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ESTHER TEILLARD : "LES FEMMES SONT SOIT DÉSIRABLES, SOIT IMBAISABLES." cover
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Conversations chez Lapérouse

ESTHER TEILLARD : "LES FEMMES SONT SOIT DÉSIRABLES, SOIT IMBAISABLES."

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40min |04/04/2025
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40min |04/04/2025
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Description

"CARNES", le premier roman dont on cause, est libre, provocateur et joyeusement insupportable. Comme son auteur ! Je remercie Esther Teillard d'avoir accepté de dialoguer avec un mâle blanc sur le désir féminin et masculin, la puissance des cagoles et la disgrâce des vieux dégueulasses.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    TAC désigne en anglais les piliers de la mer, détachés de la côte. Des trottas aux capornes, ces sentinelles de roches se dressent par milliers devant les falaises côtières. Sylvain Tesson Qui êtes-vous, tour de la haute mer Tout bouge autour de nous, vous ne reculez pas. Je veux me balancer dans les vagues, grimper ses aiguilles au milieu des oiseaux. Je pars vous escalader, dernier refuge de la beauté.

  • Speaker #1

    Les piliers de la mer, le nouveau livre événement de Sylvain Tesson, chez Albin Michel.

  • Speaker #2

    Bonsoir à toi et bienvenue chez La Pérouse pour une nouvelle conversation avec ce soir Esther Teilhard pour son livre Carnes, publié aux éditions

  • Speaker #1

    Le Vert.

  • Speaker #2

    C'était très bien, vous l'avez très bien fait. Bravo, je vous remercie. L'émission se termine, à bientôt. Au revoir. Au revoir.

  • Speaker #1

    Et terrasse.

  • Speaker #2

    Esther Theia, vous êtes la sensation de ce début d'année 2025. J'ai moi-même dit beaucoup de bien de vous dans le Figaro magazine. Et je pourrais d'ailleurs m'auto-lire. Et ainsi, vous pourriez répondre à ce texte, me dire si j'ai fait n'importe quoi. Parce qu'il y a peut-être des passages qui vous ont déplu. Après tout, on ne peut jamais répondre aux critiques. Alors, voilà l'occasion de le faire.

  • Speaker #1

    Je vous en prie, allez-y.

  • Speaker #2

    Carnes est le premier roman qui décoiffe cette rentrée hivernale. chaque phrase de ce livre est un coup de poing. En temps normal, c'est tout ce que je déteste, parce que le lecteur n'est pas un punching ball.

  • Speaker #1

    Le lecteur est masochiste, il adore se faire martyriser.

  • Speaker #2

    Bon, c'est vrai. La littérature s'ennuie, il était temps qu'un roman la réveille en sursaut. La littérature actuelle est en passe de devenir un mur des lamentations, un concours de complaintes.

  • Speaker #1

    C'est d'accord,

  • Speaker #2

    oui. Le marché aux traumatisés. Vous êtes d'accord avec ça Bien sûr. Vous auriez pu être vous-même une victime dans ce livre.

  • Speaker #1

    La narratrice,

  • Speaker #2

    vous voulez Oui, pas vous, la narratrice, oui. Elle aurait pu se plaindre davantage.

  • Speaker #1

    C'est toute l'ambiguïté de ma narratrice. C'est qu'elle est à la fois victime des situations des personnes et en même temps, elle y retourne. Moi, j'adore ces personnages un peu bizarres qui sont à la fois victimaires et en même temps un peu veules. Vous voyez ces victimes qui retournent toujours.

  • Speaker #2

    Oui, c'est très ambigu comme livre. C'est pour ça que d'ailleurs, la gauche comme la droite saluent. La droite parle de votre style. C'est l'ignin et puis la gauche essaie de vous embarquer dans un féminisme doloriste, alors que pas du tout en fait. On va en parler pendant toute l'heure, mais il me semble que le livre justement ne choisit aucun camp.

  • Speaker #1

    Ah oui, le livre regarde, il observe avec un œil un peu carnassier, mais il ne dit rien, on ne sait rien de ce que la narratrice pense. On ne sait rien du tout.

  • Speaker #2

    Je continue de lire pour que vous puissiez me répondre

  • Speaker #1

    Allez-y.

  • Speaker #2

    Comment ne pas être reconnaissant envers la jeune Esther Teilhard, 23 ans, de rejouer enfin le rôle du charmant monstre qui sème le trouble dans le landerneau des lettres endormies Je vous remercie pour ça parce que j'adore les monstres.

  • Speaker #1

    Dracula est mon idéal absolu. Les monstres nous sauveront, je pense.

  • Speaker #2

    Pourquoi Dracula Parce qu'il est éternellement jeune

  • Speaker #1

    Il est éternellement jeune, il est éternellement seul, il est profondément romantique, Dracula. Puis il est dépressif et amoureux de l'amour et personne ne comprend Dracula.

  • Speaker #2

    Mais rassurez-moi, vous n'avez pas l'intention de sucer le sang de jeunes vierges.

  • Speaker #1

    Ça, ça me regarde.

  • Speaker #2

    Oui. Alors, vous ne pouvez pas être un vampire car on tourne en plein jour, vous voyez, on enregistre et il fait jour. C'est vrai. Donc, c'est un peu... Voilà, Dracula n'aurait pas supporté l'horaire de tournage, d'enregistrement de cette émission. Je continue. Carnes, qu'est-ce que c'est Elle divague autour de l'itinéraire sexuel d'une étudiante au Beaux-Arts de Sergy qui a quitté Marseille pour Belleville. J'ai 18 ans, j'habite au milieu des vieilles putes chinoises du boulevard de la Villette. On dirait Guerre de Céline en mini-jupe de cagole.

  • Speaker #1

    Ça, j'adore. Ça, j'ai adoré, Frédéric. Je vous remercie pour ça.

  • Speaker #2

    J'ai entendu dire que vous aviez choisi la couleur du livre parce que c'est couleur auto-bronzant.

  • Speaker #1

    Ces couleurs jaune cagole, jaune cheddar, jaune pisse, qui est la première teinte du roman.

  • Speaker #2

    Pourquoi cet éloge des cagoles Les cagoles sont souvent, c'est un terme plutôt dépréciatif, et pour vous c'est élogieux

  • Speaker #1

    Parce que je trouve que les cagoles sont assez honnêtes. Finalement, elles ne sont pas tant dans la posture que ça. La narratrice arrive à Paris où tout le monde... Tout le monde est dans une certaine posture, tout le monde revendique sa personne, son identité. Et la cagole avec qui elle a grandi a quelque chose de très brut de tôle, de très sincère. Donc elle aime la cagole, mais aussi parce que la cagole la rejette. Les cagoles détestent les autres femmes. Elle les voit comme des révèles. Donc elle essaye sans cesse de plaire à ces cagoles qui ne la regarderont, qui ne la regarderont jamais.

  • Speaker #2

    Et puis ensuite, une fois à Paris, elle essaye de plaire aux bobos. Ou aux hipsters, ou aux étudiants des beaux-arts de Sergi Pontoise, d'ailleurs, se sont tournés en dérision. Je ne sais pas s'ils ont apprécié ou pas.

  • Speaker #1

    Oui, pas beaucoup, mais en réalité, tout le monde s'en prend un peu plein son grade, la narratrice en premier.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #1

    oui. Mais premier, il n'y a personne d'épargné, donc au final, c'est assez juste, je trouve.

  • Speaker #2

    Alors, en dehors des cagoles, le titre, Carnes, est-ce que c'est un compliment ou une injure

  • Speaker #1

    Tout dépend. En général, quand on se fait traiter de carne, c'est plutôt péjoratif.

  • Speaker #2

    Moi, par exemple, je me considère comme une vieille carne.

  • Speaker #1

    Vous avez quelque chose de la carne, c'est peut-être les cheveux. Oui. Il y a à voir avec le mouvement capillaire dans la carne.

  • Speaker #2

    Mais on peut avoir 23 ans et être une carne quand même.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Surtout quand on a grandi dans une ville comme Marseille qui est la carne en personne. C'est une vraie connaisse.

  • Speaker #2

    Carne, ça veut dire viande. Ça veut dire que vous êtes une sorte de... Oui,

  • Speaker #1

    une viande puante. C'est pas une belle viande.

  • Speaker #2

    Faisons des... Faisant D à 23 ans déjà, c'est ça

  • Speaker #1

    Misére.

  • Speaker #2

    Non mais, vous êtes plutôt une caïra vous, non Une caïra Ouais, je sais pas.

  • Speaker #1

    Ah bah tiens, si vous le dites, pourquoi pas, j'adore.

  • Speaker #2

    Non mais, vous êtes née en 2002.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #2

    2001. 2001, donc le terme exact, c'est millénial ou génération Z Je sais pas,

  • Speaker #1

    je crois que c'est millénial, mais ça me déprime. Ne me dites pas ça, ça me déprime.

  • Speaker #2

    Non, parce qu'il y a déjà d'autres générations depuis. Il y a les générations Alpha, Beta, enfin bref. Je ne m'y retrouve plus. Mais je rappelle que Carnes était le titre d'un film de Gaspard Noé de

  • Speaker #1

    1991. Son premier film,

  • Speaker #2

    oui. Son premier film qui était très violent et qui était l'histoire d'un boucher.

  • Speaker #1

    Je crois, oui, je l'ai vu il y a longtemps. Ça m'a un peu ennuyé, d'ailleurs.

  • Speaker #2

    Le personnage principal de votre roman s'appelle Noé, comme Gaspard Noé. Donc, il doit y avoir un hommage quelque part.

  • Speaker #1

    Un hommage, et puis non, c'est un hommage de taille, parce que Gaspard Noé n'est pas très grand, et l'homme est assez petit. Moi, je suis fascinée par les nabots.

  • Speaker #2

    Il va être content, Gaspard Il va être ravi. Gaspard, je te salue. Moi, je suis un fanatique de son œuvre et de ses films très radicaux, et je pensais que vous vouliez lui rendre hommage.

  • Speaker #1

    Si, si, en partie. Moi, j'aime beaucoup aussi Gaspard Noé. Mais le personnage de Noé, c'est une caricature d'un homme passionné par... Par Gaspard Noé, par Bataille, seul dans son appartement de la rive gauche en train d'écrire ses saloperies dans son coin.

  • Speaker #2

    Oui, alors bon, c'est un personnage d'écrivain d'un certain âge. Évidemment, je l'ai pris très personnellement tout de suite. Et je vais vous demander de lire la page 53 qui, il me semble, décrit très bien ce style d'homme.

  • Speaker #1

    D'accord. Il est à l'âge... où l'on ne rencontre plus. Il est condamné à vivre avec des gens qu'il a déjà rencontrés, qu'il a eu le temps d'aimer et de ne plus aimer, sur lesquels il a fantasmé, puis défantasmé. Des gens qui passent leur temps à comparer sa gueule d'avant à sa gueule de maintenant. Il est condamné à être scruté par tous. C'est le destin des hommes qui ont été puissants et ne le sont plus. Le mieux, c'est d'être moyen sur la durée, de vieillir à long terme, de ne jamais connaître ni la grâce, ni la disgrâce, d'être constant. C'est la seule manière de survivre à la vieillesse.

  • Speaker #2

    Voilà, alors comment on peut savoir tout ça à votre âge C'est ça que je... Il y a un mystère pour moi.

  • Speaker #1

    Il y a un mystère Non, moi je suis passionnée par la littérature de la disgrâce. J'adore les figures d'hommes en train de s'enfoncer dans leur âge et dans leur temps et qui ne correspondent plus à rien. La tâche de Philippe Roth, c'est un des romans les plus merveilleux à ce sujet. Et un autre roman d'ailleurs que j'adore, c'est Disgrâce de Cuddy.

  • Speaker #2

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est un roman fascinant.

  • Speaker #2

    Les deux ont en commun que c'est un prof, le héros, il semble.

  • Speaker #1

    C'est un prof émérite de littérature qui se fait zigouiller par un scandale d'agression sexuelle et qui se retrouve en disgrâce totale et à rebours dans son temps. Moi, j'adore les personnages comme ça. C'est des personnages qui me fascinent littérairement parlant.

  • Speaker #2

    De mémoire de critique littéraire, j'ai commencé en 1985, ça fait 40 ans dans les dents. Je n'ai jamais vu un premier roman accueilli aussi unanimement. que le vôtre. Télérama, Libé, Le Monde, Le Figaro, France Inter, Le Point, Le Nouvel Obs sont d'accord. Ce qui n'existe pas, puisqu'ils se détestent entre eux, normalement. Tous ces gens qui se haïssent saluent tous votre livre. Alors, est-ce que vous vous attendiez à un accueil pareil Et quelle est l'explication de ce miracle

  • Speaker #1

    Alors, pas du tout. Pas du tout. Moi, je déboule de mon Marseille avec mes 23 ans. Et je suis très étonnée d'ailleurs, je ne pensais pas que c'était possible. La raison pour laquelle ça fait sens pour toutes ces personnes, honnêtement, j'en ai aucune idée. Je pense que chacun s'approprie un peu quelque chose et il voit son combat. Donc c'est assez amusant à observer, puisque parfois on me revendique des pensées ou des idéaux que je n'ai pas, ou vice-versa. Donc je regarde et ça m'a beaucoup fait rire.

  • Speaker #2

    Oui, en fait, c'est comme si on avait... On réussit à tous s'accorder sur le besoin de violence. On a besoin que la littérature secoue le lecteur et réveille les consciences. Et qu'un livre, par sa brutalité peut-être, par son style, son écriture, sorte un peu de la léthargie, ce milieu. Et donc c'est tombé sur vous.

  • Speaker #1

    C'est tombé sur moi. Je ne sais pas si c'est... On me parle d'une forme d'insolence, je ne me retrouve pas tellement dans ça. Je pense que l'insolence est une forme détournée de chasteté et que c'est un roman qui est en réalité assez chaste, qui ne dit pas grand-chose.

  • Speaker #2

    Chaste, alors ça ne saute pas aux yeux.

  • Speaker #1

    Ça ne saute pas aux yeux parce que le langage...

  • Speaker #2

    Il y a beaucoup de sexe et même de pornographie par moment.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a bite et chatte à chaque page, ce qui a posé problème d'ailleurs. Pour la quatrième de couverture, parce qu'on ne savait pas quoi mettre.

  • Speaker #2

    Il y a des phrases sans ces mots-là. Mais c'est vrai que... Dans mon article un peu plus loin, je disais que vous éclipsiez Lola Lafon, par exemple. Lola Lafon, c'est un écrivain qui écrivait comme vous à votre âge. Mais avec le succès, peut-être qu'après, on s'anesthésie un peu, on devient respectable. Je vous souhaite de ne jamais devenir respectable. Ce serait terrible.

  • Speaker #1

    Ce serait triste en effet, mais je ne pense pas m'orienter vers ça. Si j'aime le respect, j'aime le respect, mais le confort, je m'ennuie toujours au bout d'un moment.

  • Speaker #2

    Vous ne croyez pas que peut-être si on dit trop de bien de vous, vous risquez de vous endormir et de devenir une notable

  • Speaker #1

    quelqu'un qui pérore sur la société mais j'écrirais un roman sur un notable qui s'encanaille dans des caves le soir ou dans des salons chez la Pérouse dans des salons vampiriques allez savoir mais

  • Speaker #2

    il y avait quelque chose c'est vrai, moi j'ai ressenti un peu le même choc qu'en lisant Baisse-moi de Virginie Despens alors est-ce que vous avez pensé à elle tout simplement en vous disant tiens moi mon premier roman aussi je veux qu'il bouscule

  • Speaker #1

    En réalité, pas tellement. Moi, j'aime bien Dépente, mais je vois que le nom de Dépente ressort. Après, c'est un peu une sorte de mode. Dès qu'il y a un jeune qui parle de cul de manière un peu énervée, on crie Dépente.

  • Speaker #2

    On aurait pu citer Lolita Peel, Hell de Lolita Peel.

  • Speaker #1

    Oui, on me l'a dit aussi. Moi, ce que j'aime chez Dépente, c'est qu'il y a une forme, justement, de chasteté. Oui, elle est douce avec ses personnages, je trouve. Elle est fascinée par la violence et par les personnages violents, mais il y a toujours une forme de gentillesse.

  • Speaker #2

    Oui, mais je trouve que vous aussi, les personnages du livre, il y a Estia, qui est une slave très...

  • Speaker #1

    Elle est unéphalique.

  • Speaker #2

    Oui, il y a Loïs, Dalila, Médée, la drag queen.

  • Speaker #1

    tous ces étudiants des beaux-arts vous les regardez avec tendresse quand même Ah oui je les regarde avec tendresse et je les observe alors ils ont quelque chose de triste c'est des personnages qui sont assez tristes qui sont enfermés dans leur atelier ou dans leur désir dans leur corps des sortes de Christ sans foi d'ailleurs c'est pour ça que j'ai choisi des prénoms assez connotés mais ils sont Oui, je les traite, je pense, avec tendresse. C'est Marseille qui s'en prend plein la gueule, bizarrement. Et Marseille... De toute façon, Marseille, c'est elle la carne, oui, c'est la carne du roman.

  • Speaker #2

    La ville sensuelle, sexuelle.

  • Speaker #1

    C'est la ville sexuelle, mais inquiétante. C'est la ville... C'est une ville qui se refuse toujours à celui qui a grandi dedans.

  • Speaker #2

    Qui a grandi dedans, mais aussi aux Parisiens, parce que vous parlez des Parisiens qui débarquent là... Ils repartent. Et qui... C'est drôle.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'ils s'en prennent plein la tronche quand ils arrivent à Marseille. Au début, ils trouvent ça merveilleux. Il y a beaucoup d'espace, de soleil et compagnie. Puis après, ils se prennent le premier pain dans la gueule. Et là, ils comprennent que Marseille est une durée à cuire.

  • Speaker #2

    Mais diriez-vous que vous vous inscrivez dans la tradition qui est très française du roman à la conquête de Paris C'est-à-dire Balzac, Rastignac, Rubinpré qui partent à la conquête de Paris. Votre narratrice a finalement la même démarche que dans tous ses romans, les romans du XIXe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la fameuse montée à Paris. Oui, moi je suis fascinée par les... Alors moi je suis complètement fascinée par les lesbiennes de fin de siècle, début de siècle. Oui. Mireille Havé. Mireille Havé que j'aime profondément, mais Nathalie Clifford-Barné. Ou une autre, alors elle n'était pas lesbienne, mais tout comme, c'est Rachilde. Vous connaissez Rachilde Qui a écrit ce roman merveilleux, Monsieur Vénus, sur une aristo qui débauche un fleuriste et en fait son esclave sexuel. Moi j'adore cet esprit très parisien de Salon qui m'est étranger parce que je ne viens pas de là. Donc il y a une forme de fascination certaine.

  • Speaker #2

    Bienvenue dans un endroit où probablement les personnes que vous citez sont venues.

  • Speaker #1

    Sont sûrement venues et se sont débauchées sur la table.

  • Speaker #2

    Oui, dépravées ici même sur cette nappe. C'est possible. Alors il y a de la dépravation dans votre livre aussi, il y a beaucoup de drogues. Il y a alors des nouvelles drogues, la kétamine, la 3-MMC, le GHB. Toutes ces drogues, personnellement, je n'ai pas eu l'occasion d'expérimenter, mais qui sait Et donc vous parlez en connaissance de cause, ou il y a beaucoup de défonce au beaux-arts de Sergi Pontoise

  • Speaker #1

    La narratrice parle en connaissance de cause, c'est certain. C'est surtout des drogues, le chemsex, des drogues qui permettent d'avoir une vie sexuelle. Parce qu'en réalité, sans ces drogues, il n'y a plus de vie sexuelle. D'ailleurs, on le lit, les jeunes ne baissent plus.

  • Speaker #2

    Oui. Dans ce livre, ils sont obsédés par le sexe. Ils en parlent beaucoup. Je ne sais pas s'ils le pratiquent énormément, mais ça parle de désir tout le temps.

  • Speaker #1

    Ils sont obsédés par leur sexe. Est-ce qu'ils sont obsédés par le sexe Je ne sais pas. Il n'y a pas beaucoup de plaisir. On est sur un rapport assez rugueux à l'autre, à son propre corps.

  • Speaker #2

    Oui, c'est assez étrange même. La narratrice est la fille d'une procureure de la République de Marseille. L'aide est plate. C'est elle qui le dit, ce n'est pas moi. Oui. Est-ce que vous croyez que son désir physique est déformé par la filiation et par le fait qu'elle a vu dans son enfance des photos de crimes

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'elle a grandi avec des dossiers de viol en réunion dans le salon, donc ça rend tout de suite un peu sec. Mais elle... Sa mère, c'est un drôle de personnage. Elle représente la justice, donc elle est en robe noire, elle est très plate. Et en même temps, il y a un côté un peu pervers dans cette mère qui laisse traîner ses dossiers, qui n'éduque pas sa fille, mais qui l'inonde de violence. Oui, c'est un peu bizarre.

  • Speaker #2

    Elle la surprotège, vous croyez Ou au contraire, elle veut l'avertir des dangers de l'existence

  • Speaker #1

    Ah, c'est toute l'ambiguïté de la figure de la mère. Moi, je suis fascinée par les mères. Les tarantules, les mères dévorantes, on parle souvent des pères, vous en savez un rayon. Mais les mères, les mères qui éduquent à la violence, les mères qui dévorent. La relation mère-fille est très compliquée.

  • Speaker #2

    Ah bah oui, très compliquée, très compliquée. Vous venez d'en parler, il y a peu de pères dans le livre. La copine slave, son père est mort. La narratrice n'a pas de père. Enfin, on n'en parle jamais.

  • Speaker #1

    Les pères faillis, un autre thème que j'adore.

  • Speaker #2

    Alors, où sont passés tous les papas

  • Speaker #1

    Le père est mort. Le père n'est plus à la mode. On regarde maintenant la mère.

  • Speaker #2

    C'est pour ça qu'on essaie d'écrire sur les pères, peut-être, parce que justement...

  • Speaker #1

    Pour les remettre.

  • Speaker #2

    Pour savoir où ils sont passés, oui. Est-ce que vous aviez envie de faire scandale comme Sagan avec Bonjour Tristesse Parce qu'on y pense aussi beaucoup à ce premier livre dont Mauriac avait dit, enfin, il avait dit de l'auteur que c'était un monstre charmant. Et moi, je me sens un peu, voilà, je me sens un peu mauriac en vous regardant. Je me dis, il avait l'air de bien l'aimer, sa gant, mais pas trop la comprendre, quoi.

  • Speaker #1

    Vous ne me comprenez pas.

  • Speaker #2

    J'essaie de vous comprendre.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous ne comprenez pas Posez-moi des questions.

  • Speaker #2

    Non mais justement, je vous demande si vous vouliez faire scandale.

  • Speaker #1

    Ah non.

  • Speaker #2

    Non Non. Vous avez l'impression d'écrire un livre totalement inoffensif

  • Speaker #1

    Non, j'avais envie d'écrire sur la honte. Parce qu'il y a beaucoup de honte. C'est un thème littéraire vertigineux, la honte. Ça me fascine. Et sur... J'avais envie de faire des... J'avais envie qu'il y ait des personnages très décevants. Ils sont tous décevants. Ils ne vont pas là où on aimerait qu'ils se rendent. Ils sont décevants.

  • Speaker #2

    Moi, je pense que c'est surtout la forme qui est très originale, à la fois porno mais comique, inventive, expérimentale parfois, mais très littéraire quand même. On sent que vous avez beaucoup lu. L'extrait que vous avez lu montre que vous avez parfois une prose très classique aussi. Où avez-vous trouvé cette musique

  • Speaker #1

    J'adore lire, ça c'est sûr. Moi, j'étais étudiante au Beaux-Arts, je me faisais chier. Puis j'étais surtout extrêmement mauvaise. Oui,

  • Speaker #2

    parce que vous vouliez être peintre.

  • Speaker #1

    Je voulais être peintre, ça ne marchait pas du tout.

  • Speaker #2

    C'est un échec total Un échec total.

  • Speaker #1

    J'étais vraiment particulièrement mauvaise à cet exercice. Je dessinais des araignées à l'encre de Chine à longueur de journée, quand je devenais folle. Oui. Donc j'ai arrêté ça et je me suis mise à lire attentivement.

  • Speaker #2

    Avec la même encre que vous vous êtes mis à peindre, mais peindre avec des mots.

  • Speaker #1

    Je me suis mis à peindre avec des mots. D'ailleurs, je parle des insectes parce que ça me fascine la figure de l'insecte. J'ai commencé par travailler sur l'omniprésence des insectes dans la littérature de Dostoevsky. Un thème qui fait chier tout le monde.

  • Speaker #2

    J'en vois plus chez Kafka.

  • Speaker #1

    Il y en a plus chez Kafka, mais chez Dostoevsky, c'est assez vertigineux. Il y a des cafards partout. Dans les frères Karamazov, à chaque page, des cafards. Le père, d'ailleurs, qui déteste...

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y avait plus d'insectes Il y avait moins de dératisation qu'aujourd'hui, peut-être.

  • Speaker #1

    Peut-être aussi. Oui,

  • Speaker #2

    c'est l'époque, puis la Russie de l'époque il devait y en avoir partout Donc vous travaillez dans une émission de France Culture qui s'appelle Mauvais Genre Est-ce que ça aussi, ça peut être déteint sur votre manuscrit

  • Speaker #1

    Oui, à Mauvais Genre on est amené à avoir de très mauvaises fréquentations Voilà,

  • Speaker #2

    c'est ça L'animateur François Angelier François Angelier, tout à fait Un vieux dégoûtant que je connais un peu Il est très chaste,

  • Speaker #1

    si vous savez Mais surtout nos invités, oh là là, nos invités Oui C'est bien que France Culture persiste avec sa tour d'ivoire mauvais genre. Oui. Parce qu'on invite des fous furieux.

  • Speaker #2

    Il y a deux endroits où, à France Culture, qui sont un peu à part. Il y a Réplique, à l'Afrique et le Crote, et il y a Mauvais Genre. Vous êtes passé. Oui, voilà. Ah oui, trois fois. Non, ils invitent n'importe qui. C'est des endroits où, vraiment... Bon, non, sur le fond, Carnes est un roman sur la violence et le sexe. Vous n'arrivez jamais à dissocier les deux. Vous êtes comme le marquis de Sade. Ah bah oui, vos personnages sont des femmes qui jouent avec le désir des hommes et qui refusent d'en avoir peur. C'est ça qui est original.

  • Speaker #1

    Oui, elles refusent d'en avoir peur, c'est les maîtresses, c'est les dominas du livre. Oui. Elles sont infiniment plus violentes que les hommes, d'ailleurs il y a très peu d'hommes dans le roman. Et c'est des figures bizarres de femmes à la fois puissantes, inquiétantes, souveraines, mauvaises. Et malicieuse. La malice, c'est ça, c'est la nature mauvaise. Il y a quelque chose d'un peu pervers, oui, c'est vrai.

  • Speaker #2

    Et diriez-vous que ce sont des femmes puissantes

  • Speaker #1

    Oui, ce sont des femmes puissantes. Mais ce sont des femmes qui, pour exercer leur puissance, passent par la violence. Et se mettent aussi parfois des bâtons dans les roues. C'est ça qu'on dit

  • Speaker #2

    J'ai eu peur. Est-ce que vous diriez que c'est un roman post-MeToo

  • Speaker #1

    Honnêtement, ce n'est pas une question qui m'a travaillée lorsque je l'ai écrit.

  • Speaker #2

    Vous l'avez écrit après puisque Me Too c'est 2017.

  • Speaker #1

    Actuellement parlant, c'est post-Me Too. Donc il y a des figures d'hommes en disgrâce, en déchéance. Mais c'est un roman de femmes, de carnes.

  • Speaker #2

    Oui. Non mais je dis ça parce que vous disiez vous-même qu'on essayait de vous embarquer, peut-être de vous embringuer dans le féminisme. Il y a deux sortes de féminisme. Il y a un féminisme très puritain, à la Sandrine Rousseau, pour caricaturer. Tous les hommes sont des porcs. Et puis, il y a un féminisme pro-sexe, pro-travailleuse du sexe, tout ça, qui est présent dans ce livre-là. C'est plutôt ça. Si jamais on vous embringue quelque part.

  • Speaker #1

    Moi, je regarde où on m'embringue, mais je ne dis rien. Parce que j'aime la littérature, je n'ai pas envie de parler de ça. C'est la littérature qui m'intéresse. J'avais une idée très précise des personnages féminins que je voulais et les voilà. Les femmes terribles.

  • Speaker #2

    Les femmes terribles. Donc, je n'arriverai pas à vous récupérer. Ok, très bien.

  • Speaker #1

    Je sais que vous essayez, j'ai vu ça.

  • Speaker #2

    Non, mais par exemple, quand vous citez Mireille Havet, le journal de Mireille Havet, qui était un bijou, en 1919, elle écrit Suis-je difforme ou sale Alors, je vous pose la question de Mireille Havet. Êtes-vous difforme ou sale

  • Speaker #1

    Un peu des deux, moitié-moitié, comme on dit à Marseille. Mireille Havé, c'est une figure fascinante parce qu'elle est à la fois... On essaie de la récupérer dans la mouvance de Colette et de toutes ces lesbiennes du début du siècle.

  • Speaker #2

    Oui, on a oublié tout à l'heure de citer Colette.

  • Speaker #1

    De citer Colette.

  • Speaker #2

    Mais qui était bisexuelle.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Mais Mireille Havé est très étrange parce qu'elle, par exemple, elle regarde les femmes. Elle passe son temps à mater les femmes dans la rue. Donc, elle n'avait pas un rond. Elle se mettait... Elle se mettait à la terrasse de café, puis elle regardait les baronnes qui passaient. Et elle les matait. Mais quand on voit les passages de son journal sur les femmes, c'est atroce. C'est atroce.

  • Speaker #2

    Dans votre livre aussi, vous êtes très voyeuriste. Et on a l'impression que vous regardez plus les femmes que les hommes.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #2

    Pour se comparer ou pour les admirer, tout simplement. Est-ce que vous... Alors, je continue à poser des questions de vieux à une jeune. Est-ce que vous écrivez pour échapper aux leçons de morale

  • Speaker #1

    Ah oui, sûrement.

  • Speaker #2

    C'est ce qu'on sent. On sent que vous êtes beaucoup plus libre que l'époque. C'est presque interdit d'écrire aujourd'hui aussi librement.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est pour ça que la réception assez joyeuse de plusieurs personnes qui ne pensent pas la même chose me dit qu'on est quand même sauvés. Oui,

  • Speaker #2

    vous êtes une bonne nouvelle en fait. Vous avez une bonne nouvelle et j'ai l'impression qu'on est tous des vieux ringards qui essaient, qui ne veulent pas l'être. Et pour ne pas être ringard, il faut aimer votre livre en ce moment. Oui, c'est ça. J'ai l'impression que c'est ça.

  • Speaker #1

    Mais là, je m'inquiète parce que si ça commence à faire l'unanimité, c'est que c'est extrêmement mauvais.

  • Speaker #2

    C'est inquiétant. Faites attention à vous. D'ailleurs, vous citez des wokistes bien connus, Geoffroy de Laganerie et Paul Preciado. Alors, je n'ai pas compris si vous les citiez pour vous en moquer. ou pour dire je suis au courant de votre existence

  • Speaker #1

    Encore une fois, on ne sait pas. Le trouble est là. Je les ai citées.

  • Speaker #2

    Elle est très forte. On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. Vous savez, vous savez,

  • Speaker #1

    bien sûr. J'essaye de serpenter entre vos tentatives de m'amener à un endroit. Pourquoi je les cite Parce que déjà, c'est des... Enfin, pas préciado, mais... La Gamerie, c'était un professeur au Beaux-Arts de Sergis.

  • Speaker #2

    Donc, il était votre prof

  • Speaker #1

    Il était mon prof. Il donnait des cours sur l'amitié.

  • Speaker #2

    Mais il fait l'éloge de l'amitié, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Il fait l'éloge de l'amitié.

  • Speaker #2

    La solution pour échapper à la famille, c'est l'amitié. C'est de créer sa propre famille. C'est intéressant comme théorie.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, oui. Je ne partage pas forcément son opinion, mais c'est intéressant.

  • Speaker #2

    Elle est vraiment très à droite, cette invitée Esther Teilhard. Je vous recommande la lecture de son livre. Et nous allons passer au grand jeu. Devine tes citations, Esther.

  • Speaker #1

    Je n'ai qu'un livre commentaire.

  • Speaker #2

    Ça va être très bizarre, puisque vous devez deviner dans quel livre. Vous avez écrit cette phrase. C'est très difficile. Attention, vous êtes un peu blonde.

  • Speaker #1

    Vous êtes un peu bête. Oui.

  • Speaker #2

    Alors, votre livre, d'ailleurs, collectionne, on appelle ça les punchlines aujourd'hui. Pour moi, ce sont des aphorismes. Mais on va en lire quelques-unes. Et donc, vous me dites, dans quel livre vous avez écrit ceci C'est très difficile.

  • Speaker #1

    Ça va être compliqué,

  • Speaker #2

    oui. Elles sont sûres d'elles, comme des femmes qui se sont lavées les cheveux le matin. Donc, dans quel livre C'est tout à fait ça, c'est dans Carnes en 2025. Alors, sur Del comme des femmes qui se sont lavé les cheveux le matin, ça veut dire qu'on peut aujourd'hui être militante et propre.

  • Speaker #1

    Vous êtes drôle. Oui, je pense.

  • Speaker #2

    Non, mais féministe avec féminité.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #2

    C'est ça, vous y croyez à ça. Oui, mais c'est intéressant. C'est important. Vous pensez qu'on a le droit... Euh... D'être engagée et jolie

  • Speaker #1

    Mais, vos questions, franchement, Frédéric, ce n'est pas possible.

  • Speaker #2

    C'est des questions... Enfin C'est des questions minables. Enfin Une autre phrase de vous. Dans quel livre avez-vous écrit ceci Je rappelle qu'elle n'en a écrit qu'un. J'ai un avis radical. Les femmes sont soit désirables, soit imbaisables.

  • Speaker #1

    Il me semble que c'est carné.

  • Speaker #2

    Mais vous n'êtes... Enfin, franchement, là, vous pensez comme un vieux macho. Les femmes sont soit désirables, soit imbéciles.

  • Speaker #1

    Je pense comme une carne.

  • Speaker #2

    Je suis désolé. Mais vous le faites, parce que moi j'ai une théorie.

  • Speaker #1

    J'adore les théories,

  • Speaker #2

    dites-moi. Ma théorie du oui-non, c'est que chaque fois qu'on croise...

  • Speaker #0

    Pour un hétéro, c'est une femme. On se demande est-ce que oui ou non, ce serait possible ou pas. Et donc, vous faites ce jeu, vous, quand vous croisez des gens, hommes ou femmes, vous dites est-ce que oui, est-ce que non

  • Speaker #1

    Moi, je fais le jeu de l'île déserte. J'ai une théorie. Donc en fait, je regarde les gens passer et je les imagine sur une île déserte. Ah,

  • Speaker #0

    si vous n'aviez pas le choix.

  • Speaker #1

    Voilà, donc si je n'avais pas le choix, nu, sans artifice aucun. Et j'essaye de voir s'ils résistent au décor un peu âpre. Et peu de gens à Paris résistent, alors qu'à Marseille, presque tout le monde y résiste.

  • Speaker #0

    Ah, vous voulez dire qu'à Marseille, les gens sont imbaisables

  • Speaker #1

    Ah non, mais justement, quand on résiste à la théorie du désert...

  • Speaker #0

    Ah oui, résister, vous voulez dire au sens où passer le test. Voilà,

  • Speaker #1

    on passe le test, là on est tout à fait aptes.

  • Speaker #0

    Donc à Marseille, les gens sont plus désirables qu'à Paris, c'est ça que vous dites

  • Speaker #1

    C'est une autre forme de désir, mais c'est...

  • Speaker #0

    Parce que le Parisien a besoin d'être habillé.

  • Speaker #1

    Oui, il se farde, il se farde. Regardez où on est. On est fardés nous aussi.

  • Speaker #0

    Oui, il a besoin d'avoir sa veste, sa cravate ou son pull col roulé d'intellectuel de gauche. Bon, bref, non, plus sérieusement, la phrase, les femmes sont soit désirables, soit imbaisables, c'est une phrase qui veut dire que la femme n'arrive pas à sortir de cette emprise du désir des autres. Vous n'arrivez pas à échapper à ça Vous croyez Même votre génération

  • Speaker #1

    On est sans cesse ramené à ça, c'est certain. On peut s'en détourner en étant amoral et en écrivant des livres carnassiers. Peut-être que c'est une manière d'échapper à cette espèce de dictate.

  • Speaker #0

    Oui, c'est dingue parce qu'après toutes ces luttes, tous ces combats pour sortir de ça, le désir masculin ou le désir féminin réduit la femme quand même encore à être un corps. Est-ce que c'est un des messages secrets de votre livre Puisque le titre, c'est Karn.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Il y a de ça. Après, regardez le personnage de Noé. Je le regarde comme un corps. C'est un abo, c'est tout.

  • Speaker #0

    Alors, on continue les phrases. Donc, vous devez deviner dans lequel de votre unique livre vous avez écrit ceci. La moustache, c'est la nouvelle planque pour les mecs à physique sans plus. C'est dans Carnes. Oui, c'est dans Carnes. Ça, c'est très drôle, évidemment. C'est vrai qu'il y a beaucoup de mecs avec des moustaches maintenant.

  • Speaker #1

    C'est pratique parce qu'on regarde ça et puis on ne regarde plus le reste. Oui,

  • Speaker #0

    voilà.

  • Speaker #1

    C'est une distraction.

  • Speaker #0

    Diriez-vous que la barbe, c'est pareil

  • Speaker #1

    La barbe a une tradition un peu plus ancienne que je respecte.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, ce n'est pas un truc de mecs sans plus qui se laissent pousser la barbe pour être...

  • Speaker #1

    Il y a barbe et barbe. Parce que la barbe trop taillée, trop... Trop entretenue et assez terrifiante, je trouve.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est vrai, je suis d'accord.

  • Speaker #1

    C'est assez angoissant, vous voyez ces hommes, la barbe triangle.

  • Speaker #0

    La barbe trop étudiée, trop, oui je suis d'accord. Ah, maintenant parlons des lunettes. Vous dites les lunettes carrées, et c'est une phrase qui revient plusieurs fois, au moins trois ou quatre fois, comme un refrain. Les lunettes carrées rendent les filles sexuelles. Je suis, je comprends, mais pourquoi carrées Parce que les lunettes, quelles qu'elles soient...

  • Speaker #1

    Ronds, ça change tout.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Ronds, ça fait binoclarde. Carré, c'est autre chose.

  • Speaker #0

    On peut peut-être tester. J'ai des lunettes carrées ici.

  • Speaker #1

    Je ne mettrai pas vos lunettes.

  • Speaker #0

    Vous ne devez pas les mettre. Je refuse. D'accord.

  • Speaker #1

    Ouvertement.

  • Speaker #0

    Non, mais je vois que là, c'est là où on voit que vous êtes une nouvelle génération qui ne se laisse pas faire. Bien sûr. C'est très bien. Dernière phrase de vous. Dans lequel de votre unique livre, vous avez écrit ceci J'aime pas ce genre de gueule, elle donne soif. Oui, oui. Ça, c'est très bien, ça. C'est bien trouvé.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de physique qui donne soif.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Ça se voit souvent dans les bouches tombantes un peu mesquines. On voit la mesquinerie des gens sur leur visage.

  • Speaker #0

    Ah, ça, vous êtes d'accord, et Balzac. Ah oui, oui. La morphopsychologie.

  • Speaker #1

    Mais ça arrive une fois sur cent qu'un visage nous trompe. Ça m'est arrivé récemment. Oui. Un visage très rond, très charnu.

  • Speaker #0

    Je voulais dire qui avait l'air aimable et gentil. Oui,

  • Speaker #1

    qui avait l'air plein de générosité et qui était en réalité.

  • Speaker #0

    Un salaud. Très sec. Ah oui. Intérieurement, oui, vous êtes...

  • Speaker #1

    Rongé intérieurement, oui. Ah oui, d'accord. Mais c'est rare. En général, on voit à certains traits les mœurs.

  • Speaker #0

    On voit l'aigreur des gens. Oui, oui. Moi, par exemple, on voit que je suis dans un état de délabrement intérieur au fond.

  • Speaker #1

    En disgrâce.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, on voit ça. Et alors, vous êtes d'accord avec Hemingway, parce que Ernest Hemingway buvait pour oublier les cons. Et c'est un peu ce que vous dites là, avec cette phrase, les gueules qui donnent soif. Bon, bravo en tout cas pour ce livre, c'est formidable, je suis très très épaté. Je vous remercie beaucoup. Nous avons un autre questionnaire important, je vous ai envoyé les questions à l'avance.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai pensé, je les ai en tête.

  • Speaker #0

    Vous avez tout réfléchi, parfait. Alors, les conseils de lecture, parce que c'est pas parce que vous n'avez écrit qu'un livre que vous n'avez pas énormément lu, ça se sent vraiment en lisant Carnes. Et donc, j'aimerais bien avoir vos lumières, un livre qui donne envie de pleurer, par exemple.

  • Speaker #1

    Mars de Fritz Zorn. Un livre qui est affreux sur les dommages de l'éducation bourgeoise. Un homme qui se fait bousiller par sa famille et qui en meurt, parce qu'il meurt d'un cancer.

  • Speaker #0

    Oui, et il ne cesse de dire que c'est sa famille qui lui a donné le cancer. Un livre pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #1

    Un livre pour arrêter de pleurer, je dirais... On parlait de Rachel, de Monsieur Vénus. Sur cet aristo qui soumet un pauvre fleuriste et en fait son esclave sexuel. C'est très, très drôle. C'est excellent. Ah oui. C'est excellent.

  • Speaker #0

    Un livre pour s'ennuyer

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer J'ai lu récemment Le Vent de Claude Simon. Alors, c'est très, très bon, mais c'est très, très chiant.

  • Speaker #0

    Ah Vous êtes d'accord avec Eric Neuf, qui a aussi cité Claude Simon à cette question. Vous êtes plusieurs, alors. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. C'est... C'est un livre sur un personnage qui déçoit tout le monde, qui ne prend pas l'amour quand il est sous ses yeux. Ça devrait vous plaire. Ah mais j'adore, j'ai adoré ce livre. Par contre,

  • Speaker #0

    c'est lent et c'est chiant,

  • Speaker #1

    mais c'est bien.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est emmerdant, mais on est content de s'emmerder.

  • Speaker #1

    C'est une autre manière de se faire tabasser à la lecture.

  • Speaker #0

    Un livre pour crâner dans la rue

  • Speaker #1

    L'œuvre au noir de Yur Sonar, parce que c'est... Oui, c'est Yursenard, donc c'est très chic, très dur à pénétrer en même temps.

  • Speaker #0

    Puis c'est médiéval.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est médiéval, c'est mystérieux, c'est élitiste.

  • Speaker #0

    Un livre qui rend intelligent

  • Speaker #1

    Les Frères Karamazov. Ça rend intelligent, ça rend très seul, ça rend très triste, mais ça rend profondément...

  • Speaker #0

    C'est courageux de citer les Russes en ce moment en plus. Voilà, allons-y. Un livre pour séduire Peut-être qu'on laisse traîner sur sa table de chevet, vous voyez, pour...

  • Speaker #1

    Oui, le pur et l'impur de Colette. Ah L'alcool, l'opium, le sexe.

  • Speaker #0

    Ça commence dans une fumerie d'opiole. Oui,

  • Speaker #1

    oui, c'est parfait, ça. Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et puis, il y a beaucoup de femmes qui simulent. Ça, c'est très bien.

  • Speaker #1

    C'est parfait.

  • Speaker #0

    Un livre que je regrette d'avoir lu.

  • Speaker #1

    Alors, je regrette d'avoir lu La Baie de Huysmans, parce que j'aimerais le redécouvrir. J'aimerais avoir le plaisir d'être vierge de ce livre. Oui. C'est tellement bien. Oui.

  • Speaker #0

    C'est merveilleux. Oui, je vous vois bien d'ailleurs entrer au couvent après avoir écrit Carme.

  • Speaker #1

    J'y songe.

  • Speaker #0

    Voilà. J'y songe. Chez les Carmelites.

  • Speaker #1

    L'austérité,

  • Speaker #0

    j'adore l'austérité. Obligé de se taire pendant le restant de vos jours. Non, on ne souhaite pas ça. Un livre que je fais semblant d'avoir fini. Question de Gaëlle Fay.

  • Speaker #1

    Je fais semblant d'avoir fini La chère troce de Parne, qui est... Tiens. Oui, qui est un immense roman, mais les passages de guerre napoléonienne ont eu raison de moi.

  • Speaker #0

    Mais pourtant, ça va bientôt redevenir d'actualité.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Le livre que j'aurais aimé écrire, je suppose que c'est le journal de Mireille Havé.

  • Speaker #1

    Oui, ou bien Disgrace de Cuddy, j'aurais aimé écrire un livre pareil.

  • Speaker #0

    Un livre sur un type vraiment qui est dans la...

  • Speaker #1

    Sur une figure de chute, une figure de faim, un homme en déchéance totale.

  • Speaker #0

    Et enfin, quel est le pire livre que vous ayez jamais lu de votre vie, Esther Theillard

  • Speaker #1

    Vengeance Tchétchène de Gérard de Villiers.

  • Speaker #0

    Un SAS Oui. C'est bien un SAS.

  • Speaker #1

    Non, les couvertures sont bien.

  • Speaker #0

    Oui, les couvertures sont bien, mais l'intérieur, moins.

  • Speaker #1

    Le contenu est quand même franchement assez naze.

  • Speaker #0

    Oui. OK. Merci beaucoup. Ah oui, il y avait aussi le livre que vous lisez en ce moment.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que je lis en ce moment Je lis Fou de Vincent d'Hervé Guibert. Un livre sur l'obsession amoureuse. de Guybert pour un adolescent.

  • Speaker #0

    Oui, attendez, c'est un livre totalement incorrect. L'adolescent a probablement 14 ans. 14 ou 15 ans. Hervé Guybert, qui est aujourd'hui une statue du commandeur très respectée, ce livre-là... Je pense que... Ah, vous êtes d'accord avec moi, c'est un livre de pédophile.

  • Speaker #1

    Il est trouble, il est trouble.

  • Speaker #0

    Bon, enfin, écoutez, c'est intéressant de lire Hervé Guibert malgré cela. Merci beaucoup, Esther Teilhard. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, bien sûr, le magazine des Haribo, les Aristoboèmes, dans la déchéance totale. Je rappelle qu'il faut lire absolument le premier roman d'Esther Teilhard, Carnes. publié aux éditions Pauvert, qui est un grand éditeur malsain.

  • Speaker #1

    Oui, on n'a pas parlé de Pauvert,

  • Speaker #0

    c'est dommage. Mais oui, c'est dommage. Mais parlons-en. Pauvert, grande maison. Jean-Jacques Pauvert était l'éditeur du Marquis de Sade. C'est pour ça que je l'ai cité. Le sexe et la violence indissolublement liés. C'est épouvantable et c'est la nature. Selon le Marquis de Sade. Ce n'est pas moi qui dis ça. Ouh là, ni vous. Attention. Merci donc au Figaro TV pour la réalisation et surtout n'oubliez pas, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot, ce serait quand même dommage. Merci.

Description

"CARNES", le premier roman dont on cause, est libre, provocateur et joyeusement insupportable. Comme son auteur ! Je remercie Esther Teillard d'avoir accepté de dialoguer avec un mâle blanc sur le désir féminin et masculin, la puissance des cagoles et la disgrâce des vieux dégueulasses.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    TAC désigne en anglais les piliers de la mer, détachés de la côte. Des trottas aux capornes, ces sentinelles de roches se dressent par milliers devant les falaises côtières. Sylvain Tesson Qui êtes-vous, tour de la haute mer Tout bouge autour de nous, vous ne reculez pas. Je veux me balancer dans les vagues, grimper ses aiguilles au milieu des oiseaux. Je pars vous escalader, dernier refuge de la beauté.

  • Speaker #1

    Les piliers de la mer, le nouveau livre événement de Sylvain Tesson, chez Albin Michel.

  • Speaker #2

    Bonsoir à toi et bienvenue chez La Pérouse pour une nouvelle conversation avec ce soir Esther Teilhard pour son livre Carnes, publié aux éditions

  • Speaker #1

    Le Vert.

  • Speaker #2

    C'était très bien, vous l'avez très bien fait. Bravo, je vous remercie. L'émission se termine, à bientôt. Au revoir. Au revoir.

  • Speaker #1

    Et terrasse.

  • Speaker #2

    Esther Theia, vous êtes la sensation de ce début d'année 2025. J'ai moi-même dit beaucoup de bien de vous dans le Figaro magazine. Et je pourrais d'ailleurs m'auto-lire. Et ainsi, vous pourriez répondre à ce texte, me dire si j'ai fait n'importe quoi. Parce qu'il y a peut-être des passages qui vous ont déplu. Après tout, on ne peut jamais répondre aux critiques. Alors, voilà l'occasion de le faire.

  • Speaker #1

    Je vous en prie, allez-y.

  • Speaker #2

    Carnes est le premier roman qui décoiffe cette rentrée hivernale. chaque phrase de ce livre est un coup de poing. En temps normal, c'est tout ce que je déteste, parce que le lecteur n'est pas un punching ball.

  • Speaker #1

    Le lecteur est masochiste, il adore se faire martyriser.

  • Speaker #2

    Bon, c'est vrai. La littérature s'ennuie, il était temps qu'un roman la réveille en sursaut. La littérature actuelle est en passe de devenir un mur des lamentations, un concours de complaintes.

  • Speaker #1

    C'est d'accord,

  • Speaker #2

    oui. Le marché aux traumatisés. Vous êtes d'accord avec ça Bien sûr. Vous auriez pu être vous-même une victime dans ce livre.

  • Speaker #1

    La narratrice,

  • Speaker #2

    vous voulez Oui, pas vous, la narratrice, oui. Elle aurait pu se plaindre davantage.

  • Speaker #1

    C'est toute l'ambiguïté de ma narratrice. C'est qu'elle est à la fois victime des situations des personnes et en même temps, elle y retourne. Moi, j'adore ces personnages un peu bizarres qui sont à la fois victimaires et en même temps un peu veules. Vous voyez ces victimes qui retournent toujours.

  • Speaker #2

    Oui, c'est très ambigu comme livre. C'est pour ça que d'ailleurs, la gauche comme la droite saluent. La droite parle de votre style. C'est l'ignin et puis la gauche essaie de vous embarquer dans un féminisme doloriste, alors que pas du tout en fait. On va en parler pendant toute l'heure, mais il me semble que le livre justement ne choisit aucun camp.

  • Speaker #1

    Ah oui, le livre regarde, il observe avec un œil un peu carnassier, mais il ne dit rien, on ne sait rien de ce que la narratrice pense. On ne sait rien du tout.

  • Speaker #2

    Je continue de lire pour que vous puissiez me répondre

  • Speaker #1

    Allez-y.

  • Speaker #2

    Comment ne pas être reconnaissant envers la jeune Esther Teilhard, 23 ans, de rejouer enfin le rôle du charmant monstre qui sème le trouble dans le landerneau des lettres endormies Je vous remercie pour ça parce que j'adore les monstres.

  • Speaker #1

    Dracula est mon idéal absolu. Les monstres nous sauveront, je pense.

  • Speaker #2

    Pourquoi Dracula Parce qu'il est éternellement jeune

  • Speaker #1

    Il est éternellement jeune, il est éternellement seul, il est profondément romantique, Dracula. Puis il est dépressif et amoureux de l'amour et personne ne comprend Dracula.

  • Speaker #2

    Mais rassurez-moi, vous n'avez pas l'intention de sucer le sang de jeunes vierges.

  • Speaker #1

    Ça, ça me regarde.

  • Speaker #2

    Oui. Alors, vous ne pouvez pas être un vampire car on tourne en plein jour, vous voyez, on enregistre et il fait jour. C'est vrai. Donc, c'est un peu... Voilà, Dracula n'aurait pas supporté l'horaire de tournage, d'enregistrement de cette émission. Je continue. Carnes, qu'est-ce que c'est Elle divague autour de l'itinéraire sexuel d'une étudiante au Beaux-Arts de Sergy qui a quitté Marseille pour Belleville. J'ai 18 ans, j'habite au milieu des vieilles putes chinoises du boulevard de la Villette. On dirait Guerre de Céline en mini-jupe de cagole.

  • Speaker #1

    Ça, j'adore. Ça, j'ai adoré, Frédéric. Je vous remercie pour ça.

  • Speaker #2

    J'ai entendu dire que vous aviez choisi la couleur du livre parce que c'est couleur auto-bronzant.

  • Speaker #1

    Ces couleurs jaune cagole, jaune cheddar, jaune pisse, qui est la première teinte du roman.

  • Speaker #2

    Pourquoi cet éloge des cagoles Les cagoles sont souvent, c'est un terme plutôt dépréciatif, et pour vous c'est élogieux

  • Speaker #1

    Parce que je trouve que les cagoles sont assez honnêtes. Finalement, elles ne sont pas tant dans la posture que ça. La narratrice arrive à Paris où tout le monde... Tout le monde est dans une certaine posture, tout le monde revendique sa personne, son identité. Et la cagole avec qui elle a grandi a quelque chose de très brut de tôle, de très sincère. Donc elle aime la cagole, mais aussi parce que la cagole la rejette. Les cagoles détestent les autres femmes. Elle les voit comme des révèles. Donc elle essaye sans cesse de plaire à ces cagoles qui ne la regarderont, qui ne la regarderont jamais.

  • Speaker #2

    Et puis ensuite, une fois à Paris, elle essaye de plaire aux bobos. Ou aux hipsters, ou aux étudiants des beaux-arts de Sergi Pontoise, d'ailleurs, se sont tournés en dérision. Je ne sais pas s'ils ont apprécié ou pas.

  • Speaker #1

    Oui, pas beaucoup, mais en réalité, tout le monde s'en prend un peu plein son grade, la narratrice en premier.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #1

    oui. Mais premier, il n'y a personne d'épargné, donc au final, c'est assez juste, je trouve.

  • Speaker #2

    Alors, en dehors des cagoles, le titre, Carnes, est-ce que c'est un compliment ou une injure

  • Speaker #1

    Tout dépend. En général, quand on se fait traiter de carne, c'est plutôt péjoratif.

  • Speaker #2

    Moi, par exemple, je me considère comme une vieille carne.

  • Speaker #1

    Vous avez quelque chose de la carne, c'est peut-être les cheveux. Oui. Il y a à voir avec le mouvement capillaire dans la carne.

  • Speaker #2

    Mais on peut avoir 23 ans et être une carne quand même.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Surtout quand on a grandi dans une ville comme Marseille qui est la carne en personne. C'est une vraie connaisse.

  • Speaker #2

    Carne, ça veut dire viande. Ça veut dire que vous êtes une sorte de... Oui,

  • Speaker #1

    une viande puante. C'est pas une belle viande.

  • Speaker #2

    Faisons des... Faisant D à 23 ans déjà, c'est ça

  • Speaker #1

    Misére.

  • Speaker #2

    Non mais, vous êtes plutôt une caïra vous, non Une caïra Ouais, je sais pas.

  • Speaker #1

    Ah bah tiens, si vous le dites, pourquoi pas, j'adore.

  • Speaker #2

    Non mais, vous êtes née en 2002.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #2

    2001. 2001, donc le terme exact, c'est millénial ou génération Z Je sais pas,

  • Speaker #1

    je crois que c'est millénial, mais ça me déprime. Ne me dites pas ça, ça me déprime.

  • Speaker #2

    Non, parce qu'il y a déjà d'autres générations depuis. Il y a les générations Alpha, Beta, enfin bref. Je ne m'y retrouve plus. Mais je rappelle que Carnes était le titre d'un film de Gaspard Noé de

  • Speaker #1

    1991. Son premier film,

  • Speaker #2

    oui. Son premier film qui était très violent et qui était l'histoire d'un boucher.

  • Speaker #1

    Je crois, oui, je l'ai vu il y a longtemps. Ça m'a un peu ennuyé, d'ailleurs.

  • Speaker #2

    Le personnage principal de votre roman s'appelle Noé, comme Gaspard Noé. Donc, il doit y avoir un hommage quelque part.

  • Speaker #1

    Un hommage, et puis non, c'est un hommage de taille, parce que Gaspard Noé n'est pas très grand, et l'homme est assez petit. Moi, je suis fascinée par les nabots.

  • Speaker #2

    Il va être content, Gaspard Il va être ravi. Gaspard, je te salue. Moi, je suis un fanatique de son œuvre et de ses films très radicaux, et je pensais que vous vouliez lui rendre hommage.

  • Speaker #1

    Si, si, en partie. Moi, j'aime beaucoup aussi Gaspard Noé. Mais le personnage de Noé, c'est une caricature d'un homme passionné par... Par Gaspard Noé, par Bataille, seul dans son appartement de la rive gauche en train d'écrire ses saloperies dans son coin.

  • Speaker #2

    Oui, alors bon, c'est un personnage d'écrivain d'un certain âge. Évidemment, je l'ai pris très personnellement tout de suite. Et je vais vous demander de lire la page 53 qui, il me semble, décrit très bien ce style d'homme.

  • Speaker #1

    D'accord. Il est à l'âge... où l'on ne rencontre plus. Il est condamné à vivre avec des gens qu'il a déjà rencontrés, qu'il a eu le temps d'aimer et de ne plus aimer, sur lesquels il a fantasmé, puis défantasmé. Des gens qui passent leur temps à comparer sa gueule d'avant à sa gueule de maintenant. Il est condamné à être scruté par tous. C'est le destin des hommes qui ont été puissants et ne le sont plus. Le mieux, c'est d'être moyen sur la durée, de vieillir à long terme, de ne jamais connaître ni la grâce, ni la disgrâce, d'être constant. C'est la seule manière de survivre à la vieillesse.

  • Speaker #2

    Voilà, alors comment on peut savoir tout ça à votre âge C'est ça que je... Il y a un mystère pour moi.

  • Speaker #1

    Il y a un mystère Non, moi je suis passionnée par la littérature de la disgrâce. J'adore les figures d'hommes en train de s'enfoncer dans leur âge et dans leur temps et qui ne correspondent plus à rien. La tâche de Philippe Roth, c'est un des romans les plus merveilleux à ce sujet. Et un autre roman d'ailleurs que j'adore, c'est Disgrâce de Cuddy.

  • Speaker #2

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est un roman fascinant.

  • Speaker #2

    Les deux ont en commun que c'est un prof, le héros, il semble.

  • Speaker #1

    C'est un prof émérite de littérature qui se fait zigouiller par un scandale d'agression sexuelle et qui se retrouve en disgrâce totale et à rebours dans son temps. Moi, j'adore les personnages comme ça. C'est des personnages qui me fascinent littérairement parlant.

  • Speaker #2

    De mémoire de critique littéraire, j'ai commencé en 1985, ça fait 40 ans dans les dents. Je n'ai jamais vu un premier roman accueilli aussi unanimement. que le vôtre. Télérama, Libé, Le Monde, Le Figaro, France Inter, Le Point, Le Nouvel Obs sont d'accord. Ce qui n'existe pas, puisqu'ils se détestent entre eux, normalement. Tous ces gens qui se haïssent saluent tous votre livre. Alors, est-ce que vous vous attendiez à un accueil pareil Et quelle est l'explication de ce miracle

  • Speaker #1

    Alors, pas du tout. Pas du tout. Moi, je déboule de mon Marseille avec mes 23 ans. Et je suis très étonnée d'ailleurs, je ne pensais pas que c'était possible. La raison pour laquelle ça fait sens pour toutes ces personnes, honnêtement, j'en ai aucune idée. Je pense que chacun s'approprie un peu quelque chose et il voit son combat. Donc c'est assez amusant à observer, puisque parfois on me revendique des pensées ou des idéaux que je n'ai pas, ou vice-versa. Donc je regarde et ça m'a beaucoup fait rire.

  • Speaker #2

    Oui, en fait, c'est comme si on avait... On réussit à tous s'accorder sur le besoin de violence. On a besoin que la littérature secoue le lecteur et réveille les consciences. Et qu'un livre, par sa brutalité peut-être, par son style, son écriture, sorte un peu de la léthargie, ce milieu. Et donc c'est tombé sur vous.

  • Speaker #1

    C'est tombé sur moi. Je ne sais pas si c'est... On me parle d'une forme d'insolence, je ne me retrouve pas tellement dans ça. Je pense que l'insolence est une forme détournée de chasteté et que c'est un roman qui est en réalité assez chaste, qui ne dit pas grand-chose.

  • Speaker #2

    Chaste, alors ça ne saute pas aux yeux.

  • Speaker #1

    Ça ne saute pas aux yeux parce que le langage...

  • Speaker #2

    Il y a beaucoup de sexe et même de pornographie par moment.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a bite et chatte à chaque page, ce qui a posé problème d'ailleurs. Pour la quatrième de couverture, parce qu'on ne savait pas quoi mettre.

  • Speaker #2

    Il y a des phrases sans ces mots-là. Mais c'est vrai que... Dans mon article un peu plus loin, je disais que vous éclipsiez Lola Lafon, par exemple. Lola Lafon, c'est un écrivain qui écrivait comme vous à votre âge. Mais avec le succès, peut-être qu'après, on s'anesthésie un peu, on devient respectable. Je vous souhaite de ne jamais devenir respectable. Ce serait terrible.

  • Speaker #1

    Ce serait triste en effet, mais je ne pense pas m'orienter vers ça. Si j'aime le respect, j'aime le respect, mais le confort, je m'ennuie toujours au bout d'un moment.

  • Speaker #2

    Vous ne croyez pas que peut-être si on dit trop de bien de vous, vous risquez de vous endormir et de devenir une notable

  • Speaker #1

    quelqu'un qui pérore sur la société mais j'écrirais un roman sur un notable qui s'encanaille dans des caves le soir ou dans des salons chez la Pérouse dans des salons vampiriques allez savoir mais

  • Speaker #2

    il y avait quelque chose c'est vrai, moi j'ai ressenti un peu le même choc qu'en lisant Baisse-moi de Virginie Despens alors est-ce que vous avez pensé à elle tout simplement en vous disant tiens moi mon premier roman aussi je veux qu'il bouscule

  • Speaker #1

    En réalité, pas tellement. Moi, j'aime bien Dépente, mais je vois que le nom de Dépente ressort. Après, c'est un peu une sorte de mode. Dès qu'il y a un jeune qui parle de cul de manière un peu énervée, on crie Dépente.

  • Speaker #2

    On aurait pu citer Lolita Peel, Hell de Lolita Peel.

  • Speaker #1

    Oui, on me l'a dit aussi. Moi, ce que j'aime chez Dépente, c'est qu'il y a une forme, justement, de chasteté. Oui, elle est douce avec ses personnages, je trouve. Elle est fascinée par la violence et par les personnages violents, mais il y a toujours une forme de gentillesse.

  • Speaker #2

    Oui, mais je trouve que vous aussi, les personnages du livre, il y a Estia, qui est une slave très...

  • Speaker #1

    Elle est unéphalique.

  • Speaker #2

    Oui, il y a Loïs, Dalila, Médée, la drag queen.

  • Speaker #1

    tous ces étudiants des beaux-arts vous les regardez avec tendresse quand même Ah oui je les regarde avec tendresse et je les observe alors ils ont quelque chose de triste c'est des personnages qui sont assez tristes qui sont enfermés dans leur atelier ou dans leur désir dans leur corps des sortes de Christ sans foi d'ailleurs c'est pour ça que j'ai choisi des prénoms assez connotés mais ils sont Oui, je les traite, je pense, avec tendresse. C'est Marseille qui s'en prend plein la gueule, bizarrement. Et Marseille... De toute façon, Marseille, c'est elle la carne, oui, c'est la carne du roman.

  • Speaker #2

    La ville sensuelle, sexuelle.

  • Speaker #1

    C'est la ville sexuelle, mais inquiétante. C'est la ville... C'est une ville qui se refuse toujours à celui qui a grandi dedans.

  • Speaker #2

    Qui a grandi dedans, mais aussi aux Parisiens, parce que vous parlez des Parisiens qui débarquent là... Ils repartent. Et qui... C'est drôle.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'ils s'en prennent plein la tronche quand ils arrivent à Marseille. Au début, ils trouvent ça merveilleux. Il y a beaucoup d'espace, de soleil et compagnie. Puis après, ils se prennent le premier pain dans la gueule. Et là, ils comprennent que Marseille est une durée à cuire.

  • Speaker #2

    Mais diriez-vous que vous vous inscrivez dans la tradition qui est très française du roman à la conquête de Paris C'est-à-dire Balzac, Rastignac, Rubinpré qui partent à la conquête de Paris. Votre narratrice a finalement la même démarche que dans tous ses romans, les romans du XIXe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la fameuse montée à Paris. Oui, moi je suis fascinée par les... Alors moi je suis complètement fascinée par les lesbiennes de fin de siècle, début de siècle. Oui. Mireille Havé. Mireille Havé que j'aime profondément, mais Nathalie Clifford-Barné. Ou une autre, alors elle n'était pas lesbienne, mais tout comme, c'est Rachilde. Vous connaissez Rachilde Qui a écrit ce roman merveilleux, Monsieur Vénus, sur une aristo qui débauche un fleuriste et en fait son esclave sexuel. Moi j'adore cet esprit très parisien de Salon qui m'est étranger parce que je ne viens pas de là. Donc il y a une forme de fascination certaine.

  • Speaker #2

    Bienvenue dans un endroit où probablement les personnes que vous citez sont venues.

  • Speaker #1

    Sont sûrement venues et se sont débauchées sur la table.

  • Speaker #2

    Oui, dépravées ici même sur cette nappe. C'est possible. Alors il y a de la dépravation dans votre livre aussi, il y a beaucoup de drogues. Il y a alors des nouvelles drogues, la kétamine, la 3-MMC, le GHB. Toutes ces drogues, personnellement, je n'ai pas eu l'occasion d'expérimenter, mais qui sait Et donc vous parlez en connaissance de cause, ou il y a beaucoup de défonce au beaux-arts de Sergi Pontoise

  • Speaker #1

    La narratrice parle en connaissance de cause, c'est certain. C'est surtout des drogues, le chemsex, des drogues qui permettent d'avoir une vie sexuelle. Parce qu'en réalité, sans ces drogues, il n'y a plus de vie sexuelle. D'ailleurs, on le lit, les jeunes ne baissent plus.

  • Speaker #2

    Oui. Dans ce livre, ils sont obsédés par le sexe. Ils en parlent beaucoup. Je ne sais pas s'ils le pratiquent énormément, mais ça parle de désir tout le temps.

  • Speaker #1

    Ils sont obsédés par leur sexe. Est-ce qu'ils sont obsédés par le sexe Je ne sais pas. Il n'y a pas beaucoup de plaisir. On est sur un rapport assez rugueux à l'autre, à son propre corps.

  • Speaker #2

    Oui, c'est assez étrange même. La narratrice est la fille d'une procureure de la République de Marseille. L'aide est plate. C'est elle qui le dit, ce n'est pas moi. Oui. Est-ce que vous croyez que son désir physique est déformé par la filiation et par le fait qu'elle a vu dans son enfance des photos de crimes

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'elle a grandi avec des dossiers de viol en réunion dans le salon, donc ça rend tout de suite un peu sec. Mais elle... Sa mère, c'est un drôle de personnage. Elle représente la justice, donc elle est en robe noire, elle est très plate. Et en même temps, il y a un côté un peu pervers dans cette mère qui laisse traîner ses dossiers, qui n'éduque pas sa fille, mais qui l'inonde de violence. Oui, c'est un peu bizarre.

  • Speaker #2

    Elle la surprotège, vous croyez Ou au contraire, elle veut l'avertir des dangers de l'existence

  • Speaker #1

    Ah, c'est toute l'ambiguïté de la figure de la mère. Moi, je suis fascinée par les mères. Les tarantules, les mères dévorantes, on parle souvent des pères, vous en savez un rayon. Mais les mères, les mères qui éduquent à la violence, les mères qui dévorent. La relation mère-fille est très compliquée.

  • Speaker #2

    Ah bah oui, très compliquée, très compliquée. Vous venez d'en parler, il y a peu de pères dans le livre. La copine slave, son père est mort. La narratrice n'a pas de père. Enfin, on n'en parle jamais.

  • Speaker #1

    Les pères faillis, un autre thème que j'adore.

  • Speaker #2

    Alors, où sont passés tous les papas

  • Speaker #1

    Le père est mort. Le père n'est plus à la mode. On regarde maintenant la mère.

  • Speaker #2

    C'est pour ça qu'on essaie d'écrire sur les pères, peut-être, parce que justement...

  • Speaker #1

    Pour les remettre.

  • Speaker #2

    Pour savoir où ils sont passés, oui. Est-ce que vous aviez envie de faire scandale comme Sagan avec Bonjour Tristesse Parce qu'on y pense aussi beaucoup à ce premier livre dont Mauriac avait dit, enfin, il avait dit de l'auteur que c'était un monstre charmant. Et moi, je me sens un peu, voilà, je me sens un peu mauriac en vous regardant. Je me dis, il avait l'air de bien l'aimer, sa gant, mais pas trop la comprendre, quoi.

  • Speaker #1

    Vous ne me comprenez pas.

  • Speaker #2

    J'essaie de vous comprendre.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous ne comprenez pas Posez-moi des questions.

  • Speaker #2

    Non mais justement, je vous demande si vous vouliez faire scandale.

  • Speaker #1

    Ah non.

  • Speaker #2

    Non Non. Vous avez l'impression d'écrire un livre totalement inoffensif

  • Speaker #1

    Non, j'avais envie d'écrire sur la honte. Parce qu'il y a beaucoup de honte. C'est un thème littéraire vertigineux, la honte. Ça me fascine. Et sur... J'avais envie de faire des... J'avais envie qu'il y ait des personnages très décevants. Ils sont tous décevants. Ils ne vont pas là où on aimerait qu'ils se rendent. Ils sont décevants.

  • Speaker #2

    Moi, je pense que c'est surtout la forme qui est très originale, à la fois porno mais comique, inventive, expérimentale parfois, mais très littéraire quand même. On sent que vous avez beaucoup lu. L'extrait que vous avez lu montre que vous avez parfois une prose très classique aussi. Où avez-vous trouvé cette musique

  • Speaker #1

    J'adore lire, ça c'est sûr. Moi, j'étais étudiante au Beaux-Arts, je me faisais chier. Puis j'étais surtout extrêmement mauvaise. Oui,

  • Speaker #2

    parce que vous vouliez être peintre.

  • Speaker #1

    Je voulais être peintre, ça ne marchait pas du tout.

  • Speaker #2

    C'est un échec total Un échec total.

  • Speaker #1

    J'étais vraiment particulièrement mauvaise à cet exercice. Je dessinais des araignées à l'encre de Chine à longueur de journée, quand je devenais folle. Oui. Donc j'ai arrêté ça et je me suis mise à lire attentivement.

  • Speaker #2

    Avec la même encre que vous vous êtes mis à peindre, mais peindre avec des mots.

  • Speaker #1

    Je me suis mis à peindre avec des mots. D'ailleurs, je parle des insectes parce que ça me fascine la figure de l'insecte. J'ai commencé par travailler sur l'omniprésence des insectes dans la littérature de Dostoevsky. Un thème qui fait chier tout le monde.

  • Speaker #2

    J'en vois plus chez Kafka.

  • Speaker #1

    Il y en a plus chez Kafka, mais chez Dostoevsky, c'est assez vertigineux. Il y a des cafards partout. Dans les frères Karamazov, à chaque page, des cafards. Le père, d'ailleurs, qui déteste...

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y avait plus d'insectes Il y avait moins de dératisation qu'aujourd'hui, peut-être.

  • Speaker #1

    Peut-être aussi. Oui,

  • Speaker #2

    c'est l'époque, puis la Russie de l'époque il devait y en avoir partout Donc vous travaillez dans une émission de France Culture qui s'appelle Mauvais Genre Est-ce que ça aussi, ça peut être déteint sur votre manuscrit

  • Speaker #1

    Oui, à Mauvais Genre on est amené à avoir de très mauvaises fréquentations Voilà,

  • Speaker #2

    c'est ça L'animateur François Angelier François Angelier, tout à fait Un vieux dégoûtant que je connais un peu Il est très chaste,

  • Speaker #1

    si vous savez Mais surtout nos invités, oh là là, nos invités Oui C'est bien que France Culture persiste avec sa tour d'ivoire mauvais genre. Oui. Parce qu'on invite des fous furieux.

  • Speaker #2

    Il y a deux endroits où, à France Culture, qui sont un peu à part. Il y a Réplique, à l'Afrique et le Crote, et il y a Mauvais Genre. Vous êtes passé. Oui, voilà. Ah oui, trois fois. Non, ils invitent n'importe qui. C'est des endroits où, vraiment... Bon, non, sur le fond, Carnes est un roman sur la violence et le sexe. Vous n'arrivez jamais à dissocier les deux. Vous êtes comme le marquis de Sade. Ah bah oui, vos personnages sont des femmes qui jouent avec le désir des hommes et qui refusent d'en avoir peur. C'est ça qui est original.

  • Speaker #1

    Oui, elles refusent d'en avoir peur, c'est les maîtresses, c'est les dominas du livre. Oui. Elles sont infiniment plus violentes que les hommes, d'ailleurs il y a très peu d'hommes dans le roman. Et c'est des figures bizarres de femmes à la fois puissantes, inquiétantes, souveraines, mauvaises. Et malicieuse. La malice, c'est ça, c'est la nature mauvaise. Il y a quelque chose d'un peu pervers, oui, c'est vrai.

  • Speaker #2

    Et diriez-vous que ce sont des femmes puissantes

  • Speaker #1

    Oui, ce sont des femmes puissantes. Mais ce sont des femmes qui, pour exercer leur puissance, passent par la violence. Et se mettent aussi parfois des bâtons dans les roues. C'est ça qu'on dit

  • Speaker #2

    J'ai eu peur. Est-ce que vous diriez que c'est un roman post-MeToo

  • Speaker #1

    Honnêtement, ce n'est pas une question qui m'a travaillée lorsque je l'ai écrit.

  • Speaker #2

    Vous l'avez écrit après puisque Me Too c'est 2017.

  • Speaker #1

    Actuellement parlant, c'est post-Me Too. Donc il y a des figures d'hommes en disgrâce, en déchéance. Mais c'est un roman de femmes, de carnes.

  • Speaker #2

    Oui. Non mais je dis ça parce que vous disiez vous-même qu'on essayait de vous embarquer, peut-être de vous embringuer dans le féminisme. Il y a deux sortes de féminisme. Il y a un féminisme très puritain, à la Sandrine Rousseau, pour caricaturer. Tous les hommes sont des porcs. Et puis, il y a un féminisme pro-sexe, pro-travailleuse du sexe, tout ça, qui est présent dans ce livre-là. C'est plutôt ça. Si jamais on vous embringue quelque part.

  • Speaker #1

    Moi, je regarde où on m'embringue, mais je ne dis rien. Parce que j'aime la littérature, je n'ai pas envie de parler de ça. C'est la littérature qui m'intéresse. J'avais une idée très précise des personnages féminins que je voulais et les voilà. Les femmes terribles.

  • Speaker #2

    Les femmes terribles. Donc, je n'arriverai pas à vous récupérer. Ok, très bien.

  • Speaker #1

    Je sais que vous essayez, j'ai vu ça.

  • Speaker #2

    Non, mais par exemple, quand vous citez Mireille Havet, le journal de Mireille Havet, qui était un bijou, en 1919, elle écrit Suis-je difforme ou sale Alors, je vous pose la question de Mireille Havet. Êtes-vous difforme ou sale

  • Speaker #1

    Un peu des deux, moitié-moitié, comme on dit à Marseille. Mireille Havé, c'est une figure fascinante parce qu'elle est à la fois... On essaie de la récupérer dans la mouvance de Colette et de toutes ces lesbiennes du début du siècle.

  • Speaker #2

    Oui, on a oublié tout à l'heure de citer Colette.

  • Speaker #1

    De citer Colette.

  • Speaker #2

    Mais qui était bisexuelle.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Mais Mireille Havé est très étrange parce qu'elle, par exemple, elle regarde les femmes. Elle passe son temps à mater les femmes dans la rue. Donc, elle n'avait pas un rond. Elle se mettait... Elle se mettait à la terrasse de café, puis elle regardait les baronnes qui passaient. Et elle les matait. Mais quand on voit les passages de son journal sur les femmes, c'est atroce. C'est atroce.

  • Speaker #2

    Dans votre livre aussi, vous êtes très voyeuriste. Et on a l'impression que vous regardez plus les femmes que les hommes.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #2

    Pour se comparer ou pour les admirer, tout simplement. Est-ce que vous... Alors, je continue à poser des questions de vieux à une jeune. Est-ce que vous écrivez pour échapper aux leçons de morale

  • Speaker #1

    Ah oui, sûrement.

  • Speaker #2

    C'est ce qu'on sent. On sent que vous êtes beaucoup plus libre que l'époque. C'est presque interdit d'écrire aujourd'hui aussi librement.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est pour ça que la réception assez joyeuse de plusieurs personnes qui ne pensent pas la même chose me dit qu'on est quand même sauvés. Oui,

  • Speaker #2

    vous êtes une bonne nouvelle en fait. Vous avez une bonne nouvelle et j'ai l'impression qu'on est tous des vieux ringards qui essaient, qui ne veulent pas l'être. Et pour ne pas être ringard, il faut aimer votre livre en ce moment. Oui, c'est ça. J'ai l'impression que c'est ça.

  • Speaker #1

    Mais là, je m'inquiète parce que si ça commence à faire l'unanimité, c'est que c'est extrêmement mauvais.

  • Speaker #2

    C'est inquiétant. Faites attention à vous. D'ailleurs, vous citez des wokistes bien connus, Geoffroy de Laganerie et Paul Preciado. Alors, je n'ai pas compris si vous les citiez pour vous en moquer. ou pour dire je suis au courant de votre existence

  • Speaker #1

    Encore une fois, on ne sait pas. Le trouble est là. Je les ai citées.

  • Speaker #2

    Elle est très forte. On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. Vous savez, vous savez,

  • Speaker #1

    bien sûr. J'essaye de serpenter entre vos tentatives de m'amener à un endroit. Pourquoi je les cite Parce que déjà, c'est des... Enfin, pas préciado, mais... La Gamerie, c'était un professeur au Beaux-Arts de Sergis.

  • Speaker #2

    Donc, il était votre prof

  • Speaker #1

    Il était mon prof. Il donnait des cours sur l'amitié.

  • Speaker #2

    Mais il fait l'éloge de l'amitié, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Il fait l'éloge de l'amitié.

  • Speaker #2

    La solution pour échapper à la famille, c'est l'amitié. C'est de créer sa propre famille. C'est intéressant comme théorie.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, oui. Je ne partage pas forcément son opinion, mais c'est intéressant.

  • Speaker #2

    Elle est vraiment très à droite, cette invitée Esther Teilhard. Je vous recommande la lecture de son livre. Et nous allons passer au grand jeu. Devine tes citations, Esther.

  • Speaker #1

    Je n'ai qu'un livre commentaire.

  • Speaker #2

    Ça va être très bizarre, puisque vous devez deviner dans quel livre. Vous avez écrit cette phrase. C'est très difficile. Attention, vous êtes un peu blonde.

  • Speaker #1

    Vous êtes un peu bête. Oui.

  • Speaker #2

    Alors, votre livre, d'ailleurs, collectionne, on appelle ça les punchlines aujourd'hui. Pour moi, ce sont des aphorismes. Mais on va en lire quelques-unes. Et donc, vous me dites, dans quel livre vous avez écrit ceci C'est très difficile.

  • Speaker #1

    Ça va être compliqué,

  • Speaker #2

    oui. Elles sont sûres d'elles, comme des femmes qui se sont lavées les cheveux le matin. Donc, dans quel livre C'est tout à fait ça, c'est dans Carnes en 2025. Alors, sur Del comme des femmes qui se sont lavé les cheveux le matin, ça veut dire qu'on peut aujourd'hui être militante et propre.

  • Speaker #1

    Vous êtes drôle. Oui, je pense.

  • Speaker #2

    Non, mais féministe avec féminité.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #2

    C'est ça, vous y croyez à ça. Oui, mais c'est intéressant. C'est important. Vous pensez qu'on a le droit... Euh... D'être engagée et jolie

  • Speaker #1

    Mais, vos questions, franchement, Frédéric, ce n'est pas possible.

  • Speaker #2

    C'est des questions... Enfin C'est des questions minables. Enfin Une autre phrase de vous. Dans quel livre avez-vous écrit ceci Je rappelle qu'elle n'en a écrit qu'un. J'ai un avis radical. Les femmes sont soit désirables, soit imbaisables.

  • Speaker #1

    Il me semble que c'est carné.

  • Speaker #2

    Mais vous n'êtes... Enfin, franchement, là, vous pensez comme un vieux macho. Les femmes sont soit désirables, soit imbéciles.

  • Speaker #1

    Je pense comme une carne.

  • Speaker #2

    Je suis désolé. Mais vous le faites, parce que moi j'ai une théorie.

  • Speaker #1

    J'adore les théories,

  • Speaker #2

    dites-moi. Ma théorie du oui-non, c'est que chaque fois qu'on croise...

  • Speaker #0

    Pour un hétéro, c'est une femme. On se demande est-ce que oui ou non, ce serait possible ou pas. Et donc, vous faites ce jeu, vous, quand vous croisez des gens, hommes ou femmes, vous dites est-ce que oui, est-ce que non

  • Speaker #1

    Moi, je fais le jeu de l'île déserte. J'ai une théorie. Donc en fait, je regarde les gens passer et je les imagine sur une île déserte. Ah,

  • Speaker #0

    si vous n'aviez pas le choix.

  • Speaker #1

    Voilà, donc si je n'avais pas le choix, nu, sans artifice aucun. Et j'essaye de voir s'ils résistent au décor un peu âpre. Et peu de gens à Paris résistent, alors qu'à Marseille, presque tout le monde y résiste.

  • Speaker #0

    Ah, vous voulez dire qu'à Marseille, les gens sont imbaisables

  • Speaker #1

    Ah non, mais justement, quand on résiste à la théorie du désert...

  • Speaker #0

    Ah oui, résister, vous voulez dire au sens où passer le test. Voilà,

  • Speaker #1

    on passe le test, là on est tout à fait aptes.

  • Speaker #0

    Donc à Marseille, les gens sont plus désirables qu'à Paris, c'est ça que vous dites

  • Speaker #1

    C'est une autre forme de désir, mais c'est...

  • Speaker #0

    Parce que le Parisien a besoin d'être habillé.

  • Speaker #1

    Oui, il se farde, il se farde. Regardez où on est. On est fardés nous aussi.

  • Speaker #0

    Oui, il a besoin d'avoir sa veste, sa cravate ou son pull col roulé d'intellectuel de gauche. Bon, bref, non, plus sérieusement, la phrase, les femmes sont soit désirables, soit imbaisables, c'est une phrase qui veut dire que la femme n'arrive pas à sortir de cette emprise du désir des autres. Vous n'arrivez pas à échapper à ça Vous croyez Même votre génération

  • Speaker #1

    On est sans cesse ramené à ça, c'est certain. On peut s'en détourner en étant amoral et en écrivant des livres carnassiers. Peut-être que c'est une manière d'échapper à cette espèce de dictate.

  • Speaker #0

    Oui, c'est dingue parce qu'après toutes ces luttes, tous ces combats pour sortir de ça, le désir masculin ou le désir féminin réduit la femme quand même encore à être un corps. Est-ce que c'est un des messages secrets de votre livre Puisque le titre, c'est Karn.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Il y a de ça. Après, regardez le personnage de Noé. Je le regarde comme un corps. C'est un abo, c'est tout.

  • Speaker #0

    Alors, on continue les phrases. Donc, vous devez deviner dans lequel de votre unique livre vous avez écrit ceci. La moustache, c'est la nouvelle planque pour les mecs à physique sans plus. C'est dans Carnes. Oui, c'est dans Carnes. Ça, c'est très drôle, évidemment. C'est vrai qu'il y a beaucoup de mecs avec des moustaches maintenant.

  • Speaker #1

    C'est pratique parce qu'on regarde ça et puis on ne regarde plus le reste. Oui,

  • Speaker #0

    voilà.

  • Speaker #1

    C'est une distraction.

  • Speaker #0

    Diriez-vous que la barbe, c'est pareil

  • Speaker #1

    La barbe a une tradition un peu plus ancienne que je respecte.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, ce n'est pas un truc de mecs sans plus qui se laissent pousser la barbe pour être...

  • Speaker #1

    Il y a barbe et barbe. Parce que la barbe trop taillée, trop... Trop entretenue et assez terrifiante, je trouve.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est vrai, je suis d'accord.

  • Speaker #1

    C'est assez angoissant, vous voyez ces hommes, la barbe triangle.

  • Speaker #0

    La barbe trop étudiée, trop, oui je suis d'accord. Ah, maintenant parlons des lunettes. Vous dites les lunettes carrées, et c'est une phrase qui revient plusieurs fois, au moins trois ou quatre fois, comme un refrain. Les lunettes carrées rendent les filles sexuelles. Je suis, je comprends, mais pourquoi carrées Parce que les lunettes, quelles qu'elles soient...

  • Speaker #1

    Ronds, ça change tout.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Ronds, ça fait binoclarde. Carré, c'est autre chose.

  • Speaker #0

    On peut peut-être tester. J'ai des lunettes carrées ici.

  • Speaker #1

    Je ne mettrai pas vos lunettes.

  • Speaker #0

    Vous ne devez pas les mettre. Je refuse. D'accord.

  • Speaker #1

    Ouvertement.

  • Speaker #0

    Non, mais je vois que là, c'est là où on voit que vous êtes une nouvelle génération qui ne se laisse pas faire. Bien sûr. C'est très bien. Dernière phrase de vous. Dans lequel de votre unique livre, vous avez écrit ceci J'aime pas ce genre de gueule, elle donne soif. Oui, oui. Ça, c'est très bien, ça. C'est bien trouvé.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de physique qui donne soif.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Ça se voit souvent dans les bouches tombantes un peu mesquines. On voit la mesquinerie des gens sur leur visage.

  • Speaker #0

    Ah, ça, vous êtes d'accord, et Balzac. Ah oui, oui. La morphopsychologie.

  • Speaker #1

    Mais ça arrive une fois sur cent qu'un visage nous trompe. Ça m'est arrivé récemment. Oui. Un visage très rond, très charnu.

  • Speaker #0

    Je voulais dire qui avait l'air aimable et gentil. Oui,

  • Speaker #1

    qui avait l'air plein de générosité et qui était en réalité.

  • Speaker #0

    Un salaud. Très sec. Ah oui. Intérieurement, oui, vous êtes...

  • Speaker #1

    Rongé intérieurement, oui. Ah oui, d'accord. Mais c'est rare. En général, on voit à certains traits les mœurs.

  • Speaker #0

    On voit l'aigreur des gens. Oui, oui. Moi, par exemple, on voit que je suis dans un état de délabrement intérieur au fond.

  • Speaker #1

    En disgrâce.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, on voit ça. Et alors, vous êtes d'accord avec Hemingway, parce que Ernest Hemingway buvait pour oublier les cons. Et c'est un peu ce que vous dites là, avec cette phrase, les gueules qui donnent soif. Bon, bravo en tout cas pour ce livre, c'est formidable, je suis très très épaté. Je vous remercie beaucoup. Nous avons un autre questionnaire important, je vous ai envoyé les questions à l'avance.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai pensé, je les ai en tête.

  • Speaker #0

    Vous avez tout réfléchi, parfait. Alors, les conseils de lecture, parce que c'est pas parce que vous n'avez écrit qu'un livre que vous n'avez pas énormément lu, ça se sent vraiment en lisant Carnes. Et donc, j'aimerais bien avoir vos lumières, un livre qui donne envie de pleurer, par exemple.

  • Speaker #1

    Mars de Fritz Zorn. Un livre qui est affreux sur les dommages de l'éducation bourgeoise. Un homme qui se fait bousiller par sa famille et qui en meurt, parce qu'il meurt d'un cancer.

  • Speaker #0

    Oui, et il ne cesse de dire que c'est sa famille qui lui a donné le cancer. Un livre pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #1

    Un livre pour arrêter de pleurer, je dirais... On parlait de Rachel, de Monsieur Vénus. Sur cet aristo qui soumet un pauvre fleuriste et en fait son esclave sexuel. C'est très, très drôle. C'est excellent. Ah oui. C'est excellent.

  • Speaker #0

    Un livre pour s'ennuyer

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer J'ai lu récemment Le Vent de Claude Simon. Alors, c'est très, très bon, mais c'est très, très chiant.

  • Speaker #0

    Ah Vous êtes d'accord avec Eric Neuf, qui a aussi cité Claude Simon à cette question. Vous êtes plusieurs, alors. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. C'est... C'est un livre sur un personnage qui déçoit tout le monde, qui ne prend pas l'amour quand il est sous ses yeux. Ça devrait vous plaire. Ah mais j'adore, j'ai adoré ce livre. Par contre,

  • Speaker #0

    c'est lent et c'est chiant,

  • Speaker #1

    mais c'est bien.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est emmerdant, mais on est content de s'emmerder.

  • Speaker #1

    C'est une autre manière de se faire tabasser à la lecture.

  • Speaker #0

    Un livre pour crâner dans la rue

  • Speaker #1

    L'œuvre au noir de Yur Sonar, parce que c'est... Oui, c'est Yursenard, donc c'est très chic, très dur à pénétrer en même temps.

  • Speaker #0

    Puis c'est médiéval.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est médiéval, c'est mystérieux, c'est élitiste.

  • Speaker #0

    Un livre qui rend intelligent

  • Speaker #1

    Les Frères Karamazov. Ça rend intelligent, ça rend très seul, ça rend très triste, mais ça rend profondément...

  • Speaker #0

    C'est courageux de citer les Russes en ce moment en plus. Voilà, allons-y. Un livre pour séduire Peut-être qu'on laisse traîner sur sa table de chevet, vous voyez, pour...

  • Speaker #1

    Oui, le pur et l'impur de Colette. Ah L'alcool, l'opium, le sexe.

  • Speaker #0

    Ça commence dans une fumerie d'opiole. Oui,

  • Speaker #1

    oui, c'est parfait, ça. Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et puis, il y a beaucoup de femmes qui simulent. Ça, c'est très bien.

  • Speaker #1

    C'est parfait.

  • Speaker #0

    Un livre que je regrette d'avoir lu.

  • Speaker #1

    Alors, je regrette d'avoir lu La Baie de Huysmans, parce que j'aimerais le redécouvrir. J'aimerais avoir le plaisir d'être vierge de ce livre. Oui. C'est tellement bien. Oui.

  • Speaker #0

    C'est merveilleux. Oui, je vous vois bien d'ailleurs entrer au couvent après avoir écrit Carme.

  • Speaker #1

    J'y songe.

  • Speaker #0

    Voilà. J'y songe. Chez les Carmelites.

  • Speaker #1

    L'austérité,

  • Speaker #0

    j'adore l'austérité. Obligé de se taire pendant le restant de vos jours. Non, on ne souhaite pas ça. Un livre que je fais semblant d'avoir fini. Question de Gaëlle Fay.

  • Speaker #1

    Je fais semblant d'avoir fini La chère troce de Parne, qui est... Tiens. Oui, qui est un immense roman, mais les passages de guerre napoléonienne ont eu raison de moi.

  • Speaker #0

    Mais pourtant, ça va bientôt redevenir d'actualité.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Le livre que j'aurais aimé écrire, je suppose que c'est le journal de Mireille Havé.

  • Speaker #1

    Oui, ou bien Disgrace de Cuddy, j'aurais aimé écrire un livre pareil.

  • Speaker #0

    Un livre sur un type vraiment qui est dans la...

  • Speaker #1

    Sur une figure de chute, une figure de faim, un homme en déchéance totale.

  • Speaker #0

    Et enfin, quel est le pire livre que vous ayez jamais lu de votre vie, Esther Theillard

  • Speaker #1

    Vengeance Tchétchène de Gérard de Villiers.

  • Speaker #0

    Un SAS Oui. C'est bien un SAS.

  • Speaker #1

    Non, les couvertures sont bien.

  • Speaker #0

    Oui, les couvertures sont bien, mais l'intérieur, moins.

  • Speaker #1

    Le contenu est quand même franchement assez naze.

  • Speaker #0

    Oui. OK. Merci beaucoup. Ah oui, il y avait aussi le livre que vous lisez en ce moment.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que je lis en ce moment Je lis Fou de Vincent d'Hervé Guibert. Un livre sur l'obsession amoureuse. de Guybert pour un adolescent.

  • Speaker #0

    Oui, attendez, c'est un livre totalement incorrect. L'adolescent a probablement 14 ans. 14 ou 15 ans. Hervé Guybert, qui est aujourd'hui une statue du commandeur très respectée, ce livre-là... Je pense que... Ah, vous êtes d'accord avec moi, c'est un livre de pédophile.

  • Speaker #1

    Il est trouble, il est trouble.

  • Speaker #0

    Bon, enfin, écoutez, c'est intéressant de lire Hervé Guibert malgré cela. Merci beaucoup, Esther Teilhard. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, bien sûr, le magazine des Haribo, les Aristoboèmes, dans la déchéance totale. Je rappelle qu'il faut lire absolument le premier roman d'Esther Teilhard, Carnes. publié aux éditions Pauvert, qui est un grand éditeur malsain.

  • Speaker #1

    Oui, on n'a pas parlé de Pauvert,

  • Speaker #0

    c'est dommage. Mais oui, c'est dommage. Mais parlons-en. Pauvert, grande maison. Jean-Jacques Pauvert était l'éditeur du Marquis de Sade. C'est pour ça que je l'ai cité. Le sexe et la violence indissolublement liés. C'est épouvantable et c'est la nature. Selon le Marquis de Sade. Ce n'est pas moi qui dis ça. Ouh là, ni vous. Attention. Merci donc au Figaro TV pour la réalisation et surtout n'oubliez pas, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot, ce serait quand même dommage. Merci.

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Description

"CARNES", le premier roman dont on cause, est libre, provocateur et joyeusement insupportable. Comme son auteur ! Je remercie Esther Teillard d'avoir accepté de dialoguer avec un mâle blanc sur le désir féminin et masculin, la puissance des cagoles et la disgrâce des vieux dégueulasses.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    TAC désigne en anglais les piliers de la mer, détachés de la côte. Des trottas aux capornes, ces sentinelles de roches se dressent par milliers devant les falaises côtières. Sylvain Tesson Qui êtes-vous, tour de la haute mer Tout bouge autour de nous, vous ne reculez pas. Je veux me balancer dans les vagues, grimper ses aiguilles au milieu des oiseaux. Je pars vous escalader, dernier refuge de la beauté.

  • Speaker #1

    Les piliers de la mer, le nouveau livre événement de Sylvain Tesson, chez Albin Michel.

  • Speaker #2

    Bonsoir à toi et bienvenue chez La Pérouse pour une nouvelle conversation avec ce soir Esther Teilhard pour son livre Carnes, publié aux éditions

  • Speaker #1

    Le Vert.

  • Speaker #2

    C'était très bien, vous l'avez très bien fait. Bravo, je vous remercie. L'émission se termine, à bientôt. Au revoir. Au revoir.

  • Speaker #1

    Et terrasse.

  • Speaker #2

    Esther Theia, vous êtes la sensation de ce début d'année 2025. J'ai moi-même dit beaucoup de bien de vous dans le Figaro magazine. Et je pourrais d'ailleurs m'auto-lire. Et ainsi, vous pourriez répondre à ce texte, me dire si j'ai fait n'importe quoi. Parce qu'il y a peut-être des passages qui vous ont déplu. Après tout, on ne peut jamais répondre aux critiques. Alors, voilà l'occasion de le faire.

  • Speaker #1

    Je vous en prie, allez-y.

  • Speaker #2

    Carnes est le premier roman qui décoiffe cette rentrée hivernale. chaque phrase de ce livre est un coup de poing. En temps normal, c'est tout ce que je déteste, parce que le lecteur n'est pas un punching ball.

  • Speaker #1

    Le lecteur est masochiste, il adore se faire martyriser.

  • Speaker #2

    Bon, c'est vrai. La littérature s'ennuie, il était temps qu'un roman la réveille en sursaut. La littérature actuelle est en passe de devenir un mur des lamentations, un concours de complaintes.

  • Speaker #1

    C'est d'accord,

  • Speaker #2

    oui. Le marché aux traumatisés. Vous êtes d'accord avec ça Bien sûr. Vous auriez pu être vous-même une victime dans ce livre.

  • Speaker #1

    La narratrice,

  • Speaker #2

    vous voulez Oui, pas vous, la narratrice, oui. Elle aurait pu se plaindre davantage.

  • Speaker #1

    C'est toute l'ambiguïté de ma narratrice. C'est qu'elle est à la fois victime des situations des personnes et en même temps, elle y retourne. Moi, j'adore ces personnages un peu bizarres qui sont à la fois victimaires et en même temps un peu veules. Vous voyez ces victimes qui retournent toujours.

  • Speaker #2

    Oui, c'est très ambigu comme livre. C'est pour ça que d'ailleurs, la gauche comme la droite saluent. La droite parle de votre style. C'est l'ignin et puis la gauche essaie de vous embarquer dans un féminisme doloriste, alors que pas du tout en fait. On va en parler pendant toute l'heure, mais il me semble que le livre justement ne choisit aucun camp.

  • Speaker #1

    Ah oui, le livre regarde, il observe avec un œil un peu carnassier, mais il ne dit rien, on ne sait rien de ce que la narratrice pense. On ne sait rien du tout.

  • Speaker #2

    Je continue de lire pour que vous puissiez me répondre

  • Speaker #1

    Allez-y.

  • Speaker #2

    Comment ne pas être reconnaissant envers la jeune Esther Teilhard, 23 ans, de rejouer enfin le rôle du charmant monstre qui sème le trouble dans le landerneau des lettres endormies Je vous remercie pour ça parce que j'adore les monstres.

  • Speaker #1

    Dracula est mon idéal absolu. Les monstres nous sauveront, je pense.

  • Speaker #2

    Pourquoi Dracula Parce qu'il est éternellement jeune

  • Speaker #1

    Il est éternellement jeune, il est éternellement seul, il est profondément romantique, Dracula. Puis il est dépressif et amoureux de l'amour et personne ne comprend Dracula.

  • Speaker #2

    Mais rassurez-moi, vous n'avez pas l'intention de sucer le sang de jeunes vierges.

  • Speaker #1

    Ça, ça me regarde.

  • Speaker #2

    Oui. Alors, vous ne pouvez pas être un vampire car on tourne en plein jour, vous voyez, on enregistre et il fait jour. C'est vrai. Donc, c'est un peu... Voilà, Dracula n'aurait pas supporté l'horaire de tournage, d'enregistrement de cette émission. Je continue. Carnes, qu'est-ce que c'est Elle divague autour de l'itinéraire sexuel d'une étudiante au Beaux-Arts de Sergy qui a quitté Marseille pour Belleville. J'ai 18 ans, j'habite au milieu des vieilles putes chinoises du boulevard de la Villette. On dirait Guerre de Céline en mini-jupe de cagole.

  • Speaker #1

    Ça, j'adore. Ça, j'ai adoré, Frédéric. Je vous remercie pour ça.

  • Speaker #2

    J'ai entendu dire que vous aviez choisi la couleur du livre parce que c'est couleur auto-bronzant.

  • Speaker #1

    Ces couleurs jaune cagole, jaune cheddar, jaune pisse, qui est la première teinte du roman.

  • Speaker #2

    Pourquoi cet éloge des cagoles Les cagoles sont souvent, c'est un terme plutôt dépréciatif, et pour vous c'est élogieux

  • Speaker #1

    Parce que je trouve que les cagoles sont assez honnêtes. Finalement, elles ne sont pas tant dans la posture que ça. La narratrice arrive à Paris où tout le monde... Tout le monde est dans une certaine posture, tout le monde revendique sa personne, son identité. Et la cagole avec qui elle a grandi a quelque chose de très brut de tôle, de très sincère. Donc elle aime la cagole, mais aussi parce que la cagole la rejette. Les cagoles détestent les autres femmes. Elle les voit comme des révèles. Donc elle essaye sans cesse de plaire à ces cagoles qui ne la regarderont, qui ne la regarderont jamais.

  • Speaker #2

    Et puis ensuite, une fois à Paris, elle essaye de plaire aux bobos. Ou aux hipsters, ou aux étudiants des beaux-arts de Sergi Pontoise, d'ailleurs, se sont tournés en dérision. Je ne sais pas s'ils ont apprécié ou pas.

  • Speaker #1

    Oui, pas beaucoup, mais en réalité, tout le monde s'en prend un peu plein son grade, la narratrice en premier.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #1

    oui. Mais premier, il n'y a personne d'épargné, donc au final, c'est assez juste, je trouve.

  • Speaker #2

    Alors, en dehors des cagoles, le titre, Carnes, est-ce que c'est un compliment ou une injure

  • Speaker #1

    Tout dépend. En général, quand on se fait traiter de carne, c'est plutôt péjoratif.

  • Speaker #2

    Moi, par exemple, je me considère comme une vieille carne.

  • Speaker #1

    Vous avez quelque chose de la carne, c'est peut-être les cheveux. Oui. Il y a à voir avec le mouvement capillaire dans la carne.

  • Speaker #2

    Mais on peut avoir 23 ans et être une carne quand même.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Surtout quand on a grandi dans une ville comme Marseille qui est la carne en personne. C'est une vraie connaisse.

  • Speaker #2

    Carne, ça veut dire viande. Ça veut dire que vous êtes une sorte de... Oui,

  • Speaker #1

    une viande puante. C'est pas une belle viande.

  • Speaker #2

    Faisons des... Faisant D à 23 ans déjà, c'est ça

  • Speaker #1

    Misére.

  • Speaker #2

    Non mais, vous êtes plutôt une caïra vous, non Une caïra Ouais, je sais pas.

  • Speaker #1

    Ah bah tiens, si vous le dites, pourquoi pas, j'adore.

  • Speaker #2

    Non mais, vous êtes née en 2002.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #2

    2001. 2001, donc le terme exact, c'est millénial ou génération Z Je sais pas,

  • Speaker #1

    je crois que c'est millénial, mais ça me déprime. Ne me dites pas ça, ça me déprime.

  • Speaker #2

    Non, parce qu'il y a déjà d'autres générations depuis. Il y a les générations Alpha, Beta, enfin bref. Je ne m'y retrouve plus. Mais je rappelle que Carnes était le titre d'un film de Gaspard Noé de

  • Speaker #1

    1991. Son premier film,

  • Speaker #2

    oui. Son premier film qui était très violent et qui était l'histoire d'un boucher.

  • Speaker #1

    Je crois, oui, je l'ai vu il y a longtemps. Ça m'a un peu ennuyé, d'ailleurs.

  • Speaker #2

    Le personnage principal de votre roman s'appelle Noé, comme Gaspard Noé. Donc, il doit y avoir un hommage quelque part.

  • Speaker #1

    Un hommage, et puis non, c'est un hommage de taille, parce que Gaspard Noé n'est pas très grand, et l'homme est assez petit. Moi, je suis fascinée par les nabots.

  • Speaker #2

    Il va être content, Gaspard Il va être ravi. Gaspard, je te salue. Moi, je suis un fanatique de son œuvre et de ses films très radicaux, et je pensais que vous vouliez lui rendre hommage.

  • Speaker #1

    Si, si, en partie. Moi, j'aime beaucoup aussi Gaspard Noé. Mais le personnage de Noé, c'est une caricature d'un homme passionné par... Par Gaspard Noé, par Bataille, seul dans son appartement de la rive gauche en train d'écrire ses saloperies dans son coin.

  • Speaker #2

    Oui, alors bon, c'est un personnage d'écrivain d'un certain âge. Évidemment, je l'ai pris très personnellement tout de suite. Et je vais vous demander de lire la page 53 qui, il me semble, décrit très bien ce style d'homme.

  • Speaker #1

    D'accord. Il est à l'âge... où l'on ne rencontre plus. Il est condamné à vivre avec des gens qu'il a déjà rencontrés, qu'il a eu le temps d'aimer et de ne plus aimer, sur lesquels il a fantasmé, puis défantasmé. Des gens qui passent leur temps à comparer sa gueule d'avant à sa gueule de maintenant. Il est condamné à être scruté par tous. C'est le destin des hommes qui ont été puissants et ne le sont plus. Le mieux, c'est d'être moyen sur la durée, de vieillir à long terme, de ne jamais connaître ni la grâce, ni la disgrâce, d'être constant. C'est la seule manière de survivre à la vieillesse.

  • Speaker #2

    Voilà, alors comment on peut savoir tout ça à votre âge C'est ça que je... Il y a un mystère pour moi.

  • Speaker #1

    Il y a un mystère Non, moi je suis passionnée par la littérature de la disgrâce. J'adore les figures d'hommes en train de s'enfoncer dans leur âge et dans leur temps et qui ne correspondent plus à rien. La tâche de Philippe Roth, c'est un des romans les plus merveilleux à ce sujet. Et un autre roman d'ailleurs que j'adore, c'est Disgrâce de Cuddy.

  • Speaker #2

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est un roman fascinant.

  • Speaker #2

    Les deux ont en commun que c'est un prof, le héros, il semble.

  • Speaker #1

    C'est un prof émérite de littérature qui se fait zigouiller par un scandale d'agression sexuelle et qui se retrouve en disgrâce totale et à rebours dans son temps. Moi, j'adore les personnages comme ça. C'est des personnages qui me fascinent littérairement parlant.

  • Speaker #2

    De mémoire de critique littéraire, j'ai commencé en 1985, ça fait 40 ans dans les dents. Je n'ai jamais vu un premier roman accueilli aussi unanimement. que le vôtre. Télérama, Libé, Le Monde, Le Figaro, France Inter, Le Point, Le Nouvel Obs sont d'accord. Ce qui n'existe pas, puisqu'ils se détestent entre eux, normalement. Tous ces gens qui se haïssent saluent tous votre livre. Alors, est-ce que vous vous attendiez à un accueil pareil Et quelle est l'explication de ce miracle

  • Speaker #1

    Alors, pas du tout. Pas du tout. Moi, je déboule de mon Marseille avec mes 23 ans. Et je suis très étonnée d'ailleurs, je ne pensais pas que c'était possible. La raison pour laquelle ça fait sens pour toutes ces personnes, honnêtement, j'en ai aucune idée. Je pense que chacun s'approprie un peu quelque chose et il voit son combat. Donc c'est assez amusant à observer, puisque parfois on me revendique des pensées ou des idéaux que je n'ai pas, ou vice-versa. Donc je regarde et ça m'a beaucoup fait rire.

  • Speaker #2

    Oui, en fait, c'est comme si on avait... On réussit à tous s'accorder sur le besoin de violence. On a besoin que la littérature secoue le lecteur et réveille les consciences. Et qu'un livre, par sa brutalité peut-être, par son style, son écriture, sorte un peu de la léthargie, ce milieu. Et donc c'est tombé sur vous.

  • Speaker #1

    C'est tombé sur moi. Je ne sais pas si c'est... On me parle d'une forme d'insolence, je ne me retrouve pas tellement dans ça. Je pense que l'insolence est une forme détournée de chasteté et que c'est un roman qui est en réalité assez chaste, qui ne dit pas grand-chose.

  • Speaker #2

    Chaste, alors ça ne saute pas aux yeux.

  • Speaker #1

    Ça ne saute pas aux yeux parce que le langage...

  • Speaker #2

    Il y a beaucoup de sexe et même de pornographie par moment.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a bite et chatte à chaque page, ce qui a posé problème d'ailleurs. Pour la quatrième de couverture, parce qu'on ne savait pas quoi mettre.

  • Speaker #2

    Il y a des phrases sans ces mots-là. Mais c'est vrai que... Dans mon article un peu plus loin, je disais que vous éclipsiez Lola Lafon, par exemple. Lola Lafon, c'est un écrivain qui écrivait comme vous à votre âge. Mais avec le succès, peut-être qu'après, on s'anesthésie un peu, on devient respectable. Je vous souhaite de ne jamais devenir respectable. Ce serait terrible.

  • Speaker #1

    Ce serait triste en effet, mais je ne pense pas m'orienter vers ça. Si j'aime le respect, j'aime le respect, mais le confort, je m'ennuie toujours au bout d'un moment.

  • Speaker #2

    Vous ne croyez pas que peut-être si on dit trop de bien de vous, vous risquez de vous endormir et de devenir une notable

  • Speaker #1

    quelqu'un qui pérore sur la société mais j'écrirais un roman sur un notable qui s'encanaille dans des caves le soir ou dans des salons chez la Pérouse dans des salons vampiriques allez savoir mais

  • Speaker #2

    il y avait quelque chose c'est vrai, moi j'ai ressenti un peu le même choc qu'en lisant Baisse-moi de Virginie Despens alors est-ce que vous avez pensé à elle tout simplement en vous disant tiens moi mon premier roman aussi je veux qu'il bouscule

  • Speaker #1

    En réalité, pas tellement. Moi, j'aime bien Dépente, mais je vois que le nom de Dépente ressort. Après, c'est un peu une sorte de mode. Dès qu'il y a un jeune qui parle de cul de manière un peu énervée, on crie Dépente.

  • Speaker #2

    On aurait pu citer Lolita Peel, Hell de Lolita Peel.

  • Speaker #1

    Oui, on me l'a dit aussi. Moi, ce que j'aime chez Dépente, c'est qu'il y a une forme, justement, de chasteté. Oui, elle est douce avec ses personnages, je trouve. Elle est fascinée par la violence et par les personnages violents, mais il y a toujours une forme de gentillesse.

  • Speaker #2

    Oui, mais je trouve que vous aussi, les personnages du livre, il y a Estia, qui est une slave très...

  • Speaker #1

    Elle est unéphalique.

  • Speaker #2

    Oui, il y a Loïs, Dalila, Médée, la drag queen.

  • Speaker #1

    tous ces étudiants des beaux-arts vous les regardez avec tendresse quand même Ah oui je les regarde avec tendresse et je les observe alors ils ont quelque chose de triste c'est des personnages qui sont assez tristes qui sont enfermés dans leur atelier ou dans leur désir dans leur corps des sortes de Christ sans foi d'ailleurs c'est pour ça que j'ai choisi des prénoms assez connotés mais ils sont Oui, je les traite, je pense, avec tendresse. C'est Marseille qui s'en prend plein la gueule, bizarrement. Et Marseille... De toute façon, Marseille, c'est elle la carne, oui, c'est la carne du roman.

  • Speaker #2

    La ville sensuelle, sexuelle.

  • Speaker #1

    C'est la ville sexuelle, mais inquiétante. C'est la ville... C'est une ville qui se refuse toujours à celui qui a grandi dedans.

  • Speaker #2

    Qui a grandi dedans, mais aussi aux Parisiens, parce que vous parlez des Parisiens qui débarquent là... Ils repartent. Et qui... C'est drôle.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'ils s'en prennent plein la tronche quand ils arrivent à Marseille. Au début, ils trouvent ça merveilleux. Il y a beaucoup d'espace, de soleil et compagnie. Puis après, ils se prennent le premier pain dans la gueule. Et là, ils comprennent que Marseille est une durée à cuire.

  • Speaker #2

    Mais diriez-vous que vous vous inscrivez dans la tradition qui est très française du roman à la conquête de Paris C'est-à-dire Balzac, Rastignac, Rubinpré qui partent à la conquête de Paris. Votre narratrice a finalement la même démarche que dans tous ses romans, les romans du XIXe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la fameuse montée à Paris. Oui, moi je suis fascinée par les... Alors moi je suis complètement fascinée par les lesbiennes de fin de siècle, début de siècle. Oui. Mireille Havé. Mireille Havé que j'aime profondément, mais Nathalie Clifford-Barné. Ou une autre, alors elle n'était pas lesbienne, mais tout comme, c'est Rachilde. Vous connaissez Rachilde Qui a écrit ce roman merveilleux, Monsieur Vénus, sur une aristo qui débauche un fleuriste et en fait son esclave sexuel. Moi j'adore cet esprit très parisien de Salon qui m'est étranger parce que je ne viens pas de là. Donc il y a une forme de fascination certaine.

  • Speaker #2

    Bienvenue dans un endroit où probablement les personnes que vous citez sont venues.

  • Speaker #1

    Sont sûrement venues et se sont débauchées sur la table.

  • Speaker #2

    Oui, dépravées ici même sur cette nappe. C'est possible. Alors il y a de la dépravation dans votre livre aussi, il y a beaucoup de drogues. Il y a alors des nouvelles drogues, la kétamine, la 3-MMC, le GHB. Toutes ces drogues, personnellement, je n'ai pas eu l'occasion d'expérimenter, mais qui sait Et donc vous parlez en connaissance de cause, ou il y a beaucoup de défonce au beaux-arts de Sergi Pontoise

  • Speaker #1

    La narratrice parle en connaissance de cause, c'est certain. C'est surtout des drogues, le chemsex, des drogues qui permettent d'avoir une vie sexuelle. Parce qu'en réalité, sans ces drogues, il n'y a plus de vie sexuelle. D'ailleurs, on le lit, les jeunes ne baissent plus.

  • Speaker #2

    Oui. Dans ce livre, ils sont obsédés par le sexe. Ils en parlent beaucoup. Je ne sais pas s'ils le pratiquent énormément, mais ça parle de désir tout le temps.

  • Speaker #1

    Ils sont obsédés par leur sexe. Est-ce qu'ils sont obsédés par le sexe Je ne sais pas. Il n'y a pas beaucoup de plaisir. On est sur un rapport assez rugueux à l'autre, à son propre corps.

  • Speaker #2

    Oui, c'est assez étrange même. La narratrice est la fille d'une procureure de la République de Marseille. L'aide est plate. C'est elle qui le dit, ce n'est pas moi. Oui. Est-ce que vous croyez que son désir physique est déformé par la filiation et par le fait qu'elle a vu dans son enfance des photos de crimes

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'elle a grandi avec des dossiers de viol en réunion dans le salon, donc ça rend tout de suite un peu sec. Mais elle... Sa mère, c'est un drôle de personnage. Elle représente la justice, donc elle est en robe noire, elle est très plate. Et en même temps, il y a un côté un peu pervers dans cette mère qui laisse traîner ses dossiers, qui n'éduque pas sa fille, mais qui l'inonde de violence. Oui, c'est un peu bizarre.

  • Speaker #2

    Elle la surprotège, vous croyez Ou au contraire, elle veut l'avertir des dangers de l'existence

  • Speaker #1

    Ah, c'est toute l'ambiguïté de la figure de la mère. Moi, je suis fascinée par les mères. Les tarantules, les mères dévorantes, on parle souvent des pères, vous en savez un rayon. Mais les mères, les mères qui éduquent à la violence, les mères qui dévorent. La relation mère-fille est très compliquée.

  • Speaker #2

    Ah bah oui, très compliquée, très compliquée. Vous venez d'en parler, il y a peu de pères dans le livre. La copine slave, son père est mort. La narratrice n'a pas de père. Enfin, on n'en parle jamais.

  • Speaker #1

    Les pères faillis, un autre thème que j'adore.

  • Speaker #2

    Alors, où sont passés tous les papas

  • Speaker #1

    Le père est mort. Le père n'est plus à la mode. On regarde maintenant la mère.

  • Speaker #2

    C'est pour ça qu'on essaie d'écrire sur les pères, peut-être, parce que justement...

  • Speaker #1

    Pour les remettre.

  • Speaker #2

    Pour savoir où ils sont passés, oui. Est-ce que vous aviez envie de faire scandale comme Sagan avec Bonjour Tristesse Parce qu'on y pense aussi beaucoup à ce premier livre dont Mauriac avait dit, enfin, il avait dit de l'auteur que c'était un monstre charmant. Et moi, je me sens un peu, voilà, je me sens un peu mauriac en vous regardant. Je me dis, il avait l'air de bien l'aimer, sa gant, mais pas trop la comprendre, quoi.

  • Speaker #1

    Vous ne me comprenez pas.

  • Speaker #2

    J'essaie de vous comprendre.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous ne comprenez pas Posez-moi des questions.

  • Speaker #2

    Non mais justement, je vous demande si vous vouliez faire scandale.

  • Speaker #1

    Ah non.

  • Speaker #2

    Non Non. Vous avez l'impression d'écrire un livre totalement inoffensif

  • Speaker #1

    Non, j'avais envie d'écrire sur la honte. Parce qu'il y a beaucoup de honte. C'est un thème littéraire vertigineux, la honte. Ça me fascine. Et sur... J'avais envie de faire des... J'avais envie qu'il y ait des personnages très décevants. Ils sont tous décevants. Ils ne vont pas là où on aimerait qu'ils se rendent. Ils sont décevants.

  • Speaker #2

    Moi, je pense que c'est surtout la forme qui est très originale, à la fois porno mais comique, inventive, expérimentale parfois, mais très littéraire quand même. On sent que vous avez beaucoup lu. L'extrait que vous avez lu montre que vous avez parfois une prose très classique aussi. Où avez-vous trouvé cette musique

  • Speaker #1

    J'adore lire, ça c'est sûr. Moi, j'étais étudiante au Beaux-Arts, je me faisais chier. Puis j'étais surtout extrêmement mauvaise. Oui,

  • Speaker #2

    parce que vous vouliez être peintre.

  • Speaker #1

    Je voulais être peintre, ça ne marchait pas du tout.

  • Speaker #2

    C'est un échec total Un échec total.

  • Speaker #1

    J'étais vraiment particulièrement mauvaise à cet exercice. Je dessinais des araignées à l'encre de Chine à longueur de journée, quand je devenais folle. Oui. Donc j'ai arrêté ça et je me suis mise à lire attentivement.

  • Speaker #2

    Avec la même encre que vous vous êtes mis à peindre, mais peindre avec des mots.

  • Speaker #1

    Je me suis mis à peindre avec des mots. D'ailleurs, je parle des insectes parce que ça me fascine la figure de l'insecte. J'ai commencé par travailler sur l'omniprésence des insectes dans la littérature de Dostoevsky. Un thème qui fait chier tout le monde.

  • Speaker #2

    J'en vois plus chez Kafka.

  • Speaker #1

    Il y en a plus chez Kafka, mais chez Dostoevsky, c'est assez vertigineux. Il y a des cafards partout. Dans les frères Karamazov, à chaque page, des cafards. Le père, d'ailleurs, qui déteste...

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y avait plus d'insectes Il y avait moins de dératisation qu'aujourd'hui, peut-être.

  • Speaker #1

    Peut-être aussi. Oui,

  • Speaker #2

    c'est l'époque, puis la Russie de l'époque il devait y en avoir partout Donc vous travaillez dans une émission de France Culture qui s'appelle Mauvais Genre Est-ce que ça aussi, ça peut être déteint sur votre manuscrit

  • Speaker #1

    Oui, à Mauvais Genre on est amené à avoir de très mauvaises fréquentations Voilà,

  • Speaker #2

    c'est ça L'animateur François Angelier François Angelier, tout à fait Un vieux dégoûtant que je connais un peu Il est très chaste,

  • Speaker #1

    si vous savez Mais surtout nos invités, oh là là, nos invités Oui C'est bien que France Culture persiste avec sa tour d'ivoire mauvais genre. Oui. Parce qu'on invite des fous furieux.

  • Speaker #2

    Il y a deux endroits où, à France Culture, qui sont un peu à part. Il y a Réplique, à l'Afrique et le Crote, et il y a Mauvais Genre. Vous êtes passé. Oui, voilà. Ah oui, trois fois. Non, ils invitent n'importe qui. C'est des endroits où, vraiment... Bon, non, sur le fond, Carnes est un roman sur la violence et le sexe. Vous n'arrivez jamais à dissocier les deux. Vous êtes comme le marquis de Sade. Ah bah oui, vos personnages sont des femmes qui jouent avec le désir des hommes et qui refusent d'en avoir peur. C'est ça qui est original.

  • Speaker #1

    Oui, elles refusent d'en avoir peur, c'est les maîtresses, c'est les dominas du livre. Oui. Elles sont infiniment plus violentes que les hommes, d'ailleurs il y a très peu d'hommes dans le roman. Et c'est des figures bizarres de femmes à la fois puissantes, inquiétantes, souveraines, mauvaises. Et malicieuse. La malice, c'est ça, c'est la nature mauvaise. Il y a quelque chose d'un peu pervers, oui, c'est vrai.

  • Speaker #2

    Et diriez-vous que ce sont des femmes puissantes

  • Speaker #1

    Oui, ce sont des femmes puissantes. Mais ce sont des femmes qui, pour exercer leur puissance, passent par la violence. Et se mettent aussi parfois des bâtons dans les roues. C'est ça qu'on dit

  • Speaker #2

    J'ai eu peur. Est-ce que vous diriez que c'est un roman post-MeToo

  • Speaker #1

    Honnêtement, ce n'est pas une question qui m'a travaillée lorsque je l'ai écrit.

  • Speaker #2

    Vous l'avez écrit après puisque Me Too c'est 2017.

  • Speaker #1

    Actuellement parlant, c'est post-Me Too. Donc il y a des figures d'hommes en disgrâce, en déchéance. Mais c'est un roman de femmes, de carnes.

  • Speaker #2

    Oui. Non mais je dis ça parce que vous disiez vous-même qu'on essayait de vous embarquer, peut-être de vous embringuer dans le féminisme. Il y a deux sortes de féminisme. Il y a un féminisme très puritain, à la Sandrine Rousseau, pour caricaturer. Tous les hommes sont des porcs. Et puis, il y a un féminisme pro-sexe, pro-travailleuse du sexe, tout ça, qui est présent dans ce livre-là. C'est plutôt ça. Si jamais on vous embringue quelque part.

  • Speaker #1

    Moi, je regarde où on m'embringue, mais je ne dis rien. Parce que j'aime la littérature, je n'ai pas envie de parler de ça. C'est la littérature qui m'intéresse. J'avais une idée très précise des personnages féminins que je voulais et les voilà. Les femmes terribles.

  • Speaker #2

    Les femmes terribles. Donc, je n'arriverai pas à vous récupérer. Ok, très bien.

  • Speaker #1

    Je sais que vous essayez, j'ai vu ça.

  • Speaker #2

    Non, mais par exemple, quand vous citez Mireille Havet, le journal de Mireille Havet, qui était un bijou, en 1919, elle écrit Suis-je difforme ou sale Alors, je vous pose la question de Mireille Havet. Êtes-vous difforme ou sale

  • Speaker #1

    Un peu des deux, moitié-moitié, comme on dit à Marseille. Mireille Havé, c'est une figure fascinante parce qu'elle est à la fois... On essaie de la récupérer dans la mouvance de Colette et de toutes ces lesbiennes du début du siècle.

  • Speaker #2

    Oui, on a oublié tout à l'heure de citer Colette.

  • Speaker #1

    De citer Colette.

  • Speaker #2

    Mais qui était bisexuelle.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Mais Mireille Havé est très étrange parce qu'elle, par exemple, elle regarde les femmes. Elle passe son temps à mater les femmes dans la rue. Donc, elle n'avait pas un rond. Elle se mettait... Elle se mettait à la terrasse de café, puis elle regardait les baronnes qui passaient. Et elle les matait. Mais quand on voit les passages de son journal sur les femmes, c'est atroce. C'est atroce.

  • Speaker #2

    Dans votre livre aussi, vous êtes très voyeuriste. Et on a l'impression que vous regardez plus les femmes que les hommes.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #2

    Pour se comparer ou pour les admirer, tout simplement. Est-ce que vous... Alors, je continue à poser des questions de vieux à une jeune. Est-ce que vous écrivez pour échapper aux leçons de morale

  • Speaker #1

    Ah oui, sûrement.

  • Speaker #2

    C'est ce qu'on sent. On sent que vous êtes beaucoup plus libre que l'époque. C'est presque interdit d'écrire aujourd'hui aussi librement.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est pour ça que la réception assez joyeuse de plusieurs personnes qui ne pensent pas la même chose me dit qu'on est quand même sauvés. Oui,

  • Speaker #2

    vous êtes une bonne nouvelle en fait. Vous avez une bonne nouvelle et j'ai l'impression qu'on est tous des vieux ringards qui essaient, qui ne veulent pas l'être. Et pour ne pas être ringard, il faut aimer votre livre en ce moment. Oui, c'est ça. J'ai l'impression que c'est ça.

  • Speaker #1

    Mais là, je m'inquiète parce que si ça commence à faire l'unanimité, c'est que c'est extrêmement mauvais.

  • Speaker #2

    C'est inquiétant. Faites attention à vous. D'ailleurs, vous citez des wokistes bien connus, Geoffroy de Laganerie et Paul Preciado. Alors, je n'ai pas compris si vous les citiez pour vous en moquer. ou pour dire je suis au courant de votre existence

  • Speaker #1

    Encore une fois, on ne sait pas. Le trouble est là. Je les ai citées.

  • Speaker #2

    Elle est très forte. On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. Vous savez, vous savez,

  • Speaker #1

    bien sûr. J'essaye de serpenter entre vos tentatives de m'amener à un endroit. Pourquoi je les cite Parce que déjà, c'est des... Enfin, pas préciado, mais... La Gamerie, c'était un professeur au Beaux-Arts de Sergis.

  • Speaker #2

    Donc, il était votre prof

  • Speaker #1

    Il était mon prof. Il donnait des cours sur l'amitié.

  • Speaker #2

    Mais il fait l'éloge de l'amitié, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Il fait l'éloge de l'amitié.

  • Speaker #2

    La solution pour échapper à la famille, c'est l'amitié. C'est de créer sa propre famille. C'est intéressant comme théorie.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, oui. Je ne partage pas forcément son opinion, mais c'est intéressant.

  • Speaker #2

    Elle est vraiment très à droite, cette invitée Esther Teilhard. Je vous recommande la lecture de son livre. Et nous allons passer au grand jeu. Devine tes citations, Esther.

  • Speaker #1

    Je n'ai qu'un livre commentaire.

  • Speaker #2

    Ça va être très bizarre, puisque vous devez deviner dans quel livre. Vous avez écrit cette phrase. C'est très difficile. Attention, vous êtes un peu blonde.

  • Speaker #1

    Vous êtes un peu bête. Oui.

  • Speaker #2

    Alors, votre livre, d'ailleurs, collectionne, on appelle ça les punchlines aujourd'hui. Pour moi, ce sont des aphorismes. Mais on va en lire quelques-unes. Et donc, vous me dites, dans quel livre vous avez écrit ceci C'est très difficile.

  • Speaker #1

    Ça va être compliqué,

  • Speaker #2

    oui. Elles sont sûres d'elles, comme des femmes qui se sont lavées les cheveux le matin. Donc, dans quel livre C'est tout à fait ça, c'est dans Carnes en 2025. Alors, sur Del comme des femmes qui se sont lavé les cheveux le matin, ça veut dire qu'on peut aujourd'hui être militante et propre.

  • Speaker #1

    Vous êtes drôle. Oui, je pense.

  • Speaker #2

    Non, mais féministe avec féminité.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #2

    C'est ça, vous y croyez à ça. Oui, mais c'est intéressant. C'est important. Vous pensez qu'on a le droit... Euh... D'être engagée et jolie

  • Speaker #1

    Mais, vos questions, franchement, Frédéric, ce n'est pas possible.

  • Speaker #2

    C'est des questions... Enfin C'est des questions minables. Enfin Une autre phrase de vous. Dans quel livre avez-vous écrit ceci Je rappelle qu'elle n'en a écrit qu'un. J'ai un avis radical. Les femmes sont soit désirables, soit imbaisables.

  • Speaker #1

    Il me semble que c'est carné.

  • Speaker #2

    Mais vous n'êtes... Enfin, franchement, là, vous pensez comme un vieux macho. Les femmes sont soit désirables, soit imbéciles.

  • Speaker #1

    Je pense comme une carne.

  • Speaker #2

    Je suis désolé. Mais vous le faites, parce que moi j'ai une théorie.

  • Speaker #1

    J'adore les théories,

  • Speaker #2

    dites-moi. Ma théorie du oui-non, c'est que chaque fois qu'on croise...

  • Speaker #0

    Pour un hétéro, c'est une femme. On se demande est-ce que oui ou non, ce serait possible ou pas. Et donc, vous faites ce jeu, vous, quand vous croisez des gens, hommes ou femmes, vous dites est-ce que oui, est-ce que non

  • Speaker #1

    Moi, je fais le jeu de l'île déserte. J'ai une théorie. Donc en fait, je regarde les gens passer et je les imagine sur une île déserte. Ah,

  • Speaker #0

    si vous n'aviez pas le choix.

  • Speaker #1

    Voilà, donc si je n'avais pas le choix, nu, sans artifice aucun. Et j'essaye de voir s'ils résistent au décor un peu âpre. Et peu de gens à Paris résistent, alors qu'à Marseille, presque tout le monde y résiste.

  • Speaker #0

    Ah, vous voulez dire qu'à Marseille, les gens sont imbaisables

  • Speaker #1

    Ah non, mais justement, quand on résiste à la théorie du désert...

  • Speaker #0

    Ah oui, résister, vous voulez dire au sens où passer le test. Voilà,

  • Speaker #1

    on passe le test, là on est tout à fait aptes.

  • Speaker #0

    Donc à Marseille, les gens sont plus désirables qu'à Paris, c'est ça que vous dites

  • Speaker #1

    C'est une autre forme de désir, mais c'est...

  • Speaker #0

    Parce que le Parisien a besoin d'être habillé.

  • Speaker #1

    Oui, il se farde, il se farde. Regardez où on est. On est fardés nous aussi.

  • Speaker #0

    Oui, il a besoin d'avoir sa veste, sa cravate ou son pull col roulé d'intellectuel de gauche. Bon, bref, non, plus sérieusement, la phrase, les femmes sont soit désirables, soit imbaisables, c'est une phrase qui veut dire que la femme n'arrive pas à sortir de cette emprise du désir des autres. Vous n'arrivez pas à échapper à ça Vous croyez Même votre génération

  • Speaker #1

    On est sans cesse ramené à ça, c'est certain. On peut s'en détourner en étant amoral et en écrivant des livres carnassiers. Peut-être que c'est une manière d'échapper à cette espèce de dictate.

  • Speaker #0

    Oui, c'est dingue parce qu'après toutes ces luttes, tous ces combats pour sortir de ça, le désir masculin ou le désir féminin réduit la femme quand même encore à être un corps. Est-ce que c'est un des messages secrets de votre livre Puisque le titre, c'est Karn.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Il y a de ça. Après, regardez le personnage de Noé. Je le regarde comme un corps. C'est un abo, c'est tout.

  • Speaker #0

    Alors, on continue les phrases. Donc, vous devez deviner dans lequel de votre unique livre vous avez écrit ceci. La moustache, c'est la nouvelle planque pour les mecs à physique sans plus. C'est dans Carnes. Oui, c'est dans Carnes. Ça, c'est très drôle, évidemment. C'est vrai qu'il y a beaucoup de mecs avec des moustaches maintenant.

  • Speaker #1

    C'est pratique parce qu'on regarde ça et puis on ne regarde plus le reste. Oui,

  • Speaker #0

    voilà.

  • Speaker #1

    C'est une distraction.

  • Speaker #0

    Diriez-vous que la barbe, c'est pareil

  • Speaker #1

    La barbe a une tradition un peu plus ancienne que je respecte.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, ce n'est pas un truc de mecs sans plus qui se laissent pousser la barbe pour être...

  • Speaker #1

    Il y a barbe et barbe. Parce que la barbe trop taillée, trop... Trop entretenue et assez terrifiante, je trouve.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est vrai, je suis d'accord.

  • Speaker #1

    C'est assez angoissant, vous voyez ces hommes, la barbe triangle.

  • Speaker #0

    La barbe trop étudiée, trop, oui je suis d'accord. Ah, maintenant parlons des lunettes. Vous dites les lunettes carrées, et c'est une phrase qui revient plusieurs fois, au moins trois ou quatre fois, comme un refrain. Les lunettes carrées rendent les filles sexuelles. Je suis, je comprends, mais pourquoi carrées Parce que les lunettes, quelles qu'elles soient...

  • Speaker #1

    Ronds, ça change tout.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Ronds, ça fait binoclarde. Carré, c'est autre chose.

  • Speaker #0

    On peut peut-être tester. J'ai des lunettes carrées ici.

  • Speaker #1

    Je ne mettrai pas vos lunettes.

  • Speaker #0

    Vous ne devez pas les mettre. Je refuse. D'accord.

  • Speaker #1

    Ouvertement.

  • Speaker #0

    Non, mais je vois que là, c'est là où on voit que vous êtes une nouvelle génération qui ne se laisse pas faire. Bien sûr. C'est très bien. Dernière phrase de vous. Dans lequel de votre unique livre, vous avez écrit ceci J'aime pas ce genre de gueule, elle donne soif. Oui, oui. Ça, c'est très bien, ça. C'est bien trouvé.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de physique qui donne soif.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Ça se voit souvent dans les bouches tombantes un peu mesquines. On voit la mesquinerie des gens sur leur visage.

  • Speaker #0

    Ah, ça, vous êtes d'accord, et Balzac. Ah oui, oui. La morphopsychologie.

  • Speaker #1

    Mais ça arrive une fois sur cent qu'un visage nous trompe. Ça m'est arrivé récemment. Oui. Un visage très rond, très charnu.

  • Speaker #0

    Je voulais dire qui avait l'air aimable et gentil. Oui,

  • Speaker #1

    qui avait l'air plein de générosité et qui était en réalité.

  • Speaker #0

    Un salaud. Très sec. Ah oui. Intérieurement, oui, vous êtes...

  • Speaker #1

    Rongé intérieurement, oui. Ah oui, d'accord. Mais c'est rare. En général, on voit à certains traits les mœurs.

  • Speaker #0

    On voit l'aigreur des gens. Oui, oui. Moi, par exemple, on voit que je suis dans un état de délabrement intérieur au fond.

  • Speaker #1

    En disgrâce.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, on voit ça. Et alors, vous êtes d'accord avec Hemingway, parce que Ernest Hemingway buvait pour oublier les cons. Et c'est un peu ce que vous dites là, avec cette phrase, les gueules qui donnent soif. Bon, bravo en tout cas pour ce livre, c'est formidable, je suis très très épaté. Je vous remercie beaucoup. Nous avons un autre questionnaire important, je vous ai envoyé les questions à l'avance.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai pensé, je les ai en tête.

  • Speaker #0

    Vous avez tout réfléchi, parfait. Alors, les conseils de lecture, parce que c'est pas parce que vous n'avez écrit qu'un livre que vous n'avez pas énormément lu, ça se sent vraiment en lisant Carnes. Et donc, j'aimerais bien avoir vos lumières, un livre qui donne envie de pleurer, par exemple.

  • Speaker #1

    Mars de Fritz Zorn. Un livre qui est affreux sur les dommages de l'éducation bourgeoise. Un homme qui se fait bousiller par sa famille et qui en meurt, parce qu'il meurt d'un cancer.

  • Speaker #0

    Oui, et il ne cesse de dire que c'est sa famille qui lui a donné le cancer. Un livre pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #1

    Un livre pour arrêter de pleurer, je dirais... On parlait de Rachel, de Monsieur Vénus. Sur cet aristo qui soumet un pauvre fleuriste et en fait son esclave sexuel. C'est très, très drôle. C'est excellent. Ah oui. C'est excellent.

  • Speaker #0

    Un livre pour s'ennuyer

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer J'ai lu récemment Le Vent de Claude Simon. Alors, c'est très, très bon, mais c'est très, très chiant.

  • Speaker #0

    Ah Vous êtes d'accord avec Eric Neuf, qui a aussi cité Claude Simon à cette question. Vous êtes plusieurs, alors. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. C'est... C'est un livre sur un personnage qui déçoit tout le monde, qui ne prend pas l'amour quand il est sous ses yeux. Ça devrait vous plaire. Ah mais j'adore, j'ai adoré ce livre. Par contre,

  • Speaker #0

    c'est lent et c'est chiant,

  • Speaker #1

    mais c'est bien.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est emmerdant, mais on est content de s'emmerder.

  • Speaker #1

    C'est une autre manière de se faire tabasser à la lecture.

  • Speaker #0

    Un livre pour crâner dans la rue

  • Speaker #1

    L'œuvre au noir de Yur Sonar, parce que c'est... Oui, c'est Yursenard, donc c'est très chic, très dur à pénétrer en même temps.

  • Speaker #0

    Puis c'est médiéval.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est médiéval, c'est mystérieux, c'est élitiste.

  • Speaker #0

    Un livre qui rend intelligent

  • Speaker #1

    Les Frères Karamazov. Ça rend intelligent, ça rend très seul, ça rend très triste, mais ça rend profondément...

  • Speaker #0

    C'est courageux de citer les Russes en ce moment en plus. Voilà, allons-y. Un livre pour séduire Peut-être qu'on laisse traîner sur sa table de chevet, vous voyez, pour...

  • Speaker #1

    Oui, le pur et l'impur de Colette. Ah L'alcool, l'opium, le sexe.

  • Speaker #0

    Ça commence dans une fumerie d'opiole. Oui,

  • Speaker #1

    oui, c'est parfait, ça. Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et puis, il y a beaucoup de femmes qui simulent. Ça, c'est très bien.

  • Speaker #1

    C'est parfait.

  • Speaker #0

    Un livre que je regrette d'avoir lu.

  • Speaker #1

    Alors, je regrette d'avoir lu La Baie de Huysmans, parce que j'aimerais le redécouvrir. J'aimerais avoir le plaisir d'être vierge de ce livre. Oui. C'est tellement bien. Oui.

  • Speaker #0

    C'est merveilleux. Oui, je vous vois bien d'ailleurs entrer au couvent après avoir écrit Carme.

  • Speaker #1

    J'y songe.

  • Speaker #0

    Voilà. J'y songe. Chez les Carmelites.

  • Speaker #1

    L'austérité,

  • Speaker #0

    j'adore l'austérité. Obligé de se taire pendant le restant de vos jours. Non, on ne souhaite pas ça. Un livre que je fais semblant d'avoir fini. Question de Gaëlle Fay.

  • Speaker #1

    Je fais semblant d'avoir fini La chère troce de Parne, qui est... Tiens. Oui, qui est un immense roman, mais les passages de guerre napoléonienne ont eu raison de moi.

  • Speaker #0

    Mais pourtant, ça va bientôt redevenir d'actualité.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Le livre que j'aurais aimé écrire, je suppose que c'est le journal de Mireille Havé.

  • Speaker #1

    Oui, ou bien Disgrace de Cuddy, j'aurais aimé écrire un livre pareil.

  • Speaker #0

    Un livre sur un type vraiment qui est dans la...

  • Speaker #1

    Sur une figure de chute, une figure de faim, un homme en déchéance totale.

  • Speaker #0

    Et enfin, quel est le pire livre que vous ayez jamais lu de votre vie, Esther Theillard

  • Speaker #1

    Vengeance Tchétchène de Gérard de Villiers.

  • Speaker #0

    Un SAS Oui. C'est bien un SAS.

  • Speaker #1

    Non, les couvertures sont bien.

  • Speaker #0

    Oui, les couvertures sont bien, mais l'intérieur, moins.

  • Speaker #1

    Le contenu est quand même franchement assez naze.

  • Speaker #0

    Oui. OK. Merci beaucoup. Ah oui, il y avait aussi le livre que vous lisez en ce moment.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que je lis en ce moment Je lis Fou de Vincent d'Hervé Guibert. Un livre sur l'obsession amoureuse. de Guybert pour un adolescent.

  • Speaker #0

    Oui, attendez, c'est un livre totalement incorrect. L'adolescent a probablement 14 ans. 14 ou 15 ans. Hervé Guybert, qui est aujourd'hui une statue du commandeur très respectée, ce livre-là... Je pense que... Ah, vous êtes d'accord avec moi, c'est un livre de pédophile.

  • Speaker #1

    Il est trouble, il est trouble.

  • Speaker #0

    Bon, enfin, écoutez, c'est intéressant de lire Hervé Guibert malgré cela. Merci beaucoup, Esther Teilhard. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, bien sûr, le magazine des Haribo, les Aristoboèmes, dans la déchéance totale. Je rappelle qu'il faut lire absolument le premier roman d'Esther Teilhard, Carnes. publié aux éditions Pauvert, qui est un grand éditeur malsain.

  • Speaker #1

    Oui, on n'a pas parlé de Pauvert,

  • Speaker #0

    c'est dommage. Mais oui, c'est dommage. Mais parlons-en. Pauvert, grande maison. Jean-Jacques Pauvert était l'éditeur du Marquis de Sade. C'est pour ça que je l'ai cité. Le sexe et la violence indissolublement liés. C'est épouvantable et c'est la nature. Selon le Marquis de Sade. Ce n'est pas moi qui dis ça. Ouh là, ni vous. Attention. Merci donc au Figaro TV pour la réalisation et surtout n'oubliez pas, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot, ce serait quand même dommage. Merci.

Description

"CARNES", le premier roman dont on cause, est libre, provocateur et joyeusement insupportable. Comme son auteur ! Je remercie Esther Teillard d'avoir accepté de dialoguer avec un mâle blanc sur le désir féminin et masculin, la puissance des cagoles et la disgrâce des vieux dégueulasses.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    TAC désigne en anglais les piliers de la mer, détachés de la côte. Des trottas aux capornes, ces sentinelles de roches se dressent par milliers devant les falaises côtières. Sylvain Tesson Qui êtes-vous, tour de la haute mer Tout bouge autour de nous, vous ne reculez pas. Je veux me balancer dans les vagues, grimper ses aiguilles au milieu des oiseaux. Je pars vous escalader, dernier refuge de la beauté.

  • Speaker #1

    Les piliers de la mer, le nouveau livre événement de Sylvain Tesson, chez Albin Michel.

  • Speaker #2

    Bonsoir à toi et bienvenue chez La Pérouse pour une nouvelle conversation avec ce soir Esther Teilhard pour son livre Carnes, publié aux éditions

  • Speaker #1

    Le Vert.

  • Speaker #2

    C'était très bien, vous l'avez très bien fait. Bravo, je vous remercie. L'émission se termine, à bientôt. Au revoir. Au revoir.

  • Speaker #1

    Et terrasse.

  • Speaker #2

    Esther Theia, vous êtes la sensation de ce début d'année 2025. J'ai moi-même dit beaucoup de bien de vous dans le Figaro magazine. Et je pourrais d'ailleurs m'auto-lire. Et ainsi, vous pourriez répondre à ce texte, me dire si j'ai fait n'importe quoi. Parce qu'il y a peut-être des passages qui vous ont déplu. Après tout, on ne peut jamais répondre aux critiques. Alors, voilà l'occasion de le faire.

  • Speaker #1

    Je vous en prie, allez-y.

  • Speaker #2

    Carnes est le premier roman qui décoiffe cette rentrée hivernale. chaque phrase de ce livre est un coup de poing. En temps normal, c'est tout ce que je déteste, parce que le lecteur n'est pas un punching ball.

  • Speaker #1

    Le lecteur est masochiste, il adore se faire martyriser.

  • Speaker #2

    Bon, c'est vrai. La littérature s'ennuie, il était temps qu'un roman la réveille en sursaut. La littérature actuelle est en passe de devenir un mur des lamentations, un concours de complaintes.

  • Speaker #1

    C'est d'accord,

  • Speaker #2

    oui. Le marché aux traumatisés. Vous êtes d'accord avec ça Bien sûr. Vous auriez pu être vous-même une victime dans ce livre.

  • Speaker #1

    La narratrice,

  • Speaker #2

    vous voulez Oui, pas vous, la narratrice, oui. Elle aurait pu se plaindre davantage.

  • Speaker #1

    C'est toute l'ambiguïté de ma narratrice. C'est qu'elle est à la fois victime des situations des personnes et en même temps, elle y retourne. Moi, j'adore ces personnages un peu bizarres qui sont à la fois victimaires et en même temps un peu veules. Vous voyez ces victimes qui retournent toujours.

  • Speaker #2

    Oui, c'est très ambigu comme livre. C'est pour ça que d'ailleurs, la gauche comme la droite saluent. La droite parle de votre style. C'est l'ignin et puis la gauche essaie de vous embarquer dans un féminisme doloriste, alors que pas du tout en fait. On va en parler pendant toute l'heure, mais il me semble que le livre justement ne choisit aucun camp.

  • Speaker #1

    Ah oui, le livre regarde, il observe avec un œil un peu carnassier, mais il ne dit rien, on ne sait rien de ce que la narratrice pense. On ne sait rien du tout.

  • Speaker #2

    Je continue de lire pour que vous puissiez me répondre

  • Speaker #1

    Allez-y.

  • Speaker #2

    Comment ne pas être reconnaissant envers la jeune Esther Teilhard, 23 ans, de rejouer enfin le rôle du charmant monstre qui sème le trouble dans le landerneau des lettres endormies Je vous remercie pour ça parce que j'adore les monstres.

  • Speaker #1

    Dracula est mon idéal absolu. Les monstres nous sauveront, je pense.

  • Speaker #2

    Pourquoi Dracula Parce qu'il est éternellement jeune

  • Speaker #1

    Il est éternellement jeune, il est éternellement seul, il est profondément romantique, Dracula. Puis il est dépressif et amoureux de l'amour et personne ne comprend Dracula.

  • Speaker #2

    Mais rassurez-moi, vous n'avez pas l'intention de sucer le sang de jeunes vierges.

  • Speaker #1

    Ça, ça me regarde.

  • Speaker #2

    Oui. Alors, vous ne pouvez pas être un vampire car on tourne en plein jour, vous voyez, on enregistre et il fait jour. C'est vrai. Donc, c'est un peu... Voilà, Dracula n'aurait pas supporté l'horaire de tournage, d'enregistrement de cette émission. Je continue. Carnes, qu'est-ce que c'est Elle divague autour de l'itinéraire sexuel d'une étudiante au Beaux-Arts de Sergy qui a quitté Marseille pour Belleville. J'ai 18 ans, j'habite au milieu des vieilles putes chinoises du boulevard de la Villette. On dirait Guerre de Céline en mini-jupe de cagole.

  • Speaker #1

    Ça, j'adore. Ça, j'ai adoré, Frédéric. Je vous remercie pour ça.

  • Speaker #2

    J'ai entendu dire que vous aviez choisi la couleur du livre parce que c'est couleur auto-bronzant.

  • Speaker #1

    Ces couleurs jaune cagole, jaune cheddar, jaune pisse, qui est la première teinte du roman.

  • Speaker #2

    Pourquoi cet éloge des cagoles Les cagoles sont souvent, c'est un terme plutôt dépréciatif, et pour vous c'est élogieux

  • Speaker #1

    Parce que je trouve que les cagoles sont assez honnêtes. Finalement, elles ne sont pas tant dans la posture que ça. La narratrice arrive à Paris où tout le monde... Tout le monde est dans une certaine posture, tout le monde revendique sa personne, son identité. Et la cagole avec qui elle a grandi a quelque chose de très brut de tôle, de très sincère. Donc elle aime la cagole, mais aussi parce que la cagole la rejette. Les cagoles détestent les autres femmes. Elle les voit comme des révèles. Donc elle essaye sans cesse de plaire à ces cagoles qui ne la regarderont, qui ne la regarderont jamais.

  • Speaker #2

    Et puis ensuite, une fois à Paris, elle essaye de plaire aux bobos. Ou aux hipsters, ou aux étudiants des beaux-arts de Sergi Pontoise, d'ailleurs, se sont tournés en dérision. Je ne sais pas s'ils ont apprécié ou pas.

  • Speaker #1

    Oui, pas beaucoup, mais en réalité, tout le monde s'en prend un peu plein son grade, la narratrice en premier.

  • Speaker #2

    Oui,

  • Speaker #1

    oui. Mais premier, il n'y a personne d'épargné, donc au final, c'est assez juste, je trouve.

  • Speaker #2

    Alors, en dehors des cagoles, le titre, Carnes, est-ce que c'est un compliment ou une injure

  • Speaker #1

    Tout dépend. En général, quand on se fait traiter de carne, c'est plutôt péjoratif.

  • Speaker #2

    Moi, par exemple, je me considère comme une vieille carne.

  • Speaker #1

    Vous avez quelque chose de la carne, c'est peut-être les cheveux. Oui. Il y a à voir avec le mouvement capillaire dans la carne.

  • Speaker #2

    Mais on peut avoir 23 ans et être une carne quand même.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Surtout quand on a grandi dans une ville comme Marseille qui est la carne en personne. C'est une vraie connaisse.

  • Speaker #2

    Carne, ça veut dire viande. Ça veut dire que vous êtes une sorte de... Oui,

  • Speaker #1

    une viande puante. C'est pas une belle viande.

  • Speaker #2

    Faisons des... Faisant D à 23 ans déjà, c'est ça

  • Speaker #1

    Misére.

  • Speaker #2

    Non mais, vous êtes plutôt une caïra vous, non Une caïra Ouais, je sais pas.

  • Speaker #1

    Ah bah tiens, si vous le dites, pourquoi pas, j'adore.

  • Speaker #2

    Non mais, vous êtes née en 2002.

  • Speaker #1

    Non,

  • Speaker #2

    2001. 2001, donc le terme exact, c'est millénial ou génération Z Je sais pas,

  • Speaker #1

    je crois que c'est millénial, mais ça me déprime. Ne me dites pas ça, ça me déprime.

  • Speaker #2

    Non, parce qu'il y a déjà d'autres générations depuis. Il y a les générations Alpha, Beta, enfin bref. Je ne m'y retrouve plus. Mais je rappelle que Carnes était le titre d'un film de Gaspard Noé de

  • Speaker #1

    1991. Son premier film,

  • Speaker #2

    oui. Son premier film qui était très violent et qui était l'histoire d'un boucher.

  • Speaker #1

    Je crois, oui, je l'ai vu il y a longtemps. Ça m'a un peu ennuyé, d'ailleurs.

  • Speaker #2

    Le personnage principal de votre roman s'appelle Noé, comme Gaspard Noé. Donc, il doit y avoir un hommage quelque part.

  • Speaker #1

    Un hommage, et puis non, c'est un hommage de taille, parce que Gaspard Noé n'est pas très grand, et l'homme est assez petit. Moi, je suis fascinée par les nabots.

  • Speaker #2

    Il va être content, Gaspard Il va être ravi. Gaspard, je te salue. Moi, je suis un fanatique de son œuvre et de ses films très radicaux, et je pensais que vous vouliez lui rendre hommage.

  • Speaker #1

    Si, si, en partie. Moi, j'aime beaucoup aussi Gaspard Noé. Mais le personnage de Noé, c'est une caricature d'un homme passionné par... Par Gaspard Noé, par Bataille, seul dans son appartement de la rive gauche en train d'écrire ses saloperies dans son coin.

  • Speaker #2

    Oui, alors bon, c'est un personnage d'écrivain d'un certain âge. Évidemment, je l'ai pris très personnellement tout de suite. Et je vais vous demander de lire la page 53 qui, il me semble, décrit très bien ce style d'homme.

  • Speaker #1

    D'accord. Il est à l'âge... où l'on ne rencontre plus. Il est condamné à vivre avec des gens qu'il a déjà rencontrés, qu'il a eu le temps d'aimer et de ne plus aimer, sur lesquels il a fantasmé, puis défantasmé. Des gens qui passent leur temps à comparer sa gueule d'avant à sa gueule de maintenant. Il est condamné à être scruté par tous. C'est le destin des hommes qui ont été puissants et ne le sont plus. Le mieux, c'est d'être moyen sur la durée, de vieillir à long terme, de ne jamais connaître ni la grâce, ni la disgrâce, d'être constant. C'est la seule manière de survivre à la vieillesse.

  • Speaker #2

    Voilà, alors comment on peut savoir tout ça à votre âge C'est ça que je... Il y a un mystère pour moi.

  • Speaker #1

    Il y a un mystère Non, moi je suis passionnée par la littérature de la disgrâce. J'adore les figures d'hommes en train de s'enfoncer dans leur âge et dans leur temps et qui ne correspondent plus à rien. La tâche de Philippe Roth, c'est un des romans les plus merveilleux à ce sujet. Et un autre roman d'ailleurs que j'adore, c'est Disgrâce de Cuddy.

  • Speaker #2

    Oui, bien sûr.

  • Speaker #1

    Et ça, c'est un roman fascinant.

  • Speaker #2

    Les deux ont en commun que c'est un prof, le héros, il semble.

  • Speaker #1

    C'est un prof émérite de littérature qui se fait zigouiller par un scandale d'agression sexuelle et qui se retrouve en disgrâce totale et à rebours dans son temps. Moi, j'adore les personnages comme ça. C'est des personnages qui me fascinent littérairement parlant.

  • Speaker #2

    De mémoire de critique littéraire, j'ai commencé en 1985, ça fait 40 ans dans les dents. Je n'ai jamais vu un premier roman accueilli aussi unanimement. que le vôtre. Télérama, Libé, Le Monde, Le Figaro, France Inter, Le Point, Le Nouvel Obs sont d'accord. Ce qui n'existe pas, puisqu'ils se détestent entre eux, normalement. Tous ces gens qui se haïssent saluent tous votre livre. Alors, est-ce que vous vous attendiez à un accueil pareil Et quelle est l'explication de ce miracle

  • Speaker #1

    Alors, pas du tout. Pas du tout. Moi, je déboule de mon Marseille avec mes 23 ans. Et je suis très étonnée d'ailleurs, je ne pensais pas que c'était possible. La raison pour laquelle ça fait sens pour toutes ces personnes, honnêtement, j'en ai aucune idée. Je pense que chacun s'approprie un peu quelque chose et il voit son combat. Donc c'est assez amusant à observer, puisque parfois on me revendique des pensées ou des idéaux que je n'ai pas, ou vice-versa. Donc je regarde et ça m'a beaucoup fait rire.

  • Speaker #2

    Oui, en fait, c'est comme si on avait... On réussit à tous s'accorder sur le besoin de violence. On a besoin que la littérature secoue le lecteur et réveille les consciences. Et qu'un livre, par sa brutalité peut-être, par son style, son écriture, sorte un peu de la léthargie, ce milieu. Et donc c'est tombé sur vous.

  • Speaker #1

    C'est tombé sur moi. Je ne sais pas si c'est... On me parle d'une forme d'insolence, je ne me retrouve pas tellement dans ça. Je pense que l'insolence est une forme détournée de chasteté et que c'est un roman qui est en réalité assez chaste, qui ne dit pas grand-chose.

  • Speaker #2

    Chaste, alors ça ne saute pas aux yeux.

  • Speaker #1

    Ça ne saute pas aux yeux parce que le langage...

  • Speaker #2

    Il y a beaucoup de sexe et même de pornographie par moment.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'il y a bite et chatte à chaque page, ce qui a posé problème d'ailleurs. Pour la quatrième de couverture, parce qu'on ne savait pas quoi mettre.

  • Speaker #2

    Il y a des phrases sans ces mots-là. Mais c'est vrai que... Dans mon article un peu plus loin, je disais que vous éclipsiez Lola Lafon, par exemple. Lola Lafon, c'est un écrivain qui écrivait comme vous à votre âge. Mais avec le succès, peut-être qu'après, on s'anesthésie un peu, on devient respectable. Je vous souhaite de ne jamais devenir respectable. Ce serait terrible.

  • Speaker #1

    Ce serait triste en effet, mais je ne pense pas m'orienter vers ça. Si j'aime le respect, j'aime le respect, mais le confort, je m'ennuie toujours au bout d'un moment.

  • Speaker #2

    Vous ne croyez pas que peut-être si on dit trop de bien de vous, vous risquez de vous endormir et de devenir une notable

  • Speaker #1

    quelqu'un qui pérore sur la société mais j'écrirais un roman sur un notable qui s'encanaille dans des caves le soir ou dans des salons chez la Pérouse dans des salons vampiriques allez savoir mais

  • Speaker #2

    il y avait quelque chose c'est vrai, moi j'ai ressenti un peu le même choc qu'en lisant Baisse-moi de Virginie Despens alors est-ce que vous avez pensé à elle tout simplement en vous disant tiens moi mon premier roman aussi je veux qu'il bouscule

  • Speaker #1

    En réalité, pas tellement. Moi, j'aime bien Dépente, mais je vois que le nom de Dépente ressort. Après, c'est un peu une sorte de mode. Dès qu'il y a un jeune qui parle de cul de manière un peu énervée, on crie Dépente.

  • Speaker #2

    On aurait pu citer Lolita Peel, Hell de Lolita Peel.

  • Speaker #1

    Oui, on me l'a dit aussi. Moi, ce que j'aime chez Dépente, c'est qu'il y a une forme, justement, de chasteté. Oui, elle est douce avec ses personnages, je trouve. Elle est fascinée par la violence et par les personnages violents, mais il y a toujours une forme de gentillesse.

  • Speaker #2

    Oui, mais je trouve que vous aussi, les personnages du livre, il y a Estia, qui est une slave très...

  • Speaker #1

    Elle est unéphalique.

  • Speaker #2

    Oui, il y a Loïs, Dalila, Médée, la drag queen.

  • Speaker #1

    tous ces étudiants des beaux-arts vous les regardez avec tendresse quand même Ah oui je les regarde avec tendresse et je les observe alors ils ont quelque chose de triste c'est des personnages qui sont assez tristes qui sont enfermés dans leur atelier ou dans leur désir dans leur corps des sortes de Christ sans foi d'ailleurs c'est pour ça que j'ai choisi des prénoms assez connotés mais ils sont Oui, je les traite, je pense, avec tendresse. C'est Marseille qui s'en prend plein la gueule, bizarrement. Et Marseille... De toute façon, Marseille, c'est elle la carne, oui, c'est la carne du roman.

  • Speaker #2

    La ville sensuelle, sexuelle.

  • Speaker #1

    C'est la ville sexuelle, mais inquiétante. C'est la ville... C'est une ville qui se refuse toujours à celui qui a grandi dedans.

  • Speaker #2

    Qui a grandi dedans, mais aussi aux Parisiens, parce que vous parlez des Parisiens qui débarquent là... Ils repartent. Et qui... C'est drôle.

  • Speaker #1

    Oui, parce qu'ils s'en prennent plein la tronche quand ils arrivent à Marseille. Au début, ils trouvent ça merveilleux. Il y a beaucoup d'espace, de soleil et compagnie. Puis après, ils se prennent le premier pain dans la gueule. Et là, ils comprennent que Marseille est une durée à cuire.

  • Speaker #2

    Mais diriez-vous que vous vous inscrivez dans la tradition qui est très française du roman à la conquête de Paris C'est-à-dire Balzac, Rastignac, Rubinpré qui partent à la conquête de Paris. Votre narratrice a finalement la même démarche que dans tous ses romans, les romans du XIXe.

  • Speaker #1

    Oui, c'est la fameuse montée à Paris. Oui, moi je suis fascinée par les... Alors moi je suis complètement fascinée par les lesbiennes de fin de siècle, début de siècle. Oui. Mireille Havé. Mireille Havé que j'aime profondément, mais Nathalie Clifford-Barné. Ou une autre, alors elle n'était pas lesbienne, mais tout comme, c'est Rachilde. Vous connaissez Rachilde Qui a écrit ce roman merveilleux, Monsieur Vénus, sur une aristo qui débauche un fleuriste et en fait son esclave sexuel. Moi j'adore cet esprit très parisien de Salon qui m'est étranger parce que je ne viens pas de là. Donc il y a une forme de fascination certaine.

  • Speaker #2

    Bienvenue dans un endroit où probablement les personnes que vous citez sont venues.

  • Speaker #1

    Sont sûrement venues et se sont débauchées sur la table.

  • Speaker #2

    Oui, dépravées ici même sur cette nappe. C'est possible. Alors il y a de la dépravation dans votre livre aussi, il y a beaucoup de drogues. Il y a alors des nouvelles drogues, la kétamine, la 3-MMC, le GHB. Toutes ces drogues, personnellement, je n'ai pas eu l'occasion d'expérimenter, mais qui sait Et donc vous parlez en connaissance de cause, ou il y a beaucoup de défonce au beaux-arts de Sergi Pontoise

  • Speaker #1

    La narratrice parle en connaissance de cause, c'est certain. C'est surtout des drogues, le chemsex, des drogues qui permettent d'avoir une vie sexuelle. Parce qu'en réalité, sans ces drogues, il n'y a plus de vie sexuelle. D'ailleurs, on le lit, les jeunes ne baissent plus.

  • Speaker #2

    Oui. Dans ce livre, ils sont obsédés par le sexe. Ils en parlent beaucoup. Je ne sais pas s'ils le pratiquent énormément, mais ça parle de désir tout le temps.

  • Speaker #1

    Ils sont obsédés par leur sexe. Est-ce qu'ils sont obsédés par le sexe Je ne sais pas. Il n'y a pas beaucoup de plaisir. On est sur un rapport assez rugueux à l'autre, à son propre corps.

  • Speaker #2

    Oui, c'est assez étrange même. La narratrice est la fille d'une procureure de la République de Marseille. L'aide est plate. C'est elle qui le dit, ce n'est pas moi. Oui. Est-ce que vous croyez que son désir physique est déformé par la filiation et par le fait qu'elle a vu dans son enfance des photos de crimes

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'elle a grandi avec des dossiers de viol en réunion dans le salon, donc ça rend tout de suite un peu sec. Mais elle... Sa mère, c'est un drôle de personnage. Elle représente la justice, donc elle est en robe noire, elle est très plate. Et en même temps, il y a un côté un peu pervers dans cette mère qui laisse traîner ses dossiers, qui n'éduque pas sa fille, mais qui l'inonde de violence. Oui, c'est un peu bizarre.

  • Speaker #2

    Elle la surprotège, vous croyez Ou au contraire, elle veut l'avertir des dangers de l'existence

  • Speaker #1

    Ah, c'est toute l'ambiguïté de la figure de la mère. Moi, je suis fascinée par les mères. Les tarantules, les mères dévorantes, on parle souvent des pères, vous en savez un rayon. Mais les mères, les mères qui éduquent à la violence, les mères qui dévorent. La relation mère-fille est très compliquée.

  • Speaker #2

    Ah bah oui, très compliquée, très compliquée. Vous venez d'en parler, il y a peu de pères dans le livre. La copine slave, son père est mort. La narratrice n'a pas de père. Enfin, on n'en parle jamais.

  • Speaker #1

    Les pères faillis, un autre thème que j'adore.

  • Speaker #2

    Alors, où sont passés tous les papas

  • Speaker #1

    Le père est mort. Le père n'est plus à la mode. On regarde maintenant la mère.

  • Speaker #2

    C'est pour ça qu'on essaie d'écrire sur les pères, peut-être, parce que justement...

  • Speaker #1

    Pour les remettre.

  • Speaker #2

    Pour savoir où ils sont passés, oui. Est-ce que vous aviez envie de faire scandale comme Sagan avec Bonjour Tristesse Parce qu'on y pense aussi beaucoup à ce premier livre dont Mauriac avait dit, enfin, il avait dit de l'auteur que c'était un monstre charmant. Et moi, je me sens un peu, voilà, je me sens un peu mauriac en vous regardant. Je me dis, il avait l'air de bien l'aimer, sa gant, mais pas trop la comprendre, quoi.

  • Speaker #1

    Vous ne me comprenez pas.

  • Speaker #2

    J'essaie de vous comprendre.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous ne comprenez pas Posez-moi des questions.

  • Speaker #2

    Non mais justement, je vous demande si vous vouliez faire scandale.

  • Speaker #1

    Ah non.

  • Speaker #2

    Non Non. Vous avez l'impression d'écrire un livre totalement inoffensif

  • Speaker #1

    Non, j'avais envie d'écrire sur la honte. Parce qu'il y a beaucoup de honte. C'est un thème littéraire vertigineux, la honte. Ça me fascine. Et sur... J'avais envie de faire des... J'avais envie qu'il y ait des personnages très décevants. Ils sont tous décevants. Ils ne vont pas là où on aimerait qu'ils se rendent. Ils sont décevants.

  • Speaker #2

    Moi, je pense que c'est surtout la forme qui est très originale, à la fois porno mais comique, inventive, expérimentale parfois, mais très littéraire quand même. On sent que vous avez beaucoup lu. L'extrait que vous avez lu montre que vous avez parfois une prose très classique aussi. Où avez-vous trouvé cette musique

  • Speaker #1

    J'adore lire, ça c'est sûr. Moi, j'étais étudiante au Beaux-Arts, je me faisais chier. Puis j'étais surtout extrêmement mauvaise. Oui,

  • Speaker #2

    parce que vous vouliez être peintre.

  • Speaker #1

    Je voulais être peintre, ça ne marchait pas du tout.

  • Speaker #2

    C'est un échec total Un échec total.

  • Speaker #1

    J'étais vraiment particulièrement mauvaise à cet exercice. Je dessinais des araignées à l'encre de Chine à longueur de journée, quand je devenais folle. Oui. Donc j'ai arrêté ça et je me suis mise à lire attentivement.

  • Speaker #2

    Avec la même encre que vous vous êtes mis à peindre, mais peindre avec des mots.

  • Speaker #1

    Je me suis mis à peindre avec des mots. D'ailleurs, je parle des insectes parce que ça me fascine la figure de l'insecte. J'ai commencé par travailler sur l'omniprésence des insectes dans la littérature de Dostoevsky. Un thème qui fait chier tout le monde.

  • Speaker #2

    J'en vois plus chez Kafka.

  • Speaker #1

    Il y en a plus chez Kafka, mais chez Dostoevsky, c'est assez vertigineux. Il y a des cafards partout. Dans les frères Karamazov, à chaque page, des cafards. Le père, d'ailleurs, qui déteste...

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y avait plus d'insectes Il y avait moins de dératisation qu'aujourd'hui, peut-être.

  • Speaker #1

    Peut-être aussi. Oui,

  • Speaker #2

    c'est l'époque, puis la Russie de l'époque il devait y en avoir partout Donc vous travaillez dans une émission de France Culture qui s'appelle Mauvais Genre Est-ce que ça aussi, ça peut être déteint sur votre manuscrit

  • Speaker #1

    Oui, à Mauvais Genre on est amené à avoir de très mauvaises fréquentations Voilà,

  • Speaker #2

    c'est ça L'animateur François Angelier François Angelier, tout à fait Un vieux dégoûtant que je connais un peu Il est très chaste,

  • Speaker #1

    si vous savez Mais surtout nos invités, oh là là, nos invités Oui C'est bien que France Culture persiste avec sa tour d'ivoire mauvais genre. Oui. Parce qu'on invite des fous furieux.

  • Speaker #2

    Il y a deux endroits où, à France Culture, qui sont un peu à part. Il y a Réplique, à l'Afrique et le Crote, et il y a Mauvais Genre. Vous êtes passé. Oui, voilà. Ah oui, trois fois. Non, ils invitent n'importe qui. C'est des endroits où, vraiment... Bon, non, sur le fond, Carnes est un roman sur la violence et le sexe. Vous n'arrivez jamais à dissocier les deux. Vous êtes comme le marquis de Sade. Ah bah oui, vos personnages sont des femmes qui jouent avec le désir des hommes et qui refusent d'en avoir peur. C'est ça qui est original.

  • Speaker #1

    Oui, elles refusent d'en avoir peur, c'est les maîtresses, c'est les dominas du livre. Oui. Elles sont infiniment plus violentes que les hommes, d'ailleurs il y a très peu d'hommes dans le roman. Et c'est des figures bizarres de femmes à la fois puissantes, inquiétantes, souveraines, mauvaises. Et malicieuse. La malice, c'est ça, c'est la nature mauvaise. Il y a quelque chose d'un peu pervers, oui, c'est vrai.

  • Speaker #2

    Et diriez-vous que ce sont des femmes puissantes

  • Speaker #1

    Oui, ce sont des femmes puissantes. Mais ce sont des femmes qui, pour exercer leur puissance, passent par la violence. Et se mettent aussi parfois des bâtons dans les roues. C'est ça qu'on dit

  • Speaker #2

    J'ai eu peur. Est-ce que vous diriez que c'est un roman post-MeToo

  • Speaker #1

    Honnêtement, ce n'est pas une question qui m'a travaillée lorsque je l'ai écrit.

  • Speaker #2

    Vous l'avez écrit après puisque Me Too c'est 2017.

  • Speaker #1

    Actuellement parlant, c'est post-Me Too. Donc il y a des figures d'hommes en disgrâce, en déchéance. Mais c'est un roman de femmes, de carnes.

  • Speaker #2

    Oui. Non mais je dis ça parce que vous disiez vous-même qu'on essayait de vous embarquer, peut-être de vous embringuer dans le féminisme. Il y a deux sortes de féminisme. Il y a un féminisme très puritain, à la Sandrine Rousseau, pour caricaturer. Tous les hommes sont des porcs. Et puis, il y a un féminisme pro-sexe, pro-travailleuse du sexe, tout ça, qui est présent dans ce livre-là. C'est plutôt ça. Si jamais on vous embringue quelque part.

  • Speaker #1

    Moi, je regarde où on m'embringue, mais je ne dis rien. Parce que j'aime la littérature, je n'ai pas envie de parler de ça. C'est la littérature qui m'intéresse. J'avais une idée très précise des personnages féminins que je voulais et les voilà. Les femmes terribles.

  • Speaker #2

    Les femmes terribles. Donc, je n'arriverai pas à vous récupérer. Ok, très bien.

  • Speaker #1

    Je sais que vous essayez, j'ai vu ça.

  • Speaker #2

    Non, mais par exemple, quand vous citez Mireille Havet, le journal de Mireille Havet, qui était un bijou, en 1919, elle écrit Suis-je difforme ou sale Alors, je vous pose la question de Mireille Havet. Êtes-vous difforme ou sale

  • Speaker #1

    Un peu des deux, moitié-moitié, comme on dit à Marseille. Mireille Havé, c'est une figure fascinante parce qu'elle est à la fois... On essaie de la récupérer dans la mouvance de Colette et de toutes ces lesbiennes du début du siècle.

  • Speaker #2

    Oui, on a oublié tout à l'heure de citer Colette.

  • Speaker #1

    De citer Colette.

  • Speaker #2

    Mais qui était bisexuelle.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Mais Mireille Havé est très étrange parce qu'elle, par exemple, elle regarde les femmes. Elle passe son temps à mater les femmes dans la rue. Donc, elle n'avait pas un rond. Elle se mettait... Elle se mettait à la terrasse de café, puis elle regardait les baronnes qui passaient. Et elle les matait. Mais quand on voit les passages de son journal sur les femmes, c'est atroce. C'est atroce.

  • Speaker #2

    Dans votre livre aussi, vous êtes très voyeuriste. Et on a l'impression que vous regardez plus les femmes que les hommes.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #2

    Pour se comparer ou pour les admirer, tout simplement. Est-ce que vous... Alors, je continue à poser des questions de vieux à une jeune. Est-ce que vous écrivez pour échapper aux leçons de morale

  • Speaker #1

    Ah oui, sûrement.

  • Speaker #2

    C'est ce qu'on sent. On sent que vous êtes beaucoup plus libre que l'époque. C'est presque interdit d'écrire aujourd'hui aussi librement.

  • Speaker #1

    Oui, mais c'est pour ça que la réception assez joyeuse de plusieurs personnes qui ne pensent pas la même chose me dit qu'on est quand même sauvés. Oui,

  • Speaker #2

    vous êtes une bonne nouvelle en fait. Vous avez une bonne nouvelle et j'ai l'impression qu'on est tous des vieux ringards qui essaient, qui ne veulent pas l'être. Et pour ne pas être ringard, il faut aimer votre livre en ce moment. Oui, c'est ça. J'ai l'impression que c'est ça.

  • Speaker #1

    Mais là, je m'inquiète parce que si ça commence à faire l'unanimité, c'est que c'est extrêmement mauvais.

  • Speaker #2

    C'est inquiétant. Faites attention à vous. D'ailleurs, vous citez des wokistes bien connus, Geoffroy de Laganerie et Paul Preciado. Alors, je n'ai pas compris si vous les citiez pour vous en moquer. ou pour dire je suis au courant de votre existence

  • Speaker #1

    Encore une fois, on ne sait pas. Le trouble est là. Je les ai citées.

  • Speaker #2

    Elle est très forte. On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. Vous savez, vous savez,

  • Speaker #1

    bien sûr. J'essaye de serpenter entre vos tentatives de m'amener à un endroit. Pourquoi je les cite Parce que déjà, c'est des... Enfin, pas préciado, mais... La Gamerie, c'était un professeur au Beaux-Arts de Sergis.

  • Speaker #2

    Donc, il était votre prof

  • Speaker #1

    Il était mon prof. Il donnait des cours sur l'amitié.

  • Speaker #2

    Mais il fait l'éloge de l'amitié, d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Il fait l'éloge de l'amitié.

  • Speaker #2

    La solution pour échapper à la famille, c'est l'amitié. C'est de créer sa propre famille. C'est intéressant comme théorie.

  • Speaker #1

    C'est intéressant, oui. Je ne partage pas forcément son opinion, mais c'est intéressant.

  • Speaker #2

    Elle est vraiment très à droite, cette invitée Esther Teilhard. Je vous recommande la lecture de son livre. Et nous allons passer au grand jeu. Devine tes citations, Esther.

  • Speaker #1

    Je n'ai qu'un livre commentaire.

  • Speaker #2

    Ça va être très bizarre, puisque vous devez deviner dans quel livre. Vous avez écrit cette phrase. C'est très difficile. Attention, vous êtes un peu blonde.

  • Speaker #1

    Vous êtes un peu bête. Oui.

  • Speaker #2

    Alors, votre livre, d'ailleurs, collectionne, on appelle ça les punchlines aujourd'hui. Pour moi, ce sont des aphorismes. Mais on va en lire quelques-unes. Et donc, vous me dites, dans quel livre vous avez écrit ceci C'est très difficile.

  • Speaker #1

    Ça va être compliqué,

  • Speaker #2

    oui. Elles sont sûres d'elles, comme des femmes qui se sont lavées les cheveux le matin. Donc, dans quel livre C'est tout à fait ça, c'est dans Carnes en 2025. Alors, sur Del comme des femmes qui se sont lavé les cheveux le matin, ça veut dire qu'on peut aujourd'hui être militante et propre.

  • Speaker #1

    Vous êtes drôle. Oui, je pense.

  • Speaker #2

    Non, mais féministe avec féminité.

  • Speaker #1

    Bien sûr.

  • Speaker #2

    C'est ça, vous y croyez à ça. Oui, mais c'est intéressant. C'est important. Vous pensez qu'on a le droit... Euh... D'être engagée et jolie

  • Speaker #1

    Mais, vos questions, franchement, Frédéric, ce n'est pas possible.

  • Speaker #2

    C'est des questions... Enfin C'est des questions minables. Enfin Une autre phrase de vous. Dans quel livre avez-vous écrit ceci Je rappelle qu'elle n'en a écrit qu'un. J'ai un avis radical. Les femmes sont soit désirables, soit imbaisables.

  • Speaker #1

    Il me semble que c'est carné.

  • Speaker #2

    Mais vous n'êtes... Enfin, franchement, là, vous pensez comme un vieux macho. Les femmes sont soit désirables, soit imbéciles.

  • Speaker #1

    Je pense comme une carne.

  • Speaker #2

    Je suis désolé. Mais vous le faites, parce que moi j'ai une théorie.

  • Speaker #1

    J'adore les théories,

  • Speaker #2

    dites-moi. Ma théorie du oui-non, c'est que chaque fois qu'on croise...

  • Speaker #0

    Pour un hétéro, c'est une femme. On se demande est-ce que oui ou non, ce serait possible ou pas. Et donc, vous faites ce jeu, vous, quand vous croisez des gens, hommes ou femmes, vous dites est-ce que oui, est-ce que non

  • Speaker #1

    Moi, je fais le jeu de l'île déserte. J'ai une théorie. Donc en fait, je regarde les gens passer et je les imagine sur une île déserte. Ah,

  • Speaker #0

    si vous n'aviez pas le choix.

  • Speaker #1

    Voilà, donc si je n'avais pas le choix, nu, sans artifice aucun. Et j'essaye de voir s'ils résistent au décor un peu âpre. Et peu de gens à Paris résistent, alors qu'à Marseille, presque tout le monde y résiste.

  • Speaker #0

    Ah, vous voulez dire qu'à Marseille, les gens sont imbaisables

  • Speaker #1

    Ah non, mais justement, quand on résiste à la théorie du désert...

  • Speaker #0

    Ah oui, résister, vous voulez dire au sens où passer le test. Voilà,

  • Speaker #1

    on passe le test, là on est tout à fait aptes.

  • Speaker #0

    Donc à Marseille, les gens sont plus désirables qu'à Paris, c'est ça que vous dites

  • Speaker #1

    C'est une autre forme de désir, mais c'est...

  • Speaker #0

    Parce que le Parisien a besoin d'être habillé.

  • Speaker #1

    Oui, il se farde, il se farde. Regardez où on est. On est fardés nous aussi.

  • Speaker #0

    Oui, il a besoin d'avoir sa veste, sa cravate ou son pull col roulé d'intellectuel de gauche. Bon, bref, non, plus sérieusement, la phrase, les femmes sont soit désirables, soit imbaisables, c'est une phrase qui veut dire que la femme n'arrive pas à sortir de cette emprise du désir des autres. Vous n'arrivez pas à échapper à ça Vous croyez Même votre génération

  • Speaker #1

    On est sans cesse ramené à ça, c'est certain. On peut s'en détourner en étant amoral et en écrivant des livres carnassiers. Peut-être que c'est une manière d'échapper à cette espèce de dictate.

  • Speaker #0

    Oui, c'est dingue parce qu'après toutes ces luttes, tous ces combats pour sortir de ça, le désir masculin ou le désir féminin réduit la femme quand même encore à être un corps. Est-ce que c'est un des messages secrets de votre livre Puisque le titre, c'est Karn.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Il y a de ça. Après, regardez le personnage de Noé. Je le regarde comme un corps. C'est un abo, c'est tout.

  • Speaker #0

    Alors, on continue les phrases. Donc, vous devez deviner dans lequel de votre unique livre vous avez écrit ceci. La moustache, c'est la nouvelle planque pour les mecs à physique sans plus. C'est dans Carnes. Oui, c'est dans Carnes. Ça, c'est très drôle, évidemment. C'est vrai qu'il y a beaucoup de mecs avec des moustaches maintenant.

  • Speaker #1

    C'est pratique parce qu'on regarde ça et puis on ne regarde plus le reste. Oui,

  • Speaker #0

    voilà.

  • Speaker #1

    C'est une distraction.

  • Speaker #0

    Diriez-vous que la barbe, c'est pareil

  • Speaker #1

    La barbe a une tradition un peu plus ancienne que je respecte.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, ce n'est pas un truc de mecs sans plus qui se laissent pousser la barbe pour être...

  • Speaker #1

    Il y a barbe et barbe. Parce que la barbe trop taillée, trop... Trop entretenue et assez terrifiante, je trouve.

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est vrai, je suis d'accord.

  • Speaker #1

    C'est assez angoissant, vous voyez ces hommes, la barbe triangle.

  • Speaker #0

    La barbe trop étudiée, trop, oui je suis d'accord. Ah, maintenant parlons des lunettes. Vous dites les lunettes carrées, et c'est une phrase qui revient plusieurs fois, au moins trois ou quatre fois, comme un refrain. Les lunettes carrées rendent les filles sexuelles. Je suis, je comprends, mais pourquoi carrées Parce que les lunettes, quelles qu'elles soient...

  • Speaker #1

    Ronds, ça change tout.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Ronds, ça fait binoclarde. Carré, c'est autre chose.

  • Speaker #0

    On peut peut-être tester. J'ai des lunettes carrées ici.

  • Speaker #1

    Je ne mettrai pas vos lunettes.

  • Speaker #0

    Vous ne devez pas les mettre. Je refuse. D'accord.

  • Speaker #1

    Ouvertement.

  • Speaker #0

    Non, mais je vois que là, c'est là où on voit que vous êtes une nouvelle génération qui ne se laisse pas faire. Bien sûr. C'est très bien. Dernière phrase de vous. Dans lequel de votre unique livre, vous avez écrit ceci J'aime pas ce genre de gueule, elle donne soif. Oui, oui. Ça, c'est très bien, ça. C'est bien trouvé.

  • Speaker #1

    Il y a tellement de physique qui donne soif.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Ça se voit souvent dans les bouches tombantes un peu mesquines. On voit la mesquinerie des gens sur leur visage.

  • Speaker #0

    Ah, ça, vous êtes d'accord, et Balzac. Ah oui, oui. La morphopsychologie.

  • Speaker #1

    Mais ça arrive une fois sur cent qu'un visage nous trompe. Ça m'est arrivé récemment. Oui. Un visage très rond, très charnu.

  • Speaker #0

    Je voulais dire qui avait l'air aimable et gentil. Oui,

  • Speaker #1

    qui avait l'air plein de générosité et qui était en réalité.

  • Speaker #0

    Un salaud. Très sec. Ah oui. Intérieurement, oui, vous êtes...

  • Speaker #1

    Rongé intérieurement, oui. Ah oui, d'accord. Mais c'est rare. En général, on voit à certains traits les mœurs.

  • Speaker #0

    On voit l'aigreur des gens. Oui, oui. Moi, par exemple, on voit que je suis dans un état de délabrement intérieur au fond.

  • Speaker #1

    En disgrâce.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, on voit ça. Et alors, vous êtes d'accord avec Hemingway, parce que Ernest Hemingway buvait pour oublier les cons. Et c'est un peu ce que vous dites là, avec cette phrase, les gueules qui donnent soif. Bon, bravo en tout cas pour ce livre, c'est formidable, je suis très très épaté. Je vous remercie beaucoup. Nous avons un autre questionnaire important, je vous ai envoyé les questions à l'avance.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai pensé, je les ai en tête.

  • Speaker #0

    Vous avez tout réfléchi, parfait. Alors, les conseils de lecture, parce que c'est pas parce que vous n'avez écrit qu'un livre que vous n'avez pas énormément lu, ça se sent vraiment en lisant Carnes. Et donc, j'aimerais bien avoir vos lumières, un livre qui donne envie de pleurer, par exemple.

  • Speaker #1

    Mars de Fritz Zorn. Un livre qui est affreux sur les dommages de l'éducation bourgeoise. Un homme qui se fait bousiller par sa famille et qui en meurt, parce qu'il meurt d'un cancer.

  • Speaker #0

    Oui, et il ne cesse de dire que c'est sa famille qui lui a donné le cancer. Un livre pour arrêter de pleurer.

  • Speaker #1

    Un livre pour arrêter de pleurer, je dirais... On parlait de Rachel, de Monsieur Vénus. Sur cet aristo qui soumet un pauvre fleuriste et en fait son esclave sexuel. C'est très, très drôle. C'est excellent. Ah oui. C'est excellent.

  • Speaker #0

    Un livre pour s'ennuyer

  • Speaker #1

    Un livre pour s'ennuyer J'ai lu récemment Le Vent de Claude Simon. Alors, c'est très, très bon, mais c'est très, très chiant.

  • Speaker #0

    Ah Vous êtes d'accord avec Eric Neuf, qui a aussi cité Claude Simon à cette question. Vous êtes plusieurs, alors. Oui,

  • Speaker #1

    oui, oui. C'est... C'est un livre sur un personnage qui déçoit tout le monde, qui ne prend pas l'amour quand il est sous ses yeux. Ça devrait vous plaire. Ah mais j'adore, j'ai adoré ce livre. Par contre,

  • Speaker #0

    c'est lent et c'est chiant,

  • Speaker #1

    mais c'est bien.

  • Speaker #0

    C'est ça, c'est emmerdant, mais on est content de s'emmerder.

  • Speaker #1

    C'est une autre manière de se faire tabasser à la lecture.

  • Speaker #0

    Un livre pour crâner dans la rue

  • Speaker #1

    L'œuvre au noir de Yur Sonar, parce que c'est... Oui, c'est Yursenard, donc c'est très chic, très dur à pénétrer en même temps.

  • Speaker #0

    Puis c'est médiéval.

  • Speaker #1

    Voilà, c'est médiéval, c'est mystérieux, c'est élitiste.

  • Speaker #0

    Un livre qui rend intelligent

  • Speaker #1

    Les Frères Karamazov. Ça rend intelligent, ça rend très seul, ça rend très triste, mais ça rend profondément...

  • Speaker #0

    C'est courageux de citer les Russes en ce moment en plus. Voilà, allons-y. Un livre pour séduire Peut-être qu'on laisse traîner sur sa table de chevet, vous voyez, pour...

  • Speaker #1

    Oui, le pur et l'impur de Colette. Ah L'alcool, l'opium, le sexe.

  • Speaker #0

    Ça commence dans une fumerie d'opiole. Oui,

  • Speaker #1

    oui, c'est parfait, ça. Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Et puis, il y a beaucoup de femmes qui simulent. Ça, c'est très bien.

  • Speaker #1

    C'est parfait.

  • Speaker #0

    Un livre que je regrette d'avoir lu.

  • Speaker #1

    Alors, je regrette d'avoir lu La Baie de Huysmans, parce que j'aimerais le redécouvrir. J'aimerais avoir le plaisir d'être vierge de ce livre. Oui. C'est tellement bien. Oui.

  • Speaker #0

    C'est merveilleux. Oui, je vous vois bien d'ailleurs entrer au couvent après avoir écrit Carme.

  • Speaker #1

    J'y songe.

  • Speaker #0

    Voilà. J'y songe. Chez les Carmelites.

  • Speaker #1

    L'austérité,

  • Speaker #0

    j'adore l'austérité. Obligé de se taire pendant le restant de vos jours. Non, on ne souhaite pas ça. Un livre que je fais semblant d'avoir fini. Question de Gaëlle Fay.

  • Speaker #1

    Je fais semblant d'avoir fini La chère troce de Parne, qui est... Tiens. Oui, qui est un immense roman, mais les passages de guerre napoléonienne ont eu raison de moi.

  • Speaker #0

    Mais pourtant, ça va bientôt redevenir d'actualité.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Le livre que j'aurais aimé écrire, je suppose que c'est le journal de Mireille Havé.

  • Speaker #1

    Oui, ou bien Disgrace de Cuddy, j'aurais aimé écrire un livre pareil.

  • Speaker #0

    Un livre sur un type vraiment qui est dans la...

  • Speaker #1

    Sur une figure de chute, une figure de faim, un homme en déchéance totale.

  • Speaker #0

    Et enfin, quel est le pire livre que vous ayez jamais lu de votre vie, Esther Theillard

  • Speaker #1

    Vengeance Tchétchène de Gérard de Villiers.

  • Speaker #0

    Un SAS Oui. C'est bien un SAS.

  • Speaker #1

    Non, les couvertures sont bien.

  • Speaker #0

    Oui, les couvertures sont bien, mais l'intérieur, moins.

  • Speaker #1

    Le contenu est quand même franchement assez naze.

  • Speaker #0

    Oui. OK. Merci beaucoup. Ah oui, il y avait aussi le livre que vous lisez en ce moment.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que je lis en ce moment Je lis Fou de Vincent d'Hervé Guibert. Un livre sur l'obsession amoureuse. de Guybert pour un adolescent.

  • Speaker #0

    Oui, attendez, c'est un livre totalement incorrect. L'adolescent a probablement 14 ans. 14 ou 15 ans. Hervé Guybert, qui est aujourd'hui une statue du commandeur très respectée, ce livre-là... Je pense que... Ah, vous êtes d'accord avec moi, c'est un livre de pédophile.

  • Speaker #1

    Il est trouble, il est trouble.

  • Speaker #0

    Bon, enfin, écoutez, c'est intéressant de lire Hervé Guibert malgré cela. Merci beaucoup, Esther Teilhard. Cette émission vous est présentée en partenariat avec le Figaro Magazine, bien sûr, le magazine des Haribo, les Aristoboèmes, dans la déchéance totale. Je rappelle qu'il faut lire absolument le premier roman d'Esther Teilhard, Carnes. publié aux éditions Pauvert, qui est un grand éditeur malsain.

  • Speaker #1

    Oui, on n'a pas parlé de Pauvert,

  • Speaker #0

    c'est dommage. Mais oui, c'est dommage. Mais parlons-en. Pauvert, grande maison. Jean-Jacques Pauvert était l'éditeur du Marquis de Sade. C'est pour ça que je l'ai cité. Le sexe et la violence indissolublement liés. C'est épouvantable et c'est la nature. Selon le Marquis de Sade. Ce n'est pas moi qui dis ça. Ouh là, ni vous. Attention. Merci donc au Figaro TV pour la réalisation et surtout n'oubliez pas, n'oubliez pas, lisez des livres, sinon vous mourrez idiot, ce serait quand même dommage. Merci.

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