- Speaker #0
Et cette semaine, notre parrainage, ce sont les éditions Séguier pour promouvoir le roman de Vassilis de Basile Panurgias. C'est l'histoire d'un grec exilé qui retourne à Athènes, ville antique envahie par le tourisme de masse, les AirBnB, mais aussi par tous les bobos d'Europe qui s'aperçoivent que ça ne coûte pas très cher de vivre à Athènes. Et il tombe amoureux, évidemment, d'une archéologue au pied de l'acropole. Vous connaissez... Je l'ai lu,
- Speaker #1
c'est pas mal du tout.
- Speaker #0
Vous connaissez Basile Panurgias ?
- Speaker #1
Oui, je l'ai reçu cet été, je l'ai lu.
- Speaker #0
D'accord, c'est notre sponsor de la semaine. Voilà, le roman de Basilis.
- Speaker #1
Il mérite tout à fait ce public reportage.
- Speaker #0
Mais c'était tout à fait, je suis très content. Je sélectionne quand même les livres dont je fais la promotion. Donc ce n'est pas la peine que je vous l'offre, vous l'aviez déjà. Très bien. Et vous connaissez la Grèce, vous étiez cet été, non ? En Toscane, c'était.
- Speaker #1
Non, j'étais en Toscane.
- Speaker #0
Je vous ai confondu avec votre attaché de presse. Bon, alors, on commence. Donc, vous êtes là pour Tressaillir, votre nouveau roman, Maria Pourchet, aux éditions Stock. Est-ce que Tressaillir, c'est un but ou une malédiction ?
- Speaker #1
C'est une condition. Tressaillir, il m'est apparu que... Il y a quelques années que je ne faisais que ça. Traissaillir de peur, de joie, de désir, d'effroi, de fatigue. J'étais tout en traissaillement.
- Speaker #0
Mais là, est-ce que vous traissailliez pendant cette émission ?
- Speaker #1
Non, là, je me suis calmée. Non, non, ça va mieux.
- Speaker #0
C'est un peu vexant.
- Speaker #1
Je sais. En me formulant, je me suis dit « Ah ! » Oui,
- Speaker #0
il n'y a pas le moindre traissaillement. Non,
- Speaker #1
non, on s'habitue. Je me suis habituée à votre présence.
- Speaker #0
J'ai pensé à un terme qui aurait pu être le titre, c'est « s'arracher » . parce que vous y avez pensé aussi.
- Speaker #1
J'y ai pensé aussi, mais ça faisait un peu boucherie. C'est un peu ça.
- Speaker #0
C'est quand même un peu ça. C'est-à-dire que l'histoire de... Comment elle s'appelle déjà ? L'héroïne, Michelle. Michelle quitte sa famille, son mari et sa fille, Lou, ce qui demande un immense courage. Vous dites un homme, un foyer, un lieu. C'est ça, c'est quitter ces trois choses-là d'un coup. c'est là où je dis c'est un arrachement.
- Speaker #1
Oui, j'avais... Mais en même temps, comme j'exploitais beaucoup le champ lexical de l'arrachement, j'avais envie de trouver autre chose pour le titre. Oui, c'est un arrachement d'autant plus... Toute la sémantique de la chair, de la blessure, du sang, c'est imposé à moi pour écrire ça parce que c'est ce... C'est se couper de quelque chose qui, de l'instant d'après, se révèle vital, mais trop tard.
- Speaker #0
Il y avait déjà ça dans Western, en 2023, il y a une femme qui quittait tout.
- Speaker #1
Un homme aussi.
- Speaker #0
Oui, mais là, c'est plus, vous analysez vraiment les conditions de la rupture, les effets de la rupture en détail, c'est-à-dire qu'elle est obligée d'aller vivre à l'hôtel, évidemment, elle compare sa vie avec la vie d'avant. elle est obligée d'aller voir un psy, de prendre des antidépresseurs, etc. Jusque dans les moindres détails de ce que c'est que le fait de quitter sans être tombée amoureuse d'un autre. Juste quitter pour quitter.
- Speaker #1
Oui, vous faites référence à mon livre précédent. Je crois que j'écris pour rendre compte de ces moments-là où un individu, un homme, c'est souvent une femme parce que je le suis, va tenter une autre version de lui-même. Et c'est les épisodes les plus dangereux de l'existence, puisque tenter une autre version de soi-même, c'est-à-dire qu'on va rejouer son nom, son... ses repères, ses habitudes, son lieu, l'idée qu'on a de soi-même, l'idée que les autres ont de vous-même, et on ne sait absolument pas ce que ça va produire. Et dans tout, il y a la passion, il y a la maternité, il y a l'exil, il y a l'immigration, il y a plein de ces étapes-là. Celle qui est, à mon avis, la plus dangereuse, c'est... C'est quitter le foyer, c'est quitter la vie cousue d'humains, c'est-à-dire quitter ce qui procède de vous, ce qu'on a inventé pour soi.
- Speaker #0
Et puis aussi ce pourquoi on a été programmé par ses parents aussi, parce que Michel, visiblement...
- Speaker #1
C'est un appareil de conditionnement éducatif, socio, etc., qu'il faut aussi mettre à... enfin, qu'il faut aussi fendre. Et ça fait longtemps que je voulais écrire là-dessus. Là, j'ai la maturité pour le faire, me semblait-il. Depuis l'enfance, j'ai été très sensible à ces... J'ai vu beaucoup d'adultes presque se suicider dans cette opération-là de rompre avec le modèle qui les avait faits et qui les avait faits. C'est pour ça que je dis que c'est le plus dangereux et le plus courageux. Oui,
- Speaker #0
c'est un livre où vous parlez beaucoup d'ailleurs de courage et de peur. La narratrice, elle est... presque exagérément en train de tressaillir tout le temps. Et pourtant, elle passe à l'acte. Est-ce que je peux vous demander de lire la page 15 ? Ce n'est pas un ordre, parce que je refuse le patriarcat, mais enfin, c'est une suggestion.
- Speaker #1
Je suis partie. N'importe comment, mal. Comme à chaque fois que s'exerce contre une vie rangée le fléau qu'on appelle décision. et qu'on laisse à l'autre la maison vide sur les bras. J'ai dit je pars, et précipitant presque au hasard des choses à moi dans des sacs, j'ai quitté l'appartement. Finir, c'est bâcler. Je suis partie sans parvenir à m'expliquer. Pour dire quoi ? À propos des fins, n'importe quelle version est un faux, et je n'ai rien trouvé sur le moment. Rien d'assez fort ou d'assez clair. Rien surtout qui fût à la hauteur de l'événement, d'effaire sa vie. Je suis partie, c'est tout.
- Speaker #0
Il y a... Alors là, c'est assez sobre, mais le style, ensuite, est très haché, avec des ellipses, avec... Oui, oui, vous écrivez, en fait, la... Il y a des ruptures, comme vous parlez d'une rupture, en fait, dans la forme aussi. C'est un peu précipité, un peu... Pas dans la deuxième partie, qui est plus calme, mais au début, c'est vraiment presque télégraphique. C'est involontaire.
- Speaker #1
C'est toujours un volontaire. Vraiment, la forme épouse l'objet très facilement chez moi. Là, si Michel, elle est vraiment à bout de souffle. Elle ne dort plus, elle ne mange plus. Ce que tu disais tout à l'heure, elle s'est coupée de quelque chose qui se révèle vitale dans les heures suivantes. Et elle s'aperçoit que femme rompue, comme disait Simone de Beauvoir, n'est peut-être pas à sa portée. Elle s'en doutait, mais là, elle pense que ce n'est pas à sa portée et qu'elle va y rester.
- Speaker #0
Surtout avec une fille, c'est ça le plus difficile.
- Speaker #1
Donc elle est dans un état d'allaitement, avec un H perpétuel. Et oui, je crois que quand j'écris, je m'installe dans cette femme et j'écris avec son souffle à elle.
- Speaker #0
Il y a une violence dans la scène d'ouverture, alors que c'est une engueulade.
- Speaker #1
Une violence symbolique. Non, ce n'est même pas une engueulade, c'est une engueulade feutrée. Oui, c'est ça. C'est une engueulade chez les bourgeois.
- Speaker #0
C'est la violence froide de la conjugalité, je dirais. Il y a quand même un mari qui jette un pot de fleurs par la fenêtre, qui manque de tuer une passante. Et puis, elle a cette trouille de mal faire. Ça, c'est vrai que j'ai trouvé ça très émouvant. Est-ce que vous diriez que c'est une femme en morceaux ?
- Speaker #1
Elle n'est pas loin de l'être. Donc, il faut qu'elle se recompose. À ce moment-là, justement, dans cette scène d'ouverture, il y a une vie. Une violence froide, sourde, qui s'explique par des attitudes, des mots qui ont l'air très simples, des activités domestiques très limitées, et qui font circuler énormément d'hostilité et d'agressivité. Je pense que tous les gens qui sont en couple depuis longtemps doivent imaginer ce que j'évoque. Et à un moment, à propos d'une histoire de plante qui n'a pas été arrosée, le mari fait basculer un pot d'hortensia sur la rue. ce qui est un geste extrêmement offensif envers les passants mais c'est lui qui détourne son agressivité qui aurait pu se diriger vers elle il la dirige vers un objet et en fait ce qu'elle voit c'est qu'elle pourrait être en morceau et c'est à ce moment là qu'elle s'en va mais je pense qu'elle ne l'est pas encore je pense que la rupture est le produit quand même d'un sursaut vital d'un sens de la préservation aiguë donc on n'est pas c'est pas mon histoire mais on n'est pas Si on est encore capable de fuir, ça va.
- Speaker #0
Non mais ce qui est très... inhabituelle, je ne sais pas, c'est de quitter pour personne d'autre. C'est ça qui est assez courageux et même dur pour le mari. Le mari ne comprend pas pourquoi elle fout tout en l'air sans être amoureuse d'un autre, simplement parce qu'elle en a ras-le-bol de ce mariage,
- Speaker #1
de ce couple. Moi, je connais beaucoup de gens qui sont capables de quitter la vie cousue d'humain même pour personne d'autre. Mais c'est quand on est vraiment rendu au terme du voyage. Et parfois, il peut y avoir quelqu'un qui est l'ordre du détonateur, plutôt de l'interrupteur, sans qu'il soit question d'amour. Juste un véhicule, une roue, passer d'une vie à l'autre.
- Speaker #0
Alors là, on parle très sérieusement, mais comme toujours, chez vous, il y a beaucoup d'humour, il y a beaucoup de sarcasme, il y a des formules. Elle dit par exemple, dans l'ensemble, je promets beaucoup de choses à beaucoup de monde. Est-ce que là, ça parle de la narratrice ou de vous ?
- Speaker #1
Là, ça parle de la narratrice. Je n'aurais pas pu. Pour régler la question une fois pour toutes, on ne peut pas écrire une histoire comme ça si c'est la sienne. Bien sûr, parce qu'on expose trop de gens. Pour moi, la liberté de l'écrivain s'arrête.
- Speaker #0
Ernaux, ça ne l'a pas dérangé. Il y a beaucoup d'écrivains. Notamment sur La Rupture, il y a le livre de Constance Debré, qui était quand même un choc. Elle exposait toute sa famille, y compris son fils. Elle racontait comment elle en avait ras-le-bol.
- Speaker #1
Moi, j'en suis absolument incapable. en plus vous évoquez des livres que j'aime beaucoup Annie Arnaud elle a changé beaucoup de choses pour moi mais c'est pas la violence la violence à Dominem elle n'est pas chez Annie Arnaud elle ne me frappe pas on ne sait pas de qui elle parle les gens sont presque des stéréotypes c'est l'homme, la femme, l'amant, le mari là Voilà, on est loin du roman à clé. Je n'aurais pas pu raconter cette histoire si les protagonistes pouvaient clairement s'identifier. Bien sûr, toutes les émotions dont je parle m'ont traversé un moment ou un autre de mon existence, mais les épisodes, celles que j'écris... Oui,
- Speaker #0
ils sont imaginaires. Je ne peux pas. C'est bien de le préciser. Bon, heureusement qu'il y a Lou, parce que Lou, elle a 6 ans, et Michel n'a pas le droit de se laisser aller. Elle écrit, enfin vous écrivez, c'est pas humain, cette situation où on quitte sa famille et donc son propre enfant, c'est pas humain et pourtant elle ne peut pas se laisser aller, elle ne peut pas se suicider par exemple. Enfin, est-ce que je me trompe ?
- Speaker #1
Alors je pense que c'est pas du tout quelqu'un qui a ce ressort-là. C'est plutôt, si ça tressaille, c'est que ça tressaille encore. C'est que le cœur gauche est à sa place et il a encore des aspirations. Et encore une fois, comme je disais tout à l'heure, si on part, c'est qu'on a décidé d'une mue, c'est qu'on a décidé de fermer un cycle et d'en commencer un autre. Donc c'est le contraire de la pulsion suicidaire. Mais effectivement, ce qu'elle ne peut pas anticiper, il faut que ça passe par la chair, c'est ce que ça fait l'arrachement à l'enfant. Alors là, moi je raconte une femme qui... comme il y a un problème d'appartement, elle ne peut pas vivre immédiatement tous les jours avec son enfant. Idem, ce n'est pas quelque chose que j'ai vécu. Moi, j'ai vécu un jour une garde alternée, mais ça renvoie la mère à une condition animale. C'est-à-dire que la tristesse d'être inédite, qu'on ne connaît pas, qui n'a pas d'équivalent, d'être séparée du petit. Ce truc épidermique qui nous renvoie à l'état de... Je ne sais même pas, de Louvre... Oui,
- Speaker #0
oui, oui.
- Speaker #1
Et parmi toute la gamme de souffrances physiques qu'elle ressent, celle-là, c'est la pire. Bien sûr. Et rien dans nos éducations, dans les concentrés de civilisation que nous sommes, rien ne nous prépare à appréhender ça, à le comprendre et à le traverser. Et elle,
- Speaker #0
en particulier. Oui, elle devient presque folle. Et vous avez parlé de mue, et vous écrivez... Quitter commence par la peau. La peau part en premier. Donc il y a un dégoût physique, il y a une lassitude physique dans ce couple, j'imagine. J'ai compris ça comme ça.
- Speaker #1
En fait, c'est surtout que... Un petit peu basique. Un petit peu basique. Alors, c'est plus complexe, figurez-vous, c'est plus ramifié. En douté. C'est que son... Quand on normalise longtemps la normale, je crois que j'ai donné 8 ans de vie à ce couple, ça fait 8 ans qu'elle est dans une situation qui ne lui correspond pas. Et elle a un enfant, elle a une vie organisée, des amis, des habitudes, des horaires, une forme de bonheur. Et donc quand on normalise la normale... Il n'y a plus rien qui parle de la normale, sauf le corps.
- Speaker #0
C'est le révélateur d'un problème.
- Speaker #1
Le corps aligne des symptômes de plus en plus violents. Oui,
- Speaker #0
elle commence par avoir des éruptions cutanées.
- Speaker #1
Voilà, pour dire que ça ne va pas. Et moi, j'ai toujours été frappée par le langage de la peau. Ça, c'est quelque chose, quand on ne sait plus où on en est, qu'on ne sait plus quoi faire, la peau se déchiffre comme un braille. Si elle sèche, si elle gratte, si elle est... si elle est grise, si elle est... Enfin, on parle toujours du glow, voilà, mais c'est très vrai, ça. Je veux dire, ce que la peau révèle ou ne révèle pas de l'état psychique, je trouve ça fascinant.
- Speaker #0
Là, nous avons de belles peaux. On voit des gens équilibrés, épanouis.
- Speaker #1
Comme on est filmés, on s'est mis dans des trucs. Non,
- Speaker #0
mais c'est plus que la peau. C'est plus que la peau parce que l'appartement se fissure. Il y a des... Dans les murs de leur maison, ça commence à se délabrer. Et d'ailleurs, ça m'a fait penser à Répulsion de Polanski. Vous vous souvenez peut-être de ce film où Catherine Deneuve est dans un appartement et pareil, les murs se fissurent. Je ne sais pas si c'est une référence à laquelle vous avez pensé.
- Speaker #1
Ou alors c'était une référence à Répulsion parce que je crois que j'ai tout vu. N'importe quoi où il y a Catherine Deneuve en scène, je l'ai regardé. Mais alors c'est marrant, je ne m'en souviens jamais.
- Speaker #0
Il y avait les pareils. Elle est seule dans un appartement et pour symboliser son...
- Speaker #1
Ah mais ça me vient peut-être de...
- Speaker #0
Se fendre.
- Speaker #1
Ça ne serait pas la première fois que ça m'arriverait à des trucs comme ça. Mais si ça se trouve, je l'ai en train de faire un peu dans ce qui... Ce n'est pas la meilleure référence aujourd'hui.
- Speaker #0
Politiquement correct, raté. Mais du point de vue du cinéma, c'est un très grand film. C'est un très grand film sur le malaise. Et Catherine Hume est extraordinaire dedans.
- Speaker #1
Donc voilà, c'est sa peau qui parle. Et effectivement, avoir un problème de peau, paradoxalement, c'est aussi déclarer une protection. Paradoxalement, c'est aussi une armure. Quelqu'un dont la peau se défait, dont la peau rougit, crie, s'ouvre en deux,
- Speaker #0
on ne l'approche pas. Qu'est-ce que c'est qu'une VS ? Quand elle va à l'hôtel, on lui dit que c'est une VS.
- Speaker #1
Femme voyage en seule. J'ai appris que c'était une catégorie hôtelière. Quand j'aborde une pratique professionnelle ou quelque chose qui ne m'est pas arrivé, je vais rencontrer les professionnels de l'art.
- Speaker #0
En bonne sociologue de formation.
- Speaker #1
Voilà, je le suis. Et donc la femme voyage en sol, c'est une catégorie bien identifiée par les hôteliers, qui a ses habitudes, qui a ses habitudes de dépense, d'horaire. On sait dans quel type de chambre, on sait en général combien de temps elle reste. J'avais déjà commencé à écrire le livre et j'ai entendu cette expression un jour dans un échange entre Chantal Thomas et... On ne dit pas Thomas, on dit Thomas.
- Speaker #0
Chantal Thomas, oui, l'écrivaine.
- Speaker #1
Chantal Thomas, oui, voilà. Vous coupez ça ? Oui, oui, on y va. Non, mais ça fait un culte.
- Speaker #0
Non, il y a les baps, Chantal Thomas, et il y a Chantal Thomas de l'Académie française.
- Speaker #1
J'évoque celle-ci, dont j'aime beaucoup. dont j'aime beaucoup les livres. Et dans une interview où elle parlait dans ses livres sur les hôtels, quelqu'un évoque ça, cette histoire de la femme voyagée seule. Et j'ai creusé. Effectivement, c'est une catégorie. Et Michel relève à son corps défendant de cette catégorie.
- Speaker #0
Elle n'est pas déprimée, mais terrifiée. C'est vrai qu'au tout début du livre, c'est une femme terrorisée par la solitude.
- Speaker #1
Encore une fois, le sursaut vital, la peur, c'est le sursaut vital.
- Speaker #0
Vous la comparez à une biche. Alors ça c'est assez marrant la métaphore de Bambi, dans la forêt, entourée de prédateurs, je ne sais pas, où vous écrivez « je ne suis pas une femme libre, je suis une femme seule » . Pourquoi ça l'obsède ça ?
- Speaker #1
Parce qu'elle pensait être libre, elle pensait en se détachant de ce qui l'opprime et la blesse, l'use et la fatigue, elle pensait que mécaniquement elle se sentirait libre. Elle ne trouve absolument pas un sentiment de liberté, elle éprouve un sentiment de... C'est autre chose qui l'encombre, c'est la peur de l'avenir, c'est le désespoir de l'arrachement, c'est le regret d'avoir déchiré, encore une fois, sa vie cousue de main, qui était finalement son œuvre aussi. Et elle éprouve une solitude à laquelle elle n'est pas sûre de survivre. Oui,
- Speaker #0
ça c'est intéressant.
- Speaker #1
La promesse de la liberté...
- Speaker #0
Si jamais on veut politiser un peu le propos... Vous semblez dire qu'en fait, notre société, elle n'est pas encore tout à fait organisée pour que les femmes soient libres du tout. C'est la honte d'être seule. Briser une famille, tout de suite, on a la culpabilité. Matériellement, c'est vraiment pas pratique. En fait, comme si on parle de libération de la femme et en réalité, c'est une libération. très difficile.
- Speaker #1
Alors là, on peut un peu se détacher de la question des genres, parce que je crois que quitter un foyer, c'est une grande douleur et une honte pour beaucoup de gens, hommes ou femmes. Je n'ai jamais rencontré un homme qui faisait ça joyeusement.
- Speaker #0
Avec fierté.
- Speaker #1
Voilà, ou qui n'emporte pas la culpabilité, voire le regret, toute sa vie. C'est pour ça que je disais que c'est parmi tous les instants de rupture de l'existence, c'est un des plus dangereux. Reste que oui, je crois que dans nos sociétés qui aspirent à la liberté des femmes, à leur promotion, ne sont pas encore faites pour que cette liberté s'exerce, puisque toutes les institutions, l'imaginaire, on pense à travers des imaginaires patriarcaux, les institutions sont faites pour, quelque part, on autorise. Les femmes à l'ambition, à la liberté, à l'autonomie, mais rien n'est fait pour que ce soit facile. Il faut encore combattre. Et c'est souvent ce qu'éprouvent les femmes. Dans mon livre précédent que vous citiez tout à l'heure, Western, où je prends une femme au début du livre en burn-out, c'est quelqu'un qui n'a fait qu'exercer ses droits dans un environnement qu'il lui donnait, mais qui n'a rien préparé pour que ce soit facile de les exercer. Et je crois qu'effectivement je suis assez sensible, suffisamment sensible à ce paradoxe-là dont on est, et dont dans mon existence je ne suis pas sûre de voir son évolution totale. Je ne suis pas sûre que, enfin je n'ai pas de fille, mais si j'avais des filles, je ne suis pas sûre que ça serait organisé de manière plus fulide pour elles.
- Speaker #0
Non mais parce qu'on ne peut pas changer la société si vite que ça en fait, et elle, elle a quand même besoin d'un homme. Et c'est ça ce personnage, Michèle. Elle veut se libérer, mais là quand même, on sent.
- Speaker #1
Oui, elle se désespère pour ça, mais elle se demande si... Oui, elle se vit avec désespoir, mais si ça se trouve, elle le dit à 40 ans toute seule dans les bois, il n'est pas exclu. Je me sens, je vais me faire bouffer en fait. Bien sûr, c'est une représentation. Mais tout est fait pour que cette représentation lui soit renvoyée.
- Speaker #0
Lui soit renvoyée. J'adore plein de moments, notamment elle cherche un moment à prier Dieu. Et qu'est-ce qu'elle voit ? La croix verte d'une pharmacie. Et ça, pour moi, ça résume le XXe siècle. En une image, c'est le XXe siècle. On cherche à prier Dieu, puis on voit la solution, c'est la croix de la pharmacie.
- Speaker #1
Parce que le XXIe, c'est...
- Speaker #0
Non, c'est pareil, oui. C'est pareil, mais...
- Speaker #1
Oui parce qu'on est au 21ème siècle.
- Speaker #0
Oui c'est vrai. Aussi, ce qui est assez drôle, c'est le mari quitté, qui est un peu votre Adrien II, m'avoue, le mari de Belle du Seigneur, lui il s'appelle Sirius. Alors je me demandais pourquoi Sirius ? Est-ce que ça veut dire seriously ? Il est trop serious ?
- Speaker #1
Non, non, Sirius c'était... Je donne l'explication maintenant, c'est l'étoile Sirius. C'est une...
- Speaker #0
C'est le repère.
- Speaker #1
C'est une étoile très lointaine. Je crois que c'est dans l'Iris de Suse où Giono explique ce que c'est que le point de vue de Sirius. Ce qu'on voit de Sirius, on le voit très très loin. C'est à la fois suffisamment lointain pour voir le contexte d'un problème et pour le voir tellement petit qu'il disparaît. Prendre le point de vue de Sirius, c'est à la fois un point de vue téléologique. Un point de vue apaisé et puis un point de vue philosophique. Et ce mec-là s'appelle Sirius, mais il est le contraire de son prénom, il est le contraire du programme de son prénom. C'est quelqu'un qui n'est qu'angoisse, parano, sur rien, naufrage dans des verres d'eau.
- Speaker #0
Une autre chose que j'aime beaucoup chez vous, toujours, mais là peut-être encore plus que dans les précédents, c'est que vous prenez le lecteur pour très intelligent. parfois trop, parce qu'on doit arrêter la lecture pour bien comprendre les phrases.
- Speaker #1
Attention, ça, ce n'est pas du tout promotionnel, parce qu'après, les gens pensent qu'il faut le muco pour... Non, non, ce n'est pas ce que je veux dire.
- Speaker #0
C'est que c'est dense, quoi. C'est dense en termes... Les phrases sont courtes, mais denses, avec beaucoup d'infos. Et pour vous suivre, il faut... Non, non, mais c'est agréable pour le cerveau. C'est que vous ne connaissez pas les... Contrairement à beaucoup d'écrivaines ou écrivains qui... prennent le lecteur pour des cons, donc se méprisent elles-mêmes ou eux-mêmes. Vous, ce n'est pas votre cas.
- Speaker #1
Non, non, je...
- Speaker #0
Donc, c'est bon pour la promo, ça veut dire que des gens intelligents qui nous regardent doivent le lire. Si vous êtes cons, ne lisez pas Maria Pouchet. Si vous vous baladez dans la rue avec Maria Pouchet, ça veut dire que vous êtes quelqu'un de plutôt malin. Non,
- Speaker #1
mais... J'essaie de me rattraper. Je l'ai très bien pris. Oui, oui, pour moi, le roman sert à penser quelque chose. Moi-même, comme lectrice, un roman qui ne pense pas, je n'en vois pas l'intérêt. Sinon, pour ce qui est de la description, il y a les infos. Pour ce qui est de l'émotion pure, je ne sais pas, j'imagine qu'il y a des téléfilms. Si quelqu'un accorde, surtout vu comment sont organisées les pratiques culturelles aujourd'hui, accorde quelques heures à lire un roman, si ce roman ne pense pas, s'il ne fait que l'émouvoir, je tiens à l'émouvoir aussi, un roman pour moi il doit penser, il doit dire ce qu'il estu, sinon on n'a pas de fonction, à quoi ça sert de savoir écrire si on n'est pas capable de... Oui, de verbaliser, de sonoriser ce qui les tue et ce qui voudrait être dit chez des gens qui n'ont pas l'occasion d'écrire, qui ne veulent pas, qui ne savent pas.
- Speaker #0
Non, c'est vrai. Vous nous faites regarder cette situation, qui est une situation banale de rupture amoureuse. Tout le monde a plus ou moins vécu ça, et qui est très, très tragique, un peu. Enfin, oui. Et puis, vous le faites, vous le regardez avec plein d'angles différents. avec vitesse, avec colère, avec peur, avec bonheur aussi, en riant aussi. Et le livre se termine, c'est très beau, sur un mot, alors. Comme ça, c'est complètement suspendu. C'est assez, qu'est-ce qui vous a pris ? C'est assez, il fallait oser.
- Speaker #1
Parce que cet alors-là, c'est le alors, à un moment, elle voit un thérapeute, qui n'est pas vraiment un psychanalyste, elle fait une petite cure par la parole. largement remboursée, donc c'est pour ça qu'elle la poursuit. Et les psys ont toujours un mot introductif, dire comment allez-vous, d'où allez-vous, racontez-moi. Et celui-là, il commence toujours par « alors » . Et finalement, ce « alors » , elle les pousse. La vie qui s'ouvre à elle, c'est « alors » . Et « alors » ouvre tous les possibles.
- Speaker #0
C'est une belle trouvaille, et on ne va pas raconter la fin. Surtout pas.
- Speaker #1
Ben non.
- Speaker #0
Nous passons au grand jeu célèbre que le monde entier en vit à cette émission. Devine tes citations, Maria. Je vous lis des phrases.
- Speaker #1
J'avais déjà perdu la dernière.
- Speaker #0
Oui, vous allez encore perdre cette fois-ci. Des phrases de vous et vous devez me dire dans quel livre vous avez écrit cette phrase. La première question est très facile.
- Speaker #1
Il y a des pièges et tout, non ?
- Speaker #0
Oui, bien sûr.
- Speaker #1
C'est pas marrant. Il y a des phrases de Gary là.
- Speaker #0
J'ai commencé bien des choses dans les trains, des livres et des amours, mais c'est une autre histoire.
- Speaker #1
Ah oui, c'est très ça hier, c'est récent, donc ça je sais.
- Speaker #0
Voilà. Bon, évidemment, on veut des détails. J'ai commencé des choses dans des trains, des amours dans des trains, on veut des détails.
- Speaker #1
Non, j'ai dit que non, parce que pas de détails. C'est mon papa et tout.
- Speaker #0
Alors au moins, quel livre a commencé dans un train ?
- Speaker #1
Ah, Tous.
- Speaker #0
Tous ? C'est vrai ?
- Speaker #1
Ah oui, oui, Tous. J'ai besoin du mouvement, du déplacement.
- Speaker #0
Vous pourriez écrire dans une voiture, conduite par un autre.
- Speaker #1
Ah non, parce que je suis malade. Non,
- Speaker #0
j'ai...
- Speaker #1
Dans un avion ? Non, je déteste l'avion. Non, comme je vais écrire dans le lot et qu'il y a un intercité qui fait Osterlitz-Fijak, c'est très très long. Parfois même, c'est la nuit. C'est 6 heures. Et c'est le moment où je me... Quand j'arrive au niveau de Limoges, alors là je suis débarrassée de tout, j'ai oublié d'où je viens, tout ça. Et là je peux commencer à écrire quelque chose de totalement neuf. Et j'ai besoin non seulement du mouvement, mais d'aller vers l'ouest. Donc c'est toujours le train.
- Speaker #0
Donc il ne faut vraiment pas supprimer ces lignes secondaires, parce que c'est important pour l'inspiration.
- Speaker #1
Elle ne doit pas coûter, vu l'état dans lequel elle est, elle ne doit pas coûter grand-chose. Donc il faut un temps laisser la moi.
- Speaker #0
Alors, autre phrase de vous. Ne regardez pas, j'ai vu que vous...
- Speaker #1
Vous écrivez vraiment comme un cochon.
- Speaker #0
Je n'ai jamais su me situer sur l'échelle des queues. C'est très embarrassant, je sais. C'est très,
- Speaker #1
très embarrassant. Je crois qu'il y a quelqu'un qui peut dire ça dans mes livres. C'est Clément dans Feu.
- Speaker #0
Dans Feu 2021, bravo. C'est Clément le banquier qui parle. Déjà un roman d'amour contemporain, mais beaucoup plus optimiste. À l'époque, peut-être, vous étiez plus romantique. Feu, disons que... C'est un roman d'amour, non ?
- Speaker #1
Ah oui, mais oui.
- Speaker #0
Une passion amoureuse.
- Speaker #1
Elle, elle s'en sort bien, finalement, d'enfant. Dans Tressaillir aussi, elle s'en sort bien. Oui, oui, oui.
- Speaker #0
Encore une fois, ne racontons pas la fin. Autre phrase de vous. On voudrait bien désormais occuper cette fille pressée avec un enfant, un mariage, un déménagement, un autre enfant.
- Speaker #1
Les impatients.
- Speaker #0
C'est un passion, vous êtes excellente ! Oui, parce que c'est avec ce livre, qui était le cinquième, que je vous ai découverte, avec votre style sociologique, ou elbeckien, et les romans suivants, peut-être, sont moins en moins, vous faites de moins en moins de généralisation, et vous individualisez de plus en plus les choses, est-ce que vous en êtes consciente ?
- Speaker #1
Individualiser, vous voulez dire je nourris ce que j'écris de ma propre expérience ? Peut-être,
- Speaker #0
c'est ça.
- Speaker #1
C'est possible. C'est à partir de « Toutes les femmes sauf une » , mon livre le plus...
- Speaker #0
Oui, celui sur votre mère.
- Speaker #1
Voilà, celui sur moi comme mère surtout. À partir de là, j'ai effectivement... L'expérience de l'écriture est devenue plus... Et pourtant, c'est vraiment la dernière fonction que j'aurais voulu investir dans la littérature, mais c'est comme ça. Ça devient plus thérapeutique pour moi. Ça veut dire que pour survivre, je commence à... Pour comprendre, pour me calmer, pour dormir, je commence à avoir besoin que ce qui est dedans soit dehors et que ça passe par le geste de l'écriture. C'est-à-dire que j'écris moins pour les lecteurs, les critiques, la famille que pour moi.
- Speaker #0
Mais quand même cette phrase, on voudrait occuper cette fille avec un enfant, un mariage, un déménagement, un autre enfant, c'est aussi... Comment dire, il y a aussi un message, c'est aussi un peu engagé de dire ça, c'est-à-dire qu'une fois de plus, la société contraint la femme à un certain nombre de choses, le mariage, la maternité, c'est fatigant, et puis les hommes sont fatigants, compliqués, c'est un peu ça cette phrase.
- Speaker #1
Cette phrase de sortie de son contexte, oui bien sûr, c'est l'histoire d'une nana qui veut créer une entreprise, qui veut surtout se résoudre, il n'y a aucun organigramme dans une société. Il n'y a aucun modèle familial. Et effectivement, on peut imaginer qu'elle subit un réseau de pressions pour le faire quand même. Mais c'est surtout des pressions intériorisées. Moi, j'ai beaucoup plus eu à subir mes propres conditionnements, ce que je me raconte, bien sûr, issu du récit social, que ce que mon entourage me demande. On est sur une propre nuit.
- Speaker #0
C'est extrêmement facile, c'est vraiment trop facile parce que c'est cette phrase-là. J'entends par western un endroit de l'existence où l'on va jouer sa vie sur une décision. Bon, donc c'est western, Pritflor, 2023. Mais du coup, Tressaillir, c'est aussi un roman où on joue sa vie sur une décision. Donc c'est aussi un western.
- Speaker #1
Oui, mais beaucoup de mes romans sont ça.
- Speaker #0
C'est un western. Voilà. Un western qui se passe à Paris, puis dans les Vosges.
- Speaker #1
Juste comme on va à l'est. Le western, on va à l'ouest.
- Speaker #0
J'ai grandi au contact permanent insensé des forêts.
- Speaker #1
Oui, ça c'est Tressaillir.
- Speaker #0
Tressaillir 2025. Vous êtes originaire d'Épinal.
- Speaker #1
Pas exactement. En plus, beaucoup plus la forêt profonde.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
C'était l'endroit de la maternité.
- Speaker #0
Vous avez même travaillé au Républicain Lorrain. Tout à fait.
- Speaker #1
Ça, c'était à Metz.
- Speaker #0
Et donc, la deuxième partie est intéressante du livre parce que vous, pas vous, Michel, Michel divorce et donc retourne involontairement sur ses racines. Et finalement, une nostalgie en chasse une autre. La nostalgie de ce paysage, de cette forêt, chasse la nostalgie du foyer familial qu'elle vient de fracasser.
- Speaker #1
Elle s'y superpose. A priori, dans l'état où elle est, c'est la dernière chose qu'elle devrait faire, retourner dans un endroit qu'elle qualifie de vert et noir, qu'elle a mis 17 ans à quitter, avec lequel elle entretient un rapport de rejet un peu confus. Et finalement, la vie, comme elle devient un peu mystique et qu'elle n'a plus rien à faire, elle y va. On peut pousser par son entourage aussi.
- Speaker #0
Mais il ne va pas pour retrouver ses racines, elle y va pour un colloque ou je ne sais pas quoi.
- Speaker #1
La vie donne toujours une bonne raison, une raison rationnelle pour que notre rationalité s'y accroche. Donc elle s'accroche à cette bonne raison défendable comme telle. Et puis, qui est un atelier d'écriture dans un lycée qui se trouve être le lycée dans lequel elle a étudié. Elle a étudié elle-même. Et puis là, elle va se cogner tous les spectres de son enfance, les uns après les autres, qui ont fait ce qu'elle est, et surtout qui sont à l'origine de cette peur qu'elle ne veut même plus interroger, tellement c'est devenu elle, tellement c'est devenu l'identité. Qu'est-ce qui a fait d'elle une biche ? C'est-à-dire une biche, c'est quelqu'un qui fuit, qui esquive, et qui... C'est aussi l'animal que la harde peut donner aux chiens et aux chasseurs pour sauver tous les autres. Ça peut être vraiment l'animal sacrifié, comme dans le conte. Comme elle sait cette condition-là, elle se sait la proie par excellence, y compris la proie des siens. Elle a un art de l'esquive et de la fuite qui est inégalé dans la forêt.
- Speaker #0
C'est là où je trouve le livre vraiment intéressant, parce qu'au début, roman de la rupture sentimentale. On en a lu quelques-uns, mais celui-là est très bien fait. Mais là, à partir de cette deuxième partie, ça bascule dans le fantastique.
- Speaker #1
Pas le fantastique. Une séparation, elle inaugure toujours une autre séparation. Elle fait toujours écho à une séparation préexistante. Là, le fait de quitter, de s'arracher comme ça d'un foyer, fonctionne un peu comme le retour d'un refoulé. Elle s'est déjà arrachée de quelque chose. Elle s'est arrachée de quoi ? Elle s'est arrachée d'un territoire. de sa famille d'origine, les Vosges, pourquoi. Et à chaque fois qu'on rompt, il se réveillent tous les traumatismes des ruptures précédentes. Et en fait, elle, elle va suivre cette ligne.
- Speaker #0
C'est vrai, c'est là que le roman prend un peu plus son envol, si vous voulez. Cette enquête sur l'enfance de Michel. Alors, je ne veux pas spoiler la fin.
- Speaker #1
Non, mais ça reste, je veux dire, comme vous disiez, fantastique. Ça reste pour moi très réaliste. Oui, oui,
- Speaker #0
oui. mais genre Un peu irrationnel quand même. Oui,
- Speaker #1
il y a quelque chose de mystique. Dès qu'on va dans la forêt...
- Speaker #0
Oui, voilà, exactement. Il y a une part de contes de fées et tout ça.
- Speaker #1
Mais zéro lutin ? Non,
- Speaker #0
il n'y a aucun troll. On vous garantit, c'est troll free. Voilà. Vous faisiez vraiment les desserts de vos camarades ?
- Speaker #1
Ah, ça, c'est vrai.
- Speaker #0
Ah, vous voyez,
- Speaker #1
il y a des choses... La partie, quand elle évoque son enfance, là, je peux assumer que c'est...
- Speaker #0
C'est autobiographique.
- Speaker #1
Voilà, comme je ne parle pas directement de mes parents ou de mes frères. Je ne parle que de l'enfance de Michel, c'est vraiment la mienne.
- Speaker #0
Autre chose, est-ce que c'est autobiographique ? Des converses oranges, des vodkas goût orange, tout était orange à l'époque, même les trains.
- Speaker #1
Vous ne vous souvenez pas, tout était orange. Après, c'est devenu la couleur du type, mais orange,
- Speaker #0
c'était… C'était à l'époque la couleur de l'avenir.
- Speaker #1
C'est ça, vraiment.
- Speaker #0
Et puis, il y a toujours votre humour, j'aime bien cette phrase-là. Un match entre Lance et Metz les passionne pour des raisons qui ne peuvent être que très personnelles. Enfin, une autre phrase. Alors là, c'est plus dur. Où avez-vous dit cela ? La fiction, c'est la santé du réel.
- Speaker #1
Alors, c'est bien mon genre, mais je ne sais pas.
- Speaker #0
Cette phrase, je la trouve très forte. Vous l'avez prononcée dans une interview à Harper's Bazaar. Cet été, en août 2025, la fiction c'est la santé du réel. Développez cette idée ma chère.
- Speaker #1
Ah si si, ben je...
- Speaker #0
C'est pas moi qui l'ai dit hein ? Si mais je pense que c'est parce que vous refusez d'écrire des livres autobiographiques, donc vous transformez en fiction et c'est plutôt sain, c'est ça que vous avez voulu dire ?
- Speaker #1
Finalement la fiction ça peut être soit en précipité, une fois qu'on a... extrait chimiquement le sens, ce qu'il faut garder du réel, parce que finalement le réel c'est parasitage, il y a plein de choses dans le réel en fait, c'est souffrance, narcissisme, parano, ennui, mais il y a toujours quelque chose, et je pense que la fiction peut-être, je pense que j'ai voulu dire que la fiction garde ça, ça serait assez... la fiction c'est aussi ce qui... ça pourrait être aussi Gary quoi. La fiction, c'est ce qui permet de se prendre le réel de biais et pas de face. Parce que si on ne réinvente pas le réel, il est invivable.
- Speaker #0
En fait, c'est plus beau, la fiction.
- Speaker #1
Gary disait, après Auschwitz, le monde n'est pas habitable. Donc, de toute façon, il faut trouver mieux. Si on ne se l'invente pas un peu mieux, on va...
- Speaker #0
C'est là où l'imagination...
- Speaker #1
C'est là qu'on réalise qu'on n'a pas du tout réussi. Non, je crois que la fiction, c'est... C'est ce que je disais tout à l'heure, c'est la fonction thérapeutique de la littérature. C'est-à-dire que si, comment appréhender, traverser son réel et le comprendre, si on ne le sublime pas dans quelque chose, en l'occurrence c'est la fiction.
- Speaker #0
L'histoire,
- Speaker #1
oui. Voilà, donc je crois que la fiction, pour le coup, je ne sais pas si c'est ça que j'ai voulu dire, François. Oui,
- Speaker #0
mais si, si, c'est pas bête.
- Speaker #1
La fiction, c'est ma santé.
- Speaker #0
La fiction nous soigne. Oui, c'est vrai. On a besoin d'histoire, on a besoin de storytelling. Pour se raconter une vie améliorée, fantasmée, oui, oui, non, non,
- Speaker #1
c'est bien. Ou même les vies, d'autres vies que la sienne. Moi, je sais que je raconte des versions qui auraient pu être ma vie, mais toujours en plus effondrées, à une bifurcation près, à un choix près. Je raconte ce que j'ai évité. et je crois que je le conjure un peu comme ça non mais je vais rechercher cette interview ça m'intéresse beaucoup c'est pas qu'elle est bien cette phrase alors le questionnaire de Bic BD on est dans une émission complètement nombriliste et je veux concurrencer Proust,
- Speaker #0
il y a le questionnaire de Proust maintenant il y a le mien alors ce sont 20 questions que j'ai écrites au bord de ma piscine cet été et vous devez répondre assez rapidement mais en réfléchissant quand même un peu Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?
- Speaker #1
Ben... Oh là là, non mais... Mais il y a tellement de raisons, je ne sais pas pour... C'est parce que je ne suis pas sur TikTok qu'il va apprendre le français.
- Speaker #0
Voilà, elle a bien répondu. Que savez-vous faire ? Que ne sait pas faire ChatGPT ?
- Speaker #1
Alors, j'ai remarqué que je sais résumer tous les romans de Gary, parce que j'ai demandé à Chad GPT de me résumer Les Enchanteurs de Romain Gary, et il m'a dit que c'était l'histoire de Merlin. Voilà, donc ça, par exemple, je pense que je sais parler de Romain Gary.
- Speaker #0
Vous êtes encore meilleure que lui. Vous n'avez jamais eu peur, en écrivant votre livre, qu'il ne serve à rien ?
- Speaker #1
Non, parce que moi, quand il est fini, je sais déjà à quoi il m'a servi.
- Speaker #0
Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ?
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?
- Speaker #1
La folie.
- Speaker #0
Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
C'était quoi ? C'était nul. C'était nul ? Ah d'accord.
- Speaker #1
J'avais bu du cahors, je crois. Les vins rouges.
- Speaker #0
Que pensez-vous de la critique littéraire ? un mal nécessaire ou juste une perte de temps.
- Speaker #1
Ah non, moi j'aime beaucoup la critique, mais elle est très très rare. La critique, c'est un... J'aime pas l'humeur, ça me saoule, mais la critique, j'adore. C'est très très utile, les critiques. Moi, il y a encore des critiques qui font encore écho quand j'écris, des choses qui ont été dites sur mes livres et auxquelles je me réfère encore. Mais vraiment, on parle de l'exercice que je ne saurais pas faire, tellement il est dur, la dialectique, les arguments. L'exercice qu'on doit apprendre en école de journalisme ou à la fac de lettres.
- Speaker #0
J'ai une critique sur votre livre que j'ai oublié de vous faire. Page 33, Michel, s'appelle Rivas.
- Speaker #1
Oui, j'aime beaucoup vos critiques.
- Speaker #0
Et page 123, elle s'appelle Daras.
- Speaker #1
Alors, à mon avis, vous avez les épreuves.
- Speaker #0
Ah bon, d'accord, parce qu'elle a changé de nom, Michel. Un coup, c'était Rivas, un coup, c'était Daras.
- Speaker #1
Alors, ça doit être les épreuves, ça. J'espère. Non, mais c'est... Oh là là ! N'aillez pas. Mais oui. Ça, c'est la... Ça,
- Speaker #0
c'est Mme Daras.
- Speaker #1
Oui. C'est peut-être le...
- Speaker #0
Et page 33. Oui, ça va. Attendez, si elle est en toutes les librairies. Là, elle s'appelle Mme Rivas. Non, mais moi, je serais vous, je dirais que c'est exprès. Parce que comme elle est...
- Speaker #1
Elle est trop tard, parce que je ne m'y attendais pas. Et oui, je pense que la personne qui lui dit bonjour, c'est que les gens ne savent pas son nom.
- Speaker #0
Les gens ne savent pas son nom parce que c'est une V.S. Tout à fait. C'est le voyageur seul.
- Speaker #1
C'est ça. Non, non, la critique, c'est... Moi, je me souviens un jour d'une critique de Bégaudot. Il avait dit quelque chose de tellement vrai. Bon, ce n'était pas agréable. C'était au sein d'une critique très positive. Mais il y avait une phrase qui avait appuyé sur... Et à chaque fois que je commence un livre, j'y pense. Il faut que je me dis, il faut que je veille à ce truc.
- Speaker #0
C'était quoi, le truc ?
- Speaker #1
C'était un abus de synonyme et d'adjectif, parfois. Non, mais...
- Speaker #0
Citez dans vos premiers romans. Non,
- Speaker #1
non, non, ils citaient vraiment des phrases où, voilà, en disant la phrase, j'aurais dû s'arrêter là. Et c'était très vrai. Et si j'avais travaillé deux mois de plus, mais je n'y arrivais pas, j'aurais...
- Speaker #0
Oui, non, mais c'est vrai, je suis d'accord. Le seul moment où la critique est utile, c'est quand il y a des conseils de ce genre-là. Oui,
- Speaker #1
je me souviens d'une critique de Grinville aussi, qui était positive aussi, parce que finalement, les bons critiques, ils se... L'éreintement, c'est un peu fini. Il n'y a pas assez de place dans la presse pour éreinter les gens.
- Speaker #0
Moi, j'aime bien, mais...
- Speaker #1
Oui, voilà. Vous êtes dans un exercice d'admiration. Oui, bon, voilà.
- Speaker #0
Alors, autre question. Fantasmez-vous sur J.D. Salinger, qui n'a jamais donné d'interview de sa vie.
- Speaker #1
Non.
- Speaker #0
Un roman doit-il réparer le monde ? On entend beaucoup ça.
- Speaker #1
Ah, oui. Non, non, non. Je n'ai pas ces ambitions-là.
- Speaker #0
quel est votre chef d'oeuvre ?
- Speaker #1
il faut dire un seul ? il faut dire un seul champion champion ?
- Speaker #0
oui êtes-vous une ouin ouin ?
- Speaker #1
non Non, je ne crois pas.
- Speaker #0
Vous auriez pu.
- Speaker #1
Je n'ai pas pu me permettre.
- Speaker #0
Vous auriez pu dans un livre sur la rupture. Le but de la littérature n'est-il pas de mentir sans se faire prendre ?
- Speaker #1
Peut-être un peu.
- Speaker #0
Quel est le meilleur écrivain français vivant ?
- Speaker #1
Ah, français vivant. Un seul, pareil. Ah non, mais ça c'est rude, ça. Ben, Agnernot.
- Speaker #0
Et le meilleur de toute la planète ?
- Speaker #1
Le meilleur de toute la planète. Vivant de toute la planète.
- Speaker #0
Vivant, oui. Pensez aux espagnols, aux écrivains latinos, aux américains, aux anglais. Ça peut être un français d'ailleurs.
- Speaker #1
Peut-être Michon. Pierre Michon. Moi, c'est les stylistes quand même. Bien sûr. Quelqu'un qui n'invente pas la langue ne m'intéresse pas beaucoup.
- Speaker #0
Comme votre langue, c'est le français, Pierre Michon. Pierre Michon qui... Je sais, écoute cette émission, donc il sera très heureux de vous entendre dire ça. Si vous étiez très riche, cesseriez-vous d'écrire ?
- Speaker #1
Ah non, non, non. D'ailleurs,
- Speaker #0
je suis très riche. La phrase de vous dont vous êtes le plus fière ?
- Speaker #1
Ah, je n'ai pas la mémoire de mes phrases. Non ? Ben, j'aime bien la santé du réel.
- Speaker #0
Mais c'est dans un interview, ça veut dire que tous vos livres ne servaient à rien. Juste, il faut donner un entretien à Harper's Bazaar. La fiction, c'est la santé du réel, mais elle est bien. Et je suis sûr que c'est une question pour le bac français. Vous voyez, je pense qu'un jour, il y aura commenté et développé cette idée.
- Speaker #1
La phrase dont je suis le plus fière... C'est bien, je réponds. Non, mais cette question, il fallait me la poser hier, et puis j'aurais eu le temps de m'y réfléchir. J'entretiens un des rapports compliqués à la fierté, un peu.
- Speaker #0
Avez-vous menti durant cette conversation ?
- Speaker #1
Non, mais c'est parce que comme je n'ai pas l'impression que c'est filmé, c'est un peu le problème. Non, je n'ai pas menti.
- Speaker #0
Attention, la question Fahrenheit 451. Si les livres étaient interdits, quels livres seriez-vous prêtes à apprendre par cœur pour le sauver ?
- Speaker #1
Les âmes fortes, Jean Gionnot.
- Speaker #0
C'est gros. Oui,
- Speaker #1
mais j'en connais des pages par cœur. D'accord.
- Speaker #0
Y a-t-il un livre qui vous a sauvé, vous ?
- Speaker #1
C'est plusieurs livres de Gary, mais je pense que c'est Les Enchanteurs.
- Speaker #0
Dernière question, quel est votre âge mental ?
- Speaker #1
Mon âge mental ?
- Speaker #0
La biche dans les Vosges, elle a quel âge ?
- Speaker #1
Elle peut être très vieille. Non, je crois que je suis vieille, en fait.
- Speaker #0
Donc votre âge mental, c'est 83 ans. C'est possible ? En même temps,
- Speaker #1
je n'ai pas du tout fait l'expérience. Elle est au moins 40.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
Je ne prends aucun risque là. Merci. Ce n'est pas une bonne question. Les autres, elles étaient super.
- Speaker #0
Oui, je ne vais pas finir par celle-là. Non,
- Speaker #1
mais elle fait très…
- Speaker #0
Moi, j'aime bien qu'elle ait votre âge mental, parce que moi, je sais lequel c'est. C'est 5 ans, donc je…
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Mais il est temps de le savoir.
- Speaker #0
Alors, attention, on refait l'exercice du début. Merci infiniment...
- Speaker #1
Frédéric Becbeder ? Non, Maria... Maria Pourchet ?
- Speaker #0
Merci infiniment...
- Speaker #1
Maria Pourchet ?
- Speaker #0
Je vous ordonne de lire...
- Speaker #1
Tressaillir ?
- Speaker #0
Aux éditions... Stock ? Je ne sais pas si c'est une si bonne idée de terminer comme ça. Merci donc. Abonnez-vous, chers amis, à notre chaîne YouTube en cliquant sur s'abonner. Ce n'est vraiment pas très compliqué. Commenter les vidéos, ça nous aide à améliorer les choses. Sur Spotify, Deezer et Apple Podcast, il paraît que plus vous likez et plus vous serez au courant des prochaines conversations. Donc c'est utile pour vous quand même et pour nous aussi. Je rappelle que l'émission dure 26 minutes sur le Figaro TV le samedi soir. Et six jours après, elle dure une heure sur YouTube, la version intégrale. J'explique ça parce que beaucoup de gens me posent la question. n'ont pas encore compris tout à fait.
- Speaker #1
Tu vois, je ne savais pas.
- Speaker #0
Ah voilà, vous apprenez des choses.
- Speaker #1
Je ne savais pas.
- Speaker #0
Et bien sûr, je conclue en disant, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous finirez complètement idiots. Bonsoir.