pendre.

  • Speaker #1

    Mais c'est pire que ça. Donc, elle tombe de cheval. Il croit avoir épousé une jeune fille pure. Elle n'arrive plus à respirer. Il ouvre ses vêtements. Il découvre la marque sur son épaule. Et là, il est tellement furieux qu'elle ait pu appartenir à un autre homme, etc., qu'il la met à nu et il la pend sans autre forme de procès. il lui demande pas mais ma chérie que s'est-il passé non direct il la pend et on la retrouve quelques années plus tard et là boum il la décapite enfin c'est encore pire qu'Esmeralda oui c'est vrai que c'est moche bah non c'est pas joli

  • Speaker #0

    Est-ce que vous allez revenir au XXIe siècle la prochaine fois ? Oui. Ah, vous avez commencé déjà ?

  • Speaker #1

    Oui, oui. En fait, j'en ai plusieurs en cours, mais là, il y en a un qui prend le dessus.

  • Speaker #0

    Il y a une question que j'avais envie de vous poser, puis en tant que reine de France, prétendant au trône.

  • Speaker #1

    Je vous en prie, posez, posez.

  • Speaker #0

    Vous ne trouvez pas que la République française va assez mal depuis 1789 et que finalement, d'avoir supprimé la monarchie, franchement, ça nous… enfin, on est devenu un peu… Ingouvernable ? Est-ce que vous êtes pour le retour de...

  • Speaker #1

    Alors moi, je ne suis pas du tout monarchiste, parce que malheureusement, en tout cas, si on était dans les prétendants légitimes, je trouve que ce n'est pas très enthousiasmant.

  • Speaker #0

    Dis donc, la patronne de Point de vue dit du mal du comte de Paris ?

  • Speaker #1

    Non, je ne dis pas du mal du comte de Paris. Je dis que, dans ce cas-là, il faudrait une monarchie élective.

  • Speaker #0

    Ah ben, c'est ce qui existe déjà.

  • Speaker #1

    Oui, d'une certaine manière...

  • Speaker #0

    C'est ce qui se passe au palais de l'Elysée. On met un roi qu'on a élu.

  • Speaker #1

    Je trouve... que j'aime bien, alors sans doute me suis-je embourgeoisée, j'aime bien l'idée de mérite quand même, je trouve ça assez sympathique.

  • Speaker #0

    Moi ce que je prône c'est un roi qui est là pour symboliser la permanence de la France, la grandeur de la nation et tout ça, mais qui fait strictement rien. Et il y a un intendant, un premier ministre, qui s'occupe de l'économie, des finances.

  • Speaker #1

    Mais alors comme on est en pleine crise constitutionnelle, je pense qu'il faut que vous... vous soumettiez le sujet. Je pense que c'est franchement... Vous feriez un très bon rédacteur d'un nouveau code civil, d'un nouveau Stéphane Bern. Ah non, moi je vous voyais plutôt constitutionnaliste de haut vol.

  • Speaker #0

    Non, parce que toute l'Europe est monarchique, quasiment. Oui,

  • Speaker #1

    une grande partie.

  • Speaker #0

    Les Anglais, la Hollande, l'Espagne, la Norvège, la Belgique, le Luxembourg, la Suède.

  • Speaker #1

    Oui, ça leur va bien. Mais ce qui est drôle, c'est que, je le sais à travers le journal, le point de vue que je dirige, c'est... C'est une évidence qu'il y a une fascination française pour la monarchie et qu'on n'a pas fait notre psychanalyse de 1789. Il faut tous qu'on se mette sur un divan et qu'on sorte ça de notre système.

  • Speaker #0

    Je pense que le succès de votre roman s'explique aussi pour cette raison-là, une fascination pour la grandeur de la France des

  • Speaker #1

    17e. Il faut se réconcilier avec ça quand même, parce que c'est vrai que c'est un patrimoine magnifique. Ici,

  • Speaker #0

    nous sommes dans un restaurant. qui a ouvert en

  • Speaker #1

    1766. C'est quand même magnifique. Et il faut penser que le monde entier vient en France. Pourquoi ? Aussi pour ça. Donc, on peut peut-être accepter qu'on a fait des choses pas mal dans le passé.

  • Speaker #0

    On va passer au « Je devine tes citations » Adélaïde. Je vais vous lire des phrases tirées de vos œuvres.

  • Speaker #1

    C'est très bizarre.

  • Speaker #0

    Dans quel livre vous avez écrit cette phrase ? « La première chose que je vis d'elle fut sa cheville, délicate,

  • Speaker #1

    nerveuse. »

  • Speaker #0

    Le dernier des nôtres, c'est l'insipide, 2016. Sa cheville délicate, nerveuse, cancérait l'abride d'une sandale bleue. Vous regardez les femmes comme un vieux fétichiste.

  • Speaker #1

    Alors, ce qui m'amuse, c'est que j'avais rencontré quelqu'un qui aime, qui est fou des chevilles des femmes. Et ça m'a beaucoup intéressée. Et là, c'est vrai que je pars dans ce qu'on a appelé longtemps le blason. Cette manière d'en écriver des petits textes sur une partie très précise du corps féminin. Et le fait qu'on aime tellement les chemises, les chevilles, pardon, et les chemises, ça m'a plu.

  • Speaker #0

    Vous savez, vous êtes comme Brigitte Bardot, parce que Brigitte Bardot, on lui demandait ce qu'elle regardait en premier chez un homme et elle répondait sa femme.

  • Speaker #1

    Ça c'est drôle, moi c'est les mains.

  • Speaker #0

    Ah oui, autre phrase de vous, écrire c'est se prostituer, se décaper, se montrer, fourrure, s'exhiber, je continue. Les métaphores, la lingerie fine, les descriptions, le lubrifiant, les aphorismes, les gâteries. Le tout pour 18 euros. Avouez que ça n'est pas cher payé si la passe était bonne. Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Mais enfin. Mais vous avez écrit ça dans votre premier roman qui avait obtenu le prix Sagan en 2016. 2010.

  • Speaker #1

    C'était longtemps.

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est un personnage qui s'exprime. Ce n'est pas vous. C'est un personnage.

  • Speaker #1

    Ce qui est drôle, c'est que comme tout le monde est dans l'autofiction, les lecteurs venaient me voir. C'est l'histoire d'une fille de Madame Claude. Ils étaient un peu consternés en disant « Vous avez été obligés de faire ça pour payer vos études ? » Je leur disais « Mais ce n'est pas moi du tout ! » Ils étaient très embêtés pour mon parcours.

  • Speaker #0

    Cela dit, quand vous dites qu'écrire, c'est séduire, c'est vrai. Quand vous écrivez, on sent que vous voulez plaire.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, moi, j'ai envie d'embarquer les gens avec moi.

  • Speaker #0

    Il se passe des choses.

  • Speaker #1

    J'ai envie qu'il se passe des choses. J'ai envie de leur donner du plaisir. J'ai vraiment envie de donner du plaisir de lecture. Et je trouve que c'est souvent mépriser le plaisir de lecture. C'est-à-dire, quand il y a du plaisir, c'est comme si ce n'était pas très bien. C'est suspect. C'est suspect. Il faut être chiant. Ça ne doit pas être de la bonne littérature parce que c'était trop bien. Je ne suis pas très convaincue que ce soit vrai.

  • Speaker #0

    Vous n'êtes pas assez ennuyeuse. Je vous le reproche.

  • Speaker #1

    Je vais m'appliquer pour le prochain.

  • Speaker #0

    Une autre phrase de vous. Truffaut, pour elle. c'est une jardinerie.

  • Speaker #1

    Je me suis amusée avec ça. Oui, ça, c'est dans Les jours heureux.

  • Speaker #0

    Voilà,

  • Speaker #1

    vous voyez que vous vous souvenez de tout. Oui, en fait, je me souviens.

  • Speaker #0

    Parce qu'avant l'émission, Adélaïde disait mais moi, je ne vais pas y arriver. C'est trop difficile. Je suis amnésique.

  • Speaker #1

    J'oublie beaucoup de choses de mes livres.

  • Speaker #0

    Mais non, Les jours heureux 2021. Alors, le problème de cette blague, donc Truffaut, c'est une jardinerie, c'est qu'il faut connaître le cinéaste et le magasin. Ma jardinerie. Et je pense que les jeunes qui nous regardent ne connaissent ni l'un ni l'autre.

  • Speaker #1

    À vous penser. Mais vous, vous avez compris.

  • Speaker #0

    Cela dit, c'est vrai que... Une chose qui m'avait frappé dans Fourrure et puis dans les suivants aussi, vous aimez la satire et vous êtes assez méchante. Vous êtes plus méchante finalement à l'écrit qu'à l'oral. Là, vous êtes tout à fait charmante, mais quand vous écrivez, la langue de vipère...

  • Speaker #1

    Il y a des moments, c'est très drôle. On ne peut pas s'empêcher quand même d'avoir envie de croquer. Oui, oui, j'aime bien.

  • Speaker #0

    Vous défoulez à l'écrit. Tout ce que vous ne pouvez pas dire dans votre journal, vous le mettez dans vos livres.

  • Speaker #1

    Oui, c'est peut-être ça en fait.

  • Speaker #0

    Une autre phrase. Attention, il y a un piège. Ah. Le 24 février 1815, la vigie de Notre-Dame de la Garde signala le trois mâts le pharaon venant de Smyrne, Trieste et Naples.

  • Speaker #1

    Ça, c'est pas du tout moi.

  • Speaker #0

    Non.

  • Speaker #1

    Pourquoi je la connais ?

  • Speaker #0

    Vous la connaissez par cœur.

  • Speaker #1

    Je la connais par cœur.

  • Speaker #0

    C'est Alexandre Dumas. Ah, mais voilà. Mais le piège, c'est que c'est l'insipide du conte de Montecristo.

  • Speaker #1

    Ah mais oui, c'est ça, bien sûr. C'est une phrase sublime. C'est magnifique.

  • Speaker #0

    Parce que là,

  • Speaker #1

    il y a un souffle. Déjà, il crée un monde en une dizaine de mots.

  • Speaker #0

    Je trouve que c'est même du même niveau que le début de Salambo.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    c'est vrai. C'était à Mégara, au bord de Carthage,

  • Speaker #1

    dans les jardins d'Amica. Et on a les parfums, les épices, et ça y en est parti.

  • Speaker #0

    Une autre phrase, cette fois vraiment de vous. Vous avez reçu à la naissance le don de la beauté. C'est une chose merveilleuse si vous le confiez à Dieu, c'est dans le dernier, si vous le confiez à Dieu ou à un être digne de vous, mais elle peut devenir une malédiction. Donc vous pensez que la beauté peut être une catastrophe ?

  • Speaker #1

    Ah je pense que pour... il y a des femmes sublimes et je pense que ça peut être une malédiction pour elles parce qu'on ne voit plus que ça. Et on oublie complètement leur intériorité et ça devient un écran qui casse tout, mais comme la célébrité, comme tout ce qui... qui interdit l'accès à qui on est vraiment. Et je m'y intéressais déjà dans « Les jours heureux » , j'ai ce personnage d'une influenceuse que tout le monde prend pour une sombre idiote parce qu'elle est magnifique et qui se révèle justement peut-être une garce un peu à la milady. Et je trouve que oui, la beauté peut être une malédiction.

  • Speaker #0

    Dans « Je voulais vivre » , il y a cette question qui revient plusieurs fois. Elle doit prouver qu'elle a un cerveau.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et puis cette malédiction dont vous parlez, c'est peut-être aussi que vieillir.

  • Speaker #1

    C'est perdre ce pouvoir. C'est tout perdre, exactement. C'est pour ça, moi, toutes les femmes qui travaillent avec leur beauté, les femmes des magazines, etc., je trouve ça... C'est-à-dire que vieillir n'est pas facile pour personne. Je trouve ça d'une cruauté encore plus difficile quand en plus vous perdez votre travail d'une certaine manière. Nous, écrivains, on peut devenir très vieux, très laid, très longtemps. Ça ne nous empêchera pas d'écrire. La preuve ! Vous cherchez le compliment, Frédéric, c'est pas bien.

  • Speaker #0

    Je développe alors encore dans... C'est encore dans Je voulais vivre. Tu me reproches la légèreté qui t'a séduit. Dans une lettre, Milady, vous faites dire ça à Milady. Tu me reproches la légèreté qui t'a séduit. Ça, ça m'a touché parce que... Comment dire ?

  • Speaker #1

    On vous a reproché votre légèreté.

  • Speaker #0

    On a tous vécu ça, j'ai l'impression.

  • Speaker #1

    Oui, alors ça me fait toujours... Ça me trouble toujours dans les couples. Les couples qui se mettent à détester les raisons exactes pour lesquelles ils sont tombés amoureux. Et je ne comprends pas ça. Et c'est vrai qu'on met un certain temps, ça vient avec la maturité, de se dire qu'on ne changera jamais quelqu'un. Jamais, jamais, au grand jamais, on change quelqu'un. Et continuons de les aimer pour tout ce qui nous a attirés au départ. Oui.

  • Speaker #0

    Alors là, elle meurt à quel âge, Milady ? 25 ans. Oui, c'est ça qui est dingue. Oui.

  • Speaker #1

    Mais ça n'a dérangé personne. Non,

  • Speaker #0

    mais du coup, elle reste toujours...

  • Speaker #1

    Ah ben, éternellement belle.

  • Speaker #0

    Éternellement, ce personnage...

  • Speaker #1

    Mais ce qui est drôle si vous regardez, c'est que Milady a très très souvent été...

  • Speaker #0

    choisie en brune. Alors qu'en fait, dans le texte de Dubas, elle est blonde. Elle a une beauté très pure, très classique.

  • Speaker #1

    C'est pour ça que vous êtes intéressée à elle.

  • Speaker #0

    C'est narcissique. Ah, mais non, pas du tout. Parce que ma première héroïne Zita, que j'aime profondément, est une magnifique brune.

  • Speaker #1

    Vous avez préféré quelle actrice dans le rôle de Milady ? Je vous donne une liste. Eva Green en 2023, Mila Jovovich en 2011, Faye Dunaway en 1973, Mylène de Mongeau en 1961. ou Lana Turner en 1948 ?

  • Speaker #0

    Alors moi, ce serait un mélange de Lana Turner et Eva Green, parce qu'Eva Green a quand même ce magnétisme. Et puis moi, elle m'a inspirée depuis mon premier livre Fourrure, l'héroïne s'inspire d'Eva Green et de Charlotte Rampling.

  • Speaker #1

    Donc froide, un peu plus froide.

  • Speaker #0

    Froide, très mystérieuse, avec une présence très forte. Elle a, oui, cette beauté fatale, même si justement, je ne vais pas que vers la fatalité.

  • Speaker #1

    Merci infiniment. Alors, on passe au questionnaire du WBD. Il faut faire des réponses courtes, s'il vous plaît.

  • Speaker #0

    Je vais essayer.

  • Speaker #1

    Vous aimez les romans virevoltants. Longs.

  • Speaker #0

    Vous êtes ennuyé peut-être.

  • Speaker #1

    Non, pas du tout. Alors, on y va. Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Si c'est une fille, parce qu'elle apprendra à dire non, à dire oui si elle a vraiment envie, à se défendre. Et si c'est un garçon, il apprendra ce que c'est que des préliminaires.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire, chat GPT ?

  • Speaker #0

    Des mojitos aux fruits de la passion.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'il ne sait pas. Ben non. Il peut vous donner la recette.

  • Speaker #0

    Oui, mais il ne pourra pas vous le faire. Mais non, non.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu peur en l'écrivant que votre livre ne serve à rien ?

  • Speaker #0

    Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès. C'est encore plus beau lorsque c'est inutile.

  • Speaker #1

    Ah oui, c'est Cyrano, ça. Oui. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?

  • Speaker #0

    Oui, ah oui, vraiment.

  • Speaker #1

    Ça alors ! Vous êtes la première à me dire oui depuis que je pose cette question.

  • Speaker #0

    Moi je pense vraiment qu'un écrivain doit être gentil. Je pense qu'il a un pouvoir de blesser, de salir, de détruire, et je pense qu'il a le pouvoir exactement inverse et que c'est celui-là qu'il faut utiliser.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    La solitude parce que ça m'arrive tellement rarement. J'aime vraiment la solitude.

  • Speaker #1

    Ça donne une excuse, en fait, pour dire aux gens d'aller nous foutre la paix.

  • Speaker #0

    Je me rappelle d'un grand écrivain qui disait « être écrivain, c'est dire non du matin jusqu'au soir » . C'est vrai.

  • Speaker #1

    Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    J'ai essayé, c'était nul. Ah bon ? C'était complètement raté. Ça allait un peu mieux avec la vodka, mais quand même, c'était pas…

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce que c'est un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Moi, je pense vraiment que c'est un bien nécessaire. Il y a tellement de livres. Il y a tellement de livres qui ont déjà été publiés dans l'histoire et tellement de livres qui sortent chaque année. Moi, j'ai vraiment envie qu'on m'emmène vers des livres que je n'aurais pas été chercher toute seule, en fait.

  • Speaker #1

    Mais les critiques sur vous, par exemple, elles vous apprennent des choses ? Oui. Là, vous avez beaucoup de bonnes critiques, de compliments.

  • Speaker #0

    Oui, alors je crois plus aux critiques quand elles sont bonnes. Quand elles sont mauvaises, c'est un peu comme l'horoscope, vous voyez. On y croit quand c'est bon, puis quand c'est pas bon, on passe.

  • Speaker #1

    Fantasmez-vous sur J.D. Salinger, comme moi, qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Moi, j'aime beaucoup les interviews, mais comme je suis journaliste, j'aime encore plus quand c'est moi qui pose les questions.

  • Speaker #1

    Un roman doit-il réparer le monde ? Ça, c'est, je trouve, ma question la plus con. Non,

  • Speaker #0

    non, moi, je trouve ça très vrai. Oui. Alors, oui.

  • Speaker #1

    En fait, vous êtes vraiment... Oui, oui, je vois. Mais vous, vous êtes vraiment une feel-good, quoi. Vous êtes une feel-good. Non,

  • Speaker #0

    je ne suis pas une feel-good. Moi, j'écris. J'écris pourquoi ? parce que le monde me blesse. Parce qu'il y a quelque chose dans le monde qui ne me plaît pas, dans l'être humain qui ne me plaît pas. J'ai envie de faire quelque chose de…

  • Speaker #1

    Que dans votre monde à vous, au moins…

  • Speaker #0

    Je m'échappe. Je m'échappe. Alors, il y a des scènes très violentes. Il y a toute la fureur de l'être humain aussi dans mes livres. Mais c'est moi qui la contrôle, donc je préfère.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'œuvre ?

  • Speaker #0

    Le prochain.

  • Speaker #1

    Êtes-vous une ouin-ouin ? Alors, pas du tout. Je ne crois pas.

  • Speaker #0

    Ah non, je n'aime pas les ouin-ouins. Non, vraiment, je n'aime pas ça. On a beaucoup de chance tous.

  • Speaker #1

    Vous n'aimez pas vous plaindre ? Vous n'aimez pas les auteurs qui se lamentent ?

  • Speaker #0

    Ah non, mais par exemple, Chateaubriand, pendant tout un moment, Attala, je n'en pouvais plus. Ah non, ça me fatigue.

  • Speaker #1

    Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?

  • Speaker #0

    Moi, je ne crois pas que ce soit de mentir. Je pense que le but de la littérature, c'est d'embellir, pas de mentir.

  • Speaker #1

    Ils avaient vraiment une fixette sur la positivité. C'est bien.

  • Speaker #0

    Alors, pas que positif, mais en tout cas, oui.

  • Speaker #1

    C'est rare dans mes invités. C'est ça. J'invite que des pessimistes, des astreux.

  • Speaker #0

    Il y a quelque chose auquel je pense que ça m'a marqué. Romain Garry, dans Pour Osganarelle, il écrit « La botte du réel a écrasé les écrivains » . Moi, avec l'imagination, j'ai envie de soulever le poids de cette botte.

  • Speaker #1

    Quel est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Moi, je trouve que... que quand on dit à un écrivain que c'est le meilleur écrivain, on le tue. Ça y est, il est lyophilisé, donc je n'ai pas envie de tuer les gens que j'aime.

  • Speaker #1

    Si vous étiez très riche, continueriez-vous d'écrire ?

  • Speaker #0

    Je crois que j'écrirais beaucoup plus, parce que j'aurais plus de temps.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fière ?

  • Speaker #0

    Les textos que j'envoie à mon mari.

  • Speaker #1

    Avez-vous... Je n'arrive pas à lire mes questions.

  • Speaker #0

    Vos questions ? Oui.

  • Speaker #1

    Non, la question Farnell 451. Imaginons un monde où les livres seraient interdits. Quel livre seriez-vous prête à retenir par cœur pour le sauver ?

  • Speaker #0

    Alors, justement, quelque chose qui n'est pas ouin ouin du tout. Candide, de Voltaire. Je reste sur la ligne optimiste. Très bien. Et voilà.

  • Speaker #1

    Encore que c'est un livre qui critique beaucoup de choses. Ah oui,

  • Speaker #0

    et puis il y a des scènes apocalyptiques. de guerre épouvantable.

  • Speaker #1

    Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. C'est évidemment une antiphrase. Y a-t-il un livre qui vous a sauvé la vie ?

  • Speaker #0

    Il ne m'a peut-être pas sauvé la vie, mais il m'a beaucoup aidée. C'est le fameux livre L'année de la pensée magique, John Didion. Elle écrit ça en ayant perdu son mari. Sa fille est en très mauvais état de santé, semi-mourante. Elle écrit ce livre incroyable sur le deuil. Je le donne aux gens qui perdent quelqu'un.

  • Speaker #1

    C'est sublime. Quel est votre âge mental ? 7 ans. C'est l'âge de raison.

  • Speaker #0

    Oui, tout juste. Merci beaucoup Adélaïde de Clermont-Tonnerre.

  • Speaker #1

    Je vous remercie infiniment. Je vous ordonne à tous de lire « Je voulais vivre » aux éditions Grasset. Abonnez-vous, likez, faites plein de trucs avec vos doigts sur vos téléphones pour que vous receviez les prochaines conversations prioritairement. Et puis vous pouvez aussi commenter. m'insulter en allemand, allez-y, lâchez-vous. Si vous voulez sponsoriser Conversations chez la Pérouse, allez sur l'adresse conversationschezlaperouse.com C'est vraiment facile à retenir. Comme ça, ça permettra de payer mes frais de costume, de champagne, la drogue d'Adélaïde de Clermont-Tonnerre, etc. Et surtout, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot. C'est vrai. Bonsoir.

  • Speaker #0

    Bonsoir.

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