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Dans la nature des choses

Luc Schuiten | le Solar Punk, c'est imaginer un futur lumineux

Luc Schuiten | le Solar Punk, c'est imaginer un futur lumineux

52min |03/04/2025|

251

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52min |03/04/2025|

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Description

Et si le plus grand acte de résistance, aujourd’hui, était d’imaginer un monde désirable ?


Dans cet épisode, je reçois Luc Schuiten, architecte visionnaire et figure majeure du mouvement Solar Punk. Bien avant que ce courant ait un nom, Luc dessinait déjà des villes-forêts, des habitats vivants et des infrastructures enracinées dans le lien au vivant.

Dans cet épisode, il partage sa conviction : « Chaque réalisation commence par un dessin, une projection dans la tête ». Imaginer un monde vivable, poétique et en lien avec le vivant n’est pas une utopie, c’est une première étape concrète.

On parle ici d’émerveillement, d’écologie urbaine, de maison vivante et de la force d’un récit alternatif face à la dystopie dominante. À travers son parcours et ses créations, Luc nous montre qu’un autre futur est non seulement possible, mais déjà en germe.

Tu découvriras :

  • Pourquoi l’imaginaire est une force politique

  • Ce que le Solar Punk raconte de nos aspirations collectives

  • Comment bâtir des lieux en harmonie avec la nature

  • Pourquoi le beau peut devenir un moteur d’engagement

Un épisode pour celles et ceux qui veulent retrouver foi en l’avenir, ensemencer leur créativité et passer à l’action sans s’oublier.

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Retrouve le site de l'atelier d'architecture Schuiten ici: http://www.vegetalcity.net/

Et le nouveau livre de Luc: un monde désirable


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la nature des choses, le podcast qui nous est dédié, à nous, les écosensibles qui ressentons ce besoin urgent de recréer un lien profond avec le vivant. Nous vivons dans un monde en crise, où les urgences écologiques nous bousculent et où l'indifférence menace. Ce podcast, à travers des pistes d'action et des réflexions, est un espace pour transformer nos peurs et notre colère en action au service de la transition socio-écologique. Je suis Isabelle Giraldo, éco-facilitatrice et guide de reconnexion à la nature. Et aujourd'hui, j'ai la joie immense d'accueillir une personne qui a profondément marqué mon parcours, et sans doute aussi ma façon de voir le monde. Il y a un peu plus de 25 ans, alors que je venais de terminer mes études en architecture et que j'étais à la recherche d'un stage, une amie de mes parents m'a parlé d'un architecte un peu à part, un rêveur, un visionnaire, Luc Sketen. Quelques semaines plus tard, je poussais la porte de son atelier et j'entrais dans un monde. Un monde où les villes se dessinent avec des façades végétales, avec des jardins en spirale. Un monde où l'humain n'est plus au centre, mais en dialogue constant avec le reste du vivant.

  • Speaker #1

    Cette nature me nie, me parle, m'enrichit, me nourrit, parce qu'elle me nourrit complètement. Je sens que cette proximité m'est indispensable. Dans ma maison, il doit y avoir des plantes. Ma famille, c'est l'ensemble vivant. Je ne peux m'épanouir que si ma famille va bien. Et je dois prendre soin de ma famille.

  • Speaker #0

    J'ai eu la chance de pouvoir intégrer son atelier en tant que stagiaire, puis de continuer à collaborer avec lui pendant quelques années. Ce qui m'a profondément marquée, ce n'est pas seulement la beauté des dessins ou l'audace des idées. C'est la façon dont Luc vit son art au quotidien. J'ai travaillé sur des projets magnifiques. comme les jardins verticaux ou la cité de la musique. Mais ce que je garde surtout de cette époque, c'est l'image de Luc assis à sa table à dessin, en train d'imaginer les villes du futur, des villes vivantes, poétiques, où l'humain cohabite avec la nature. Il nous racontait aussi la création de sa baignoire en bois, de son évier façonné comme une sculpture. Luc était seul harpeung, bien avant que le seul harpeung ne devienne un mot. Il n'était pas simplement mon maître de stage. Peu à peu, il est devenu un mentor. Il m'a permis de me reconnecter à une part de moi que j'avais mise de côté. J'ai grandi au contexte d'une nature sauvage, au Mexique, en Australie. Mais en revenant en Europe et à l'adolescence, j'ai peu à peu appris à me couper de ce lien. Luc, par sa vision, sa manière d'habiter le monde, m'a rappelé à cette part de moi qui s'émerveille, qui a besoin des arbres, de la lumière et du contact avec la nature. Dans cet épisode, nous allons parler entre autres de son nouveau livre, Un monde désirable, une œuvre qui trouve un ferment dans les recherches biomimétiques et qui est portée par un imaginaire profondément optimiste. Un livre qui vient nous rappeler que rêver est un acte politique et qu'imaginer des futurs désirables, c'est déjà commencer à les construire. Je suis très émue de te partager cette conversation aujourd'hui. Alors je t'invite à t'installer confortablement. et à te laisser toucher et inspirer par la vision lumineuse de l'ex-quétaine. Une des premières questions que je voulais te poser, c'est justement toi, qu'est-ce qui t'a inspiré Parce que je sais que très très vite, au début de ta carrière, tu as intégré la nature dans ce que tu faisais, et donc j'aimerais bien savoir qu'est-ce qui t'a inspiré sur cette voie-là

  • Speaker #1

    Et ça a commencé très très tôt. Enfant, je vivais dans un grand jardin avec des parents très très orientés là-dessus. Ma mère avait apporté un regard plein d'admiration et de reconnaissance vis-à-vis de la nature et elle m'a éveillé à ça certainement et mon père aussi. Mon père était architecte. Il adorait les jardins et il m'emmenait sur les chantiers un peu partout. Il m'a éveillé certainement au dessin, donc à capter la beauté du monde qui nous entoure pour essayer de l'intégrer par le biais de la peinture et du dessin, de la fixer et de la transmettre. de l'utiliser en tant que moyen de communication. Donc c'est vraiment très très très jeune que je suis tombé dans la marmite et que j'ai été stimulé à porter ce regard d'émerveillement. C'est surtout un regard d'émerveillement. Je ne suis pas très à l'aise d'en parler parce que je considère que ma manière de le percevoir est assez incomplète et que je ne suis pas suffisamment impliqué moi-même dans cette relation à la nature. Parce que je ne travaille pas dans un jardin, je ne mets pas ma main dans la terre alors que je ressens que c'est une nécessité. Il y a une sorte de... paradoxe-là que j'ai parfois un peu difficile à assumer dans ce que j'aimerais être quelque chose d'un peu plus vécu de ma propre part. Je suis un peu interloqué par cela, ce qui fait que si je dois revenir ainsi de définir ma propre perception, j'ai cette sensibilité de photographe, de peintre, d'observateur. de quelqu'un qui capte les images, les odeurs, les choses, et qui les emmagasine en lui pour essayer de les rendre par le biais d'une communication par le dessin. Mais ça s'arrête là. J'ai un jardin qui est absolument magnifique, je trouve, que j'ai pensé dessiner, réaliser de manière... très technique au départ, en sculptant les formes, en mettant en place les valeurs, comme un peintre. Pas comme un jardinier, pas comme quelqu'un qui a la connaissance des plantes. Et je regarde mon jardin comme un micro-monde dans lequel j'aime promener par le regard, découvrir les espaces, les différents lieux qui sont très marqués. dans des ambiances qui sont faites pour les enfants. Il y a toute une promenade à l'intérieur de mon jardin qui représente un micro-paysage. Il y a une colline, on monte sur la colline, puis on descend dans un trou un peu obscur, caché. On ne voit pas ce qui se passe dans l'ombre. Puis on découvre une petite maison, on traverse une petite bambouserie, etc. Toutes sortes de choses, une pièce d'eau, avec une cascade, avec des... des grenouilles et des tritons, etc., toutes sortes de choses. Et c'est fait pour qu'un enfant puisse percevoir la richesse qu'il peut y avoir dans un monde, dans un monde où il y a plein de choses à découvrir. On ne voit pas tout d'un coup. Il faut y aller, il faut y rester, il faut regarder comment la lumière passe à travers les plantes. Tout ça, ce sont des choses que je perçois très fortement, sans plus m'y impliquer de manière à l'entretien. Ça, c'est... C'est ma compagne, c'est Claire, qui, elle, gère ça au quotidien. Et je suis très, très heureux de la voir faire. Mais je ne mets pas mes mains dans la terre. Et c'est quelque chose que je me reproche en me disant, mais pour aller plus loin dans cette démarche, il faudrait que je plante, que je regarde les graines, que je les arrose, que je les vois pousser. J'ai pris cette distance.

  • Speaker #0

    Ce que j'entends, c'est à plus un devoir de transmission et de communication. C'est là que tu excelles, et ça, on en a énormément besoin aussi.

  • Speaker #1

    Oui, mais pour que ce soit plus profond, il faudrait que j'en puisse aller jusque-là. Mais si je n'y vais pas, c'est certainement qu'il y a d'autres raisons plus profondes que je ne connais pas, qui fait que finalement, peut-être que le peintre, ce n'est pas son rôle, et qu'il doit continuer à capter. la lumière, l'ombre, la texture de la plante, comment elle a poussé tout cela, ressentir ça. Et que le fait de travailler sur cet entretien n'est pas vraiment de sa mission. Peut-être qu'il y a de ça.

  • Speaker #0

    Tu as une mission d'observation aussi qui est très importante. C'est très important aussi dans le monde d'aujourd'hui, ce travail de pouvoir observer. Et de rendre en plus, parce que tu ne fais pas qu'observer pour toi, mais tu réussis à rendre ça.

  • Speaker #1

    Rester dans l'émotion. Et pour moi, je peux rester totalement dans l'émotion si je suis passif vis-à-vis de ce qui est à faire, si je ne commence pas à entreprendre quelque chose d'un peu plus manuel, je dirais. Et que si je peux continuer à observer, à me balader dans... dans l'environnement et à capter tout ce que cette nature me dit, me parle, m'enrichit, me nourrit, parce qu'elle me nourrit complètement. Physiologiquement, je me sens... Je sens que cette proximité m'est indispensable. Dans ma maison, il doit y avoir des plantes. Je ressens que l'environnement dans lequel je dois vivre, je dois être accompagné de cela. Je l'exprime souvent en disant, c'est ma famille. Ma famille, c'est l'ensemble vivant. Je ne peux m'épanouir que si ma famille va bien. Et je dois prendre soin de ma famille. Et je m'occupe... d'en prendre soin par le lien avec ma campagne qui, elle, le fait autrement avec grand plaisir. Elle a besoin, elle, de mettre ses mains dans la terre et moi, j'ai besoin de la regarder faire.

  • Speaker #0

    La première question qui me vient en tant que tendance, c'est est-ce que c'est depuis toujours que tu as cette réalisation que le reste du vivant, c'est ta famille Que c'est depuis toujours que tu sens que tu dois vivre en lien et que... Tu dois en prendre soin. Oui. Donc tu dirais que ta conscience écologique, en fait, elle a toujours été là.

  • Speaker #1

    Oui, sûrement. La forêt et l'arbre sont une chose essentielle pour moi. J'ai toujours eu une fascination pour l'arbre. Quand j'étais gamin, dans le jardin familial, il y avait des très hauts peupliers de plusieurs dizaines de mètres, je pense au moins 20 ou 25 mètres. Et je grimpais jusqu'au-dessus de l'arbre et c'est là que je lisais ou j'étudiais. Je faisais mes leçons ou mes examens en haut dans les arbres, tout en haut. C'était pour moi un lieu de... C'est très difficile à expliquer quand on est enfant. On ne le perçoit pas de la même façon. C'était pas le côté... C'était pas la perception du vivant qui m'intéressait, c'était grimper, c'était voir le monde, mais c'était aussi voir le monde à travers les branches d'arbres, à travers le feuillage, à travers le vent, le balancement, la souplesse de l'arbre. Et il y avait quelque chose qui me nourrissait de cela sans que ce soit du tout conscient. C'était une pulsion très... primaire, je dirais, celle d'être dans un environnement qui me nourrissait d'une certaine manière et qui m'apportait en même temps un calme et une sérénité que je n'avais pas ailleurs. Et en même temps une vision sur la planète. En hauteur, comme ça, on a une vision sur le restant du monde qui n'est plus du tout la même que celle d'un enfant qui voit les choses. assez près.

  • Speaker #0

    Et puis alors, assez vite, pense au début de ta carrière, tu habitais d'abord à la campagne ou dans la forêt, et tu as construit une maison, la maison Orégiona. Donc, il y a vraiment, je sens, cette mission de transmission et de faire avec tes mains, même si elles ne sont pas dans la terre, tu as créé du beau et tu as créé en lien avec la nature, quand même, finalement.

  • Speaker #1

    Cette première maison, c'est la toute première... Non, j'ai investi dans d'autres choses avant, mais c'est celle où j'étais le plus loin. quand j'ai trouvé mon équilibre dans le couple avec les premiers enfants, vivre dans un environnement qui correspondait à un idéal très profond, plus qu'un... c'est autre chose encore qu'un idéal, c'est une pulsion vers une vie dans laquelle je croyais profondément comme étant l'essence même des choses. Et là, c'était la proximité que la forêt était. totalement indispensable. Il me fallait une forêt. Il fallait une maison. Elle pouvait être très petite. D'ailleurs, elle était fort petite. Mais elle devait être entièrement en relation avec l'ensemble de l'environnement et du vivant. Donc, c'était un hasard absolument incroyable. C'est qu'au moment où j'ai la possibilité de faire cette maison, sort les tout premiers capteurs solaires. Une firme allemande qui les fabrique. Et je comprends à ce moment-là qu'il y a là une petite... possibilité fantastique, mais qu'est-ce qu'on faisait Ce qu'on fait encore maintenant, on prend une maison classique tout à fait bête dans un lotissement, on met des capteurs solaires sur la toiture. Et j'ai été voir la firme qui les fabriquait, je lui ai dit, c'est pas ça, avec des capteurs solaires, la maison doit être totalement différente. Elle doit être faite pour capter l'ensemble de tout ce qui se passe autour et son environnement. Donc elle doit être conçue dans un autre ordre. Et moi je peux vous faire... je peux faire une maison qui va exprimer totalement cela. Et je vous propose de le faire avec mon capteur solaire. Donc, ils m'ont offert les 80 m² de capteur solaire que j'avais besoin et les pompes nécessaires pour le faire fonctionner. Je ne pouvais pas le faire autrement. Je l'ai fait avec très, très, très peu d'argent. Donc, j'ai fait la même chose avec la firme qui fabriquait les éoliennes. Je leur ai dit, l'éolienne que vous avez placée là, à côté de l'usine, ne démontre rien. Si vous la mettez chez moi, je vais montrer qu'on peut fonctionner avec le vent pour avoir de l'électricité et qu'on peut être autonome. Et ça, c'est non seulement un coup de chance, mais peut-être que ce n'est pas la chance, qu'il y a autre chose. Je suis arrivé au moment où c'est parce que... Le moment était là que j'ai pu utiliser tout cela et créer une maison que j'ai réalisée en grande partie moi-même. Donc, comme tout était différent de ce qu'il y avait dans le marché, je n'avais pas d'autre possibilité que de le concevoir, le réaliser et le vivre. Alors, ça donnait évidemment une force d'expression qui était assez originale parce qu'il y a peu de maisons qui sont aussi... personnelle que celle-là, puisqu'ici j'imaginais une chose, je la dessinais quasiment instantanément ou dans les heures qui suivent par quelques croquis. Puis, dans mon atelier, avec une petite scie sauteuse, une foreuse et une ponceuse, je réalisais les meubles avec des doses de hêtres qui venaient de la forêt d'à côté. Et ça m'a permis de... de rentrer dans une démarche d'une créativité assez extraordinaire parce que c'était penser, concevoir, dessiner, réaliser et vivre, tout dans une même lignée. Et là, je rentrais dans un fonctionnement qui m'a porté. Donc j'ai pu continuer à me développer à partir de ce bagage qui s'est constitué à un moment absolument particulier qui était celui de l'émergence du mouvement hippie, du retour à la terre, des mouvements underground, de tout un courant de pensée qui était arrivé à ce renversement des valeurs, en disant que la technique, l'artificialisation ne nous apporte rien qui va nous permettre de réellement nous épanouir. Et là, j'ai construit l'univers qui était fait pour être la prolongation. de quelque chose que je ressentais tellement profondément, avec une telle vivacité qu'il n'y avait qu'une seule possibilité pour moi, c'était de le vivre, de le réaliser. C'était un chemin totalement obligatoire. Je n'avais pas d'alternative. Et je devais aller absolument jusqu'au bout, le faire sans aucune concession, jusqu'à trouver tout ce qui m'était nécessaire. pour pouvoir le vivre. Et le vivre m'a amené petit à petit à prendre conscience qu'il y avait là une pulsion primordiale dont seulement une partie me nourrissait complètement. C'était celui de la création de l'espace, du lieu de vie, de l'environnement, mais pas celui de la connexion aux plantes. De la connexion aux plantes. plantes, dans la manière dont ils vont pousser, etc., dans l'entretien du jardin, du potager, du verger. Là, je n'étais plus en face. Mais ma compagne, elle s'en chargeait et elle réalisait cette connexion qui m'était tout à fait nécessaire.

  • Speaker #0

    Et un des besoins profonds qu'on a aussi, je pense, en tant qu'être humain, c'est ce besoin d'appartenance et d'avoir ce lieu de vie complètement en lien avec ton environnement. Ça répond peut-être à ce besoin qu'on a de se sentir, faire partie, comme tu l'as dit au début, de la famille du vivant. Et c'était une réponse, c'était une concrétisation en fait, de ce lien que tu avais avec ton environnement, de pouvoir vraiment faire un lieu de vie pleinement en lien avec ton environnement.

  • Speaker #1

    Fondamentalement, c'était celui d'avoir l'enveloppe protectrice, l'habitation, dont cette enveloppe, cette peau, cette enveloppe devait être aussi ténue que possible pour pouvoir permettre à l'ensemble de l'environnement de l'imprégner de gommer le plus possible cette différence entre l'intérieur et l'extérieur et que tout devienne environnement c'est vraiment ça que la maison fasse partie intégralement de l'environnement ça c'est vraiment le fondamental et plus cette cette enveloppe de protection était transparente, était légère, mieux je me portais. Donc plus je pouvais m'enrichir de ce qu'elle pouvait m'apporter, et inversement. Moi, enrichir cet environnement, c'est un problème d'échange. Je suis nourri, je nourris. Je ne peux l'envisager que comme ça. Certainement pas quelque chose qui est à sens unique.

  • Speaker #0

    Et ce qui est magnifique, c'est que tu as trouvé pour moi cet équilibre entre le fait de se sentir protégé. Parce que c'est vrai que parfois, j'invite aussi les personnes à passer une nuit dans la forêt ou aller, moi aussi, passer une nuit dans la forêt. Et la peur est là. Parce qu'on se sent complètement vulnérable et pas du tout protégé. Donc oui, on est en lien, mais en même temps, il y a cette peur. Et là, tu as créé cette bulle de protection, tout en restant complètement en lien avec ton environnement. Ça, c'est assez magique, assez magnifique.

  • Speaker #1

    Quand on voit les dessins, les photos de cette habitation, la chambre à coucher est... se terminer par une sorte d'avancée entièrement vitrée et ouverte sur le ciel, vers les arbres, le jardin et le ciel. Et l'idée était de mettre son lit dans cet endroit-là et dormir, en regardant avec la voûte étoilée. Ça a été un moment absolument incroyable. Le premier jour où j'ai pu vivre ça, je pense que c'était un moment... le plus intense dans ma vie. Mais je n'ai pas dormi. Et c'était beaucoup trop puissant, beaucoup trop fort. Et le lit qui devait être tourné vers le ciel, on l'a inversé, on l'a tourné dans l'autre sens, parce que l'avoir juste devant soi, c'était suffisant. Mais avoir vraiment sa tête dans le ciel, l'énergie était beaucoup trop forte. On n'arrivait pas à se reposer. Donc on l'a tourné dans l'autre sens. Et là, c'était... On a pu trouver le repos nécessaire.

  • Speaker #0

    Et puis après, qu'est-ce qui t'a motivé à revenir en ville

  • Speaker #1

    Beaucoup, beaucoup de choses qui se sont ajoutées. Ce n'est certainement pas une raison. Mais une des premières raisons, c'est que mon travail était lié à la ville. En tant qu'architecte, je travaillais avec des clients qui habitaient dans de l'urbain. Je prenais donc souvent ma voiture pour aller les rencontrer et discuter avec eux. Mais aussi pour faire nos courses, alimenter la maison, on prenait la voiture. Pour aller chercher les enfants, on prenait la voiture pour les conduire à l'école. Et on était totalement dans un mode de vie qui était en contradiction avec l'objectif principal, qui était de s'éloigner et de vivre de la forêt. Cette proximité qu'on a trouvée à la nature a créé un éloignement et une artificialisation dans notre comportement qui n'était plus en cohérence. Ça, ça a été quelque chose qui a été déterminant. Le fait que la maison était très petite et qu'on voulait avoir d'autres enfants et avoir un espace de vie plus grand, et que la maison était conçue comme une entité... fermée comme une matrice. Elle ne pouvait pas être agrandie sans être fondamentalement abîmée et détériorée. Donc je n'avais pas du tout envie de casser quelque chose qui m'avait tellement plu. Et l'expérience de la construction de cette maison, mais qui a été jusqu'à la réalisation de tous les meubles, des mécanismes de serrure, d'une salle de bain, d'une cuisine qui ne ressemblait à rien d'autre. que ce qu'on avait imaginé, une toilette, tout était dans le rapprochement vers des choses qui nous étaient fondamentales et qu'on voulait vivre, mais qui avaient son sens à cet endroit-là. Je me suis posé la question en disant, mais ça a été fantastique de le créer, mais créer une nouvelle chose, mais non, ça peut être encore plus extraordinaire, parce que je peux continuer avec le bagage que j'ai appris en faisant cette première chose. Mais à quoi ressemblerait une maison de ville Une maison pour quelqu'un située comme ça, c'est un travail, une introspection très personnelle. Mais quel sens est-ce que ça peut avoir pour d'autres Tout le monde ne peut pas aller vivre en plein milieu de la forêt, ça ne fonctionne pas. On est appelé à vivre en communauté, en groupe. Et là, comment est-ce que je peux maintenant transposer cette même démarche en pleine ville. Et ça, c'était un défi fantastique que j'ai eu beaucoup à cœur de pouvoir réaliser. une autre fois en me disant maintenant je dois m'atteler à cette Ausha. L'autonomie c'est très bien quand on est au bout du monde, je ne suis pas au bout du monde, je suis dans une société et là l'autonomie n'est plus un but en soi. Quand on a une infrastructure dans une rue avec les cités, les égouts, avec tout, on ne va pas s'isoler alors que le réseau existe. Donc j'ai cherché à répondre à cette question dans un environnement qui pouvait me satisfaire également, c'est-à-dire un environnement urbain, mais totalement en immersion avec le monde végétal, des arbres. C'est à partir de là que j'ai commencé à revoir la manière dont il faut fonctionner et travailler sur un autre concept, comment est-ce que je peux le faire avec l'existant. avec un existant construit, en utilisant au maximum les possibilités de ce qu'il y avait sur place, en ne jetant rien. Ça, c'était une des conditions. Quand on réfléchit en termes d'écologie, il ne peut pas y avoir de déchets. Les déchets, c'est un nutriment ou c'est un outil ou un matériel qui doit servir à autre chose. Le recyclage doit être permanent. Donc ça, ça a été des premières règles que j'ai voulu appliquer ici. Tout ce que j'ai cassé a servi de matériau pour faire autre chose. Le jardin, qui était en fait uniquement un espace rempli de garage, a été cassé. Toute la façade arrière a été cassée. Tous les matériaux ont été récupérés pour pouvoir être étalés dans le jardin et refaire une volumétrie qui manquait. Parce que ce jardin... tout plat et tout à fait minéral, ne m'intéressait absolument pas. Puis j'ai fait venir 20 camions de très bonne terre que j'ai étalés sur les déchets qui ont servi de drain et d'assises à la nouvelle volumétrie, ce qui m'a permis de sculpter véritablement un nouveau jardin. Oui,

  • Speaker #0

    donc ça a été un peu ta quête, toute ta carrière après, d'essayer d'intégrer de plus en plus la nature dans la ville. Et tu as développé tous ces projets pour essayer d'intégrer plus la nature dans la ville.

  • Speaker #1

    C'est pour moi totalement indispensable, vital. Vivre au milieu d'un espace uniquement minéral est totalement déprimant. Il nous manque le sens même de ce que nous sommes. Nous sommes des êtres biologiques, nous poussons. Donc nous devons vivre autour de choses qui vivent, qui poussent, qui palpitent.

  • Speaker #0

    Et toi, tu penses, ici, tu as retrouvé ta place. Voilà. Tu as retrouvé ce lien. Et je trouve ça assez intéressant. Parce que, comme je dis, il y a pas mal de personnes qui me disent Mais je ne peux pas me connecter à la nature parce que j'habite en ville. Et moi, je me souviens que toi, je t'ai tout entendu dire Moi, je suis un citadin. J'aime bien habiter en ville. Et malgré tout, tu trouves ce lien à la nature au quotidien. Tu arrives à la vivre complètement.

  • Speaker #1

    J'ai créé un environnement qui correspond totalement à ça. L'ensemble du dessin de la maison fait que les plantes rentrent dans la maison par le biais de la veranda, par le biais de cette grande serre qui éclaire jusque la pièce centrale et qui nourrit la maison de tout ce qu'elle peut apporter. Certaines plantes sont en pleine terre, même s'elles sont dans la maison, elles prennent l'eau du jardin et fonctionnent avec la terre qui se trouve dans le jardin. Tout est dans cette espèce d'osmose qui est pour moi la seule manière de faire vivre une maison. Elle va vivre par son lien avec le restant du vivant.

  • Speaker #0

    J'avais aussi envie de te parler du mouvement, parce que j'ai vu une de tes expos, je pense que c'était à Saint-Gilles, le mouvement Solar Punk. Et quand j'ai découvert le mouvement Solar Punk, je me suis dit, tiens, mais Luc, il était Solar Punk avant que ça devienne vraiment un mouvement artistique dont tout le monde parle maintenant. Comment est-ce que toi, tu décrirais ce mouvement de Solar Punk

  • Speaker #1

    Je commençais par décrire l'inverse, le cyberpunk. Donc le cyberpunk a existé, je pense, avant le Solar Punk. On a donc imaginé un monde entièrement artificiel, assez négatif, assez destructeur. où elle a tout gagné. des pulsions morbides dedans, qui sont attractives par le côté morbide justement pour certaines personnes. Ça donnait naissance à un mouvement, à un moment où on passe dans des basculements. Plus ça s'est développé, plus l'effet contraire était appelé et nécessitait une réaction. Et à cette vision d'un futur apocalyptique, nos futurs, ne pouvait naître que le mouvement inverse, celui où on peut imaginer un futur qui soit lumineux, qui nous enrichisse. Et ça, c'était le mouvement Solar Punk. Il se fait que le mot et le mouvement sont arrivés bien après que je me sois embarqué dans ce mouvement. J'ai découvert qu'il avait un nom bien plus tard, assez récemment d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Justement, je voulais aussi parler de ton nouveau livre qui va bientôt sortir. Tu en as touché quelques mots avec ce mouvement du cyberpunk. Et qu'effectivement, pour l'instant, il y a beaucoup de récits dystopiques qui sont véhiculés. Des récits d'effondrement, de fin du monde, de nos futurs, de cette génération qui s'appelle The Last Generation. Des récits vraiment apocalyptiques. Je pense que là, on se rejoint, on a profondément besoin de récits positifs aussi. Et même peut-être pas... complètement utopique, mais ce que j'aime beaucoup chez toi, c'est que c'est impossible, en fait. Ce n'est pas une utopie. Ce que tu nous partages, c'est réalisable, c'est souvent dans du concret. Tu peux nous en dire un peu plus de ce besoin On est à un moment où c'est tellement important de véhiculer ce genre de récits.

  • Speaker #1

    Absolument. Et c'est d'autant plus important que ce qui s'est le plus développé, c'est le côté anxiogène. Et c'est un peu logique. Si on veut écrire un roman ou quelque chose, on ne peut pas écrire une histoire où tout se passe bien, ça va vite lasser. Les gens, c'est quand on met en danger quelque chose, quand il y a une peur, que l'on commence à vibrer. Mais ça a été tellement fait, on n'a fait pratiquement que ça, d'écrire les choses les plus apocalyptiques qui vont se passer. qu'on en est complètement submergé, noyé, etc. Et on en arrive à un stade de ce que l'on a appelé le nocebo. Cette manière de dire que l'on convoque ce dont on craint le plus, c'est l'effet que ressent quelqu'un qui a le vertige au point de se jeter dans le vide. Ça, c'est l'effet nocebo. Mais à force de nous montrer que ça, on pourrait aussi imaginer qu'il n'y a pas d'autres issues, alors que c'est vraiment le contraire. Moi je crois surtout dans l'effet placebo, c'est-à-dire ce qui est un médicament qui devrait normalement nous guérir, mais c'est simplement l'effet psychologique de penser que l'on va guérir qui fait que l'on guérit. Nous pouvons très bien utiliser cela en nous baignant dans un monde positif qui fait qu'on va arriver vers ce genre de choses simplement parce qu'on l'a construit dans notre tête. Chaque réalisation commence d'abord par un projet, par un dessin, par une projection de quelque chose. On ne va jamais réaliser quelque chose qu'on n'a pas d'abord complètement imaginé, construit dans sa tête et dessiné. Donc mon idée est de dire qu'il y a suffisamment d'expériences, de choses autour de nous qui montrent qu'il y a de multiples voies extraordinaires vers un monde fantastique, que le mettre toutes ces choses bout à bout constitue une sorte de matière vivante, d'énergie qui va nous permettre de voir que c'est possible et que cette... indispensable d'aller vers ce genre de choses. Si nous avons les outils nécessaires pour nous en tirer de manière magnifique, ce serait vraiment bête de ne pas le faire. Et dès le moment où on commence à regarder toutes les expériences magnifiques qui sont faites partout dans le monde, on voit qu'on a tout à notre portée, qu'il suffirait de s'y mettre suffisamment de gens pour arriver à le faire. Il ne faut pas attendre que tout le monde s'y mette, on met quelques-uns à montrer que ça fonctionne. Et alors, c'est absolument fantastique de voir qu'il y a un écoquartier qui s'est créé et qui fonctionne de manière tout à fait équilibrée, même si âge. quelques problèmes, on les résout, on avance, on en crée un autre, etc. Et tout ça commence à devenir une réalité. Dès le moment où on peut voir qu'il y a des exemples qui marchent, il n'y a aucune raison de ne pas commencer à les multiplier. Mais il nous faut la matière de départ, elle est là. C'est ça que je montre dans mon livre. En allant parfois un pont plus loin, en disant si on est plusieurs à le faire, qu'est-ce que ça fait qu'est-ce qui se passe si à l'échelle d'une ville, on repense une organisation complète et on part d'une base très simple. La voiture est une bêtise incroyable. La voiture, c'est une tonne et demie de ferraille qui peut transporter 150 kg de passagers, pas 10 de rendement, et puis l'essence, etc. Tout ça ne marche pas. Mais pourtant, on l'a rendu tellement attractif que tout le monde en a une ou deux. Et ça rend la ville complètement invivable. Ça la pollue complètement. L'espace réservé aux voitures est considérable par rapport à ce qu'il pourrait y avoir au parking, etc. Alors qu'on pourrait très bien avoir une ville de nature. C'est ce que je montre dans le livre et je le remplace par d'autres moyens de transport bien plus efficaces, bien plus rationnels, mais qui n'existent pas en commun. Non, simplement... Parce que nous sommes dans un état un peu de léthargie. La voiture est devenue tellement sexy, tellement attractif. En fait, elle est bien foutue au niveau technique, individuellement. Mais c'est la collectivité qui ne fonctionne pas. Dans le livre Un monde désirable, je remets un peu les choses à plat. Je me dis à quoi pourrait ressembler une agglomération, une cité, qui correspondrait réellement à mes attentes. Et là, j'imaginais tout un truc, je ne vais pas le décrire maintenant, mais qui fonctionne sous forme de boucle avec un transport en commun qui peut desservir l'ensemble des habitations, maximum 10 minutes à faire à pied pour les gens qui sont le plus éloignés, mais des espaces verts intérieurs très importants qui remplacent les espaces utilisés. que l'on a dédié à la voiture actuellement et d'autres moyens de fonctionnement mais seulement avec les énergies renouvelables continuer à travailler avec les énergies fossiles c'est une aberration complète d'ailleurs on sait qu'en moins de 200 ans on va épuiser l'ensemble des réserves que la planète a tout en polluant complètement notre environnement avec des dégâts collatéraux considérables on peut pas aller dans cette voie-là, c'est totalement intraprensable. Alors quelles sont les voies C'est ça que j'essaye, que je montre, que j'explique dans mon livre. Toutes les voies parallèles qui nous mènent à un équilibre qui nous est aussi nécessaire.

  • Speaker #0

    J'ai une question un peu piège peut-être, mais est-ce que tu penses que le changement comme ça peut venir des citoyens Ou est-ce qu'on va avoir besoin des pouvoirs publics

  • Speaker #1

    Pour moi, les deux sont intimement liés. Les pouvoirs publics se reposent sur les citoyens et les citoyennes sur les pouvoirs publics. Il y a une interaction complète. Actuellement, les changements climatiques, la conscience de l'importance des changements climatiques n'est pas encore ancrée dans la masse de la population. Il y a beaucoup de gens conscients qui manifestent, etc., qui luttent contre, mais par rapport à la masse générale de la population qui reste très attachée. à des préoccupations très journalières, leur pouvoir d'achat, des choses comme ça, sans suffisamment entrevoir un avenir plus lointain. Quand on a le nez dans le guidon, c'est très difficile de voir ce qui se passe beaucoup plus loin. C'est seulement quand on a pu avoir la chance de prendre un peu de recul et d'être moins angoissé par tout ce qui... peut se passer dans le présent, qu'on peut imaginer ce qui se passe, par exemple, à se passer un peu plus loin. Mais c'est quand même... Une de nos préoccupations qui devrait être fondamentale, c'est penser au monde que nous allons préparer pour nos enfants, nos petits-enfants, nos derniers petits-enfants. Et ça, c'est un rôle principal auquel nous devons penser, même si aujourd'hui, on a quelques difficultés à nos fins de mois. Il faut quand même aussi entrevoir ce qui va se passer plus tard. Et là... on n'avance pas très vite. Mais dès le moment où il y aura suffisamment de gens dans la population pour pouvoir s'entourer de décideurs qui vont aller dans le même sens que la population, le jeu de la démocratie se fera correctement et on ira vers des véritables solutions. Ce n'est pas encore vraiment le cas.

  • Speaker #0

    Tu parles un peu aussi de ta créativité, ton imagination. C'est quelque chose qui est vraiment... très présent chez toi, cet imaginaire que tu arrives à activer assez facilement. Tu parlais au début, donc tu observes, tu observes la nature, tu te laisses inspirer et puis après tu imagines.

  • Speaker #1

    Je lis, je m'informe beaucoup. L'imaginaire ne peut reposer que sur... Mon imaginaire, je veux le discipliner à ce qui reste dans le domaine du possible. Je ne veux absolument pas qu'il s'égare. du côté du rêve, du fantasme, parce que ça, c'est toujours décevant. Là, on rentre dans un domaine où on ne contrôle plus vraiment. Le rêve peut devenir un cauchemar. Dans une construction, ce n'est pas la même chose. On le bâtit élément par élément et on choisit les pierres qui vont faire l'édifice. C'est dans cette optique-là que je travaille. Je recherche quels sont les systèmes, les valeurs que je peux trouver dans la nature. qui vont me permettre d'imaginer que je peux le transposer dans des schémas de construction. Comment est-ce que la nature peut m'apprendre à être durable, à fonctionner avec d'autres organismes vivants, en écosystème, en équilibre avec d'autres éléments. Je pense qu'il y a là un enseignement absolument fabuleux et qui est la chose qui va me nourrir principalement. Parce que là, j'ai une confiance absolue dans ces valeurs-là. Le restant, on peut toujours leur mettre en question. Est-ce qu'une loi, un principe, un système constructif est valable ou pas Là, on peut toujours en discuter. Est-ce qu'aller dans cette voie-là va être bénéfique pour la planète On peut en douter. La nature, pas. Là, on sait que tout ce qui n'était pas rentable a été abandonné, que tout ce qui fonctionnait n'est pas très bien. Et c'est ça qui fait que, au fur et à mesure que le temps passe, la nature est devenue de plus en plus résiliente, magnifique, complexe, elle intègre des organismes vivants de plus en plus riches. On regarde ce qui s'est passé il y a quelques milliards d'années, c'était d'une brutalité, c'était très très sauvage, il n'y avait pas grand-chose. Et au fur et à mesure, c'est devenu une beauté extraordinaire. Comment est-ce que tout cela s'est mis progressivement en place Il y a eu des hauts et des bas, il y a eu des grands cataclysmes aussi, mais chaque fois, avec le temps, les choses se sont perfectionnées. On est arrivé à un stade où les choses sont d'une beauté exceptionnelle, tant qu'on ne les abîme pas. Et nous les abîmons à une vitesse bien plus grande que ce qu'elle a comme possibilité pour se renouveler. Donc nous devenons nuisibles. pour l'ensemble du vivant. Et ça, c'est totalement inacceptable. Comment peut-on partir dans un autre sens Comment peut-on travailler en bonne intelligence avec l'ensemble du vivant Comment peut-on rétablir, dans une certaine mesure, ce que nous avons à mimer, remettre en place des écosystèmes, des tourbières, des machins, pour arriver à ce que la planète soit plus belle après notre passage Ça, c'est quand même fondamental.

  • Speaker #0

    Oui, donc tu t'inspires de la résilience de la nature pour essayer de créer des systèmes résilients pour que l'être humain puisse continuer à habiter sur la planète sans l'endommager.

  • Speaker #1

    Arriver à remettre en place, quand on voit des scientifiques, des botaniques qui arrivent à replanter, à remettre une forêt en place, c'est vraiment toujours tout à fait magnifique à réalimenter une tourbière. et avoir toute la nature qui s'y installe, directement les insectes. les mammifères, les oiseaux qui arrivent, tout cela qui commence à revivre, c'est d'une très très très grande beauté. C'est ce qu'on peut trouver dans ce magnifique livre, Tresser les herbes sacrées dont on a parlé ensemble, et qui est une merveille parce que c'est un livre fait de l'émerveillement par rapport à la nature, et qui m'a totalement bouleversé parce que son auteur, cette amérindienne qui est en même temps une biologiste, arrive à nous parler du sacré de manière qui m'a totalement touchée parce que pour moi le sacré était devenu quelque chose lié aux religions et ça me pesait énormément. J'en voyais plus ce mot parce que c'était trop lié à des dogmes, à des choses que je déteste. Mais là, elle apporte une dimension au sacré. qui est entièrement liée au vivant et à la nature. Elle donne une dimension magnifique. Ça a été un choc pour moi, véritablement retrouver la puissance de cette émotion, plus que cette émotion, cette valeur suprême qui est dans tout ce qu'elle raconte. Et ça, c'est par l'ensemble de ce qu'elle a appris dans son enseignement ancestral. des Amérindiens et de leur perception primordiale de tout ce qui est la nature.

  • Speaker #0

    Et c'est un travail important aussi de... Je vois le parallèle dans ce que toi tu fais, de remettre en beauté. Oui. Et redonner envie, remettre de l'inspiration. On en parlait aussi que tous ces récits finalement qui font peur ou qui culpabilisent ne donnent pas envie d'agir. Et je pensais que ce besoin, ce travail de... donner envie de faire par le beau et l'émerveillement. C'est important.

  • Speaker #1

    C'est ce qu'il y a de plus important, c'est retrouver le côté sacré.

  • Speaker #0

    Et comme tu le dis, redonner à certains mots leur caractère premier. Parce que je te rejoins tout à fait que sacré est un mot qui était devenu tellement lourd. Et de pouvoir remettre ce mot à sa place, c'est important. Et pouvoir reparler du sacré quand on parle de lien à la nature, c'est aussi important. Je pense qu'on arrive tout doucement. À la fin. Et une dernière question que je voulais te poser, c'est est-ce que toi, tu as des pratiques que tu fais pour cultiver justement ton imaginaire ou ta créativité

  • Speaker #1

    Pas vraiment. En tout cas, pas des rituels. Ce que j'ai essayé, j'ai tenté des tas de choses, mais finalement, ça se fait quasiment naturellement. Ça peut être dans mon lit, ça peut être dans mon bain. Dans des moments un peu remarquables, ce que j'ai essayé d'expérimenter a été parfois peut-être un peu théorique, mais je ne l'ai pas vraiment réussi à le mettre en pratique. Je pense par exemple à mon lévitateur, qui est cet appareil que j'ai inventé, qui est un treuil qui est relié à une poulie tout en haut d'un de mes arbres et qui redescend vers un fauteuil. Je me mets dans le fauteuil avec un petit appareil qui s'appelle le biofeedback, qui analyse les ondes mentales. Quand je rentre en méditation, le biofeedback envoie un signal au treuil et je monte dans l'arbre jusque dans la canopée. Tant que je suis en méditation, je reste là. Ça m'a beaucoup amusé et j'ai trouvé intéressant de chercher quelque chose. Parce que quand on rentre en méditation, on a l'impression de léviter, de quelque part de s'élever. Quand c'est accompagné par le mouvement du corps et qu'on s'élève et qu'on se retrouve dans les hauteurs et que l'on ressent le monde, la lumière à travers le feuillage, il y a quelque chose qui est normalement très puissant. Je l'ai fait quelques fois, mais je n'en ai jamais fait une habitude. Donc c'était pour moi intéressant d'y réfléchir, de le mettre au point, de le faire vivre à plein de gens qui se sont bien amusés avec ça. Mais ça s'est resté peut-être un peu un gadget, parce que finalement, la réflexion et la méditation, elles se passent à tout moment. Il ne faut pas un lieu particulier. Je ne pratique rien de particulier. Ça arrive quand je dois réfléchir à un problème ou quand je suis dans un moment de calme. Ça peut être en me promenant. J'ai remarqué que je peux me promener dans la nature. J'ai un très bel espace tout près d'ici, le Bourrasque, et je peux me promener pendant une heure là ou deux. Et quand je reviens à la maison, ma compagne Claire me demande alors, tu as vu maintenant, tout est en fleurs, les bourgeons. Non, les bourgeons, les fleurs, moi je n'ai rien vu du tout, rien, mais j'avais strictement... rien vu. J'étais tellement dans ma tête à imaginer des choses que je passe à côté de tout sans strictement rien voir parce que je suis occupé à construire, faire un schéma et tout ça se passe dans mon cinéma intérieur. Mais même si j'ai rien vu, j'ai capté les odeurs, les lumières etc. C'est rentré dans un inconscient qui quelque part, ça m'a échappé consciemment. Mais inconsciemment, qu'est-ce que ça a fait Je ne sais pas, ça reste un grand mystère.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux auditeurs et aux auditrices qui sont peut-être en manque d'inspiration, ou qui voient tout en noir, ou qui se laissent peut-être emporter, submergés par ces récits qu'on entend, qui auraient envie peut-être de nouveau imaginer des belles choses, d'être plus créatifs Est-ce que tu aurais un conseil à leur donner

  • Speaker #1

    Regarder le beau, évidemment. On est sollicité en permanence par ce qu'il y a de plus terrible qui se passe, un accident, un crime, un truc, ça fait la ruine des journaux. Mais une belle chose, non. C'est dommage, pourquoi est-ce qu'on ne met pas dans les journaux, je ne sais pas. Une mère qui a retrouvé la relation avec son fils, qu'elle avait perdu, je ne sais pas, des belles trucs, mais des choses importantes, magnifiques, joyeuses. Il y en a tout le temps.

  • Speaker #0

    Aller chercher le beau, c'est déjà une belle invitation. Aller voir des expos, aller voir de l'art.

  • Speaker #1

    Absolument.

  • Speaker #0

    Et se laisser toucher par la beauté. C'est une belle conclusion. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Dans la nature des choses. J'espère qu'il t'a inspiré autant que cette rencontre a compté pour moi. Que tu en ressors avec des images plein la tête et peut-être l'envie de rêver toi aussi un monde plus désirable en lien avec le vivant. Si cet épisode t'a plu, n'hésite pas à le partager autour de toi. Tu peux aussi laisser un commentaire, mettre 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée ou t'abonner pour ne rien manquer des prochains épisodes. Ça fait vraiment une grande différence et ça m'aide à faire grandir ce podcast. tout en douceur. Et si tu veux aller un peu plus loin dans cette reconnexion à la nature, tu peux aussi t'inscrire à ma newsletter. Je t'y partage des réflexions, mes ressources et les coulisses du podcast. On se retrouve dans deux semaines pour un nouvel épisode, et d'ici là, prends bien soin de toi et de ta relation au vivant.

Description

Et si le plus grand acte de résistance, aujourd’hui, était d’imaginer un monde désirable ?


Dans cet épisode, je reçois Luc Schuiten, architecte visionnaire et figure majeure du mouvement Solar Punk. Bien avant que ce courant ait un nom, Luc dessinait déjà des villes-forêts, des habitats vivants et des infrastructures enracinées dans le lien au vivant.

Dans cet épisode, il partage sa conviction : « Chaque réalisation commence par un dessin, une projection dans la tête ». Imaginer un monde vivable, poétique et en lien avec le vivant n’est pas une utopie, c’est une première étape concrète.

On parle ici d’émerveillement, d’écologie urbaine, de maison vivante et de la force d’un récit alternatif face à la dystopie dominante. À travers son parcours et ses créations, Luc nous montre qu’un autre futur est non seulement possible, mais déjà en germe.

Tu découvriras :

  • Pourquoi l’imaginaire est une force politique

  • Ce que le Solar Punk raconte de nos aspirations collectives

  • Comment bâtir des lieux en harmonie avec la nature

  • Pourquoi le beau peut devenir un moteur d’engagement

Un épisode pour celles et ceux qui veulent retrouver foi en l’avenir, ensemencer leur créativité et passer à l’action sans s’oublier.

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Retrouve le site de l'atelier d'architecture Schuiten ici: http://www.vegetalcity.net/

Et le nouveau livre de Luc: un monde désirable


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la nature des choses, le podcast qui nous est dédié, à nous, les écosensibles qui ressentons ce besoin urgent de recréer un lien profond avec le vivant. Nous vivons dans un monde en crise, où les urgences écologiques nous bousculent et où l'indifférence menace. Ce podcast, à travers des pistes d'action et des réflexions, est un espace pour transformer nos peurs et notre colère en action au service de la transition socio-écologique. Je suis Isabelle Giraldo, éco-facilitatrice et guide de reconnexion à la nature. Et aujourd'hui, j'ai la joie immense d'accueillir une personne qui a profondément marqué mon parcours, et sans doute aussi ma façon de voir le monde. Il y a un peu plus de 25 ans, alors que je venais de terminer mes études en architecture et que j'étais à la recherche d'un stage, une amie de mes parents m'a parlé d'un architecte un peu à part, un rêveur, un visionnaire, Luc Sketen. Quelques semaines plus tard, je poussais la porte de son atelier et j'entrais dans un monde. Un monde où les villes se dessinent avec des façades végétales, avec des jardins en spirale. Un monde où l'humain n'est plus au centre, mais en dialogue constant avec le reste du vivant.

  • Speaker #1

    Cette nature me nie, me parle, m'enrichit, me nourrit, parce qu'elle me nourrit complètement. Je sens que cette proximité m'est indispensable. Dans ma maison, il doit y avoir des plantes. Ma famille, c'est l'ensemble vivant. Je ne peux m'épanouir que si ma famille va bien. Et je dois prendre soin de ma famille.

  • Speaker #0

    J'ai eu la chance de pouvoir intégrer son atelier en tant que stagiaire, puis de continuer à collaborer avec lui pendant quelques années. Ce qui m'a profondément marquée, ce n'est pas seulement la beauté des dessins ou l'audace des idées. C'est la façon dont Luc vit son art au quotidien. J'ai travaillé sur des projets magnifiques. comme les jardins verticaux ou la cité de la musique. Mais ce que je garde surtout de cette époque, c'est l'image de Luc assis à sa table à dessin, en train d'imaginer les villes du futur, des villes vivantes, poétiques, où l'humain cohabite avec la nature. Il nous racontait aussi la création de sa baignoire en bois, de son évier façonné comme une sculpture. Luc était seul harpeung, bien avant que le seul harpeung ne devienne un mot. Il n'était pas simplement mon maître de stage. Peu à peu, il est devenu un mentor. Il m'a permis de me reconnecter à une part de moi que j'avais mise de côté. J'ai grandi au contexte d'une nature sauvage, au Mexique, en Australie. Mais en revenant en Europe et à l'adolescence, j'ai peu à peu appris à me couper de ce lien. Luc, par sa vision, sa manière d'habiter le monde, m'a rappelé à cette part de moi qui s'émerveille, qui a besoin des arbres, de la lumière et du contact avec la nature. Dans cet épisode, nous allons parler entre autres de son nouveau livre, Un monde désirable, une œuvre qui trouve un ferment dans les recherches biomimétiques et qui est portée par un imaginaire profondément optimiste. Un livre qui vient nous rappeler que rêver est un acte politique et qu'imaginer des futurs désirables, c'est déjà commencer à les construire. Je suis très émue de te partager cette conversation aujourd'hui. Alors je t'invite à t'installer confortablement. et à te laisser toucher et inspirer par la vision lumineuse de l'ex-quétaine. Une des premières questions que je voulais te poser, c'est justement toi, qu'est-ce qui t'a inspiré Parce que je sais que très très vite, au début de ta carrière, tu as intégré la nature dans ce que tu faisais, et donc j'aimerais bien savoir qu'est-ce qui t'a inspiré sur cette voie-là

  • Speaker #1

    Et ça a commencé très très tôt. Enfant, je vivais dans un grand jardin avec des parents très très orientés là-dessus. Ma mère avait apporté un regard plein d'admiration et de reconnaissance vis-à-vis de la nature et elle m'a éveillé à ça certainement et mon père aussi. Mon père était architecte. Il adorait les jardins et il m'emmenait sur les chantiers un peu partout. Il m'a éveillé certainement au dessin, donc à capter la beauté du monde qui nous entoure pour essayer de l'intégrer par le biais de la peinture et du dessin, de la fixer et de la transmettre. de l'utiliser en tant que moyen de communication. Donc c'est vraiment très très très jeune que je suis tombé dans la marmite et que j'ai été stimulé à porter ce regard d'émerveillement. C'est surtout un regard d'émerveillement. Je ne suis pas très à l'aise d'en parler parce que je considère que ma manière de le percevoir est assez incomplète et que je ne suis pas suffisamment impliqué moi-même dans cette relation à la nature. Parce que je ne travaille pas dans un jardin, je ne mets pas ma main dans la terre alors que je ressens que c'est une nécessité. Il y a une sorte de... paradoxe-là que j'ai parfois un peu difficile à assumer dans ce que j'aimerais être quelque chose d'un peu plus vécu de ma propre part. Je suis un peu interloqué par cela, ce qui fait que si je dois revenir ainsi de définir ma propre perception, j'ai cette sensibilité de photographe, de peintre, d'observateur. de quelqu'un qui capte les images, les odeurs, les choses, et qui les emmagasine en lui pour essayer de les rendre par le biais d'une communication par le dessin. Mais ça s'arrête là. J'ai un jardin qui est absolument magnifique, je trouve, que j'ai pensé dessiner, réaliser de manière... très technique au départ, en sculptant les formes, en mettant en place les valeurs, comme un peintre. Pas comme un jardinier, pas comme quelqu'un qui a la connaissance des plantes. Et je regarde mon jardin comme un micro-monde dans lequel j'aime promener par le regard, découvrir les espaces, les différents lieux qui sont très marqués. dans des ambiances qui sont faites pour les enfants. Il y a toute une promenade à l'intérieur de mon jardin qui représente un micro-paysage. Il y a une colline, on monte sur la colline, puis on descend dans un trou un peu obscur, caché. On ne voit pas ce qui se passe dans l'ombre. Puis on découvre une petite maison, on traverse une petite bambouserie, etc. Toutes sortes de choses, une pièce d'eau, avec une cascade, avec des... des grenouilles et des tritons, etc., toutes sortes de choses. Et c'est fait pour qu'un enfant puisse percevoir la richesse qu'il peut y avoir dans un monde, dans un monde où il y a plein de choses à découvrir. On ne voit pas tout d'un coup. Il faut y aller, il faut y rester, il faut regarder comment la lumière passe à travers les plantes. Tout ça, ce sont des choses que je perçois très fortement, sans plus m'y impliquer de manière à l'entretien. Ça, c'est... C'est ma compagne, c'est Claire, qui, elle, gère ça au quotidien. Et je suis très, très heureux de la voir faire. Mais je ne mets pas mes mains dans la terre. Et c'est quelque chose que je me reproche en me disant, mais pour aller plus loin dans cette démarche, il faudrait que je plante, que je regarde les graines, que je les arrose, que je les vois pousser. J'ai pris cette distance.

  • Speaker #0

    Ce que j'entends, c'est à plus un devoir de transmission et de communication. C'est là que tu excelles, et ça, on en a énormément besoin aussi.

  • Speaker #1

    Oui, mais pour que ce soit plus profond, il faudrait que j'en puisse aller jusque-là. Mais si je n'y vais pas, c'est certainement qu'il y a d'autres raisons plus profondes que je ne connais pas, qui fait que finalement, peut-être que le peintre, ce n'est pas son rôle, et qu'il doit continuer à capter. la lumière, l'ombre, la texture de la plante, comment elle a poussé tout cela, ressentir ça. Et que le fait de travailler sur cet entretien n'est pas vraiment de sa mission. Peut-être qu'il y a de ça.

  • Speaker #0

    Tu as une mission d'observation aussi qui est très importante. C'est très important aussi dans le monde d'aujourd'hui, ce travail de pouvoir observer. Et de rendre en plus, parce que tu ne fais pas qu'observer pour toi, mais tu réussis à rendre ça.

  • Speaker #1

    Rester dans l'émotion. Et pour moi, je peux rester totalement dans l'émotion si je suis passif vis-à-vis de ce qui est à faire, si je ne commence pas à entreprendre quelque chose d'un peu plus manuel, je dirais. Et que si je peux continuer à observer, à me balader dans... dans l'environnement et à capter tout ce que cette nature me dit, me parle, m'enrichit, me nourrit, parce qu'elle me nourrit complètement. Physiologiquement, je me sens... Je sens que cette proximité m'est indispensable. Dans ma maison, il doit y avoir des plantes. Je ressens que l'environnement dans lequel je dois vivre, je dois être accompagné de cela. Je l'exprime souvent en disant, c'est ma famille. Ma famille, c'est l'ensemble vivant. Je ne peux m'épanouir que si ma famille va bien. Et je dois prendre soin de ma famille. Et je m'occupe... d'en prendre soin par le lien avec ma campagne qui, elle, le fait autrement avec grand plaisir. Elle a besoin, elle, de mettre ses mains dans la terre et moi, j'ai besoin de la regarder faire.

  • Speaker #0

    La première question qui me vient en tant que tendance, c'est est-ce que c'est depuis toujours que tu as cette réalisation que le reste du vivant, c'est ta famille Que c'est depuis toujours que tu sens que tu dois vivre en lien et que... Tu dois en prendre soin. Oui. Donc tu dirais que ta conscience écologique, en fait, elle a toujours été là.

  • Speaker #1

    Oui, sûrement. La forêt et l'arbre sont une chose essentielle pour moi. J'ai toujours eu une fascination pour l'arbre. Quand j'étais gamin, dans le jardin familial, il y avait des très hauts peupliers de plusieurs dizaines de mètres, je pense au moins 20 ou 25 mètres. Et je grimpais jusqu'au-dessus de l'arbre et c'est là que je lisais ou j'étudiais. Je faisais mes leçons ou mes examens en haut dans les arbres, tout en haut. C'était pour moi un lieu de... C'est très difficile à expliquer quand on est enfant. On ne le perçoit pas de la même façon. C'était pas le côté... C'était pas la perception du vivant qui m'intéressait, c'était grimper, c'était voir le monde, mais c'était aussi voir le monde à travers les branches d'arbres, à travers le feuillage, à travers le vent, le balancement, la souplesse de l'arbre. Et il y avait quelque chose qui me nourrissait de cela sans que ce soit du tout conscient. C'était une pulsion très... primaire, je dirais, celle d'être dans un environnement qui me nourrissait d'une certaine manière et qui m'apportait en même temps un calme et une sérénité que je n'avais pas ailleurs. Et en même temps une vision sur la planète. En hauteur, comme ça, on a une vision sur le restant du monde qui n'est plus du tout la même que celle d'un enfant qui voit les choses. assez près.

  • Speaker #0

    Et puis alors, assez vite, pense au début de ta carrière, tu habitais d'abord à la campagne ou dans la forêt, et tu as construit une maison, la maison Orégiona. Donc, il y a vraiment, je sens, cette mission de transmission et de faire avec tes mains, même si elles ne sont pas dans la terre, tu as créé du beau et tu as créé en lien avec la nature, quand même, finalement.

  • Speaker #1

    Cette première maison, c'est la toute première... Non, j'ai investi dans d'autres choses avant, mais c'est celle où j'étais le plus loin. quand j'ai trouvé mon équilibre dans le couple avec les premiers enfants, vivre dans un environnement qui correspondait à un idéal très profond, plus qu'un... c'est autre chose encore qu'un idéal, c'est une pulsion vers une vie dans laquelle je croyais profondément comme étant l'essence même des choses. Et là, c'était la proximité que la forêt était. totalement indispensable. Il me fallait une forêt. Il fallait une maison. Elle pouvait être très petite. D'ailleurs, elle était fort petite. Mais elle devait être entièrement en relation avec l'ensemble de l'environnement et du vivant. Donc, c'était un hasard absolument incroyable. C'est qu'au moment où j'ai la possibilité de faire cette maison, sort les tout premiers capteurs solaires. Une firme allemande qui les fabrique. Et je comprends à ce moment-là qu'il y a là une petite... possibilité fantastique, mais qu'est-ce qu'on faisait Ce qu'on fait encore maintenant, on prend une maison classique tout à fait bête dans un lotissement, on met des capteurs solaires sur la toiture. Et j'ai été voir la firme qui les fabriquait, je lui ai dit, c'est pas ça, avec des capteurs solaires, la maison doit être totalement différente. Elle doit être faite pour capter l'ensemble de tout ce qui se passe autour et son environnement. Donc elle doit être conçue dans un autre ordre. Et moi je peux vous faire... je peux faire une maison qui va exprimer totalement cela. Et je vous propose de le faire avec mon capteur solaire. Donc, ils m'ont offert les 80 m² de capteur solaire que j'avais besoin et les pompes nécessaires pour le faire fonctionner. Je ne pouvais pas le faire autrement. Je l'ai fait avec très, très, très peu d'argent. Donc, j'ai fait la même chose avec la firme qui fabriquait les éoliennes. Je leur ai dit, l'éolienne que vous avez placée là, à côté de l'usine, ne démontre rien. Si vous la mettez chez moi, je vais montrer qu'on peut fonctionner avec le vent pour avoir de l'électricité et qu'on peut être autonome. Et ça, c'est non seulement un coup de chance, mais peut-être que ce n'est pas la chance, qu'il y a autre chose. Je suis arrivé au moment où c'est parce que... Le moment était là que j'ai pu utiliser tout cela et créer une maison que j'ai réalisée en grande partie moi-même. Donc, comme tout était différent de ce qu'il y avait dans le marché, je n'avais pas d'autre possibilité que de le concevoir, le réaliser et le vivre. Alors, ça donnait évidemment une force d'expression qui était assez originale parce qu'il y a peu de maisons qui sont aussi... personnelle que celle-là, puisqu'ici j'imaginais une chose, je la dessinais quasiment instantanément ou dans les heures qui suivent par quelques croquis. Puis, dans mon atelier, avec une petite scie sauteuse, une foreuse et une ponceuse, je réalisais les meubles avec des doses de hêtres qui venaient de la forêt d'à côté. Et ça m'a permis de... de rentrer dans une démarche d'une créativité assez extraordinaire parce que c'était penser, concevoir, dessiner, réaliser et vivre, tout dans une même lignée. Et là, je rentrais dans un fonctionnement qui m'a porté. Donc j'ai pu continuer à me développer à partir de ce bagage qui s'est constitué à un moment absolument particulier qui était celui de l'émergence du mouvement hippie, du retour à la terre, des mouvements underground, de tout un courant de pensée qui était arrivé à ce renversement des valeurs, en disant que la technique, l'artificialisation ne nous apporte rien qui va nous permettre de réellement nous épanouir. Et là, j'ai construit l'univers qui était fait pour être la prolongation. de quelque chose que je ressentais tellement profondément, avec une telle vivacité qu'il n'y avait qu'une seule possibilité pour moi, c'était de le vivre, de le réaliser. C'était un chemin totalement obligatoire. Je n'avais pas d'alternative. Et je devais aller absolument jusqu'au bout, le faire sans aucune concession, jusqu'à trouver tout ce qui m'était nécessaire. pour pouvoir le vivre. Et le vivre m'a amené petit à petit à prendre conscience qu'il y avait là une pulsion primordiale dont seulement une partie me nourrissait complètement. C'était celui de la création de l'espace, du lieu de vie, de l'environnement, mais pas celui de la connexion aux plantes. De la connexion aux plantes. plantes, dans la manière dont ils vont pousser, etc., dans l'entretien du jardin, du potager, du verger. Là, je n'étais plus en face. Mais ma compagne, elle s'en chargeait et elle réalisait cette connexion qui m'était tout à fait nécessaire.

  • Speaker #0

    Et un des besoins profonds qu'on a aussi, je pense, en tant qu'être humain, c'est ce besoin d'appartenance et d'avoir ce lieu de vie complètement en lien avec ton environnement. Ça répond peut-être à ce besoin qu'on a de se sentir, faire partie, comme tu l'as dit au début, de la famille du vivant. Et c'était une réponse, c'était une concrétisation en fait, de ce lien que tu avais avec ton environnement, de pouvoir vraiment faire un lieu de vie pleinement en lien avec ton environnement.

  • Speaker #1

    Fondamentalement, c'était celui d'avoir l'enveloppe protectrice, l'habitation, dont cette enveloppe, cette peau, cette enveloppe devait être aussi ténue que possible pour pouvoir permettre à l'ensemble de l'environnement de l'imprégner de gommer le plus possible cette différence entre l'intérieur et l'extérieur et que tout devienne environnement c'est vraiment ça que la maison fasse partie intégralement de l'environnement ça c'est vraiment le fondamental et plus cette cette enveloppe de protection était transparente, était légère, mieux je me portais. Donc plus je pouvais m'enrichir de ce qu'elle pouvait m'apporter, et inversement. Moi, enrichir cet environnement, c'est un problème d'échange. Je suis nourri, je nourris. Je ne peux l'envisager que comme ça. Certainement pas quelque chose qui est à sens unique.

  • Speaker #0

    Et ce qui est magnifique, c'est que tu as trouvé pour moi cet équilibre entre le fait de se sentir protégé. Parce que c'est vrai que parfois, j'invite aussi les personnes à passer une nuit dans la forêt ou aller, moi aussi, passer une nuit dans la forêt. Et la peur est là. Parce qu'on se sent complètement vulnérable et pas du tout protégé. Donc oui, on est en lien, mais en même temps, il y a cette peur. Et là, tu as créé cette bulle de protection, tout en restant complètement en lien avec ton environnement. Ça, c'est assez magique, assez magnifique.

  • Speaker #1

    Quand on voit les dessins, les photos de cette habitation, la chambre à coucher est... se terminer par une sorte d'avancée entièrement vitrée et ouverte sur le ciel, vers les arbres, le jardin et le ciel. Et l'idée était de mettre son lit dans cet endroit-là et dormir, en regardant avec la voûte étoilée. Ça a été un moment absolument incroyable. Le premier jour où j'ai pu vivre ça, je pense que c'était un moment... le plus intense dans ma vie. Mais je n'ai pas dormi. Et c'était beaucoup trop puissant, beaucoup trop fort. Et le lit qui devait être tourné vers le ciel, on l'a inversé, on l'a tourné dans l'autre sens, parce que l'avoir juste devant soi, c'était suffisant. Mais avoir vraiment sa tête dans le ciel, l'énergie était beaucoup trop forte. On n'arrivait pas à se reposer. Donc on l'a tourné dans l'autre sens. Et là, c'était... On a pu trouver le repos nécessaire.

  • Speaker #0

    Et puis après, qu'est-ce qui t'a motivé à revenir en ville

  • Speaker #1

    Beaucoup, beaucoup de choses qui se sont ajoutées. Ce n'est certainement pas une raison. Mais une des premières raisons, c'est que mon travail était lié à la ville. En tant qu'architecte, je travaillais avec des clients qui habitaient dans de l'urbain. Je prenais donc souvent ma voiture pour aller les rencontrer et discuter avec eux. Mais aussi pour faire nos courses, alimenter la maison, on prenait la voiture. Pour aller chercher les enfants, on prenait la voiture pour les conduire à l'école. Et on était totalement dans un mode de vie qui était en contradiction avec l'objectif principal, qui était de s'éloigner et de vivre de la forêt. Cette proximité qu'on a trouvée à la nature a créé un éloignement et une artificialisation dans notre comportement qui n'était plus en cohérence. Ça, ça a été quelque chose qui a été déterminant. Le fait que la maison était très petite et qu'on voulait avoir d'autres enfants et avoir un espace de vie plus grand, et que la maison était conçue comme une entité... fermée comme une matrice. Elle ne pouvait pas être agrandie sans être fondamentalement abîmée et détériorée. Donc je n'avais pas du tout envie de casser quelque chose qui m'avait tellement plu. Et l'expérience de la construction de cette maison, mais qui a été jusqu'à la réalisation de tous les meubles, des mécanismes de serrure, d'une salle de bain, d'une cuisine qui ne ressemblait à rien d'autre. que ce qu'on avait imaginé, une toilette, tout était dans le rapprochement vers des choses qui nous étaient fondamentales et qu'on voulait vivre, mais qui avaient son sens à cet endroit-là. Je me suis posé la question en disant, mais ça a été fantastique de le créer, mais créer une nouvelle chose, mais non, ça peut être encore plus extraordinaire, parce que je peux continuer avec le bagage que j'ai appris en faisant cette première chose. Mais à quoi ressemblerait une maison de ville Une maison pour quelqu'un située comme ça, c'est un travail, une introspection très personnelle. Mais quel sens est-ce que ça peut avoir pour d'autres Tout le monde ne peut pas aller vivre en plein milieu de la forêt, ça ne fonctionne pas. On est appelé à vivre en communauté, en groupe. Et là, comment est-ce que je peux maintenant transposer cette même démarche en pleine ville. Et ça, c'était un défi fantastique que j'ai eu beaucoup à cœur de pouvoir réaliser. une autre fois en me disant maintenant je dois m'atteler à cette Ausha. L'autonomie c'est très bien quand on est au bout du monde, je ne suis pas au bout du monde, je suis dans une société et là l'autonomie n'est plus un but en soi. Quand on a une infrastructure dans une rue avec les cités, les égouts, avec tout, on ne va pas s'isoler alors que le réseau existe. Donc j'ai cherché à répondre à cette question dans un environnement qui pouvait me satisfaire également, c'est-à-dire un environnement urbain, mais totalement en immersion avec le monde végétal, des arbres. C'est à partir de là que j'ai commencé à revoir la manière dont il faut fonctionner et travailler sur un autre concept, comment est-ce que je peux le faire avec l'existant. avec un existant construit, en utilisant au maximum les possibilités de ce qu'il y avait sur place, en ne jetant rien. Ça, c'était une des conditions. Quand on réfléchit en termes d'écologie, il ne peut pas y avoir de déchets. Les déchets, c'est un nutriment ou c'est un outil ou un matériel qui doit servir à autre chose. Le recyclage doit être permanent. Donc ça, ça a été des premières règles que j'ai voulu appliquer ici. Tout ce que j'ai cassé a servi de matériau pour faire autre chose. Le jardin, qui était en fait uniquement un espace rempli de garage, a été cassé. Toute la façade arrière a été cassée. Tous les matériaux ont été récupérés pour pouvoir être étalés dans le jardin et refaire une volumétrie qui manquait. Parce que ce jardin... tout plat et tout à fait minéral, ne m'intéressait absolument pas. Puis j'ai fait venir 20 camions de très bonne terre que j'ai étalés sur les déchets qui ont servi de drain et d'assises à la nouvelle volumétrie, ce qui m'a permis de sculpter véritablement un nouveau jardin. Oui,

  • Speaker #0

    donc ça a été un peu ta quête, toute ta carrière après, d'essayer d'intégrer de plus en plus la nature dans la ville. Et tu as développé tous ces projets pour essayer d'intégrer plus la nature dans la ville.

  • Speaker #1

    C'est pour moi totalement indispensable, vital. Vivre au milieu d'un espace uniquement minéral est totalement déprimant. Il nous manque le sens même de ce que nous sommes. Nous sommes des êtres biologiques, nous poussons. Donc nous devons vivre autour de choses qui vivent, qui poussent, qui palpitent.

  • Speaker #0

    Et toi, tu penses, ici, tu as retrouvé ta place. Voilà. Tu as retrouvé ce lien. Et je trouve ça assez intéressant. Parce que, comme je dis, il y a pas mal de personnes qui me disent Mais je ne peux pas me connecter à la nature parce que j'habite en ville. Et moi, je me souviens que toi, je t'ai tout entendu dire Moi, je suis un citadin. J'aime bien habiter en ville. Et malgré tout, tu trouves ce lien à la nature au quotidien. Tu arrives à la vivre complètement.

  • Speaker #1

    J'ai créé un environnement qui correspond totalement à ça. L'ensemble du dessin de la maison fait que les plantes rentrent dans la maison par le biais de la veranda, par le biais de cette grande serre qui éclaire jusque la pièce centrale et qui nourrit la maison de tout ce qu'elle peut apporter. Certaines plantes sont en pleine terre, même s'elles sont dans la maison, elles prennent l'eau du jardin et fonctionnent avec la terre qui se trouve dans le jardin. Tout est dans cette espèce d'osmose qui est pour moi la seule manière de faire vivre une maison. Elle va vivre par son lien avec le restant du vivant.

  • Speaker #0

    J'avais aussi envie de te parler du mouvement, parce que j'ai vu une de tes expos, je pense que c'était à Saint-Gilles, le mouvement Solar Punk. Et quand j'ai découvert le mouvement Solar Punk, je me suis dit, tiens, mais Luc, il était Solar Punk avant que ça devienne vraiment un mouvement artistique dont tout le monde parle maintenant. Comment est-ce que toi, tu décrirais ce mouvement de Solar Punk

  • Speaker #1

    Je commençais par décrire l'inverse, le cyberpunk. Donc le cyberpunk a existé, je pense, avant le Solar Punk. On a donc imaginé un monde entièrement artificiel, assez négatif, assez destructeur. où elle a tout gagné. des pulsions morbides dedans, qui sont attractives par le côté morbide justement pour certaines personnes. Ça donnait naissance à un mouvement, à un moment où on passe dans des basculements. Plus ça s'est développé, plus l'effet contraire était appelé et nécessitait une réaction. Et à cette vision d'un futur apocalyptique, nos futurs, ne pouvait naître que le mouvement inverse, celui où on peut imaginer un futur qui soit lumineux, qui nous enrichisse. Et ça, c'était le mouvement Solar Punk. Il se fait que le mot et le mouvement sont arrivés bien après que je me sois embarqué dans ce mouvement. J'ai découvert qu'il avait un nom bien plus tard, assez récemment d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Justement, je voulais aussi parler de ton nouveau livre qui va bientôt sortir. Tu en as touché quelques mots avec ce mouvement du cyberpunk. Et qu'effectivement, pour l'instant, il y a beaucoup de récits dystopiques qui sont véhiculés. Des récits d'effondrement, de fin du monde, de nos futurs, de cette génération qui s'appelle The Last Generation. Des récits vraiment apocalyptiques. Je pense que là, on se rejoint, on a profondément besoin de récits positifs aussi. Et même peut-être pas... complètement utopique, mais ce que j'aime beaucoup chez toi, c'est que c'est impossible, en fait. Ce n'est pas une utopie. Ce que tu nous partages, c'est réalisable, c'est souvent dans du concret. Tu peux nous en dire un peu plus de ce besoin On est à un moment où c'est tellement important de véhiculer ce genre de récits.

  • Speaker #1

    Absolument. Et c'est d'autant plus important que ce qui s'est le plus développé, c'est le côté anxiogène. Et c'est un peu logique. Si on veut écrire un roman ou quelque chose, on ne peut pas écrire une histoire où tout se passe bien, ça va vite lasser. Les gens, c'est quand on met en danger quelque chose, quand il y a une peur, que l'on commence à vibrer. Mais ça a été tellement fait, on n'a fait pratiquement que ça, d'écrire les choses les plus apocalyptiques qui vont se passer. qu'on en est complètement submergé, noyé, etc. Et on en arrive à un stade de ce que l'on a appelé le nocebo. Cette manière de dire que l'on convoque ce dont on craint le plus, c'est l'effet que ressent quelqu'un qui a le vertige au point de se jeter dans le vide. Ça, c'est l'effet nocebo. Mais à force de nous montrer que ça, on pourrait aussi imaginer qu'il n'y a pas d'autres issues, alors que c'est vraiment le contraire. Moi je crois surtout dans l'effet placebo, c'est-à-dire ce qui est un médicament qui devrait normalement nous guérir, mais c'est simplement l'effet psychologique de penser que l'on va guérir qui fait que l'on guérit. Nous pouvons très bien utiliser cela en nous baignant dans un monde positif qui fait qu'on va arriver vers ce genre de choses simplement parce qu'on l'a construit dans notre tête. Chaque réalisation commence d'abord par un projet, par un dessin, par une projection de quelque chose. On ne va jamais réaliser quelque chose qu'on n'a pas d'abord complètement imaginé, construit dans sa tête et dessiné. Donc mon idée est de dire qu'il y a suffisamment d'expériences, de choses autour de nous qui montrent qu'il y a de multiples voies extraordinaires vers un monde fantastique, que le mettre toutes ces choses bout à bout constitue une sorte de matière vivante, d'énergie qui va nous permettre de voir que c'est possible et que cette... indispensable d'aller vers ce genre de choses. Si nous avons les outils nécessaires pour nous en tirer de manière magnifique, ce serait vraiment bête de ne pas le faire. Et dès le moment où on commence à regarder toutes les expériences magnifiques qui sont faites partout dans le monde, on voit qu'on a tout à notre portée, qu'il suffirait de s'y mettre suffisamment de gens pour arriver à le faire. Il ne faut pas attendre que tout le monde s'y mette, on met quelques-uns à montrer que ça fonctionne. Et alors, c'est absolument fantastique de voir qu'il y a un écoquartier qui s'est créé et qui fonctionne de manière tout à fait équilibrée, même si âge. quelques problèmes, on les résout, on avance, on en crée un autre, etc. Et tout ça commence à devenir une réalité. Dès le moment où on peut voir qu'il y a des exemples qui marchent, il n'y a aucune raison de ne pas commencer à les multiplier. Mais il nous faut la matière de départ, elle est là. C'est ça que je montre dans mon livre. En allant parfois un pont plus loin, en disant si on est plusieurs à le faire, qu'est-ce que ça fait qu'est-ce qui se passe si à l'échelle d'une ville, on repense une organisation complète et on part d'une base très simple. La voiture est une bêtise incroyable. La voiture, c'est une tonne et demie de ferraille qui peut transporter 150 kg de passagers, pas 10 de rendement, et puis l'essence, etc. Tout ça ne marche pas. Mais pourtant, on l'a rendu tellement attractif que tout le monde en a une ou deux. Et ça rend la ville complètement invivable. Ça la pollue complètement. L'espace réservé aux voitures est considérable par rapport à ce qu'il pourrait y avoir au parking, etc. Alors qu'on pourrait très bien avoir une ville de nature. C'est ce que je montre dans le livre et je le remplace par d'autres moyens de transport bien plus efficaces, bien plus rationnels, mais qui n'existent pas en commun. Non, simplement... Parce que nous sommes dans un état un peu de léthargie. La voiture est devenue tellement sexy, tellement attractif. En fait, elle est bien foutue au niveau technique, individuellement. Mais c'est la collectivité qui ne fonctionne pas. Dans le livre Un monde désirable, je remets un peu les choses à plat. Je me dis à quoi pourrait ressembler une agglomération, une cité, qui correspondrait réellement à mes attentes. Et là, j'imaginais tout un truc, je ne vais pas le décrire maintenant, mais qui fonctionne sous forme de boucle avec un transport en commun qui peut desservir l'ensemble des habitations, maximum 10 minutes à faire à pied pour les gens qui sont le plus éloignés, mais des espaces verts intérieurs très importants qui remplacent les espaces utilisés. que l'on a dédié à la voiture actuellement et d'autres moyens de fonctionnement mais seulement avec les énergies renouvelables continuer à travailler avec les énergies fossiles c'est une aberration complète d'ailleurs on sait qu'en moins de 200 ans on va épuiser l'ensemble des réserves que la planète a tout en polluant complètement notre environnement avec des dégâts collatéraux considérables on peut pas aller dans cette voie-là, c'est totalement intraprensable. Alors quelles sont les voies C'est ça que j'essaye, que je montre, que j'explique dans mon livre. Toutes les voies parallèles qui nous mènent à un équilibre qui nous est aussi nécessaire.

  • Speaker #0

    J'ai une question un peu piège peut-être, mais est-ce que tu penses que le changement comme ça peut venir des citoyens Ou est-ce qu'on va avoir besoin des pouvoirs publics

  • Speaker #1

    Pour moi, les deux sont intimement liés. Les pouvoirs publics se reposent sur les citoyens et les citoyennes sur les pouvoirs publics. Il y a une interaction complète. Actuellement, les changements climatiques, la conscience de l'importance des changements climatiques n'est pas encore ancrée dans la masse de la population. Il y a beaucoup de gens conscients qui manifestent, etc., qui luttent contre, mais par rapport à la masse générale de la population qui reste très attachée. à des préoccupations très journalières, leur pouvoir d'achat, des choses comme ça, sans suffisamment entrevoir un avenir plus lointain. Quand on a le nez dans le guidon, c'est très difficile de voir ce qui se passe beaucoup plus loin. C'est seulement quand on a pu avoir la chance de prendre un peu de recul et d'être moins angoissé par tout ce qui... peut se passer dans le présent, qu'on peut imaginer ce qui se passe, par exemple, à se passer un peu plus loin. Mais c'est quand même... Une de nos préoccupations qui devrait être fondamentale, c'est penser au monde que nous allons préparer pour nos enfants, nos petits-enfants, nos derniers petits-enfants. Et ça, c'est un rôle principal auquel nous devons penser, même si aujourd'hui, on a quelques difficultés à nos fins de mois. Il faut quand même aussi entrevoir ce qui va se passer plus tard. Et là... on n'avance pas très vite. Mais dès le moment où il y aura suffisamment de gens dans la population pour pouvoir s'entourer de décideurs qui vont aller dans le même sens que la population, le jeu de la démocratie se fera correctement et on ira vers des véritables solutions. Ce n'est pas encore vraiment le cas.

  • Speaker #0

    Tu parles un peu aussi de ta créativité, ton imagination. C'est quelque chose qui est vraiment... très présent chez toi, cet imaginaire que tu arrives à activer assez facilement. Tu parlais au début, donc tu observes, tu observes la nature, tu te laisses inspirer et puis après tu imagines.

  • Speaker #1

    Je lis, je m'informe beaucoup. L'imaginaire ne peut reposer que sur... Mon imaginaire, je veux le discipliner à ce qui reste dans le domaine du possible. Je ne veux absolument pas qu'il s'égare. du côté du rêve, du fantasme, parce que ça, c'est toujours décevant. Là, on rentre dans un domaine où on ne contrôle plus vraiment. Le rêve peut devenir un cauchemar. Dans une construction, ce n'est pas la même chose. On le bâtit élément par élément et on choisit les pierres qui vont faire l'édifice. C'est dans cette optique-là que je travaille. Je recherche quels sont les systèmes, les valeurs que je peux trouver dans la nature. qui vont me permettre d'imaginer que je peux le transposer dans des schémas de construction. Comment est-ce que la nature peut m'apprendre à être durable, à fonctionner avec d'autres organismes vivants, en écosystème, en équilibre avec d'autres éléments. Je pense qu'il y a là un enseignement absolument fabuleux et qui est la chose qui va me nourrir principalement. Parce que là, j'ai une confiance absolue dans ces valeurs-là. Le restant, on peut toujours leur mettre en question. Est-ce qu'une loi, un principe, un système constructif est valable ou pas Là, on peut toujours en discuter. Est-ce qu'aller dans cette voie-là va être bénéfique pour la planète On peut en douter. La nature, pas. Là, on sait que tout ce qui n'était pas rentable a été abandonné, que tout ce qui fonctionnait n'est pas très bien. Et c'est ça qui fait que, au fur et à mesure que le temps passe, la nature est devenue de plus en plus résiliente, magnifique, complexe, elle intègre des organismes vivants de plus en plus riches. On regarde ce qui s'est passé il y a quelques milliards d'années, c'était d'une brutalité, c'était très très sauvage, il n'y avait pas grand-chose. Et au fur et à mesure, c'est devenu une beauté extraordinaire. Comment est-ce que tout cela s'est mis progressivement en place Il y a eu des hauts et des bas, il y a eu des grands cataclysmes aussi, mais chaque fois, avec le temps, les choses se sont perfectionnées. On est arrivé à un stade où les choses sont d'une beauté exceptionnelle, tant qu'on ne les abîme pas. Et nous les abîmons à une vitesse bien plus grande que ce qu'elle a comme possibilité pour se renouveler. Donc nous devenons nuisibles. pour l'ensemble du vivant. Et ça, c'est totalement inacceptable. Comment peut-on partir dans un autre sens Comment peut-on travailler en bonne intelligence avec l'ensemble du vivant Comment peut-on rétablir, dans une certaine mesure, ce que nous avons à mimer, remettre en place des écosystèmes, des tourbières, des machins, pour arriver à ce que la planète soit plus belle après notre passage Ça, c'est quand même fondamental.

  • Speaker #0

    Oui, donc tu t'inspires de la résilience de la nature pour essayer de créer des systèmes résilients pour que l'être humain puisse continuer à habiter sur la planète sans l'endommager.

  • Speaker #1

    Arriver à remettre en place, quand on voit des scientifiques, des botaniques qui arrivent à replanter, à remettre une forêt en place, c'est vraiment toujours tout à fait magnifique à réalimenter une tourbière. et avoir toute la nature qui s'y installe, directement les insectes. les mammifères, les oiseaux qui arrivent, tout cela qui commence à revivre, c'est d'une très très très grande beauté. C'est ce qu'on peut trouver dans ce magnifique livre, Tresser les herbes sacrées dont on a parlé ensemble, et qui est une merveille parce que c'est un livre fait de l'émerveillement par rapport à la nature, et qui m'a totalement bouleversé parce que son auteur, cette amérindienne qui est en même temps une biologiste, arrive à nous parler du sacré de manière qui m'a totalement touchée parce que pour moi le sacré était devenu quelque chose lié aux religions et ça me pesait énormément. J'en voyais plus ce mot parce que c'était trop lié à des dogmes, à des choses que je déteste. Mais là, elle apporte une dimension au sacré. qui est entièrement liée au vivant et à la nature. Elle donne une dimension magnifique. Ça a été un choc pour moi, véritablement retrouver la puissance de cette émotion, plus que cette émotion, cette valeur suprême qui est dans tout ce qu'elle raconte. Et ça, c'est par l'ensemble de ce qu'elle a appris dans son enseignement ancestral. des Amérindiens et de leur perception primordiale de tout ce qui est la nature.

  • Speaker #0

    Et c'est un travail important aussi de... Je vois le parallèle dans ce que toi tu fais, de remettre en beauté. Oui. Et redonner envie, remettre de l'inspiration. On en parlait aussi que tous ces récits finalement qui font peur ou qui culpabilisent ne donnent pas envie d'agir. Et je pensais que ce besoin, ce travail de... donner envie de faire par le beau et l'émerveillement. C'est important.

  • Speaker #1

    C'est ce qu'il y a de plus important, c'est retrouver le côté sacré.

  • Speaker #0

    Et comme tu le dis, redonner à certains mots leur caractère premier. Parce que je te rejoins tout à fait que sacré est un mot qui était devenu tellement lourd. Et de pouvoir remettre ce mot à sa place, c'est important. Et pouvoir reparler du sacré quand on parle de lien à la nature, c'est aussi important. Je pense qu'on arrive tout doucement. À la fin. Et une dernière question que je voulais te poser, c'est est-ce que toi, tu as des pratiques que tu fais pour cultiver justement ton imaginaire ou ta créativité

  • Speaker #1

    Pas vraiment. En tout cas, pas des rituels. Ce que j'ai essayé, j'ai tenté des tas de choses, mais finalement, ça se fait quasiment naturellement. Ça peut être dans mon lit, ça peut être dans mon bain. Dans des moments un peu remarquables, ce que j'ai essayé d'expérimenter a été parfois peut-être un peu théorique, mais je ne l'ai pas vraiment réussi à le mettre en pratique. Je pense par exemple à mon lévitateur, qui est cet appareil que j'ai inventé, qui est un treuil qui est relié à une poulie tout en haut d'un de mes arbres et qui redescend vers un fauteuil. Je me mets dans le fauteuil avec un petit appareil qui s'appelle le biofeedback, qui analyse les ondes mentales. Quand je rentre en méditation, le biofeedback envoie un signal au treuil et je monte dans l'arbre jusque dans la canopée. Tant que je suis en méditation, je reste là. Ça m'a beaucoup amusé et j'ai trouvé intéressant de chercher quelque chose. Parce que quand on rentre en méditation, on a l'impression de léviter, de quelque part de s'élever. Quand c'est accompagné par le mouvement du corps et qu'on s'élève et qu'on se retrouve dans les hauteurs et que l'on ressent le monde, la lumière à travers le feuillage, il y a quelque chose qui est normalement très puissant. Je l'ai fait quelques fois, mais je n'en ai jamais fait une habitude. Donc c'était pour moi intéressant d'y réfléchir, de le mettre au point, de le faire vivre à plein de gens qui se sont bien amusés avec ça. Mais ça s'est resté peut-être un peu un gadget, parce que finalement, la réflexion et la méditation, elles se passent à tout moment. Il ne faut pas un lieu particulier. Je ne pratique rien de particulier. Ça arrive quand je dois réfléchir à un problème ou quand je suis dans un moment de calme. Ça peut être en me promenant. J'ai remarqué que je peux me promener dans la nature. J'ai un très bel espace tout près d'ici, le Bourrasque, et je peux me promener pendant une heure là ou deux. Et quand je reviens à la maison, ma compagne Claire me demande alors, tu as vu maintenant, tout est en fleurs, les bourgeons. Non, les bourgeons, les fleurs, moi je n'ai rien vu du tout, rien, mais j'avais strictement... rien vu. J'étais tellement dans ma tête à imaginer des choses que je passe à côté de tout sans strictement rien voir parce que je suis occupé à construire, faire un schéma et tout ça se passe dans mon cinéma intérieur. Mais même si j'ai rien vu, j'ai capté les odeurs, les lumières etc. C'est rentré dans un inconscient qui quelque part, ça m'a échappé consciemment. Mais inconsciemment, qu'est-ce que ça a fait Je ne sais pas, ça reste un grand mystère.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux auditeurs et aux auditrices qui sont peut-être en manque d'inspiration, ou qui voient tout en noir, ou qui se laissent peut-être emporter, submergés par ces récits qu'on entend, qui auraient envie peut-être de nouveau imaginer des belles choses, d'être plus créatifs Est-ce que tu aurais un conseil à leur donner

  • Speaker #1

    Regarder le beau, évidemment. On est sollicité en permanence par ce qu'il y a de plus terrible qui se passe, un accident, un crime, un truc, ça fait la ruine des journaux. Mais une belle chose, non. C'est dommage, pourquoi est-ce qu'on ne met pas dans les journaux, je ne sais pas. Une mère qui a retrouvé la relation avec son fils, qu'elle avait perdu, je ne sais pas, des belles trucs, mais des choses importantes, magnifiques, joyeuses. Il y en a tout le temps.

  • Speaker #0

    Aller chercher le beau, c'est déjà une belle invitation. Aller voir des expos, aller voir de l'art.

  • Speaker #1

    Absolument.

  • Speaker #0

    Et se laisser toucher par la beauté. C'est une belle conclusion. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Dans la nature des choses. J'espère qu'il t'a inspiré autant que cette rencontre a compté pour moi. Que tu en ressors avec des images plein la tête et peut-être l'envie de rêver toi aussi un monde plus désirable en lien avec le vivant. Si cet épisode t'a plu, n'hésite pas à le partager autour de toi. Tu peux aussi laisser un commentaire, mettre 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée ou t'abonner pour ne rien manquer des prochains épisodes. Ça fait vraiment une grande différence et ça m'aide à faire grandir ce podcast. tout en douceur. Et si tu veux aller un peu plus loin dans cette reconnexion à la nature, tu peux aussi t'inscrire à ma newsletter. Je t'y partage des réflexions, mes ressources et les coulisses du podcast. On se retrouve dans deux semaines pour un nouvel épisode, et d'ici là, prends bien soin de toi et de ta relation au vivant.

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Description

Et si le plus grand acte de résistance, aujourd’hui, était d’imaginer un monde désirable ?


Dans cet épisode, je reçois Luc Schuiten, architecte visionnaire et figure majeure du mouvement Solar Punk. Bien avant que ce courant ait un nom, Luc dessinait déjà des villes-forêts, des habitats vivants et des infrastructures enracinées dans le lien au vivant.

Dans cet épisode, il partage sa conviction : « Chaque réalisation commence par un dessin, une projection dans la tête ». Imaginer un monde vivable, poétique et en lien avec le vivant n’est pas une utopie, c’est une première étape concrète.

On parle ici d’émerveillement, d’écologie urbaine, de maison vivante et de la force d’un récit alternatif face à la dystopie dominante. À travers son parcours et ses créations, Luc nous montre qu’un autre futur est non seulement possible, mais déjà en germe.

Tu découvriras :

  • Pourquoi l’imaginaire est une force politique

  • Ce que le Solar Punk raconte de nos aspirations collectives

  • Comment bâtir des lieux en harmonie avec la nature

  • Pourquoi le beau peut devenir un moteur d’engagement

Un épisode pour celles et ceux qui veulent retrouver foi en l’avenir, ensemencer leur créativité et passer à l’action sans s’oublier.

🎧 Abonne-toi pour ne pas rater les prochaines conversations inspirantes du podcast [Re]connexion.
📩 Et rejoins la newsletter sur https://danslanaturedeschoses.substack.com/ pour prolonger l’écoute.


Retrouve le site de l'atelier d'architecture Schuiten ici: http://www.vegetalcity.net/

Et le nouveau livre de Luc: un monde désirable


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la nature des choses, le podcast qui nous est dédié, à nous, les écosensibles qui ressentons ce besoin urgent de recréer un lien profond avec le vivant. Nous vivons dans un monde en crise, où les urgences écologiques nous bousculent et où l'indifférence menace. Ce podcast, à travers des pistes d'action et des réflexions, est un espace pour transformer nos peurs et notre colère en action au service de la transition socio-écologique. Je suis Isabelle Giraldo, éco-facilitatrice et guide de reconnexion à la nature. Et aujourd'hui, j'ai la joie immense d'accueillir une personne qui a profondément marqué mon parcours, et sans doute aussi ma façon de voir le monde. Il y a un peu plus de 25 ans, alors que je venais de terminer mes études en architecture et que j'étais à la recherche d'un stage, une amie de mes parents m'a parlé d'un architecte un peu à part, un rêveur, un visionnaire, Luc Sketen. Quelques semaines plus tard, je poussais la porte de son atelier et j'entrais dans un monde. Un monde où les villes se dessinent avec des façades végétales, avec des jardins en spirale. Un monde où l'humain n'est plus au centre, mais en dialogue constant avec le reste du vivant.

  • Speaker #1

    Cette nature me nie, me parle, m'enrichit, me nourrit, parce qu'elle me nourrit complètement. Je sens que cette proximité m'est indispensable. Dans ma maison, il doit y avoir des plantes. Ma famille, c'est l'ensemble vivant. Je ne peux m'épanouir que si ma famille va bien. Et je dois prendre soin de ma famille.

  • Speaker #0

    J'ai eu la chance de pouvoir intégrer son atelier en tant que stagiaire, puis de continuer à collaborer avec lui pendant quelques années. Ce qui m'a profondément marquée, ce n'est pas seulement la beauté des dessins ou l'audace des idées. C'est la façon dont Luc vit son art au quotidien. J'ai travaillé sur des projets magnifiques. comme les jardins verticaux ou la cité de la musique. Mais ce que je garde surtout de cette époque, c'est l'image de Luc assis à sa table à dessin, en train d'imaginer les villes du futur, des villes vivantes, poétiques, où l'humain cohabite avec la nature. Il nous racontait aussi la création de sa baignoire en bois, de son évier façonné comme une sculpture. Luc était seul harpeung, bien avant que le seul harpeung ne devienne un mot. Il n'était pas simplement mon maître de stage. Peu à peu, il est devenu un mentor. Il m'a permis de me reconnecter à une part de moi que j'avais mise de côté. J'ai grandi au contexte d'une nature sauvage, au Mexique, en Australie. Mais en revenant en Europe et à l'adolescence, j'ai peu à peu appris à me couper de ce lien. Luc, par sa vision, sa manière d'habiter le monde, m'a rappelé à cette part de moi qui s'émerveille, qui a besoin des arbres, de la lumière et du contact avec la nature. Dans cet épisode, nous allons parler entre autres de son nouveau livre, Un monde désirable, une œuvre qui trouve un ferment dans les recherches biomimétiques et qui est portée par un imaginaire profondément optimiste. Un livre qui vient nous rappeler que rêver est un acte politique et qu'imaginer des futurs désirables, c'est déjà commencer à les construire. Je suis très émue de te partager cette conversation aujourd'hui. Alors je t'invite à t'installer confortablement. et à te laisser toucher et inspirer par la vision lumineuse de l'ex-quétaine. Une des premières questions que je voulais te poser, c'est justement toi, qu'est-ce qui t'a inspiré Parce que je sais que très très vite, au début de ta carrière, tu as intégré la nature dans ce que tu faisais, et donc j'aimerais bien savoir qu'est-ce qui t'a inspiré sur cette voie-là

  • Speaker #1

    Et ça a commencé très très tôt. Enfant, je vivais dans un grand jardin avec des parents très très orientés là-dessus. Ma mère avait apporté un regard plein d'admiration et de reconnaissance vis-à-vis de la nature et elle m'a éveillé à ça certainement et mon père aussi. Mon père était architecte. Il adorait les jardins et il m'emmenait sur les chantiers un peu partout. Il m'a éveillé certainement au dessin, donc à capter la beauté du monde qui nous entoure pour essayer de l'intégrer par le biais de la peinture et du dessin, de la fixer et de la transmettre. de l'utiliser en tant que moyen de communication. Donc c'est vraiment très très très jeune que je suis tombé dans la marmite et que j'ai été stimulé à porter ce regard d'émerveillement. C'est surtout un regard d'émerveillement. Je ne suis pas très à l'aise d'en parler parce que je considère que ma manière de le percevoir est assez incomplète et que je ne suis pas suffisamment impliqué moi-même dans cette relation à la nature. Parce que je ne travaille pas dans un jardin, je ne mets pas ma main dans la terre alors que je ressens que c'est une nécessité. Il y a une sorte de... paradoxe-là que j'ai parfois un peu difficile à assumer dans ce que j'aimerais être quelque chose d'un peu plus vécu de ma propre part. Je suis un peu interloqué par cela, ce qui fait que si je dois revenir ainsi de définir ma propre perception, j'ai cette sensibilité de photographe, de peintre, d'observateur. de quelqu'un qui capte les images, les odeurs, les choses, et qui les emmagasine en lui pour essayer de les rendre par le biais d'une communication par le dessin. Mais ça s'arrête là. J'ai un jardin qui est absolument magnifique, je trouve, que j'ai pensé dessiner, réaliser de manière... très technique au départ, en sculptant les formes, en mettant en place les valeurs, comme un peintre. Pas comme un jardinier, pas comme quelqu'un qui a la connaissance des plantes. Et je regarde mon jardin comme un micro-monde dans lequel j'aime promener par le regard, découvrir les espaces, les différents lieux qui sont très marqués. dans des ambiances qui sont faites pour les enfants. Il y a toute une promenade à l'intérieur de mon jardin qui représente un micro-paysage. Il y a une colline, on monte sur la colline, puis on descend dans un trou un peu obscur, caché. On ne voit pas ce qui se passe dans l'ombre. Puis on découvre une petite maison, on traverse une petite bambouserie, etc. Toutes sortes de choses, une pièce d'eau, avec une cascade, avec des... des grenouilles et des tritons, etc., toutes sortes de choses. Et c'est fait pour qu'un enfant puisse percevoir la richesse qu'il peut y avoir dans un monde, dans un monde où il y a plein de choses à découvrir. On ne voit pas tout d'un coup. Il faut y aller, il faut y rester, il faut regarder comment la lumière passe à travers les plantes. Tout ça, ce sont des choses que je perçois très fortement, sans plus m'y impliquer de manière à l'entretien. Ça, c'est... C'est ma compagne, c'est Claire, qui, elle, gère ça au quotidien. Et je suis très, très heureux de la voir faire. Mais je ne mets pas mes mains dans la terre. Et c'est quelque chose que je me reproche en me disant, mais pour aller plus loin dans cette démarche, il faudrait que je plante, que je regarde les graines, que je les arrose, que je les vois pousser. J'ai pris cette distance.

  • Speaker #0

    Ce que j'entends, c'est à plus un devoir de transmission et de communication. C'est là que tu excelles, et ça, on en a énormément besoin aussi.

  • Speaker #1

    Oui, mais pour que ce soit plus profond, il faudrait que j'en puisse aller jusque-là. Mais si je n'y vais pas, c'est certainement qu'il y a d'autres raisons plus profondes que je ne connais pas, qui fait que finalement, peut-être que le peintre, ce n'est pas son rôle, et qu'il doit continuer à capter. la lumière, l'ombre, la texture de la plante, comment elle a poussé tout cela, ressentir ça. Et que le fait de travailler sur cet entretien n'est pas vraiment de sa mission. Peut-être qu'il y a de ça.

  • Speaker #0

    Tu as une mission d'observation aussi qui est très importante. C'est très important aussi dans le monde d'aujourd'hui, ce travail de pouvoir observer. Et de rendre en plus, parce que tu ne fais pas qu'observer pour toi, mais tu réussis à rendre ça.

  • Speaker #1

    Rester dans l'émotion. Et pour moi, je peux rester totalement dans l'émotion si je suis passif vis-à-vis de ce qui est à faire, si je ne commence pas à entreprendre quelque chose d'un peu plus manuel, je dirais. Et que si je peux continuer à observer, à me balader dans... dans l'environnement et à capter tout ce que cette nature me dit, me parle, m'enrichit, me nourrit, parce qu'elle me nourrit complètement. Physiologiquement, je me sens... Je sens que cette proximité m'est indispensable. Dans ma maison, il doit y avoir des plantes. Je ressens que l'environnement dans lequel je dois vivre, je dois être accompagné de cela. Je l'exprime souvent en disant, c'est ma famille. Ma famille, c'est l'ensemble vivant. Je ne peux m'épanouir que si ma famille va bien. Et je dois prendre soin de ma famille. Et je m'occupe... d'en prendre soin par le lien avec ma campagne qui, elle, le fait autrement avec grand plaisir. Elle a besoin, elle, de mettre ses mains dans la terre et moi, j'ai besoin de la regarder faire.

  • Speaker #0

    La première question qui me vient en tant que tendance, c'est est-ce que c'est depuis toujours que tu as cette réalisation que le reste du vivant, c'est ta famille Que c'est depuis toujours que tu sens que tu dois vivre en lien et que... Tu dois en prendre soin. Oui. Donc tu dirais que ta conscience écologique, en fait, elle a toujours été là.

  • Speaker #1

    Oui, sûrement. La forêt et l'arbre sont une chose essentielle pour moi. J'ai toujours eu une fascination pour l'arbre. Quand j'étais gamin, dans le jardin familial, il y avait des très hauts peupliers de plusieurs dizaines de mètres, je pense au moins 20 ou 25 mètres. Et je grimpais jusqu'au-dessus de l'arbre et c'est là que je lisais ou j'étudiais. Je faisais mes leçons ou mes examens en haut dans les arbres, tout en haut. C'était pour moi un lieu de... C'est très difficile à expliquer quand on est enfant. On ne le perçoit pas de la même façon. C'était pas le côté... C'était pas la perception du vivant qui m'intéressait, c'était grimper, c'était voir le monde, mais c'était aussi voir le monde à travers les branches d'arbres, à travers le feuillage, à travers le vent, le balancement, la souplesse de l'arbre. Et il y avait quelque chose qui me nourrissait de cela sans que ce soit du tout conscient. C'était une pulsion très... primaire, je dirais, celle d'être dans un environnement qui me nourrissait d'une certaine manière et qui m'apportait en même temps un calme et une sérénité que je n'avais pas ailleurs. Et en même temps une vision sur la planète. En hauteur, comme ça, on a une vision sur le restant du monde qui n'est plus du tout la même que celle d'un enfant qui voit les choses. assez près.

  • Speaker #0

    Et puis alors, assez vite, pense au début de ta carrière, tu habitais d'abord à la campagne ou dans la forêt, et tu as construit une maison, la maison Orégiona. Donc, il y a vraiment, je sens, cette mission de transmission et de faire avec tes mains, même si elles ne sont pas dans la terre, tu as créé du beau et tu as créé en lien avec la nature, quand même, finalement.

  • Speaker #1

    Cette première maison, c'est la toute première... Non, j'ai investi dans d'autres choses avant, mais c'est celle où j'étais le plus loin. quand j'ai trouvé mon équilibre dans le couple avec les premiers enfants, vivre dans un environnement qui correspondait à un idéal très profond, plus qu'un... c'est autre chose encore qu'un idéal, c'est une pulsion vers une vie dans laquelle je croyais profondément comme étant l'essence même des choses. Et là, c'était la proximité que la forêt était. totalement indispensable. Il me fallait une forêt. Il fallait une maison. Elle pouvait être très petite. D'ailleurs, elle était fort petite. Mais elle devait être entièrement en relation avec l'ensemble de l'environnement et du vivant. Donc, c'était un hasard absolument incroyable. C'est qu'au moment où j'ai la possibilité de faire cette maison, sort les tout premiers capteurs solaires. Une firme allemande qui les fabrique. Et je comprends à ce moment-là qu'il y a là une petite... possibilité fantastique, mais qu'est-ce qu'on faisait Ce qu'on fait encore maintenant, on prend une maison classique tout à fait bête dans un lotissement, on met des capteurs solaires sur la toiture. Et j'ai été voir la firme qui les fabriquait, je lui ai dit, c'est pas ça, avec des capteurs solaires, la maison doit être totalement différente. Elle doit être faite pour capter l'ensemble de tout ce qui se passe autour et son environnement. Donc elle doit être conçue dans un autre ordre. Et moi je peux vous faire... je peux faire une maison qui va exprimer totalement cela. Et je vous propose de le faire avec mon capteur solaire. Donc, ils m'ont offert les 80 m² de capteur solaire que j'avais besoin et les pompes nécessaires pour le faire fonctionner. Je ne pouvais pas le faire autrement. Je l'ai fait avec très, très, très peu d'argent. Donc, j'ai fait la même chose avec la firme qui fabriquait les éoliennes. Je leur ai dit, l'éolienne que vous avez placée là, à côté de l'usine, ne démontre rien. Si vous la mettez chez moi, je vais montrer qu'on peut fonctionner avec le vent pour avoir de l'électricité et qu'on peut être autonome. Et ça, c'est non seulement un coup de chance, mais peut-être que ce n'est pas la chance, qu'il y a autre chose. Je suis arrivé au moment où c'est parce que... Le moment était là que j'ai pu utiliser tout cela et créer une maison que j'ai réalisée en grande partie moi-même. Donc, comme tout était différent de ce qu'il y avait dans le marché, je n'avais pas d'autre possibilité que de le concevoir, le réaliser et le vivre. Alors, ça donnait évidemment une force d'expression qui était assez originale parce qu'il y a peu de maisons qui sont aussi... personnelle que celle-là, puisqu'ici j'imaginais une chose, je la dessinais quasiment instantanément ou dans les heures qui suivent par quelques croquis. Puis, dans mon atelier, avec une petite scie sauteuse, une foreuse et une ponceuse, je réalisais les meubles avec des doses de hêtres qui venaient de la forêt d'à côté. Et ça m'a permis de... de rentrer dans une démarche d'une créativité assez extraordinaire parce que c'était penser, concevoir, dessiner, réaliser et vivre, tout dans une même lignée. Et là, je rentrais dans un fonctionnement qui m'a porté. Donc j'ai pu continuer à me développer à partir de ce bagage qui s'est constitué à un moment absolument particulier qui était celui de l'émergence du mouvement hippie, du retour à la terre, des mouvements underground, de tout un courant de pensée qui était arrivé à ce renversement des valeurs, en disant que la technique, l'artificialisation ne nous apporte rien qui va nous permettre de réellement nous épanouir. Et là, j'ai construit l'univers qui était fait pour être la prolongation. de quelque chose que je ressentais tellement profondément, avec une telle vivacité qu'il n'y avait qu'une seule possibilité pour moi, c'était de le vivre, de le réaliser. C'était un chemin totalement obligatoire. Je n'avais pas d'alternative. Et je devais aller absolument jusqu'au bout, le faire sans aucune concession, jusqu'à trouver tout ce qui m'était nécessaire. pour pouvoir le vivre. Et le vivre m'a amené petit à petit à prendre conscience qu'il y avait là une pulsion primordiale dont seulement une partie me nourrissait complètement. C'était celui de la création de l'espace, du lieu de vie, de l'environnement, mais pas celui de la connexion aux plantes. De la connexion aux plantes. plantes, dans la manière dont ils vont pousser, etc., dans l'entretien du jardin, du potager, du verger. Là, je n'étais plus en face. Mais ma compagne, elle s'en chargeait et elle réalisait cette connexion qui m'était tout à fait nécessaire.

  • Speaker #0

    Et un des besoins profonds qu'on a aussi, je pense, en tant qu'être humain, c'est ce besoin d'appartenance et d'avoir ce lieu de vie complètement en lien avec ton environnement. Ça répond peut-être à ce besoin qu'on a de se sentir, faire partie, comme tu l'as dit au début, de la famille du vivant. Et c'était une réponse, c'était une concrétisation en fait, de ce lien que tu avais avec ton environnement, de pouvoir vraiment faire un lieu de vie pleinement en lien avec ton environnement.

  • Speaker #1

    Fondamentalement, c'était celui d'avoir l'enveloppe protectrice, l'habitation, dont cette enveloppe, cette peau, cette enveloppe devait être aussi ténue que possible pour pouvoir permettre à l'ensemble de l'environnement de l'imprégner de gommer le plus possible cette différence entre l'intérieur et l'extérieur et que tout devienne environnement c'est vraiment ça que la maison fasse partie intégralement de l'environnement ça c'est vraiment le fondamental et plus cette cette enveloppe de protection était transparente, était légère, mieux je me portais. Donc plus je pouvais m'enrichir de ce qu'elle pouvait m'apporter, et inversement. Moi, enrichir cet environnement, c'est un problème d'échange. Je suis nourri, je nourris. Je ne peux l'envisager que comme ça. Certainement pas quelque chose qui est à sens unique.

  • Speaker #0

    Et ce qui est magnifique, c'est que tu as trouvé pour moi cet équilibre entre le fait de se sentir protégé. Parce que c'est vrai que parfois, j'invite aussi les personnes à passer une nuit dans la forêt ou aller, moi aussi, passer une nuit dans la forêt. Et la peur est là. Parce qu'on se sent complètement vulnérable et pas du tout protégé. Donc oui, on est en lien, mais en même temps, il y a cette peur. Et là, tu as créé cette bulle de protection, tout en restant complètement en lien avec ton environnement. Ça, c'est assez magique, assez magnifique.

  • Speaker #1

    Quand on voit les dessins, les photos de cette habitation, la chambre à coucher est... se terminer par une sorte d'avancée entièrement vitrée et ouverte sur le ciel, vers les arbres, le jardin et le ciel. Et l'idée était de mettre son lit dans cet endroit-là et dormir, en regardant avec la voûte étoilée. Ça a été un moment absolument incroyable. Le premier jour où j'ai pu vivre ça, je pense que c'était un moment... le plus intense dans ma vie. Mais je n'ai pas dormi. Et c'était beaucoup trop puissant, beaucoup trop fort. Et le lit qui devait être tourné vers le ciel, on l'a inversé, on l'a tourné dans l'autre sens, parce que l'avoir juste devant soi, c'était suffisant. Mais avoir vraiment sa tête dans le ciel, l'énergie était beaucoup trop forte. On n'arrivait pas à se reposer. Donc on l'a tourné dans l'autre sens. Et là, c'était... On a pu trouver le repos nécessaire.

  • Speaker #0

    Et puis après, qu'est-ce qui t'a motivé à revenir en ville

  • Speaker #1

    Beaucoup, beaucoup de choses qui se sont ajoutées. Ce n'est certainement pas une raison. Mais une des premières raisons, c'est que mon travail était lié à la ville. En tant qu'architecte, je travaillais avec des clients qui habitaient dans de l'urbain. Je prenais donc souvent ma voiture pour aller les rencontrer et discuter avec eux. Mais aussi pour faire nos courses, alimenter la maison, on prenait la voiture. Pour aller chercher les enfants, on prenait la voiture pour les conduire à l'école. Et on était totalement dans un mode de vie qui était en contradiction avec l'objectif principal, qui était de s'éloigner et de vivre de la forêt. Cette proximité qu'on a trouvée à la nature a créé un éloignement et une artificialisation dans notre comportement qui n'était plus en cohérence. Ça, ça a été quelque chose qui a été déterminant. Le fait que la maison était très petite et qu'on voulait avoir d'autres enfants et avoir un espace de vie plus grand, et que la maison était conçue comme une entité... fermée comme une matrice. Elle ne pouvait pas être agrandie sans être fondamentalement abîmée et détériorée. Donc je n'avais pas du tout envie de casser quelque chose qui m'avait tellement plu. Et l'expérience de la construction de cette maison, mais qui a été jusqu'à la réalisation de tous les meubles, des mécanismes de serrure, d'une salle de bain, d'une cuisine qui ne ressemblait à rien d'autre. que ce qu'on avait imaginé, une toilette, tout était dans le rapprochement vers des choses qui nous étaient fondamentales et qu'on voulait vivre, mais qui avaient son sens à cet endroit-là. Je me suis posé la question en disant, mais ça a été fantastique de le créer, mais créer une nouvelle chose, mais non, ça peut être encore plus extraordinaire, parce que je peux continuer avec le bagage que j'ai appris en faisant cette première chose. Mais à quoi ressemblerait une maison de ville Une maison pour quelqu'un située comme ça, c'est un travail, une introspection très personnelle. Mais quel sens est-ce que ça peut avoir pour d'autres Tout le monde ne peut pas aller vivre en plein milieu de la forêt, ça ne fonctionne pas. On est appelé à vivre en communauté, en groupe. Et là, comment est-ce que je peux maintenant transposer cette même démarche en pleine ville. Et ça, c'était un défi fantastique que j'ai eu beaucoup à cœur de pouvoir réaliser. une autre fois en me disant maintenant je dois m'atteler à cette Ausha. L'autonomie c'est très bien quand on est au bout du monde, je ne suis pas au bout du monde, je suis dans une société et là l'autonomie n'est plus un but en soi. Quand on a une infrastructure dans une rue avec les cités, les égouts, avec tout, on ne va pas s'isoler alors que le réseau existe. Donc j'ai cherché à répondre à cette question dans un environnement qui pouvait me satisfaire également, c'est-à-dire un environnement urbain, mais totalement en immersion avec le monde végétal, des arbres. C'est à partir de là que j'ai commencé à revoir la manière dont il faut fonctionner et travailler sur un autre concept, comment est-ce que je peux le faire avec l'existant. avec un existant construit, en utilisant au maximum les possibilités de ce qu'il y avait sur place, en ne jetant rien. Ça, c'était une des conditions. Quand on réfléchit en termes d'écologie, il ne peut pas y avoir de déchets. Les déchets, c'est un nutriment ou c'est un outil ou un matériel qui doit servir à autre chose. Le recyclage doit être permanent. Donc ça, ça a été des premières règles que j'ai voulu appliquer ici. Tout ce que j'ai cassé a servi de matériau pour faire autre chose. Le jardin, qui était en fait uniquement un espace rempli de garage, a été cassé. Toute la façade arrière a été cassée. Tous les matériaux ont été récupérés pour pouvoir être étalés dans le jardin et refaire une volumétrie qui manquait. Parce que ce jardin... tout plat et tout à fait minéral, ne m'intéressait absolument pas. Puis j'ai fait venir 20 camions de très bonne terre que j'ai étalés sur les déchets qui ont servi de drain et d'assises à la nouvelle volumétrie, ce qui m'a permis de sculpter véritablement un nouveau jardin. Oui,

  • Speaker #0

    donc ça a été un peu ta quête, toute ta carrière après, d'essayer d'intégrer de plus en plus la nature dans la ville. Et tu as développé tous ces projets pour essayer d'intégrer plus la nature dans la ville.

  • Speaker #1

    C'est pour moi totalement indispensable, vital. Vivre au milieu d'un espace uniquement minéral est totalement déprimant. Il nous manque le sens même de ce que nous sommes. Nous sommes des êtres biologiques, nous poussons. Donc nous devons vivre autour de choses qui vivent, qui poussent, qui palpitent.

  • Speaker #0

    Et toi, tu penses, ici, tu as retrouvé ta place. Voilà. Tu as retrouvé ce lien. Et je trouve ça assez intéressant. Parce que, comme je dis, il y a pas mal de personnes qui me disent Mais je ne peux pas me connecter à la nature parce que j'habite en ville. Et moi, je me souviens que toi, je t'ai tout entendu dire Moi, je suis un citadin. J'aime bien habiter en ville. Et malgré tout, tu trouves ce lien à la nature au quotidien. Tu arrives à la vivre complètement.

  • Speaker #1

    J'ai créé un environnement qui correspond totalement à ça. L'ensemble du dessin de la maison fait que les plantes rentrent dans la maison par le biais de la veranda, par le biais de cette grande serre qui éclaire jusque la pièce centrale et qui nourrit la maison de tout ce qu'elle peut apporter. Certaines plantes sont en pleine terre, même s'elles sont dans la maison, elles prennent l'eau du jardin et fonctionnent avec la terre qui se trouve dans le jardin. Tout est dans cette espèce d'osmose qui est pour moi la seule manière de faire vivre une maison. Elle va vivre par son lien avec le restant du vivant.

  • Speaker #0

    J'avais aussi envie de te parler du mouvement, parce que j'ai vu une de tes expos, je pense que c'était à Saint-Gilles, le mouvement Solar Punk. Et quand j'ai découvert le mouvement Solar Punk, je me suis dit, tiens, mais Luc, il était Solar Punk avant que ça devienne vraiment un mouvement artistique dont tout le monde parle maintenant. Comment est-ce que toi, tu décrirais ce mouvement de Solar Punk

  • Speaker #1

    Je commençais par décrire l'inverse, le cyberpunk. Donc le cyberpunk a existé, je pense, avant le Solar Punk. On a donc imaginé un monde entièrement artificiel, assez négatif, assez destructeur. où elle a tout gagné. des pulsions morbides dedans, qui sont attractives par le côté morbide justement pour certaines personnes. Ça donnait naissance à un mouvement, à un moment où on passe dans des basculements. Plus ça s'est développé, plus l'effet contraire était appelé et nécessitait une réaction. Et à cette vision d'un futur apocalyptique, nos futurs, ne pouvait naître que le mouvement inverse, celui où on peut imaginer un futur qui soit lumineux, qui nous enrichisse. Et ça, c'était le mouvement Solar Punk. Il se fait que le mot et le mouvement sont arrivés bien après que je me sois embarqué dans ce mouvement. J'ai découvert qu'il avait un nom bien plus tard, assez récemment d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Justement, je voulais aussi parler de ton nouveau livre qui va bientôt sortir. Tu en as touché quelques mots avec ce mouvement du cyberpunk. Et qu'effectivement, pour l'instant, il y a beaucoup de récits dystopiques qui sont véhiculés. Des récits d'effondrement, de fin du monde, de nos futurs, de cette génération qui s'appelle The Last Generation. Des récits vraiment apocalyptiques. Je pense que là, on se rejoint, on a profondément besoin de récits positifs aussi. Et même peut-être pas... complètement utopique, mais ce que j'aime beaucoup chez toi, c'est que c'est impossible, en fait. Ce n'est pas une utopie. Ce que tu nous partages, c'est réalisable, c'est souvent dans du concret. Tu peux nous en dire un peu plus de ce besoin On est à un moment où c'est tellement important de véhiculer ce genre de récits.

  • Speaker #1

    Absolument. Et c'est d'autant plus important que ce qui s'est le plus développé, c'est le côté anxiogène. Et c'est un peu logique. Si on veut écrire un roman ou quelque chose, on ne peut pas écrire une histoire où tout se passe bien, ça va vite lasser. Les gens, c'est quand on met en danger quelque chose, quand il y a une peur, que l'on commence à vibrer. Mais ça a été tellement fait, on n'a fait pratiquement que ça, d'écrire les choses les plus apocalyptiques qui vont se passer. qu'on en est complètement submergé, noyé, etc. Et on en arrive à un stade de ce que l'on a appelé le nocebo. Cette manière de dire que l'on convoque ce dont on craint le plus, c'est l'effet que ressent quelqu'un qui a le vertige au point de se jeter dans le vide. Ça, c'est l'effet nocebo. Mais à force de nous montrer que ça, on pourrait aussi imaginer qu'il n'y a pas d'autres issues, alors que c'est vraiment le contraire. Moi je crois surtout dans l'effet placebo, c'est-à-dire ce qui est un médicament qui devrait normalement nous guérir, mais c'est simplement l'effet psychologique de penser que l'on va guérir qui fait que l'on guérit. Nous pouvons très bien utiliser cela en nous baignant dans un monde positif qui fait qu'on va arriver vers ce genre de choses simplement parce qu'on l'a construit dans notre tête. Chaque réalisation commence d'abord par un projet, par un dessin, par une projection de quelque chose. On ne va jamais réaliser quelque chose qu'on n'a pas d'abord complètement imaginé, construit dans sa tête et dessiné. Donc mon idée est de dire qu'il y a suffisamment d'expériences, de choses autour de nous qui montrent qu'il y a de multiples voies extraordinaires vers un monde fantastique, que le mettre toutes ces choses bout à bout constitue une sorte de matière vivante, d'énergie qui va nous permettre de voir que c'est possible et que cette... indispensable d'aller vers ce genre de choses. Si nous avons les outils nécessaires pour nous en tirer de manière magnifique, ce serait vraiment bête de ne pas le faire. Et dès le moment où on commence à regarder toutes les expériences magnifiques qui sont faites partout dans le monde, on voit qu'on a tout à notre portée, qu'il suffirait de s'y mettre suffisamment de gens pour arriver à le faire. Il ne faut pas attendre que tout le monde s'y mette, on met quelques-uns à montrer que ça fonctionne. Et alors, c'est absolument fantastique de voir qu'il y a un écoquartier qui s'est créé et qui fonctionne de manière tout à fait équilibrée, même si âge. quelques problèmes, on les résout, on avance, on en crée un autre, etc. Et tout ça commence à devenir une réalité. Dès le moment où on peut voir qu'il y a des exemples qui marchent, il n'y a aucune raison de ne pas commencer à les multiplier. Mais il nous faut la matière de départ, elle est là. C'est ça que je montre dans mon livre. En allant parfois un pont plus loin, en disant si on est plusieurs à le faire, qu'est-ce que ça fait qu'est-ce qui se passe si à l'échelle d'une ville, on repense une organisation complète et on part d'une base très simple. La voiture est une bêtise incroyable. La voiture, c'est une tonne et demie de ferraille qui peut transporter 150 kg de passagers, pas 10 de rendement, et puis l'essence, etc. Tout ça ne marche pas. Mais pourtant, on l'a rendu tellement attractif que tout le monde en a une ou deux. Et ça rend la ville complètement invivable. Ça la pollue complètement. L'espace réservé aux voitures est considérable par rapport à ce qu'il pourrait y avoir au parking, etc. Alors qu'on pourrait très bien avoir une ville de nature. C'est ce que je montre dans le livre et je le remplace par d'autres moyens de transport bien plus efficaces, bien plus rationnels, mais qui n'existent pas en commun. Non, simplement... Parce que nous sommes dans un état un peu de léthargie. La voiture est devenue tellement sexy, tellement attractif. En fait, elle est bien foutue au niveau technique, individuellement. Mais c'est la collectivité qui ne fonctionne pas. Dans le livre Un monde désirable, je remets un peu les choses à plat. Je me dis à quoi pourrait ressembler une agglomération, une cité, qui correspondrait réellement à mes attentes. Et là, j'imaginais tout un truc, je ne vais pas le décrire maintenant, mais qui fonctionne sous forme de boucle avec un transport en commun qui peut desservir l'ensemble des habitations, maximum 10 minutes à faire à pied pour les gens qui sont le plus éloignés, mais des espaces verts intérieurs très importants qui remplacent les espaces utilisés. que l'on a dédié à la voiture actuellement et d'autres moyens de fonctionnement mais seulement avec les énergies renouvelables continuer à travailler avec les énergies fossiles c'est une aberration complète d'ailleurs on sait qu'en moins de 200 ans on va épuiser l'ensemble des réserves que la planète a tout en polluant complètement notre environnement avec des dégâts collatéraux considérables on peut pas aller dans cette voie-là, c'est totalement intraprensable. Alors quelles sont les voies C'est ça que j'essaye, que je montre, que j'explique dans mon livre. Toutes les voies parallèles qui nous mènent à un équilibre qui nous est aussi nécessaire.

  • Speaker #0

    J'ai une question un peu piège peut-être, mais est-ce que tu penses que le changement comme ça peut venir des citoyens Ou est-ce qu'on va avoir besoin des pouvoirs publics

  • Speaker #1

    Pour moi, les deux sont intimement liés. Les pouvoirs publics se reposent sur les citoyens et les citoyennes sur les pouvoirs publics. Il y a une interaction complète. Actuellement, les changements climatiques, la conscience de l'importance des changements climatiques n'est pas encore ancrée dans la masse de la population. Il y a beaucoup de gens conscients qui manifestent, etc., qui luttent contre, mais par rapport à la masse générale de la population qui reste très attachée. à des préoccupations très journalières, leur pouvoir d'achat, des choses comme ça, sans suffisamment entrevoir un avenir plus lointain. Quand on a le nez dans le guidon, c'est très difficile de voir ce qui se passe beaucoup plus loin. C'est seulement quand on a pu avoir la chance de prendre un peu de recul et d'être moins angoissé par tout ce qui... peut se passer dans le présent, qu'on peut imaginer ce qui se passe, par exemple, à se passer un peu plus loin. Mais c'est quand même... Une de nos préoccupations qui devrait être fondamentale, c'est penser au monde que nous allons préparer pour nos enfants, nos petits-enfants, nos derniers petits-enfants. Et ça, c'est un rôle principal auquel nous devons penser, même si aujourd'hui, on a quelques difficultés à nos fins de mois. Il faut quand même aussi entrevoir ce qui va se passer plus tard. Et là... on n'avance pas très vite. Mais dès le moment où il y aura suffisamment de gens dans la population pour pouvoir s'entourer de décideurs qui vont aller dans le même sens que la population, le jeu de la démocratie se fera correctement et on ira vers des véritables solutions. Ce n'est pas encore vraiment le cas.

  • Speaker #0

    Tu parles un peu aussi de ta créativité, ton imagination. C'est quelque chose qui est vraiment... très présent chez toi, cet imaginaire que tu arrives à activer assez facilement. Tu parlais au début, donc tu observes, tu observes la nature, tu te laisses inspirer et puis après tu imagines.

  • Speaker #1

    Je lis, je m'informe beaucoup. L'imaginaire ne peut reposer que sur... Mon imaginaire, je veux le discipliner à ce qui reste dans le domaine du possible. Je ne veux absolument pas qu'il s'égare. du côté du rêve, du fantasme, parce que ça, c'est toujours décevant. Là, on rentre dans un domaine où on ne contrôle plus vraiment. Le rêve peut devenir un cauchemar. Dans une construction, ce n'est pas la même chose. On le bâtit élément par élément et on choisit les pierres qui vont faire l'édifice. C'est dans cette optique-là que je travaille. Je recherche quels sont les systèmes, les valeurs que je peux trouver dans la nature. qui vont me permettre d'imaginer que je peux le transposer dans des schémas de construction. Comment est-ce que la nature peut m'apprendre à être durable, à fonctionner avec d'autres organismes vivants, en écosystème, en équilibre avec d'autres éléments. Je pense qu'il y a là un enseignement absolument fabuleux et qui est la chose qui va me nourrir principalement. Parce que là, j'ai une confiance absolue dans ces valeurs-là. Le restant, on peut toujours leur mettre en question. Est-ce qu'une loi, un principe, un système constructif est valable ou pas Là, on peut toujours en discuter. Est-ce qu'aller dans cette voie-là va être bénéfique pour la planète On peut en douter. La nature, pas. Là, on sait que tout ce qui n'était pas rentable a été abandonné, que tout ce qui fonctionnait n'est pas très bien. Et c'est ça qui fait que, au fur et à mesure que le temps passe, la nature est devenue de plus en plus résiliente, magnifique, complexe, elle intègre des organismes vivants de plus en plus riches. On regarde ce qui s'est passé il y a quelques milliards d'années, c'était d'une brutalité, c'était très très sauvage, il n'y avait pas grand-chose. Et au fur et à mesure, c'est devenu une beauté extraordinaire. Comment est-ce que tout cela s'est mis progressivement en place Il y a eu des hauts et des bas, il y a eu des grands cataclysmes aussi, mais chaque fois, avec le temps, les choses se sont perfectionnées. On est arrivé à un stade où les choses sont d'une beauté exceptionnelle, tant qu'on ne les abîme pas. Et nous les abîmons à une vitesse bien plus grande que ce qu'elle a comme possibilité pour se renouveler. Donc nous devenons nuisibles. pour l'ensemble du vivant. Et ça, c'est totalement inacceptable. Comment peut-on partir dans un autre sens Comment peut-on travailler en bonne intelligence avec l'ensemble du vivant Comment peut-on rétablir, dans une certaine mesure, ce que nous avons à mimer, remettre en place des écosystèmes, des tourbières, des machins, pour arriver à ce que la planète soit plus belle après notre passage Ça, c'est quand même fondamental.

  • Speaker #0

    Oui, donc tu t'inspires de la résilience de la nature pour essayer de créer des systèmes résilients pour que l'être humain puisse continuer à habiter sur la planète sans l'endommager.

  • Speaker #1

    Arriver à remettre en place, quand on voit des scientifiques, des botaniques qui arrivent à replanter, à remettre une forêt en place, c'est vraiment toujours tout à fait magnifique à réalimenter une tourbière. et avoir toute la nature qui s'y installe, directement les insectes. les mammifères, les oiseaux qui arrivent, tout cela qui commence à revivre, c'est d'une très très très grande beauté. C'est ce qu'on peut trouver dans ce magnifique livre, Tresser les herbes sacrées dont on a parlé ensemble, et qui est une merveille parce que c'est un livre fait de l'émerveillement par rapport à la nature, et qui m'a totalement bouleversé parce que son auteur, cette amérindienne qui est en même temps une biologiste, arrive à nous parler du sacré de manière qui m'a totalement touchée parce que pour moi le sacré était devenu quelque chose lié aux religions et ça me pesait énormément. J'en voyais plus ce mot parce que c'était trop lié à des dogmes, à des choses que je déteste. Mais là, elle apporte une dimension au sacré. qui est entièrement liée au vivant et à la nature. Elle donne une dimension magnifique. Ça a été un choc pour moi, véritablement retrouver la puissance de cette émotion, plus que cette émotion, cette valeur suprême qui est dans tout ce qu'elle raconte. Et ça, c'est par l'ensemble de ce qu'elle a appris dans son enseignement ancestral. des Amérindiens et de leur perception primordiale de tout ce qui est la nature.

  • Speaker #0

    Et c'est un travail important aussi de... Je vois le parallèle dans ce que toi tu fais, de remettre en beauté. Oui. Et redonner envie, remettre de l'inspiration. On en parlait aussi que tous ces récits finalement qui font peur ou qui culpabilisent ne donnent pas envie d'agir. Et je pensais que ce besoin, ce travail de... donner envie de faire par le beau et l'émerveillement. C'est important.

  • Speaker #1

    C'est ce qu'il y a de plus important, c'est retrouver le côté sacré.

  • Speaker #0

    Et comme tu le dis, redonner à certains mots leur caractère premier. Parce que je te rejoins tout à fait que sacré est un mot qui était devenu tellement lourd. Et de pouvoir remettre ce mot à sa place, c'est important. Et pouvoir reparler du sacré quand on parle de lien à la nature, c'est aussi important. Je pense qu'on arrive tout doucement. À la fin. Et une dernière question que je voulais te poser, c'est est-ce que toi, tu as des pratiques que tu fais pour cultiver justement ton imaginaire ou ta créativité

  • Speaker #1

    Pas vraiment. En tout cas, pas des rituels. Ce que j'ai essayé, j'ai tenté des tas de choses, mais finalement, ça se fait quasiment naturellement. Ça peut être dans mon lit, ça peut être dans mon bain. Dans des moments un peu remarquables, ce que j'ai essayé d'expérimenter a été parfois peut-être un peu théorique, mais je ne l'ai pas vraiment réussi à le mettre en pratique. Je pense par exemple à mon lévitateur, qui est cet appareil que j'ai inventé, qui est un treuil qui est relié à une poulie tout en haut d'un de mes arbres et qui redescend vers un fauteuil. Je me mets dans le fauteuil avec un petit appareil qui s'appelle le biofeedback, qui analyse les ondes mentales. Quand je rentre en méditation, le biofeedback envoie un signal au treuil et je monte dans l'arbre jusque dans la canopée. Tant que je suis en méditation, je reste là. Ça m'a beaucoup amusé et j'ai trouvé intéressant de chercher quelque chose. Parce que quand on rentre en méditation, on a l'impression de léviter, de quelque part de s'élever. Quand c'est accompagné par le mouvement du corps et qu'on s'élève et qu'on se retrouve dans les hauteurs et que l'on ressent le monde, la lumière à travers le feuillage, il y a quelque chose qui est normalement très puissant. Je l'ai fait quelques fois, mais je n'en ai jamais fait une habitude. Donc c'était pour moi intéressant d'y réfléchir, de le mettre au point, de le faire vivre à plein de gens qui se sont bien amusés avec ça. Mais ça s'est resté peut-être un peu un gadget, parce que finalement, la réflexion et la méditation, elles se passent à tout moment. Il ne faut pas un lieu particulier. Je ne pratique rien de particulier. Ça arrive quand je dois réfléchir à un problème ou quand je suis dans un moment de calme. Ça peut être en me promenant. J'ai remarqué que je peux me promener dans la nature. J'ai un très bel espace tout près d'ici, le Bourrasque, et je peux me promener pendant une heure là ou deux. Et quand je reviens à la maison, ma compagne Claire me demande alors, tu as vu maintenant, tout est en fleurs, les bourgeons. Non, les bourgeons, les fleurs, moi je n'ai rien vu du tout, rien, mais j'avais strictement... rien vu. J'étais tellement dans ma tête à imaginer des choses que je passe à côté de tout sans strictement rien voir parce que je suis occupé à construire, faire un schéma et tout ça se passe dans mon cinéma intérieur. Mais même si j'ai rien vu, j'ai capté les odeurs, les lumières etc. C'est rentré dans un inconscient qui quelque part, ça m'a échappé consciemment. Mais inconsciemment, qu'est-ce que ça a fait Je ne sais pas, ça reste un grand mystère.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux auditeurs et aux auditrices qui sont peut-être en manque d'inspiration, ou qui voient tout en noir, ou qui se laissent peut-être emporter, submergés par ces récits qu'on entend, qui auraient envie peut-être de nouveau imaginer des belles choses, d'être plus créatifs Est-ce que tu aurais un conseil à leur donner

  • Speaker #1

    Regarder le beau, évidemment. On est sollicité en permanence par ce qu'il y a de plus terrible qui se passe, un accident, un crime, un truc, ça fait la ruine des journaux. Mais une belle chose, non. C'est dommage, pourquoi est-ce qu'on ne met pas dans les journaux, je ne sais pas. Une mère qui a retrouvé la relation avec son fils, qu'elle avait perdu, je ne sais pas, des belles trucs, mais des choses importantes, magnifiques, joyeuses. Il y en a tout le temps.

  • Speaker #0

    Aller chercher le beau, c'est déjà une belle invitation. Aller voir des expos, aller voir de l'art.

  • Speaker #1

    Absolument.

  • Speaker #0

    Et se laisser toucher par la beauté. C'est une belle conclusion. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Dans la nature des choses. J'espère qu'il t'a inspiré autant que cette rencontre a compté pour moi. Que tu en ressors avec des images plein la tête et peut-être l'envie de rêver toi aussi un monde plus désirable en lien avec le vivant. Si cet épisode t'a plu, n'hésite pas à le partager autour de toi. Tu peux aussi laisser un commentaire, mettre 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée ou t'abonner pour ne rien manquer des prochains épisodes. Ça fait vraiment une grande différence et ça m'aide à faire grandir ce podcast. tout en douceur. Et si tu veux aller un peu plus loin dans cette reconnexion à la nature, tu peux aussi t'inscrire à ma newsletter. Je t'y partage des réflexions, mes ressources et les coulisses du podcast. On se retrouve dans deux semaines pour un nouvel épisode, et d'ici là, prends bien soin de toi et de ta relation au vivant.

Description

Et si le plus grand acte de résistance, aujourd’hui, était d’imaginer un monde désirable ?


Dans cet épisode, je reçois Luc Schuiten, architecte visionnaire et figure majeure du mouvement Solar Punk. Bien avant que ce courant ait un nom, Luc dessinait déjà des villes-forêts, des habitats vivants et des infrastructures enracinées dans le lien au vivant.

Dans cet épisode, il partage sa conviction : « Chaque réalisation commence par un dessin, une projection dans la tête ». Imaginer un monde vivable, poétique et en lien avec le vivant n’est pas une utopie, c’est une première étape concrète.

On parle ici d’émerveillement, d’écologie urbaine, de maison vivante et de la force d’un récit alternatif face à la dystopie dominante. À travers son parcours et ses créations, Luc nous montre qu’un autre futur est non seulement possible, mais déjà en germe.

Tu découvriras :

  • Pourquoi l’imaginaire est une force politique

  • Ce que le Solar Punk raconte de nos aspirations collectives

  • Comment bâtir des lieux en harmonie avec la nature

  • Pourquoi le beau peut devenir un moteur d’engagement

Un épisode pour celles et ceux qui veulent retrouver foi en l’avenir, ensemencer leur créativité et passer à l’action sans s’oublier.

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Retrouve le site de l'atelier d'architecture Schuiten ici: http://www.vegetalcity.net/

Et le nouveau livre de Luc: un monde désirable


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans la nature des choses, le podcast qui nous est dédié, à nous, les écosensibles qui ressentons ce besoin urgent de recréer un lien profond avec le vivant. Nous vivons dans un monde en crise, où les urgences écologiques nous bousculent et où l'indifférence menace. Ce podcast, à travers des pistes d'action et des réflexions, est un espace pour transformer nos peurs et notre colère en action au service de la transition socio-écologique. Je suis Isabelle Giraldo, éco-facilitatrice et guide de reconnexion à la nature. Et aujourd'hui, j'ai la joie immense d'accueillir une personne qui a profondément marqué mon parcours, et sans doute aussi ma façon de voir le monde. Il y a un peu plus de 25 ans, alors que je venais de terminer mes études en architecture et que j'étais à la recherche d'un stage, une amie de mes parents m'a parlé d'un architecte un peu à part, un rêveur, un visionnaire, Luc Sketen. Quelques semaines plus tard, je poussais la porte de son atelier et j'entrais dans un monde. Un monde où les villes se dessinent avec des façades végétales, avec des jardins en spirale. Un monde où l'humain n'est plus au centre, mais en dialogue constant avec le reste du vivant.

  • Speaker #1

    Cette nature me nie, me parle, m'enrichit, me nourrit, parce qu'elle me nourrit complètement. Je sens que cette proximité m'est indispensable. Dans ma maison, il doit y avoir des plantes. Ma famille, c'est l'ensemble vivant. Je ne peux m'épanouir que si ma famille va bien. Et je dois prendre soin de ma famille.

  • Speaker #0

    J'ai eu la chance de pouvoir intégrer son atelier en tant que stagiaire, puis de continuer à collaborer avec lui pendant quelques années. Ce qui m'a profondément marquée, ce n'est pas seulement la beauté des dessins ou l'audace des idées. C'est la façon dont Luc vit son art au quotidien. J'ai travaillé sur des projets magnifiques. comme les jardins verticaux ou la cité de la musique. Mais ce que je garde surtout de cette époque, c'est l'image de Luc assis à sa table à dessin, en train d'imaginer les villes du futur, des villes vivantes, poétiques, où l'humain cohabite avec la nature. Il nous racontait aussi la création de sa baignoire en bois, de son évier façonné comme une sculpture. Luc était seul harpeung, bien avant que le seul harpeung ne devienne un mot. Il n'était pas simplement mon maître de stage. Peu à peu, il est devenu un mentor. Il m'a permis de me reconnecter à une part de moi que j'avais mise de côté. J'ai grandi au contexte d'une nature sauvage, au Mexique, en Australie. Mais en revenant en Europe et à l'adolescence, j'ai peu à peu appris à me couper de ce lien. Luc, par sa vision, sa manière d'habiter le monde, m'a rappelé à cette part de moi qui s'émerveille, qui a besoin des arbres, de la lumière et du contact avec la nature. Dans cet épisode, nous allons parler entre autres de son nouveau livre, Un monde désirable, une œuvre qui trouve un ferment dans les recherches biomimétiques et qui est portée par un imaginaire profondément optimiste. Un livre qui vient nous rappeler que rêver est un acte politique et qu'imaginer des futurs désirables, c'est déjà commencer à les construire. Je suis très émue de te partager cette conversation aujourd'hui. Alors je t'invite à t'installer confortablement. et à te laisser toucher et inspirer par la vision lumineuse de l'ex-quétaine. Une des premières questions que je voulais te poser, c'est justement toi, qu'est-ce qui t'a inspiré Parce que je sais que très très vite, au début de ta carrière, tu as intégré la nature dans ce que tu faisais, et donc j'aimerais bien savoir qu'est-ce qui t'a inspiré sur cette voie-là

  • Speaker #1

    Et ça a commencé très très tôt. Enfant, je vivais dans un grand jardin avec des parents très très orientés là-dessus. Ma mère avait apporté un regard plein d'admiration et de reconnaissance vis-à-vis de la nature et elle m'a éveillé à ça certainement et mon père aussi. Mon père était architecte. Il adorait les jardins et il m'emmenait sur les chantiers un peu partout. Il m'a éveillé certainement au dessin, donc à capter la beauté du monde qui nous entoure pour essayer de l'intégrer par le biais de la peinture et du dessin, de la fixer et de la transmettre. de l'utiliser en tant que moyen de communication. Donc c'est vraiment très très très jeune que je suis tombé dans la marmite et que j'ai été stimulé à porter ce regard d'émerveillement. C'est surtout un regard d'émerveillement. Je ne suis pas très à l'aise d'en parler parce que je considère que ma manière de le percevoir est assez incomplète et que je ne suis pas suffisamment impliqué moi-même dans cette relation à la nature. Parce que je ne travaille pas dans un jardin, je ne mets pas ma main dans la terre alors que je ressens que c'est une nécessité. Il y a une sorte de... paradoxe-là que j'ai parfois un peu difficile à assumer dans ce que j'aimerais être quelque chose d'un peu plus vécu de ma propre part. Je suis un peu interloqué par cela, ce qui fait que si je dois revenir ainsi de définir ma propre perception, j'ai cette sensibilité de photographe, de peintre, d'observateur. de quelqu'un qui capte les images, les odeurs, les choses, et qui les emmagasine en lui pour essayer de les rendre par le biais d'une communication par le dessin. Mais ça s'arrête là. J'ai un jardin qui est absolument magnifique, je trouve, que j'ai pensé dessiner, réaliser de manière... très technique au départ, en sculptant les formes, en mettant en place les valeurs, comme un peintre. Pas comme un jardinier, pas comme quelqu'un qui a la connaissance des plantes. Et je regarde mon jardin comme un micro-monde dans lequel j'aime promener par le regard, découvrir les espaces, les différents lieux qui sont très marqués. dans des ambiances qui sont faites pour les enfants. Il y a toute une promenade à l'intérieur de mon jardin qui représente un micro-paysage. Il y a une colline, on monte sur la colline, puis on descend dans un trou un peu obscur, caché. On ne voit pas ce qui se passe dans l'ombre. Puis on découvre une petite maison, on traverse une petite bambouserie, etc. Toutes sortes de choses, une pièce d'eau, avec une cascade, avec des... des grenouilles et des tritons, etc., toutes sortes de choses. Et c'est fait pour qu'un enfant puisse percevoir la richesse qu'il peut y avoir dans un monde, dans un monde où il y a plein de choses à découvrir. On ne voit pas tout d'un coup. Il faut y aller, il faut y rester, il faut regarder comment la lumière passe à travers les plantes. Tout ça, ce sont des choses que je perçois très fortement, sans plus m'y impliquer de manière à l'entretien. Ça, c'est... C'est ma compagne, c'est Claire, qui, elle, gère ça au quotidien. Et je suis très, très heureux de la voir faire. Mais je ne mets pas mes mains dans la terre. Et c'est quelque chose que je me reproche en me disant, mais pour aller plus loin dans cette démarche, il faudrait que je plante, que je regarde les graines, que je les arrose, que je les vois pousser. J'ai pris cette distance.

  • Speaker #0

    Ce que j'entends, c'est à plus un devoir de transmission et de communication. C'est là que tu excelles, et ça, on en a énormément besoin aussi.

  • Speaker #1

    Oui, mais pour que ce soit plus profond, il faudrait que j'en puisse aller jusque-là. Mais si je n'y vais pas, c'est certainement qu'il y a d'autres raisons plus profondes que je ne connais pas, qui fait que finalement, peut-être que le peintre, ce n'est pas son rôle, et qu'il doit continuer à capter. la lumière, l'ombre, la texture de la plante, comment elle a poussé tout cela, ressentir ça. Et que le fait de travailler sur cet entretien n'est pas vraiment de sa mission. Peut-être qu'il y a de ça.

  • Speaker #0

    Tu as une mission d'observation aussi qui est très importante. C'est très important aussi dans le monde d'aujourd'hui, ce travail de pouvoir observer. Et de rendre en plus, parce que tu ne fais pas qu'observer pour toi, mais tu réussis à rendre ça.

  • Speaker #1

    Rester dans l'émotion. Et pour moi, je peux rester totalement dans l'émotion si je suis passif vis-à-vis de ce qui est à faire, si je ne commence pas à entreprendre quelque chose d'un peu plus manuel, je dirais. Et que si je peux continuer à observer, à me balader dans... dans l'environnement et à capter tout ce que cette nature me dit, me parle, m'enrichit, me nourrit, parce qu'elle me nourrit complètement. Physiologiquement, je me sens... Je sens que cette proximité m'est indispensable. Dans ma maison, il doit y avoir des plantes. Je ressens que l'environnement dans lequel je dois vivre, je dois être accompagné de cela. Je l'exprime souvent en disant, c'est ma famille. Ma famille, c'est l'ensemble vivant. Je ne peux m'épanouir que si ma famille va bien. Et je dois prendre soin de ma famille. Et je m'occupe... d'en prendre soin par le lien avec ma campagne qui, elle, le fait autrement avec grand plaisir. Elle a besoin, elle, de mettre ses mains dans la terre et moi, j'ai besoin de la regarder faire.

  • Speaker #0

    La première question qui me vient en tant que tendance, c'est est-ce que c'est depuis toujours que tu as cette réalisation que le reste du vivant, c'est ta famille Que c'est depuis toujours que tu sens que tu dois vivre en lien et que... Tu dois en prendre soin. Oui. Donc tu dirais que ta conscience écologique, en fait, elle a toujours été là.

  • Speaker #1

    Oui, sûrement. La forêt et l'arbre sont une chose essentielle pour moi. J'ai toujours eu une fascination pour l'arbre. Quand j'étais gamin, dans le jardin familial, il y avait des très hauts peupliers de plusieurs dizaines de mètres, je pense au moins 20 ou 25 mètres. Et je grimpais jusqu'au-dessus de l'arbre et c'est là que je lisais ou j'étudiais. Je faisais mes leçons ou mes examens en haut dans les arbres, tout en haut. C'était pour moi un lieu de... C'est très difficile à expliquer quand on est enfant. On ne le perçoit pas de la même façon. C'était pas le côté... C'était pas la perception du vivant qui m'intéressait, c'était grimper, c'était voir le monde, mais c'était aussi voir le monde à travers les branches d'arbres, à travers le feuillage, à travers le vent, le balancement, la souplesse de l'arbre. Et il y avait quelque chose qui me nourrissait de cela sans que ce soit du tout conscient. C'était une pulsion très... primaire, je dirais, celle d'être dans un environnement qui me nourrissait d'une certaine manière et qui m'apportait en même temps un calme et une sérénité que je n'avais pas ailleurs. Et en même temps une vision sur la planète. En hauteur, comme ça, on a une vision sur le restant du monde qui n'est plus du tout la même que celle d'un enfant qui voit les choses. assez près.

  • Speaker #0

    Et puis alors, assez vite, pense au début de ta carrière, tu habitais d'abord à la campagne ou dans la forêt, et tu as construit une maison, la maison Orégiona. Donc, il y a vraiment, je sens, cette mission de transmission et de faire avec tes mains, même si elles ne sont pas dans la terre, tu as créé du beau et tu as créé en lien avec la nature, quand même, finalement.

  • Speaker #1

    Cette première maison, c'est la toute première... Non, j'ai investi dans d'autres choses avant, mais c'est celle où j'étais le plus loin. quand j'ai trouvé mon équilibre dans le couple avec les premiers enfants, vivre dans un environnement qui correspondait à un idéal très profond, plus qu'un... c'est autre chose encore qu'un idéal, c'est une pulsion vers une vie dans laquelle je croyais profondément comme étant l'essence même des choses. Et là, c'était la proximité que la forêt était. totalement indispensable. Il me fallait une forêt. Il fallait une maison. Elle pouvait être très petite. D'ailleurs, elle était fort petite. Mais elle devait être entièrement en relation avec l'ensemble de l'environnement et du vivant. Donc, c'était un hasard absolument incroyable. C'est qu'au moment où j'ai la possibilité de faire cette maison, sort les tout premiers capteurs solaires. Une firme allemande qui les fabrique. Et je comprends à ce moment-là qu'il y a là une petite... possibilité fantastique, mais qu'est-ce qu'on faisait Ce qu'on fait encore maintenant, on prend une maison classique tout à fait bête dans un lotissement, on met des capteurs solaires sur la toiture. Et j'ai été voir la firme qui les fabriquait, je lui ai dit, c'est pas ça, avec des capteurs solaires, la maison doit être totalement différente. Elle doit être faite pour capter l'ensemble de tout ce qui se passe autour et son environnement. Donc elle doit être conçue dans un autre ordre. Et moi je peux vous faire... je peux faire une maison qui va exprimer totalement cela. Et je vous propose de le faire avec mon capteur solaire. Donc, ils m'ont offert les 80 m² de capteur solaire que j'avais besoin et les pompes nécessaires pour le faire fonctionner. Je ne pouvais pas le faire autrement. Je l'ai fait avec très, très, très peu d'argent. Donc, j'ai fait la même chose avec la firme qui fabriquait les éoliennes. Je leur ai dit, l'éolienne que vous avez placée là, à côté de l'usine, ne démontre rien. Si vous la mettez chez moi, je vais montrer qu'on peut fonctionner avec le vent pour avoir de l'électricité et qu'on peut être autonome. Et ça, c'est non seulement un coup de chance, mais peut-être que ce n'est pas la chance, qu'il y a autre chose. Je suis arrivé au moment où c'est parce que... Le moment était là que j'ai pu utiliser tout cela et créer une maison que j'ai réalisée en grande partie moi-même. Donc, comme tout était différent de ce qu'il y avait dans le marché, je n'avais pas d'autre possibilité que de le concevoir, le réaliser et le vivre. Alors, ça donnait évidemment une force d'expression qui était assez originale parce qu'il y a peu de maisons qui sont aussi... personnelle que celle-là, puisqu'ici j'imaginais une chose, je la dessinais quasiment instantanément ou dans les heures qui suivent par quelques croquis. Puis, dans mon atelier, avec une petite scie sauteuse, une foreuse et une ponceuse, je réalisais les meubles avec des doses de hêtres qui venaient de la forêt d'à côté. Et ça m'a permis de... de rentrer dans une démarche d'une créativité assez extraordinaire parce que c'était penser, concevoir, dessiner, réaliser et vivre, tout dans une même lignée. Et là, je rentrais dans un fonctionnement qui m'a porté. Donc j'ai pu continuer à me développer à partir de ce bagage qui s'est constitué à un moment absolument particulier qui était celui de l'émergence du mouvement hippie, du retour à la terre, des mouvements underground, de tout un courant de pensée qui était arrivé à ce renversement des valeurs, en disant que la technique, l'artificialisation ne nous apporte rien qui va nous permettre de réellement nous épanouir. Et là, j'ai construit l'univers qui était fait pour être la prolongation. de quelque chose que je ressentais tellement profondément, avec une telle vivacité qu'il n'y avait qu'une seule possibilité pour moi, c'était de le vivre, de le réaliser. C'était un chemin totalement obligatoire. Je n'avais pas d'alternative. Et je devais aller absolument jusqu'au bout, le faire sans aucune concession, jusqu'à trouver tout ce qui m'était nécessaire. pour pouvoir le vivre. Et le vivre m'a amené petit à petit à prendre conscience qu'il y avait là une pulsion primordiale dont seulement une partie me nourrissait complètement. C'était celui de la création de l'espace, du lieu de vie, de l'environnement, mais pas celui de la connexion aux plantes. De la connexion aux plantes. plantes, dans la manière dont ils vont pousser, etc., dans l'entretien du jardin, du potager, du verger. Là, je n'étais plus en face. Mais ma compagne, elle s'en chargeait et elle réalisait cette connexion qui m'était tout à fait nécessaire.

  • Speaker #0

    Et un des besoins profonds qu'on a aussi, je pense, en tant qu'être humain, c'est ce besoin d'appartenance et d'avoir ce lieu de vie complètement en lien avec ton environnement. Ça répond peut-être à ce besoin qu'on a de se sentir, faire partie, comme tu l'as dit au début, de la famille du vivant. Et c'était une réponse, c'était une concrétisation en fait, de ce lien que tu avais avec ton environnement, de pouvoir vraiment faire un lieu de vie pleinement en lien avec ton environnement.

  • Speaker #1

    Fondamentalement, c'était celui d'avoir l'enveloppe protectrice, l'habitation, dont cette enveloppe, cette peau, cette enveloppe devait être aussi ténue que possible pour pouvoir permettre à l'ensemble de l'environnement de l'imprégner de gommer le plus possible cette différence entre l'intérieur et l'extérieur et que tout devienne environnement c'est vraiment ça que la maison fasse partie intégralement de l'environnement ça c'est vraiment le fondamental et plus cette cette enveloppe de protection était transparente, était légère, mieux je me portais. Donc plus je pouvais m'enrichir de ce qu'elle pouvait m'apporter, et inversement. Moi, enrichir cet environnement, c'est un problème d'échange. Je suis nourri, je nourris. Je ne peux l'envisager que comme ça. Certainement pas quelque chose qui est à sens unique.

  • Speaker #0

    Et ce qui est magnifique, c'est que tu as trouvé pour moi cet équilibre entre le fait de se sentir protégé. Parce que c'est vrai que parfois, j'invite aussi les personnes à passer une nuit dans la forêt ou aller, moi aussi, passer une nuit dans la forêt. Et la peur est là. Parce qu'on se sent complètement vulnérable et pas du tout protégé. Donc oui, on est en lien, mais en même temps, il y a cette peur. Et là, tu as créé cette bulle de protection, tout en restant complètement en lien avec ton environnement. Ça, c'est assez magique, assez magnifique.

  • Speaker #1

    Quand on voit les dessins, les photos de cette habitation, la chambre à coucher est... se terminer par une sorte d'avancée entièrement vitrée et ouverte sur le ciel, vers les arbres, le jardin et le ciel. Et l'idée était de mettre son lit dans cet endroit-là et dormir, en regardant avec la voûte étoilée. Ça a été un moment absolument incroyable. Le premier jour où j'ai pu vivre ça, je pense que c'était un moment... le plus intense dans ma vie. Mais je n'ai pas dormi. Et c'était beaucoup trop puissant, beaucoup trop fort. Et le lit qui devait être tourné vers le ciel, on l'a inversé, on l'a tourné dans l'autre sens, parce que l'avoir juste devant soi, c'était suffisant. Mais avoir vraiment sa tête dans le ciel, l'énergie était beaucoup trop forte. On n'arrivait pas à se reposer. Donc on l'a tourné dans l'autre sens. Et là, c'était... On a pu trouver le repos nécessaire.

  • Speaker #0

    Et puis après, qu'est-ce qui t'a motivé à revenir en ville

  • Speaker #1

    Beaucoup, beaucoup de choses qui se sont ajoutées. Ce n'est certainement pas une raison. Mais une des premières raisons, c'est que mon travail était lié à la ville. En tant qu'architecte, je travaillais avec des clients qui habitaient dans de l'urbain. Je prenais donc souvent ma voiture pour aller les rencontrer et discuter avec eux. Mais aussi pour faire nos courses, alimenter la maison, on prenait la voiture. Pour aller chercher les enfants, on prenait la voiture pour les conduire à l'école. Et on était totalement dans un mode de vie qui était en contradiction avec l'objectif principal, qui était de s'éloigner et de vivre de la forêt. Cette proximité qu'on a trouvée à la nature a créé un éloignement et une artificialisation dans notre comportement qui n'était plus en cohérence. Ça, ça a été quelque chose qui a été déterminant. Le fait que la maison était très petite et qu'on voulait avoir d'autres enfants et avoir un espace de vie plus grand, et que la maison était conçue comme une entité... fermée comme une matrice. Elle ne pouvait pas être agrandie sans être fondamentalement abîmée et détériorée. Donc je n'avais pas du tout envie de casser quelque chose qui m'avait tellement plu. Et l'expérience de la construction de cette maison, mais qui a été jusqu'à la réalisation de tous les meubles, des mécanismes de serrure, d'une salle de bain, d'une cuisine qui ne ressemblait à rien d'autre. que ce qu'on avait imaginé, une toilette, tout était dans le rapprochement vers des choses qui nous étaient fondamentales et qu'on voulait vivre, mais qui avaient son sens à cet endroit-là. Je me suis posé la question en disant, mais ça a été fantastique de le créer, mais créer une nouvelle chose, mais non, ça peut être encore plus extraordinaire, parce que je peux continuer avec le bagage que j'ai appris en faisant cette première chose. Mais à quoi ressemblerait une maison de ville Une maison pour quelqu'un située comme ça, c'est un travail, une introspection très personnelle. Mais quel sens est-ce que ça peut avoir pour d'autres Tout le monde ne peut pas aller vivre en plein milieu de la forêt, ça ne fonctionne pas. On est appelé à vivre en communauté, en groupe. Et là, comment est-ce que je peux maintenant transposer cette même démarche en pleine ville. Et ça, c'était un défi fantastique que j'ai eu beaucoup à cœur de pouvoir réaliser. une autre fois en me disant maintenant je dois m'atteler à cette Ausha. L'autonomie c'est très bien quand on est au bout du monde, je ne suis pas au bout du monde, je suis dans une société et là l'autonomie n'est plus un but en soi. Quand on a une infrastructure dans une rue avec les cités, les égouts, avec tout, on ne va pas s'isoler alors que le réseau existe. Donc j'ai cherché à répondre à cette question dans un environnement qui pouvait me satisfaire également, c'est-à-dire un environnement urbain, mais totalement en immersion avec le monde végétal, des arbres. C'est à partir de là que j'ai commencé à revoir la manière dont il faut fonctionner et travailler sur un autre concept, comment est-ce que je peux le faire avec l'existant. avec un existant construit, en utilisant au maximum les possibilités de ce qu'il y avait sur place, en ne jetant rien. Ça, c'était une des conditions. Quand on réfléchit en termes d'écologie, il ne peut pas y avoir de déchets. Les déchets, c'est un nutriment ou c'est un outil ou un matériel qui doit servir à autre chose. Le recyclage doit être permanent. Donc ça, ça a été des premières règles que j'ai voulu appliquer ici. Tout ce que j'ai cassé a servi de matériau pour faire autre chose. Le jardin, qui était en fait uniquement un espace rempli de garage, a été cassé. Toute la façade arrière a été cassée. Tous les matériaux ont été récupérés pour pouvoir être étalés dans le jardin et refaire une volumétrie qui manquait. Parce que ce jardin... tout plat et tout à fait minéral, ne m'intéressait absolument pas. Puis j'ai fait venir 20 camions de très bonne terre que j'ai étalés sur les déchets qui ont servi de drain et d'assises à la nouvelle volumétrie, ce qui m'a permis de sculpter véritablement un nouveau jardin. Oui,

  • Speaker #0

    donc ça a été un peu ta quête, toute ta carrière après, d'essayer d'intégrer de plus en plus la nature dans la ville. Et tu as développé tous ces projets pour essayer d'intégrer plus la nature dans la ville.

  • Speaker #1

    C'est pour moi totalement indispensable, vital. Vivre au milieu d'un espace uniquement minéral est totalement déprimant. Il nous manque le sens même de ce que nous sommes. Nous sommes des êtres biologiques, nous poussons. Donc nous devons vivre autour de choses qui vivent, qui poussent, qui palpitent.

  • Speaker #0

    Et toi, tu penses, ici, tu as retrouvé ta place. Voilà. Tu as retrouvé ce lien. Et je trouve ça assez intéressant. Parce que, comme je dis, il y a pas mal de personnes qui me disent Mais je ne peux pas me connecter à la nature parce que j'habite en ville. Et moi, je me souviens que toi, je t'ai tout entendu dire Moi, je suis un citadin. J'aime bien habiter en ville. Et malgré tout, tu trouves ce lien à la nature au quotidien. Tu arrives à la vivre complètement.

  • Speaker #1

    J'ai créé un environnement qui correspond totalement à ça. L'ensemble du dessin de la maison fait que les plantes rentrent dans la maison par le biais de la veranda, par le biais de cette grande serre qui éclaire jusque la pièce centrale et qui nourrit la maison de tout ce qu'elle peut apporter. Certaines plantes sont en pleine terre, même s'elles sont dans la maison, elles prennent l'eau du jardin et fonctionnent avec la terre qui se trouve dans le jardin. Tout est dans cette espèce d'osmose qui est pour moi la seule manière de faire vivre une maison. Elle va vivre par son lien avec le restant du vivant.

  • Speaker #0

    J'avais aussi envie de te parler du mouvement, parce que j'ai vu une de tes expos, je pense que c'était à Saint-Gilles, le mouvement Solar Punk. Et quand j'ai découvert le mouvement Solar Punk, je me suis dit, tiens, mais Luc, il était Solar Punk avant que ça devienne vraiment un mouvement artistique dont tout le monde parle maintenant. Comment est-ce que toi, tu décrirais ce mouvement de Solar Punk

  • Speaker #1

    Je commençais par décrire l'inverse, le cyberpunk. Donc le cyberpunk a existé, je pense, avant le Solar Punk. On a donc imaginé un monde entièrement artificiel, assez négatif, assez destructeur. où elle a tout gagné. des pulsions morbides dedans, qui sont attractives par le côté morbide justement pour certaines personnes. Ça donnait naissance à un mouvement, à un moment où on passe dans des basculements. Plus ça s'est développé, plus l'effet contraire était appelé et nécessitait une réaction. Et à cette vision d'un futur apocalyptique, nos futurs, ne pouvait naître que le mouvement inverse, celui où on peut imaginer un futur qui soit lumineux, qui nous enrichisse. Et ça, c'était le mouvement Solar Punk. Il se fait que le mot et le mouvement sont arrivés bien après que je me sois embarqué dans ce mouvement. J'ai découvert qu'il avait un nom bien plus tard, assez récemment d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Justement, je voulais aussi parler de ton nouveau livre qui va bientôt sortir. Tu en as touché quelques mots avec ce mouvement du cyberpunk. Et qu'effectivement, pour l'instant, il y a beaucoup de récits dystopiques qui sont véhiculés. Des récits d'effondrement, de fin du monde, de nos futurs, de cette génération qui s'appelle The Last Generation. Des récits vraiment apocalyptiques. Je pense que là, on se rejoint, on a profondément besoin de récits positifs aussi. Et même peut-être pas... complètement utopique, mais ce que j'aime beaucoup chez toi, c'est que c'est impossible, en fait. Ce n'est pas une utopie. Ce que tu nous partages, c'est réalisable, c'est souvent dans du concret. Tu peux nous en dire un peu plus de ce besoin On est à un moment où c'est tellement important de véhiculer ce genre de récits.

  • Speaker #1

    Absolument. Et c'est d'autant plus important que ce qui s'est le plus développé, c'est le côté anxiogène. Et c'est un peu logique. Si on veut écrire un roman ou quelque chose, on ne peut pas écrire une histoire où tout se passe bien, ça va vite lasser. Les gens, c'est quand on met en danger quelque chose, quand il y a une peur, que l'on commence à vibrer. Mais ça a été tellement fait, on n'a fait pratiquement que ça, d'écrire les choses les plus apocalyptiques qui vont se passer. qu'on en est complètement submergé, noyé, etc. Et on en arrive à un stade de ce que l'on a appelé le nocebo. Cette manière de dire que l'on convoque ce dont on craint le plus, c'est l'effet que ressent quelqu'un qui a le vertige au point de se jeter dans le vide. Ça, c'est l'effet nocebo. Mais à force de nous montrer que ça, on pourrait aussi imaginer qu'il n'y a pas d'autres issues, alors que c'est vraiment le contraire. Moi je crois surtout dans l'effet placebo, c'est-à-dire ce qui est un médicament qui devrait normalement nous guérir, mais c'est simplement l'effet psychologique de penser que l'on va guérir qui fait que l'on guérit. Nous pouvons très bien utiliser cela en nous baignant dans un monde positif qui fait qu'on va arriver vers ce genre de choses simplement parce qu'on l'a construit dans notre tête. Chaque réalisation commence d'abord par un projet, par un dessin, par une projection de quelque chose. On ne va jamais réaliser quelque chose qu'on n'a pas d'abord complètement imaginé, construit dans sa tête et dessiné. Donc mon idée est de dire qu'il y a suffisamment d'expériences, de choses autour de nous qui montrent qu'il y a de multiples voies extraordinaires vers un monde fantastique, que le mettre toutes ces choses bout à bout constitue une sorte de matière vivante, d'énergie qui va nous permettre de voir que c'est possible et que cette... indispensable d'aller vers ce genre de choses. Si nous avons les outils nécessaires pour nous en tirer de manière magnifique, ce serait vraiment bête de ne pas le faire. Et dès le moment où on commence à regarder toutes les expériences magnifiques qui sont faites partout dans le monde, on voit qu'on a tout à notre portée, qu'il suffirait de s'y mettre suffisamment de gens pour arriver à le faire. Il ne faut pas attendre que tout le monde s'y mette, on met quelques-uns à montrer que ça fonctionne. Et alors, c'est absolument fantastique de voir qu'il y a un écoquartier qui s'est créé et qui fonctionne de manière tout à fait équilibrée, même si âge. quelques problèmes, on les résout, on avance, on en crée un autre, etc. Et tout ça commence à devenir une réalité. Dès le moment où on peut voir qu'il y a des exemples qui marchent, il n'y a aucune raison de ne pas commencer à les multiplier. Mais il nous faut la matière de départ, elle est là. C'est ça que je montre dans mon livre. En allant parfois un pont plus loin, en disant si on est plusieurs à le faire, qu'est-ce que ça fait qu'est-ce qui se passe si à l'échelle d'une ville, on repense une organisation complète et on part d'une base très simple. La voiture est une bêtise incroyable. La voiture, c'est une tonne et demie de ferraille qui peut transporter 150 kg de passagers, pas 10 de rendement, et puis l'essence, etc. Tout ça ne marche pas. Mais pourtant, on l'a rendu tellement attractif que tout le monde en a une ou deux. Et ça rend la ville complètement invivable. Ça la pollue complètement. L'espace réservé aux voitures est considérable par rapport à ce qu'il pourrait y avoir au parking, etc. Alors qu'on pourrait très bien avoir une ville de nature. C'est ce que je montre dans le livre et je le remplace par d'autres moyens de transport bien plus efficaces, bien plus rationnels, mais qui n'existent pas en commun. Non, simplement... Parce que nous sommes dans un état un peu de léthargie. La voiture est devenue tellement sexy, tellement attractif. En fait, elle est bien foutue au niveau technique, individuellement. Mais c'est la collectivité qui ne fonctionne pas. Dans le livre Un monde désirable, je remets un peu les choses à plat. Je me dis à quoi pourrait ressembler une agglomération, une cité, qui correspondrait réellement à mes attentes. Et là, j'imaginais tout un truc, je ne vais pas le décrire maintenant, mais qui fonctionne sous forme de boucle avec un transport en commun qui peut desservir l'ensemble des habitations, maximum 10 minutes à faire à pied pour les gens qui sont le plus éloignés, mais des espaces verts intérieurs très importants qui remplacent les espaces utilisés. que l'on a dédié à la voiture actuellement et d'autres moyens de fonctionnement mais seulement avec les énergies renouvelables continuer à travailler avec les énergies fossiles c'est une aberration complète d'ailleurs on sait qu'en moins de 200 ans on va épuiser l'ensemble des réserves que la planète a tout en polluant complètement notre environnement avec des dégâts collatéraux considérables on peut pas aller dans cette voie-là, c'est totalement intraprensable. Alors quelles sont les voies C'est ça que j'essaye, que je montre, que j'explique dans mon livre. Toutes les voies parallèles qui nous mènent à un équilibre qui nous est aussi nécessaire.

  • Speaker #0

    J'ai une question un peu piège peut-être, mais est-ce que tu penses que le changement comme ça peut venir des citoyens Ou est-ce qu'on va avoir besoin des pouvoirs publics

  • Speaker #1

    Pour moi, les deux sont intimement liés. Les pouvoirs publics se reposent sur les citoyens et les citoyennes sur les pouvoirs publics. Il y a une interaction complète. Actuellement, les changements climatiques, la conscience de l'importance des changements climatiques n'est pas encore ancrée dans la masse de la population. Il y a beaucoup de gens conscients qui manifestent, etc., qui luttent contre, mais par rapport à la masse générale de la population qui reste très attachée. à des préoccupations très journalières, leur pouvoir d'achat, des choses comme ça, sans suffisamment entrevoir un avenir plus lointain. Quand on a le nez dans le guidon, c'est très difficile de voir ce qui se passe beaucoup plus loin. C'est seulement quand on a pu avoir la chance de prendre un peu de recul et d'être moins angoissé par tout ce qui... peut se passer dans le présent, qu'on peut imaginer ce qui se passe, par exemple, à se passer un peu plus loin. Mais c'est quand même... Une de nos préoccupations qui devrait être fondamentale, c'est penser au monde que nous allons préparer pour nos enfants, nos petits-enfants, nos derniers petits-enfants. Et ça, c'est un rôle principal auquel nous devons penser, même si aujourd'hui, on a quelques difficultés à nos fins de mois. Il faut quand même aussi entrevoir ce qui va se passer plus tard. Et là... on n'avance pas très vite. Mais dès le moment où il y aura suffisamment de gens dans la population pour pouvoir s'entourer de décideurs qui vont aller dans le même sens que la population, le jeu de la démocratie se fera correctement et on ira vers des véritables solutions. Ce n'est pas encore vraiment le cas.

  • Speaker #0

    Tu parles un peu aussi de ta créativité, ton imagination. C'est quelque chose qui est vraiment... très présent chez toi, cet imaginaire que tu arrives à activer assez facilement. Tu parlais au début, donc tu observes, tu observes la nature, tu te laisses inspirer et puis après tu imagines.

  • Speaker #1

    Je lis, je m'informe beaucoup. L'imaginaire ne peut reposer que sur... Mon imaginaire, je veux le discipliner à ce qui reste dans le domaine du possible. Je ne veux absolument pas qu'il s'égare. du côté du rêve, du fantasme, parce que ça, c'est toujours décevant. Là, on rentre dans un domaine où on ne contrôle plus vraiment. Le rêve peut devenir un cauchemar. Dans une construction, ce n'est pas la même chose. On le bâtit élément par élément et on choisit les pierres qui vont faire l'édifice. C'est dans cette optique-là que je travaille. Je recherche quels sont les systèmes, les valeurs que je peux trouver dans la nature. qui vont me permettre d'imaginer que je peux le transposer dans des schémas de construction. Comment est-ce que la nature peut m'apprendre à être durable, à fonctionner avec d'autres organismes vivants, en écosystème, en équilibre avec d'autres éléments. Je pense qu'il y a là un enseignement absolument fabuleux et qui est la chose qui va me nourrir principalement. Parce que là, j'ai une confiance absolue dans ces valeurs-là. Le restant, on peut toujours leur mettre en question. Est-ce qu'une loi, un principe, un système constructif est valable ou pas Là, on peut toujours en discuter. Est-ce qu'aller dans cette voie-là va être bénéfique pour la planète On peut en douter. La nature, pas. Là, on sait que tout ce qui n'était pas rentable a été abandonné, que tout ce qui fonctionnait n'est pas très bien. Et c'est ça qui fait que, au fur et à mesure que le temps passe, la nature est devenue de plus en plus résiliente, magnifique, complexe, elle intègre des organismes vivants de plus en plus riches. On regarde ce qui s'est passé il y a quelques milliards d'années, c'était d'une brutalité, c'était très très sauvage, il n'y avait pas grand-chose. Et au fur et à mesure, c'est devenu une beauté extraordinaire. Comment est-ce que tout cela s'est mis progressivement en place Il y a eu des hauts et des bas, il y a eu des grands cataclysmes aussi, mais chaque fois, avec le temps, les choses se sont perfectionnées. On est arrivé à un stade où les choses sont d'une beauté exceptionnelle, tant qu'on ne les abîme pas. Et nous les abîmons à une vitesse bien plus grande que ce qu'elle a comme possibilité pour se renouveler. Donc nous devenons nuisibles. pour l'ensemble du vivant. Et ça, c'est totalement inacceptable. Comment peut-on partir dans un autre sens Comment peut-on travailler en bonne intelligence avec l'ensemble du vivant Comment peut-on rétablir, dans une certaine mesure, ce que nous avons à mimer, remettre en place des écosystèmes, des tourbières, des machins, pour arriver à ce que la planète soit plus belle après notre passage Ça, c'est quand même fondamental.

  • Speaker #0

    Oui, donc tu t'inspires de la résilience de la nature pour essayer de créer des systèmes résilients pour que l'être humain puisse continuer à habiter sur la planète sans l'endommager.

  • Speaker #1

    Arriver à remettre en place, quand on voit des scientifiques, des botaniques qui arrivent à replanter, à remettre une forêt en place, c'est vraiment toujours tout à fait magnifique à réalimenter une tourbière. et avoir toute la nature qui s'y installe, directement les insectes. les mammifères, les oiseaux qui arrivent, tout cela qui commence à revivre, c'est d'une très très très grande beauté. C'est ce qu'on peut trouver dans ce magnifique livre, Tresser les herbes sacrées dont on a parlé ensemble, et qui est une merveille parce que c'est un livre fait de l'émerveillement par rapport à la nature, et qui m'a totalement bouleversé parce que son auteur, cette amérindienne qui est en même temps une biologiste, arrive à nous parler du sacré de manière qui m'a totalement touchée parce que pour moi le sacré était devenu quelque chose lié aux religions et ça me pesait énormément. J'en voyais plus ce mot parce que c'était trop lié à des dogmes, à des choses que je déteste. Mais là, elle apporte une dimension au sacré. qui est entièrement liée au vivant et à la nature. Elle donne une dimension magnifique. Ça a été un choc pour moi, véritablement retrouver la puissance de cette émotion, plus que cette émotion, cette valeur suprême qui est dans tout ce qu'elle raconte. Et ça, c'est par l'ensemble de ce qu'elle a appris dans son enseignement ancestral. des Amérindiens et de leur perception primordiale de tout ce qui est la nature.

  • Speaker #0

    Et c'est un travail important aussi de... Je vois le parallèle dans ce que toi tu fais, de remettre en beauté. Oui. Et redonner envie, remettre de l'inspiration. On en parlait aussi que tous ces récits finalement qui font peur ou qui culpabilisent ne donnent pas envie d'agir. Et je pensais que ce besoin, ce travail de... donner envie de faire par le beau et l'émerveillement. C'est important.

  • Speaker #1

    C'est ce qu'il y a de plus important, c'est retrouver le côté sacré.

  • Speaker #0

    Et comme tu le dis, redonner à certains mots leur caractère premier. Parce que je te rejoins tout à fait que sacré est un mot qui était devenu tellement lourd. Et de pouvoir remettre ce mot à sa place, c'est important. Et pouvoir reparler du sacré quand on parle de lien à la nature, c'est aussi important. Je pense qu'on arrive tout doucement. À la fin. Et une dernière question que je voulais te poser, c'est est-ce que toi, tu as des pratiques que tu fais pour cultiver justement ton imaginaire ou ta créativité

  • Speaker #1

    Pas vraiment. En tout cas, pas des rituels. Ce que j'ai essayé, j'ai tenté des tas de choses, mais finalement, ça se fait quasiment naturellement. Ça peut être dans mon lit, ça peut être dans mon bain. Dans des moments un peu remarquables, ce que j'ai essayé d'expérimenter a été parfois peut-être un peu théorique, mais je ne l'ai pas vraiment réussi à le mettre en pratique. Je pense par exemple à mon lévitateur, qui est cet appareil que j'ai inventé, qui est un treuil qui est relié à une poulie tout en haut d'un de mes arbres et qui redescend vers un fauteuil. Je me mets dans le fauteuil avec un petit appareil qui s'appelle le biofeedback, qui analyse les ondes mentales. Quand je rentre en méditation, le biofeedback envoie un signal au treuil et je monte dans l'arbre jusque dans la canopée. Tant que je suis en méditation, je reste là. Ça m'a beaucoup amusé et j'ai trouvé intéressant de chercher quelque chose. Parce que quand on rentre en méditation, on a l'impression de léviter, de quelque part de s'élever. Quand c'est accompagné par le mouvement du corps et qu'on s'élève et qu'on se retrouve dans les hauteurs et que l'on ressent le monde, la lumière à travers le feuillage, il y a quelque chose qui est normalement très puissant. Je l'ai fait quelques fois, mais je n'en ai jamais fait une habitude. Donc c'était pour moi intéressant d'y réfléchir, de le mettre au point, de le faire vivre à plein de gens qui se sont bien amusés avec ça. Mais ça s'est resté peut-être un peu un gadget, parce que finalement, la réflexion et la méditation, elles se passent à tout moment. Il ne faut pas un lieu particulier. Je ne pratique rien de particulier. Ça arrive quand je dois réfléchir à un problème ou quand je suis dans un moment de calme. Ça peut être en me promenant. J'ai remarqué que je peux me promener dans la nature. J'ai un très bel espace tout près d'ici, le Bourrasque, et je peux me promener pendant une heure là ou deux. Et quand je reviens à la maison, ma compagne Claire me demande alors, tu as vu maintenant, tout est en fleurs, les bourgeons. Non, les bourgeons, les fleurs, moi je n'ai rien vu du tout, rien, mais j'avais strictement... rien vu. J'étais tellement dans ma tête à imaginer des choses que je passe à côté de tout sans strictement rien voir parce que je suis occupé à construire, faire un schéma et tout ça se passe dans mon cinéma intérieur. Mais même si j'ai rien vu, j'ai capté les odeurs, les lumières etc. C'est rentré dans un inconscient qui quelque part, ça m'a échappé consciemment. Mais inconsciemment, qu'est-ce que ça a fait Je ne sais pas, ça reste un grand mystère.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux auditeurs et aux auditrices qui sont peut-être en manque d'inspiration, ou qui voient tout en noir, ou qui se laissent peut-être emporter, submergés par ces récits qu'on entend, qui auraient envie peut-être de nouveau imaginer des belles choses, d'être plus créatifs Est-ce que tu aurais un conseil à leur donner

  • Speaker #1

    Regarder le beau, évidemment. On est sollicité en permanence par ce qu'il y a de plus terrible qui se passe, un accident, un crime, un truc, ça fait la ruine des journaux. Mais une belle chose, non. C'est dommage, pourquoi est-ce qu'on ne met pas dans les journaux, je ne sais pas. Une mère qui a retrouvé la relation avec son fils, qu'elle avait perdu, je ne sais pas, des belles trucs, mais des choses importantes, magnifiques, joyeuses. Il y en a tout le temps.

  • Speaker #0

    Aller chercher le beau, c'est déjà une belle invitation. Aller voir des expos, aller voir de l'art.

  • Speaker #1

    Absolument.

  • Speaker #0

    Et se laisser toucher par la beauté. C'est une belle conclusion. Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté cet épisode de Dans la nature des choses. J'espère qu'il t'a inspiré autant que cette rencontre a compté pour moi. Que tu en ressors avec des images plein la tête et peut-être l'envie de rêver toi aussi un monde plus désirable en lien avec le vivant. Si cet épisode t'a plu, n'hésite pas à le partager autour de toi. Tu peux aussi laisser un commentaire, mettre 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée ou t'abonner pour ne rien manquer des prochains épisodes. Ça fait vraiment une grande différence et ça m'aide à faire grandir ce podcast. tout en douceur. Et si tu veux aller un peu plus loin dans cette reconnexion à la nature, tu peux aussi t'inscrire à ma newsletter. Je t'y partage des réflexions, mes ressources et les coulisses du podcast. On se retrouve dans deux semaines pour un nouvel épisode, et d'ici là, prends bien soin de toi et de ta relation au vivant.

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