- Speaker #0
Bonjour à tous et bienvenue sur Côté Canap, votre cocon sonore, votre pause bien méritée. Prêt pour une nouvelle dose de réflexion et de confidence ? Aujourd'hui, Côté Canap vous emmène sur les bancs de l'école, enfin presque. Nous avons le plaisir d'accueillir Alison, une professeure de français du secondaire qui a plus d'une histoire à raconter. De l'évolution des ados au bouleversement de l'IA, en passant par ce lien essentiel qu'est le respect entre enseignants et professeurs, Alison nous livre son vécu sans filtre. Attendez-vous à des anecdotes croustillantes, des analyses pertinentes et un éclairage nouveau sur le monde de l'éducation. Alors installez-vous bien, l'heure de la récré a sonné.
- Speaker #1
Bonjour Alison, bienvenue sur Côte des Canards.
- Speaker #2
Bonjour !
- Speaker #1
Alors, est-ce que tu peux te présenter ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr. Donc voilà, je suis Alison, je suis professeure de français dans une école à Tournai. J'enseigne depuis 17 ans maintenant. J'habite... la région de Govocan. J'ai un petit garçon de 9 ans. J'ai un mari qui est également enseignant. Et voilà, j'ai d'autres passions dans la vie comme le sport, les voyages.
- Speaker #1
Donc, tu es dans un univers d'enseignant, d'enseignement globalement avec ton mari. Et tu fais ça depuis quand même déjà 17 ans. Oui,
- Speaker #2
tout à fait. Et ma maman était également en site. Et elle a fini sa carrière en tant que directrice d'école. Ah oui,
- Speaker #1
donc tout un univers brigné dedans. Comment ça t'est venu de rentrer dans le milieu de l'enseignement ? Est-ce que c'est justement lié à ta famille ?
- Speaker #2
Non, absolument pas. En fait, Gavine, je voulais être vétérinaire. Ah oui. Et puis, on s'est rendu compte que c'était beaucoup d'études. Ce n'était pas du tout ce que je voulais. Puis, j'ai voulu être infirmière. J'ai commencé à devoir faire des prises de sang. Je me suis rendu compte que ce n'était pas mon truc non plus. Et puis, c'est mon professeur de français de deuxième secondaire qui m'a donné l'envie de devenir prof. Parce que, justement, il avait vraiment l'envie de nous faire apprendre, mais tout en étant super sympa, en étant agréable, en partageant d'autres choses que justement juste la pédagogie et l'apprentissage. Et donc, je me suis dit, waouh, c'est ça que je veux faire. Pensez à le savoir aux élèves.
- Speaker #1
Donc, c'est un prof qui t'a donné cette vocation ?
- Speaker #2
Oui, tout à fait.
- Speaker #1
OK. Et un parcours, du coup, d'enseignant, c'est combien d'années ?
- Speaker #2
Alors, donc, on termine Sarreto et puis on a trois ans d'études si on veut enseigner dans le secondaire inférieur, ce qui est mon cas. Et si on veut être dans le supérieur, là, c'est un passage par un livre en fonction de la matière qu'on veut enseigner.
- Speaker #1
Donc, toi, c'est prof pour quelle année ?
- Speaker #2
Première, deuxième, troisième, secondaire.
- Speaker #1
OK. Donc, c'est l'âge de 12 ans à… 15.
- Speaker #2
Ah oui.
- Speaker #1
Des bons ados, quoi.
- Speaker #2
Des bons ados. On a plein de dents. Oui, c'est ça.
- Speaker #1
Et c'est toi qui as eu envie de faire cette tranche-là d'âge ?
- Speaker #2
Là, je l'ai choisi par rapport à la matière à enseigner. Je l'ai choisi par rapport à la matière à enseigner, parce qu'évidemment, j'avais choisi le français, ça c'était sûr, c'était ma matière de prédilection. Mais évidemment, enseigner le français en 1ère, 2ème, 3ème secondaire ou en 4, 5, 6, c'est pas du tout la même chose. Donc j'ai choisi vraiment plus par rapport à la matière à enseigner.
- Speaker #1
Et pourquoi la matière française ? C'est juste une préférence pour toi ?
- Speaker #2
Oui, c'est parce que j'étais plus douée, moi, en français, et puis c'est aussi le partage de la langue. et tout ce qu'on peut faire autour, en fait, parce que ce n'est pas simplement la grammaire de l'orthographe et la conjugaison.
- Speaker #1
Et quand on est prof comme ça, de français, tu peux donner d'autres cours ?
- Speaker #2
Non.
- Speaker #1
Alors,
- Speaker #2
si en soi, on peut toujours, en fonction justement maintenant de la pénurie, on fait un peu moins attention, je vais dire. Mais non, souvent, un prof donne la matière pour laquelle il est diplômé.
- Speaker #1
Et en moyenne, sur une semaine, tu donnes combien d'heures ?
- Speaker #2
C'est 22. Alors, ça dépend aussi du type de diplôme et du degré dans lequel on enseigne. Par exemple, les instits, c'est 24 heures semaine, c'est 24 périodes semaine en classe. Après, il y a tout ce qui est surveillance, etc. Nous, en bac, donc le régenda, comme on a appelé ça avant, c'est 22 heures, effectif devant la classe. Après, il y a tout ce qui est préparation, correction. Et puis, dans le supérieur, c'est 20 heures. Ah ouais. Voilà, donc ça, c'est dans une classe, devant les élèves. Mais après ça, il y a évidemment tout ce qui est préparation de cours, gestion des photocopies, correction, rencontre extraordinaire avec les parents, avec les réunions, les conseils de classe, les préparations de sortie, les formations.
- Speaker #1
Et en moyenne, du coup... Tu as une semaine de plus de 40 heures, finalement.
- Speaker #2
Ça dépend un peu des semaines, oui. Une semaine n'est pas une autre quand on est prof, parce qu'il y a des semaines plus cool où les leçons sont prêtes. Donc, quand on rentre, il n'y a plus vraiment grand-chose à prévoir. Il y a des semaines où il y a des corrections. Quand c'est la semaine où je fais des expressions écrites, là, forcément, je passe mes soirées. Il y a des fois où il faut préparer une leçon parce que c'est un nouveau sujet qu'on entame et donc, c'est quand on rentre qu'il faut le faire. Oui, il ne faut pas penser qu'on est 22 heures semaine devant une classe et puis basta. En effet, c'est un peu comme tout le monde, entre 38 et 40, voire parfois beaucoup plus.
- Speaker #1
Tu dois beaucoup préparer chez toi ?
- Speaker #2
Ça dépend avec le temps. Quand on est jeune enseignant, oui, on doit beaucoup préparer parce qu'on n'a rien. Maintenant, avec le temps, on échange avec les collègues, on fait ses cours et donc on garde, on change ce qu'il faut d'une année à l'autre. Mais voilà, c'est vrai qu'on a tout. Avec le temps, on attrape une base qui peut être retravaillée et on échange. Mais c'est vrai qu'au départ, c'est énormément de travail. Et puis, il y a tout l'aspect administratif qu'on ne voit pas forcément. Les conseils de classe, les réunions de parents, les bulletins à encoder. Parce que maintenant, évidemment, c'est plus comme avant. On remplit plus un bulletin avec un BIC. Ça se fait par ordinateur, etc.
- Speaker #1
Il y a beaucoup d'administratifs derrière, de comptes à rendre.
- Speaker #2
Oui, énormément. On doit rendre, par exemple, en début d'année, ce qu'on appelle une planification de matière. Donc, on doit planifier son année en un papier que l'on rend avec tout ce que l'on va voir en fonction des classes et des moments. On doit rendre ce qu'on appelle aussi un cahier de matière, chaque période, chaque fin de période, donc chaque trimestre, avec ce qu'on a vu, les compétences, les objectifs qu'on a atteints avec les élèves. On doit aussi faire des documents pour les élèves, avec justement leurs difficultés, leurs capacités, etc. Oui, il y a énormément d'administratifs.
- Speaker #1
Tu as vu une évolution dans ce cursus, cette manière de donner cours et cette méthodologie depuis tes 17 ans que tu travailles en enseignement ? Ça a changé ?
- Speaker #2
Oui, ça a beaucoup évolué. On nous en demandait beaucoup moins avant, justement, administrativement. On pouvait plus se concentrer sur le travail en classe avec les élèves. Maintenant, avant de faire quelque chose en classe avec les élèves, on doit vraiment passer par tout un processus administratif. Simplement pour préparer une sortie, je vais dire, on doit faire trois appels d'offres pour... Je ne sais pas moi, les bus ? Oui. Puis, il faut organiser la sortie, il faut demander les autorisations à la direction, à la comptabilité. Et puis, pour le paiement aussi, maintenant, on ne peut plus, par exemple, récolter de l'argent en liquide. Donc, ça doit se faire via une plateforme. Ça diffère en fonction des écoles, évidemment. Mais donc, voilà, il y a la gestion de ça aussi, réclamer l'argent, prendre contact avec les parents si ce n'est pas payé, voir pourquoi. C'est vrai que parfois, pour quelque chose qui paraît simple de l'extérieur… Il y a un travail en amont qui est quand même assez conséquent.
- Speaker #1
Est-ce que tu as l'impression d'avoir une perte finalement de qualité en tant qu'enseignant, d'avoir moins de temps pour réellement faire ton métier ?
- Speaker #2
Je ne dirais pas que j'ai moins de temps. J'ai plus de pression pour le faire correctement, ça oui.
- Speaker #1
On t'attend derrière en fait.
- Speaker #2
Non, pas question de nous attendre derrière, mais il y a plus de choses à faire avant et donc forcément, on doit le faire plus rapidement pour pouvoir justement après se consacrer au travail en classe.
- Speaker #1
Par rapport à ton métier, qu'est-ce que tu aimes justement faire ? qu'est-ce qui te plaît dans ce métier-là ?
- Speaker #2
Alors moi j'aime transmettre le savoir entre guillemets et l'amour de la langue française les aspects de la langue française aux élèves mais pas justement de manière magistrale et leur faire comprendre qu'en fait quand on comprend la manière dont fonctionne la langue elle est facile, parce que quand on leur dit ah voilà, conjugue-moi ça au subjonctif présent et ils nous regardent avec des yeux ronds en se disant mais qu'est-ce qu'elle me veut et en fait quand on leur explique justement mes petites astuces pour ... comprendre comment fonctionne le subjonctif présent, c'est que c'est un temps chien, parce qu'il a toujours une petite queue devant lui. Ah ouais ? Oui, au lieu d'être derrière, elle est devant au subjonctif. Et donc, dès qu'ils comprennent qu'en fait, il faut placer le mot « queue » pour conjuguer leur verbe correctement au subjonctif, ils ont tout compris. Et donc, en leur donnant des petits moyens mnémotechniques, comme ça, ça rend la matière un peu plus agréable. Les moyens mnémotechniques leur permettent plus de retenir. Et donc, c'est vraiment voir cet échange de compréhension et voir un peu... Leur regard s'illuminer quand ils comprennent quelque chose qu'ils ne comprenaient pas depuis des années. C'est ce qui te plaît. Oui, c'est ça, tout à fait. Puis les échanges, parce que finalement, quand on crée des liens avec les élèves, on n'est plus leur prof, on est leur référence. Je deviens très souvent maman, grande sœur, plus que leur prof. Mais le respect y est toujours, parce que ça va dans les deux sens. Quand on leur fait comprendre qu'on les apprécie... on les respecte, l'échange est beaucoup plus facile.
- Speaker #1
Par rapport à ce respect, comment tu le fais pour t'imposer ? En 17 ans, est-ce que ça a changé ta manière de donner cours ou est-ce que c'est dans ta personnalité, c'était naturel chez toi ?
- Speaker #2
Je pense que c'est dans ma personnalité. C'est naturel le fait de m'imposer devant une classe. Alors, je ne suis pas un tyran non plus. Encore, c'est ce que je disais. Je dis à partir du moment où ils comprennent qu'on les respecte, qu'on est là pour leur apprendre des choses, mais pas pour les embêter, ils font ce qu'on leur demande. Et puis, quand ce qui est fait est terminé, on peut passer à autre chose. Et du coup, ils savent. Ils ont cette confiance de « on fait ce qu'elle veut, après on a « ce qu'on veut nous aussi » . Et je pense que cette confiance, Ce confiance mutuelle fait que ça se passe bien. Ils savent comment je fonctionne. Ça, c'est une règle d'or que j'ai toujours eue. Dès le premier cours, c'est on impose les règles, on explique comment ça fonctionne. Et quand ils ont compris et qu'ils font, en fait, ils respectent ce règlement, eh bien, ça marche tout seul. Je n'ai pas vraiment de problème de discipline.
- Speaker #1
Tu les rends très autonomes, en fait. Tu mets les bases.
- Speaker #2
C'est ça, clairement. Une fois que les barrières sont posées, en fait, ils fonctionnent comme des petits moutons. Suivi par le loup, je veux dire, j'ai pas de...
- Speaker #1
Ça a été comme ça au début de ta carrière ?
- Speaker #2
Alors, j'ai commencé ma carrière dans l'apprentissage. Et donc là, j'avais à peine 21 ans quand j'ai commencé. Et je suis arrivée dans une classe de mécanicien qui était plus vieux que moi. Et puis en fait, il s'avère qu'en allant travailler, j'avais eu un accident de voiture. Et donc, je suis arrivée toute paniquée. Et puis, ils l'ont vu à ma tête, évidemment. Et puis, comme c'était des mécanes, on a d'abord parlé de mon accident de voiture. Et la confiance, elle s'est tout de suite imposée. Mais c'est clair que là, ça m'a vraiment forgée parce que dans l'apprentissage, c'était même pas du professionnel. Ils venaient que deux jours à l'école. Ils allaient en entreprise le reste du temps. Donc vraiment, l'école, c'était leur dernier des soucis. Et donc oui, ça, ça m'a vraiment forgée parce qu'il a vraiment fallu trouver un moyen autre de les motiver. Enfin, non, pas un moyen autre parce que le but, c'était quand même de leur apprendre, mais c'était pas leur priorité d'apprendre le français. Donc il a fallu vraiment trouver des stratégies pour leur faire comprendre qu'ils en auraient quand même besoin. contrairement à ce qu'ils pensaient. Évidemment, ça allait devenir des futurs patrons.
- Speaker #1
Il faut faire preuve de créativité.
- Speaker #2
Oui, c'est ça. De créativité et de chemin détourné pour arriver là où on veut, mais sans vraiment le réimposer.
- Speaker #1
Faire preuve de patience aussi. Oui. Par rapport aux personnalités que tu rencontres.
- Speaker #2
Oui, clairement. Il faut toujours s'adapter. L'enseignement, c'est l'adaptation. C'est comme un bébé. Une heure n'est pas une autre. On peut parfois avoir trois fois la même année, mais des classes différentes, des options différentes, des enfants différents, des ados différents. Et donc, ça ne fonctionne pas toujours de la même manière. Il faut s'adapter, il faut les connaître, agir en conséquence. C'est vrai que c'est moins facile en début d'année quand c'est des nouveaux élèves que nous ne connaissons pas, plutôt que maintenant, on est en février, on les connaît, ils nous connaissent, donc ça roule beaucoup plus facilement. Mais au début, c'est toujours remettre le cadre, leur expliquer.
- Speaker #1
Est-ce que tu as vu une évolution dans la manière d'être des adolescents en 17 ans ? Est-ce que c'est différent ?
- Speaker #2
Oui, c'est très différent.
- Speaker #1
Je pense qu'il y a ce changement.
- Speaker #2
Je pense que c'est un phénomène de société. On sait que l'école n'est plus forcément la priorité des ados. Et donc, c'est vrai que c'est compliqué maintenant de les capter beaucoup plus.
- Speaker #1
Un problème d'attention ?
- Speaker #2
De motivation. De motivation. Oui, de motivation. Je pense que c'est la motivation. Ils ne voient pas l'intérêt de l'école. Alors, je pense qu'on l'a toujours eu. Clairement, quand on n'est pas du tout mathématicien, on se demande ce qu'on va faire du théorème de Pythagore quand on l'apprend en première secondaire ou des équations de seconde, de deuxième, troisième. Clairement, à l'heure actuelle, ça nous sert. qu'on n'est fait à rien si on n'est pas dans le métier, dans le domaine. Et je pense qu'à l'heure actuelle, c'est encore pire. Quand on leur donne des exercices de conjugaison de grammaire, d'orthographe, ou quand on leur fait rédiger, je ne sais pas moi, un texte policier, ils ne voient pas l'intérêt. Ils ne voient pas non plus l'intérêt de développer leur créativité qui pourrait leur servir pour autre chose. Et puis, je pense qu'avec maintenant les nouvelles technologies, l'enfant, l'adolescent n'est plus dans la réalité. Il n'est plus ancré dans la réalité. Il rattache tout. à leurs jeux vidéo, à leur PC, aux films qu'ils ont vus, aux youtubeurs qu'ils ont rencontrés, dont ils rêvent, leur idole. Et donc, c'est ça un peu qui est difficile à gérer avant.
- Speaker #1
Il va contre la nouvelle technologie, en fait.
- Speaker #2
Pour la motivation, pour la réalité, contre les nouvelles technologies. Oui, c'est ça. Et les priorités qu'il devrait donner qui n'étaient pas les mêmes quand il y a 17 ans.
- Speaker #1
Par exemple, pour le français, quand on voit qu'une technologie comme l'IA, la GPT, peut aider à faire des dissertations, Même toi, en tant que professeur, comment tu peux faire pour voir la différence ? Qu'ils ne se sont pas aidés de ce genre d'outils ?
- Speaker #2
On connaît leur niveau. Quand ils sont en classe et qu'ils n'ont pas accès, on voit leur manière d'écrire, on voit leur manière de réfléchir. Donc, s'ils font des travaux à la maison et que l'intelligence artificielle est utilisée, forcément, on voit la différence, ne fût-ce rien qu'à partir du vocabulaire. Parfois, j'ai des textes dans lesquels il y a des mots qui semblent totalement basiques pour nous. et dont ils ne connaissent pas la signification. Madame, c'est quoi une Jeep ? C'est quoi une Jeep ? À 12 ans, voilà. Donc, c'est parfois assez compliqué à gérer. Et donc, si j'utilise l'intelligence artificielle, on voit la différence de niveau de langue, de construction de phrases, etc. Après, je ne suis pas contre l'idée de l'utiliser si elle est utilisée à bon escient.
- Speaker #1
Tu essayes justement de t'adapter à ces technologies pour ton travail ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr. Je pense qu'il faut rester à la page et utiliser ces nouvelles technologies, mais à bon escient de nouveau, pour des bonnes choses et leur expliquer qu'on peut les utiliser pour s'aider, mais pas que, pas uniquement. cette intelligence artificielle. Il faut faire un combo.
- Speaker #1
Est-ce que le milieu de l'enseignement belge est à niveau par rapport à ça, par rapport à ces technologies, même le niveau scolaire pour vous donner les clés de donner un bon apprentissage ?
- Speaker #2
Je pense qu'il faut qu'on se forme de par soi-même, en fait. Parce que, oui, il y a des formations qui sont organisées, etc. Mais...
- Speaker #0
Je pense qu'il faut,
- Speaker #1
en fonction de notre personnalité, du cours que l'on donne, il faut qu'on s'adapte nous-mêmes et qu'on l'utilise comme on le veut. Il faut quand même être motivé de vous. Oui, c'est ça.
- Speaker #0
Quelque part, il faut aussi avoir une motivation des élèves d'avoir envie.
- Speaker #1
À partir du moment où c'est utilisé, des choses qui leur facilitent la vie et de manière générale, ce qui est téléphone, smartphone, tablette, ça les motive déjà un peu plus. Maintenant, il y a quand même eu des évolutions, on n'est plus au tableau à la craie, on est au tableau interactif, donc il y a aussi cette facilité de transmettre autrement.
- Speaker #0
Pour certains aspects, c'est peut-être plus facile pour toi ?
- Speaker #1
Oui, quand même. Cette utilisation un peu de l'interactif est quand même plus adaptée à notre époque. Est-ce que par exemple,
- Speaker #0
leurs devoirs, ils peuvent te l'envoyer parler ?
- Speaker #1
Ça dépend un peu des cours, ça dépend un petit peu des matières aussi. Moi, je pars du principe aussi qu'il faut les responsabiliser. Et donc, il y a quand même des choses qui restent, je vais dire, bien ancrées dans l'ancienne école, j'ai envie de dire. Par exemple, voilà, ici, en février, c'est une séquence, donc une leçon sur la presse. Ils doivent rédiger un article de presse. J'exige qu'il soit imprimé et rendu. Parce que, voilà, plus tard, quand ils seront devant un patron, si le patron impose des règles, il faut le faire comme il le demande. Pas forcément choisir la facilité. Il y a des élèves qui ne savent pas utiliser un ordinateur, qui n'ont pas forcément d'imprimante. Donc, je laisse le délai en partie suffisant pour justement… Permettre à débrouiller. Voilà, tout à fait. Oui, c'est ça. Il faut aussi les former. On ne les forme pas en tant que profs à juste leur faire apprendre la matière qu'on ancienne. Ce sont aussi des adultes de demain. Et donc, il faut aussi les former justement à être autonome dans la vie de tous les jours.
- Speaker #0
Par rapport aux difficultés que les élèves rencontrent, qu'est-ce que tu peux mettre en place actuellement ? Et par rapport même aux parents, comment ça se passe ?
- Speaker #1
Alors, ce n'est pas forcément toujours évident parce qu'encore une fois, ils ne sont pas tous preneurs. Alors, il y en a qui sont conscients de leurs difficultés, d'autres pas, d'autres qui font la politique de l'autruche. Les parents deviennent de plus en plus parfois démissionnaires. Il faut avouer qu'on est dans une vie où on court toujours à du sang à l'heure et donc ce n'est pas évident de gérer son travail, les courses à la maison, les loisirs et la scolarité de l'enfant. Ce qu'on met en place à l'école, c'est des remédiations. On réexplique. autant de fois que nécessaire. On donne du travail supplémentaire, mais c'est fait, c'est fait, c'est pas fait, on ne peut pas... Voilà, oui, c'est ça. On a les limites. Si eux ne sont pas preneurs, on ne peut pas le faire pour eux.
- Speaker #0
Tu vois vraiment une différence dans la manière d'éduquer les parents ? Oui. Les émissionnaires, pourquoi ?
- Speaker #1
Alors, en fait, je pense que l'école devient un endroit où, en plus d'enseigner, on doit éduquer. Mais on ne nous donne pas les moyens. Dès qu'on nous trepasse un petit peu, ce que les parents pensent être notre droit, alors c'est un drame. Alors que quand ils viennent avec l'enfant et qu'ils nous disent « je ne sais plus quoi en faire » , alors à ce moment-là, on pourrait être… Voilà, tout à fait. Donc, c'est vraiment garder ce juste milieu. Maintenant, clairement, on est pédagogue avant tout et donc on ne doit pas outrepasser nos droits non plus. Mais à partir du moment où un enfant n'a pas de cadre à la maison, c'est difficile d'en avoir un à l'école. Ou quand je parle de cadre, ce n'est même pas forcément un cadre éducatif, mais un cadre d'apprentissage. C'est-à-dire qu'on inculque les bons gestes. On rentre, on goûte, on travaille. Et puis, les rituels. Voilà, c'est ça, les rituels, oui. Parfois, j'entends des enfants qui me disent, à la première secondaire, à 12 ans, « J'ai joué aux jeux vidéo jusqu'à 1h du matin. » C'est un peu effrayant, parce qu'on se dit, mais enfin, est-ce que les parents sont au courant ? Est-ce qu'ils le savent ? Est-ce qu'ils en sont conscients ? Est-ce qu'ils cautionnent ? Après, on ne peut pas juger. Voilà, tout à fait. Ce qui se passe à la maison ne nous regarde pas et on ne peut pas juger. Mais c'est vrai que parfois, quand on voit des enfants à 8h du matin complètement défractés, avec les yeux rouges, qui baillent, qui baillent, qui baillent, on se dit qu'il faut…
- Speaker #0
Ce n'est pas trop difficile de garder cette barrière par rapport à ces élèves qui peuvent rencontrer des problèmes parfois dans leur vie privée.
- Speaker #1
Encore une fois, il faut qu'on puisse en effet voir où sont nos limites. Maintenant, il y en a qui ont besoin plus d'aide que d'autres, qui sont plus demandeurs, etc. Il ne faut pas qu'on soit trop intrusif, là, clairement. Maintenant, on a des relais aussi dans les écoles. Quand on voit qu'il y a vraiment des élèves en difficulté, on passe au relais, au PMS, et ça n'est pas de notre ressort, effectivement. Maintenant, comme il y a des liens qui se créent entre le prof et les élèves, moi, en français, je les ai au maximum 6 heures, 5, 4, 5, 6. Donc... Ça crée des liens, forcément, de passer autant de temps par semaine avec les élèves. Donc, ils nous font forcément plus confiance. Donc, parfois, c'est eux qui viennent chercher de l'aide. Et là, encore une fois, on va jusqu'où on peut et sans être trop intrusif. Et on peut parfois, justement, être le relais entre les difficultés de l'enfant et les parents s'ils en éprouvent le besoin.
- Speaker #0
Je voulais revenir sur ton parcours de prof. Je voulais savoir, est-ce que tu as des anecdotes à nous partager, des souvenirs qui t'ont vraiment marqué ?
- Speaker #1
Je disais justement que ma maman avait été en stit. Une des anecdotes qui m'a bien fait rire, c'est que ma maman avait eu l'élève en primaire et puis je l'ai eu moi en secondaire. Et le gamin est arrivé en disant « Ah non, après la mère, la fille ! » Ça, c'est une des anecdotes un peu, je vais dire, marrantes. Oui, des anecdotes un peu moins marrantes, c'est quand je disais que je travaillais dans l'apprentissage. Donc là, évidemment, c'était des enfants plus en décrochage. Quand un matin, on se lève et qu'on voit dans la presse d'essai de un tel et qu'en fait, il était devant nous la veille, devant la classe, ça, c'est un peu plus compliqué. Voilà, la délinquance parfois. Donc, on se prend la tête avec un gosse qui, en fait, avait une arme dans son sac et puis les autres nous disent de nous calmer parce qu'au final, il peut s'en prendre à nous tout le temps. Bon, évidemment, ça, c'est le cas extrême, mais voilà, ça s'est passé. Après, d'autres anecdotes marrantes. les élèves qui arrivent avec un gâteau d'anniversaire le jour de mon anniversaire. C'est Nicolas qui chante bon anniversaire.
- Speaker #0
Les voyages scolaires,
- Speaker #1
ça se passe comment ? Les voyages scolaires, ça dépend. Là, actuellement, avec l'école dans laquelle je suis, on part à Paris, on part en surlès. On essaie toujours de faire des voyages scolaires par année scolaire, par première, deuxième, troisième. C'est vraiment un super moment convivial quand ça se passe bien, parce qu'évidemment, il y a toujours des petits couacs, mais on essaie de penser qu'au positif. C'est vraiment un échange justement avec les élèves, mais en autre contexte. Parce qu'il faut les surveiller quand ils sont en pyjama le soir. On va nous-mêmes en pyjama la nuit quand ça chahute un petit peu trop. On doit gérer l'aspect hygiène aussi et forcer à prendre des douches. Parce que quand on a des ados de 12, 13, 14 ans, surtout masculins, qui ne veulent pas se laver, il faut gérer ça. Si on part 2, 3, 4, voire une semaine. Donc, c'est vraiment un autre... une autre vision, en fait, du boulot. Parce que là, pendant ce voyage, ce n'est pas de données courtes, c'est encadré pour, justement, les faire découvrir la culture ou...
- Speaker #0
C'est des mauvaises choses. Tu te rapproches de tes élèves ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr, parce qu'on les voit sous d'autres aspects et eux, pareil, ils nous voient aussi différemment. Les élèves ont parfois du mal de croire... Oui, de croire qu'on a une vie en dehors de notre vie de prof. Parfois... Ils pensent qu'à 4h, quand ça sonne, on nous enferme dans une armoire dans le fond de la classe et que le lendemain matin, on nous ressort. Ils ont du mal de penser qu'on a une vie comme eux et qu'on ne fait pas que ça dans notre vie.
- Speaker #0
Pour toi, c'est difficile d'enlever cette casquette d'enseignant ?
- Speaker #1
Non, parce que je suis de manière très naturelle auprès de mes élèves. Ils savent très bien que je suis avec eux en classe, je suis à la maison avec mon fils, avec mon mari, avec mes amis. Ils savent que je ne joue pas un rôle. Avec un regard, ils ont compris si je n'étais pas bien, si j'étais de bonne humeur, si je suis énervée ou si mon humeur change parce qu'ils m'ont gavé pendant l'heure de cours. Ils le voient très bien à mon regard aussi. Parce que comme je suis dans la vie de tous les jours, je suis en place. Et je pense qu'être prof, ce n'est justement pas jouer un rôle, c'est être soi-même pour pouvoir attirer la confiance des élèves.
- Speaker #0
Le fait que tu aies ce même visage partout, ça te permet d'avoir moins de stress ? Est-ce que tu as des collègues qui, par contre, ne sont pas du tout pareils quand ils donnent cours ? Leur vie privée,
- Speaker #1
on va dire. Les jeunes profs ont plus de mal, pour l'instant, j'espère que ça ne sera pas comme ça à long terme. Je pense justement d'être plus à l'aise en classe, et je pense qu'ils manquent d'expérience, ce qui fait qu'ils n'ont pas encore vraiment compris. Et la formation à l'école normale aussi, il fait qu'on leur donne des clés qui ne sont pas forcément les bonnes sur le terrain, mais ça, on ne le découvre que par la suite, et puis on s'adapte.
- Speaker #0
Les cours pour devenir prof ont changé ? dans ce que le niveau est différent maintenant ?
- Speaker #1
Les études pour être prof ont toujours été beaucoup plus théoriques que pratiques, même si on a des stages. Et de toute façon, il faut se rendre compte, à l'évidence, c'est que la réalité des terrains, on ne la voit pas en trois semaines de stage, une semaine. Alors, diminuer, je ne sais pas. Mais différent, oui, parce que les exigences ne sont plus les mêmes. Déjà, c'était avant, c'était deux ans, puis ça a été trois, maintenant c'est quatre. En étant moi, maintenant, dans l'école, je ne sais pas ce que valent les études. même si on a des stagiaires, etc. Mais je pense que de toute façon, on devient prof quand on commence à enseigner. Les études nous donnent un peu une ligne de conduite à suivre et au niveau pédagogique et au niveau humain, mais on ne devient prof que quand on arrive sur le terrain.
- Speaker #0
Si c'était à refaire, tu referais ces études-là ?
- Speaker #1
La bonne question ! Je dis toujours, si je devais me reconvertir, je ne saurais pas ce que je ferais. parce que ça a toujours été une évidence. Donc, je ne sais pas, moi, je devais avoir 14-15 ans. Et c'est vrai qu'à l'heure actuelle, avec les difficultés qu'on peut quand même rencontrer, parce qu'il faut savoir que le système, tout le monde voit les vacances, etc., mais envers du décor, on n'est pas toujours si beau. Quand on a des difficultés de se faire nommer parce qu'il n'y a plus d'emplois pour être nommé. Alors, il y a énormément, on parle de pénurie, mais c'est une pénurie de remplaçants. C'est-à-dire qu'il y a des plus anciens profs qui se mettent en maladie, qui ont des problèmes médicaux. qui sont en burn-out, etc., et donc qui sont absents de leur poste. Et on cherche des remplaçants. Mais ces postes ne sont pas à pourvoir, ils ne sont pas libres. Donc quand le jeune prof qui vient remplacer quelqu'un, et quand cette personne revient, il perd son emploi, il ne peut jamais vraiment avoir cette stabilité. Et puis on se dit, ah oui, mais la nomination, en fait, même en étant nommé, on n'a l'abri de rien. Moi, personnellement, j'ai perdu deux fois mon emploi complètement dans une école. que j'y étais nommée. Et là, administrativement, on me replace quelque part ailleurs et là, il faut tout recommencer comme si on était une jeune prof. Et puis, il y a les jeunes qui crient un petit peu au scandale parce qu'ils n'ont pas de place, alors que d'autres plus anciens sont aussi en difficulté. Donc, administrativement, c'est un système vraiment très, très ingrat. Qu'on fasse bien son travail ou qu'on ne fasse pas bien son travail, en fait, ça n'a pas d'importance. Ce n'est pas comme dans le privé où on ne convient plus, on nous le fait savoir. Là, c'est vraiment difficile de... On n'est pas placé en fonction de la valeur.
- Speaker #0
Vous avez parlé de mettre des CDI pour les professeurs. Qu'est-ce que tu en penses, toi, à part ça ?
- Speaker #1
Je suis mitigée. Moi, ce qui me fait plutôt peur, c'est la transition, en fait, entre la différence qu'il y aura entre, justement, ces CDI et puis nous, anciens profs, je vais dire de l'ancien système, même s'il y a 17 ans, c'est difficile de dire ça, parce que je reste quand même toujours la plus jeune après 17 ans dans mon école. Mais voilà, c'est... différence, en fait, c'est les différences qu'il y aura qui m'effraient. Après, voilà, c'est vrai que c'est perdre probablement des avantages qu'on a, sur lesquels il faut avouer que ce n'est pas négligeable.
- Speaker #0
Et ce côté, justement, comme tu dis, peut-être qu'il y a des personnes qui sont en place qui ne devraient plus l'être, comme dans une autre société, qu'on pourrait remplacer. Est-ce que, quelque part, ça pourrait permettre à d'autres plus motivés d'être mis en place ?
- Speaker #1
Oui, c'est probablement... le positif de la chose. Maintenant, une personne, parfois, n'est pas démotivée parce qu'elle le veut. Il y a des choses dans la vie qui ne font qu'eux. Et donc, là aussi, c'est peut-être facilement punir une personne alors qu'elle ne le mérite pas parce que sa démotivation n'est pas vraiment consciente. C'est compliqué, franchement, c'est compliqué. Je pense que de toute façon, dans toute entreprise, il y a des motivés, des démotivés, des planqués, des pas planqués. Donc, voilà. Mais c'est vrai que quand un système fonctionne bien, je ne sais pas pourquoi il faut le changer. Ou au contraire, c'est surtout ne pas demander l'avis des gens.
- Speaker #0
Mais ce n'est pas encore en place, ce système-là.
- Speaker #1
Ce n'est pas encore en place. Justement, toutes les grèves de cette année sont en train d'essayer de faire bouger ça pour justement garder un équilibre dans ce système.
- Speaker #0
Parlant des grèves, il parlait aussi de l'enseignement qualifiant qui est fort touché.
- Speaker #1
Tout à fait. Ça c'est compliqué parce qu'en fait ils veulent privilégier justement les apprentissages, donc les IFAP, les ME, etc. C'est surtout la perte d'emploi pour tous ces profs qui donnent cours dans le qualifiant parce que nous en tant que profs de cours généraux, ce sera moins touché, mais les profs de cours professionnels qui ne font que ça de leur vie, qu'est-ce qu'ils vont devenir si leur section ferme ? Dans les sections IFAP, ce sont des professionnels, ce sont des indépendants qui donnent cours deux fois, trois fois par semaine. Donc, eux ont un travail à côté, mais ces profs du qualifiant pas, qu'est-ce qu'ils vont devenir ? Qu'est-ce qu'on va leur faire faire ?
- Speaker #0
C'est un peu fou d'entendre ça en sachant qu'il y a une pénurie de main-d'œuvre.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Et puis, c'est ça, on met aussi des restrictions au niveau du nombre d'élèves, au niveau du nombre de classes, etc., dans le qualifiant par sécurité. Mais en même temps, je veux dire, dans la vie réelle, dans une entreprise, quand on a besoin, on a besoin. Donc, je veux dire, on ne va pas être aussi radical.
- Speaker #0
Je voulais revenir justement sur ces statistiques. En moyenne, une classe comprend plus de 20 élèves par classe. Oui. Est-ce que tu trouves que c'est un nombre correct pour enseigner ?
- Speaker #1
Alors, on peut même monter jusqu'à 25. Le maximum dans certaines sections, c'est 25. Il y a ce qu'on appelle l'enseignement différencié. Et donc, en fait, même avec une si grosse classe, il faut qu'on puisse gérer les difficultés de chacun et leur proposer un enseignement différent au sein même de la même classe. Donc, en fait, c'est simplement donner le même cours à tout le monde et puis proposer des exercices supplémentaires au plus fort ou des moments de remédiation intégrés au plus faible. Des exercices supplémentaires à la maison, soit pour les plus forts, justement pour qu'ils se dépassent, ou au plus faible pour qu'ils puissent s'entraîner et pour qu'on puisse vérifier la matière.
- Speaker #0
Ça ne fait pas trop de personnes à gérer comme ça, avec différentes difficultés ?
- Speaker #1
Ça peut être trop. Maintenant, c'est encore une fois une gestion, une habitude.
- Speaker #0
Pour toi, ça va ?
- Speaker #1
Oui. Je le sens. Oui. En fait, c'est ça. C'est avec le temps, avec l'habitude, je pense que... On trouve les mécanismes qui font que ça va et ça doit aller. Il ne faut pas oublier que c'est notre futur, ces petits bouts. Et puis, si on les lâche, ils vont se sentir abandonnés et ce n'est pas du tout le but.
- Speaker #0
Je voulais revenir sur cette démotivation des profs. La stat, c'était 41% des enseignants belges francophones déclarent qu'ils ne choisiraient plus le métier d'enseignant. Et 81% affirment que leur métier a été excessivement stressant durant l'année scolaire. Il y a beaucoup de burn-out qui sont constatés dans ce milieu-là. Est-ce que tu le comprends ?
- Speaker #1
Oui. Je le comprends parce que c'est vrai qu'au quotidien, c'est énormément de stress, énormément de pression de toutes parts. Moi, je dis toujours, on est un peu comme dans un étau et puis on serre, on serre, on serre, on serre. Et puis, il faut être assez costaud pour justement ne pas cesser à écraser en fait. Parce que c'est l'administration qui nous demande des comptes. C'est maintenant les fameux plans de pilotage. C'est des objectifs. à atteindre pour voir si l'école a un bon niveau par rapport à un plan de bien-être de l'école, des élèves, des enseignants. C'est des documents administratifs pour justifier l'échec qui n'est pas de notre faute. C'est ce qu'on disait tout à l'heure. Si l'enfant ne travaille pas à la maison, s'il n'est pas motivé, quand même des enfants et des gamins, quand on donne une préparation de trois exercices, c'est ce que j'avais foutu hier. « Oh non, c'était trop » ou « Je me suis couché trop tard » . C'est vrai que c'est compliqué. Il y a 25 ans, on n'entendait pas ce genre de choses. L'école était la priorité. Et on en est parfois outrés des réactions des élèves. Et donc, si on n'est pas psychologiquement armé… Et en fait, je pense que ce n'est même pas psychologiquement, parce que chacun est comme il est et réagit face aux difficultés ou aux facilités. Je pense que c'est simplement la capacité à prendre du recul par rapport à la situation. Il faut savoir ce qui nous incombe et ce qui ne nous incombe pas. Il faut savoir que ça, c'est sa responsabilité, ça, c'est la mienne par rapport à l'élève. S'il ne travaille pas, s'il a choisi de ne pas travailler…
- Speaker #0
C'est ce qu'on devrait apprendre à faire dans les jours, dans notre vie, et aussi peut-être dans le système éducatif des futurs profs, de leur apprendre à savoir mettre des barrières et à prendre du recul.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Mais je pense après que ça dépend aussi de la personnalité d'une personne. Même si on nous l'apprend, clairement, si on n'y arrive pas, on est des femmes, on sait très bien ce que c'est, les charges mentales, la charge mentale. Mais je pense que c'est à nous de pouvoir mettre des barrières et à laisser ce qui appartient aux autres et à ne pas prendre ce qui est négatif pour ne pas nous bouffer. Mais voilà, je peux concevoir, parce que c'est ce que je disais, oui, on est dans une classe, mais à côté de ça, il y a la maison, la famille. la pression sociale, les problèmes sociaux à la maison, enfin, les problèmes administratifs à la maison, enfin, voilà. Donc, c'est vrai que c'est tout un tout. Je dis toujours, ah oui, c'est bien. Les gens disent, ah oui, mais t'as encore autant de vacances. Ouais, OK. Mais quand on est en classe, en fait, on doit vraiment se concentrer sur ce qu'on fait en classe.
- Speaker #0
Faut être à 100% sur ce que tu fais.
- Speaker #1
Oui. Et puis, on doit laisser nos problèmes en dehors de la classe parce que les élèves ne doivent pas en être responsables et en être impactés. Et en même temps, on met... La différence entre quelqu'un qui est dans une entreprise, qui travaille seul, qui doit faire son boulot au bout de la journée, mais qui peut s'arrêter cinq minutes pour souffler parce qu'en fait, il vient de repasser la dispute avec son homme de la veille. Nous, devant les classes, on n'a pas vraiment l'occasion de le faire. On ne doit pas, on ne peut pas le faire. Pareil, on a des soucis administratifs. On doit passer des coups de fil pour résoudre tchic ou tchac. On a notre pause de midi et puis après quatre heures, tout est fermé. et donc en classe pareil on n'a pas le droit c'est vraiment toutes des choses qui font que on est tellement pressé par des citrons et puis il faut toujours faire après après après ou quand on a 5 minutes en fait il y a un moment où la fatigue nerveuse prend le dessus et ça provoque ces burn-out et pas vraiment juste parce que c'est difficile à gérer en classe mais parce que toute la spirale voilà la spirale devient infernale et qu'au final on n'arrive plus à trouver le lâcher prise et toi ton lâcher prise c'est le sport ? Oui, ça l'est. C'est le sport, c'est les copines, c'est le fait d'en parler à la maison. C'est un peu tout ça. C'est le fait de se dire qu'il faut prendre les bons côtés des choses. Et avec tel élève, ça s'est super bien passé et j'en suis contente. C'est une petite réussite aussi. Oui, c'est ça. Je pense que de toute façon, la vie doit être comme ça. Il faut se nourrir du positif, il faut se nourrir de ce qui est bien pour justement pouvoir remonter la pente du négatif.
- Speaker #0
Comment ça se passe avec tes collègues au niveau relationnel ?
- Speaker #1
Alors, une école, c'est quand même une grande famille. Pour pouvoir travailler correctement, il faut quand même s'entendre avec ses collègues. D'ailleurs, il y a quelques années maintenant, on nous impose, mais ce n'est plus vraiment imposer les choses, ce qu'on appelle une heure de travail collaboratif, du travail collaboratif. Mais bon, là, c'est l'aspect techniquement administratif, où on doit rendre des documents en disant ce que l'on a fait tous ensemble. Mais en fait, justement, ça nous permet de nous retrouver avec les collègues. de discuter du travail que l'on fait ensemble, en collaboration, en parallèle, mais en même temps de créer des liens. Moi, avec mes collègues, on mange toutes les semaines, le lundi ou le jeudi, ou même le vendredi, en fonction de nos horaires. Et du coup, on raconte le compte sur ce qu'on a fait ce week-end, et puis en même temps, on met au point les stratégies pédagogiques, les projets, etc. Mais ce n'est pas seulement avec les mêmes profs de discipline, parce qu'on fait l'interdisciplinarité. Je vais au musée avec ma collègue de sciences, parce que... pour accompagner ma classe avec laquelle j'ai cours. Quand on part en voyage scolaire, on part avec des collègues. Donc vraiment, vous savez, il y a un mot qui appartient, je pense, qu'à notre métier, c'est le colami. Colami. Collègue, ami, ça devient un colami.
- Speaker #0
Je ne connaissais pas ce mot, mais c'est vrai que je pense que ça peut se mettre aussi sur plusieurs...
- Speaker #1
Oui, dans tous les métiers, évidemment. Mais voilà, ils sont là aussi bien pour les coups de mou. Combien de fois est-ce qu'on sort de la classe sous pression et on va gueuler dans la classe du collègue en disant « Ah, tu ne sais pas ce qu'il m'a fait aujourd'hui celui-là » ou « Tu sais ce qu'il n'a pas fait ? » Ou voilà, je ne sais pas, on a passé une mauvaise nuit parce que le gamin a été malade, on arrive, les yeux complètement explosés et on se met à pleurer en disant « Je suis crevée, je n'en peux plus » . On prend la collègue pour nous prendre dans les bras, pour nous consoler,
- Speaker #0
nous donner de la monnaie qui va aller. Ça fait beaucoup.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Et c'est vrai que... Vaut mieux bien s'entendre avec ses collègues, mais encore une fois, tout le monde est différent, mais on est complémentaires. Et je pense justement que c'est ces échanges qui nous construisent également, parce que tout est bon à prendre chez tout le monde, évidemment sans exagérer et sans profiter, ce n'est pas par profit, justement c'est par échange. Et voilà, je pense que les collègues, c'est comme les amis, il faut bien les choisir et bien s'en entourer.
- Speaker #0
Si tu avais envie de développer encore quelque chose dans cette carrière, ce serait quoi ?
- Speaker #1
Non, en fait, je pense qu'actuellement, en tout cas, je suis vraiment épanouie dans ma carrière. Et ce que je fais me plaît beaucoup, ce que je développe, parce que c'est vrai qu'on fait des projets, on fait des sorties, on fait des chouettes trucs avec les élèves. Si je pouvais, si. Un point, c'est de leur prouver que l'école, à 12 ans, c'est important. Parce que souvent, on n'a pas la maturité de comprendre à l'âge que l'on a l'importance des choses.
- Speaker #0
Quelles sont les valeurs que tu voudrais transmettre au sein de ton programme ?
- Speaker #1
La force de caractère, la confiance en soi. L'empathie, parce que clairement, il faut pouvoir comprendre aussi, et les élèves, et les collègues, et les parents, l'amour propre et l'amour pour les enfants. Transmettre sa passion, faire le travail justement avec passion. Et ne garder que, pour se faire avancer, ne garder que ce qui nous plaît, et faire ce qui nous déplaît, mais sans avoir des pieds de plomb. Le faire parce qu'il faut, et pas parce qu'on doit le faire.
- Speaker #0
Je te remercie pour ce petit moment bien appréciable avec. Et voilà, c'est déjà la fin de notre épisode de Côté Canap. Je remercie infiniment Alison pour son énergie communicative et la passion palpable pour son métier qu'elle nous a partagé. Son éclairage clair et inspirant sur l'éducation et l'évolution de son rôle était vraiment passionnant. On sent son engagement et son souci des jeunes. Et vous, chers auditeurs, si cette conversation vous a plu et vous a éclairé, n'hésitez pas à vous abonner à Côté Canap pour ne manquer aucun de nos prochains échanges. Partagez cet épisode avec vos amis, vos familles, tout ce que le monde de l'éducation intéresse. Un grand merci à vous pour votre écoute fidèle. A très vite pour de nouvelles découvertes sur Clothécanap.com.