- Speaker #0
Bonsoir, bienvenue chez La Pérouse pour une nouvelle conversation avec cette semaine l'un des plus grands créatifs publicitaires internationaux,
- Speaker #1
Rémi Babinet,
- Speaker #0
qui publie une somme sur son métier intitulée
- Speaker #1
« Pas de publicité, merci »
- Speaker #0
aux éditions
- Speaker #1
JBE Books.
- Speaker #0
Vous avez été parfaitement obéissant et vous en remercie. J'ai peur que le reste de l'émission ne soit pas comme ça. Alors, comme le titre de votre livre est « Pape, publicité, merci » , et bien exceptionnellement, il n'y a pas de publicité dans cette émission. Normalement, on commence par… par une publicité pour un livre, eh bien, il n'y en a pas cette semaine. Par respect pour vous, Rémi Babinet. J'espère que vous êtes touché par...
- Speaker #1
Merci beaucoup, mais j'en profiterai bien pour faire une petite pub pour l'éditeur, qui est un petit éditeur.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
qui n'est pas très connu, mais qui est un excellent éditeur, un aventurier qui a édité des choses de l'ordre de la performance, presque, un livre sur Google, où il a pris tous les mots du dictionnaire anglais, et il a sorti la première image qui vient sur Google, par exemple, et il l'a fait il y a dix ans, et il l'a refait dix ans après. C'est un éditeur très expérimental et très...
- Speaker #0
JBE Books.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Donc vous êtes Rémi Babinelle, le fondateur de BETC et on va passer une heure à discuter ensemble, donc une conversation entre le meilleur publicitaire du monde et le pire, je le disais. Moi j'ai été licencié en l'an 2000 pour avoir écrit cette phrase, c'est moi qui décide aujourd'hui ce que vous allez vouloir demain. Est-ce que, à l'époque vous pensez que cette phrase... Elle méritait... Vous étiez d'accord ou pas avec cette phrase ? C'est moi qui décide aujourd'hui ce que vous allez vouloir demain.
- Speaker #1
Déjà, je vais dire très simplement 99 francs, j'ai adoré. Je le dis simplement, on peut être dans la pub et adorer 99 francs. Et cette phrase, elle n'est pas fausse. Et donc, même si le bouquin est très caricatural sur la pub, elle n'est pas fausse, puisqu'on est là pour... disons, faire percevoir les choses un peu autrement et donc faire que les gens les désirent alors qu'ils n'en ont pas forcément besoin.
- Speaker #0
Oui, alors donc, c'est ça qui est intéressant dans votre livre et qui m'a donné envie de dialoguer avec vous, c'est que vous n'avez pas choisi un titre élogieux, pas de publicité, merci, c'est les autocollants qu'on met sur les boîtes aux lettres pour ne pas avoir de prospectus qui envahissent. Vous voyez, donc, quand vous avez choisi ce titre, c'est aussi parce que vous aussi, vous vous posez des questions sur votre métier.
- Speaker #1
En fait, c'est assez simple. Moi, la pub me saoule la plupart du temps. Enfin, si je peux être lapidaire sur le sujet. Mais... et donc... C'est pas pour ça que ça m'intéresse pas de faire de la pub, sinon je serais parti aussi vite que vous. Mais je suis très lent, donc je suis encore là. Mais c'est vrai que... Moi j'étais rédacteur-concepteur, je crois que vous faites le métier aussi. Et donc j'ai fait plein de titres pour ce livre avant de choisir celui-là. Et puis un jour, bah voilà, je ramasse mon courrier, puis je vois toutes ces étiquettes sur les boîtes aux lettres. Et je me dis... On va partir du problème et après on va essayer de s'expliquer et de raconter un peu tout ce qu'on fait. Et du coup c'est devenu pas de publicité.
- Speaker #0
Mais c'est vrai que la mauvaise pub est infiniment plus envahissante que la bonne. Et en fait le problème c'est que la bonne on la voit presque pas. Et le devoir d'un publicitaire c'est d'essayer quand même d'être vu au milieu de ce maelstrom et de ce magma.
- Speaker #1
Alors ce qui me rassure mais j'ai peut-être... de tort et puis je presse trop pour ma paroisse, mais c'est que j'ai l'impression que la mauvaise littérature ou la mauvaise architecture, etc., elle prend toujours plus de place que la bonne. Et donc nous, on est un peu emmerdant parce qu'on essaye de... On est intrusif, on est là... On veut se faire remarquer un peu plus que la littérature. Encore que l'architecture, ça reste très longtemps et c'est un peu gênant. Mais en fait, on est tous soumis dans n'importe quelle discipline à cette disproportion entre le mauvais et le bon.
- Speaker #0
Oui, c'est juste. Et puis d'ailleurs, les écrivains que je reçois chaque semaine, eux aussi font la pub d'eux-mêmes. Ils essayent, enfin malheureusement, le système les contraint. à essayer d'être lu et d'être aimé pour survivre.
- Speaker #1
Tout à fait. D'ailleurs, c'est marrant parce qu'à un moment, moi, j'avais fait de la pub pour une librairie il y a très longtemps. Et j'ai regardé un peu ce qui se faisait dans l'édition. Il y a quelques pages dans le livre là-dessus. Et je dis, et ça me frappe toujours, que les éditeurs sont les plus mauvais publics. C'est vraiment... Le truc le plus ringard qui se... Oui, oui. C'est toujours dans le monde.
- Speaker #0
Un livre bouleversant.
- Speaker #1
Ce livre a changé ma vie. Oui,
- Speaker #0
lisez ce livre, sinon...
- Speaker #1
Parce qu'il est pincellant. Enfin, le truc basique.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Et c'est... Et ça, ça me chagrine parce que c'est un secteur que je trouve à part. Moi, j'adore les livres. Je trouve que c'est une marchandise magique encore. Mais par contre, c'est vraiment la plus mauvaise pub qui est attachée à ce secteur.
- Speaker #0
Oui, alors cela dit, c'est intéressant parce que vous travaillez dans l'univers de la communication, sur tous les supports, affiches, films, télévision, cinéma, Internet, bien sûr. Et pourtant, quand vous avez envie de faire un bilan, quand vous avez envie de vous interroger sur ce métier, qu'est-ce que vous faites ? Un livre.
- Speaker #1
Oui. Alors ça, je n'ai jamais pu imaginer autre chose. Mais simplement, c'est ce que je disais à l'instant, c'est quelque chose qui est stable dans le temps, bien que ça s'use aussi. Mais c'est quelque chose de physique. Oui,
- Speaker #0
plus de 1200 pages. Oh là là ! Oui, c'est un hommage, c'est incroyable, c'est un hommage d'un des plus grands publicitaires mondiaux à ce vieux truc en papier, avec un signet, et puis avec du papier très fin, et beaucoup, beaucoup d'images aussi, parce que vous avez voulu faire une sorte de panorama de ce que vous aimiez, ce qu'a produit la pub depuis qu'elle existe.
- Speaker #1
Mais c'est vrai qu'il a pris la forme d'un... Vrai livre et j'avais vraiment envie de ça parce que souvent quand on parle de la pub on se dit tiens il y a des images et tout. Il y a assez empli de grands coffee table book, le milieu publicitaire c'est un peu comme la mode ou même l'art. Et moi, j'avais envie vraiment d'un livre écrit, dans lequel je piquais des images et tout. Et donc, voilà, c'est pour ça qu'il a cette forme.
- Speaker #0
Mais d'ailleurs, quand j'avais modestement fait le mien, j'avais aussi pris la forme d'un objet publicitaire avec le prix dessus et tout ça, pour justement jouer avec comment vous le faites.
- Speaker #1
Avec mon petit train aussi. Oui,
- Speaker #0
oui, qu'on a trouvé ensemble avec Gabriel Baudouin.
- Speaker #1
Bien sûr,
- Speaker #0
un de vos confrères. Mais alors, ce qui m'a plu dans votre livre, c'est que vous dites jeu. Et que vous vous exposez, en fait, intimement. C'est pas un plaidoyer comme il y en a eu, je suis le meilleur, je suis le plus fort, et tout ça, pas du tout. Vous dites vos angoisses, vous dites votre incompréhension du monde actuel d'une certaine manière. Vous dites aussi votre culpabilité, parfois. Et on va en parler. Mais je voulais vous faire lire un extrait qui me semble un des passages les plus littéraires Du livre, c'est cet extrait nostalgique, ce passage nostalgique où, eh bien, là, vous m'avez surpris parce que vous parlez de votre enfance marquée par la pub. Alors, on vous écoute.
- Speaker #1
En fait, c'est un passage qui intervient après que j'entende un avion passer le mur du son. Il y a très peu de temps. Et du coup, ça m'a projeté vraiment 50 ans en arrière parce que ça n'existe plus, le mur du son. Et du coup, je me suis souvenu de...
- Speaker #0
C'est Proustien !
- Speaker #1
C'est Proustien, c'est la Madeleine, mais qui fait boum ! Le souvenir que j'ai de la publicité d'alors, c'est surtout celui de la vie qui va avec. L'odeur du goudron qui fume, le poids du rouleau compresseur, le lent déclenchement de la sirène du jeudi. Jean-Claude Killy descend des pentes en noir et blanc, il neige sur les écrans, Avoriaz est en bois, les trains sont en fer, sentent le fer, les métros font des bruits de train, pas d'aspirateur, des appareils grésillent, les avions franchissent le mur du son. La Caravelle Air France a deux réacteurs plaqués sur le fuselage arrière. Les matelas pneumatiques Fina sont tordus par la vitesse sur le toit des voitures. Le ciel est bleu azur. L'usine du chocolat Poulain fume et parfume toutes nos vacances. Les Schwimmgum sont verts Hollywood, vendus en paquets de 11 tablettes. Personne ne doute que c'est le Schwimmgum qui a débarqué dans la bouche des soldats américains en 1945. Ouais. Alors,
- Speaker #0
le débarquement, c'est 44. Mais c'est pas grave. Ouais,
- Speaker #1
c'est vrai. Je vais le corriger dans la troisième édition.
- Speaker #0
Non, mais c'est beau d'entendre cette nostalgie. Et d'ailleurs, j'avais oublié les Hollywood chewing-gum. C'est-à-dire qu'ils existent toujours, mais maintenant, c'est des dragées. Il n'y a plus le long chewing-gum plat.
- Speaker #1
Voilà, il y avait des tablettes en 11. Mais il n'existe plus sur...
- Speaker #0
Je crois pas. Je crois qu'il n'existe plus en France. Et donc, je parlais aussi de votre culpabilité, parce que quand on travaille dans ce métier, on se sent toujours coupable. Et d'ailleurs, les gens se sont presse de vous le faire sentir toujours. Vous citez le rapport du Club de Rome en 72, qui disait déjà en 72 qu'il fallait stopper la croissance. Et vous, à l'époque, vous aviez entendu parler de ce rapport. Et cependant, vous avez travaillé toute votre vie pour la croissance, pour vendre des produits.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Alors c'est toi ! Comment vit-on dans cette contradiction ?
- Speaker #1
Mais en fait, j'ai jamais... Moi, je reviens de loin. Mon père était prof de droit, ma mère était libraire. Donc en fait, quand j'ai choisi la pub, j'ai fait à peu près le pire de ce qu'on pouvait choisir. Eux,
- Speaker #0
vous vous regardez comme un criminel.
- Speaker #1
Pas criminel, mais pas loin. En tout cas, ce n'était pas reluisant, disons. Mais après, j'ai compris tout de suite... au-delà de ces problèmes fondamentaux que vous soulevez sur la croissance, le truc et tout, c'est que c'est un métier... qui est en prise avec toute la société, non seulement avec la vente et le commerce, mais avec l'état des gens, avec ce qu'ils ont dans la tête, avec les angoisses, avec le monde tel qu'il tourne. Et c'est un métier, alors moi je l'ai pris de manière littéraire, le mot est sans doute grand ou fort, mais on raconte des choses, on exprime des choses, on fait percevoir les choses autrement. Et donc... Avant toute culpabilité, c'est une espèce de rhétorique et d'exercice rhétorique qui est passionnant tous les jours sur plein de sujets complètement différents. Souvent je dis, on est un peu comme des avocats, on ne peut pas nous reprocher tous les crimes de nos clients, mais on essaye de bien faire notre métier avec les commandes qu'on a.
- Speaker #0
Alors, c'est 1261 pages rédigées, vous dites, dans les taxis, sur votre téléphone. Parce qu'au fond, vous avez entre deux réunions et entre deux rendez-vous ou voyages autour du monde, vous avez pris des notes et vous avez organisé tous ces paragraphes, toutes ces pages. Ça a pris combien de temps ?
- Speaker #1
Je dirais que pendant le confinement, ça s'est un peu cristallisé, comme on dit, et que j'ai eu envie de le faire. Et j'ai accéléré mes notes. J'étais face à toute l'agence tous les jours qui était dans des petites... cases sur mon écran puisqu'on ne se voyait plus. Et tout d'un coup, je me suis dit, j'ai eu une sorte de recul. Je me suis dit, mais qu'est-ce que c'est que ce métier-là ? Et j'ai pris des notes plus facilement parce que comme je n'étais pas en face des gens, je notais tout ce que je pouvais. Des réunions, des réactions et tout. Et j'ai perdu mon père aussi pendant le Covid. Et je pense que ces deux événements conjugués...
- Speaker #0
C'est sûr.
- Speaker #1
Je sais que vous avez perdu le vôtre aussi et que mais mais ça m'a c'est vrai que ça m'a conduit à me dire tiens tout ce matériel et où j'ai envie d'en faire un livre et en plus c'est intéressant que ça soit arrivé au monde de la crise du co vite parce que c'est le moment où la société de consommation était alors elle est effondrée ouais c'est quand même quelque chose d'assez spécial quand on est visiteurs et tout d'un coup de voir l'économie s'arrêter
- Speaker #0
Les magasins fermés, sauf les premières nécessités.
- Speaker #1
J'y raconte ça d'ailleurs parce qu'en fait, j'ai retrouvé des comptes rendus de réunion, qui étaient ceux que je faisais à l'époque, où on a des grandes marques automobiles qui disent, on est à moins 95% des ventes, Air France, on est à 3 vols par jour, etc. Des trucs complètement surréalistes. Et tout ça dans une ambiance, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais les parcs étaient fermés, ça poussait à l'intérieur, il y avait une sorte de jungle.
- Speaker #0
Il y avait des animaux qui...
- Speaker #1
Les animaux, il faisait très beau, tout était à l'arrêt, on ne comprenait rien.
- Speaker #0
C'est le moment où le capitalisme a eu un doute.
- Speaker #1
Tout à fait. Avec des gens qui disaient, là on va en profiter, on va bien réfléchir,
- Speaker #0
on va renverser le système.
- Speaker #1
Rien ne sera jamais comme avant,
- Speaker #0
et en fait c'est reparti. Oui, oui. Houellebecq avait même dit, ce sera comme avant mais en pire. Voilà.
- Speaker #1
Est-ce que ce n'est pas vrai ?
- Speaker #0
Il avait peut-être raison.
- Speaker #2
Oui,
- Speaker #0
oui. Sur le plan politique. Là-haut. Oui, oui. Mais alors, bon, donc... Je reviens sur Octave, le rédacteur de 99 francs, pardon. C'est vrai qu'il se défoulait parce que c'était un saboteur, au fond, c'est ça. Est-ce que vous, vous n'avez jamais eu envie, vous n'avez jamais eu ce désir de sabotage, ou de vous dire simplement, parfois, de ressentir des colères, des colères un peu anticapitalistes ? Allons-y.
- Speaker #1
En fait, oui, on vient de se le dire, l'état du monde, il n'est pas réjouissant, mais on ne va pas se lamenter pendant des heures non plus. Je suis toujours sensible, je suis un gars très, très sensible au fait que derrière les marques, il y a toujours des entreprises et qu'il y a toujours 1000 gus, 10 000 gus, 100 000 personnes qui travaillent. Et donc, quand on travaille pour une marque ou pour une entreprise. On a un rapport avec le fait que cette entreprise tourne bien. Après, elle est mal, elle est bien, on peut en dire plein de choses et tout. Et du coup, moi, j'ai ça à l'esprit et du coup, ça me va très bien. Je vais bien et je n'ai pas envie de trop saboter ça.
- Speaker #0
Oui, je comprends. Mais est-ce que vous vous considérez comme un mec puissant ? C'est-à-dire ? Alors je recite mon bouquin, « Jamais crétin irresponsable n'a été aussi puissant que moi depuis 2000 ans » , c'est ce que dit Octave, cette phrase-là. ça vous est arrivé de vous dire oh la vache,
- Speaker #1
alors oui vous avez une responsabilité parce qu'il y a des entreprises avec des milliers d'employés mais en même temps est-ce que vous n'êtes pas on ne peut pas avoir la tête qui tourne à un moment je pense que non moi jamais je ne l'ai pensé comme ça et puis j'ai vraiment conscience d'être la vitrine de ne pas être le magasin et donc je pense que les magasins, ce qu'ils proposent le commerce tel qu'il est tel qu'il va, oui, il y a des problèmes d'hyperpuissance et d'hyperintrusion dans la vie des gens. Mais moi, je fais briller tout ça, donc on peut se dire, tiens, c'est moche. Mais je suis pas dans un délire d'hyperpuissance.
- Speaker #0
Et ça vous est parié, par exemple, de refuser de travailler pour un budget qui vous déplaisait ? Vous voyez ?
- Speaker #1
Je sais pas. pratiquement jamais refusé un sujet. Je me rappelle dans mon premier stage, vous qui avez fait des stages et tout, je travaillais pour une société qui s'appelait la Société Nationale des Poudres et Explosifs. Chez Sachi, Sachi. Et je me disais quand même qu'en même temps, j'avais envie de briller sur ce sujet-là. Et puis voilà. Mais non, très peu. Oui,
- Speaker #0
je précise que j'ai fait un stage Pour vous, quand j'ai démarré dans la pub...
- Speaker #1
Tout à fait, chez BDDP.
- Speaker #0
Chez BDDP, j'étais votre stagiaire, vous me l'avez rappelé. Moi j'avais un petit peu...
- Speaker #1
Bon ça n'a pas duré longtemps mais on se croisait sur des petits sujets et tout, c'était très sympa.
- Speaker #0
D'ailleurs l'immeuble était génial, l'immeuble de BDDP à Poulogne-Biancourt était un...
- Speaker #1
Avec des galeries un peu comme un cloître moderne.
- Speaker #0
Oui, c'était bon, c'était des bons souvenirs. Alors, vous dites dans le livre, c'est une question que vous posez dans votre livre et donc je vous la pose. Ce sont les choses ou ce sont les mots qu'on achète ?
- Speaker #1
C'est ça. qui m'a complètement fait basculer dans ce métier-là. Je pense que ça a un rapport avec le plaisir littéraire. C'est qu'on parle des choses, on met des mots sur les choses, et en fait au moment... Je dis aussi souvent, c'est le beurre ou le baratin. T'as le beurre, l'argent du beurre et le baratin du beurre. Avec le baratin du beurre. Et en fait, on n'arrive plus à faire la différence entre toutes ces entités qui sont complètement mêlées. On achète le beurre et le baratin et on achète le mot et la chose en même temps. Et c'est comme ça dans la vie en général.
- Speaker #0
Je me demandais aussi qui était devenu Jacques Ségué là, parce qu'il était votre actionnaire au début. Euro, ESG, BETC, Babinet, ERA, Tongue, Klong.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Et qu'est-ce qu'il devient ? Il est toujours vivant Jacques Figué.
- Speaker #1
Il est toujours vivant, il est toujours frais comme un gardon et il va tous les jours au bureau. Alors moi je ne suis pas du tout dans les... nous on est complètement séparés de ce bâtiment-là, mais il est extraordinaire.
- Speaker #0
Parce que Figué là, c'est lui qui était le premier à écrire des essais sur ce métier, la pub, dans les années 80.
- Speaker #1
Oui, il a continué.
- Speaker #0
Et vous vous inscrivez un peu dans la filiation, d'écrire un livre sur la pub. Est-ce que vous pensez qu'il a fait du mal ou du bien à la profession ? Parce qu'il a été pas mal critiqué.
- Speaker #1
Il en a fait autant, d'une certaine manière, que vous. Non, mais ça me fait marrer, parce que c'est vrai que... Moi, ce que j'ai adoré dans 99 Rangs et dans C'est Guéla d'une autre manière, c'est que ça propose une vision un peu caricaturale du métier. Et en fait, on était dans un métier qui n'était absolument pas pris en charge ni par la littérature, ni par des grosses caricatures. C'était en dessous du niveau de la mer. Il y a eu Mad Men plus tard qui a fait connaître ce truc. Mais par rapport à des commissariats ou des hôpitaux... Oui,
- Speaker #0
on en parle tout le temps.
- Speaker #1
Des trucs de malades. pour faire des séries n'ont plus finir vous avez été les premiers à tout d'un coup à faire un truc un peu oui à dévoiler les coulisses voilà mais il y avait les coulisses et les problématiques qui avait à l'intérieur donc non non moi je trouve ça bien j'espère que ça qui en aura d'autres d'ailleurs et à propos de ces gays là je me demandais quelle était la marque de votre montre il y en a pas oui bah oui alors voilà c'est ça la différence c'est une autre génération
- Speaker #0
Alors moi j'ai adoré quand vous avez mouché un chroniqueur à quotidien en disant qu'il y avait plus de mensonges chez les journalistes que chez les publicitaires. Ça c'était très bien de dire ça.
- Speaker #1
Mais personne ne le sait en fait. Je pense que la critique classique de la publicité à laquelle vous avez contribué est encore nette. J'avoue, j'avoue. Mais c'est quand même qu'on est tous des menteurs, qu'on raconte n'importe quoi, etc. Enfin ça c'est un truc... tellement ancien et qui comprend tellement pas ce qu'on fait.
- Speaker #0
Non, il y a une vérité aussi là-dedans, dans le fait que la pub ment. Enfin, la pub enjolive les choses.
- Speaker #1
Oui, mais on est le métier le plus contrôlé, pesé, testé, retesté, post-testé.
- Speaker #0
Et c'était bien de dire que la presse peut mentir. Parce que la presse prétend dire la vérité et parfois ce n'est pas le cas.
- Speaker #1
Non,
- Speaker #0
et souvent ce n'est pas le cas. Souvent ce n'est pas le cas, oui. C'est encore une phrase de vous, je vous cite. Si vous choisissez le boulot de publicitaire, une bonne partie de votre boulot va consister à défendre votre métier. Et ce qu'on voit là, c'est que c'est bizarre qu'il y a peu de métiers autant attaqués que publicitaires. Alors pourquoi ? Est-ce que c'est parce qu'on interrompt les programmes avec des messages ?
- Speaker #1
Moi je pense que quand même on est assimilé et pour cause à une industrie très fatigante. Moi, c'est un peu le sujet de ce livre. J'ai peu de chances de convaincre, honnêtement. Mais la plupart des produits de cette industrie est fatigant.
- Speaker #0
La pollution visuelle dans la rue.
- Speaker #1
La pollution visuelle, pollution sonore, la radio. La pollution dans des médias, dans tout ce qu'on aime, etc.
- Speaker #0
Et même dans les téléphones maintenant.
- Speaker #1
Dans les téléphones, oui. Et aujourd'hui, c'est encore plus grave qu'avant. Parce que le téléphone, c'est un peu le monde en miniature. Donc, c'est tout petit. Et là, les intrusions sont encore plus remarquables et encore plus emmerdantes. Donc, nous, on n'est pas aimé parce qu'on est au milieu de tout ça.
- Speaker #0
On dérange. Oui, c'est ça.
- Speaker #1
À l'intérieur de ça, tirer son épingle du jeu, ça peut être un graal pour un pauvre publicitaire comme moi de me dire, je vais essayer de ne pas emmerder les gens, de leur proposer un truc de dingue.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a quelque chose qui a changé par rapport à mon époque ? Moi, j'étais dans la pub dans les années 90, ça commence à faire longtemps. Est-ce que ce métier est moins fun qu'à l'époque ? Est-ce qu'il est plus responsable qu'à l'époque ? Vous diriez ça ? Non.
- Speaker #1
Moi je pense qu'il est moins fun parce qu'il est...
- Speaker #0
Ce que je décrivais, les fêtes, les excels, les folies, ça n'existe plus du tout ?
- Speaker #1
Ah ça c'est fini. Vraiment ? Ah non mais vraiment, vraiment. Mais moi j'ai connu ça au début.
- Speaker #0
Oui oui, je sais, vous étiez mon patron.
- Speaker #1
Oui oui. Non non mais les fêtes et l'espèce d'euphorie qu'il y avait dans les agences et tout ça, c'est terminé.
- Speaker #0
Alors maintenant c'est un travail de mormon.
- Speaker #1
Ouais. Non mais vraiment, c'est beaucoup plus professionnel. Et donc il y a moins de fun et on ne s'en réjouit pas.
- Speaker #0
En même temps, s'il y a moins de sexisme, moins de racisme, parce que moi je dénonçais aussi ça. Oui,
- Speaker #1
il y en a beaucoup moins, mais ça c'est global, c'est dans toute la société. Non mais surtout, il y a un truc que vous, vous n'avez pas connu. Vous, quand vous faisiez une campagne, vous la voyez vous-même dans la rue. Ça commence par ça. Aujourd'hui la plupart des mecs qui bossent dans une agence, ils font des trucs, ça part dans des tuyaux sur internet, ils voient jamais ce qu'ils font parce qu'ils sont pas dans la cible, ils sont pas dans le... Avant il y avait des campagnes que tout le monde voyait, maintenant c'est tellement spécifique, tellement adapté à une communauté, à un mec, à telle heure, tel truc, que personne ne voit la même chose que son voisin.
- Speaker #0
D'accord, alors ça c'est intéressant parce que vous en parlez aussi dans le livre. L'hypercommunication généralisée a englouti notre vieux métier. C'est vrai. Je vous cite là. Vous pensez que le digital, qui est devenu la nouvelle forme de la publicité, est-ce que... Alors, moi, je n'y comprends rien. Je suis un peu un vieux dinosaure. Moi, je me souviens, il y a 30 ans, quand j'étais dans la pub, les clients me disaient qu'on dépense des millions, mais on ne sait pas très bien. à quoi ça sert et où ça va. Est-ce que grâce aux réseaux sociaux, aujourd'hui, on mesure mieux, les annonceurs peuvent mieux calculer l'impact d'une pub ?
- Speaker #1
Je ne sais pas si vous vous souvenez, dans Mad Men, à un moment, à la fin de l'épisode, ils amènent un énorme ordinateur. Ça doit être dans les années 50 ou 60. Et il y a un mec qui leur dit, avec cet ordinateur, c'est bien parce que vous allez pouvoir faire ceci, cela, être sûr. Et donc, dans la pub, il y a toujours eu Une espèce de désir fou d'être un peu scientifique.
- Speaker #0
Oui, mais oui.
- Speaker #1
Et de promettre des choses exactes aux clients.
- Speaker #0
C'est intuitif et c'est très cher. Ils dépensent beaucoup d'argent. Et ils ont envie de savoir si ça va vendre vraiment leur yaourt.
- Speaker #1
Voilà. Et c'est la même chose avec le digital.
- Speaker #0
Est-ce que c'est vrai ou c'est faux ?
- Speaker #1
C'est partiellement vrai. Donc,
- Speaker #0
c'est complètement faux.
- Speaker #1
Ouais, voilà. Mais ce n'est pas parce que vous connaissez exactement tout ce que vous faites à toutes les heures de votre journée, que vous aimez le bleu, les cravates comme ci, comme ça, etc. qu'au moment où on va vous adresser un message parce que vous avez votre cravate bleue, ça ne va pas vous emmerder encore plus. Oui, habitude. Non,
- Speaker #0
mais il y a plein de choses comme ça. Moi, je fais partie des gens qui ont répandu ça. Quand on m'interview, souvent je dis, mais moi, on ne savait pas à quoi ça servait. Et aujourd'hui, ils savent. C'est pas vrai, ça. Ils savent toujours pas. Non. Quand on dit par exemple que L'Oréal envoie des pubs pour les rouges à lèvres à des filles sur Instagram au moment où elles se sont fait larguer par leurs mecs, parce que comme ça elles vont avoir envie de rouges à lèvres, c'est faux ça ?
- Speaker #1
C'est vrai, mais est-ce que c'est efficace ? C'est ça la question.
- Speaker #0
Est-ce que ça...
- Speaker #1
C'est vraiment...
- Speaker #0
Ils peuvent peut-être vérifier s'il y a plus d'actes d'achat. Oui,
- Speaker #1
mais il y a toujours eu des vérifications comme ça, etc. Moi je suis un espèce de... Enfin, je prêche... Juste le fait qu'on arrive à émouvoir les gens ou à les surprendre, pas forcément à les toucher physiquement au sens « Tiens, je te touche parce que je t'envoie un message au bon moment, dans le bon tuyau et à la bonne heure. » Non mais c'est qu'est-ce qu'il y a dans le tuyau ? Qu'est-ce que je balance comme mot, comme truc, qui fait que tout d'un coup tu te dis « Ah, mais il y a quelqu'un au bout du fil, il y a quelqu'un qui me parle. » Souvent, le digital,
- Speaker #0
il n'y a personne. Oui, puis on ne peut pas, Dieu merci, contraindre le consommateur à consommer. C'est pour ça que, pour l'instant, on est encore libre.
- Speaker #1
Trump va peut-être arranger ça.
- Speaker #0
Et l'IA, l'intelligence artificielle, est-ce que, pour vous, c'est une arnaque de plus, comme le compact disque, ou est-ce que, vraiment, il y a un danger, justement, de basculement de la démocratie vers... Faire un contrôle des cerveaux.
- Speaker #1
Non, moi j'ai pas de problème de démocratie et tout ça. Je trouve que c'est comme tout ce qu'on a connu. C'est comme la machine à écrire, la télévision, le fax, tout. C'est absolument génial. Vous regardez la télé quand même, vous avez un téléphone, etc. Quand même, c'est un assistant. d'une qualité et d'une envergure extraordinaire. Et donc, il faut juste l'utiliser, lui donner des baffes quand on n'est pas content, etc. Mais honnêtement, je ne sais pas si vous avez commencé à jouer avec, mais tout ce qui est mots est extraordinaire.
- Speaker #0
Oui, mais c'est pour ça que je vous pose la question, parce que vous êtes le patron d'une agence qui emploie 1000 personnes. Est-ce que ces gens sont en danger de se retrouver au chômage remplacés par des par chat GPT ?
- Speaker #1
Non, il y aura toujours des remodelages de métiers, des métiers qui vont maigrir, des métiers qui vont grossir. Mais c'est comme dans toutes les inventions techniques. C'est pas différent, mais c'est une nouvelle forme de proposition permanente. C'est Internet puissance 4.
- Speaker #0
Je trouve que quand on voit, parce qu'il y a beaucoup de petits. petits boulots dans la pub qui peut-être sont en danger aujourd'hui.
- Speaker #1
Oui, mais pas seulement dans la pub, dans le journalisme, dans la justice, chez les avocats et tout. C'est vrai qu'on sent que ça peut concentrer le pouvoir dans moins de mains dans ces boîtes-là, avec énormément plus d'assistance liée à ces IA, parce qu'il y en a plusieurs.
- Speaker #0
Même visuellement, je veux dire, les films, par exemple, les packagings. Le packaging ? Si vous avez un bouton qui permet de proposer 50 différents packagings aux clients, les directeurs artistiques sont clairement menacés, vous voyez ?
- Speaker #1
Oui, mais non, parce qu'en fait...
- Speaker #0
Ce sujet-là, c'est le sujet du choix, en fait. Quand on avait trois trucs entre lesquels choisir, il fallait choisir entre trois. Quand on en a mille, c'est un peu plus compliqué. Quand on en a cent mille, c'est encore plus compliqué. À l'arrivée, c'est vraiment ce que vous choisissez, ce que vous donnez aux autres. Chaque GPT va vous proposer un million de possibilités. À chaque fois que vous allez appuyer sur le bouton, ça va être différent. Et donc, vous, vous êtes le mec... Qui est obligé de choisir. Et c'est quand même impressionnant. C'est comme ça qu'on est des bons auteurs dans la vie ou des mauvais auteurs. C'est parce qu'on choisit tel mot ou tel truc. Donc c'est un peu la même chose. Mais c'est un peu plus compliqué. Il faut être vigilant. Parce qu'on a plus de possibilités.
- Speaker #1
Vos plus belles campagnes sont un peu anciennes. Pardon ? Air France et Evian qui sont cités déjà dans 99 francs et dans votre livre aussi. Vous êtes d'ailleurs, vous, vous, dans 99 francs, il y a votre nom dedans. J'ai vérifié, oui, oui. À un moment, je fais la liste des grands publicitaires de l'année 2000 et vous êtes... étiez déjà. Il y a une exception, c'est la pub Canal qui est plus récente et qui est vraiment pour moi une des meilleures campagnes des dernières années. Je rappelle pour les gens, vous savez, il y a un ours qui est réalisateur de pub parce qu'il a été tapis devant la télé. Il a regardé beaucoup Canal. Il est devenu un grand réalisateur. Et puis, il y a un gars dans un placard aussi qui raconte ... Tout un mytho pour expliquer pourquoi il est dans un placard. Bref. Mais quelle est la dernière pub dont vous êtes fier ?
- Speaker #0
C'est marrant parce que vous parliez d'Evian. On vient de sortir un film d'Evian, juste là, il y a quelques mois. Et c'est un film sur une montagne magique qui s'appelle la Montagne of Youth, la montagne de la jeunesse. Et c'est un mec qui explore cette montagne pour essayer de comprendre Comment ça marche ?
- Speaker #1
Comment Evian est fabriqué par les Alpes ?
- Speaker #0
Et il est emmerdé par plein de petits êtres extraordinaires dans la montagne qui sont toujours dans son dos, qui font des conneries, qui lui lancent des boules de neige, etc. Et dès qu'il se retourne... Il n'y a rien.
- Speaker #1
Donc,
- Speaker #0
on a continué. Je vous l'enverrai. Il est bien.
- Speaker #1
Alors, pour arriver à une campagne comme ça, qui est vraiment saluée unanimement, il y a beaucoup de réunions très pénibles. Moi, c'était surtout ça, en fait, pourquoi j'ai arrêté. Je ne comprends pas comment vous tenez. Comment vous tenez ? Parce que la réunionnite continue. Les PPM, donc Pre-Production Meeting, ça existe toujours. Les tests, les post-tests consommateurs, tout ça, ça existe toujours. Donc, on Comment tenez-vous, Rémi ? Comment faites-vous ?
- Speaker #0
Franchement, je déteste les réunions. Et je ne tiens pas. Il y en a toujours. Il y en a toujours. Il y a toujours des séminaires pour se dire comment on peut supprimer les réunions, ou les diminuer, ou les faire passer de une heure à trois quarts d'heure, etc. Et ça ne marche jamais. Mais on doit aimer ça, je pense, dans les entreprises, d'être les uns contre les autres. C'est un peu... tribal, primitif. Parce qu'au fond,
- Speaker #1
la bonne idée, c'est un type tout seul dans un bureau ou chez lui qui va trouver l'idée de génie. Et après, il y a une masse de gens qui donnent leur avis. Mais c'est horrible.
- Speaker #0
Non, mais je suis d'accord. En plus, les gens, il y a un peu un mythe du collectif. Alors, on raconte ça. Quand on est une agence, c'est normal parce qu'on est nombreux. Mais c'est vrai que les bonnes idées, c'est toujours seul ou à deux avec un copain.
- Speaker #1
qu'on les trouve et après ça il faut les défendre par contre beaucoup de gens pour les défendre comme vous dites il ya plein de réunions et là à chaque fois c'est terrible et donc vous êtes obligé de développer des trésors de rhétorique pour défendre une idée tout à fait simple et ouais et qui aimait et mais c'est la peur de parfois les liens abîme aussi
- Speaker #0
ça vous arrive oui et ça vous le dites pas parce que vous voulez pas vous fâcher non non non mais c'est vrai que il y a beaucoup de gens dans le chaudron et dans la casserole comme on dit il y a beaucoup de marmitons dans la sauce et donc arriver à faire une sauce correcte à l'arrivée c'est ça le plus dur c'est ça qui devient le vrai sport en fait vous avez un pire souvenir de réunionite aiguë ? peut-être avec un client dans la ville en anglais non non non non vous pouvez pas l'essayer j'ai une soupe j'ai un souvenir qui dit qu'il peut et qui peut évoquer un rapport qu'on peut avoir avec ses clients c'est j'avais fait un film avec tim burton et on a adoré tim burton parce que il adorait le scénario c'est un film pour hollywood justement les chewing gums Et c'était l'histoire d'un nain de jardin qui traversait la ville, qui s'échappait de son jardin parce qu'il avait rencontré la saveur de Hollywood. Et il allait plonger dans un lac magique où il retrouvait Blanche-Neige nue. Et donc Tim Burton avait adoré ce scénario parce qu'il avait commencé chez Disney. Il en avait soupé de raconter que des trucs un peu très corrects sur Disney. Donc l'histoire lui plaisait. Et donc on se fait plein de réunions avec le client, voilà Tim Burton génial et tout, il fait son script, il y avait des trucs très marrants, le nain soulevé la jupe des filles, maintenant un truc qu'on pourrait faire. Il montait dans une baignoire dure, il faisait des tas de trucs incorrects disons, et le client au fil des réunions les avait enlevés les uns après les autres, c'était il y a longtemps. et on lui disait mais non ça c'est du Tim Burton ça se dit il faut pas enlever ça etc et à la fin on projette le film de Tim Burton dans une grande salle de cinéma avec le client et le client devant moi le film s'arrête et puis il se retourne il me dit pour du Tim Burton je suis pas sur le coup
- Speaker #1
Donc il avait enlevé Tim Burton Il avait enlevé tout ce qui était dark Oui ça c'est dommage Bah oui c'est le problème Vous citez Shakespeare en exergue Ça c'est très amusant Alors une réplique d'Othello Réputation, réputation, réputation Oh j'ai perdu ma réputation J'ai perdu la partie immortelle de moi-même Et ce qui reste est bestial C'est une citation sublime, très mystérieuse, de Cassio, Acte II, scène 3. Et qu'est-ce que vous avez voulu dire ? Qu'une bonne pub, ça doit intriguer ?
- Speaker #0
C'était plutôt pour décrire le monde dans lequel on était. En fait, le schéma dans lequel on est, où finalement, ce qui s'échange entre les gens, c'est plus des réputations, leurs réputations, leurs avatars. discours, leurs hauts faits, plus que la vérité de ce qu'ils sont. Je pense que ça a toujours été le cas, mais qu'on a atteint des proportions de De représentation à la place de la réalité, de perception à la place de la réalité.
- Speaker #1
De déshumanisation ?
- Speaker #0
De fait, ça peut aller avec ça. Mais c'est vrai que le digital a accéléré aussi ça, puisque finalement on ne s'en aperçoit même pas, mais quand on se téléphone... On parle à une image de l'autre, mais on a oublié que ce n'était pas l'autre. Et donc, tous ces phénomènes-là qui redéfinissent notre vie maintenant, c'est le monde dans lequel on vit. Et nous, c'est vrai qu'en tant que publicitaire, on est vraiment des agents de la réputation. D'un produit, d'un mec, d'un truc, d'un spectacle, d'un livre, de tout ce qu'on a. à raconter. C'est pour ça que cette phrase, moi je l'ai découverte, je ne sais plus dans quoi, je l'ai trouvée extraordinaire. Je me suis dit tiens, elle va donner la musique du monde dans lequel on est.
- Speaker #1
Je relis, c'est important. J'ai perdu la partie immortelle de moi-même et ce qui reste est bestial. Ça fait un peu peur.
- Speaker #0
On voit les réseaux sociaux, la partie immortelle de moi-même, c'est vraiment tout ce qu'on balance en permanence et qui vous tient comme ça et qui tient votre image. Oui.
- Speaker #1
C'est amusant parce que la phrase suivante dans la pièce, c'est la réputation, on la gagne souvent sans mérite et on la perd sans justice. C'est mieux en anglais.
- Speaker #0
Oui, toujours.
- Speaker #1
Alors, on a un petit jeu dans cette émission, devine tes citations. Alors là, évidemment, j'ai fait un truc plus original avec vous, c'est que je vais vous demander pour quelle marque avez-vous écrit ce slogan ? Donc, d'habitude, je demande à l'auteur dans quel livre il a écrit cette phrase. Là, c'est pour quelle marque ? Alors, vous ne regardez pas, je mets sous la table. Bon, c'est facile, normalement, vous allez vous en souvenir. Déclarer source de jeunesse par votre corps.
- Speaker #0
Evian.
- Speaker #1
C'est Evian, bravo. Pour que l'automobile soit toujours un plaisir.
- Speaker #0
Peugeot.
- Speaker #1
Bien joué. Bon, là, c'est facile, le slogan cite la marque. Pendant qu'on regarde Canal+, au moins, on n'est pas devant la télé. Je dirais Canal+. Vous avez demandé le futur, ne quittez pas.
- Speaker #0
Ah ah, j'ai un doute, je dirais
- Speaker #1
Bouygues. C'est Bouygues Télécom, mais ce n'était pas vous, c'était moi.
- Speaker #0
C'est encore plus fort.
- Speaker #1
C'était ça le piège. L'eau que vous buvez est aussi importante que l'air que vous respirez.
- Speaker #0
Evident.
- Speaker #1
Oui, et c'était de Valéry Chidlovski. Vous la citez dans le livre, parce que ça, c'est très rare d'ailleurs, bravo, parce que les publicitaires ne citent jamais les idées des autres. Et là, vous rendez à César ce qui est à César. D'ailleurs, j'ai remarqué un truc, c'est que vous aimez... les longues baseline pendant qu'on regarde canal plus au moins on n'est pas devant la télé c'est contre les règles habituelles de la publicité qu'il faut faire court et là l'eau que vous buvez est aussi importante que l'air que vous respirez c'est interminable comme la signature d'une marge j'ai fait beaucoup de phrases interminables ils ont été extrêmement successful comme on dit et qui ont porté les marques pendant très longtemps oui et comment vous arrivez à vendre un truc interminable
- Speaker #0
Ben, disons d'abord qu'il ne faut pas faire pareil que tout le monde déjà. Et puis après, si ça dit un truc intelligent, c'est mieux, etc.
- Speaker #1
Autre exemple de signature interminable.
- Speaker #0
Petit bateau.
- Speaker #1
C'était quoi, Petit Bateau ?
- Speaker #0
À quoi ça sert de faire des vêtements si on ne peut rien faire dedans ?
- Speaker #1
Oui, elle est longue.
- Speaker #0
Elle est longue,
- Speaker #1
oui. Mais non, parce qu'en fait, ce qui compte, c'est l'idée. Ce n'est pas la formulation brève. Et il y en a une autre aussi célèbre. Faire du ciel le plus bel endroit de la Terre.
- Speaker #0
Ça, c'est Air France. Ça, c'est vraiment une phrase que j'aime beaucoup. Ils n'auraient pas dû la changer.
- Speaker #1
Oui, ils l'ont changée. Elle est superbe. Elle est superbe. Et une autre, c'est... pour la réintroduction de l'homme dans la nature.
- Speaker #0
Ça, c'est aigle.
- Speaker #1
Ça, c'est fait pour les fringues aigles. Bon, voilà. Mais écoutez...
- Speaker #0
Vous avez bien fait le tour.
- Speaker #1
Non, mais c'est bien, parce que vous vous souvenez de votre travail. C'est bien,
- Speaker #0
ouais. Sinon, je serais déjà viré.
- Speaker #1
Prémi, Babinet, Bupou... Puisque vous êtes désormais un collègue écrivain, je voudrais les conseils d'un professionnel sur vos lectures. Je vous ai donné la liste, vous l'avez bien en tête. Un livre qui donne envie de pleurer ?
- Speaker #0
Je dirais La Route. de Cormac McCarthy.
- Speaker #1
Ah, pas sur la route, d'accord. Oui, la route, c'est affreux, ce livre.
- Speaker #0
J'ai été saisi, j'ai dû pleurer, je pense.
- Speaker #1
À la fin...
- Speaker #0
C'est un rapport avec le père aussi, toujours, j'ai un problème avec ça.
- Speaker #1
Quand le fils s'en va... Il se retrouve seul.
- Speaker #0
Il se retrouve seul.
- Speaker #1
De toute façon, ce livre est d'une noirceur absolue.
- Speaker #0
Ouais, noirceur, et en même temps, c'est rare un livre aussi noir et aussi mainstream, je dirais. Souvent, ça ne va pas bien ensemble. Et je ne sais pas, il a réussi un truc.
- Speaker #1
Oui, c'est grand. Un livre pour arrêter de pleurer après avoir lu McCarthy ?
- Speaker #0
Arrêter de pleurer, heureusement, il y en a pas mal. Moi, j'ai un livre que j'adore, c'est Catch-22, de Joseph Heller. Et bon, c'est une brigade, c'est un livre anti-militariste complètement fou, et très drôle tout le temps. Ou alors Le Monde selon Garp, peut-être. Fourrir. J'ai eu des fourrirs. C'était mes premiers fourrirs dans des livres. Ce qui est assez rare d'être secoué par un fourrir quand on lit.
- Speaker #1
De John Irving, je l'aurais appelé.
- Speaker #0
John Irving, ouais.
- Speaker #1
Classique aussi. Un livre, ça fait beaucoup d'écrivains américains, il va falloir revenir en France, s'il vous plaît Rémi Robiner. La langue française c'est important aussi. Un livre pour s'ennuyer, ben voilà, peut-être ça va être français.
- Speaker #0
Non mais, sur l'ennui c'est drôle parce que moi j'ai jamais peur de m'ennuyer, mais souvent je peux m'ennuyer en lisant un livre, ou même en allant voir un opéra ou des choses comme ça. Et souvent, je pense à Moby Dick par exemple. Moby Dick, c'est un livre que j'ai lu quand j'avais 16-17 ans. Je me suis beaucoup ennuyé, mais j'ai toujours été porté, embarqué par cet ennui jusqu'au bout. Je n'ai jamais lâché, mais c'était dur. Ah oui,
- Speaker #1
je comprends ça. Moi, je n'ai eu pas avec Au-dessous du volcan. Oui,
- Speaker #0
on va en parler.
- Speaker #1
Ah bon ? Ok. C'est très répétitif, très lancinant et en même temps...
- Speaker #0
Une journée au-dessous du volcan.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Une journée, un livre énorme sur une journée. Oui,
- Speaker #1
oui. Alors, après, c'est un livre pour crâner, dans la rue, pour frimer. Un publicitaire qui crâne avec son bouquin.
- Speaker #0
Au-dessous du volcan. Ah oui. Non, mais je dis ça parce que j'ai crâné beaucoup avec Au-dessous du volcan. en buvant du mescal ouais en buvant du mescal et j'avais l'impression que c'était le livre ultime et tout mais j'ai une histoire particulière avec ce livre parce que je suis parti quatre mois au mexique alors il paraît que je suis pas le seul qui a des gens qui l'ont fait bien sûr à Cuernavaca À Cuernavaca, sur les traces du consul. Et je me rappelle, j'écrivais un journal, j'étais dans un état pas plus... Ah oui,
- Speaker #1
d'accord,
- Speaker #0
buvant beaucoup de... Oui, buvant beaucoup de...
- Speaker #1
Du mezcal, tequila...
- Speaker #0
Mais c'est la première fois qu'un livre... Je suis rentré dedans, j'étais impressionné par cet univers.
- Speaker #1
Est-ce que vous étiez avec une fiancée qui vous a quitté là-bas ? Tout à fait. C'est ce qui se passe dans le livre.
- Speaker #0
C'était pas ma fiancée, c'était une cousine. Je suis parti avec une cousine et on s'est séparés avant que j'arrive au Mexique. Ah oui. Mais non, c'est un très bon souvenir.
- Speaker #1
Un livre qui rend intelligent ?
- Speaker #0
Un livre qui rend intelligent, je ne sais pas, je pense à... Moi j'aime beaucoup Roland Barthes par exemple, des raisons...
- Speaker #1
Fragments d'un discours amoureux.
- Speaker #0
Fragments d'un discours amoureux, ou même mythologie. C'est les gens qui sont capables de vous faire comprendre des choses de manière très simple mais très profonde et qui sont en prise avec le monde, je sais pas, c'est rare.
- Speaker #1
Je suis tout à fait d'accord sur Roland Barthes, ça c'est vrai. Un livre pour séduire.
- Speaker #0
Pour séduire, je ne sais pas, la séduction pour les nuls, par exemple. À ouvrir, à y étudier, mais surtout à ne pas mettre sur la table du café.
- Speaker #1
Un livre que je regrette d'avoir lu.
- Speaker #0
Moi, ça ne m'arrive jamais parce qu'en fait, c'est un peu comme l'ennui. C'est que j'ai toujours un petit moteur, même si je m'emmerde ou je tire toujours quelque chose. Et donc, je ne me dis pas, tiens, ça, je regrette d'avoir fait. Mais c'est valable de tout ce que je fais dans la vie. Non,
- Speaker #1
mais c'est bien. Tout d'un coup, voilà. Il fait ventre.
- Speaker #0
Oui, exactement.
- Speaker #1
Un livre que je fais semblant d'avoir fini.
- Speaker #0
alors je sais pas si je fais semblant d'avoir fini mais j'ai lu j'ai lu deux fois la montagne magique et je me suis arrêté deux fois la moitié et je crois que c'était des traductions différentes en plus j'ai adoré la deuxième traduction mais quand même à un moment j'ai adoré le livre non mais et justement cette histoire de temps qui qui mais oui se dilate complètement Et je me suis dit, si c'est comme ça...
- Speaker #1
J'explique, ça se passe dans un sanatorium à Davos, avec des tuberculeux qui meurent les uns après les autres. Oui,
- Speaker #0
et il y a un gars qui est censé passer une semaine. Oui,
- Speaker #1
il est venu remplir. Il est en plus d'un.
- Speaker #0
Il est en plus d'un. Il y est toujours. Donc, c'est intéressant comme notion.
- Speaker #1
C'est vrai. Il faut se méfier de Davos, en fait.
- Speaker #0
Il faut se méfier de Davos, oui.
- Speaker #1
Le livre que j'aurais aimé écrire ?
- Speaker #0
je crois que la route là le premier je pense que c'est le genre de livre que je rêverais des liens de survie de survie qui quand même dit bien l'époque et et qui touche tout le monde c'est pas un livre voilà alors là on parlait de livre culte tout à l'heure là au-dessous du volcan et tout c'est des livres quand même un peu difficile je sais pas s'il y a beaucoup de gens qui les ont lu mais là ce livre la route c'est une ampleur c'est accueillant oui mais alors c'est
- Speaker #1
C'est paradoxal qu'un publicitaire dise que le livre qu'il aurait aimé écrire, c'est un livre sur la fin du monde. Oui,
- Speaker #0
mais c'est une idée qui est assez récente, la fin du monde. Mais on est un peu dans la prospérité de cette idée en ce moment. Donc, c'est normal que ce soit un livre qui dit un peu beaucoup de l'époque. Oui,
- Speaker #1
c'est vrai. Et enfin, le pire livre que vous ayez jamais lu ?
- Speaker #0
Le pire au sens le plus terrifiant je dirais, mais c'est un chef-d'oeuvre pour moi, c'est Le Démon de Selby. Parce que je l'ai lu très jeune et quand je pense à ce qui se passe maintenant en Amérique et même à Bret Easton et Lys après qui a repris ces thèmes-là et qui les a un peu vulgarisés presque. Je me rappelle quand je l'ai lu j'ai eu un choc de style. Parce qu'il écrit des trucs ultra violents. Ultra violents. Et il décrit une Amérique qui est ultra violente, mais qu'on ne percevait pas encore vraiment comme ça à l'époque. Il est devenu après.
- Speaker #1
Et de manière maintenant assumée.
- Speaker #0
C'est terrifiant ce livre.
- Speaker #1
Alors, j'ai une dernière question très importante, parce que là, je voudrais qu'on milite ensemble. Vous pouvez m'aider dans cette lutte. C'est pourquoi la marque Evian ? à supprimer le fruité à la pomme et au cassis. Je suis très,
- Speaker #0
très triste. C'est génial que vous me demandiez ça. Moi, j'ai biberonné avec ça. Mais oui,
- Speaker #1
vous en parlez dans le livre.
- Speaker #0
C'était des bouteilles violettes, un peu granuleuses. Et qui étaient... Nous, on était foutus.
- Speaker #1
C'est votre client, Evian. Vous pouvez aller les voir.
- Speaker #0
Je vais y aller.
- Speaker #1
Et leur dire de relancer le fruité à la pomme et au cassis. Parce que je pense que... C'est qui le CEO de Danone ? C'est Danone Evian ? Oui, tout à fait. Alors, je ne sais plus comment il s'appelle le CEO.
- Speaker #0
Il s'appelle De Sainte-Afrique.
- Speaker #1
D'accord. Il faut absolument contacter M. De Sainte-Afrique et lui dire de relancer l'Evian fruité à la pomme et au cassis. Je vais le faire de votre part et de notre part.
- Speaker #0
autre part à tous les jours, je pense que ça sera plus fort. Oui,
- Speaker #1
on peut créer un mouvement. Tout à fait. Voilà, merci infiniment Rémi Vabinet d'être venu. Je rappelle le titre de votre livre, pas de publicité, merci. Et pourtant, il y en a un petit peu quand même dedans. 1200 pages sur ce métier, et c'est chez JBE Books. et combien il coûte d'ailleurs ?
- Speaker #0
35 euros.
- Speaker #1
Ah c'est cher !
- Speaker #0
Non c'est pas cher 1296 pages avec...
- Speaker #1
Non c'est vrai c'est le prix d'une... un peu des... des...
- Speaker #0
des pages c'est un des livres les moins chers du monde je pense.
- Speaker #1
D'accord ok il y a... c'est vrai qu'il y a beaucoup de photos en couleurs en plus et je... je rappelle que cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, le magazine des Haribo, les Aristoboèmes. Je pense que cette blague n'aurait pas été prise chez BETC.
- Speaker #0
Non, recusée.
- Speaker #1
Et je termine toujours en disant ça, et là vous serez d'accord, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot.
- Speaker #0
Je suis totalement d'accord.