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FABRICE GAIGNAULT : "IL Y A UN LIEN ENTRE BARDOT ET AUSCHWITZ, C'EST SAMI FREY." cover
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Conversations chez Lapérouse

FABRICE GAIGNAULT : "IL Y A UN LIEN ENTRE BARDOT ET AUSCHWITZ, C'EST SAMI FREY."

FABRICE GAIGNAULT : "IL Y A UN LIEN ENTRE BARDOT ET AUSCHWITZ, C'EST SAMI FREY."

46min |26/09/2025
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Conversations chez Lapérouse

FABRICE GAIGNAULT : "IL Y A UN LIEN ENTRE BARDOT ET AUSCHWITZ, C'EST SAMI FREY."

FABRICE GAIGNAULT : "IL Y A UN LIEN ENTRE BARDOT ET AUSCHWITZ, C'EST SAMI FREY."

46min |26/09/2025
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Description

"Un livre" de Fabrice Gaignault est l'occasion d'un dialogue à bâtons rompus sur sa bibliographie proteiforme : comment peut-on publier en même temps sur Bardot et Primo Levi, comment on passe des pensionnats catholiques aux égeries sixties et de la Manson Family à Auschwitz ? "Un livre" est son Rosebud.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir tout le monde, je suis extrêmement heureux de recevoir Fabrice Guégnot ce soir qui tenait en cette rentrée à publier un livre. Alors, vous connaissez depuis longtemps comme critique littéraire à elle, à Marie-Claire, aujourd'hui vous êtes à Transfuge. Mais moi ce livre, je l'aurais peut-être intitulé un chef-d'oeuvre. Je considère que c'est un des plus beaux livres que j'ai lu cette année. Vous m'avez vraiment épaté, Fabrice. C'est un livre bouleversant, très surprenant, venant de vous surtout, parce que vous aviez une réputation de dandy, d'involte, et là vous abordez un sujet extrêmement grave. C'est vraiment l'histoire d'un livre.

  • Speaker #1

    C'est absolument l'histoire d'un livre, puisque... Il s'agit, au centre de cette histoire, il s'agit de l'histoire de Primo Levi, qui est en photo jeune, avant Auschwitz, qui, à l'infirmerie d'Auschwitz, où il était hospitalisé parce qu'il avait la scarlatine, ne savait pas s'il allait être exécuté ou pas lorsque les SS ont décidé d'évacuer Auschwitz à l'arrivée des... Des troupes russes qui étaient assez proches de Schwyz, donc ils ont décidé d'évacuer tous les survivants qui étaient en état de marcher. Quant à ceux qui étaient à l'infirmerie, qui étaient très malades, etc., le doute planait. On ne savait pas si, parmi eux, ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Le bruit courait que les SS ne laisseraient pas de survivants, comme ils faisaient toujours. il se trouve que Un médecin grec qui allait partir dans ces fameuses marches qu'on a appelées les marches de la mort, lui a tendu un livre sur son guide hôpital. C'est même une infirmerie, ce n'était pas un livre, c'était une paillasse, quelque chose comme ça. Et c'était le livre d'un certain Roger Vercelles, qui a été très connu avant-guerre, entre les années 1920 et 1940, notamment pour avoir eu le... Pris Goncourt en 1934 pour Capitaine Conan, qui était devenu un film de Tavernier. Et ensuite, Remorque, qu'il a publié un an ou deux plus tard, et qui est devenu un film aussi très célèbre avec Jean Gabin et Michel Morgan.

  • Speaker #0

    Donc, Primo Levi a été arrêté en février 1944. Il a passé presque un an à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Et là, s'il a survécu, c'est en grande partie grâce... à ce livre, Remorque, de Roger Vercel, publié en 1935. Il s'accroche à ce livre, en fait, qui est l'histoire d'un naufrage. C'est ça qui est surprenant, c'est qu'il a été sauvé par un bouquin sur une noyade, sur un bateau qui coule au large de Brest.

  • Speaker #1

    Oui, je suis absolument persuadé que lorsqu'il a pris ce livre, qui était comme, pour lui, un cadeau du ciel, parce qu'évidemment, la littérature a été interdite, il n'y avait aucun livre, mais quand il a... commencer ce livre, notamment avec la première phrase d'Inkipit, l'ouragan cernait la chambre. Effectivement, lui, il était dans une chambre, enfin dans une salle d'infirmerie, et il y avait un...

  • Speaker #0

    Un mouroir, on peut dire. Un mouroir,

  • Speaker #1

    c'était un mouroir.

  • Speaker #0

    Tous les malades crevaient autour de lui. Voilà.

  • Speaker #1

    Donc il avait la chance de parler le français, et il s'est agrippé à ce livre comme on s'agrippe à une bouée de sauvetage ou à un radeau de survie. Et je ne peux pas dire que ce livre remorque. qui lui a sauvé la vie, mais ça lui a permis de survivre.

  • Speaker #0

    C'est lui qui le dit, parce que lui en a parlé. Il a écrit dans « Si c'est un homme » à propos de cette...

  • Speaker #1

    Il dit que c'est un livre, en tout cas, qui a eu une importance capitale dans sa vie, parce qu'effectivement, peut-être qu'il serait laissé, sans doute. Il avait de la scarlatine, il avait beaucoup de fièvre, il n'y avait plus de médicaments, évidemment. Il n'y avait plus d'eau lorsque les SS ont quitté le camp, il n'y avait rien. Enfin, c'était épouvantable. Ils mouraient tous dans... Dans sa chambrée, ils mouraient tous les uns après les autres. Et lui a résisté. Il a lu le livre lorsqu'il ne savait pas s'il allait être exécuté. En plus, ça lui a permis. Il s'est plongé dans ce livre comme un bouclier, quelque chose qui lui permettait de résister. Et il a fini à l'aube ou quelques heures après que le camp était absolument désert. Il n'y avait plus personne. Il avait ce livre. Il a tellement aimé Remorque aussi pour des raisons évidemment. symbolique, qu'il a emporté avec lui lorsqu'il est retourné en Italie quelques semaines plus tard. Il a emporté ce livre, il l'a toujours eu chez lui. Il l'a gardé.

  • Speaker #0

    Donc en gros, c'est aussi un livre sur comment la littérature peut être une bouée de sauvetage, une manière de surmonter les épreuves, les pires de l'enfer sur Terre. Et vous parlez assez bien d'ailleurs de Euh... de la lecture vous-même. Je vais vous demander de lire un passage parce qu'à la fin de cette émission, souvent je dis, enfin même presque tout le temps, je dis lisez des livres, sinon vous allez mourir idiot. Mais vous dites la même chose un peu mieux que moi. Là, c'est là où j'ai entouré.

  • Speaker #1

    Je ne connais rien de plus actif et de plus stimulant que la lecture. J'ai cherché pourtant. Je n'ai pas trouvé d'équivalent. L'image, animée ou non, se vit passivement. La littérature vous installe au milieu de la scène, dans la pensée d'un autre où tout se joue, à vous d'en être le metteur en scène, le chef d'orchestre, à vous d'imaginer à votre manière les mille subtilités d'interprétation possibles. Les mots formés de caractères étranges, si on les fixe cinq secondes, sont à bien y réfléchir plus mystérieux et chargés de jouissance que tous les algorithmes réunis pour nous envoyer sur Mars. Un voyage spatial a beau être un exploit technique, que pèse-t-il face à cette évidence ? L'univers tout entier et sa complexité infinie se cachent dans certains chefs-d'oeuvre de la littérature. Celle-ci est l'univers.

  • Speaker #0

    La littérature c'est l'univers. C'est important de le dire aux jeunes qui nous regardent peut-être un peu partout sur les plateformes. Là, Fabrice Guégnon, il a écrit un livre très court. Il y a combien de pages ?

  • Speaker #1

    90 à peu près, je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    83. Ne vous vantez pas. C'est extrêmement court, c'est facile à lire, c'est ultra sensible et alors il y a un coup de théâtre. final, une révélation à la fin du livre, qu'on ne va pas spoiler ici, qui rend le livre, qui renverse complètement la perspective de ce livre. Tout est vrai, évidemment. C'est probablement moi la chute la plus étonnante que j'ai lue depuis Inconnu à cette adresse de Cressman Taylor, vous savez, ce livre de 1938. Alors, on ne spoil pas, mais c'est vraiment admirable. Qu'est-ce qu'on peut en dire sans spoiler ?

  • Speaker #1

    Que tout être humain a ses zones d'ombre, peut-être on peut dire ça, est parfois à la fois cruel et injustifiable.

  • Speaker #0

    Mais on peut aussi dire que la littérature est pleine de surprises. Oui,

  • Speaker #1

    la littérature est pleine de surprises, ça serait mieux.

  • Speaker #0

    Ou bien que peut-être même le mal peut faire le bien. C'est très tordu quand même.

  • Speaker #1

    On peut le dire sans spoiler.

  • Speaker #0

    Je ne spoile pas.

  • Speaker #1

    Effectivement, il y a quelque chose de...

  • Speaker #0

    Il est un peu emmerdé parce qu'il ne peut pas raconter la fin.

  • Speaker #1

    Non, je ne peux pas raconter la fin.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est très étonnant.

  • Speaker #1

    Je ne l'ai pas écrit pour la fin. Je ne l'ai pas du tout écrit pour la fin.

  • Speaker #0

    Non, mais il y a cette surprise qui fait qu'on referme le livre en se disant, mon Dieu, mais l'univers est ironique. C'est peut-être ça, s'il y a une morale. Il n'y en a pas de morale, puisqu'à Auschwitz, la morale n'existait pas. Mais disons que, voilà, en enfer... Quelquefois, un poison en enfer peut vous sauver. Les choses s'inversent en enfer.

  • Speaker #1

    Oui, peut-être. Je ne dis rien.

  • Speaker #0

    Dites si vous voulez dire quelque chose, bien sûr.

  • Speaker #1

    Ce que j'aime dans ce dernier chapitre, c'est de montrer, sans prendre partie, la complexité de l'homme et de la création. se cache derrière la création. En fait, c'est dans une époque où on simplifie tout, où on aime le bien, le mal, etc. Il y a parfois des révélations étonnantes qui font que, effectivement, comme vous l'avez très bien dit, il y a un changement radical de perspective à la fin du livre. Il y a quelque chose qui se passe, mais effectivement, il faut en parler. Non,

  • Speaker #0

    on n'en parle pas, parce que ça gâcherait vraiment le plaisir de lecture. Un livre, donc, un livre est très différent ... de tout ce que vous avez fait auparavant. Et pourtant, il y a une certaine cohérence dans vos choix. Pourquoi ? Parce qu'au fond, vous êtes toujours intéressé à des destins brisés. Je pense à Claudine Longet dans Aspen Terminus en 2010, Bobby Beausoleil en 2017, Vince Taylor en 2014. Vous aimez les personnes, les anges déchus.

  • Speaker #1

    Toujours une prédilection pour ces personnages, effectivement, qui étaient sur une trajectoire ascendante, à la fois la célébrité, le brio, la gloire, etc. Et qui chutent, tels des anges qui chutent, effectivement. Et je pense que ça vient, c'est très psychanalytique ce que je vais dire, mais à la fois assez simple. bien sûr parce que je me connais, que ça vient peut-être en partie de ma mère, que j'aimais beaucoup, et qui est morte assez jeune, et qui était une peintre très douée, et qui a choisi la voie sombre un peu du tragique.

  • Speaker #0

    Oui, et puis aussi, je vois un point commun avec Patrick Modiano, c'est que Modiano a beaucoup écrit sur les années 60, comme vous, et en réalité, en parlant des années 60, il parle de l'après-guerre. Et puis... Il a également beaucoup écrit sur les années 40. Et au fond, vous, vous restiez dans l'après-guerre. Et avec ce livre-là, vous allez à la source du problème. La Shoah, l'extermination, la tragédie du XXe siècle.

  • Speaker #1

    Oui, effectivement. C'est un livre, si c'est un homme, c'est un livre qui m'a, je trouve que, bouleversé, le mot trop faible. C'est un livre capital que tout le monde devrait lire. C'est un homme de Primo Levi,

  • Speaker #0

    qui raconte avec une sorte de mémoire d'Auschwitz.

  • Speaker #1

    Effectivement. Et j'avais, je fais une petite digression, mais c'est important, j'avais toujours dans un coin de ma tête, j'avais noté les deux, trois phrases, il n'y en a pas plus, où il parle de ce livre, Remorque de Roger Vercel, et comment ce livre lui a permis de tenir et de survivre. Je m'étais dit, moi qui aime tellement la littérature depuis que je suis enfant, pour plein de raisons, parfois un peu douloureuses, mais rien par rapport à Primo Levi, naturellement. Mais je me suis dit, un jour, j'écrirai un livre, j'écrirai quelque chose là-dessus. Et j'avais écrit quelques feuillets, des notes, etc. Mais c'est toujours resté dans ma tête, ça fait des années que j'ai cette idée. Et que j'ai écrit l'été dernier, en fait. Je me suis mis et je me suis dit qu'il faut que ça sorte parce que c'est... très important sur le besoin que j'ai eu de me plonger dans les livres tout jeune, parce que j'étais en pension, etc.

  • Speaker #0

    Vous dites que le texte que vous lisez possède aussi son secret douloureux, quoique cette souffrance soit à des années-lumières de celle endurée par Primo Levi, Charlotte Delbault, Jacques Lucéran et tant d'autres, des millions d'autres. Il faudrait inventer un autre mot qui nuance l'horreur, une souffrance douce. Vous, vous avez écrit un livre où il y avait ce mot. La vie la plus douce en 2022, qui était une autobiographie. Vous racontiez votre enfance au pensionnat de Saint-Louis, à Montfort-la-Maurie. Dès l'âge de 6 ans, vos parents vous ont mis dans ce pensionnat, et qui était très violent, qui était une sorte de bêtarame aussi. Où les élèves étaient frappés, tabassés.

  • Speaker #1

    Quand j'ai vu cette histoire, quand est sortie l'histoire de bêtarame, ça m'a évidemment tout de suite fait penser à Saint-Louis, qui était un pensionnat... religieux tenu par des laïcs, mais enfin il y avait beaucoup de prières et il y avait quand même des curés, dans lequel toute une grande partie des... enfin une grande partie, où je retrouvais beaucoup d'enfants, un peu de la bourgeoisie parisienne souvent, qui étaient mis là, et c'est quelque chose qui a été une grande souffrance pour moi ces années de pension, parce que le directeur et certains de ses adjoints, de ses sbires, étaient des... pour moi, des sadiques. C'est ce qu'on appelle des sadiques. Pour n'importe quel prétexte, c'était une jouissance de tabasser.

  • Speaker #0

    De faire mal. Oui,

  • Speaker #1

    oui. Merci, ça a été fermé.

  • Speaker #0

    Vous avez raconté, d'ailleurs, toujours dans La Vie la plus douce, que vous tabassez dans les douches.

  • Speaker #1

    Oui, une fois,

  • Speaker #0

    oui. Vous avez tenté de vous évader. Vous avez été repris et puni.

  • Speaker #1

    J'avais 12 ans, oui. Je suis parti. J'ai fait 15, 20 kilomètres jusqu'à la... La résidence secondaire de mes parents, qui n'était pas loin, qui était à côté. Donc j'ai marché, je me souviens.

  • Speaker #0

    Tout seul, à 12 ans ?

  • Speaker #1

    Oui, je ne voulais plus y retourner. Je n'ai plus y retourner et j'ai dû y retourner. Ce sont des années en même temps. Alors je me réfugiais dans la lecture. Mais une fois, ce que j'ai raconté dans La vie la plus douce, c'est que j'ai été puni justement tout un week-end. Parce que mes parents avaient une extraordinaire bibliothèque. C'était l'époque où les gens achetaient beaucoup de livres quand ils avaient les moyens. Et j'avais pris « Paris est une fête » . Mon père m'a dit « Il faut que tu lises ça, c'est extraordinaire » .

  • Speaker #0

    Des Mingouais ?

  • Speaker #1

    Oui, des Mingouais. Et j'ai été puni parce que c'était considéré comme un livre immoral et censuré, etc. Donc j'ai été puni pour ce livre. Et mes parents n'ont rien pu faire pour me récupérer ce qu'il y a de là. Non, non, c'est un livre... à bannir de toutes les bibliothèques.

  • Speaker #0

    Donc oui, c'est évidemment pas comparable avec ce qu'a vécu Primoz. Bien sûr que non. Mais c'est vrai que vous avez cette mélancolie. Oui. Et la lecture vous a aidé à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Oui, en plus, je me réfugiais dans les livres. J'étais moins adepte du sport. J'avais des frères qui étaient... Je sais, je me souviens, comme tous les gosses, on jouait au foot, tout ça. Mais moi, j'allais vite écrire des poèmes, lire. J'adorais me plonger. C'était pour moi un émerveillement. C'était une grande, grande liberté.

  • Speaker #0

    Vous avez parlé de votre mère qui est morte jeune à 54 ans. Mais dans ce livre, vous parliez aussi de la mort de votre petit frère à un an et demi du cancer. Évidemment, c'est peut-être la raison pour laquelle cette famille a été brisée, disloquée. Vos frères aînés sont devenus junkies.

  • Speaker #1

    Mon frère aîné.

  • Speaker #0

    Oui. Je dis ça parce que c'est vous qui l'avez raconté Je ne rentre pas dans votre vie privée

  • Speaker #1

    Je pense que la mort est plutôt l'agonie de mon petit frère Parce qu'à l'époque on ne soignait absolument pas les cancers Tout le monde en mourait Et surtout les enfants, ça allait très vite Mais l'agonie qui était très plus que douloureuse de mon petit frère C'était quelque chose qui a provoqué beaucoup de... Pas de tension, mais c'était compliqué entre mes parents après, même s'ils se sont aimés follement. Et surtout, ma mère, à partir de ce moment-là, même si elle a eu une fille après, ma petite sœur, a un peu lâché la rempartie. Elle vivait toujours dans le souvenir de la fin de son enfant.

  • Speaker #0

    Et bon, problème d'alcool, de valium et tout ça, et d'où une mort jeune. mais si je remue ce couteau dans votre tête, C'est pas pour le plaisir sadique de vous faire mal, c'est parce que ça permet de comprendre votre itinéraire d'écrivain. C'est-à-dire que vous étiez toujours fasciné par des personnes qui avaient vécu des choses terribles, par exemple les Égéries Sixties, Marianne Faithfull, Anita Pallenberg. Non seulement elles vous rappelaient votre mère, parce que c'est la même époque, mais aussi elles se sont autodétruites. tombé dans la drogue et tout ça.

  • Speaker #1

    Même si Marianne Fesfoul est morte relativement âgée, elle a souffert ces 15 dernières années, c'était épouvantable. Elle était très malade, elle avait beaucoup de choses. Elles ont payé toutes ces filles parfois admirables. J'aimais beaucoup Anita Pallenberg, que j'ai un peu connue. C'était dramatique. Mais c'est vrai que quand j'ai rencontré Anita, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ma mère. C'était un peu les blondes de ces années-là, vous savez, avec la frange. Très 70, quoi. Puis ce qui est bien,

  • Speaker #0

    c'est que vous avez aussi un aspect lumineux dans tout ça, parce que c'est une époque qui vous fascine. Vous racontez que votre mère était copine avec les Pink Floyd à Saint-Tropez, c'est vrai ça ?

  • Speaker #1

    Copine, c'est un grand mot, mais je me souviens très bien, d'ailleurs j'en ai parlé dans La Vie la plus douce, d'une fin d'après-midi à Pamplonne,

  • Speaker #0

    il faut expliquer aux gens qui nous écoutent,

  • Speaker #1

    la plage de Saint-Tropez, la grande plage, une fin de journée où ma mère m'avait emmené, on l'avait quitté, je crois que c'était la cabane bambou, elle me dit viens, je vais retrouver une... Une bande de copains que j'ai rencontrés, ce sont des musiciens anglais, ils sont très sympas, ils étaient dans le sable, je me souviens qu'il y en a un qui jouait du tam-tam, un peu du tabla, il y avait une guitare, des trucs. Ils avaient les cheveux très longs et moi j'avais 10-12 ans, je ne connaissais pas du tout et puis ils m'avaient dit oui, ce sont les Pink Floyd. Et alors après j'ai fait des recherches et puis ma mère m'en avait reparlé. Et j'ai vu que les Pink Floyd, effectivement, ont même donné un concert un peu privé à Saint-Tropez.

  • Speaker #0

    Ah oui, pour le mariage de Mick et Bianca Jäger.

  • Speaker #1

    Voilà, puis aussi dans un amphithéâtre. Et puis, ils ont écrit un morceau qui s'appelle Saint-Tropez.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Effectivement, qui est un super morceau. Il y a eu toute cette ambiance, effectivement, qui nous éloigne d'un livre.

  • Speaker #0

    Mais c'est la même époque. C'est-à-dire que c'est juste après... Enfin, c'est quoi dans les années... C'est 20 ans après la guerre.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Oui, mes parents avaient grandi pendant la guerre, avaient connu les privations. Et ils avaient 18 ans, 20 ans, en 50, 52, etc. Ils se sont mariés très jeunes. Et ils m'ont beaucoup parlé des privations. On ne se rend pas compte, mais il n'y avait pas de... Bien sûr. Il n'y avait pas grand-chose à manger, même si on était dans des... Parce qu'il n'y avait que des tickets de rationnement, même pour les gens qui étaient dans des cercles plus privilégiés.

  • Speaker #0

    On critique beaucoup les boomers en ce moment, mais l'explication de l'envie de plaisir et d'hédonisme et de consommation de cette génération-là, elle est dans la guerre. C'est évident. Ils ont eu une réaction à ce qu'ils avaient vécu, la peur, la faim, le froid, évidemment.

  • Speaker #1

    Pour moi, ce livre, finalement, ce n'est pas si... C'est assez logique finalement. C'est ce que je vous dis. D'accord, ok. Oui, c'est ce que je vous dis. Parce qu'on peut se dire, mais il sort un livre sur Brigitte Bardot. Oui,

  • Speaker #0

    alors le livre sur Brigitte Bardot, il est sorti il y a quelques mois. C'est pas concomitant.

  • Speaker #1

    Si, plus ou moins. Ah bon, c'est vrai ? Il y a eu la première signature à Saint-Tropez début août, oui.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc vous êtes vraiment le seul écrivain au monde capable de sortir chez Assouline un livre de photographie de J.K. Dussard et d'écrire le texte sur Brigitte Bardot. et puis en même temps... Un livre sur Auschwitz, il faut le faire.

  • Speaker #1

    Mais il y a quand même... Oui, mais après tout, beaucoup de sujets sont intéressants. Et puis, il y a un lien entre ces deux livres. C'est Samy Frey. Samy Frey qui a été la révélation, en fond, qui était un ami de mes parents et qui a été la révélation de ce que c'était que les Juifs. Je ne savais pas trop, j'avais 10 ans. Un jour, Samy est venu à la maison et... Après, mon père nous a expliqué qu'il avait été caché pendant la guerre. J'ai dit, mais pourquoi cacher dans la guerre ? Son père ou sa mère avaient été déportés et cachés enfants. J'ai dit, mais comment cacher devant mes frères, moi ? Oui, parce qu'il était juif. Je ne connaissais pas vraiment. Et ça,

  • Speaker #0

    mes frères sont sortis avec Brigitte Bardot.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est pour ça. Je veux dire, il est dans l'avant-propos de mon livre, parce qu'il était très important, même s'il l'ignore, dans la révélation de ce qu'avait été la souffrance du peuple juif et des juifs à Auschwitz et ailleurs.

  • Speaker #0

    Alors, vous avez un lien personnel avec Brigitte Bardot. Pour ce livre, vous êtes allé la rencontrer à la Madrague, à la Garigue, dans ces deux maisons à Saint-Tropez. Et votre père était un grand ami de Mijanou Bardot. C'est la soeur aînée ? C'est la petite soeur. C'est la petite soeur de Brigitte Bardot ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est la petite soeur. Mon père a été très proche d'elle. Elle vit toujours. Il communique qu'elle vit en Californie depuis très longtemps avec l'acteur Patrick Bouchot, qui jouait dans La Collectionneuse. et... Mon père et ma mère étaient proches de Bardo. Ils passaient l'été, j'ai des photos où ils sont ensemble, etc. Moi j'ai un souvenir enfant, des souvenirs enfants très précis à la Madrague. On arrivait pour se baigner.

  • Speaker #0

    Oui, vous y allez en riva.

  • Speaker #1

    J'ai Kiki qui était un ami intime de mes parents, avec sa femme Anne, et de Bardo. C'était une borne en fait. Malheureusement, il n'y a presque plus de survivants. Il n'y a plus que mon père et deux ou trois personnes. Et Brigitte ? Et Brigitte, bien sûr.

  • Speaker #0

    Vous êtes allé la voir là-bas, vous avez bu du champagne avec elle.

  • Speaker #1

    Oui, c'était très drôle, elle m'a engueulé parce qu'elle fume clope sur clope. Et je lui ai dit, Brigitte, il faut peut-être arrêter. Elle m'a dit, t'es con, quoi. Elle m'a dit comme ça parce qu'elle aime bien marier l'argot. Elle me dit, mais t'es con ou quoi ? À mon âge, je crois que je vais arrêter de fumer, c'est mon petit bonheur. Et puis, elle a demandé tout de suite à son mari, Bernard Dormal, d'ouvrir une bouteille de champagne. Il y a un côté actif. Une actrice, un star, un star immense, un peu comme dans les films de Hollywood, qui commande du champagne à midi, à une heure. On boit du champagne pour discuter, pour commencer à parler de sa jeunesse avec mes parents et tous les souvenirs. Donc on a évoqué tous les souvenirs.

  • Speaker #0

    C'est vrai, et c'est très bien d'ailleurs. Le texte que vous avez fait est très très bien et très nostalgique et émouvant. Bardot est une fille d'industriel comme vous. Nous, on a des pères qui se ressemblent un peu. Playboy, Séducteur, Noctambule, la bande de chez Castel. Évidemment, ça contraste un peu avec le livre précédent. Non,

  • Speaker #1

    mais une des grandes qualités de mon père et de ma mère, c'est... Il lisait beaucoup, je reviens là-dessus, ça c'est important. Aujourd'hui, on pense que les playboys ou les gens qui vont chez Castel ou je ne sais pas où, ils sont simplement sur leur Instagram, etc. Mais à l'époque, ils lisaient quoi, puis ils lisaient des bons romans, ils achetaient. C'était quelque chose d'étonnant.

  • Speaker #0

    C'est la bande aussi à François de Sagan. Oui,

  • Speaker #1

    oui, c'est pareil mon père.

  • Speaker #0

    Alors, on passe au jeu de vintécitation. Je vais vous lire des phrases de vous, tirées de tous vos livres. Et vous devez me dire dans quels livres vous avez écrit ceci. J'ai traversé beaucoup de vies, certaines étaient les miennes.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est dans une vie, un livre. La vie la plus douce. La vie la plus douce.

  • Speaker #0

    2022. Et d'ailleurs, c'est une phrase d'un poète, Stanley Kunitz, que vous citez.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    Et comme vous n'avez presque écrit que des biographies, enfin des romans biographiques, des récits parlant de la vie des autres, je voulais savoir ce que vous avez préféré, c'est-à-dire écrire sur les autres ou écrire sur vous, puisque maintenant vous l'avez fait.

  • Speaker #1

    Je dirais que j'ai préféré écrire sur moi. Et d'ailleurs, j'avais mis beaucoup de mois dans La vie la plus douce, qui m'a pris des années, et j'étais un peu déçu parce que je pensais qu'il y aurait plus de réceptions, j'ai eu des très bons papiers, etc. Mais je pensais que ça reste une petite blessure, je pensais que ça marcherait mieux, même si j'étais dans des prix. En termes de vente ? Oui, mais par rapport à la réception. Non, je ne vais pas dire vente, c'est un peu vulgaire, mais je pensais que ce serait un livre qui serait plus... Il a même pas été en poche, par exemple. Ah oui, ça c'est...

  • Speaker #0

    Une autre phrase de vous. Ils étaient condamnés à mort puisqu'il ne devait y avoir de témoins.

  • Speaker #1

    Ça, c'est dans un livre. Oui,

  • Speaker #0

    c'est dans un livre, 2025. Oui, les Allemands sont partis plus vite que prévu.

  • Speaker #1

    Oui, les Russes approchaient.

  • Speaker #0

    Et du coup, ils ont oublié de tuer toute l'infirmerie. Oui, oui. C'est ça, vous croyez qu'ils ont vraiment oublié, quoi ? Oui, je pense que de toute façon, ils vont crever.

  • Speaker #1

    C'est entre les deux. Il y avait un peu une hâte quand même de rassembler les survivants. Ils se sont dit que de toute façon, ils vont crever. C'est évident. D'ailleurs, la plupart dans le cisterne, ils racontent qu'ils descendent les cadavres et qu'ils les retirent tout de suite pour ne pas qu'il y ait de risque d'infection, etc. Et qu'ils meurent pendant la nuit. plein la journée.

  • Speaker #0

    Et le médecin grec qui offre le livre dont vous parlez à Primo Levi, il lui dit, t'inquiète pas, tu me le rendras quand on se reverra.

  • Speaker #1

    Ça c'est une phrase que n'a jamais oublié Primo Levi et qu'il a haï le médecin grec pour lui avoir dit cette phrase. Parce que pour lui, il y avait une forme d'ironie, de sadisme, un peu d'ironie sadique.

  • Speaker #0

    Il plaisantait, évidemment, il pensait qu'il ne le reverrait jamais.

  • Speaker #1

    Il plaisantait, mais c'était évident que dans l'état dans lequel était Primo Levi, vieux. Lui-même, Primo Levi, ne donnait pas cher de sa peau. Ce livre est arrivé miraculeusement.

  • Speaker #0

    Autre phrase de vous, chacun se rendait bien compte que nous allions tous trop loin dans la déconnexion des réalités et que cela allait mal se terminer.

  • Speaker #1

    Alors j'hésite. Je pense que c'est Jerry Sixties.

  • Speaker #0

    C'est Bobby Beausoleil et autres anges cruels de 2017. Bobby Beausoleil, alors il faut expliquer qui c'est.

  • Speaker #1

    Alors Bobby Beausoleil était un... Un musicien, un guitariste extrêmement doué, qui a fait les chœurs dans un album de Frank Zappa, et qui a failli faire partie du groupe Love, et qui a croisé la route un jour, un soir, dans un motel. Il a croisé la route de Charles Manson. Ils ont joué ensemble de la guitare. Il lui dit « viens avec moi Orange, tu vas adorer » , etc. Il ne savait pas encore que c'était un psychopathe comme ça. Il a pris de la drogue avec lui. Et puis après, pour une histoire de... El Sanjols qui réclamait de l'argent pour une histoire de dope qui était... qui était frelaté. Lui a été chargé par Manson d'aller réclamer l'argent au dealer. Le dealer était un malheureux qui était un professeur de guitare, enfin un type très très innocent. Et il l'a torturé, il l'a tué. Donc c'était le premier membre de la bande de Manson à avoir tué quelqu'un. Et l'horrible tragédie de Charentaite s'est passée quelques jours après en fait, peu de temps après.

  • Speaker #0

    Donc Bobby Beausoleil est en prison, il est vivant. Oui, il est vivant. Il est en prison depuis 1963.

  • Speaker #1

    59, 10.

  • Speaker #0

    Ça fait 55 ans.

  • Speaker #1

    Oui, il réclame tous les 3 ans, il a le droit de réclamer sa libération. Mais ce qu'il m'avait expliqué, c'est que le gouverneur...

  • Speaker #0

    Vous l'avez contacté, vous avez correspondu avec lui.

  • Speaker #1

    Oui, je n'ai pas pu aller le voir, mais on a correspondu. Le gouverneur de Californie, qui est démocrate, ne va absolument pas le remettre en liberté parce que ça serait trop de voix apportées tout à coup aux républicains, à l'opposition. Il est un peu victime d'un jeu... C'est vrai qu'en France, les gens sortent au bout de 20 ans, 30 ans, etc.

  • Speaker #0

    Jean-Claude Romand, il a tué toute sa famille. Il est en liberté aujourd'hui. Bobby Beausoleil, ça fait 55 ans qu'il est en prison pour un meurtre. Je ne dis pas que ce soit bien de tuer les gens, mais...

  • Speaker #1

    Il y a la sœur de ce dealer qui s'oppose aussi. Qui s'oppose, parce qu'il demande dans ce cas-là. Qui s'oppose toujours à sa libération. Alors que je pense que... Une ou deux filles de la bande de Manson ont été libérées il y a 15-20 ans.

  • Speaker #0

    Autre phrase de vous, je n'ai jamais pu mettre la main sur son numéro à Hawaï, où elle vit quelques mois par an.

  • Speaker #1

    C'est Aspen Terminus, c'est Claudine Longer.

  • Speaker #0

    Aspen Terminus, 2010. Et oui, Claudine Longer, alors donc, elle vit à Hawaï, et elle, elle a tué son amant en 1976.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    c'était une histoire énorme. Et elle n'a jamais été en prison.

  • Speaker #1

    Elle a été en prison, je crois, une nuit ou deux. Mais Aspen, il faut savoir qu'Aspen était une ville, ce qu'on appelle libérale. aux Etats-Unis, c'était très démocrate. Il y avait tout Hollywood qui venait skier. Là, c'était à l'époque de la poudre et de la poudreuse, enfin les deux, comme l'avait expliqué James Holter, l'écrivain américain qui avait une maison là-bas. Elle avait été mariée à Andy Williams, qui était un crooner aussi célèbre que Sinatra, un peu oublié aujourd'hui. Elle avait un amant qui était le champion de ski américain. C'était le Jean-Claude Killy locales. Elle a découvert ses infidélités, elle l'a attendue, il revenait du ski, il y a eu une descente. Elle l'a visée avec un revolver qu'ils avaient, elle a dit « bang bang » sur tous ces extraordinaires, elle l'a visée, elle l'a appuyée. Il est mort sur le coup, foudroyé.

  • Speaker #0

    Andy Williams est arrivé de Los Angeles, a pris le meilleur avocat local. Le meilleur avocat local est tombé fou amoureux d'elle. Il lui a dit, je vais vous sortir de là. En fait,

  • Speaker #1

    ils ont réussi à expliquer que le revolver était parti tout seul.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. Donc lui, il a plaidé, il a été extraordinaire parce qu'il a plaidé. Elle risquait sa tête, la chaise électrique ou la vie. Et il a réussi. Parce qu'elle, elle dit non mais je ne voulais pas appuyer. C'est une question en fait de détails incroyables. Et ça a joué. Les jurés ont cru l'avocat. Et après, l'avocat lui a dit est-ce que vous voulez m'épouser ? Elle a dit oui. Ils se sont mariés.

  • Speaker #1

    Elle a 83 ans.

  • Speaker #0

    Elle vit avec son sauveur.

  • Speaker #1

    Voilà. Et Claudine Langer, on peut la voir dans The Party. Le chef-d'oeuvre de Blake Edwards avec Peter Sellers.

  • Speaker #0

    Elle a écrit plein. Elle a fait plein d'albums qui étaient très très bien.

  • Speaker #1

    Encore des phrases de vous. Jusqu'à ce qu'à la fin, la mer se fût refermée sur nous. Alors, est-ce que c'est de vous déjà ? Jusqu'à ce qu'à la fin, la mer se fût refermée sur nous.

  • Speaker #0

    C'est très beau, alors ça ne doit pas être de moi. C'est pas de vous.

  • Speaker #1

    C'est le vers 142 de l'Enfer de Dante.

  • Speaker #0

    Oui, c'est dans... Vous le citez dans un livre.

  • Speaker #1

    C'est le moment de la noyade d'Ulysse. Et Primo Levi se récitait cette phrase à Auschwitz. Il était obsédé par l'idée de naufrage, en fait. Oui,

  • Speaker #0

    absolument. Et c'est vrai qu'il récitait ça, notamment à Piccolo, le petit garçon qui était survivant, et il lui récitait du Dante. Et puis il ne l'avait pas oublié, comme certains déportés qui connaissaient Charlotte Delbault. Elle a appris le misanthrope par cœur. C'est incroyable, parce qu'on lui avait donné un exemplaire, elle l'a appris par cœur. Le serrant pouvait réciter du Baudelaire.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce que quand on passe de meurtre, de Clonille Longer, Bobby Beausoleil, puis l'horreur de la Shoah, vous êtes fasciné ou attiré par l'horreur. Disons que vous n'arrivez pas à écrire un livre sans beaucoup de tragédie. Et pourtant, vous avez l'air...

  • Speaker #0

    Oui, je suis très heureux.

  • Speaker #1

    C'est vrai que quand vous prenez un stylo, c'est pour plonger au cœur de l'enfer. C'est ça ? Oui,

  • Speaker #0

    oui. Oui, et puis il y avait... Je reviens toujours là-dessus. Oui, il y a ça, mais c'est quand même lié... Ça s'appelle un livre par hasard. C'est cet amour suprême que j'ai, comme vous, pour la littérature. Quelque chose qui est... Je ne sais pas, on peut...

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a des littératures feel-good,

  • Speaker #0

    qui font du bien,

  • Speaker #1

    qui ne parlent que de choses gentilles et de jolies fleurs.

  • Speaker #0

    Il se trouve que j'ai lu, évidemment, Remorque. Donc, Remorque, c'est totalement oublié. Mais c'était un très bon auteur, c'est ça qui m'a étonné. C'est de m'apercevoir, enfin étonné, je me dis, mais que serez-vous dans 40 ans ou moins ? Vous voyez ce que je veux dire ? Il est totalement oublié.

  • Speaker #1

    Roger Vercelles, personne ne le sait.

  • Speaker #0

    Alors que le livre est très très bien. Vraiment, c'est un très très bon livre. Et je me dis, tiens, il y a des pépites comme ça qui disparaissent. Heureusement, il y a des éditeurs qui ressortent après, des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Peut-être qu'après la sortie de votre livre, Arléa va rééditer. Ou Albin Michel.

  • Speaker #0

    C'est chez Albin, d'accord. Oui, c'est chez Albin.

  • Speaker #1

    Encore une phrase. Dans la vie, il faut tout connaître pour ne jamais rien regretter.

  • Speaker #0

    Ça, c'est de moi.

  • Speaker #1

    C'est Brigitte Bardot qui vous dit ça. Ah c'est Brigitte Bardot ! Elle vous dit ça, oui.

  • Speaker #0

    Je pensais que ça pourrait correspondre pas mal à...

  • Speaker #1

    Oui, il faut tout connaître pour ne rien regretter. En tout cas, vous acquiescez.

  • Speaker #0

    Oui, oui, j'aime.

  • Speaker #1

    Et il y a une autre phrase aussi de Bardot dans le livre, elle vous dit, « Je ne peux faire l'amour que si je suis amoureuse, mais je tombe amoureuse tous les jours. »

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est tout à fait Bardot. C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui a aimé, mais d'une façon très naturelle. Comme elle aimerait la nature, les arbres, elle a aimé follement les hommes, elle était folle des hommes. Le problème, elle me disait, moi chaque fois que je tournais un film, je tombais amoureuse du beau garçon qui avait le rôle principal. Ça s'est passé comme ça, Trintignant après, puis Samy Frère, à chaque fois Jacques Chari a été quitté. C'était une... Quand il y a elle, elle ne pouvait pas s'empêcher, elle avait envie de nouvelles aventures.

  • Speaker #1

    On passe au questionnaire de Bec BD, c'est moi qui ai écrit les questions et là... Vous répondez rapidement. Il y a une vingtaine de questions. Donc je commence tout de suite. Vous êtes prêt ?

  • Speaker #0

    Je suis prêt, absolument prêt.

  • Speaker #1

    Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il devrait être un peu plus toqué de livres et un peu moins toqué de tics.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire Tchad GPT ?

  • Speaker #0

    Alors dans certains de mes livres, je ne pense pas que Chad GPT soit prêt de reproduire ce que j'ai écrit dans certains, dans Egeri Sixties, dans Bobby Beausoleil, dans Vince Taylor, etc. Donc c'était un peu débauche, drogue et rock'n'roll et plus que ça.

  • Speaker #1

    L'IA n'a pas le droit de parler de ces sujets, ni sexe ni drogue.

  • Speaker #0

    Donc je suis à l'abri là, je pense que je suis au-dessus, je n'ai pas de concurrence là.

  • Speaker #1

    Ça reste réservé aux humains pour l'instant. Oui,

  • Speaker #0

    pour l'instant.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu... peur en l'écrivant que votre livre ne serve à rien.

  • Speaker #0

    Ce livre, un livre, ce livre, un livre. Ah non, justement, peut-être les autres, sans doute. Non, je me suis jamais vraiment posé la question. Il y avait toujours une question d'urgence, mais en même temps, c'est un peu fade de le dire, parce que c'est une urgence pour moi, mais sans doute pas du tout pour les lecteurs et les lectrices, enfin pour la plupart, sauf ceux qui me lisent. Mais celui-là, si, il y avait une urgence quand même. Ça, pour moi, c'est le livre qui sert à quelque chose. Il est viscéral et qui peut trouver justement un écho auprès de gens qui lisent plus tellement, etc. et auprès des jeunes.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ? Je suis sûr que non.

  • Speaker #0

    Non, mais je suis assez partagé sur la notion de gentillesse parce que, est-ce que Primo Levi était toujours gentil ? Peut-être qu'il n'était pas tout ça, ça n'a rien à... Je pense qu'on a tous au fond de... De nous-mêmes, c'est d'ailleurs ce que j'ai montré dans plusieurs livres, un côté où on n'est pas forcément toujours gentil. Un écrivain, ah non, un écrivain ou un ouin qui écrit des choses un peu niaises, non pas du tout. J'aime bien savoir que chacun porte en soi quelque chose de pas gentil.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    La solitude. Parce que la pauvreté, je ne suis pas pauvre, puisque je suis journaliste aussi, je vis comme journaliste, en tant que journaliste.

  • Speaker #1

    Les journalistes sont de moins en moins bien payés.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais je... Je ne suis pas sûr que les piges de Transfuge...

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    je... Et aussi, enfin, Transfuge, pardonnez-moi, je gagne quand même ma vie avec eux. Disons que je ne suis pas dans l'extrême pauvreté, je ne suis pas au RSA, donc... Et la folie, non, moi je dirais la solitude, c'est-à-dire que je suis quelqu'un de... On me présente toujours comme très mondain. Je ne sais pas si je le suis, mais en tout cas, je suis quelqu'un de sociable qui suit beaucoup de sorties et qui sort beaucoup. Oui,

  • Speaker #1

    mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas seul dans ses soirées.

  • Speaker #0

    Voilà, d'une part. Et d'ailleurs, oui, effectivement, j'ai des grands moments où j'aime bien être seul. En revanche, la journée, même le soir, il m'arrive d'être seul. Parce que finalement, oui, on peut avoir la femme la plus... étrape. la plus admirable, des enfants extraordinaires, des amis fabuleux. Mais au fond de soi-même, on est seul. Les gens ne l'avouent pas, mais on est très seul. Et qu'est-ce qui reste ? Je me suis souvent posé la question, j'ai la réponse. On se retrouve face aux livres. En fait, la littérature, plus que le cinéma, on va voir un film, ça distrait, ça dure deux heures, même si c'est un chef-d'oeuvre, ou écouter, aller à un concert, etc. Mais le livre, on est... On est plongé dedans, par exemple, la nuit. Moi, ça m'arrive de lire un livre le soir, très tard. Et je me dis que c'est une façon aussi de... Parce qu'au fond de moi-même, j'ai quand même... Je ne sais pas si c'est pour tout le monde... Je repousse l'échéance de la mort. Il y a quelque chose lié à la mort, quand même, dans tous mes livres. Dans mon fait de vivre aussi, de survivre. Et je trouve que la littérature, c'est le seul médium, moi, qui m'emmène dans une sorte d'éternité. C'est-à-dire qu'il y a toutes les...

  • Speaker #1

    Oui, on peut lire d'ailleurs des gens qui sont morts depuis 2001. Voilà. Et on entend leur voix. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Jamais, je ne pense pas. Ah bon ? Non, je ne devrais pas le dire, mais des papiers. Ah oui,

  • Speaker #1

    les articles de journaux.

  • Speaker #0

    Des articles que je respecte, j'en avais fait, j'espère. Oui,

  • Speaker #1

    l'ivresse donne une fluidité pour écrire un papier.

  • Speaker #0

    Non, pas d'ivresse, mais ça m'arrive d'avoir un bon verre de vin à côté de moi quand j'écris. Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Je suis mal placé pour y répondre parce que j'ai longtemps été critique littéraire à elle et à Marie-Claire et je continue à écrire pour lire le magazine littéraire, faire des critiques. Oui,

  • Speaker #1

    je précise que Fabrice Guignot m'a embauché à elle et à l'époque j'étais chroniqueur mondain. Et donc, si jamais je fais beaucoup de peine à beaucoup d'auteurs en écrivant des méchancetés sur eux, c'est la faute de cet homme-là qui m'a embauché il y a...

  • Speaker #0

    Ils vont se venger, évidemment, en massacrant.

  • Speaker #1

    Il y a une quarantaine d'années.

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Déjà, oui. Et le patron de Hell s'appelait Jean-Dominique Boby. Et vous me l'aviez présenté. C'était peu avant son accident.

  • Speaker #0

    Il a écrit d'une paupière un livre extraordinaire.

  • Speaker #1

    Le scaphandre et le papillon.

  • Speaker #0

    Extraordinaire, la vie de...

  • Speaker #1

    Bon bref, assez parlé de nous, fantasmez-vous sur J.D. Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Là aussi je suis très mal placé pour le dire parce que j'ai réalisé quantité, je ne sais pas, 1000, 2000 interviews de célébrités ou d'écrivains. Donc j'ai fait beaucoup, beaucoup, beaucoup d'interviews. Non, non, ce n'est pas un mal, je suis ravi. Moi, je suis ravi de répondre aux questions.

  • Speaker #1

    Oui, vous aimez bien aller à la madrague, rencontrer Brigitte Bardot, allonger sur son lit et boire du champagne.

  • Speaker #0

    Cela dit, j'aime de moins en moins interviewer des célébrités parce que maintenant, ça a changé. Il faut que les gens qui nous regardent sachent l'envers du décor. Je ne parle pas des artistes ou des écrivains, mais les célébrités, ça n'a plus rien à voir avec il y a dix ans. Maintenant, on vous demande des questions en avance, on vous règle des questions. C'est devenu un enfer. Il n'y a plus de vraies rencontres. Non, non, non. Puis les marques contrôlent ça.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est intéressant, les marques. Parce qu'il faut le dire, presque toutes les célébrités ont des contrats avec des marques de luxe. Et donc, n'ont plus une liberté de parole, en fait.

  • Speaker #0

    Pas vraiment. On sent qu'elles pourraient... J'aimais beaucoup, il y a 20 ans encore, je pouvais aller très loin dans les interviews. Mais maintenant, on sent. Et puis, il y a toujours des personnes de ces marques qui sont à côté. Ah oui. qui vous marquent à la culotte, et qui sont là, et qui contrôlent tout. J'ai déjà surpris, moi, des gestes, des regards en disant...

  • Speaker #1

    C'est quoi votre souvenir de quelque chose que vous avez fait dire à une star ?

  • Speaker #0

    C'était avec Sharon Stone, je me souviens que Tina Kieffer, qui dirigeait Marie-Claire, m'avait dit, tu lui poses la question, elle a embrassé une fille aux Oscars, ou je ne sais plus à quel truc, elle a roulé une pelle. demande lui si elle aime aussi les femmes. On a le bon soldat, je lui demande la question. Et on était entouré de plein, il y avait la garde du corps, il y avait plein de gens. C'était épouvantable pour moi parce que c'était en anglais. Et il y avait vraiment une dizaine de personnes. Et j'ai entendu tout à coup, next question ! C'était le type derrière qui m'a fait trembler. Et elle m'a regardé, elle m'a dit, vous devriez le savoir. En anglais, elle m'a dit qu'il y a des questions qu'on ne pose pas.

  • Speaker #1

    Oh la vache !

  • Speaker #0

    Après, on s'est réconciliés. Oui, je me souviendrai toujours de cette épisode.

  • Speaker #1

    Un roman doit-il réparer le monde ? C'est quelque chose qu'on entend beaucoup.

  • Speaker #0

    Je trouve qu'aujourd'hui, il y a beaucoup toujours de romans qui sont dans cette veine. Non, je n'aime pas. Je déteste le roman social, par exemple. Je conçois que des gens aiment ça, mais j'ai besoin de lire un roman qui m'emmène beaucoup plus loin. Un niveau plutôt universel.

  • Speaker #1

    En vous lisant, puisque vous vous plongez dans le mal, au fond, décrire le mal, c'est une manière de peut-être ouvrir les yeux des gens et donc réparer le monde indirectement.

  • Speaker #0

    Oui, j'espère que ce livre pourra réparer l'envie de lire en tout cas, l'envie de lire, de la lecture. Et puis évidemment, connaître pour ceux qui n'ont pas connu l'enfer. L'enfer sur terre qu'a vécu Primo Levi.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'oeuvre ?

  • Speaker #0

    J'en ai aucun. Celui qui... Moi, je pense que c'est celui-là. C'est prétentieux pour moi de le dire. Je ne sais pas. C'est vrai que quand j'ai terminé ce livre, je me suis dit qu'il y a un truc. Je ne sais pas comment expliquer.

  • Speaker #1

    Je vais vous le dire, c'est la densité. C'est que ces 80 pages, elle pourrait en faire 500. Mais je ne voulais pas. Vous avez fait comme un grand chef qui réduit, réduit, réduit, et on est au cœur de...

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Chaque mot est nécessaire.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, j'ai mondé, j'ai élagué, j'ai fait des petits paragraphes, je voulais que ce soit lisible un peu comme ça. Presque un poème en prose, il y avait quelque chose de ça. Et quand je l'ai envoyé à Anne Bourguignon, qui allait devenir mon éditrice, on n'avait jamais travaillé ensemble, ça m'a fait plaisir parce qu'elle m'a tout de suite répondu, elle l'a lu, on met une heure à lire, ou une heure et demie, je ne sais pas, une heure. Et elle m'a tout de suite appelé ou envoyé un mail, je ne sais plus vraiment, mais enfin en me disant qu'elle souhaitait le publier. C'était pour moi un truc extraordinaire cette réaction parce que j'avais l'impression qu'il se passait quelque chose au fond de moi-même et avec ce livre.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Qui est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Ceux que je ne connais pas. Et qui viendront plus tard, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fier ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il y en a une, c'est dans La vie la plus douce, c'est Linky Pete « Le jour est un mauvais moment à passer » , se disait Adrien. Parce qu'Adrien, qui est mon double, n'aimait que la nuit, vivre la nuit. J'aime beaucoup cette phrase. « Le jour n'est qu'un mauvais moment à passer » .

  • Speaker #1

    C'est bien. Avez-vous menti durant cette conversation ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Alors, à mon insu, peut-être. On ment tous un peu, mais je ne crois pas, non.

  • Speaker #1

    Et puis enfin, la question Faranet 451 de notre monteur Pierre-Henri. Si les livres étaient interdits...

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Quel livre seriez-vous prêt à apprendre par cœur pour le garder, le sauver ?

  • Speaker #0

    Sans aucun problème, de loin, « Les fleurs du mal » de Baudelaire. Je n'apprendrai pas un roman par cœur, je vénère, mais j'apprendrai des poèmes. Et puis pour moi, l'insurpassable, c'est pas Rimbaud ou d'autres, c'est Baudelaire. C'est du sublime à l'état stratosphérique.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Et en plus, « Les fleurs du mal » , c'est tellement riche qu'on ne peut jamais s'ennuyer.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'il aborde tous les thèmes en plus.

  • Speaker #1

    Et puis, ça vous plaît, mais est-ce qu'il y a du sexe, de la drogue,

  • Speaker #0

    du vin ? Pourquoi vous parlez de la drogue ?

  • Speaker #1

    Bon, merci beaucoup Fabrice Guégnot d'être venu dans cette séance de torture.

  • Speaker #0

    C'était une torture bien douce et bien agréable.

  • Speaker #1

    J'ordonne donc à tout le monde de se précipiter sur un livre publié aux éditions Arlea. Abonnez-vous à notre chaîne YouTube, bien sûr, en cliquant sur s'abonner. Ça vous permet de recevoir les prochaines conversations et tout ça. Alors, je voudrais préciser que si vous voulez sponsoriser mes conversations, vous pouvez écrire sur conversation-chez-la-pérouse-at-gmail.com. Voilà, pluriel, conversation au pluriel. Là, vous pouvez nous donner de l'argent pour payer mon hôtel, mes déplacements à Paris, le champagne de Fabrice Guégnot. Voilà, tout ça, c'est important. Et puis n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.

Description

"Un livre" de Fabrice Gaignault est l'occasion d'un dialogue à bâtons rompus sur sa bibliographie proteiforme : comment peut-on publier en même temps sur Bardot et Primo Levi, comment on passe des pensionnats catholiques aux égeries sixties et de la Manson Family à Auschwitz ? "Un livre" est son Rosebud.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir tout le monde, je suis extrêmement heureux de recevoir Fabrice Guégnot ce soir qui tenait en cette rentrée à publier un livre. Alors, vous connaissez depuis longtemps comme critique littéraire à elle, à Marie-Claire, aujourd'hui vous êtes à Transfuge. Mais moi ce livre, je l'aurais peut-être intitulé un chef-d'oeuvre. Je considère que c'est un des plus beaux livres que j'ai lu cette année. Vous m'avez vraiment épaté, Fabrice. C'est un livre bouleversant, très surprenant, venant de vous surtout, parce que vous aviez une réputation de dandy, d'involte, et là vous abordez un sujet extrêmement grave. C'est vraiment l'histoire d'un livre.

  • Speaker #1

    C'est absolument l'histoire d'un livre, puisque... Il s'agit, au centre de cette histoire, il s'agit de l'histoire de Primo Levi, qui est en photo jeune, avant Auschwitz, qui, à l'infirmerie d'Auschwitz, où il était hospitalisé parce qu'il avait la scarlatine, ne savait pas s'il allait être exécuté ou pas lorsque les SS ont décidé d'évacuer Auschwitz à l'arrivée des... Des troupes russes qui étaient assez proches de Schwyz, donc ils ont décidé d'évacuer tous les survivants qui étaient en état de marcher. Quant à ceux qui étaient à l'infirmerie, qui étaient très malades, etc., le doute planait. On ne savait pas si, parmi eux, ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Le bruit courait que les SS ne laisseraient pas de survivants, comme ils faisaient toujours. il se trouve que Un médecin grec qui allait partir dans ces fameuses marches qu'on a appelées les marches de la mort, lui a tendu un livre sur son guide hôpital. C'est même une infirmerie, ce n'était pas un livre, c'était une paillasse, quelque chose comme ça. Et c'était le livre d'un certain Roger Vercelles, qui a été très connu avant-guerre, entre les années 1920 et 1940, notamment pour avoir eu le... Pris Goncourt en 1934 pour Capitaine Conan, qui était devenu un film de Tavernier. Et ensuite, Remorque, qu'il a publié un an ou deux plus tard, et qui est devenu un film aussi très célèbre avec Jean Gabin et Michel Morgan.

  • Speaker #0

    Donc, Primo Levi a été arrêté en février 1944. Il a passé presque un an à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Et là, s'il a survécu, c'est en grande partie grâce... à ce livre, Remorque, de Roger Vercel, publié en 1935. Il s'accroche à ce livre, en fait, qui est l'histoire d'un naufrage. C'est ça qui est surprenant, c'est qu'il a été sauvé par un bouquin sur une noyade, sur un bateau qui coule au large de Brest.

  • Speaker #1

    Oui, je suis absolument persuadé que lorsqu'il a pris ce livre, qui était comme, pour lui, un cadeau du ciel, parce qu'évidemment, la littérature a été interdite, il n'y avait aucun livre, mais quand il a... commencer ce livre, notamment avec la première phrase d'Inkipit, l'ouragan cernait la chambre. Effectivement, lui, il était dans une chambre, enfin dans une salle d'infirmerie, et il y avait un...

  • Speaker #0

    Un mouroir, on peut dire. Un mouroir,

  • Speaker #1

    c'était un mouroir.

  • Speaker #0

    Tous les malades crevaient autour de lui. Voilà.

  • Speaker #1

    Donc il avait la chance de parler le français, et il s'est agrippé à ce livre comme on s'agrippe à une bouée de sauvetage ou à un radeau de survie. Et je ne peux pas dire que ce livre remorque. qui lui a sauvé la vie, mais ça lui a permis de survivre.

  • Speaker #0

    C'est lui qui le dit, parce que lui en a parlé. Il a écrit dans « Si c'est un homme » à propos de cette...

  • Speaker #1

    Il dit que c'est un livre, en tout cas, qui a eu une importance capitale dans sa vie, parce qu'effectivement, peut-être qu'il serait laissé, sans doute. Il avait de la scarlatine, il avait beaucoup de fièvre, il n'y avait plus de médicaments, évidemment. Il n'y avait plus d'eau lorsque les SS ont quitté le camp, il n'y avait rien. Enfin, c'était épouvantable. Ils mouraient tous dans... Dans sa chambrée, ils mouraient tous les uns après les autres. Et lui a résisté. Il a lu le livre lorsqu'il ne savait pas s'il allait être exécuté. En plus, ça lui a permis. Il s'est plongé dans ce livre comme un bouclier, quelque chose qui lui permettait de résister. Et il a fini à l'aube ou quelques heures après que le camp était absolument désert. Il n'y avait plus personne. Il avait ce livre. Il a tellement aimé Remorque aussi pour des raisons évidemment. symbolique, qu'il a emporté avec lui lorsqu'il est retourné en Italie quelques semaines plus tard. Il a emporté ce livre, il l'a toujours eu chez lui. Il l'a gardé.

  • Speaker #0

    Donc en gros, c'est aussi un livre sur comment la littérature peut être une bouée de sauvetage, une manière de surmonter les épreuves, les pires de l'enfer sur Terre. Et vous parlez assez bien d'ailleurs de Euh... de la lecture vous-même. Je vais vous demander de lire un passage parce qu'à la fin de cette émission, souvent je dis, enfin même presque tout le temps, je dis lisez des livres, sinon vous allez mourir idiot. Mais vous dites la même chose un peu mieux que moi. Là, c'est là où j'ai entouré.

  • Speaker #1

    Je ne connais rien de plus actif et de plus stimulant que la lecture. J'ai cherché pourtant. Je n'ai pas trouvé d'équivalent. L'image, animée ou non, se vit passivement. La littérature vous installe au milieu de la scène, dans la pensée d'un autre où tout se joue, à vous d'en être le metteur en scène, le chef d'orchestre, à vous d'imaginer à votre manière les mille subtilités d'interprétation possibles. Les mots formés de caractères étranges, si on les fixe cinq secondes, sont à bien y réfléchir plus mystérieux et chargés de jouissance que tous les algorithmes réunis pour nous envoyer sur Mars. Un voyage spatial a beau être un exploit technique, que pèse-t-il face à cette évidence ? L'univers tout entier et sa complexité infinie se cachent dans certains chefs-d'oeuvre de la littérature. Celle-ci est l'univers.

  • Speaker #0

    La littérature c'est l'univers. C'est important de le dire aux jeunes qui nous regardent peut-être un peu partout sur les plateformes. Là, Fabrice Guégnon, il a écrit un livre très court. Il y a combien de pages ?

  • Speaker #1

    90 à peu près, je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    83. Ne vous vantez pas. C'est extrêmement court, c'est facile à lire, c'est ultra sensible et alors il y a un coup de théâtre. final, une révélation à la fin du livre, qu'on ne va pas spoiler ici, qui rend le livre, qui renverse complètement la perspective de ce livre. Tout est vrai, évidemment. C'est probablement moi la chute la plus étonnante que j'ai lue depuis Inconnu à cette adresse de Cressman Taylor, vous savez, ce livre de 1938. Alors, on ne spoil pas, mais c'est vraiment admirable. Qu'est-ce qu'on peut en dire sans spoiler ?

  • Speaker #1

    Que tout être humain a ses zones d'ombre, peut-être on peut dire ça, est parfois à la fois cruel et injustifiable.

  • Speaker #0

    Mais on peut aussi dire que la littérature est pleine de surprises. Oui,

  • Speaker #1

    la littérature est pleine de surprises, ça serait mieux.

  • Speaker #0

    Ou bien que peut-être même le mal peut faire le bien. C'est très tordu quand même.

  • Speaker #1

    On peut le dire sans spoiler.

  • Speaker #0

    Je ne spoile pas.

  • Speaker #1

    Effectivement, il y a quelque chose de...

  • Speaker #0

    Il est un peu emmerdé parce qu'il ne peut pas raconter la fin.

  • Speaker #1

    Non, je ne peux pas raconter la fin.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est très étonnant.

  • Speaker #1

    Je ne l'ai pas écrit pour la fin. Je ne l'ai pas du tout écrit pour la fin.

  • Speaker #0

    Non, mais il y a cette surprise qui fait qu'on referme le livre en se disant, mon Dieu, mais l'univers est ironique. C'est peut-être ça, s'il y a une morale. Il n'y en a pas de morale, puisqu'à Auschwitz, la morale n'existait pas. Mais disons que, voilà, en enfer... Quelquefois, un poison en enfer peut vous sauver. Les choses s'inversent en enfer.

  • Speaker #1

    Oui, peut-être. Je ne dis rien.

  • Speaker #0

    Dites si vous voulez dire quelque chose, bien sûr.

  • Speaker #1

    Ce que j'aime dans ce dernier chapitre, c'est de montrer, sans prendre partie, la complexité de l'homme et de la création. se cache derrière la création. En fait, c'est dans une époque où on simplifie tout, où on aime le bien, le mal, etc. Il y a parfois des révélations étonnantes qui font que, effectivement, comme vous l'avez très bien dit, il y a un changement radical de perspective à la fin du livre. Il y a quelque chose qui se passe, mais effectivement, il faut en parler. Non,

  • Speaker #0

    on n'en parle pas, parce que ça gâcherait vraiment le plaisir de lecture. Un livre, donc, un livre est très différent ... de tout ce que vous avez fait auparavant. Et pourtant, il y a une certaine cohérence dans vos choix. Pourquoi ? Parce qu'au fond, vous êtes toujours intéressé à des destins brisés. Je pense à Claudine Longet dans Aspen Terminus en 2010, Bobby Beausoleil en 2017, Vince Taylor en 2014. Vous aimez les personnes, les anges déchus.

  • Speaker #1

    Toujours une prédilection pour ces personnages, effectivement, qui étaient sur une trajectoire ascendante, à la fois la célébrité, le brio, la gloire, etc. Et qui chutent, tels des anges qui chutent, effectivement. Et je pense que ça vient, c'est très psychanalytique ce que je vais dire, mais à la fois assez simple. bien sûr parce que je me connais, que ça vient peut-être en partie de ma mère, que j'aimais beaucoup, et qui est morte assez jeune, et qui était une peintre très douée, et qui a choisi la voie sombre un peu du tragique.

  • Speaker #0

    Oui, et puis aussi, je vois un point commun avec Patrick Modiano, c'est que Modiano a beaucoup écrit sur les années 60, comme vous, et en réalité, en parlant des années 60, il parle de l'après-guerre. Et puis... Il a également beaucoup écrit sur les années 40. Et au fond, vous, vous restiez dans l'après-guerre. Et avec ce livre-là, vous allez à la source du problème. La Shoah, l'extermination, la tragédie du XXe siècle.

  • Speaker #1

    Oui, effectivement. C'est un livre, si c'est un homme, c'est un livre qui m'a, je trouve que, bouleversé, le mot trop faible. C'est un livre capital que tout le monde devrait lire. C'est un homme de Primo Levi,

  • Speaker #0

    qui raconte avec une sorte de mémoire d'Auschwitz.

  • Speaker #1

    Effectivement. Et j'avais, je fais une petite digression, mais c'est important, j'avais toujours dans un coin de ma tête, j'avais noté les deux, trois phrases, il n'y en a pas plus, où il parle de ce livre, Remorque de Roger Vercel, et comment ce livre lui a permis de tenir et de survivre. Je m'étais dit, moi qui aime tellement la littérature depuis que je suis enfant, pour plein de raisons, parfois un peu douloureuses, mais rien par rapport à Primo Levi, naturellement. Mais je me suis dit, un jour, j'écrirai un livre, j'écrirai quelque chose là-dessus. Et j'avais écrit quelques feuillets, des notes, etc. Mais c'est toujours resté dans ma tête, ça fait des années que j'ai cette idée. Et que j'ai écrit l'été dernier, en fait. Je me suis mis et je me suis dit qu'il faut que ça sorte parce que c'est... très important sur le besoin que j'ai eu de me plonger dans les livres tout jeune, parce que j'étais en pension, etc.

  • Speaker #0

    Vous dites que le texte que vous lisez possède aussi son secret douloureux, quoique cette souffrance soit à des années-lumières de celle endurée par Primo Levi, Charlotte Delbault, Jacques Lucéran et tant d'autres, des millions d'autres. Il faudrait inventer un autre mot qui nuance l'horreur, une souffrance douce. Vous, vous avez écrit un livre où il y avait ce mot. La vie la plus douce en 2022, qui était une autobiographie. Vous racontiez votre enfance au pensionnat de Saint-Louis, à Montfort-la-Maurie. Dès l'âge de 6 ans, vos parents vous ont mis dans ce pensionnat, et qui était très violent, qui était une sorte de bêtarame aussi. Où les élèves étaient frappés, tabassés.

  • Speaker #1

    Quand j'ai vu cette histoire, quand est sortie l'histoire de bêtarame, ça m'a évidemment tout de suite fait penser à Saint-Louis, qui était un pensionnat... religieux tenu par des laïcs, mais enfin il y avait beaucoup de prières et il y avait quand même des curés, dans lequel toute une grande partie des... enfin une grande partie, où je retrouvais beaucoup d'enfants, un peu de la bourgeoisie parisienne souvent, qui étaient mis là, et c'est quelque chose qui a été une grande souffrance pour moi ces années de pension, parce que le directeur et certains de ses adjoints, de ses sbires, étaient des... pour moi, des sadiques. C'est ce qu'on appelle des sadiques. Pour n'importe quel prétexte, c'était une jouissance de tabasser.

  • Speaker #0

    De faire mal. Oui,

  • Speaker #1

    oui. Merci, ça a été fermé.

  • Speaker #0

    Vous avez raconté, d'ailleurs, toujours dans La Vie la plus douce, que vous tabassez dans les douches.

  • Speaker #1

    Oui, une fois,

  • Speaker #0

    oui. Vous avez tenté de vous évader. Vous avez été repris et puni.

  • Speaker #1

    J'avais 12 ans, oui. Je suis parti. J'ai fait 15, 20 kilomètres jusqu'à la... La résidence secondaire de mes parents, qui n'était pas loin, qui était à côté. Donc j'ai marché, je me souviens.

  • Speaker #0

    Tout seul, à 12 ans ?

  • Speaker #1

    Oui, je ne voulais plus y retourner. Je n'ai plus y retourner et j'ai dû y retourner. Ce sont des années en même temps. Alors je me réfugiais dans la lecture. Mais une fois, ce que j'ai raconté dans La vie la plus douce, c'est que j'ai été puni justement tout un week-end. Parce que mes parents avaient une extraordinaire bibliothèque. C'était l'époque où les gens achetaient beaucoup de livres quand ils avaient les moyens. Et j'avais pris « Paris est une fête » . Mon père m'a dit « Il faut que tu lises ça, c'est extraordinaire » .

  • Speaker #0

    Des Mingouais ?

  • Speaker #1

    Oui, des Mingouais. Et j'ai été puni parce que c'était considéré comme un livre immoral et censuré, etc. Donc j'ai été puni pour ce livre. Et mes parents n'ont rien pu faire pour me récupérer ce qu'il y a de là. Non, non, c'est un livre... à bannir de toutes les bibliothèques.

  • Speaker #0

    Donc oui, c'est évidemment pas comparable avec ce qu'a vécu Primoz. Bien sûr que non. Mais c'est vrai que vous avez cette mélancolie. Oui. Et la lecture vous a aidé à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Oui, en plus, je me réfugiais dans les livres. J'étais moins adepte du sport. J'avais des frères qui étaient... Je sais, je me souviens, comme tous les gosses, on jouait au foot, tout ça. Mais moi, j'allais vite écrire des poèmes, lire. J'adorais me plonger. C'était pour moi un émerveillement. C'était une grande, grande liberté.

  • Speaker #0

    Vous avez parlé de votre mère qui est morte jeune à 54 ans. Mais dans ce livre, vous parliez aussi de la mort de votre petit frère à un an et demi du cancer. Évidemment, c'est peut-être la raison pour laquelle cette famille a été brisée, disloquée. Vos frères aînés sont devenus junkies.

  • Speaker #1

    Mon frère aîné.

  • Speaker #0

    Oui. Je dis ça parce que c'est vous qui l'avez raconté Je ne rentre pas dans votre vie privée

  • Speaker #1

    Je pense que la mort est plutôt l'agonie de mon petit frère Parce qu'à l'époque on ne soignait absolument pas les cancers Tout le monde en mourait Et surtout les enfants, ça allait très vite Mais l'agonie qui était très plus que douloureuse de mon petit frère C'était quelque chose qui a provoqué beaucoup de... Pas de tension, mais c'était compliqué entre mes parents après, même s'ils se sont aimés follement. Et surtout, ma mère, à partir de ce moment-là, même si elle a eu une fille après, ma petite sœur, a un peu lâché la rempartie. Elle vivait toujours dans le souvenir de la fin de son enfant.

  • Speaker #0

    Et bon, problème d'alcool, de valium et tout ça, et d'où une mort jeune. mais si je remue ce couteau dans votre tête, C'est pas pour le plaisir sadique de vous faire mal, c'est parce que ça permet de comprendre votre itinéraire d'écrivain. C'est-à-dire que vous étiez toujours fasciné par des personnes qui avaient vécu des choses terribles, par exemple les Égéries Sixties, Marianne Faithfull, Anita Pallenberg. Non seulement elles vous rappelaient votre mère, parce que c'est la même époque, mais aussi elles se sont autodétruites. tombé dans la drogue et tout ça.

  • Speaker #1

    Même si Marianne Fesfoul est morte relativement âgée, elle a souffert ces 15 dernières années, c'était épouvantable. Elle était très malade, elle avait beaucoup de choses. Elles ont payé toutes ces filles parfois admirables. J'aimais beaucoup Anita Pallenberg, que j'ai un peu connue. C'était dramatique. Mais c'est vrai que quand j'ai rencontré Anita, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ma mère. C'était un peu les blondes de ces années-là, vous savez, avec la frange. Très 70, quoi. Puis ce qui est bien,

  • Speaker #0

    c'est que vous avez aussi un aspect lumineux dans tout ça, parce que c'est une époque qui vous fascine. Vous racontez que votre mère était copine avec les Pink Floyd à Saint-Tropez, c'est vrai ça ?

  • Speaker #1

    Copine, c'est un grand mot, mais je me souviens très bien, d'ailleurs j'en ai parlé dans La Vie la plus douce, d'une fin d'après-midi à Pamplonne,

  • Speaker #0

    il faut expliquer aux gens qui nous écoutent,

  • Speaker #1

    la plage de Saint-Tropez, la grande plage, une fin de journée où ma mère m'avait emmené, on l'avait quitté, je crois que c'était la cabane bambou, elle me dit viens, je vais retrouver une... Une bande de copains que j'ai rencontrés, ce sont des musiciens anglais, ils sont très sympas, ils étaient dans le sable, je me souviens qu'il y en a un qui jouait du tam-tam, un peu du tabla, il y avait une guitare, des trucs. Ils avaient les cheveux très longs et moi j'avais 10-12 ans, je ne connaissais pas du tout et puis ils m'avaient dit oui, ce sont les Pink Floyd. Et alors après j'ai fait des recherches et puis ma mère m'en avait reparlé. Et j'ai vu que les Pink Floyd, effectivement, ont même donné un concert un peu privé à Saint-Tropez.

  • Speaker #0

    Ah oui, pour le mariage de Mick et Bianca Jäger.

  • Speaker #1

    Voilà, puis aussi dans un amphithéâtre. Et puis, ils ont écrit un morceau qui s'appelle Saint-Tropez.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Effectivement, qui est un super morceau. Il y a eu toute cette ambiance, effectivement, qui nous éloigne d'un livre.

  • Speaker #0

    Mais c'est la même époque. C'est-à-dire que c'est juste après... Enfin, c'est quoi dans les années... C'est 20 ans après la guerre.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Oui, mes parents avaient grandi pendant la guerre, avaient connu les privations. Et ils avaient 18 ans, 20 ans, en 50, 52, etc. Ils se sont mariés très jeunes. Et ils m'ont beaucoup parlé des privations. On ne se rend pas compte, mais il n'y avait pas de... Bien sûr. Il n'y avait pas grand-chose à manger, même si on était dans des... Parce qu'il n'y avait que des tickets de rationnement, même pour les gens qui étaient dans des cercles plus privilégiés.

  • Speaker #0

    On critique beaucoup les boomers en ce moment, mais l'explication de l'envie de plaisir et d'hédonisme et de consommation de cette génération-là, elle est dans la guerre. C'est évident. Ils ont eu une réaction à ce qu'ils avaient vécu, la peur, la faim, le froid, évidemment.

  • Speaker #1

    Pour moi, ce livre, finalement, ce n'est pas si... C'est assez logique finalement. C'est ce que je vous dis. D'accord, ok. Oui, c'est ce que je vous dis. Parce qu'on peut se dire, mais il sort un livre sur Brigitte Bardot. Oui,

  • Speaker #0

    alors le livre sur Brigitte Bardot, il est sorti il y a quelques mois. C'est pas concomitant.

  • Speaker #1

    Si, plus ou moins. Ah bon, c'est vrai ? Il y a eu la première signature à Saint-Tropez début août, oui.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc vous êtes vraiment le seul écrivain au monde capable de sortir chez Assouline un livre de photographie de J.K. Dussard et d'écrire le texte sur Brigitte Bardot. et puis en même temps... Un livre sur Auschwitz, il faut le faire.

  • Speaker #1

    Mais il y a quand même... Oui, mais après tout, beaucoup de sujets sont intéressants. Et puis, il y a un lien entre ces deux livres. C'est Samy Frey. Samy Frey qui a été la révélation, en fond, qui était un ami de mes parents et qui a été la révélation de ce que c'était que les Juifs. Je ne savais pas trop, j'avais 10 ans. Un jour, Samy est venu à la maison et... Après, mon père nous a expliqué qu'il avait été caché pendant la guerre. J'ai dit, mais pourquoi cacher dans la guerre ? Son père ou sa mère avaient été déportés et cachés enfants. J'ai dit, mais comment cacher devant mes frères, moi ? Oui, parce qu'il était juif. Je ne connaissais pas vraiment. Et ça,

  • Speaker #0

    mes frères sont sortis avec Brigitte Bardot.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est pour ça. Je veux dire, il est dans l'avant-propos de mon livre, parce qu'il était très important, même s'il l'ignore, dans la révélation de ce qu'avait été la souffrance du peuple juif et des juifs à Auschwitz et ailleurs.

  • Speaker #0

    Alors, vous avez un lien personnel avec Brigitte Bardot. Pour ce livre, vous êtes allé la rencontrer à la Madrague, à la Garigue, dans ces deux maisons à Saint-Tropez. Et votre père était un grand ami de Mijanou Bardot. C'est la soeur aînée ? C'est la petite soeur. C'est la petite soeur de Brigitte Bardot ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est la petite soeur. Mon père a été très proche d'elle. Elle vit toujours. Il communique qu'elle vit en Californie depuis très longtemps avec l'acteur Patrick Bouchot, qui jouait dans La Collectionneuse. et... Mon père et ma mère étaient proches de Bardo. Ils passaient l'été, j'ai des photos où ils sont ensemble, etc. Moi j'ai un souvenir enfant, des souvenirs enfants très précis à la Madrague. On arrivait pour se baigner.

  • Speaker #0

    Oui, vous y allez en riva.

  • Speaker #1

    J'ai Kiki qui était un ami intime de mes parents, avec sa femme Anne, et de Bardo. C'était une borne en fait. Malheureusement, il n'y a presque plus de survivants. Il n'y a plus que mon père et deux ou trois personnes. Et Brigitte ? Et Brigitte, bien sûr.

  • Speaker #0

    Vous êtes allé la voir là-bas, vous avez bu du champagne avec elle.

  • Speaker #1

    Oui, c'était très drôle, elle m'a engueulé parce qu'elle fume clope sur clope. Et je lui ai dit, Brigitte, il faut peut-être arrêter. Elle m'a dit, t'es con, quoi. Elle m'a dit comme ça parce qu'elle aime bien marier l'argot. Elle me dit, mais t'es con ou quoi ? À mon âge, je crois que je vais arrêter de fumer, c'est mon petit bonheur. Et puis, elle a demandé tout de suite à son mari, Bernard Dormal, d'ouvrir une bouteille de champagne. Il y a un côté actif. Une actrice, un star, un star immense, un peu comme dans les films de Hollywood, qui commande du champagne à midi, à une heure. On boit du champagne pour discuter, pour commencer à parler de sa jeunesse avec mes parents et tous les souvenirs. Donc on a évoqué tous les souvenirs.

  • Speaker #0

    C'est vrai, et c'est très bien d'ailleurs. Le texte que vous avez fait est très très bien et très nostalgique et émouvant. Bardot est une fille d'industriel comme vous. Nous, on a des pères qui se ressemblent un peu. Playboy, Séducteur, Noctambule, la bande de chez Castel. Évidemment, ça contraste un peu avec le livre précédent. Non,

  • Speaker #1

    mais une des grandes qualités de mon père et de ma mère, c'est... Il lisait beaucoup, je reviens là-dessus, ça c'est important. Aujourd'hui, on pense que les playboys ou les gens qui vont chez Castel ou je ne sais pas où, ils sont simplement sur leur Instagram, etc. Mais à l'époque, ils lisaient quoi, puis ils lisaient des bons romans, ils achetaient. C'était quelque chose d'étonnant.

  • Speaker #0

    C'est la bande aussi à François de Sagan. Oui,

  • Speaker #1

    oui, c'est pareil mon père.

  • Speaker #0

    Alors, on passe au jeu de vintécitation. Je vais vous lire des phrases de vous, tirées de tous vos livres. Et vous devez me dire dans quels livres vous avez écrit ceci. J'ai traversé beaucoup de vies, certaines étaient les miennes.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est dans une vie, un livre. La vie la plus douce. La vie la plus douce.

  • Speaker #0

    2022. Et d'ailleurs, c'est une phrase d'un poète, Stanley Kunitz, que vous citez.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    Et comme vous n'avez presque écrit que des biographies, enfin des romans biographiques, des récits parlant de la vie des autres, je voulais savoir ce que vous avez préféré, c'est-à-dire écrire sur les autres ou écrire sur vous, puisque maintenant vous l'avez fait.

  • Speaker #1

    Je dirais que j'ai préféré écrire sur moi. Et d'ailleurs, j'avais mis beaucoup de mois dans La vie la plus douce, qui m'a pris des années, et j'étais un peu déçu parce que je pensais qu'il y aurait plus de réceptions, j'ai eu des très bons papiers, etc. Mais je pensais que ça reste une petite blessure, je pensais que ça marcherait mieux, même si j'étais dans des prix. En termes de vente ? Oui, mais par rapport à la réception. Non, je ne vais pas dire vente, c'est un peu vulgaire, mais je pensais que ce serait un livre qui serait plus... Il a même pas été en poche, par exemple. Ah oui, ça c'est...

  • Speaker #0

    Une autre phrase de vous. Ils étaient condamnés à mort puisqu'il ne devait y avoir de témoins.

  • Speaker #1

    Ça, c'est dans un livre. Oui,

  • Speaker #0

    c'est dans un livre, 2025. Oui, les Allemands sont partis plus vite que prévu.

  • Speaker #1

    Oui, les Russes approchaient.

  • Speaker #0

    Et du coup, ils ont oublié de tuer toute l'infirmerie. Oui, oui. C'est ça, vous croyez qu'ils ont vraiment oublié, quoi ? Oui, je pense que de toute façon, ils vont crever.

  • Speaker #1

    C'est entre les deux. Il y avait un peu une hâte quand même de rassembler les survivants. Ils se sont dit que de toute façon, ils vont crever. C'est évident. D'ailleurs, la plupart dans le cisterne, ils racontent qu'ils descendent les cadavres et qu'ils les retirent tout de suite pour ne pas qu'il y ait de risque d'infection, etc. Et qu'ils meurent pendant la nuit. plein la journée.

  • Speaker #0

    Et le médecin grec qui offre le livre dont vous parlez à Primo Levi, il lui dit, t'inquiète pas, tu me le rendras quand on se reverra.

  • Speaker #1

    Ça c'est une phrase que n'a jamais oublié Primo Levi et qu'il a haï le médecin grec pour lui avoir dit cette phrase. Parce que pour lui, il y avait une forme d'ironie, de sadisme, un peu d'ironie sadique.

  • Speaker #0

    Il plaisantait, évidemment, il pensait qu'il ne le reverrait jamais.

  • Speaker #1

    Il plaisantait, mais c'était évident que dans l'état dans lequel était Primo Levi, vieux. Lui-même, Primo Levi, ne donnait pas cher de sa peau. Ce livre est arrivé miraculeusement.

  • Speaker #0

    Autre phrase de vous, chacun se rendait bien compte que nous allions tous trop loin dans la déconnexion des réalités et que cela allait mal se terminer.

  • Speaker #1

    Alors j'hésite. Je pense que c'est Jerry Sixties.

  • Speaker #0

    C'est Bobby Beausoleil et autres anges cruels de 2017. Bobby Beausoleil, alors il faut expliquer qui c'est.

  • Speaker #1

    Alors Bobby Beausoleil était un... Un musicien, un guitariste extrêmement doué, qui a fait les chœurs dans un album de Frank Zappa, et qui a failli faire partie du groupe Love, et qui a croisé la route un jour, un soir, dans un motel. Il a croisé la route de Charles Manson. Ils ont joué ensemble de la guitare. Il lui dit « viens avec moi Orange, tu vas adorer » , etc. Il ne savait pas encore que c'était un psychopathe comme ça. Il a pris de la drogue avec lui. Et puis après, pour une histoire de... El Sanjols qui réclamait de l'argent pour une histoire de dope qui était... qui était frelaté. Lui a été chargé par Manson d'aller réclamer l'argent au dealer. Le dealer était un malheureux qui était un professeur de guitare, enfin un type très très innocent. Et il l'a torturé, il l'a tué. Donc c'était le premier membre de la bande de Manson à avoir tué quelqu'un. Et l'horrible tragédie de Charentaite s'est passée quelques jours après en fait, peu de temps après.

  • Speaker #0

    Donc Bobby Beausoleil est en prison, il est vivant. Oui, il est vivant. Il est en prison depuis 1963.

  • Speaker #1

    59, 10.

  • Speaker #0

    Ça fait 55 ans.

  • Speaker #1

    Oui, il réclame tous les 3 ans, il a le droit de réclamer sa libération. Mais ce qu'il m'avait expliqué, c'est que le gouverneur...

  • Speaker #0

    Vous l'avez contacté, vous avez correspondu avec lui.

  • Speaker #1

    Oui, je n'ai pas pu aller le voir, mais on a correspondu. Le gouverneur de Californie, qui est démocrate, ne va absolument pas le remettre en liberté parce que ça serait trop de voix apportées tout à coup aux républicains, à l'opposition. Il est un peu victime d'un jeu... C'est vrai qu'en France, les gens sortent au bout de 20 ans, 30 ans, etc.

  • Speaker #0

    Jean-Claude Romand, il a tué toute sa famille. Il est en liberté aujourd'hui. Bobby Beausoleil, ça fait 55 ans qu'il est en prison pour un meurtre. Je ne dis pas que ce soit bien de tuer les gens, mais...

  • Speaker #1

    Il y a la sœur de ce dealer qui s'oppose aussi. Qui s'oppose, parce qu'il demande dans ce cas-là. Qui s'oppose toujours à sa libération. Alors que je pense que... Une ou deux filles de la bande de Manson ont été libérées il y a 15-20 ans.

  • Speaker #0

    Autre phrase de vous, je n'ai jamais pu mettre la main sur son numéro à Hawaï, où elle vit quelques mois par an.

  • Speaker #1

    C'est Aspen Terminus, c'est Claudine Longer.

  • Speaker #0

    Aspen Terminus, 2010. Et oui, Claudine Longer, alors donc, elle vit à Hawaï, et elle, elle a tué son amant en 1976.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    c'était une histoire énorme. Et elle n'a jamais été en prison.

  • Speaker #1

    Elle a été en prison, je crois, une nuit ou deux. Mais Aspen, il faut savoir qu'Aspen était une ville, ce qu'on appelle libérale. aux Etats-Unis, c'était très démocrate. Il y avait tout Hollywood qui venait skier. Là, c'était à l'époque de la poudre et de la poudreuse, enfin les deux, comme l'avait expliqué James Holter, l'écrivain américain qui avait une maison là-bas. Elle avait été mariée à Andy Williams, qui était un crooner aussi célèbre que Sinatra, un peu oublié aujourd'hui. Elle avait un amant qui était le champion de ski américain. C'était le Jean-Claude Killy locales. Elle a découvert ses infidélités, elle l'a attendue, il revenait du ski, il y a eu une descente. Elle l'a visée avec un revolver qu'ils avaient, elle a dit « bang bang » sur tous ces extraordinaires, elle l'a visée, elle l'a appuyée. Il est mort sur le coup, foudroyé.

  • Speaker #0

    Andy Williams est arrivé de Los Angeles, a pris le meilleur avocat local. Le meilleur avocat local est tombé fou amoureux d'elle. Il lui a dit, je vais vous sortir de là. En fait,

  • Speaker #1

    ils ont réussi à expliquer que le revolver était parti tout seul.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. Donc lui, il a plaidé, il a été extraordinaire parce qu'il a plaidé. Elle risquait sa tête, la chaise électrique ou la vie. Et il a réussi. Parce qu'elle, elle dit non mais je ne voulais pas appuyer. C'est une question en fait de détails incroyables. Et ça a joué. Les jurés ont cru l'avocat. Et après, l'avocat lui a dit est-ce que vous voulez m'épouser ? Elle a dit oui. Ils se sont mariés.

  • Speaker #1

    Elle a 83 ans.

  • Speaker #0

    Elle vit avec son sauveur.

  • Speaker #1

    Voilà. Et Claudine Langer, on peut la voir dans The Party. Le chef-d'oeuvre de Blake Edwards avec Peter Sellers.

  • Speaker #0

    Elle a écrit plein. Elle a fait plein d'albums qui étaient très très bien.

  • Speaker #1

    Encore des phrases de vous. Jusqu'à ce qu'à la fin, la mer se fût refermée sur nous. Alors, est-ce que c'est de vous déjà ? Jusqu'à ce qu'à la fin, la mer se fût refermée sur nous.

  • Speaker #0

    C'est très beau, alors ça ne doit pas être de moi. C'est pas de vous.

  • Speaker #1

    C'est le vers 142 de l'Enfer de Dante.

  • Speaker #0

    Oui, c'est dans... Vous le citez dans un livre.

  • Speaker #1

    C'est le moment de la noyade d'Ulysse. Et Primo Levi se récitait cette phrase à Auschwitz. Il était obsédé par l'idée de naufrage, en fait. Oui,

  • Speaker #0

    absolument. Et c'est vrai qu'il récitait ça, notamment à Piccolo, le petit garçon qui était survivant, et il lui récitait du Dante. Et puis il ne l'avait pas oublié, comme certains déportés qui connaissaient Charlotte Delbault. Elle a appris le misanthrope par cœur. C'est incroyable, parce qu'on lui avait donné un exemplaire, elle l'a appris par cœur. Le serrant pouvait réciter du Baudelaire.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce que quand on passe de meurtre, de Clonille Longer, Bobby Beausoleil, puis l'horreur de la Shoah, vous êtes fasciné ou attiré par l'horreur. Disons que vous n'arrivez pas à écrire un livre sans beaucoup de tragédie. Et pourtant, vous avez l'air...

  • Speaker #0

    Oui, je suis très heureux.

  • Speaker #1

    C'est vrai que quand vous prenez un stylo, c'est pour plonger au cœur de l'enfer. C'est ça ? Oui,

  • Speaker #0

    oui. Oui, et puis il y avait... Je reviens toujours là-dessus. Oui, il y a ça, mais c'est quand même lié... Ça s'appelle un livre par hasard. C'est cet amour suprême que j'ai, comme vous, pour la littérature. Quelque chose qui est... Je ne sais pas, on peut...

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a des littératures feel-good,

  • Speaker #0

    qui font du bien,

  • Speaker #1

    qui ne parlent que de choses gentilles et de jolies fleurs.

  • Speaker #0

    Il se trouve que j'ai lu, évidemment, Remorque. Donc, Remorque, c'est totalement oublié. Mais c'était un très bon auteur, c'est ça qui m'a étonné. C'est de m'apercevoir, enfin étonné, je me dis, mais que serez-vous dans 40 ans ou moins ? Vous voyez ce que je veux dire ? Il est totalement oublié.

  • Speaker #1

    Roger Vercelles, personne ne le sait.

  • Speaker #0

    Alors que le livre est très très bien. Vraiment, c'est un très très bon livre. Et je me dis, tiens, il y a des pépites comme ça qui disparaissent. Heureusement, il y a des éditeurs qui ressortent après, des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Peut-être qu'après la sortie de votre livre, Arléa va rééditer. Ou Albin Michel.

  • Speaker #0

    C'est chez Albin, d'accord. Oui, c'est chez Albin.

  • Speaker #1

    Encore une phrase. Dans la vie, il faut tout connaître pour ne jamais rien regretter.

  • Speaker #0

    Ça, c'est de moi.

  • Speaker #1

    C'est Brigitte Bardot qui vous dit ça. Ah c'est Brigitte Bardot ! Elle vous dit ça, oui.

  • Speaker #0

    Je pensais que ça pourrait correspondre pas mal à...

  • Speaker #1

    Oui, il faut tout connaître pour ne rien regretter. En tout cas, vous acquiescez.

  • Speaker #0

    Oui, oui, j'aime.

  • Speaker #1

    Et il y a une autre phrase aussi de Bardot dans le livre, elle vous dit, « Je ne peux faire l'amour que si je suis amoureuse, mais je tombe amoureuse tous les jours. »

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est tout à fait Bardot. C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui a aimé, mais d'une façon très naturelle. Comme elle aimerait la nature, les arbres, elle a aimé follement les hommes, elle était folle des hommes. Le problème, elle me disait, moi chaque fois que je tournais un film, je tombais amoureuse du beau garçon qui avait le rôle principal. Ça s'est passé comme ça, Trintignant après, puis Samy Frère, à chaque fois Jacques Chari a été quitté. C'était une... Quand il y a elle, elle ne pouvait pas s'empêcher, elle avait envie de nouvelles aventures.

  • Speaker #1

    On passe au questionnaire de Bec BD, c'est moi qui ai écrit les questions et là... Vous répondez rapidement. Il y a une vingtaine de questions. Donc je commence tout de suite. Vous êtes prêt ?

  • Speaker #0

    Je suis prêt, absolument prêt.

  • Speaker #1

    Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il devrait être un peu plus toqué de livres et un peu moins toqué de tics.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire Tchad GPT ?

  • Speaker #0

    Alors dans certains de mes livres, je ne pense pas que Chad GPT soit prêt de reproduire ce que j'ai écrit dans certains, dans Egeri Sixties, dans Bobby Beausoleil, dans Vince Taylor, etc. Donc c'était un peu débauche, drogue et rock'n'roll et plus que ça.

  • Speaker #1

    L'IA n'a pas le droit de parler de ces sujets, ni sexe ni drogue.

  • Speaker #0

    Donc je suis à l'abri là, je pense que je suis au-dessus, je n'ai pas de concurrence là.

  • Speaker #1

    Ça reste réservé aux humains pour l'instant. Oui,

  • Speaker #0

    pour l'instant.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu... peur en l'écrivant que votre livre ne serve à rien.

  • Speaker #0

    Ce livre, un livre, ce livre, un livre. Ah non, justement, peut-être les autres, sans doute. Non, je me suis jamais vraiment posé la question. Il y avait toujours une question d'urgence, mais en même temps, c'est un peu fade de le dire, parce que c'est une urgence pour moi, mais sans doute pas du tout pour les lecteurs et les lectrices, enfin pour la plupart, sauf ceux qui me lisent. Mais celui-là, si, il y avait une urgence quand même. Ça, pour moi, c'est le livre qui sert à quelque chose. Il est viscéral et qui peut trouver justement un écho auprès de gens qui lisent plus tellement, etc. et auprès des jeunes.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ? Je suis sûr que non.

  • Speaker #0

    Non, mais je suis assez partagé sur la notion de gentillesse parce que, est-ce que Primo Levi était toujours gentil ? Peut-être qu'il n'était pas tout ça, ça n'a rien à... Je pense qu'on a tous au fond de... De nous-mêmes, c'est d'ailleurs ce que j'ai montré dans plusieurs livres, un côté où on n'est pas forcément toujours gentil. Un écrivain, ah non, un écrivain ou un ouin qui écrit des choses un peu niaises, non pas du tout. J'aime bien savoir que chacun porte en soi quelque chose de pas gentil.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    La solitude. Parce que la pauvreté, je ne suis pas pauvre, puisque je suis journaliste aussi, je vis comme journaliste, en tant que journaliste.

  • Speaker #1

    Les journalistes sont de moins en moins bien payés.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais je... Je ne suis pas sûr que les piges de Transfuge...

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    je... Et aussi, enfin, Transfuge, pardonnez-moi, je gagne quand même ma vie avec eux. Disons que je ne suis pas dans l'extrême pauvreté, je ne suis pas au RSA, donc... Et la folie, non, moi je dirais la solitude, c'est-à-dire que je suis quelqu'un de... On me présente toujours comme très mondain. Je ne sais pas si je le suis, mais en tout cas, je suis quelqu'un de sociable qui suit beaucoup de sorties et qui sort beaucoup. Oui,

  • Speaker #1

    mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas seul dans ses soirées.

  • Speaker #0

    Voilà, d'une part. Et d'ailleurs, oui, effectivement, j'ai des grands moments où j'aime bien être seul. En revanche, la journée, même le soir, il m'arrive d'être seul. Parce que finalement, oui, on peut avoir la femme la plus... étrape. la plus admirable, des enfants extraordinaires, des amis fabuleux. Mais au fond de soi-même, on est seul. Les gens ne l'avouent pas, mais on est très seul. Et qu'est-ce qui reste ? Je me suis souvent posé la question, j'ai la réponse. On se retrouve face aux livres. En fait, la littérature, plus que le cinéma, on va voir un film, ça distrait, ça dure deux heures, même si c'est un chef-d'oeuvre, ou écouter, aller à un concert, etc. Mais le livre, on est... On est plongé dedans, par exemple, la nuit. Moi, ça m'arrive de lire un livre le soir, très tard. Et je me dis que c'est une façon aussi de... Parce qu'au fond de moi-même, j'ai quand même... Je ne sais pas si c'est pour tout le monde... Je repousse l'échéance de la mort. Il y a quelque chose lié à la mort, quand même, dans tous mes livres. Dans mon fait de vivre aussi, de survivre. Et je trouve que la littérature, c'est le seul médium, moi, qui m'emmène dans une sorte d'éternité. C'est-à-dire qu'il y a toutes les...

  • Speaker #1

    Oui, on peut lire d'ailleurs des gens qui sont morts depuis 2001. Voilà. Et on entend leur voix. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Jamais, je ne pense pas. Ah bon ? Non, je ne devrais pas le dire, mais des papiers. Ah oui,

  • Speaker #1

    les articles de journaux.

  • Speaker #0

    Des articles que je respecte, j'en avais fait, j'espère. Oui,

  • Speaker #1

    l'ivresse donne une fluidité pour écrire un papier.

  • Speaker #0

    Non, pas d'ivresse, mais ça m'arrive d'avoir un bon verre de vin à côté de moi quand j'écris. Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Je suis mal placé pour y répondre parce que j'ai longtemps été critique littéraire à elle et à Marie-Claire et je continue à écrire pour lire le magazine littéraire, faire des critiques. Oui,

  • Speaker #1

    je précise que Fabrice Guignot m'a embauché à elle et à l'époque j'étais chroniqueur mondain. Et donc, si jamais je fais beaucoup de peine à beaucoup d'auteurs en écrivant des méchancetés sur eux, c'est la faute de cet homme-là qui m'a embauché il y a...

  • Speaker #0

    Ils vont se venger, évidemment, en massacrant.

  • Speaker #1

    Il y a une quarantaine d'années.

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Déjà, oui. Et le patron de Hell s'appelait Jean-Dominique Boby. Et vous me l'aviez présenté. C'était peu avant son accident.

  • Speaker #0

    Il a écrit d'une paupière un livre extraordinaire.

  • Speaker #1

    Le scaphandre et le papillon.

  • Speaker #0

    Extraordinaire, la vie de...

  • Speaker #1

    Bon bref, assez parlé de nous, fantasmez-vous sur J.D. Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Là aussi je suis très mal placé pour le dire parce que j'ai réalisé quantité, je ne sais pas, 1000, 2000 interviews de célébrités ou d'écrivains. Donc j'ai fait beaucoup, beaucoup, beaucoup d'interviews. Non, non, ce n'est pas un mal, je suis ravi. Moi, je suis ravi de répondre aux questions.

  • Speaker #1

    Oui, vous aimez bien aller à la madrague, rencontrer Brigitte Bardot, allonger sur son lit et boire du champagne.

  • Speaker #0

    Cela dit, j'aime de moins en moins interviewer des célébrités parce que maintenant, ça a changé. Il faut que les gens qui nous regardent sachent l'envers du décor. Je ne parle pas des artistes ou des écrivains, mais les célébrités, ça n'a plus rien à voir avec il y a dix ans. Maintenant, on vous demande des questions en avance, on vous règle des questions. C'est devenu un enfer. Il n'y a plus de vraies rencontres. Non, non, non. Puis les marques contrôlent ça.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est intéressant, les marques. Parce qu'il faut le dire, presque toutes les célébrités ont des contrats avec des marques de luxe. Et donc, n'ont plus une liberté de parole, en fait.

  • Speaker #0

    Pas vraiment. On sent qu'elles pourraient... J'aimais beaucoup, il y a 20 ans encore, je pouvais aller très loin dans les interviews. Mais maintenant, on sent. Et puis, il y a toujours des personnes de ces marques qui sont à côté. Ah oui. qui vous marquent à la culotte, et qui sont là, et qui contrôlent tout. J'ai déjà surpris, moi, des gestes, des regards en disant...

  • Speaker #1

    C'est quoi votre souvenir de quelque chose que vous avez fait dire à une star ?

  • Speaker #0

    C'était avec Sharon Stone, je me souviens que Tina Kieffer, qui dirigeait Marie-Claire, m'avait dit, tu lui poses la question, elle a embrassé une fille aux Oscars, ou je ne sais plus à quel truc, elle a roulé une pelle. demande lui si elle aime aussi les femmes. On a le bon soldat, je lui demande la question. Et on était entouré de plein, il y avait la garde du corps, il y avait plein de gens. C'était épouvantable pour moi parce que c'était en anglais. Et il y avait vraiment une dizaine de personnes. Et j'ai entendu tout à coup, next question ! C'était le type derrière qui m'a fait trembler. Et elle m'a regardé, elle m'a dit, vous devriez le savoir. En anglais, elle m'a dit qu'il y a des questions qu'on ne pose pas.

  • Speaker #1

    Oh la vache !

  • Speaker #0

    Après, on s'est réconciliés. Oui, je me souviendrai toujours de cette épisode.

  • Speaker #1

    Un roman doit-il réparer le monde ? C'est quelque chose qu'on entend beaucoup.

  • Speaker #0

    Je trouve qu'aujourd'hui, il y a beaucoup toujours de romans qui sont dans cette veine. Non, je n'aime pas. Je déteste le roman social, par exemple. Je conçois que des gens aiment ça, mais j'ai besoin de lire un roman qui m'emmène beaucoup plus loin. Un niveau plutôt universel.

  • Speaker #1

    En vous lisant, puisque vous vous plongez dans le mal, au fond, décrire le mal, c'est une manière de peut-être ouvrir les yeux des gens et donc réparer le monde indirectement.

  • Speaker #0

    Oui, j'espère que ce livre pourra réparer l'envie de lire en tout cas, l'envie de lire, de la lecture. Et puis évidemment, connaître pour ceux qui n'ont pas connu l'enfer. L'enfer sur terre qu'a vécu Primo Levi.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'oeuvre ?

  • Speaker #0

    J'en ai aucun. Celui qui... Moi, je pense que c'est celui-là. C'est prétentieux pour moi de le dire. Je ne sais pas. C'est vrai que quand j'ai terminé ce livre, je me suis dit qu'il y a un truc. Je ne sais pas comment expliquer.

  • Speaker #1

    Je vais vous le dire, c'est la densité. C'est que ces 80 pages, elle pourrait en faire 500. Mais je ne voulais pas. Vous avez fait comme un grand chef qui réduit, réduit, réduit, et on est au cœur de...

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Chaque mot est nécessaire.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, j'ai mondé, j'ai élagué, j'ai fait des petits paragraphes, je voulais que ce soit lisible un peu comme ça. Presque un poème en prose, il y avait quelque chose de ça. Et quand je l'ai envoyé à Anne Bourguignon, qui allait devenir mon éditrice, on n'avait jamais travaillé ensemble, ça m'a fait plaisir parce qu'elle m'a tout de suite répondu, elle l'a lu, on met une heure à lire, ou une heure et demie, je ne sais pas, une heure. Et elle m'a tout de suite appelé ou envoyé un mail, je ne sais plus vraiment, mais enfin en me disant qu'elle souhaitait le publier. C'était pour moi un truc extraordinaire cette réaction parce que j'avais l'impression qu'il se passait quelque chose au fond de moi-même et avec ce livre.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Qui est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Ceux que je ne connais pas. Et qui viendront plus tard, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fier ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il y en a une, c'est dans La vie la plus douce, c'est Linky Pete « Le jour est un mauvais moment à passer » , se disait Adrien. Parce qu'Adrien, qui est mon double, n'aimait que la nuit, vivre la nuit. J'aime beaucoup cette phrase. « Le jour n'est qu'un mauvais moment à passer » .

  • Speaker #1

    C'est bien. Avez-vous menti durant cette conversation ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Alors, à mon insu, peut-être. On ment tous un peu, mais je ne crois pas, non.

  • Speaker #1

    Et puis enfin, la question Faranet 451 de notre monteur Pierre-Henri. Si les livres étaient interdits...

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Quel livre seriez-vous prêt à apprendre par cœur pour le garder, le sauver ?

  • Speaker #0

    Sans aucun problème, de loin, « Les fleurs du mal » de Baudelaire. Je n'apprendrai pas un roman par cœur, je vénère, mais j'apprendrai des poèmes. Et puis pour moi, l'insurpassable, c'est pas Rimbaud ou d'autres, c'est Baudelaire. C'est du sublime à l'état stratosphérique.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Et en plus, « Les fleurs du mal » , c'est tellement riche qu'on ne peut jamais s'ennuyer.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'il aborde tous les thèmes en plus.

  • Speaker #1

    Et puis, ça vous plaît, mais est-ce qu'il y a du sexe, de la drogue,

  • Speaker #0

    du vin ? Pourquoi vous parlez de la drogue ?

  • Speaker #1

    Bon, merci beaucoup Fabrice Guégnot d'être venu dans cette séance de torture.

  • Speaker #0

    C'était une torture bien douce et bien agréable.

  • Speaker #1

    J'ordonne donc à tout le monde de se précipiter sur un livre publié aux éditions Arlea. Abonnez-vous à notre chaîne YouTube, bien sûr, en cliquant sur s'abonner. Ça vous permet de recevoir les prochaines conversations et tout ça. Alors, je voudrais préciser que si vous voulez sponsoriser mes conversations, vous pouvez écrire sur conversation-chez-la-pérouse-at-gmail.com. Voilà, pluriel, conversation au pluriel. Là, vous pouvez nous donner de l'argent pour payer mon hôtel, mes déplacements à Paris, le champagne de Fabrice Guégnot. Voilà, tout ça, c'est important. Et puis n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.

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Description

"Un livre" de Fabrice Gaignault est l'occasion d'un dialogue à bâtons rompus sur sa bibliographie proteiforme : comment peut-on publier en même temps sur Bardot et Primo Levi, comment on passe des pensionnats catholiques aux égeries sixties et de la Manson Family à Auschwitz ? "Un livre" est son Rosebud.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir tout le monde, je suis extrêmement heureux de recevoir Fabrice Guégnot ce soir qui tenait en cette rentrée à publier un livre. Alors, vous connaissez depuis longtemps comme critique littéraire à elle, à Marie-Claire, aujourd'hui vous êtes à Transfuge. Mais moi ce livre, je l'aurais peut-être intitulé un chef-d'oeuvre. Je considère que c'est un des plus beaux livres que j'ai lu cette année. Vous m'avez vraiment épaté, Fabrice. C'est un livre bouleversant, très surprenant, venant de vous surtout, parce que vous aviez une réputation de dandy, d'involte, et là vous abordez un sujet extrêmement grave. C'est vraiment l'histoire d'un livre.

  • Speaker #1

    C'est absolument l'histoire d'un livre, puisque... Il s'agit, au centre de cette histoire, il s'agit de l'histoire de Primo Levi, qui est en photo jeune, avant Auschwitz, qui, à l'infirmerie d'Auschwitz, où il était hospitalisé parce qu'il avait la scarlatine, ne savait pas s'il allait être exécuté ou pas lorsque les SS ont décidé d'évacuer Auschwitz à l'arrivée des... Des troupes russes qui étaient assez proches de Schwyz, donc ils ont décidé d'évacuer tous les survivants qui étaient en état de marcher. Quant à ceux qui étaient à l'infirmerie, qui étaient très malades, etc., le doute planait. On ne savait pas si, parmi eux, ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Le bruit courait que les SS ne laisseraient pas de survivants, comme ils faisaient toujours. il se trouve que Un médecin grec qui allait partir dans ces fameuses marches qu'on a appelées les marches de la mort, lui a tendu un livre sur son guide hôpital. C'est même une infirmerie, ce n'était pas un livre, c'était une paillasse, quelque chose comme ça. Et c'était le livre d'un certain Roger Vercelles, qui a été très connu avant-guerre, entre les années 1920 et 1940, notamment pour avoir eu le... Pris Goncourt en 1934 pour Capitaine Conan, qui était devenu un film de Tavernier. Et ensuite, Remorque, qu'il a publié un an ou deux plus tard, et qui est devenu un film aussi très célèbre avec Jean Gabin et Michel Morgan.

  • Speaker #0

    Donc, Primo Levi a été arrêté en février 1944. Il a passé presque un an à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Et là, s'il a survécu, c'est en grande partie grâce... à ce livre, Remorque, de Roger Vercel, publié en 1935. Il s'accroche à ce livre, en fait, qui est l'histoire d'un naufrage. C'est ça qui est surprenant, c'est qu'il a été sauvé par un bouquin sur une noyade, sur un bateau qui coule au large de Brest.

  • Speaker #1

    Oui, je suis absolument persuadé que lorsqu'il a pris ce livre, qui était comme, pour lui, un cadeau du ciel, parce qu'évidemment, la littérature a été interdite, il n'y avait aucun livre, mais quand il a... commencer ce livre, notamment avec la première phrase d'Inkipit, l'ouragan cernait la chambre. Effectivement, lui, il était dans une chambre, enfin dans une salle d'infirmerie, et il y avait un...

  • Speaker #0

    Un mouroir, on peut dire. Un mouroir,

  • Speaker #1

    c'était un mouroir.

  • Speaker #0

    Tous les malades crevaient autour de lui. Voilà.

  • Speaker #1

    Donc il avait la chance de parler le français, et il s'est agrippé à ce livre comme on s'agrippe à une bouée de sauvetage ou à un radeau de survie. Et je ne peux pas dire que ce livre remorque. qui lui a sauvé la vie, mais ça lui a permis de survivre.

  • Speaker #0

    C'est lui qui le dit, parce que lui en a parlé. Il a écrit dans « Si c'est un homme » à propos de cette...

  • Speaker #1

    Il dit que c'est un livre, en tout cas, qui a eu une importance capitale dans sa vie, parce qu'effectivement, peut-être qu'il serait laissé, sans doute. Il avait de la scarlatine, il avait beaucoup de fièvre, il n'y avait plus de médicaments, évidemment. Il n'y avait plus d'eau lorsque les SS ont quitté le camp, il n'y avait rien. Enfin, c'était épouvantable. Ils mouraient tous dans... Dans sa chambrée, ils mouraient tous les uns après les autres. Et lui a résisté. Il a lu le livre lorsqu'il ne savait pas s'il allait être exécuté. En plus, ça lui a permis. Il s'est plongé dans ce livre comme un bouclier, quelque chose qui lui permettait de résister. Et il a fini à l'aube ou quelques heures après que le camp était absolument désert. Il n'y avait plus personne. Il avait ce livre. Il a tellement aimé Remorque aussi pour des raisons évidemment. symbolique, qu'il a emporté avec lui lorsqu'il est retourné en Italie quelques semaines plus tard. Il a emporté ce livre, il l'a toujours eu chez lui. Il l'a gardé.

  • Speaker #0

    Donc en gros, c'est aussi un livre sur comment la littérature peut être une bouée de sauvetage, une manière de surmonter les épreuves, les pires de l'enfer sur Terre. Et vous parlez assez bien d'ailleurs de Euh... de la lecture vous-même. Je vais vous demander de lire un passage parce qu'à la fin de cette émission, souvent je dis, enfin même presque tout le temps, je dis lisez des livres, sinon vous allez mourir idiot. Mais vous dites la même chose un peu mieux que moi. Là, c'est là où j'ai entouré.

  • Speaker #1

    Je ne connais rien de plus actif et de plus stimulant que la lecture. J'ai cherché pourtant. Je n'ai pas trouvé d'équivalent. L'image, animée ou non, se vit passivement. La littérature vous installe au milieu de la scène, dans la pensée d'un autre où tout se joue, à vous d'en être le metteur en scène, le chef d'orchestre, à vous d'imaginer à votre manière les mille subtilités d'interprétation possibles. Les mots formés de caractères étranges, si on les fixe cinq secondes, sont à bien y réfléchir plus mystérieux et chargés de jouissance que tous les algorithmes réunis pour nous envoyer sur Mars. Un voyage spatial a beau être un exploit technique, que pèse-t-il face à cette évidence ? L'univers tout entier et sa complexité infinie se cachent dans certains chefs-d'oeuvre de la littérature. Celle-ci est l'univers.

  • Speaker #0

    La littérature c'est l'univers. C'est important de le dire aux jeunes qui nous regardent peut-être un peu partout sur les plateformes. Là, Fabrice Guégnon, il a écrit un livre très court. Il y a combien de pages ?

  • Speaker #1

    90 à peu près, je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    83. Ne vous vantez pas. C'est extrêmement court, c'est facile à lire, c'est ultra sensible et alors il y a un coup de théâtre. final, une révélation à la fin du livre, qu'on ne va pas spoiler ici, qui rend le livre, qui renverse complètement la perspective de ce livre. Tout est vrai, évidemment. C'est probablement moi la chute la plus étonnante que j'ai lue depuis Inconnu à cette adresse de Cressman Taylor, vous savez, ce livre de 1938. Alors, on ne spoil pas, mais c'est vraiment admirable. Qu'est-ce qu'on peut en dire sans spoiler ?

  • Speaker #1

    Que tout être humain a ses zones d'ombre, peut-être on peut dire ça, est parfois à la fois cruel et injustifiable.

  • Speaker #0

    Mais on peut aussi dire que la littérature est pleine de surprises. Oui,

  • Speaker #1

    la littérature est pleine de surprises, ça serait mieux.

  • Speaker #0

    Ou bien que peut-être même le mal peut faire le bien. C'est très tordu quand même.

  • Speaker #1

    On peut le dire sans spoiler.

  • Speaker #0

    Je ne spoile pas.

  • Speaker #1

    Effectivement, il y a quelque chose de...

  • Speaker #0

    Il est un peu emmerdé parce qu'il ne peut pas raconter la fin.

  • Speaker #1

    Non, je ne peux pas raconter la fin.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est très étonnant.

  • Speaker #1

    Je ne l'ai pas écrit pour la fin. Je ne l'ai pas du tout écrit pour la fin.

  • Speaker #0

    Non, mais il y a cette surprise qui fait qu'on referme le livre en se disant, mon Dieu, mais l'univers est ironique. C'est peut-être ça, s'il y a une morale. Il n'y en a pas de morale, puisqu'à Auschwitz, la morale n'existait pas. Mais disons que, voilà, en enfer... Quelquefois, un poison en enfer peut vous sauver. Les choses s'inversent en enfer.

  • Speaker #1

    Oui, peut-être. Je ne dis rien.

  • Speaker #0

    Dites si vous voulez dire quelque chose, bien sûr.

  • Speaker #1

    Ce que j'aime dans ce dernier chapitre, c'est de montrer, sans prendre partie, la complexité de l'homme et de la création. se cache derrière la création. En fait, c'est dans une époque où on simplifie tout, où on aime le bien, le mal, etc. Il y a parfois des révélations étonnantes qui font que, effectivement, comme vous l'avez très bien dit, il y a un changement radical de perspective à la fin du livre. Il y a quelque chose qui se passe, mais effectivement, il faut en parler. Non,

  • Speaker #0

    on n'en parle pas, parce que ça gâcherait vraiment le plaisir de lecture. Un livre, donc, un livre est très différent ... de tout ce que vous avez fait auparavant. Et pourtant, il y a une certaine cohérence dans vos choix. Pourquoi ? Parce qu'au fond, vous êtes toujours intéressé à des destins brisés. Je pense à Claudine Longet dans Aspen Terminus en 2010, Bobby Beausoleil en 2017, Vince Taylor en 2014. Vous aimez les personnes, les anges déchus.

  • Speaker #1

    Toujours une prédilection pour ces personnages, effectivement, qui étaient sur une trajectoire ascendante, à la fois la célébrité, le brio, la gloire, etc. Et qui chutent, tels des anges qui chutent, effectivement. Et je pense que ça vient, c'est très psychanalytique ce que je vais dire, mais à la fois assez simple. bien sûr parce que je me connais, que ça vient peut-être en partie de ma mère, que j'aimais beaucoup, et qui est morte assez jeune, et qui était une peintre très douée, et qui a choisi la voie sombre un peu du tragique.

  • Speaker #0

    Oui, et puis aussi, je vois un point commun avec Patrick Modiano, c'est que Modiano a beaucoup écrit sur les années 60, comme vous, et en réalité, en parlant des années 60, il parle de l'après-guerre. Et puis... Il a également beaucoup écrit sur les années 40. Et au fond, vous, vous restiez dans l'après-guerre. Et avec ce livre-là, vous allez à la source du problème. La Shoah, l'extermination, la tragédie du XXe siècle.

  • Speaker #1

    Oui, effectivement. C'est un livre, si c'est un homme, c'est un livre qui m'a, je trouve que, bouleversé, le mot trop faible. C'est un livre capital que tout le monde devrait lire. C'est un homme de Primo Levi,

  • Speaker #0

    qui raconte avec une sorte de mémoire d'Auschwitz.

  • Speaker #1

    Effectivement. Et j'avais, je fais une petite digression, mais c'est important, j'avais toujours dans un coin de ma tête, j'avais noté les deux, trois phrases, il n'y en a pas plus, où il parle de ce livre, Remorque de Roger Vercel, et comment ce livre lui a permis de tenir et de survivre. Je m'étais dit, moi qui aime tellement la littérature depuis que je suis enfant, pour plein de raisons, parfois un peu douloureuses, mais rien par rapport à Primo Levi, naturellement. Mais je me suis dit, un jour, j'écrirai un livre, j'écrirai quelque chose là-dessus. Et j'avais écrit quelques feuillets, des notes, etc. Mais c'est toujours resté dans ma tête, ça fait des années que j'ai cette idée. Et que j'ai écrit l'été dernier, en fait. Je me suis mis et je me suis dit qu'il faut que ça sorte parce que c'est... très important sur le besoin que j'ai eu de me plonger dans les livres tout jeune, parce que j'étais en pension, etc.

  • Speaker #0

    Vous dites que le texte que vous lisez possède aussi son secret douloureux, quoique cette souffrance soit à des années-lumières de celle endurée par Primo Levi, Charlotte Delbault, Jacques Lucéran et tant d'autres, des millions d'autres. Il faudrait inventer un autre mot qui nuance l'horreur, une souffrance douce. Vous, vous avez écrit un livre où il y avait ce mot. La vie la plus douce en 2022, qui était une autobiographie. Vous racontiez votre enfance au pensionnat de Saint-Louis, à Montfort-la-Maurie. Dès l'âge de 6 ans, vos parents vous ont mis dans ce pensionnat, et qui était très violent, qui était une sorte de bêtarame aussi. Où les élèves étaient frappés, tabassés.

  • Speaker #1

    Quand j'ai vu cette histoire, quand est sortie l'histoire de bêtarame, ça m'a évidemment tout de suite fait penser à Saint-Louis, qui était un pensionnat... religieux tenu par des laïcs, mais enfin il y avait beaucoup de prières et il y avait quand même des curés, dans lequel toute une grande partie des... enfin une grande partie, où je retrouvais beaucoup d'enfants, un peu de la bourgeoisie parisienne souvent, qui étaient mis là, et c'est quelque chose qui a été une grande souffrance pour moi ces années de pension, parce que le directeur et certains de ses adjoints, de ses sbires, étaient des... pour moi, des sadiques. C'est ce qu'on appelle des sadiques. Pour n'importe quel prétexte, c'était une jouissance de tabasser.

  • Speaker #0

    De faire mal. Oui,

  • Speaker #1

    oui. Merci, ça a été fermé.

  • Speaker #0

    Vous avez raconté, d'ailleurs, toujours dans La Vie la plus douce, que vous tabassez dans les douches.

  • Speaker #1

    Oui, une fois,

  • Speaker #0

    oui. Vous avez tenté de vous évader. Vous avez été repris et puni.

  • Speaker #1

    J'avais 12 ans, oui. Je suis parti. J'ai fait 15, 20 kilomètres jusqu'à la... La résidence secondaire de mes parents, qui n'était pas loin, qui était à côté. Donc j'ai marché, je me souviens.

  • Speaker #0

    Tout seul, à 12 ans ?

  • Speaker #1

    Oui, je ne voulais plus y retourner. Je n'ai plus y retourner et j'ai dû y retourner. Ce sont des années en même temps. Alors je me réfugiais dans la lecture. Mais une fois, ce que j'ai raconté dans La vie la plus douce, c'est que j'ai été puni justement tout un week-end. Parce que mes parents avaient une extraordinaire bibliothèque. C'était l'époque où les gens achetaient beaucoup de livres quand ils avaient les moyens. Et j'avais pris « Paris est une fête » . Mon père m'a dit « Il faut que tu lises ça, c'est extraordinaire » .

  • Speaker #0

    Des Mingouais ?

  • Speaker #1

    Oui, des Mingouais. Et j'ai été puni parce que c'était considéré comme un livre immoral et censuré, etc. Donc j'ai été puni pour ce livre. Et mes parents n'ont rien pu faire pour me récupérer ce qu'il y a de là. Non, non, c'est un livre... à bannir de toutes les bibliothèques.

  • Speaker #0

    Donc oui, c'est évidemment pas comparable avec ce qu'a vécu Primoz. Bien sûr que non. Mais c'est vrai que vous avez cette mélancolie. Oui. Et la lecture vous a aidé à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Oui, en plus, je me réfugiais dans les livres. J'étais moins adepte du sport. J'avais des frères qui étaient... Je sais, je me souviens, comme tous les gosses, on jouait au foot, tout ça. Mais moi, j'allais vite écrire des poèmes, lire. J'adorais me plonger. C'était pour moi un émerveillement. C'était une grande, grande liberté.

  • Speaker #0

    Vous avez parlé de votre mère qui est morte jeune à 54 ans. Mais dans ce livre, vous parliez aussi de la mort de votre petit frère à un an et demi du cancer. Évidemment, c'est peut-être la raison pour laquelle cette famille a été brisée, disloquée. Vos frères aînés sont devenus junkies.

  • Speaker #1

    Mon frère aîné.

  • Speaker #0

    Oui. Je dis ça parce que c'est vous qui l'avez raconté Je ne rentre pas dans votre vie privée

  • Speaker #1

    Je pense que la mort est plutôt l'agonie de mon petit frère Parce qu'à l'époque on ne soignait absolument pas les cancers Tout le monde en mourait Et surtout les enfants, ça allait très vite Mais l'agonie qui était très plus que douloureuse de mon petit frère C'était quelque chose qui a provoqué beaucoup de... Pas de tension, mais c'était compliqué entre mes parents après, même s'ils se sont aimés follement. Et surtout, ma mère, à partir de ce moment-là, même si elle a eu une fille après, ma petite sœur, a un peu lâché la rempartie. Elle vivait toujours dans le souvenir de la fin de son enfant.

  • Speaker #0

    Et bon, problème d'alcool, de valium et tout ça, et d'où une mort jeune. mais si je remue ce couteau dans votre tête, C'est pas pour le plaisir sadique de vous faire mal, c'est parce que ça permet de comprendre votre itinéraire d'écrivain. C'est-à-dire que vous étiez toujours fasciné par des personnes qui avaient vécu des choses terribles, par exemple les Égéries Sixties, Marianne Faithfull, Anita Pallenberg. Non seulement elles vous rappelaient votre mère, parce que c'est la même époque, mais aussi elles se sont autodétruites. tombé dans la drogue et tout ça.

  • Speaker #1

    Même si Marianne Fesfoul est morte relativement âgée, elle a souffert ces 15 dernières années, c'était épouvantable. Elle était très malade, elle avait beaucoup de choses. Elles ont payé toutes ces filles parfois admirables. J'aimais beaucoup Anita Pallenberg, que j'ai un peu connue. C'était dramatique. Mais c'est vrai que quand j'ai rencontré Anita, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ma mère. C'était un peu les blondes de ces années-là, vous savez, avec la frange. Très 70, quoi. Puis ce qui est bien,

  • Speaker #0

    c'est que vous avez aussi un aspect lumineux dans tout ça, parce que c'est une époque qui vous fascine. Vous racontez que votre mère était copine avec les Pink Floyd à Saint-Tropez, c'est vrai ça ?

  • Speaker #1

    Copine, c'est un grand mot, mais je me souviens très bien, d'ailleurs j'en ai parlé dans La Vie la plus douce, d'une fin d'après-midi à Pamplonne,

  • Speaker #0

    il faut expliquer aux gens qui nous écoutent,

  • Speaker #1

    la plage de Saint-Tropez, la grande plage, une fin de journée où ma mère m'avait emmené, on l'avait quitté, je crois que c'était la cabane bambou, elle me dit viens, je vais retrouver une... Une bande de copains que j'ai rencontrés, ce sont des musiciens anglais, ils sont très sympas, ils étaient dans le sable, je me souviens qu'il y en a un qui jouait du tam-tam, un peu du tabla, il y avait une guitare, des trucs. Ils avaient les cheveux très longs et moi j'avais 10-12 ans, je ne connaissais pas du tout et puis ils m'avaient dit oui, ce sont les Pink Floyd. Et alors après j'ai fait des recherches et puis ma mère m'en avait reparlé. Et j'ai vu que les Pink Floyd, effectivement, ont même donné un concert un peu privé à Saint-Tropez.

  • Speaker #0

    Ah oui, pour le mariage de Mick et Bianca Jäger.

  • Speaker #1

    Voilà, puis aussi dans un amphithéâtre. Et puis, ils ont écrit un morceau qui s'appelle Saint-Tropez.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Effectivement, qui est un super morceau. Il y a eu toute cette ambiance, effectivement, qui nous éloigne d'un livre.

  • Speaker #0

    Mais c'est la même époque. C'est-à-dire que c'est juste après... Enfin, c'est quoi dans les années... C'est 20 ans après la guerre.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Oui, mes parents avaient grandi pendant la guerre, avaient connu les privations. Et ils avaient 18 ans, 20 ans, en 50, 52, etc. Ils se sont mariés très jeunes. Et ils m'ont beaucoup parlé des privations. On ne se rend pas compte, mais il n'y avait pas de... Bien sûr. Il n'y avait pas grand-chose à manger, même si on était dans des... Parce qu'il n'y avait que des tickets de rationnement, même pour les gens qui étaient dans des cercles plus privilégiés.

  • Speaker #0

    On critique beaucoup les boomers en ce moment, mais l'explication de l'envie de plaisir et d'hédonisme et de consommation de cette génération-là, elle est dans la guerre. C'est évident. Ils ont eu une réaction à ce qu'ils avaient vécu, la peur, la faim, le froid, évidemment.

  • Speaker #1

    Pour moi, ce livre, finalement, ce n'est pas si... C'est assez logique finalement. C'est ce que je vous dis. D'accord, ok. Oui, c'est ce que je vous dis. Parce qu'on peut se dire, mais il sort un livre sur Brigitte Bardot. Oui,

  • Speaker #0

    alors le livre sur Brigitte Bardot, il est sorti il y a quelques mois. C'est pas concomitant.

  • Speaker #1

    Si, plus ou moins. Ah bon, c'est vrai ? Il y a eu la première signature à Saint-Tropez début août, oui.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc vous êtes vraiment le seul écrivain au monde capable de sortir chez Assouline un livre de photographie de J.K. Dussard et d'écrire le texte sur Brigitte Bardot. et puis en même temps... Un livre sur Auschwitz, il faut le faire.

  • Speaker #1

    Mais il y a quand même... Oui, mais après tout, beaucoup de sujets sont intéressants. Et puis, il y a un lien entre ces deux livres. C'est Samy Frey. Samy Frey qui a été la révélation, en fond, qui était un ami de mes parents et qui a été la révélation de ce que c'était que les Juifs. Je ne savais pas trop, j'avais 10 ans. Un jour, Samy est venu à la maison et... Après, mon père nous a expliqué qu'il avait été caché pendant la guerre. J'ai dit, mais pourquoi cacher dans la guerre ? Son père ou sa mère avaient été déportés et cachés enfants. J'ai dit, mais comment cacher devant mes frères, moi ? Oui, parce qu'il était juif. Je ne connaissais pas vraiment. Et ça,

  • Speaker #0

    mes frères sont sortis avec Brigitte Bardot.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est pour ça. Je veux dire, il est dans l'avant-propos de mon livre, parce qu'il était très important, même s'il l'ignore, dans la révélation de ce qu'avait été la souffrance du peuple juif et des juifs à Auschwitz et ailleurs.

  • Speaker #0

    Alors, vous avez un lien personnel avec Brigitte Bardot. Pour ce livre, vous êtes allé la rencontrer à la Madrague, à la Garigue, dans ces deux maisons à Saint-Tropez. Et votre père était un grand ami de Mijanou Bardot. C'est la soeur aînée ? C'est la petite soeur. C'est la petite soeur de Brigitte Bardot ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est la petite soeur. Mon père a été très proche d'elle. Elle vit toujours. Il communique qu'elle vit en Californie depuis très longtemps avec l'acteur Patrick Bouchot, qui jouait dans La Collectionneuse. et... Mon père et ma mère étaient proches de Bardo. Ils passaient l'été, j'ai des photos où ils sont ensemble, etc. Moi j'ai un souvenir enfant, des souvenirs enfants très précis à la Madrague. On arrivait pour se baigner.

  • Speaker #0

    Oui, vous y allez en riva.

  • Speaker #1

    J'ai Kiki qui était un ami intime de mes parents, avec sa femme Anne, et de Bardo. C'était une borne en fait. Malheureusement, il n'y a presque plus de survivants. Il n'y a plus que mon père et deux ou trois personnes. Et Brigitte ? Et Brigitte, bien sûr.

  • Speaker #0

    Vous êtes allé la voir là-bas, vous avez bu du champagne avec elle.

  • Speaker #1

    Oui, c'était très drôle, elle m'a engueulé parce qu'elle fume clope sur clope. Et je lui ai dit, Brigitte, il faut peut-être arrêter. Elle m'a dit, t'es con, quoi. Elle m'a dit comme ça parce qu'elle aime bien marier l'argot. Elle me dit, mais t'es con ou quoi ? À mon âge, je crois que je vais arrêter de fumer, c'est mon petit bonheur. Et puis, elle a demandé tout de suite à son mari, Bernard Dormal, d'ouvrir une bouteille de champagne. Il y a un côté actif. Une actrice, un star, un star immense, un peu comme dans les films de Hollywood, qui commande du champagne à midi, à une heure. On boit du champagne pour discuter, pour commencer à parler de sa jeunesse avec mes parents et tous les souvenirs. Donc on a évoqué tous les souvenirs.

  • Speaker #0

    C'est vrai, et c'est très bien d'ailleurs. Le texte que vous avez fait est très très bien et très nostalgique et émouvant. Bardot est une fille d'industriel comme vous. Nous, on a des pères qui se ressemblent un peu. Playboy, Séducteur, Noctambule, la bande de chez Castel. Évidemment, ça contraste un peu avec le livre précédent. Non,

  • Speaker #1

    mais une des grandes qualités de mon père et de ma mère, c'est... Il lisait beaucoup, je reviens là-dessus, ça c'est important. Aujourd'hui, on pense que les playboys ou les gens qui vont chez Castel ou je ne sais pas où, ils sont simplement sur leur Instagram, etc. Mais à l'époque, ils lisaient quoi, puis ils lisaient des bons romans, ils achetaient. C'était quelque chose d'étonnant.

  • Speaker #0

    C'est la bande aussi à François de Sagan. Oui,

  • Speaker #1

    oui, c'est pareil mon père.

  • Speaker #0

    Alors, on passe au jeu de vintécitation. Je vais vous lire des phrases de vous, tirées de tous vos livres. Et vous devez me dire dans quels livres vous avez écrit ceci. J'ai traversé beaucoup de vies, certaines étaient les miennes.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est dans une vie, un livre. La vie la plus douce. La vie la plus douce.

  • Speaker #0

    2022. Et d'ailleurs, c'est une phrase d'un poète, Stanley Kunitz, que vous citez.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    Et comme vous n'avez presque écrit que des biographies, enfin des romans biographiques, des récits parlant de la vie des autres, je voulais savoir ce que vous avez préféré, c'est-à-dire écrire sur les autres ou écrire sur vous, puisque maintenant vous l'avez fait.

  • Speaker #1

    Je dirais que j'ai préféré écrire sur moi. Et d'ailleurs, j'avais mis beaucoup de mois dans La vie la plus douce, qui m'a pris des années, et j'étais un peu déçu parce que je pensais qu'il y aurait plus de réceptions, j'ai eu des très bons papiers, etc. Mais je pensais que ça reste une petite blessure, je pensais que ça marcherait mieux, même si j'étais dans des prix. En termes de vente ? Oui, mais par rapport à la réception. Non, je ne vais pas dire vente, c'est un peu vulgaire, mais je pensais que ce serait un livre qui serait plus... Il a même pas été en poche, par exemple. Ah oui, ça c'est...

  • Speaker #0

    Une autre phrase de vous. Ils étaient condamnés à mort puisqu'il ne devait y avoir de témoins.

  • Speaker #1

    Ça, c'est dans un livre. Oui,

  • Speaker #0

    c'est dans un livre, 2025. Oui, les Allemands sont partis plus vite que prévu.

  • Speaker #1

    Oui, les Russes approchaient.

  • Speaker #0

    Et du coup, ils ont oublié de tuer toute l'infirmerie. Oui, oui. C'est ça, vous croyez qu'ils ont vraiment oublié, quoi ? Oui, je pense que de toute façon, ils vont crever.

  • Speaker #1

    C'est entre les deux. Il y avait un peu une hâte quand même de rassembler les survivants. Ils se sont dit que de toute façon, ils vont crever. C'est évident. D'ailleurs, la plupart dans le cisterne, ils racontent qu'ils descendent les cadavres et qu'ils les retirent tout de suite pour ne pas qu'il y ait de risque d'infection, etc. Et qu'ils meurent pendant la nuit. plein la journée.

  • Speaker #0

    Et le médecin grec qui offre le livre dont vous parlez à Primo Levi, il lui dit, t'inquiète pas, tu me le rendras quand on se reverra.

  • Speaker #1

    Ça c'est une phrase que n'a jamais oublié Primo Levi et qu'il a haï le médecin grec pour lui avoir dit cette phrase. Parce que pour lui, il y avait une forme d'ironie, de sadisme, un peu d'ironie sadique.

  • Speaker #0

    Il plaisantait, évidemment, il pensait qu'il ne le reverrait jamais.

  • Speaker #1

    Il plaisantait, mais c'était évident que dans l'état dans lequel était Primo Levi, vieux. Lui-même, Primo Levi, ne donnait pas cher de sa peau. Ce livre est arrivé miraculeusement.

  • Speaker #0

    Autre phrase de vous, chacun se rendait bien compte que nous allions tous trop loin dans la déconnexion des réalités et que cela allait mal se terminer.

  • Speaker #1

    Alors j'hésite. Je pense que c'est Jerry Sixties.

  • Speaker #0

    C'est Bobby Beausoleil et autres anges cruels de 2017. Bobby Beausoleil, alors il faut expliquer qui c'est.

  • Speaker #1

    Alors Bobby Beausoleil était un... Un musicien, un guitariste extrêmement doué, qui a fait les chœurs dans un album de Frank Zappa, et qui a failli faire partie du groupe Love, et qui a croisé la route un jour, un soir, dans un motel. Il a croisé la route de Charles Manson. Ils ont joué ensemble de la guitare. Il lui dit « viens avec moi Orange, tu vas adorer » , etc. Il ne savait pas encore que c'était un psychopathe comme ça. Il a pris de la drogue avec lui. Et puis après, pour une histoire de... El Sanjols qui réclamait de l'argent pour une histoire de dope qui était... qui était frelaté. Lui a été chargé par Manson d'aller réclamer l'argent au dealer. Le dealer était un malheureux qui était un professeur de guitare, enfin un type très très innocent. Et il l'a torturé, il l'a tué. Donc c'était le premier membre de la bande de Manson à avoir tué quelqu'un. Et l'horrible tragédie de Charentaite s'est passée quelques jours après en fait, peu de temps après.

  • Speaker #0

    Donc Bobby Beausoleil est en prison, il est vivant. Oui, il est vivant. Il est en prison depuis 1963.

  • Speaker #1

    59, 10.

  • Speaker #0

    Ça fait 55 ans.

  • Speaker #1

    Oui, il réclame tous les 3 ans, il a le droit de réclamer sa libération. Mais ce qu'il m'avait expliqué, c'est que le gouverneur...

  • Speaker #0

    Vous l'avez contacté, vous avez correspondu avec lui.

  • Speaker #1

    Oui, je n'ai pas pu aller le voir, mais on a correspondu. Le gouverneur de Californie, qui est démocrate, ne va absolument pas le remettre en liberté parce que ça serait trop de voix apportées tout à coup aux républicains, à l'opposition. Il est un peu victime d'un jeu... C'est vrai qu'en France, les gens sortent au bout de 20 ans, 30 ans, etc.

  • Speaker #0

    Jean-Claude Romand, il a tué toute sa famille. Il est en liberté aujourd'hui. Bobby Beausoleil, ça fait 55 ans qu'il est en prison pour un meurtre. Je ne dis pas que ce soit bien de tuer les gens, mais...

  • Speaker #1

    Il y a la sœur de ce dealer qui s'oppose aussi. Qui s'oppose, parce qu'il demande dans ce cas-là. Qui s'oppose toujours à sa libération. Alors que je pense que... Une ou deux filles de la bande de Manson ont été libérées il y a 15-20 ans.

  • Speaker #0

    Autre phrase de vous, je n'ai jamais pu mettre la main sur son numéro à Hawaï, où elle vit quelques mois par an.

  • Speaker #1

    C'est Aspen Terminus, c'est Claudine Longer.

  • Speaker #0

    Aspen Terminus, 2010. Et oui, Claudine Longer, alors donc, elle vit à Hawaï, et elle, elle a tué son amant en 1976.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    c'était une histoire énorme. Et elle n'a jamais été en prison.

  • Speaker #1

    Elle a été en prison, je crois, une nuit ou deux. Mais Aspen, il faut savoir qu'Aspen était une ville, ce qu'on appelle libérale. aux Etats-Unis, c'était très démocrate. Il y avait tout Hollywood qui venait skier. Là, c'était à l'époque de la poudre et de la poudreuse, enfin les deux, comme l'avait expliqué James Holter, l'écrivain américain qui avait une maison là-bas. Elle avait été mariée à Andy Williams, qui était un crooner aussi célèbre que Sinatra, un peu oublié aujourd'hui. Elle avait un amant qui était le champion de ski américain. C'était le Jean-Claude Killy locales. Elle a découvert ses infidélités, elle l'a attendue, il revenait du ski, il y a eu une descente. Elle l'a visée avec un revolver qu'ils avaient, elle a dit « bang bang » sur tous ces extraordinaires, elle l'a visée, elle l'a appuyée. Il est mort sur le coup, foudroyé.

  • Speaker #0

    Andy Williams est arrivé de Los Angeles, a pris le meilleur avocat local. Le meilleur avocat local est tombé fou amoureux d'elle. Il lui a dit, je vais vous sortir de là. En fait,

  • Speaker #1

    ils ont réussi à expliquer que le revolver était parti tout seul.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. Donc lui, il a plaidé, il a été extraordinaire parce qu'il a plaidé. Elle risquait sa tête, la chaise électrique ou la vie. Et il a réussi. Parce qu'elle, elle dit non mais je ne voulais pas appuyer. C'est une question en fait de détails incroyables. Et ça a joué. Les jurés ont cru l'avocat. Et après, l'avocat lui a dit est-ce que vous voulez m'épouser ? Elle a dit oui. Ils se sont mariés.

  • Speaker #1

    Elle a 83 ans.

  • Speaker #0

    Elle vit avec son sauveur.

  • Speaker #1

    Voilà. Et Claudine Langer, on peut la voir dans The Party. Le chef-d'oeuvre de Blake Edwards avec Peter Sellers.

  • Speaker #0

    Elle a écrit plein. Elle a fait plein d'albums qui étaient très très bien.

  • Speaker #1

    Encore des phrases de vous. Jusqu'à ce qu'à la fin, la mer se fût refermée sur nous. Alors, est-ce que c'est de vous déjà ? Jusqu'à ce qu'à la fin, la mer se fût refermée sur nous.

  • Speaker #0

    C'est très beau, alors ça ne doit pas être de moi. C'est pas de vous.

  • Speaker #1

    C'est le vers 142 de l'Enfer de Dante.

  • Speaker #0

    Oui, c'est dans... Vous le citez dans un livre.

  • Speaker #1

    C'est le moment de la noyade d'Ulysse. Et Primo Levi se récitait cette phrase à Auschwitz. Il était obsédé par l'idée de naufrage, en fait. Oui,

  • Speaker #0

    absolument. Et c'est vrai qu'il récitait ça, notamment à Piccolo, le petit garçon qui était survivant, et il lui récitait du Dante. Et puis il ne l'avait pas oublié, comme certains déportés qui connaissaient Charlotte Delbault. Elle a appris le misanthrope par cœur. C'est incroyable, parce qu'on lui avait donné un exemplaire, elle l'a appris par cœur. Le serrant pouvait réciter du Baudelaire.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce que quand on passe de meurtre, de Clonille Longer, Bobby Beausoleil, puis l'horreur de la Shoah, vous êtes fasciné ou attiré par l'horreur. Disons que vous n'arrivez pas à écrire un livre sans beaucoup de tragédie. Et pourtant, vous avez l'air...

  • Speaker #0

    Oui, je suis très heureux.

  • Speaker #1

    C'est vrai que quand vous prenez un stylo, c'est pour plonger au cœur de l'enfer. C'est ça ? Oui,

  • Speaker #0

    oui. Oui, et puis il y avait... Je reviens toujours là-dessus. Oui, il y a ça, mais c'est quand même lié... Ça s'appelle un livre par hasard. C'est cet amour suprême que j'ai, comme vous, pour la littérature. Quelque chose qui est... Je ne sais pas, on peut...

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a des littératures feel-good,

  • Speaker #0

    qui font du bien,

  • Speaker #1

    qui ne parlent que de choses gentilles et de jolies fleurs.

  • Speaker #0

    Il se trouve que j'ai lu, évidemment, Remorque. Donc, Remorque, c'est totalement oublié. Mais c'était un très bon auteur, c'est ça qui m'a étonné. C'est de m'apercevoir, enfin étonné, je me dis, mais que serez-vous dans 40 ans ou moins ? Vous voyez ce que je veux dire ? Il est totalement oublié.

  • Speaker #1

    Roger Vercelles, personne ne le sait.

  • Speaker #0

    Alors que le livre est très très bien. Vraiment, c'est un très très bon livre. Et je me dis, tiens, il y a des pépites comme ça qui disparaissent. Heureusement, il y a des éditeurs qui ressortent après, des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Peut-être qu'après la sortie de votre livre, Arléa va rééditer. Ou Albin Michel.

  • Speaker #0

    C'est chez Albin, d'accord. Oui, c'est chez Albin.

  • Speaker #1

    Encore une phrase. Dans la vie, il faut tout connaître pour ne jamais rien regretter.

  • Speaker #0

    Ça, c'est de moi.

  • Speaker #1

    C'est Brigitte Bardot qui vous dit ça. Ah c'est Brigitte Bardot ! Elle vous dit ça, oui.

  • Speaker #0

    Je pensais que ça pourrait correspondre pas mal à...

  • Speaker #1

    Oui, il faut tout connaître pour ne rien regretter. En tout cas, vous acquiescez.

  • Speaker #0

    Oui, oui, j'aime.

  • Speaker #1

    Et il y a une autre phrase aussi de Bardot dans le livre, elle vous dit, « Je ne peux faire l'amour que si je suis amoureuse, mais je tombe amoureuse tous les jours. »

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est tout à fait Bardot. C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui a aimé, mais d'une façon très naturelle. Comme elle aimerait la nature, les arbres, elle a aimé follement les hommes, elle était folle des hommes. Le problème, elle me disait, moi chaque fois que je tournais un film, je tombais amoureuse du beau garçon qui avait le rôle principal. Ça s'est passé comme ça, Trintignant après, puis Samy Frère, à chaque fois Jacques Chari a été quitté. C'était une... Quand il y a elle, elle ne pouvait pas s'empêcher, elle avait envie de nouvelles aventures.

  • Speaker #1

    On passe au questionnaire de Bec BD, c'est moi qui ai écrit les questions et là... Vous répondez rapidement. Il y a une vingtaine de questions. Donc je commence tout de suite. Vous êtes prêt ?

  • Speaker #0

    Je suis prêt, absolument prêt.

  • Speaker #1

    Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il devrait être un peu plus toqué de livres et un peu moins toqué de tics.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire Tchad GPT ?

  • Speaker #0

    Alors dans certains de mes livres, je ne pense pas que Chad GPT soit prêt de reproduire ce que j'ai écrit dans certains, dans Egeri Sixties, dans Bobby Beausoleil, dans Vince Taylor, etc. Donc c'était un peu débauche, drogue et rock'n'roll et plus que ça.

  • Speaker #1

    L'IA n'a pas le droit de parler de ces sujets, ni sexe ni drogue.

  • Speaker #0

    Donc je suis à l'abri là, je pense que je suis au-dessus, je n'ai pas de concurrence là.

  • Speaker #1

    Ça reste réservé aux humains pour l'instant. Oui,

  • Speaker #0

    pour l'instant.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu... peur en l'écrivant que votre livre ne serve à rien.

  • Speaker #0

    Ce livre, un livre, ce livre, un livre. Ah non, justement, peut-être les autres, sans doute. Non, je me suis jamais vraiment posé la question. Il y avait toujours une question d'urgence, mais en même temps, c'est un peu fade de le dire, parce que c'est une urgence pour moi, mais sans doute pas du tout pour les lecteurs et les lectrices, enfin pour la plupart, sauf ceux qui me lisent. Mais celui-là, si, il y avait une urgence quand même. Ça, pour moi, c'est le livre qui sert à quelque chose. Il est viscéral et qui peut trouver justement un écho auprès de gens qui lisent plus tellement, etc. et auprès des jeunes.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ? Je suis sûr que non.

  • Speaker #0

    Non, mais je suis assez partagé sur la notion de gentillesse parce que, est-ce que Primo Levi était toujours gentil ? Peut-être qu'il n'était pas tout ça, ça n'a rien à... Je pense qu'on a tous au fond de... De nous-mêmes, c'est d'ailleurs ce que j'ai montré dans plusieurs livres, un côté où on n'est pas forcément toujours gentil. Un écrivain, ah non, un écrivain ou un ouin qui écrit des choses un peu niaises, non pas du tout. J'aime bien savoir que chacun porte en soi quelque chose de pas gentil.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    La solitude. Parce que la pauvreté, je ne suis pas pauvre, puisque je suis journaliste aussi, je vis comme journaliste, en tant que journaliste.

  • Speaker #1

    Les journalistes sont de moins en moins bien payés.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais je... Je ne suis pas sûr que les piges de Transfuge...

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    je... Et aussi, enfin, Transfuge, pardonnez-moi, je gagne quand même ma vie avec eux. Disons que je ne suis pas dans l'extrême pauvreté, je ne suis pas au RSA, donc... Et la folie, non, moi je dirais la solitude, c'est-à-dire que je suis quelqu'un de... On me présente toujours comme très mondain. Je ne sais pas si je le suis, mais en tout cas, je suis quelqu'un de sociable qui suit beaucoup de sorties et qui sort beaucoup. Oui,

  • Speaker #1

    mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas seul dans ses soirées.

  • Speaker #0

    Voilà, d'une part. Et d'ailleurs, oui, effectivement, j'ai des grands moments où j'aime bien être seul. En revanche, la journée, même le soir, il m'arrive d'être seul. Parce que finalement, oui, on peut avoir la femme la plus... étrape. la plus admirable, des enfants extraordinaires, des amis fabuleux. Mais au fond de soi-même, on est seul. Les gens ne l'avouent pas, mais on est très seul. Et qu'est-ce qui reste ? Je me suis souvent posé la question, j'ai la réponse. On se retrouve face aux livres. En fait, la littérature, plus que le cinéma, on va voir un film, ça distrait, ça dure deux heures, même si c'est un chef-d'oeuvre, ou écouter, aller à un concert, etc. Mais le livre, on est... On est plongé dedans, par exemple, la nuit. Moi, ça m'arrive de lire un livre le soir, très tard. Et je me dis que c'est une façon aussi de... Parce qu'au fond de moi-même, j'ai quand même... Je ne sais pas si c'est pour tout le monde... Je repousse l'échéance de la mort. Il y a quelque chose lié à la mort, quand même, dans tous mes livres. Dans mon fait de vivre aussi, de survivre. Et je trouve que la littérature, c'est le seul médium, moi, qui m'emmène dans une sorte d'éternité. C'est-à-dire qu'il y a toutes les...

  • Speaker #1

    Oui, on peut lire d'ailleurs des gens qui sont morts depuis 2001. Voilà. Et on entend leur voix. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Jamais, je ne pense pas. Ah bon ? Non, je ne devrais pas le dire, mais des papiers. Ah oui,

  • Speaker #1

    les articles de journaux.

  • Speaker #0

    Des articles que je respecte, j'en avais fait, j'espère. Oui,

  • Speaker #1

    l'ivresse donne une fluidité pour écrire un papier.

  • Speaker #0

    Non, pas d'ivresse, mais ça m'arrive d'avoir un bon verre de vin à côté de moi quand j'écris. Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Je suis mal placé pour y répondre parce que j'ai longtemps été critique littéraire à elle et à Marie-Claire et je continue à écrire pour lire le magazine littéraire, faire des critiques. Oui,

  • Speaker #1

    je précise que Fabrice Guignot m'a embauché à elle et à l'époque j'étais chroniqueur mondain. Et donc, si jamais je fais beaucoup de peine à beaucoup d'auteurs en écrivant des méchancetés sur eux, c'est la faute de cet homme-là qui m'a embauché il y a...

  • Speaker #0

    Ils vont se venger, évidemment, en massacrant.

  • Speaker #1

    Il y a une quarantaine d'années.

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Déjà, oui. Et le patron de Hell s'appelait Jean-Dominique Boby. Et vous me l'aviez présenté. C'était peu avant son accident.

  • Speaker #0

    Il a écrit d'une paupière un livre extraordinaire.

  • Speaker #1

    Le scaphandre et le papillon.

  • Speaker #0

    Extraordinaire, la vie de...

  • Speaker #1

    Bon bref, assez parlé de nous, fantasmez-vous sur J.D. Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Là aussi je suis très mal placé pour le dire parce que j'ai réalisé quantité, je ne sais pas, 1000, 2000 interviews de célébrités ou d'écrivains. Donc j'ai fait beaucoup, beaucoup, beaucoup d'interviews. Non, non, ce n'est pas un mal, je suis ravi. Moi, je suis ravi de répondre aux questions.

  • Speaker #1

    Oui, vous aimez bien aller à la madrague, rencontrer Brigitte Bardot, allonger sur son lit et boire du champagne.

  • Speaker #0

    Cela dit, j'aime de moins en moins interviewer des célébrités parce que maintenant, ça a changé. Il faut que les gens qui nous regardent sachent l'envers du décor. Je ne parle pas des artistes ou des écrivains, mais les célébrités, ça n'a plus rien à voir avec il y a dix ans. Maintenant, on vous demande des questions en avance, on vous règle des questions. C'est devenu un enfer. Il n'y a plus de vraies rencontres. Non, non, non. Puis les marques contrôlent ça.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est intéressant, les marques. Parce qu'il faut le dire, presque toutes les célébrités ont des contrats avec des marques de luxe. Et donc, n'ont plus une liberté de parole, en fait.

  • Speaker #0

    Pas vraiment. On sent qu'elles pourraient... J'aimais beaucoup, il y a 20 ans encore, je pouvais aller très loin dans les interviews. Mais maintenant, on sent. Et puis, il y a toujours des personnes de ces marques qui sont à côté. Ah oui. qui vous marquent à la culotte, et qui sont là, et qui contrôlent tout. J'ai déjà surpris, moi, des gestes, des regards en disant...

  • Speaker #1

    C'est quoi votre souvenir de quelque chose que vous avez fait dire à une star ?

  • Speaker #0

    C'était avec Sharon Stone, je me souviens que Tina Kieffer, qui dirigeait Marie-Claire, m'avait dit, tu lui poses la question, elle a embrassé une fille aux Oscars, ou je ne sais plus à quel truc, elle a roulé une pelle. demande lui si elle aime aussi les femmes. On a le bon soldat, je lui demande la question. Et on était entouré de plein, il y avait la garde du corps, il y avait plein de gens. C'était épouvantable pour moi parce que c'était en anglais. Et il y avait vraiment une dizaine de personnes. Et j'ai entendu tout à coup, next question ! C'était le type derrière qui m'a fait trembler. Et elle m'a regardé, elle m'a dit, vous devriez le savoir. En anglais, elle m'a dit qu'il y a des questions qu'on ne pose pas.

  • Speaker #1

    Oh la vache !

  • Speaker #0

    Après, on s'est réconciliés. Oui, je me souviendrai toujours de cette épisode.

  • Speaker #1

    Un roman doit-il réparer le monde ? C'est quelque chose qu'on entend beaucoup.

  • Speaker #0

    Je trouve qu'aujourd'hui, il y a beaucoup toujours de romans qui sont dans cette veine. Non, je n'aime pas. Je déteste le roman social, par exemple. Je conçois que des gens aiment ça, mais j'ai besoin de lire un roman qui m'emmène beaucoup plus loin. Un niveau plutôt universel.

  • Speaker #1

    En vous lisant, puisque vous vous plongez dans le mal, au fond, décrire le mal, c'est une manière de peut-être ouvrir les yeux des gens et donc réparer le monde indirectement.

  • Speaker #0

    Oui, j'espère que ce livre pourra réparer l'envie de lire en tout cas, l'envie de lire, de la lecture. Et puis évidemment, connaître pour ceux qui n'ont pas connu l'enfer. L'enfer sur terre qu'a vécu Primo Levi.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'oeuvre ?

  • Speaker #0

    J'en ai aucun. Celui qui... Moi, je pense que c'est celui-là. C'est prétentieux pour moi de le dire. Je ne sais pas. C'est vrai que quand j'ai terminé ce livre, je me suis dit qu'il y a un truc. Je ne sais pas comment expliquer.

  • Speaker #1

    Je vais vous le dire, c'est la densité. C'est que ces 80 pages, elle pourrait en faire 500. Mais je ne voulais pas. Vous avez fait comme un grand chef qui réduit, réduit, réduit, et on est au cœur de...

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Chaque mot est nécessaire.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, j'ai mondé, j'ai élagué, j'ai fait des petits paragraphes, je voulais que ce soit lisible un peu comme ça. Presque un poème en prose, il y avait quelque chose de ça. Et quand je l'ai envoyé à Anne Bourguignon, qui allait devenir mon éditrice, on n'avait jamais travaillé ensemble, ça m'a fait plaisir parce qu'elle m'a tout de suite répondu, elle l'a lu, on met une heure à lire, ou une heure et demie, je ne sais pas, une heure. Et elle m'a tout de suite appelé ou envoyé un mail, je ne sais plus vraiment, mais enfin en me disant qu'elle souhaitait le publier. C'était pour moi un truc extraordinaire cette réaction parce que j'avais l'impression qu'il se passait quelque chose au fond de moi-même et avec ce livre.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Qui est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Ceux que je ne connais pas. Et qui viendront plus tard, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fier ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il y en a une, c'est dans La vie la plus douce, c'est Linky Pete « Le jour est un mauvais moment à passer » , se disait Adrien. Parce qu'Adrien, qui est mon double, n'aimait que la nuit, vivre la nuit. J'aime beaucoup cette phrase. « Le jour n'est qu'un mauvais moment à passer » .

  • Speaker #1

    C'est bien. Avez-vous menti durant cette conversation ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Alors, à mon insu, peut-être. On ment tous un peu, mais je ne crois pas, non.

  • Speaker #1

    Et puis enfin, la question Faranet 451 de notre monteur Pierre-Henri. Si les livres étaient interdits...

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Quel livre seriez-vous prêt à apprendre par cœur pour le garder, le sauver ?

  • Speaker #0

    Sans aucun problème, de loin, « Les fleurs du mal » de Baudelaire. Je n'apprendrai pas un roman par cœur, je vénère, mais j'apprendrai des poèmes. Et puis pour moi, l'insurpassable, c'est pas Rimbaud ou d'autres, c'est Baudelaire. C'est du sublime à l'état stratosphérique.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Et en plus, « Les fleurs du mal » , c'est tellement riche qu'on ne peut jamais s'ennuyer.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'il aborde tous les thèmes en plus.

  • Speaker #1

    Et puis, ça vous plaît, mais est-ce qu'il y a du sexe, de la drogue,

  • Speaker #0

    du vin ? Pourquoi vous parlez de la drogue ?

  • Speaker #1

    Bon, merci beaucoup Fabrice Guégnot d'être venu dans cette séance de torture.

  • Speaker #0

    C'était une torture bien douce et bien agréable.

  • Speaker #1

    J'ordonne donc à tout le monde de se précipiter sur un livre publié aux éditions Arlea. Abonnez-vous à notre chaîne YouTube, bien sûr, en cliquant sur s'abonner. Ça vous permet de recevoir les prochaines conversations et tout ça. Alors, je voudrais préciser que si vous voulez sponsoriser mes conversations, vous pouvez écrire sur conversation-chez-la-pérouse-at-gmail.com. Voilà, pluriel, conversation au pluriel. Là, vous pouvez nous donner de l'argent pour payer mon hôtel, mes déplacements à Paris, le champagne de Fabrice Guégnot. Voilà, tout ça, c'est important. Et puis n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.

Description

"Un livre" de Fabrice Gaignault est l'occasion d'un dialogue à bâtons rompus sur sa bibliographie proteiforme : comment peut-on publier en même temps sur Bardot et Primo Levi, comment on passe des pensionnats catholiques aux égeries sixties et de la Manson Family à Auschwitz ? "Un livre" est son Rosebud.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonsoir tout le monde, je suis extrêmement heureux de recevoir Fabrice Guégnot ce soir qui tenait en cette rentrée à publier un livre. Alors, vous connaissez depuis longtemps comme critique littéraire à elle, à Marie-Claire, aujourd'hui vous êtes à Transfuge. Mais moi ce livre, je l'aurais peut-être intitulé un chef-d'oeuvre. Je considère que c'est un des plus beaux livres que j'ai lu cette année. Vous m'avez vraiment épaté, Fabrice. C'est un livre bouleversant, très surprenant, venant de vous surtout, parce que vous aviez une réputation de dandy, d'involte, et là vous abordez un sujet extrêmement grave. C'est vraiment l'histoire d'un livre.

  • Speaker #1

    C'est absolument l'histoire d'un livre, puisque... Il s'agit, au centre de cette histoire, il s'agit de l'histoire de Primo Levi, qui est en photo jeune, avant Auschwitz, qui, à l'infirmerie d'Auschwitz, où il était hospitalisé parce qu'il avait la scarlatine, ne savait pas s'il allait être exécuté ou pas lorsque les SS ont décidé d'évacuer Auschwitz à l'arrivée des... Des troupes russes qui étaient assez proches de Schwyz, donc ils ont décidé d'évacuer tous les survivants qui étaient en état de marcher. Quant à ceux qui étaient à l'infirmerie, qui étaient très malades, etc., le doute planait. On ne savait pas si, parmi eux, ils ne savaient pas ce qui allait se passer. Le bruit courait que les SS ne laisseraient pas de survivants, comme ils faisaient toujours. il se trouve que Un médecin grec qui allait partir dans ces fameuses marches qu'on a appelées les marches de la mort, lui a tendu un livre sur son guide hôpital. C'est même une infirmerie, ce n'était pas un livre, c'était une paillasse, quelque chose comme ça. Et c'était le livre d'un certain Roger Vercelles, qui a été très connu avant-guerre, entre les années 1920 et 1940, notamment pour avoir eu le... Pris Goncourt en 1934 pour Capitaine Conan, qui était devenu un film de Tavernier. Et ensuite, Remorque, qu'il a publié un an ou deux plus tard, et qui est devenu un film aussi très célèbre avec Jean Gabin et Michel Morgan.

  • Speaker #0

    Donc, Primo Levi a été arrêté en février 1944. Il a passé presque un an à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Et là, s'il a survécu, c'est en grande partie grâce... à ce livre, Remorque, de Roger Vercel, publié en 1935. Il s'accroche à ce livre, en fait, qui est l'histoire d'un naufrage. C'est ça qui est surprenant, c'est qu'il a été sauvé par un bouquin sur une noyade, sur un bateau qui coule au large de Brest.

  • Speaker #1

    Oui, je suis absolument persuadé que lorsqu'il a pris ce livre, qui était comme, pour lui, un cadeau du ciel, parce qu'évidemment, la littérature a été interdite, il n'y avait aucun livre, mais quand il a... commencer ce livre, notamment avec la première phrase d'Inkipit, l'ouragan cernait la chambre. Effectivement, lui, il était dans une chambre, enfin dans une salle d'infirmerie, et il y avait un...

  • Speaker #0

    Un mouroir, on peut dire. Un mouroir,

  • Speaker #1

    c'était un mouroir.

  • Speaker #0

    Tous les malades crevaient autour de lui. Voilà.

  • Speaker #1

    Donc il avait la chance de parler le français, et il s'est agrippé à ce livre comme on s'agrippe à une bouée de sauvetage ou à un radeau de survie. Et je ne peux pas dire que ce livre remorque. qui lui a sauvé la vie, mais ça lui a permis de survivre.

  • Speaker #0

    C'est lui qui le dit, parce que lui en a parlé. Il a écrit dans « Si c'est un homme » à propos de cette...

  • Speaker #1

    Il dit que c'est un livre, en tout cas, qui a eu une importance capitale dans sa vie, parce qu'effectivement, peut-être qu'il serait laissé, sans doute. Il avait de la scarlatine, il avait beaucoup de fièvre, il n'y avait plus de médicaments, évidemment. Il n'y avait plus d'eau lorsque les SS ont quitté le camp, il n'y avait rien. Enfin, c'était épouvantable. Ils mouraient tous dans... Dans sa chambrée, ils mouraient tous les uns après les autres. Et lui a résisté. Il a lu le livre lorsqu'il ne savait pas s'il allait être exécuté. En plus, ça lui a permis. Il s'est plongé dans ce livre comme un bouclier, quelque chose qui lui permettait de résister. Et il a fini à l'aube ou quelques heures après que le camp était absolument désert. Il n'y avait plus personne. Il avait ce livre. Il a tellement aimé Remorque aussi pour des raisons évidemment. symbolique, qu'il a emporté avec lui lorsqu'il est retourné en Italie quelques semaines plus tard. Il a emporté ce livre, il l'a toujours eu chez lui. Il l'a gardé.

  • Speaker #0

    Donc en gros, c'est aussi un livre sur comment la littérature peut être une bouée de sauvetage, une manière de surmonter les épreuves, les pires de l'enfer sur Terre. Et vous parlez assez bien d'ailleurs de Euh... de la lecture vous-même. Je vais vous demander de lire un passage parce qu'à la fin de cette émission, souvent je dis, enfin même presque tout le temps, je dis lisez des livres, sinon vous allez mourir idiot. Mais vous dites la même chose un peu mieux que moi. Là, c'est là où j'ai entouré.

  • Speaker #1

    Je ne connais rien de plus actif et de plus stimulant que la lecture. J'ai cherché pourtant. Je n'ai pas trouvé d'équivalent. L'image, animée ou non, se vit passivement. La littérature vous installe au milieu de la scène, dans la pensée d'un autre où tout se joue, à vous d'en être le metteur en scène, le chef d'orchestre, à vous d'imaginer à votre manière les mille subtilités d'interprétation possibles. Les mots formés de caractères étranges, si on les fixe cinq secondes, sont à bien y réfléchir plus mystérieux et chargés de jouissance que tous les algorithmes réunis pour nous envoyer sur Mars. Un voyage spatial a beau être un exploit technique, que pèse-t-il face à cette évidence ? L'univers tout entier et sa complexité infinie se cachent dans certains chefs-d'oeuvre de la littérature. Celle-ci est l'univers.

  • Speaker #0

    La littérature c'est l'univers. C'est important de le dire aux jeunes qui nous regardent peut-être un peu partout sur les plateformes. Là, Fabrice Guégnon, il a écrit un livre très court. Il y a combien de pages ?

  • Speaker #1

    90 à peu près, je ne sais pas. Oui,

  • Speaker #0

    83. Ne vous vantez pas. C'est extrêmement court, c'est facile à lire, c'est ultra sensible et alors il y a un coup de théâtre. final, une révélation à la fin du livre, qu'on ne va pas spoiler ici, qui rend le livre, qui renverse complètement la perspective de ce livre. Tout est vrai, évidemment. C'est probablement moi la chute la plus étonnante que j'ai lue depuis Inconnu à cette adresse de Cressman Taylor, vous savez, ce livre de 1938. Alors, on ne spoil pas, mais c'est vraiment admirable. Qu'est-ce qu'on peut en dire sans spoiler ?

  • Speaker #1

    Que tout être humain a ses zones d'ombre, peut-être on peut dire ça, est parfois à la fois cruel et injustifiable.

  • Speaker #0

    Mais on peut aussi dire que la littérature est pleine de surprises. Oui,

  • Speaker #1

    la littérature est pleine de surprises, ça serait mieux.

  • Speaker #0

    Ou bien que peut-être même le mal peut faire le bien. C'est très tordu quand même.

  • Speaker #1

    On peut le dire sans spoiler.

  • Speaker #0

    Je ne spoile pas.

  • Speaker #1

    Effectivement, il y a quelque chose de...

  • Speaker #0

    Il est un peu emmerdé parce qu'il ne peut pas raconter la fin.

  • Speaker #1

    Non, je ne peux pas raconter la fin.

  • Speaker #0

    C'est vrai que c'est très étonnant.

  • Speaker #1

    Je ne l'ai pas écrit pour la fin. Je ne l'ai pas du tout écrit pour la fin.

  • Speaker #0

    Non, mais il y a cette surprise qui fait qu'on referme le livre en se disant, mon Dieu, mais l'univers est ironique. C'est peut-être ça, s'il y a une morale. Il n'y en a pas de morale, puisqu'à Auschwitz, la morale n'existait pas. Mais disons que, voilà, en enfer... Quelquefois, un poison en enfer peut vous sauver. Les choses s'inversent en enfer.

  • Speaker #1

    Oui, peut-être. Je ne dis rien.

  • Speaker #0

    Dites si vous voulez dire quelque chose, bien sûr.

  • Speaker #1

    Ce que j'aime dans ce dernier chapitre, c'est de montrer, sans prendre partie, la complexité de l'homme et de la création. se cache derrière la création. En fait, c'est dans une époque où on simplifie tout, où on aime le bien, le mal, etc. Il y a parfois des révélations étonnantes qui font que, effectivement, comme vous l'avez très bien dit, il y a un changement radical de perspective à la fin du livre. Il y a quelque chose qui se passe, mais effectivement, il faut en parler. Non,

  • Speaker #0

    on n'en parle pas, parce que ça gâcherait vraiment le plaisir de lecture. Un livre, donc, un livre est très différent ... de tout ce que vous avez fait auparavant. Et pourtant, il y a une certaine cohérence dans vos choix. Pourquoi ? Parce qu'au fond, vous êtes toujours intéressé à des destins brisés. Je pense à Claudine Longet dans Aspen Terminus en 2010, Bobby Beausoleil en 2017, Vince Taylor en 2014. Vous aimez les personnes, les anges déchus.

  • Speaker #1

    Toujours une prédilection pour ces personnages, effectivement, qui étaient sur une trajectoire ascendante, à la fois la célébrité, le brio, la gloire, etc. Et qui chutent, tels des anges qui chutent, effectivement. Et je pense que ça vient, c'est très psychanalytique ce que je vais dire, mais à la fois assez simple. bien sûr parce que je me connais, que ça vient peut-être en partie de ma mère, que j'aimais beaucoup, et qui est morte assez jeune, et qui était une peintre très douée, et qui a choisi la voie sombre un peu du tragique.

  • Speaker #0

    Oui, et puis aussi, je vois un point commun avec Patrick Modiano, c'est que Modiano a beaucoup écrit sur les années 60, comme vous, et en réalité, en parlant des années 60, il parle de l'après-guerre. Et puis... Il a également beaucoup écrit sur les années 40. Et au fond, vous, vous restiez dans l'après-guerre. Et avec ce livre-là, vous allez à la source du problème. La Shoah, l'extermination, la tragédie du XXe siècle.

  • Speaker #1

    Oui, effectivement. C'est un livre, si c'est un homme, c'est un livre qui m'a, je trouve que, bouleversé, le mot trop faible. C'est un livre capital que tout le monde devrait lire. C'est un homme de Primo Levi,

  • Speaker #0

    qui raconte avec une sorte de mémoire d'Auschwitz.

  • Speaker #1

    Effectivement. Et j'avais, je fais une petite digression, mais c'est important, j'avais toujours dans un coin de ma tête, j'avais noté les deux, trois phrases, il n'y en a pas plus, où il parle de ce livre, Remorque de Roger Vercel, et comment ce livre lui a permis de tenir et de survivre. Je m'étais dit, moi qui aime tellement la littérature depuis que je suis enfant, pour plein de raisons, parfois un peu douloureuses, mais rien par rapport à Primo Levi, naturellement. Mais je me suis dit, un jour, j'écrirai un livre, j'écrirai quelque chose là-dessus. Et j'avais écrit quelques feuillets, des notes, etc. Mais c'est toujours resté dans ma tête, ça fait des années que j'ai cette idée. Et que j'ai écrit l'été dernier, en fait. Je me suis mis et je me suis dit qu'il faut que ça sorte parce que c'est... très important sur le besoin que j'ai eu de me plonger dans les livres tout jeune, parce que j'étais en pension, etc.

  • Speaker #0

    Vous dites que le texte que vous lisez possède aussi son secret douloureux, quoique cette souffrance soit à des années-lumières de celle endurée par Primo Levi, Charlotte Delbault, Jacques Lucéran et tant d'autres, des millions d'autres. Il faudrait inventer un autre mot qui nuance l'horreur, une souffrance douce. Vous, vous avez écrit un livre où il y avait ce mot. La vie la plus douce en 2022, qui était une autobiographie. Vous racontiez votre enfance au pensionnat de Saint-Louis, à Montfort-la-Maurie. Dès l'âge de 6 ans, vos parents vous ont mis dans ce pensionnat, et qui était très violent, qui était une sorte de bêtarame aussi. Où les élèves étaient frappés, tabassés.

  • Speaker #1

    Quand j'ai vu cette histoire, quand est sortie l'histoire de bêtarame, ça m'a évidemment tout de suite fait penser à Saint-Louis, qui était un pensionnat... religieux tenu par des laïcs, mais enfin il y avait beaucoup de prières et il y avait quand même des curés, dans lequel toute une grande partie des... enfin une grande partie, où je retrouvais beaucoup d'enfants, un peu de la bourgeoisie parisienne souvent, qui étaient mis là, et c'est quelque chose qui a été une grande souffrance pour moi ces années de pension, parce que le directeur et certains de ses adjoints, de ses sbires, étaient des... pour moi, des sadiques. C'est ce qu'on appelle des sadiques. Pour n'importe quel prétexte, c'était une jouissance de tabasser.

  • Speaker #0

    De faire mal. Oui,

  • Speaker #1

    oui. Merci, ça a été fermé.

  • Speaker #0

    Vous avez raconté, d'ailleurs, toujours dans La Vie la plus douce, que vous tabassez dans les douches.

  • Speaker #1

    Oui, une fois,

  • Speaker #0

    oui. Vous avez tenté de vous évader. Vous avez été repris et puni.

  • Speaker #1

    J'avais 12 ans, oui. Je suis parti. J'ai fait 15, 20 kilomètres jusqu'à la... La résidence secondaire de mes parents, qui n'était pas loin, qui était à côté. Donc j'ai marché, je me souviens.

  • Speaker #0

    Tout seul, à 12 ans ?

  • Speaker #1

    Oui, je ne voulais plus y retourner. Je n'ai plus y retourner et j'ai dû y retourner. Ce sont des années en même temps. Alors je me réfugiais dans la lecture. Mais une fois, ce que j'ai raconté dans La vie la plus douce, c'est que j'ai été puni justement tout un week-end. Parce que mes parents avaient une extraordinaire bibliothèque. C'était l'époque où les gens achetaient beaucoup de livres quand ils avaient les moyens. Et j'avais pris « Paris est une fête » . Mon père m'a dit « Il faut que tu lises ça, c'est extraordinaire » .

  • Speaker #0

    Des Mingouais ?

  • Speaker #1

    Oui, des Mingouais. Et j'ai été puni parce que c'était considéré comme un livre immoral et censuré, etc. Donc j'ai été puni pour ce livre. Et mes parents n'ont rien pu faire pour me récupérer ce qu'il y a de là. Non, non, c'est un livre... à bannir de toutes les bibliothèques.

  • Speaker #0

    Donc oui, c'est évidemment pas comparable avec ce qu'a vécu Primoz. Bien sûr que non. Mais c'est vrai que vous avez cette mélancolie. Oui. Et la lecture vous a aidé à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Oui, en plus, je me réfugiais dans les livres. J'étais moins adepte du sport. J'avais des frères qui étaient... Je sais, je me souviens, comme tous les gosses, on jouait au foot, tout ça. Mais moi, j'allais vite écrire des poèmes, lire. J'adorais me plonger. C'était pour moi un émerveillement. C'était une grande, grande liberté.

  • Speaker #0

    Vous avez parlé de votre mère qui est morte jeune à 54 ans. Mais dans ce livre, vous parliez aussi de la mort de votre petit frère à un an et demi du cancer. Évidemment, c'est peut-être la raison pour laquelle cette famille a été brisée, disloquée. Vos frères aînés sont devenus junkies.

  • Speaker #1

    Mon frère aîné.

  • Speaker #0

    Oui. Je dis ça parce que c'est vous qui l'avez raconté Je ne rentre pas dans votre vie privée

  • Speaker #1

    Je pense que la mort est plutôt l'agonie de mon petit frère Parce qu'à l'époque on ne soignait absolument pas les cancers Tout le monde en mourait Et surtout les enfants, ça allait très vite Mais l'agonie qui était très plus que douloureuse de mon petit frère C'était quelque chose qui a provoqué beaucoup de... Pas de tension, mais c'était compliqué entre mes parents après, même s'ils se sont aimés follement. Et surtout, ma mère, à partir de ce moment-là, même si elle a eu une fille après, ma petite sœur, a un peu lâché la rempartie. Elle vivait toujours dans le souvenir de la fin de son enfant.

  • Speaker #0

    Et bon, problème d'alcool, de valium et tout ça, et d'où une mort jeune. mais si je remue ce couteau dans votre tête, C'est pas pour le plaisir sadique de vous faire mal, c'est parce que ça permet de comprendre votre itinéraire d'écrivain. C'est-à-dire que vous étiez toujours fasciné par des personnes qui avaient vécu des choses terribles, par exemple les Égéries Sixties, Marianne Faithfull, Anita Pallenberg. Non seulement elles vous rappelaient votre mère, parce que c'est la même époque, mais aussi elles se sont autodétruites. tombé dans la drogue et tout ça.

  • Speaker #1

    Même si Marianne Fesfoul est morte relativement âgée, elle a souffert ces 15 dernières années, c'était épouvantable. Elle était très malade, elle avait beaucoup de choses. Elles ont payé toutes ces filles parfois admirables. J'aimais beaucoup Anita Pallenberg, que j'ai un peu connue. C'était dramatique. Mais c'est vrai que quand j'ai rencontré Anita, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ma mère. C'était un peu les blondes de ces années-là, vous savez, avec la frange. Très 70, quoi. Puis ce qui est bien,

  • Speaker #0

    c'est que vous avez aussi un aspect lumineux dans tout ça, parce que c'est une époque qui vous fascine. Vous racontez que votre mère était copine avec les Pink Floyd à Saint-Tropez, c'est vrai ça ?

  • Speaker #1

    Copine, c'est un grand mot, mais je me souviens très bien, d'ailleurs j'en ai parlé dans La Vie la plus douce, d'une fin d'après-midi à Pamplonne,

  • Speaker #0

    il faut expliquer aux gens qui nous écoutent,

  • Speaker #1

    la plage de Saint-Tropez, la grande plage, une fin de journée où ma mère m'avait emmené, on l'avait quitté, je crois que c'était la cabane bambou, elle me dit viens, je vais retrouver une... Une bande de copains que j'ai rencontrés, ce sont des musiciens anglais, ils sont très sympas, ils étaient dans le sable, je me souviens qu'il y en a un qui jouait du tam-tam, un peu du tabla, il y avait une guitare, des trucs. Ils avaient les cheveux très longs et moi j'avais 10-12 ans, je ne connaissais pas du tout et puis ils m'avaient dit oui, ce sont les Pink Floyd. Et alors après j'ai fait des recherches et puis ma mère m'en avait reparlé. Et j'ai vu que les Pink Floyd, effectivement, ont même donné un concert un peu privé à Saint-Tropez.

  • Speaker #0

    Ah oui, pour le mariage de Mick et Bianca Jäger.

  • Speaker #1

    Voilà, puis aussi dans un amphithéâtre. Et puis, ils ont écrit un morceau qui s'appelle Saint-Tropez.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Effectivement, qui est un super morceau. Il y a eu toute cette ambiance, effectivement, qui nous éloigne d'un livre.

  • Speaker #0

    Mais c'est la même époque. C'est-à-dire que c'est juste après... Enfin, c'est quoi dans les années... C'est 20 ans après la guerre.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Oui, mes parents avaient grandi pendant la guerre, avaient connu les privations. Et ils avaient 18 ans, 20 ans, en 50, 52, etc. Ils se sont mariés très jeunes. Et ils m'ont beaucoup parlé des privations. On ne se rend pas compte, mais il n'y avait pas de... Bien sûr. Il n'y avait pas grand-chose à manger, même si on était dans des... Parce qu'il n'y avait que des tickets de rationnement, même pour les gens qui étaient dans des cercles plus privilégiés.

  • Speaker #0

    On critique beaucoup les boomers en ce moment, mais l'explication de l'envie de plaisir et d'hédonisme et de consommation de cette génération-là, elle est dans la guerre. C'est évident. Ils ont eu une réaction à ce qu'ils avaient vécu, la peur, la faim, le froid, évidemment.

  • Speaker #1

    Pour moi, ce livre, finalement, ce n'est pas si... C'est assez logique finalement. C'est ce que je vous dis. D'accord, ok. Oui, c'est ce que je vous dis. Parce qu'on peut se dire, mais il sort un livre sur Brigitte Bardot. Oui,

  • Speaker #0

    alors le livre sur Brigitte Bardot, il est sorti il y a quelques mois. C'est pas concomitant.

  • Speaker #1

    Si, plus ou moins. Ah bon, c'est vrai ? Il y a eu la première signature à Saint-Tropez début août, oui.

  • Speaker #0

    Ah oui, donc vous êtes vraiment le seul écrivain au monde capable de sortir chez Assouline un livre de photographie de J.K. Dussard et d'écrire le texte sur Brigitte Bardot. et puis en même temps... Un livre sur Auschwitz, il faut le faire.

  • Speaker #1

    Mais il y a quand même... Oui, mais après tout, beaucoup de sujets sont intéressants. Et puis, il y a un lien entre ces deux livres. C'est Samy Frey. Samy Frey qui a été la révélation, en fond, qui était un ami de mes parents et qui a été la révélation de ce que c'était que les Juifs. Je ne savais pas trop, j'avais 10 ans. Un jour, Samy est venu à la maison et... Après, mon père nous a expliqué qu'il avait été caché pendant la guerre. J'ai dit, mais pourquoi cacher dans la guerre ? Son père ou sa mère avaient été déportés et cachés enfants. J'ai dit, mais comment cacher devant mes frères, moi ? Oui, parce qu'il était juif. Je ne connaissais pas vraiment. Et ça,

  • Speaker #0

    mes frères sont sortis avec Brigitte Bardot.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est pour ça. Je veux dire, il est dans l'avant-propos de mon livre, parce qu'il était très important, même s'il l'ignore, dans la révélation de ce qu'avait été la souffrance du peuple juif et des juifs à Auschwitz et ailleurs.

  • Speaker #0

    Alors, vous avez un lien personnel avec Brigitte Bardot. Pour ce livre, vous êtes allé la rencontrer à la Madrague, à la Garigue, dans ces deux maisons à Saint-Tropez. Et votre père était un grand ami de Mijanou Bardot. C'est la soeur aînée ? C'est la petite soeur. C'est la petite soeur de Brigitte Bardot ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est la petite soeur. Mon père a été très proche d'elle. Elle vit toujours. Il communique qu'elle vit en Californie depuis très longtemps avec l'acteur Patrick Bouchot, qui jouait dans La Collectionneuse. et... Mon père et ma mère étaient proches de Bardo. Ils passaient l'été, j'ai des photos où ils sont ensemble, etc. Moi j'ai un souvenir enfant, des souvenirs enfants très précis à la Madrague. On arrivait pour se baigner.

  • Speaker #0

    Oui, vous y allez en riva.

  • Speaker #1

    J'ai Kiki qui était un ami intime de mes parents, avec sa femme Anne, et de Bardo. C'était une borne en fait. Malheureusement, il n'y a presque plus de survivants. Il n'y a plus que mon père et deux ou trois personnes. Et Brigitte ? Et Brigitte, bien sûr.

  • Speaker #0

    Vous êtes allé la voir là-bas, vous avez bu du champagne avec elle.

  • Speaker #1

    Oui, c'était très drôle, elle m'a engueulé parce qu'elle fume clope sur clope. Et je lui ai dit, Brigitte, il faut peut-être arrêter. Elle m'a dit, t'es con, quoi. Elle m'a dit comme ça parce qu'elle aime bien marier l'argot. Elle me dit, mais t'es con ou quoi ? À mon âge, je crois que je vais arrêter de fumer, c'est mon petit bonheur. Et puis, elle a demandé tout de suite à son mari, Bernard Dormal, d'ouvrir une bouteille de champagne. Il y a un côté actif. Une actrice, un star, un star immense, un peu comme dans les films de Hollywood, qui commande du champagne à midi, à une heure. On boit du champagne pour discuter, pour commencer à parler de sa jeunesse avec mes parents et tous les souvenirs. Donc on a évoqué tous les souvenirs.

  • Speaker #0

    C'est vrai, et c'est très bien d'ailleurs. Le texte que vous avez fait est très très bien et très nostalgique et émouvant. Bardot est une fille d'industriel comme vous. Nous, on a des pères qui se ressemblent un peu. Playboy, Séducteur, Noctambule, la bande de chez Castel. Évidemment, ça contraste un peu avec le livre précédent. Non,

  • Speaker #1

    mais une des grandes qualités de mon père et de ma mère, c'est... Il lisait beaucoup, je reviens là-dessus, ça c'est important. Aujourd'hui, on pense que les playboys ou les gens qui vont chez Castel ou je ne sais pas où, ils sont simplement sur leur Instagram, etc. Mais à l'époque, ils lisaient quoi, puis ils lisaient des bons romans, ils achetaient. C'était quelque chose d'étonnant.

  • Speaker #0

    C'est la bande aussi à François de Sagan. Oui,

  • Speaker #1

    oui, c'est pareil mon père.

  • Speaker #0

    Alors, on passe au jeu de vintécitation. Je vais vous lire des phrases de vous, tirées de tous vos livres. Et vous devez me dire dans quels livres vous avez écrit ceci. J'ai traversé beaucoup de vies, certaines étaient les miennes.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est dans une vie, un livre. La vie la plus douce. La vie la plus douce.

  • Speaker #0

    2022. Et d'ailleurs, c'est une phrase d'un poète, Stanley Kunitz, que vous citez.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai.

  • Speaker #0

    Et comme vous n'avez presque écrit que des biographies, enfin des romans biographiques, des récits parlant de la vie des autres, je voulais savoir ce que vous avez préféré, c'est-à-dire écrire sur les autres ou écrire sur vous, puisque maintenant vous l'avez fait.

  • Speaker #1

    Je dirais que j'ai préféré écrire sur moi. Et d'ailleurs, j'avais mis beaucoup de mois dans La vie la plus douce, qui m'a pris des années, et j'étais un peu déçu parce que je pensais qu'il y aurait plus de réceptions, j'ai eu des très bons papiers, etc. Mais je pensais que ça reste une petite blessure, je pensais que ça marcherait mieux, même si j'étais dans des prix. En termes de vente ? Oui, mais par rapport à la réception. Non, je ne vais pas dire vente, c'est un peu vulgaire, mais je pensais que ce serait un livre qui serait plus... Il a même pas été en poche, par exemple. Ah oui, ça c'est...

  • Speaker #0

    Une autre phrase de vous. Ils étaient condamnés à mort puisqu'il ne devait y avoir de témoins.

  • Speaker #1

    Ça, c'est dans un livre. Oui,

  • Speaker #0

    c'est dans un livre, 2025. Oui, les Allemands sont partis plus vite que prévu.

  • Speaker #1

    Oui, les Russes approchaient.

  • Speaker #0

    Et du coup, ils ont oublié de tuer toute l'infirmerie. Oui, oui. C'est ça, vous croyez qu'ils ont vraiment oublié, quoi ? Oui, je pense que de toute façon, ils vont crever.

  • Speaker #1

    C'est entre les deux. Il y avait un peu une hâte quand même de rassembler les survivants. Ils se sont dit que de toute façon, ils vont crever. C'est évident. D'ailleurs, la plupart dans le cisterne, ils racontent qu'ils descendent les cadavres et qu'ils les retirent tout de suite pour ne pas qu'il y ait de risque d'infection, etc. Et qu'ils meurent pendant la nuit. plein la journée.

  • Speaker #0

    Et le médecin grec qui offre le livre dont vous parlez à Primo Levi, il lui dit, t'inquiète pas, tu me le rendras quand on se reverra.

  • Speaker #1

    Ça c'est une phrase que n'a jamais oublié Primo Levi et qu'il a haï le médecin grec pour lui avoir dit cette phrase. Parce que pour lui, il y avait une forme d'ironie, de sadisme, un peu d'ironie sadique.

  • Speaker #0

    Il plaisantait, évidemment, il pensait qu'il ne le reverrait jamais.

  • Speaker #1

    Il plaisantait, mais c'était évident que dans l'état dans lequel était Primo Levi, vieux. Lui-même, Primo Levi, ne donnait pas cher de sa peau. Ce livre est arrivé miraculeusement.

  • Speaker #0

    Autre phrase de vous, chacun se rendait bien compte que nous allions tous trop loin dans la déconnexion des réalités et que cela allait mal se terminer.

  • Speaker #1

    Alors j'hésite. Je pense que c'est Jerry Sixties.

  • Speaker #0

    C'est Bobby Beausoleil et autres anges cruels de 2017. Bobby Beausoleil, alors il faut expliquer qui c'est.

  • Speaker #1

    Alors Bobby Beausoleil était un... Un musicien, un guitariste extrêmement doué, qui a fait les chœurs dans un album de Frank Zappa, et qui a failli faire partie du groupe Love, et qui a croisé la route un jour, un soir, dans un motel. Il a croisé la route de Charles Manson. Ils ont joué ensemble de la guitare. Il lui dit « viens avec moi Orange, tu vas adorer » , etc. Il ne savait pas encore que c'était un psychopathe comme ça. Il a pris de la drogue avec lui. Et puis après, pour une histoire de... El Sanjols qui réclamait de l'argent pour une histoire de dope qui était... qui était frelaté. Lui a été chargé par Manson d'aller réclamer l'argent au dealer. Le dealer était un malheureux qui était un professeur de guitare, enfin un type très très innocent. Et il l'a torturé, il l'a tué. Donc c'était le premier membre de la bande de Manson à avoir tué quelqu'un. Et l'horrible tragédie de Charentaite s'est passée quelques jours après en fait, peu de temps après.

  • Speaker #0

    Donc Bobby Beausoleil est en prison, il est vivant. Oui, il est vivant. Il est en prison depuis 1963.

  • Speaker #1

    59, 10.

  • Speaker #0

    Ça fait 55 ans.

  • Speaker #1

    Oui, il réclame tous les 3 ans, il a le droit de réclamer sa libération. Mais ce qu'il m'avait expliqué, c'est que le gouverneur...

  • Speaker #0

    Vous l'avez contacté, vous avez correspondu avec lui.

  • Speaker #1

    Oui, je n'ai pas pu aller le voir, mais on a correspondu. Le gouverneur de Californie, qui est démocrate, ne va absolument pas le remettre en liberté parce que ça serait trop de voix apportées tout à coup aux républicains, à l'opposition. Il est un peu victime d'un jeu... C'est vrai qu'en France, les gens sortent au bout de 20 ans, 30 ans, etc.

  • Speaker #0

    Jean-Claude Romand, il a tué toute sa famille. Il est en liberté aujourd'hui. Bobby Beausoleil, ça fait 55 ans qu'il est en prison pour un meurtre. Je ne dis pas que ce soit bien de tuer les gens, mais...

  • Speaker #1

    Il y a la sœur de ce dealer qui s'oppose aussi. Qui s'oppose, parce qu'il demande dans ce cas-là. Qui s'oppose toujours à sa libération. Alors que je pense que... Une ou deux filles de la bande de Manson ont été libérées il y a 15-20 ans.

  • Speaker #0

    Autre phrase de vous, je n'ai jamais pu mettre la main sur son numéro à Hawaï, où elle vit quelques mois par an.

  • Speaker #1

    C'est Aspen Terminus, c'est Claudine Longer.

  • Speaker #0

    Aspen Terminus, 2010. Et oui, Claudine Longer, alors donc, elle vit à Hawaï, et elle, elle a tué son amant en 1976.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    c'était une histoire énorme. Et elle n'a jamais été en prison.

  • Speaker #1

    Elle a été en prison, je crois, une nuit ou deux. Mais Aspen, il faut savoir qu'Aspen était une ville, ce qu'on appelle libérale. aux Etats-Unis, c'était très démocrate. Il y avait tout Hollywood qui venait skier. Là, c'était à l'époque de la poudre et de la poudreuse, enfin les deux, comme l'avait expliqué James Holter, l'écrivain américain qui avait une maison là-bas. Elle avait été mariée à Andy Williams, qui était un crooner aussi célèbre que Sinatra, un peu oublié aujourd'hui. Elle avait un amant qui était le champion de ski américain. C'était le Jean-Claude Killy locales. Elle a découvert ses infidélités, elle l'a attendue, il revenait du ski, il y a eu une descente. Elle l'a visée avec un revolver qu'ils avaient, elle a dit « bang bang » sur tous ces extraordinaires, elle l'a visée, elle l'a appuyée. Il est mort sur le coup, foudroyé.

  • Speaker #0

    Andy Williams est arrivé de Los Angeles, a pris le meilleur avocat local. Le meilleur avocat local est tombé fou amoureux d'elle. Il lui a dit, je vais vous sortir de là. En fait,

  • Speaker #1

    ils ont réussi à expliquer que le revolver était parti tout seul.

  • Speaker #0

    Voilà, c'est ça. Donc lui, il a plaidé, il a été extraordinaire parce qu'il a plaidé. Elle risquait sa tête, la chaise électrique ou la vie. Et il a réussi. Parce qu'elle, elle dit non mais je ne voulais pas appuyer. C'est une question en fait de détails incroyables. Et ça a joué. Les jurés ont cru l'avocat. Et après, l'avocat lui a dit est-ce que vous voulez m'épouser ? Elle a dit oui. Ils se sont mariés.

  • Speaker #1

    Elle a 83 ans.

  • Speaker #0

    Elle vit avec son sauveur.

  • Speaker #1

    Voilà. Et Claudine Langer, on peut la voir dans The Party. Le chef-d'oeuvre de Blake Edwards avec Peter Sellers.

  • Speaker #0

    Elle a écrit plein. Elle a fait plein d'albums qui étaient très très bien.

  • Speaker #1

    Encore des phrases de vous. Jusqu'à ce qu'à la fin, la mer se fût refermée sur nous. Alors, est-ce que c'est de vous déjà ? Jusqu'à ce qu'à la fin, la mer se fût refermée sur nous.

  • Speaker #0

    C'est très beau, alors ça ne doit pas être de moi. C'est pas de vous.

  • Speaker #1

    C'est le vers 142 de l'Enfer de Dante.

  • Speaker #0

    Oui, c'est dans... Vous le citez dans un livre.

  • Speaker #1

    C'est le moment de la noyade d'Ulysse. Et Primo Levi se récitait cette phrase à Auschwitz. Il était obsédé par l'idée de naufrage, en fait. Oui,

  • Speaker #0

    absolument. Et c'est vrai qu'il récitait ça, notamment à Piccolo, le petit garçon qui était survivant, et il lui récitait du Dante. Et puis il ne l'avait pas oublié, comme certains déportés qui connaissaient Charlotte Delbault. Elle a appris le misanthrope par cœur. C'est incroyable, parce qu'on lui avait donné un exemplaire, elle l'a appris par cœur. Le serrant pouvait réciter du Baudelaire.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce que quand on passe de meurtre, de Clonille Longer, Bobby Beausoleil, puis l'horreur de la Shoah, vous êtes fasciné ou attiré par l'horreur. Disons que vous n'arrivez pas à écrire un livre sans beaucoup de tragédie. Et pourtant, vous avez l'air...

  • Speaker #0

    Oui, je suis très heureux.

  • Speaker #1

    C'est vrai que quand vous prenez un stylo, c'est pour plonger au cœur de l'enfer. C'est ça ? Oui,

  • Speaker #0

    oui. Oui, et puis il y avait... Je reviens toujours là-dessus. Oui, il y a ça, mais c'est quand même lié... Ça s'appelle un livre par hasard. C'est cet amour suprême que j'ai, comme vous, pour la littérature. Quelque chose qui est... Je ne sais pas, on peut...

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a des littératures feel-good,

  • Speaker #0

    qui font du bien,

  • Speaker #1

    qui ne parlent que de choses gentilles et de jolies fleurs.

  • Speaker #0

    Il se trouve que j'ai lu, évidemment, Remorque. Donc, Remorque, c'est totalement oublié. Mais c'était un très bon auteur, c'est ça qui m'a étonné. C'est de m'apercevoir, enfin étonné, je me dis, mais que serez-vous dans 40 ans ou moins ? Vous voyez ce que je veux dire ? Il est totalement oublié.

  • Speaker #1

    Roger Vercelles, personne ne le sait.

  • Speaker #0

    Alors que le livre est très très bien. Vraiment, c'est un très très bon livre. Et je me dis, tiens, il y a des pépites comme ça qui disparaissent. Heureusement, il y a des éditeurs qui ressortent après, des choses comme ça.

  • Speaker #1

    Peut-être qu'après la sortie de votre livre, Arléa va rééditer. Ou Albin Michel.

  • Speaker #0

    C'est chez Albin, d'accord. Oui, c'est chez Albin.

  • Speaker #1

    Encore une phrase. Dans la vie, il faut tout connaître pour ne jamais rien regretter.

  • Speaker #0

    Ça, c'est de moi.

  • Speaker #1

    C'est Brigitte Bardot qui vous dit ça. Ah c'est Brigitte Bardot ! Elle vous dit ça, oui.

  • Speaker #0

    Je pensais que ça pourrait correspondre pas mal à...

  • Speaker #1

    Oui, il faut tout connaître pour ne rien regretter. En tout cas, vous acquiescez.

  • Speaker #0

    Oui, oui, j'aime.

  • Speaker #1

    Et il y a une autre phrase aussi de Bardot dans le livre, elle vous dit, « Je ne peux faire l'amour que si je suis amoureuse, mais je tombe amoureuse tous les jours. »

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est tout à fait Bardot. C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui a aimé, mais d'une façon très naturelle. Comme elle aimerait la nature, les arbres, elle a aimé follement les hommes, elle était folle des hommes. Le problème, elle me disait, moi chaque fois que je tournais un film, je tombais amoureuse du beau garçon qui avait le rôle principal. Ça s'est passé comme ça, Trintignant après, puis Samy Frère, à chaque fois Jacques Chari a été quitté. C'était une... Quand il y a elle, elle ne pouvait pas s'empêcher, elle avait envie de nouvelles aventures.

  • Speaker #1

    On passe au questionnaire de Bec BD, c'est moi qui ai écrit les questions et là... Vous répondez rapidement. Il y a une vingtaine de questions. Donc je commence tout de suite. Vous êtes prêt ?

  • Speaker #0

    Je suis prêt, absolument prêt.

  • Speaker #1

    Pourquoi un jeune devrait-il lire votre livre au lieu de scroller sur TikTok ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il devrait être un peu plus toqué de livres et un peu moins toqué de tics.

  • Speaker #1

    Que savez-vous faire que ne sait pas faire Tchad GPT ?

  • Speaker #0

    Alors dans certains de mes livres, je ne pense pas que Chad GPT soit prêt de reproduire ce que j'ai écrit dans certains, dans Egeri Sixties, dans Bobby Beausoleil, dans Vince Taylor, etc. Donc c'était un peu débauche, drogue et rock'n'roll et plus que ça.

  • Speaker #1

    L'IA n'a pas le droit de parler de ces sujets, ni sexe ni drogue.

  • Speaker #0

    Donc je suis à l'abri là, je pense que je suis au-dessus, je n'ai pas de concurrence là.

  • Speaker #1

    Ça reste réservé aux humains pour l'instant. Oui,

  • Speaker #0

    pour l'instant.

  • Speaker #1

    Vous n'avez jamais eu... peur en l'écrivant que votre livre ne serve à rien.

  • Speaker #0

    Ce livre, un livre, ce livre, un livre. Ah non, justement, peut-être les autres, sans doute. Non, je me suis jamais vraiment posé la question. Il y avait toujours une question d'urgence, mais en même temps, c'est un peu fade de le dire, parce que c'est une urgence pour moi, mais sans doute pas du tout pour les lecteurs et les lectrices, enfin pour la plupart, sauf ceux qui me lisent. Mais celui-là, si, il y avait une urgence quand même. Ça, pour moi, c'est le livre qui sert à quelque chose. Il est viscéral et qui peut trouver justement un écho auprès de gens qui lisent plus tellement, etc. et auprès des jeunes.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Pensez-vous qu'un écrivain doit être gentil ? Je suis sûr que non.

  • Speaker #0

    Non, mais je suis assez partagé sur la notion de gentillesse parce que, est-ce que Primo Levi était toujours gentil ? Peut-être qu'il n'était pas tout ça, ça n'a rien à... Je pense qu'on a tous au fond de... De nous-mêmes, c'est d'ailleurs ce que j'ai montré dans plusieurs livres, un côté où on n'est pas forcément toujours gentil. Un écrivain, ah non, un écrivain ou un ouin qui écrit des choses un peu niaises, non pas du tout. J'aime bien savoir que chacun porte en soi quelque chose de pas gentil.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait d'être un écrivain ? La solitude, la pauvreté ou la folie ?

  • Speaker #0

    La solitude. Parce que la pauvreté, je ne suis pas pauvre, puisque je suis journaliste aussi, je vis comme journaliste, en tant que journaliste.

  • Speaker #1

    Les journalistes sont de moins en moins bien payés.

  • Speaker #0

    Oui, non, mais je... Je ne suis pas sûr que les piges de Transfuge...

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #0

    je... Et aussi, enfin, Transfuge, pardonnez-moi, je gagne quand même ma vie avec eux. Disons que je ne suis pas dans l'extrême pauvreté, je ne suis pas au RSA, donc... Et la folie, non, moi je dirais la solitude, c'est-à-dire que je suis quelqu'un de... On me présente toujours comme très mondain. Je ne sais pas si je le suis, mais en tout cas, je suis quelqu'un de sociable qui suit beaucoup de sorties et qui sort beaucoup. Oui,

  • Speaker #1

    mais ça ne veut pas dire qu'on n'est pas seul dans ses soirées.

  • Speaker #0

    Voilà, d'une part. Et d'ailleurs, oui, effectivement, j'ai des grands moments où j'aime bien être seul. En revanche, la journée, même le soir, il m'arrive d'être seul. Parce que finalement, oui, on peut avoir la femme la plus... étrape. la plus admirable, des enfants extraordinaires, des amis fabuleux. Mais au fond de soi-même, on est seul. Les gens ne l'avouent pas, mais on est très seul. Et qu'est-ce qui reste ? Je me suis souvent posé la question, j'ai la réponse. On se retrouve face aux livres. En fait, la littérature, plus que le cinéma, on va voir un film, ça distrait, ça dure deux heures, même si c'est un chef-d'oeuvre, ou écouter, aller à un concert, etc. Mais le livre, on est... On est plongé dedans, par exemple, la nuit. Moi, ça m'arrive de lire un livre le soir, très tard. Et je me dis que c'est une façon aussi de... Parce qu'au fond de moi-même, j'ai quand même... Je ne sais pas si c'est pour tout le monde... Je repousse l'échéance de la mort. Il y a quelque chose lié à la mort, quand même, dans tous mes livres. Dans mon fait de vivre aussi, de survivre. Et je trouve que la littérature, c'est le seul médium, moi, qui m'emmène dans une sorte d'éternité. C'est-à-dire qu'il y a toutes les...

  • Speaker #1

    Oui, on peut lire d'ailleurs des gens qui sont morts depuis 2001. Voilà. Et on entend leur voix. Avez-vous déjà écrit en état d'ivresse ?

  • Speaker #0

    Jamais, je ne pense pas. Ah bon ? Non, je ne devrais pas le dire, mais des papiers. Ah oui,

  • Speaker #1

    les articles de journaux.

  • Speaker #0

    Des articles que je respecte, j'en avais fait, j'espère. Oui,

  • Speaker #1

    l'ivresse donne une fluidité pour écrire un papier.

  • Speaker #0

    Non, pas d'ivresse, mais ça m'arrive d'avoir un bon verre de vin à côté de moi quand j'écris. Oui, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Que pensez-vous de la critique littéraire ? Est-ce un mal nécessaire ou juste une perte de temps ?

  • Speaker #0

    Je suis mal placé pour y répondre parce que j'ai longtemps été critique littéraire à elle et à Marie-Claire et je continue à écrire pour lire le magazine littéraire, faire des critiques. Oui,

  • Speaker #1

    je précise que Fabrice Guignot m'a embauché à elle et à l'époque j'étais chroniqueur mondain. Et donc, si jamais je fais beaucoup de peine à beaucoup d'auteurs en écrivant des méchancetés sur eux, c'est la faute de cet homme-là qui m'a embauché il y a...

  • Speaker #0

    Ils vont se venger, évidemment, en massacrant.

  • Speaker #1

    Il y a une quarantaine d'années.

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Déjà, oui. Et le patron de Hell s'appelait Jean-Dominique Boby. Et vous me l'aviez présenté. C'était peu avant son accident.

  • Speaker #0

    Il a écrit d'une paupière un livre extraordinaire.

  • Speaker #1

    Le scaphandre et le papillon.

  • Speaker #0

    Extraordinaire, la vie de...

  • Speaker #1

    Bon bref, assez parlé de nous, fantasmez-vous sur J.D. Salinger qui n'a jamais donné d'interview de sa vie ?

  • Speaker #0

    Là aussi je suis très mal placé pour le dire parce que j'ai réalisé quantité, je ne sais pas, 1000, 2000 interviews de célébrités ou d'écrivains. Donc j'ai fait beaucoup, beaucoup, beaucoup d'interviews. Non, non, ce n'est pas un mal, je suis ravi. Moi, je suis ravi de répondre aux questions.

  • Speaker #1

    Oui, vous aimez bien aller à la madrague, rencontrer Brigitte Bardot, allonger sur son lit et boire du champagne.

  • Speaker #0

    Cela dit, j'aime de moins en moins interviewer des célébrités parce que maintenant, ça a changé. Il faut que les gens qui nous regardent sachent l'envers du décor. Je ne parle pas des artistes ou des écrivains, mais les célébrités, ça n'a plus rien à voir avec il y a dix ans. Maintenant, on vous demande des questions en avance, on vous règle des questions. C'est devenu un enfer. Il n'y a plus de vraies rencontres. Non, non, non. Puis les marques contrôlent ça.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est intéressant, les marques. Parce qu'il faut le dire, presque toutes les célébrités ont des contrats avec des marques de luxe. Et donc, n'ont plus une liberté de parole, en fait.

  • Speaker #0

    Pas vraiment. On sent qu'elles pourraient... J'aimais beaucoup, il y a 20 ans encore, je pouvais aller très loin dans les interviews. Mais maintenant, on sent. Et puis, il y a toujours des personnes de ces marques qui sont à côté. Ah oui. qui vous marquent à la culotte, et qui sont là, et qui contrôlent tout. J'ai déjà surpris, moi, des gestes, des regards en disant...

  • Speaker #1

    C'est quoi votre souvenir de quelque chose que vous avez fait dire à une star ?

  • Speaker #0

    C'était avec Sharon Stone, je me souviens que Tina Kieffer, qui dirigeait Marie-Claire, m'avait dit, tu lui poses la question, elle a embrassé une fille aux Oscars, ou je ne sais plus à quel truc, elle a roulé une pelle. demande lui si elle aime aussi les femmes. On a le bon soldat, je lui demande la question. Et on était entouré de plein, il y avait la garde du corps, il y avait plein de gens. C'était épouvantable pour moi parce que c'était en anglais. Et il y avait vraiment une dizaine de personnes. Et j'ai entendu tout à coup, next question ! C'était le type derrière qui m'a fait trembler. Et elle m'a regardé, elle m'a dit, vous devriez le savoir. En anglais, elle m'a dit qu'il y a des questions qu'on ne pose pas.

  • Speaker #1

    Oh la vache !

  • Speaker #0

    Après, on s'est réconciliés. Oui, je me souviendrai toujours de cette épisode.

  • Speaker #1

    Un roman doit-il réparer le monde ? C'est quelque chose qu'on entend beaucoup.

  • Speaker #0

    Je trouve qu'aujourd'hui, il y a beaucoup toujours de romans qui sont dans cette veine. Non, je n'aime pas. Je déteste le roman social, par exemple. Je conçois que des gens aiment ça, mais j'ai besoin de lire un roman qui m'emmène beaucoup plus loin. Un niveau plutôt universel.

  • Speaker #1

    En vous lisant, puisque vous vous plongez dans le mal, au fond, décrire le mal, c'est une manière de peut-être ouvrir les yeux des gens et donc réparer le monde indirectement.

  • Speaker #0

    Oui, j'espère que ce livre pourra réparer l'envie de lire en tout cas, l'envie de lire, de la lecture. Et puis évidemment, connaître pour ceux qui n'ont pas connu l'enfer. L'enfer sur terre qu'a vécu Primo Levi.

  • Speaker #1

    Quel est votre chef-d'oeuvre ?

  • Speaker #0

    J'en ai aucun. Celui qui... Moi, je pense que c'est celui-là. C'est prétentieux pour moi de le dire. Je ne sais pas. C'est vrai que quand j'ai terminé ce livre, je me suis dit qu'il y a un truc. Je ne sais pas comment expliquer.

  • Speaker #1

    Je vais vous le dire, c'est la densité. C'est que ces 80 pages, elle pourrait en faire 500. Mais je ne voulais pas. Vous avez fait comme un grand chef qui réduit, réduit, réduit, et on est au cœur de...

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Chaque mot est nécessaire.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, j'ai mondé, j'ai élagué, j'ai fait des petits paragraphes, je voulais que ce soit lisible un peu comme ça. Presque un poème en prose, il y avait quelque chose de ça. Et quand je l'ai envoyé à Anne Bourguignon, qui allait devenir mon éditrice, on n'avait jamais travaillé ensemble, ça m'a fait plaisir parce qu'elle m'a tout de suite répondu, elle l'a lu, on met une heure à lire, ou une heure et demie, je ne sais pas, une heure. Et elle m'a tout de suite appelé ou envoyé un mail, je ne sais plus vraiment, mais enfin en me disant qu'elle souhaitait le publier. C'était pour moi un truc extraordinaire cette réaction parce que j'avais l'impression qu'il se passait quelque chose au fond de moi-même et avec ce livre.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Qui est le meilleur écrivain français vivant ?

  • Speaker #0

    Ceux que je ne connais pas. Et qui viendront plus tard, je ne sais pas.

  • Speaker #1

    La phrase de vous dont vous êtes le plus fier ?

  • Speaker #0

    Ah oui, il y en a une, c'est dans La vie la plus douce, c'est Linky Pete « Le jour est un mauvais moment à passer » , se disait Adrien. Parce qu'Adrien, qui est mon double, n'aimait que la nuit, vivre la nuit. J'aime beaucoup cette phrase. « Le jour n'est qu'un mauvais moment à passer » .

  • Speaker #1

    C'est bien. Avez-vous menti durant cette conversation ?

  • Speaker #0

    Pas du tout. Alors, à mon insu, peut-être. On ment tous un peu, mais je ne crois pas, non.

  • Speaker #1

    Et puis enfin, la question Faranet 451 de notre monteur Pierre-Henri. Si les livres étaient interdits...

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Quel livre seriez-vous prêt à apprendre par cœur pour le garder, le sauver ?

  • Speaker #0

    Sans aucun problème, de loin, « Les fleurs du mal » de Baudelaire. Je n'apprendrai pas un roman par cœur, je vénère, mais j'apprendrai des poèmes. Et puis pour moi, l'insurpassable, c'est pas Rimbaud ou d'autres, c'est Baudelaire. C'est du sublime à l'état stratosphérique.

  • Speaker #1

    Je suis d'accord. Et en plus, « Les fleurs du mal » , c'est tellement riche qu'on ne peut jamais s'ennuyer.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'il aborde tous les thèmes en plus.

  • Speaker #1

    Et puis, ça vous plaît, mais est-ce qu'il y a du sexe, de la drogue,

  • Speaker #0

    du vin ? Pourquoi vous parlez de la drogue ?

  • Speaker #1

    Bon, merci beaucoup Fabrice Guégnot d'être venu dans cette séance de torture.

  • Speaker #0

    C'était une torture bien douce et bien agréable.

  • Speaker #1

    J'ordonne donc à tout le monde de se précipiter sur un livre publié aux éditions Arlea. Abonnez-vous à notre chaîne YouTube, bien sûr, en cliquant sur s'abonner. Ça vous permet de recevoir les prochaines conversations et tout ça. Alors, je voudrais préciser que si vous voulez sponsoriser mes conversations, vous pouvez écrire sur conversation-chez-la-pérouse-at-gmail.com. Voilà, pluriel, conversation au pluriel. Là, vous pouvez nous donner de l'argent pour payer mon hôtel, mes déplacements à Paris, le champagne de Fabrice Guégnot. Voilà, tout ça, c'est important. Et puis n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.

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