- Speaker #0
Bonjour, c'est Léa Hirschfeld. Vous êtes en train d'écouter SIR, une mini-série décalée soutenue par la Fondation d'entreprise OCIIRP. Engagée pour l'autonomie, elle agit pour que chacun puisse se construire dans un environnement qui s'adapte aux différences. Mieux connaître et faire connaître la réalité des jeunes aidants et identifier des réponses concrètes pour les accompagner dans la réalisation de leurs projets de vie autonome, c'était l'objet de la recherche Trajectoire et socialisation des jeunes aidants ou TRAJED, menée par Céline Jung-Lorient. auprès des dantes de 18 à 28 ans. Dans ce second épisode de Sœurs, vous entendrez les regards croisés de Périne et Céline. Bonjour Périne. Bonjour Céline. Céline, est-ce que tu peux nous parler un peu plus de cette recherche ? Qu'est-ce que c'est la recherche trajède ?
- Speaker #1
La recherche trajède, c'est une recherche qui s'est déroulée en plusieurs phases. La première phase, je l'ai menée avec mon collègue David Mahut, et c'était une recherche qui est née... de notre interrogation de sociologues, en ce qui me concerne, de sociologues qui travaillent plus souvent sur la question de la protection de l'enfance et des enfances et des adolescents, pas comme les autres, et d'entendre à la radio l'annonce d'une stratégie gouvernementale des aidants qui incluait en 2019 pour la première fois les jeunes aidants, a déclenché un tilt dans ma tête. Je me suis dit, en fait, que sait-on des jeunes aidants ? Et finalement, on n'en savait pas grand-chose. Et donc, j'ai eu envie d'enquêter sur cette question-là.
- Speaker #2
Sur le coup, je savais pas vraiment dans quoi j'allais m'engager, puisque j'avais jamais participé à ce type d'échange. C'est vrai qu'en fait, on n'a pas vraiment d'espace de parole tant que ça. Enfin, il y a des groupes de jeunes aidants, etc., mais de choses qui vont permettre d'avoir une reconnaissance vraiment de notre parole. Moi, j'avais pas forcément connaissance de ça, donc je me suis dit pourquoi pas. Moi, j'étais un peu déçue que ça tombe pendant une période où je pouvais pas forcément la rencontrer, parce qu'en visio, on n'a pas les mêmes... type d'échange, on ne dit pas les mêmes choses, on ne connaît pas la personne. Donc c'est vrai que quand on ne la voit pas en vrai, ça ne crée pas un échange facile aussi.
- Speaker #0
C'était pendant le Covid ?
- Speaker #2
Oui, c'était pendant le Covid. Et du coup, ça a donné lieu aussi à des aménagements un peu plus compliqués que si j'avais pu sortir, puisque je n'avais pas forcément envie que ma famille entende ce que j'allais dire, parce qu'à la fois pour moi être libre de dire ce que je veux et pour le risque de blesser les gens sur des choses que j'aurais pu dire. ou autre, du coup, moi j'ai fini par terre dans ma salle de bain à côté des toilettes à parler à Céline avec une connexion internet très très mitigée. Donc voilà. Donc j'habite avec ma mère et l'une de mes sœurs, Jeanne, qui est la personne handicapée du coup, qu'on accompagne. J'ai une deuxième sœur, Mathilde, qui est ma sœur aînée aussi, c'est moi la plus jeune. Donc Jeanne a 27 ans, Mathilde a 29 ans. Mathilde a quitté la maison il y a un peu plus de deux ans, je dirais trois ans. trois ans maintenant. Et notre père est totalement absent. Il ne s'occupe que de Jeanne, et encore s'occuper est un bien grand mot, mais on en parlera plus tard. Il a quitté la famille il y a une dizaine d'années. Ce qui fait que nous, on a dû quitter aussi notre logement d'avant et donc être dans un appartement où on entend tout, en fait. Donc quand on veut avoir des conversations un petit peu privées, il vaut mieux s'isoler.
- Speaker #0
T'as quel âge, Périne ?
- Speaker #2
J'ai 25 ans.
- Speaker #0
T'es proche de tes sœurs ?
- Speaker #2
À la base, oui. Je suis très proche de mes deux sœurs, de la même manière. Mais le souci, c'est que cette année, le fait que le handicap de Jeanne prenne beaucoup de place dans ma vie et dans ma tête a un impact sur ma relation avec ma sœur aînée, Mathilde, dont je suis toujours très proche dans les relations quand on se voit. Mais par contre, moi, j'ai beaucoup de colère, de plus en plus, ce qui, du coup, gâche un petit peu la relation.
- Speaker #0
Il y a des reproches particuliers.
- Speaker #2
Alors en fait, Mathilde, elle est partie pendant un certain temps à Saint-Martin, habiter là-bas parce qu'elle travaille dans le bâtiment, elle est peintre. Et en fait, elle est partie là-bas pour reconstruire après une catastrophe naturelle.
- Speaker #0
C'est dans les Caraïbes, c'est des îles.
- Speaker #2
Oui, c'était...
- Speaker #0
C'est très loin de la France, c'est très loin.
- Speaker #2
Oui, voilà. Et donc, elle est partie pendant environ deux ans, deux ans et demi, je ne sais pas exactement, mais un certain temps quand même. Et c'est vrai que c'est quand même tombé dans une période où le père de Jeanne, qui est aussi mon père mais que je n'appelle jamais comme ça, ne s'en occupait pas du tout. Il pouvait ne pas l'avoir pendant un mois, c'était très compliqué. Moi j'étais étudiante en même temps, ma mère travaillait. Donc il y a eu cette première phase où moi j'avais aucun reproche à faire à Mathilde. Pour moi, elle devait faire sa vie, c'était comme ça, c'était dans l'ordre des choses. Mais par contre, quand elle est revenue, c'est vrai que j'attendais quand même un petit peu. de participation, on va dire. Et au final, ça n'a rien changé. C'est toujours moi qui ai pris le relais au maximum auprès de ma mère. Et quand elle est partie de la maison, d'un côté, ça a été un soulagement parce qu'on partageait la même chambre avec des horaires décalés et tout ça. Ça n'allait pas du tout. Mais maintenant qu'elle est partie, on part du principe que c'est moi qui dois être là. C'est moi qui dois prévenir quand je ne suis pas là plutôt que me demander si je suis là. Et pour moi, ça, ce n'est pas normal. parce qu'on a la même responsabilité. On est toutes les deux les sœurs de Jeanne. Donc, ouais, moi, je suis en colère.
- Speaker #0
Elle a besoin de quel genre d'aide, d'accompagnement, Jeanne ?
- Speaker #2
Alors, Jeanne a une maladie rare. On l'a su récemment. Une maladie rare, vraiment rare, pour le coup, sur laquelle je n'ai même pas de nom à donner. Mais du coup, pendant des années, pour en parler, on a dit qu'elle était autiste parce qu'elle a beaucoup de troubles autistiques. Mais elle n'est pas autiste, à proprement parler. C'est juste plus simple pour la décrire. Donc Jeanne, elle est handicapée à plus de 80%, handicap mentale. Elle a un gros, gros souci au niveau de l'inhibition. Donc elle n'en a pas, concrètement. Donc elle va aller dans la rue, elle va parler à la terre entière, elle va faire des bisous à la terre entière, des câlins, toute recherche de contact, en fait. Plus on lui répond, plus... Et donc Jeanne a besoin d'accompagnement quotidien sur tous les actes du quotidien. Donc sur le plan moteur. ça se passe plutôt bien, donc elle n'a pas de difficulté à marcher, à se déplacer, elle sait manger toute seule, enfin ça il n'y a pas de problème, mais par exemple elle n'est pas capable de se faire à manger, elle n'est pas capable de se déplacer seule, se déplacer au sens d'aller d'un point à un point B en gérant l'itinéraire, en prenant la voiture, en prenant les transports, ça c'est pas possible. Elle a besoin d'aide pour s'habiller, pour se laver, tout ce qui est du psychomoteur, seule c'est pas possible, donc elle ne peut pas écrire, elle ne peut pas dessiner. Même jouer seule, elle le fait relativement peu parce qu'elle n'est pas du tout accompagnée dans cette voie-là par son établissement. Donc sur à peu près tout, globalement.
- Speaker #0
Est-ce que ça, ça veut dire que dès la petite enfance, des signes de handicap se sont manifestés ? Quel genre de prise en charge est-ce qu'elle a eue ? Est-ce que vous, vous avez été dans un parcours un peu similaire au début, la même école par exemple ? Ou est-ce que ça a toujours été vraiment deux mondes à part ? Vous êtes proches en âge, mine de rien.
- Speaker #2
Alors, Jeanne a eu un développement normal jusqu'à ses deux ans, et après elle a fait beaucoup de crises d'épilepsie pendant une dizaine d'années, ce qui a beaucoup accentué le petit problème qu'il y avait à la base. Et donc ils ont quand même fait un essai, mes parents, d'école maternelle, dans la même école que Mathilde. Et ça s'est mal passé, parce que le personnel n'était pas très sympathique, à l'égard de Jeanne, pas très tolérant, pas très patient. parce qu'elle ne voulait pas faire sa sieste, parce qu'elle était un peu hyperactive, parce que ceci, parce que cela. Et parce qu'au niveau même de l'expression, elle ne s'exprimait pas comme les autres enfants. Donc ça donnait lieu à des attroupements dans la cour auxquels assistait Mathilde. Et ça, ça a beaucoup dérangé ma mère qui travaillait aussi dans cette école-là. Et après, elle s'est fait virer de l'école. Ma mère a voulu porter plainte. Elle a voulu alerter la presse. Elle s'est fait un petit peu mettre de côté aussi. Elle a dû rester à la maison pour s'occuper d'elle parce qu'elle refusait, du coup, de lâcher l'affaire, en gros. Donc elle disait, moi, tant que ma fille n'est pas scolarisée dans cette école, je ne reviens pas travailler. Assez rapidement, Jeanne allait aller en IME, du coup, jusqu'à sa majorité. Puis elle a basculé en établissement adulte.
- Speaker #0
C'est quoi un IME ?
- Speaker #2
Un IME, c'est un institut médico-éducatif qui s'adresse à différents types de handicaps, mais pour les mineurs.
- Speaker #0
Elle dort là-bas ?
- Speaker #2
Alors, elle, elle est... Elle n'était pas en internat. Jeanne n'a jamais été jusqu'à présent en internat complet. Donc elle ne fait que des sessions temporaires et quand elle était petite, ça n'existait pas. Donc elle faisait des journées très très courtes. Elle revenait aux alentours de 15h, 15h30. Donc travailler pour mes parents, c'était très compliqué aussi. Et pas de répit, bien sûr. Pas de week-end, pas de vacances, pas de... voilà. Et au niveau médical, elle a un traitement contre l'épidepsie qu'elle ne prend que le matin et le soir. Donc ça ne posait pas de problème au niveau de l'établissement en tout cas.
- Speaker #1
Tu dis qu'elle rentrait tôt de l'IME, et toi, par rapport à ton travail scolaire, à tes études, c'était pas toujours si simple, justement, cet emploi du temps de ta sœur ? Si tu peux nous en parler un petit peu ?
- Speaker #2
Alors moi, du coup, je ferais vraiment une distinction entre l'enfance et l'adolescence, pour répondre à cette question, parce que pendant mon enfance, mes parents étaient très présents pour s'en occuper, et j'avais pas vraiment de charge auprès de Jeanne. Je n'étais pas responsable de quoi que ce soit, je devais pas m'occuper d'elle, pas d'obligation non plus de la garder, de jouer avec elle ou quoi que ce soit. Je jouais assez peu avec elle au final parce qu'on n'avait pas les mêmes envies forcément, elle se développait pas comme moi. Ce qui peut aussi, a posteriori, faire un peu de peine parce que, comme j'ai utilisé l'expression grandir à côté plutôt qu'avec, mais en tout cas au niveau scolaire, au niveau occupation, j'ai jamais eu de frein à ce que je pouvais faire. Si ce n'est auprès de mes parents, j'avais pas l'avis que peuvent avoir d'autres enfants qui ont leurs parents disponibles. Nous, on ne pouvait pas forcément partir ensemble, tous ensemble. Je ne pouvais pas avoir mes deux parents pour moi toutes seules au même moment. Quand on partait en vacances, moi je ne m'en rendais pas compte sur le coup parce que j'étais petite. Mais maintenant, je le vois, on n'avait pas les mêmes vacances que les autres. Donc on devait aller dans des lieux spécifiques, des lieux où il n'y a pas trop de monde, idéalement. Parce que comme Jeanne va attraper tout le monde, parler à tout le monde, et puis tout le monde va la regarder. Ce qui n'est pas du tout agréable, qui ne permet pas de se sentir en vacances. Bien au contraire. Et parce que si c'est pour lui courir après toutes les 30 secondes, ça ne sert à rien non plus. Ce n'est pas de la détente. Donc il fallait aller sur des plages à tel horaire, pas trop chargées, avant ou après la sieste des enfants, pour ne pas qu'il y ait trop de monde sur la plage. Elle ne restait pas en place aussi, donc mon père devait faire des allers-retours sur la plage avec elle. Ce n'était pas vraiment des vacances comme on peut en connaître. Les jours de pluie, on ne pouvait rien faire parce qu'on ne pouvait pas aller dans des musées, on ne pouvait pas aller au cinéma, donc on faisait des tours en voiture en famille jusqu'à trouver un endroit où on pouvait s'arrêter pour acheter un truc à manger. C'était bon. C'était nos vacances, quoi. On n'allait pas au restaurant, des choses comme ça, ou une seule fois dans un restaurant très spécifique où on sait qu'on connaît les gens, qu'on a une salle en bas où il n'y a pas trop de monde, etc.
- Speaker #0
Ça, t'as réalisé plus tard que c'était en décalage avec tes amis, par exemple ? Ou est-ce que sur le moment, tu te dis déjà quand même...
- Speaker #2
Sur le moment, ça a surtout... Moi, ce qui me touchait un peu, c'était de rarement avoir mes deux parents disponibles pour moi. Mais... Ils s'arrangeaient pour de temps en temps le faire quand même, donc ça me suffisait, on va dire. Par contre, réaliser que je n'avais pas la même vie, et que eux non plus, surtout aussi, parce qu'on les oublie souvent, mais les parents, quand on réalise ce qu'ils ont vécu, en fait, c'est très dur en tant qu'enfant aussi, après, de se dire, en fait, ils ont été tout seuls, même nous, on n'a peut-être pas fait assez pour eux, alors qu'en fait, on n'y peut rien, mais voilà. Et je l'ai réalisé après, en pensant justement à ce qu'ils avaient vécu, je pense, et en me disant, eux, s'ils ont vécu ça, nous aussi. forcément, on l'a vécu, mais d'abord en prenant leur prisme à eux.
- Speaker #0
Les enfants épongent.
- Speaker #2
Voilà. Et oui, donc du coup, sur le plan scolaire, pour finir, je n'avais pas de problème jusqu'à l'entrée dans le supérieur. Après, c'est devenu assez compliqué parce que du coup, il y a eu ce basculement où mon père est parti, il s'en occupait beaucoup moins. Et la fac, on est aussi plus livré à nous-mêmes. C'est soit on travaille tout seul, soit tant pis, on va dire. Donc là a commencé la période compliquée pour moi où je devais travailler le soir tard parce que ma journée finissait avec Jeanne vers 21h. Après j'avais besoin de ma petite pause aussi donc je commençais pas à bosser avant 22h30, 23h. Donc je dormais rien du tout.
- Speaker #0
Quand tu dis que ta journée avec Jeanne était terminée, comment est-ce que tu passais ton temps avec elle ? Est-ce que c'était vraiment des choses très pratiques ? Genre il faut manger, il faut se doucher, il faut se détendre ? pour pouvoir ensuite dormir ? Ou est-ce que vous aviez des moments sympas, de loisirs un peu, de sœurs, où tu regardes un film, où tu discutes d'une manière ou d'une autre ? Est-ce qu'il y a ces moments de complicité ? Ou est-ce que tu as l'impression que c'est toujours lié à de l'aide, ou à un accompagnement ?
- Speaker #2
C'est compliqué comme question. Parce que d'un côté, oui, il y a des moments très sympas, bien sûr, parce que Jeanne, en plus, c'est quelqu'un de très jovial, très ouvert, qui est souvent de... de très bonne humeur en fait, qui a envie de faire des choses. Donc oui, on passe des bons moments ensemble, on va se promener, on va faire des choses. Mais en fait, c'est devenu tellement important comme charge en termes de temps et de durée sur les années que peut-être qu'on perd un peu ce côté juste on passe des bons moments, je pense. Parce que quand je sais que je dois être là parce que je dois être là, ça gâche forcément. Ce qui est compliqué aussi avec Jeanne, c'est que justement en termes d'occupation, tu vois, tu parles de regarder un film, mais Jeanne, elle ne regarde pas de film, par exemple, tu vois. Donc elle a beaucoup besoin de bouger, elle adore faire du vélo, faire du roller, marcher, enfin peu importe, faire des choses vraiment dehors. Et comme c'est des choses que ne fait pas du tout son établissement, donc elle ne sort jamais en fait concrètement, elle fait une sortie toutes les deux semaines pour aller faire du poney et encore, c'est que depuis six mois. Donc à 27 ans c'est quand même terrifiant quoi. Et du coup nous on doit toujours compenser ça. Du coup il y a des moments où oui c'est super cool, on va au parc, on se pose, on fait un petit pique-nique et tout, c'est cool. Mais par contre, en plein hiver, quand à 17h, tu dois te taper une sortie dans la forêt parce qu'ils n'ont juste pas fait leur travail, là, c'est plus compliqué. Et du coup, comme on ne peut pas faire des choses comme tu dis, comme regarder un film, lui lire une histoire ou des choses comme ça, en fait, ça réduit vachement notre capacité à lui proposer des choses. Parce que même pour trouver des activités adaptées à elle, faire de l'équithérapie, la monnaie à la piscine ou des choses comme ça, c'est très compliqué de trouver des gens qui sont d'accord pour le faire. pour que les créneaux collent avec les nôtres. En plus, nous, on habite à Choisy, donc en banlieue parisienne, et c'est assez éloigné des zones d'espace vert où on pourrait avoir ce type de service qu'on pourrait trouver à la campagne, par exemple.
- Speaker #0
Ça, c'est l'établissement actuel que tu décris, ou est-ce que tous les établissements par lesquels elle est passée, d'ailleurs, est-ce qu'il y en a eu beaucoup, ont eu la même absence de propositions d'activités qui permettent de se dépenser, ou en tout cas qui lui conviennent à elle ?
- Speaker #2
On y est mieux, c'était mieux, comme souvent pour les mineurs. Il me semble qu'elle a eu deux IME, pour répondre à ta question. Parce qu'il faisait des sorties, il faisait même des petits séjours parfois. Donc elle est allée au sport d'hiver par exemple, elle a fait du chien traîneau, des choses comme ça. Des choses qu'elle adore, elle voyait des animaux. Après bon, c'était sur des temps plus réduits aussi, donc c'est peut-être plus simple, entre guillemets, de faire des choses. Mais en tout cas, il sortait, il faisait des jeux, il faisait de la psychomotricité, des choses qu'elle aime. Maintenant, elle est en masse, en maison d'accueil spécialisée. Et en fait, il n'y a même pas d'éducateur. Pour te dire, une personne avec des troubles autistiques, sans éducateur, avec que des personnes, c'est le type d'accompagnant qu'on retrouve dans les EHPAD. Ils sont là vraiment pour les soins du quotidien, pour les douches, pour les réveils, pour les repas, les choses comme ça. Mais c'est vrai que c'est des choses sur lesquelles Jeanne, à la limite, c'est l'accompagnement minime de l'accompagner sur les traitements et sur les repas. C'est pas ce qu'on attend. Nous, on aurait vraiment besoin qu'en fait... Ils lui proposent des choses en journée pour que quand elle rentre, elle ait plus ce besoin d'être encore sollicitée, stimulée et tout ça. Donc moi je dirais qu'il y a vraiment une différence entre mineure et majeure de manière générale en France. Et après on est aussi sur un établissement pas terrible, duquel on n'arrive pas à la faire sortir malheureusement. Pourquoi ? En fait elle est allée là-bas à partir de ses 18-19 ans. parce qu'il y avait déjà un petit peu des soucis relationnels entre l'établissement d'avant et mon père qui commençait à partir en cacahuètes.
- Speaker #0
C'est-à-dire que ton père avait beaucoup de demandes ?
- Speaker #2
Non, il était juste désagréable en fait, donc ils en avaient ras-le-bol. Non, les demandes, c'est pas trop son truc. Ça, c'est plutôt ma mère. Et en fait, il n'était plus avec ma mère déjà, et il s'est remis avec une nouvelle compagne qui, elle... était, il me semble, je sais pas si c'est exactement le titre, mais directrice d'un établissement de ce type, enfin en tout cas dans le domaine, ce qui est assez dingue. Elle a vu Jeanne, forcément, vu que c'était sa belle-fille. Et en fait, elle a tenu des propos sur elle totalement déplacés, du genre, j'en viens à espérer qu'elle ait un accident de voiture avec sa mère, parce que cette famille-là, j'en ai ras-le-bol. Jeanne pouvait, de temps en temps, parce qu'elle a des petits moments où elle... elle n'arrive pas à gérer ses émotions, donc elle peut être violente parce qu'elle a pas les mots, parce que ceci, parce que cela, parce que c'est trop. Et Jeanne, quand elle est violente, elle est très violente pour le coup, mais c'est pas souvent non plus, quoi. Au pire, elle l'a pincée ou je ne sais quoi. Mais bref, de toute façon, on ne rend pas la violence à une personne handicapée, ça ne marche pas comme ça. Et elle a ouvertement reconnu, en gros, lui rendre les tartes qu'elle lui mettait, quoi. Pour une personne du secteur, c'est assez étonnant. Enfin, voilà. Il y a plusieurs exemples comme ça. Elle ne voulait plus qu'elle aille chez elle. Donc, mon père, quand il s'en occupait, du coup, il ne la voyait que dehors. Même l'hiver, il n'y avait pas de repas à l'intérieur, ce qui est quand même assez perturbant pour une personne qui a besoin de repères. Voilà, très compliqué. Et du coup, cette personne lui a dit un peu, en gros, ça ne peut pas durer, mon pauvre, la préempitié. Il faut que tu trouves une solution pour ta fille, machin, machin. Et elle l'a orientée vers l'établissement dans lequel est Jeanne maintenant. Et ma mère n'était pas d'accord du tout. Elle s'est renseignée dessus, elle a dit non, c'est majoritairement des patients de l'hôpital psychiatrique d'à côté, pas du tout le même profil que Jeanne, moyenne d'âge 42 ans, elle en avait 19, pas d'éducateur, pas de sortie, pas de jardin, pas d'espace vert, rien en gros qui correspondait à ce que l'auraient voulu. Et elle lui a dit, de toute façon, ils ne peuvent pas la mettre dehors vraiment de l'IME du jour au lendemain. Donc prenons le temps de se renseigner, on va chercher, on va lui trouver quelque chose de mieux. Et en fait, il a forcé parce que lui, il attendait vraiment un basculement, parce que je pense qu'il espérait aussi l'internat à terme, et chose que proposait la masse. Il a insisté et au point que... Il a un peu mis ma mère devant le fait accompli, du genre, si tu signes pas, en gros, je vais demander à ce que la tutelle soit prise par un tiers pour que quelqu'un d'autre signe. Enfin, un truc un peu comme ça qui a fait qu'elle a été un peu contrainte de signer. Et maintenant, c'est compliqué aussi parce qu'il renvoie ça à la tête, t'avais qu'à pas signer, machin, machin, c'est ton problème. Maintenant, pour la faire sortir de là, pour demander un établissement ailleurs, il faut souvent habiter dans la zone. Il y a des listes d'attente longues comme le bras. On a très peu de visibilité sur, au fond, ce qui se passe vraiment dans les établissements. Donc, pour voir ça. Ce qui est bien ou pas, c'est compliqué. Il y a un turnover de fou. Donc il peut y avoir des éducateurs un jour et dans deux semaines, non. Voilà. Donc là, ça fait 8-9 ans, je crois, qu'elle est là-bas. Et ça se passe pas bien du tout. Il y a des relations très, très dégradées entre ma mère et l'établissement. Au point qu'on lui dit un peu, en gros, votre fille, elle a 27 ans, résignez-vous, quoi. Donc elle a pas besoin de psy, elle a pas besoin de psychomote, elle a pas besoin de rien. C'est un légume.
- Speaker #0
Foutu pour foutu, quoi.
- Speaker #2
Exactement.
- Speaker #0
Qu'est-ce que tu penses de ce réflexe de vouloir maintenir une opacité par rapport à ce qui se passe dans les établissements auprès des parents ? Très souvent, on dit ah mais oui, les parents posent trop de questions, veulent trop savoir ce qui se passe, laissez-nous faire notre travail, on sait faire notre travail, or on sait qu'il y a très peu de formations et on sait que parfois les formations sont très accélérées, que c'est des boulots qui peuvent être obtenus juste en passant un entretien, parce qu'il y a un vrai manque. dans ces établissements, qu'est-ce que tu en penses ?
- Speaker #2
Parce que comme tu dis, ils ont un vrai problème de recrutement, et qu'en fait ils préfèrent laisser les parents loin des questions, que confronter leur personnel au fait que ça ne va pas. Le directeur de la masse est très clair sur ça, il l'a déjà dit clairement à ma mère, je ne peux pas avoir d'exigence, parce que sinon ils partent, et qu'après je fais comment ? Je n'ai pas de personnel, je n'en trouve pas. Et le fait qu'il n'y ait pas de personnel, clairement, pour moi en tout cas, c'est lié au fait que c'est des métiers qui ne sont pas du tout valorisés, pas du tout reconnus, qui ne sont payés que dalle pour des métiers très difficiles. On demande un petit peu aux communs des mortels d'aller passer une journée avec des personnes handicapées pour gagner un SMIC et après on en reparlera. Donc ouais, c'est des politiques publiques, encore une fois, qui ne sont pas du tout pensées pour les familles. Donc on crée des congés, j'en avais parlé. avec Céline, des congés qui pour moi ne sont pas du tout adaptés parce que c'est pour des difficultés ponctuelles. Donc ça va être très bien pour des personnes qui ont un souci avec une personne qui doit se faire hospitaliser pendant un certain temps, qui va falloir accompagner au retour à domicile. Oui, très bien. Mais pour les handicaps chroniques et pour les handicaps mentaux, en l'occurrence, ce n'est pas du tout adapté. Ce n'est pas ça qu'on demande. Nous, enfin nous, je dis un nous alors que je parle au nom de gens que je ne connais pas, mais moi en tout cas, dans ma famille, nous ce qu'on a besoin d'avoir, c'est... un accompagnement au quotidien, avec des aides à domicile qui proposent autre chose que juste faire à manger, le ménage et la douche. Nous, c'est pas ça qu'on veut. Nous, on veut des gens qui font des choses avec les personnes, qui sont pas en stress dès qu'elles font quelque chose d'inhabituel, qui soient un petit peu sensibilisés, même pas formés, mais au moins sensibilisés à ce que c'est le handicap et à ce qu'on peut faire avec. Parce que c'est des gens qui peuvent faire plein de choses, qui apportent plein de choses à la société. En plus, on devrait les voir beaucoup plus. Ça, c'est pareil, on les voit pas. On les voit pas, les gens. On les voit dans la rue, il y a tout le monde qui les regarde comme si c'était alors qu'il y en a plein, partout. Mais ils sont cachés, quoi. Donc ouais, un manque de reconnaissance, un manque de valorisation et une non-volonté gouvernementale, clairement.
- Speaker #1
Tu m'as souvent raconté que vous aviez fait des essais avec des personnes ou des services, notamment pour les vacances, etc. Où les gens, finalement, étaient... était assez vite débordée. Je me souviens d'un entretien où ça revenait souvent, c'est pas à la hauteur, c'est pas à la hauteur du tout. Et ça nourrit aussi chez toi l'envie de prendre ta part dans ce système-là pour, j'imagine, faire d'autres propositions professionnelles. Est-ce que tu peux nous raconter un peu comment tu t'y es prise dans ce projet-là et qu'est-ce que ça a donné ?
- Speaker #2
Grande question. Très concrètement, on avait eu quelqu'un qui était venu à la maison pour s'occuper de Jeanne pendant que mes parents travaillaient entre la fin d'après-midi et le soir. Et en fait, elle était tellement pas à l'aise avec elle qu'elle me demandait de rester. Donc du coup, j'étais bah du coup, autant que je m'en occupe directement, ce sera plus simple, parce que si je suis bloquée, que je peux pas faire mes devoirs, que je peux pas sortir ou quoi, bah c'est un peu de l'argent jeté par les fenêtres. Et sur les solutions d'aide aussi en vacances, on a testé une fois un endroit qui s'appelait, il me semble, avec une association. qui s'appelle passerelle et en fait nous on était dans un camping classique donc avec un public classique déjà c'est compliqué parce que les campings c'est beaucoup de promiscuité et voilà Avec Jeanne, c'est toujours... Et en fait, c'était pareil, un centre qui ne propose pas du tout d'activité autre qu'en salle. Donc en fait, c'était à l'après-midi, je crois de 14h à 17h. Ils étaient dans une salle réservée pour eux. Et ils avaient 3-4 puzzles, 2-3 jeux de construction. Et en fait, c'est tout.
- Speaker #0
Contenu dans un espace.
- Speaker #2
Voilà. Déjà, il ne faut pas les voir. Il ne faut surtout pas qu'ils dérangent. Et puis, ce n'est pas des vacances. Si c'est pour faire des puzzles, ils peuvent le faire à la maison. Et puis, ils peuvent le faire toute l'année aussi. Donc, aller jusqu'à je ne sais plus où, mais c'était assez loin pour faire des puzzles. Donc, elle est allée deux fois sur la semaine et c'est tout. Parce qu'on n'aimait pas la laisser là-bas. Après, nous, ce qu'on a là, c'est une bonne et une mauvaise nouvelle. On a l'été un centre de vacances adapté, qui est du coup un camping adapté, qui est réservé pendant deux mois aux familles. avec enfants handicapés. Et ça, c'est génial, parce que pour le coup, on peut les laisser déambuler, il n'y a pas de problème. Tout le monde est sensibilisé à ça, il y a une grande tolérance, et c'est très rare qu'on ait des problèmes. Et les animes qui y sont, ils y sont parce qu'ils ont envie d'y être. Et ça change tout. Ils sont contents de partager des temps avec des personnes handicapées, de leur faire faire des choses. Ils ont la force du groupe aussi, parce que ça, c'est pas anodin, quand on est tout seul avec une personne, on sent très vite les regards, on a l'affect aussi familial. qui est très différent de quand on est un groupe de jeunes qui s'occupe d'autres groupes de jeunes handicapés. Et qu'en fait, clairement, quand ils ont des soucis, ils leur disent Mais si vous avez un problème, vous n'avez qu'à partir, en fait, ce n'est pas nous qui partions. Alors que nous, on ne peut pas faire ça en tant que famille. C'est différent. Et le problème, par contre, c'est que ce centre va potentiellement fermer. Mais bon.
- Speaker #0
Ça s'appelle comment ?
- Speaker #2
C'est Arièque-sur-Bellon. C'est le domaine de la Porte-Neuve. Et ça fait des années que ça existe. Nous, malheureusement, on l'a su qu'il y a cinq ans. Alors que Jeanne y aurait eu droit toute sa vie. Donc on était super contentes d'avoir trouvé ça. Et là en fait le souci c'est qu'apparemment ça leur coûte trop cher. Comme souvent. Parce qu'on ne paye qu'une petite partie de l'accompagnement par les animateurs. Et après on paye l'hébergement. Mais en tout cas l'accompagnement ne coûte pas grand chose. Vraiment ça ne coûte même pas un tiers, un quart de ce que ça coûterait normalement. Et là ils ont pris la décision de... En fait, donner la gérance à un camping classique, la durée serait réduite, ce serait plus sur un mois que sur deux, sachant que sur deux, on a déjà du mal, parce que c'est toutes les familles de France qui viennent là-bas. Donc t'as des gens de Lyon, t'as des gens de Grenoble, t'as des gens qui se tapent, c'est en Bretagne, le truc. Et sur un mois, ça tiendra jamais, en fait, parce que nous, on prenait toujours deux semaines. On a le droit jusqu'à trois semaines d'affilée, enfin en tout, sur l'été en tout cas, d'accompagnement par les animateurs, et ça rentrera pas, donc ça va être compliqué.
- Speaker #0
Est-ce que vous avez d'autres relais familiaux ? Des cousins, des oncles ? de tant de grands-parents qui ont été présents.
- Speaker #2
Ma grand-mère maternelle a été très présente toute notre vie. Elle est décédée il y a quelques temps. Elle, elle faisait aucune différence. C'est ça qui était génial avec elle, c'est qu'on était toutes les trois traitées pareil. Il y avait un temps dédié à chacune, de la même manière. Parfois, on venait la solliciter avec Mathilde, elle nous disait Non, je suis avec Jeanne, en fait. De la même manière que nous. Aucune gêne, très très à l'aise. Super, quoi. Par contre, le reste de notre famille... On ne peut pas en dire autant. Et moi, c'est quelque chose sur lequel je suis très critique aujourd'hui, parce qu'au-delà de nous, en tant qu'enfants, encore une fois, je me suis beaucoup questionnée sur la vie qu'ont pu avoir mes parents à cause du handicap. Et c'est fou, vraiment, c'est complètement dingue pour moi d'avoir pu laisser un couple comme ça ne pas avoir de vie, parce que concrètement, c'est ça, alors qu'on ne leur demandait pas grand-chose, même quand Jeanne allait à l'hôpital parce qu'elle était... très souvent hospitalisés du coup à cause de l'épidepsie je sais pas faire les courses pour les parents pour qu'ils rentrent et que le frigo soit pas vide aller chercher les enfants à l'école les emmener faire des choses, les deux autres enfants parce qu'il fallait nous préserver aussi et ça ça a pas été fait du tout et aujourd'hui encore pour moi ils sont pas à la hauteur au même titre que les institutions ma mère a quand même 65 ans aujourd'hui elle est épuisée, elle est même désespérée et y'a personne
- Speaker #1
C'est quelque chose qui est revenu dans plusieurs de nos entretiens, pratiquement tous. Et on a été d'ailleurs très étonnés de ce résultat de recherche, de voir en fait que la famille élargie est peu présente dans les situations et que souvent même quand le handicap surgit, la famille s'éloigne et que se conjugue à la fois l'isolement familial, amical et le manque de réponse publique.
- Speaker #0
Toi, maintenant que tu as 25 ans et que tu es une jeune femme, est-ce que c'est des conversations que tu peux imaginer avoir avec des membres de la famille ?
- Speaker #2
Du côté paternel, vu que je n'ai plus aucune relation avec lui,
- Speaker #0
Ça me dérangerait pas, à la limite, parce que j'ai rien à perdre, mais j'ai rien à gagner non plus. Du coup, j'ai pas forcément envie d'aller au casse-pipe. Les choses que j'avais à dire, je les ai déjà dites. Et ils se sont de toute façon fait un roman dans leur tête de c'est nous les méchants et tant pis. Donc, oui et non. Par contre, du côté maternel, c'est beaucoup plus compliqué, parce que du coup, c'est ses frères et sœurs. Et que malgré tout, on a beau être en colère en tant que sœurs... Être seule, c'est pire. Donc son frère essaye quand même de recréer du lien depuis quelques temps. Et je sens que ça lui fait du bien, donc moi j'ai pas envie non plus de m'immiscer là-dedans. Mais par contre, je l'irais pas au devant pour recréer une relation moi-même. Ça non. D'ailleurs, il me semble que ça m'a été reproché assez récemment de pas en gros rebondir sur ces petites perches. Sauf que moi j'ai pas envie, c'est trop tard. Ils ont pas été là et ils sont toujours pas là. Alors que dans une situation par exemple comme celle-là, actuellement... où ma mère a quand même un handicap physique. Elle s'est fracturée la main droite, et la guérison est très compliquée, il y a un problème de tendon aussi, ça fait déjà deux mois que ça dure, et c'est pas prêt de s'arranger tout de suite. C'est relativement bien tombé, si je puis dire, entre gros guillemets, parce que moi j'étais en formation jusque-là, j'ai arrêté ma formation pile, quand elle s'est fracturée la main. Donc pendant six semaines, j'ai été à la maison, et j'ai géré au maximum ce que je pouvais gérer. Mais maintenant je travaille, et je rentre...... Je ne rentre pas avant entre 18 et 20 heures. Le plus tôt que je puisse faire, c'est 18h15. Donc ça fait forcément au moins deux heures où elle est seule avec elle tous les jours.
- Speaker #1
Il faut deux personnes pour être avec Jeanne ? Ou c'est plus pour soutenir ta mère ?
- Speaker #0
C'est une question d'âge, je pense. Parce que moi, je peux être seule avec elle. Ce n'est pas un problème parce que j'ai encore l'énergie. Au niveau mental, c'est plus compliqué. physiquement, ça tient encore. Alors que quand ça fait 27 ans qu'on s'occupe de sa fille, dont 10 seules, forcément ça fatigue. Surtout qu'il y a la même chose que moi, il y a la charge mentale aussi. Il y a l'angoisse par rapport à l'avenir. Il y a le manque de relais. Il y a ceci, il y a cela. Il y a toute une carrière professionnelle derrière aussi. Donc bon, il faut quelqu'un en forme, en fait, pour s'occuper de Jeanne. Il faut quelqu'un qui soit patient, qui n'ait pas les nerfs à fleurs de peau. et qui puisse faire des choses avec elle. Et ça, du coup, plus on avance en âge, plus c'est compliqué.
- Speaker #1
Il y a une question qui nous a échappé, que Céline a posée sur toi, ton avenir professionnel, ou en tout cas la première voie que tu as choisie, qui était plus orientée médico-sociale.
- Speaker #0
Moi, j'ai fait une licence en sciences sociales, et après, j'ai fait une L3 en environnement, puis je suis allée en master d'environnement. Je voulais vraiment déjà, de base, concilier les deux. concilier un pan social et un pan écologie. Sauf qu'au fur et à mesure du master, il n'y avait pas du tout cette réflexion sur comment on lit les gens, en fait, à ces questions-là. Comment on prend en compte la précarité là-dedans ? Quels liens on fait avec les gens en galère, globalement ? Et l'écologie. Et moi, je suis aussi très sensible à la protection de l'enfance comme sujet. C'est des choses sur lesquelles je lisais déjà pendant mon temps libre. J'ai commencé à imaginer un projet un peu... un peu idéal, dans lequel je créerais un lieu de vie mais style éco-quartier. Donc, histoire de faire de la protection de l'enfance tout en leur permettant de faire des partenariats par exemple avec des écoles en alternance, dans des domaines du développement durable, des choses comme ça, qui me permettraient de lier les deux domaines qui m'intéressent, apporter un autre regard, une autre façon de faire. Enfin, il n'y a pas que moi, il y a d'autres éducateurs qui... qui prônent ce genre de choses, mais en général ils restent assez peu de temps dans les établissements justement parce que ça leur va pas, ce qu'ils y voient et ce qui s'y passe, donc ils vont ailleurs. Mais si personne ne s'accroche jamais, bah du coup rien n'évolue jamais dans les établissements où ça se passe pas bien. Donc moi j'aurais bien aimé faire ça, c'était créer un lieu de vie à la fois enfance et handicap, parce qu'en plus c'est super cool de les faire cohabiter, ça leur apporte plein de choses, c'est comme d'ailleurs moi je suis très en faveur des projets maison de retraite et enfance qui se développent, c'est super. Et ça serait cool de faire pareil avec le handicap, parce qu'en fait, on voit très bien que les enfants, quand on les fait grandir avec ça, ils n'ont aucun problème avec le handicap. C'est juste que c'est invisibilisé et qu'on ne connaît pas, globalement. Et voilà, et puis pourquoi pas aussi, au-delà de l'environnement, développer des projets où justement, les enfants qui sont accompagnés, les jeunes en particulier, parce qu'on a un gros problème au niveau des jeunes majeurs à l'ASE, l'Association à l'enfance, pourquoi pas leur proposer à la fois des métiers... dans l'environnement et dans le social. En fait, vraiment, moi, mon but, c'était que ça soit des métiers qui ont du sens, qui apportent des choses aux autres, à la société et à eux-mêmes aussi. Donc moi, j'aurais bien aimé faire ça, mais en même temps, je me disais, je vais dire ça à la maison. Si je fais ça la journée, je vais péter un plomb. Donc voilà. Et après, ce projet s'est aussi bien surconstruit dans la crainte de ce que va devenir ma sœur. Elle voit moins son père, elle a perdu sa grand-mère. Un jour, sa mère pourra moins s'en occuper. Un jour, ses parents ne seront plus là. Et du coup, c'est déjà des choses compliquées pour des gens lambda, mais pour des gens qui peuvent moins comprendre que nous ces pertes-là, c'est d'autant plus dur. Enfin vraiment, moi je trouve ça super difficile d'avoir un jour à lui expliquer. que ses parents sont plus là quoi donc si en plus elle voit plus ses soeurs malheur là ça va pas du tout le faire après c'est des projets qui coûtent cher qui ont je sais pas exactement comment les financer ça veut dire aussi faire des choix est ce que on accepte que ce soit financé par des choses moins éthique au profit d'une chose éthique comment on fait pour recruter des gens parce qu'on va avoir le même problème que partout ailleurs enfin il y aura un turnover de fou il y aura des difficultés de recrutement alors que le but c'est quand même d'avoir un meilleur accompagnement donc avoir plus de personnel pour moins de personnes, plus de 1 pour 1, 1 pour 2, des choses comme ça. Et c'est pas évident. Donc en fait, si maintenant, ça c'est un projet idéal, bien sûr, mais il y a la réalité aussi. Et voilà.
- Speaker #1
Tout ça, ça amène à questionner l'avenir. Tu disais, ta mère est seule depuis 10 ans, elle travaille ?
- Speaker #0
Elle a travaillé jusqu'au confinement. Elle a arrêté depuis le confinement.
- Speaker #1
Ok. Il est assez clair que maintenant, elle a besoin de temps de repos. Est-ce que toi, tu imagines garder ta sœur dans un établissement ou est-ce que tu penses que vous vivrez ensemble plus tard ? Est-ce que c'est quelque chose qui est hors de question ? Est-ce que c'est quelque chose auquel tu penses que tu ne pourras pas échapper ?
- Speaker #0
Jusqu'à il y a deux ans, on va dire, j'étais vraiment dans... C'est compliqué, mais c'est comme ça et on verra. Sauf que là, plus j'avance, plus je me dis que je ne vais pas non plus rester éternellement chez moi. J'ai le droit aussi d'avoir ma vie, mais en même temps, non. Et puis ce côté aussi, d'un côté je vais assez donner, et d'un autre côté, mais si je suis pas là, il se passe quoi ? Et du coup, je peux pas. Concrètement, je peux pas. Et j'ai une grosse part de culpabilité tout le temps aussi, moi je veux toujours en faire plus. Et du coup, sur l'avenir, moi non, j'ai pas envie d'habiter avec elle. Parce que déjà, c'est pas dans l'ordre des choses, et que c'est pas normal que ce soit à la famille, encore une fois, de pallier toutes les lacunes qu'il y a dans le système. Nous on est là comme toutes les familles en fait pour être là en tant que famille, pas en tant qu'aidant permanent. Parce qu'aidant c'est pas censé durer toute la vie non plus. Et j'ai aussi le problème entre guillemets, mais c'est que moi j'ai un copain qui n'a pas forcément vocation à devenir aidant lui-même en fait. Et il n'a pas choisi ça, il n'y a pas de raison, et même s'il est adorable avec elle et qu'il s'en occupe très bien, moi ma vie avec lui c'est pas ma vie avec lui. et Jeanne. C'est chacun chez soi, chacun son truc. Et pour l'avenir, du coup, on n'a pas de solution et ça c'est hyper angoissant, parce qu'on ne sait pas combien de temps ça va durer, si un jour il y aura une solution ou pas. Quand on envoie des dossiers, on ne nous répond même pas. Donc ça c'est pareil, c'est un peu du coup, on se résigne, on se dit, à quoi bon, personne ne nous répond, quand on demande un truc, ça prend toujours des années. Moi, il y a aussi le fait que ça m'angoisse beaucoup de voir ma mère avoir cette vie-là, alors qu'elle est à la retraite et que c'est pas du tout l'image qu'on se fait de la retraite. Au final, elle peut pas habiter où elle veut, parce qu'on habite quand même dans un endroit qu'on a pas choisi, et qui est pas adapté aux besoins qu'on a. Parce qu'on a un périmètre aussi, dans lequel on peut déménager ou pas, en fonction du temps de trajet du chauffeur. Parce que Jeanne est ramenée en camion, qu'il faut qu'il puisse se garer devant, sauf que... En termes de revenus, l'Île-de-France, c'est très cher. Et nous, on aurait besoin de s'éloigner pour avoir accès à des logements adaptés. Et je ne sais plus du tout pourquoi je parlais de l'appart. Mais voilà, oui, parce qu'elle est dans un truc pourri, alors qu'elle a bossé toute sa vie. En tant qu'instit, en plus, dans des ZEP, donc quelqu'un d'engagé, qui ne récolte pas du tout le fruit de son engagement. Et puis, moi, je me projette aussi beaucoup plus loin. J'ai très, très angoissé cette année, vraiment. Parce que je me dis, même quand elle ne sera plus là, un jour, toute ma vie, je vais porter la culpabilité de ce qu'elle a vécu. Et c'est horrible, vraiment.
- Speaker #2
Ce que tu expliques là, c'est vraiment l'illustration de ce qu'on a pu observer nous, plus globalement, que c'était quand même souvent des histoires de femmes, et que c'était entre femmes que se transmettait aussi cette charge mentale, cette responsabilité, et ça peut aller jusqu'à la culpabilité, comme tu le disais.
- Speaker #0
Alors oui, nous dans notre famille du coup forcément ça se voit beaucoup parce que mon père est totalement absent. Et que même quand on était plus jeune, même s'il s'est beaucoup occupé de jeunes, ça je le retirerais pas. Et d'ailleurs, je lui avais écrit une bonne lettre de 4-5 pages, je crois, où en fait je lui expliquais que j'avais beau reconnaître tout ça, toute sa souffrance, tout ce qu'il a pu vivre, tous les sacrifices qu'il a dû faire pour sa fille, tout le temps qu'il a passé avec elle, et que pour autant ça ne justifiait pas de partir du jour au lendemain et de laisser son épouse assurer tout alors qu'elle a vécu exactement la même chose que lui. toutes les difficultés qu'il a connues, toute la souffrance qu'il a endurée, elle a vécu la même chose, et pourquoi, elle, ça continue, et pourquoi ça continuera jusqu'à la fin de sa vie, parce que personne ne l'aide, alors que lui, au final, il a pu retrouver quelqu'un, il a pu partir en vacances, il a pu prendre un nouveau logement, il gagne beaucoup plus, parce que c'est aussi des choix qui sont faits très souvent au sein des familles, les femmes gagnent généralement moins bien leur vie que les hommes, donc c'est elle dont on met la carrière professionnelle un petit peu en retrait pour garder. le revenu principal qui est celui de l'homme. Et du coup, forcément, ce choix a aussi été fait dans ma famille parce qu'elle n'aurait jamais pu imaginer qu'il se passerait un truc comme ça, qu'il en viendrait à lui prendre de l'argent, à prendre de l'argent sur le livret de ses filles et tout. Donc du coup, elle a été en temps partiel, mais subie, comme les trois quarts du temps chez les temps partiels féminins. Et tout cet engagement et tout ce temps perdu sur la carrière professionnelle, il n'est pas reconnu derrière. Et du coup, c'est les femmes qui se retrouvent en galère financière, qui sont majoritairement à la tête des familles monoparentales, et qui, non seulement elles sont seules, mais en plus elles n'ont pas les moyens financiers pour assurer un cadre de vie décent à la fois pour elles-mêmes et pour leurs enfants. Donc c'est très frustrant de voir cette différence de vie entre quelqu'un qui gagne très bien sa vie à tous ses week-ends, et en fait il lui suffit de dire ce jour-là je ne suis pas là pour ne pas être là. Alors que nous, si on dit ça, ça ne marche pas. parce qu'elle est chez nous. Et puis il n'est pas tuteur en plus, c'est ma mère qui est tutrice, donc il se décharge vachement sur ça, c'est elle la tutrice, alors qu'en fait être tuteur au niveau légal, c'est vraiment très administratif, c'est gérer les comptes, c'est décider où elle vit. Ok, il faut quand même être parent, en fait. En tant que parent, il devrait chercher un autre établissement pour elle, il devrait reconnaître qu'elle n'est pas bien là-bas, aller aux rendez-vous médicaux, enfin, tout ça, il devrait le faire, et il ne le fait pas.
- Speaker #1
Est-ce qu'il existe d'autres solutions que des centres ? pour l'avenir des jeunes ? Est-ce qu'il y a des familles d'accueil ? Est-ce qu'il y a des choses comme ça qui existent ?
- Speaker #2
Effectivement, l'accueil en famille, des lieux de vie et d'accueil, ça ressemble un peu à ce que voudrait faire Périne. C'est-à-dire, c'est pas tout à fait comme les familles d'accueil qui accueillent des personnes chez elles et qui ont un rapport de salariés, d'employés par rapport à un donneur d'ordre qui va être le plus souvent le département. Les lieux de vie et d'accueil, c'est des personnes qui sont plus autonomes. par rapport à leur projet. Bien sûr, elles vont dépendre de l'agrément, du financement public, etc. Mais elles sont vraiment maîtresses de leur projet. En général, elles pensent un lieu de vie pour elles-mêmes avec d'autres. Ça peut être des enfants de la protection de l'enfance, ça peut être des adultes en situation de handicap, ça peut même être des personnes âgées. Mais quelqu'un qui décide d'ouvrir un lieu de vie, une grande maison, dans laquelle il va pouvoir accueillir 5, 6, 7... enfant ou autre personne, ça n'a pas la même force de frappe qu'un établissement qui va accueillir beaucoup plus de monde. Et je ne suis pas sûre, du coup, que les personnes soient très orientées vers ces possibilités-là. De toute façon, sur la question de l'information, il y avait un gros sujet, je me souviens, on en avait discuté.
- Speaker #0
Globalement, on considère un peu qu'on n'en a pas. Il va y avoir beaucoup de médiatisation sur des mesures un peu phares qui sont mises en place, comme le congé proche aidant dont je parlais tout à l'heure. Mais autant les solutions comme ça, nous on nous en parle jamais et on va pas nous pousser même à aller vers là-bas parce qu'il y a aussi des enjeux financiers. Au final, les établissements sont financés par l'État et n'ont pas intérêt à orienter les gens ailleurs, même quand ça se passe mal. Nous, au niveau de l'information, on partage énormément d'invitations par exemple à des groupes de parole. Ça oui, ça les associations elles adorent les groupes de parole et tout. Et c'est cool que ça existe. Mais le problème c'est quand on arrive à un stade où on n'a plus aucune solution, les groupes de parole on n'a juste pas envie d'y aller en fait, parce qu'on n'a pas envie d'aller dans un groupe raconter notre dépression, et le soir on rentre chez nous et c'est la même situation. Donc parler c'est bien, mais au bout d'un moment ça suffit pas, et c'est majoritairement ce qu'on nous revoit toujours, aller voir un psy et aller dans des groupes de parole. Bah non.
- Speaker #1
Est-ce que toi t'as été accompagnée par un psy, ou est-ce que t'as été dans les groupes de parole ?
- Speaker #0
On en arrive à la question des choix aussi, d'organisation du quotidien. C'est que moi c'est quelque chose qui m'aurait plutôt plu à la limite d'aller dans des groupes de parole. D'ailleurs j'étais d'accord pour rencontrer les jeunes de l'étude et tout, c'était un truc qui me branchait bien. Mais si je vais voir un psy ou que je vais voir quelqu'un, enfin un groupe de parole ou machin... c'est au détriment d'autres choses, toujours. Et comme mon emploi du temps est très très très très serré, donc moi je sors jamais, quasiment, en semaine notamment, je sors que le week-end, et le problème c'est que du coup je dois déjà choisir entre voir mes potes ou voir mon copain, et qu'il passe souvent d'abord, donc je vois assez peu mes potes. Et du coup si je vais soit voir un psy, soit dans un groupe de parole, je vais pas pouvoir faire autre chose. Et du coup ça va être comptabilisé comme une sortie dans mon quota sortie. Alors que ce n'est pas prioritairement ça dont j'ai besoin. Du coup, non, je n'ai jamais... Parce que si, ça coûte un peu cher aussi.
- Speaker #1
Il y a le nouveau parcours psy qui permet de rembourser 10 séances. Mais effectivement, c'est quand même des processus plus longs déjà. Et ça coûte cher. Mais ce que tu disais là, c'est que tu as des temps libres qui sont comptés. C'est un temps donné. Tu ne peux pas te dire, je vais pour l'après-midi, je ne sais pas quand je rentre. J'entre à minuit, deux heures. Non,
- Speaker #0
ça n'existe pas chez moi. vraiment, bah soit Jeanne n'est pas là de la semaine, alors là à la limite je fais ce que je veux, et encore parce que moi j'ai toujours cette part de, justement ma mère elle a une vie compliquée donc il faut aussi que je lui fasse vivre des moments cools, donc est-ce que tu veux faire un resto, est-ce que tu veux partir en vacances, tu veux partir en week-end et tout, et même ça, ça amène à des conflits en fait, parce que je suis trop là-dedans et on me dit que je veux trop diriger, sauf que c'est compliqué comme place en fait, parce qu'il n'y a pas de père moi je suis très très là, quand même mais en même temps j'ai plus ou moins le droit à la parole. Les décisions qui concernent Jeanne, j'ai pas trop mon mot à dire, par exemple. Donc ne serait-ce que sur des choses bêtes, parce que Jeanne, elle va en internat trois nuits par mois, ce qui est très peu, et avant, elle y allait du lundi au vendredi, donc ce qui faisait quatre nuits, et maintenant, elle est passée sur du mardi-vendredi parce qu'elle a besoin de sommeil et qu'elle dort pas là-bas, et tout ça. D'un côté, je comprends cette inquiétude, mais d'un autre côté, le problème, c'est que comme on la voit trop, quand elle revient, en fait, on n'est pas disponible pour elle. Donc c'est contre-productif, en fait, parce que... On pourrait passer des bons moments avec elle quand elle revient, et en fait on la voit tellement trop que quand elle revient c'est encore pire. Pendant le temps de réadaptation on va dire, mais les transitions de elle est pas là à l'héro là, c'est tellement radical en fait comme vie. Les gens se rendent pas compte quelle chance c'est de rester au travail selon les horaires qu'ils souhaitent. Moi je pars du travail, je cours quoi. Et tout est comme ça, je compte les heures, je sais à quelle heure je vais arriver, je préviens à quelle heure je vais arriver, qu'est-ce que j'aurai à faire sur ma liste de choses à faire le soir. Est-ce que j'ai le temps d'aller me promener avec elle ou pas ? Quel jour de douche on est ? Enfin, sur le calendrier, parce que c'est un jour sur deux pour les cheveux, tout ça. Enfin, c'est des choses bêtes, mais c'est une charge mentale de folie, quoi. Et du coup, moi, juste les semaines où elle n'est pas là, voir partir à l'heure que je veux du travail sans courir, en pouvant passer je ne sais où, boire un verre ou je sais quoi, mais comment ça change ma vie ? Alors que c'est rien, c'est rien. Donc,
- Speaker #1
tu as dit tout à l'heure que tu avais un copain. Est-ce que... Par exemple, avoir un homme dans ta vie, ça a été beaucoup de questionnements par rapport à comment tu allais concilier ça avec ta vie de famille.
- Speaker #0
Alors avant de répondre sur le copain actuel, moi j'aimerais bien rebondir sur l'ancien, parce que ça a eu un impact, pour le coup, très fort. Malheureusement, il est un peu tombé dans la période où il y a eu le déménagement, il y a eu l'absence paternelle, en l'occurrence, et en fait j'étais très peu disponible. Et ça forcément, ça a un impact sur un couple, parce qu'il faut se voir en fait, et puis il faut que la personne soit un minimum bien, parce que quelqu'un qui va toujours mal, ça impacte le couple. En fait, j'étais tellement malheureuse et tellement en colère après tout le monde de la vie que j'avais à ce moment-là, que comme c'était la personne la plus importante en dehors de ma famille, c'était lui qui prenait, parce que c'est toujours les personnes les plus proches sur lesquelles on a envie de se décharger. Et quand on n'a pas forcément ce qu'on attend, donc l'écoute vraiment adaptée, ce qui est compliqué à avoir pour un garçon de 17-18 ans aussi, moi je ne lui en veux pas, ce n'est pas un souci, ben, je n'étais pas agréable, j'étais souvent très sèche dans mes échanges, et au bout d'un moment, lui ça va 5 minutes aussi, quoi. Donc peut-être que ça n'aurait pas duré 10 ans, ce n'est même pas la question. Mais ça a eu un impact sur la façon dont ça s'est fini. Et d'ailleurs, mon père, m'avait demandé à un moment, enfin quand j'avais quelque chose à lui dire sur lequel je n'étais pas contente et tout, je lui ai envoyé des messages, et un jour il m'a dit est-ce que tu es toujours avec lui ? Je lui ai dit je ne vois pas ce que ça peut te faire, mais non Il m'a dit ça ne m'étonne pas Déjà c'est un peu dégueulasse de dire un truc pareil, et puis surtout ça ne t'étonne pas, mais c'est de ta faute. Bref, voilà. Pour l'actuel, du coup je l'ai rencontré à l'école, et au final, je n'ai pas eu vraiment à le... dire comme ça, parce que du coup on était confinés, on avait cours à distance, ceci cela, donc le flirt a duré un certain temps. Et par contre en fait c'est lui qui a fini par remarquer qu'il y avait un truc... un peu bizarre. Souvent après les cours par exemple on restait avec une pote ensemble, on faisait des jeux à distance, on faisait des trucs, on restait en vidéo, on discutait et tout. Bah moi quand ma soeur rentrait je disais je dois y aller, mais toujours à la même heure, tous les jours. Donc du coup au bout d'un moment ça a amené un peu des questions et tout et moi j'ai dit bah oui que j'avais pas de problème avec ça, moi je dis toujours oui j'ai une soeur handicapée et tout. Mais après ça amène des questions de leur côté du bah pourquoi c'est pas ta mère qui va s'en occuper quoi. Et en plus, c'est dur à prendre, tu vois, parce que d'un côté, tu te dis, bah ouais, mais la pauvre, tout le monde lui parle toujours comme si elle foutait rien et que c'est moi qui faisais tout, alors que pas du tout. Chacun fait un peu sa part, quoi. Mais ça n'a jamais été un frein parce que moi, j'ai aussi évolué, j'ai travaillé sur ma façon de gérer aussi quand je suis en colère, quand je suis... Soit je ne lui parle pas parce que je sais que ça va mal finir, soit j'attends et du coup, je lui explique après. D'ailleurs, il me dit souvent, mais tu ne me dis pas quand ça ne va pas, machin. Du coup, tu boudes et après tu dis rien. J'ai dit, oui, mais soit je vais te crier dessus, soit je vais pleurer. Donc, laisse-moi redescendre. Donc, soit je ne lui parle pas, soit je travaille vraiment sur comment j'écris. Parce que c'est souvent par message que je me défoulais en mode, trois petits points, ouais, enfin, truc relou,
- Speaker #2
quoi.
- Speaker #0
Et maintenant, je fais vachement gaffe à ça. Donc, je pense que du coup, ça se voit. Du coup, au quotidien, ça va. À part, évidemment, qu'il y a un manque un petit peu. parce qu'on se voit pas en semaine et que le week-end c'est un week-end sur deux les deux jours et sinon que le dimanche sachant que je reste pas le dimanche soir donc voilà enfin c'est relativement peu mais ça bon bah il le savait le sait il sait à quoi il s'engage et c'est pas enfin disons qu'il me le reproche pas quoi d'ailleurs on m'a déjà dit mais il est gentil il te reproche pas bah ouais mais c'est pas de ma faute il est gentil de quoi enfin c'est un peu fou de retourner toujours la situation en mode c'est lui qui subit et c'est toi qui lui impose quoi ben ouais Et pour l'avenir par contre, là c'est vrai que ce qui est un peu compliqué en ce moment, c'est une discussion qu'on a eue il n'y a pas longtemps justement, c'est que nous on aimerait habiter à la campagne. Il a 30 ans, j'ai 25 ans du coup. Et qu'il se pose la question du budget, de comment on va construire ça, des enfants, parce qu'il n'a pas envie d'avoir des enfants après tel âge. Et le problème c'est que moi tant qu'il n'y aura pas de solution pour ma soeur et ma mère, je ne peux pas partir, je ne peux pas envisager de partir. Et il y a quand même un peu une échéance, parce qu'on s'était dit, bah, d'ici 2026, on part. Ouais, mais s'il n'y a rien qui a changé en 2026, moi, je fais quoi ? Des potentiels enfants, des potentiels animaux, des potentiels travaux, la sœur, la mère. Oui, après, c'est aussi l'avantage, c'est que comme j'ai toujours, là, depuis des années, j'ai une vie un peu à 100 à l'heure tout le temps, bah, je sais faire. Donc, ça ne m'inquiète pas plus que ça. Après, en termes de fatigue, bah, oui. Mais bon, mais ce qui me dérange plus, moi, justement, c'est de connaître ça dès maintenant, alors que normalement, c'est un peu... On dit toujours, quand t'es jeune, t'as pas de contraintes, tu fais ta vie, quoi, tu t'expérimentes des trucs, t'as le temps, en fait. Et moi, ce temps-là, je l'ai pas eu, et je l'aurai pas, et je vais passer directement d'un stade, en fait, où je suis aidante, à potentiellement maman. Et du coup, j'aurais jamais eu une vie sans contraintes.
- Speaker #1
Pas d'insouciance ?
- Speaker #0
Ouais. pas d'insouciance. Ça, je l'ai vu assez vite dans ma vie. Je m'en rendais pas compte forcément moi-même, seule. Mais après coup, en fait, c'est un discutant avec des amis qui me disait qu'eux, ils trouvaient qu'ils avaient vachement changé depuis le lycée. Bah du coup, je me suis demandé, tu vois, est-ce que moi, j'ai changé depuis le lycée ? Oui, j'ai forcément grandi un peu, mais je trouve pas que j'ai fondamentalement changé depuis le lycée, parce que j'étais déjà dans ce schéma un peu plus mature que les autres, un peu moins je sais quelles conséquences ont telle chose, enfin... Et ça, je le ressens aussi vachement maintenant encore, parce qu'elles ou ils, mes amis, du coup, n'ont pas la vie que j'ai, forcément, et ne comprennent pas, voire ne veulent pas comprendre, et ça, c'est pire. Mais personne ne peut se rendre compte, globalement, parce qu'eux, ils n'ont pas de contraintes, ils n'ont pas d'angoisse de ce type-là, et ils ne les auront pas, j'espère pour eux, en tout cas.
- Speaker #1
Tu ne connais pas d'autres frères et sœurs qui soient concernés par la même réalité que toi ou une réalité similaire ?
- Speaker #0
Non, malheureusement.
- Speaker #1
T'aurais aimé, en grandissant, pouvoir discuter avec d'autres frères et sœurs, par exemple, de ton âge ou des plus grands qui auraient pu te dire t'inquiète
- Speaker #0
Ouais, moi je pense que ça m'aurait fait beaucoup de bien et ça m'en ferait encore aujourd'hui. Parce que c'est quelque chose que j'ai essayé d'instaurer avec ma sœur aînée. Et en fait, elle n'a pas du tout la même stratégie que moi. Enfin, moi je parle beaucoup, comme on peut le voir. Même si ça réveille des trucs et tout, c'est normal. Mais je parle quoi, ça me fait plus de bien de parler que de garder. Et elle, elle met des mouchoirs sur les choses, globalement. Donc même quand j'essaie de lui parler de ce que moi je peux vivre, elle veut pas en parler, mes potes y comprennent pas. Et mon copain, il m'écoute, mais encore une fois, il ne vit pas ça. Donc rencontrer quelqu'un qui vit à peu près la même chose, même si ce n'est jamais exactement la même situation, ouais, ça aurait été cool.
- Speaker #2
Les jeunes aidants, ce que vous partagez, c'est cette idée de soulager aussi d'autres membres de votre famille, pas que la personne qui a besoin d'être accompagnée. Et cette question de l'aide publique, qui n'est pas toujours au rendez-vous, et du regard des autres.
- Speaker #0
Pour moi, il y a un côté à la fois. Il y a un côté positif et un côté négatif à cette catégorie jeunes aidants. C'est que d'un côté, ça a créé une visibilité et une reconnaissance qu'on n'a jamais eue. Parce que c'est vrai que les aidants, on en parlait beaucoup déjà pour les personnes âgées, mais assez peu au final pour le handicap en particulier mental, dont on parle encore moins en France. Donc d'un côté, ça nous a donné un espace de parole et vraiment de reconnaissance de ce qu'on fait et de ce qu'on est au quotidien. Mais d'un autre côté, c'est vrai que pourquoi créer cette catégorie ? Quel est le sens et quel est le but de faire ça à ne pas créer une catégorie ? Et du coup, c'est vrai que je suis encore assez sceptique sur cette catégorie, parce que tant qu'elle n'aura pas porté ses fruits concrètement, qu'est-ce qu'on apporte aux enfants qui aident ? Qu'est-ce qu'on apporte aux jeunes qui aident ?
- Speaker #1
Disons, les partisans de cette nouvelle catégorie disent que l'idée de faire émerger ce terme... Et donc, pas nécessairement un statut, mais ce terme permettrait de mettre en lumière, grosso modo, la réalité de certains quotidiens dans les sphères autres que les sphères du handicap, et de pouvoir obtenir des aménagements dans le cadre du travail, dans le cadre des études, obtenir une flexibilité. Mais la question se pose aussi de, si on crée un statut, est-ce qu'on ne va pas, du coup, créer une catégorie de la population qui est responsable de cette question-là, d'accompagner les personnes en situation de handicap ? et donc dédouaner tout le reste de la société d'une responsabilité commune de faire société.
- Speaker #0
Moi, je suis tout à fait d'accord. Parce que du coup, c'est vrai que quand on reconnaît aussi l'existence de ces personnes, on reconnaît en même temps que c'est plus ou moins normal qu'elles existent, qu'elles aient toujours existé et que visiblement, elles soient encore amenées à exister pendant longtemps. Donc, c'est bien de reconnaître les difficultés qu'elles vivent. Mais comme tu dis, ce n'est pas pour que ça serve. à dédouaner les vrais responsables normalement de la prise en charge de ces problématiques-là, à savoir l'État.
- Speaker #2
Et si je peux rajouter quelque chose, ce qu'on voit se dessiner, c'est de proposer aux jeunes aidants la même chose que ce qu'on propose aux aidants adultes. Et en fait, on est en train de se dire, les jeunes aidants, c'est des aidants, mais juste ils sont jeunes, alors bon... On va leur proposer un peu de répit, et puis on va leur proposer de mieux concilier la scolarité avec les danses. Mais en fait, à aucun moment, on se dit, mais je ne sais pas, il y a quelque chose qui s'appelle les droits de l'enfant. Est-ce que ça colle finalement avec les droits de l'enfant, cette idée qu'on va prendre acte que les enfants, certains enfants, c'est compliqué pour eux d'aller à l'école parce qu'ils doivent aussi aider chez eux ? C'est un peu étonnant que la question soit un peu plus creusée et qu'on se dise juste qu'on va un peu aménager les choses pour qu'ils aient moins de responsabilités hors de la sphère familiale, pour qu'ils puissent plus se concentrer sur ce qu'ils ont à faire chez eux, sans se poser la question de est-ce que c'est juste ? Est-ce que c'est ça la vie des enfants aujourd'hui ? Est-ce que c'est en termes de justice sociale, c'est cohérent ?
- Speaker #0
Je me souviens qu'on en avait parlé de cette question de la scolarité. Moi, je trouvais ça assez scandaleux de dire que justement, les enfants... On allait leur donner le droit d'aller moins en cours pour s'occuper de leur famille, en fait. J'étais, mais ouais, mais à quel moment, en fait, on leur demande leur avis ? Ces enfants, peut-être qu'ils ont envie d'aller à l'école, peut-être qu'ils ont envie de faire plus que les autres à l'école. Enfin, la question se pose même pas, en fait, c'est pas à eux d'aller moins à l'école, c'est aux autres de les soulager davantage chez eux. C'est ça, la différence. Et là, on prend le problème du mauvais côté. C'est, on va vous soulager pour que vous puissiez continuer à faire autant. Mais non ! Nous, ce qu'on demande, c'est avoir le choix, en fait. Avoir le choix, avoir la possibilité même de choisir un travail sans se demander si ça va être possible avec la famille, de partir en vacances sans regarder le calendrier de présence de notre sœur. Enfin, vraiment avoir le choix.
- Speaker #1
Il y a des questions qui découlent de l'éducation et des études. Une précarité dans le travail, moins on peut avancer dans les études. En tout cas, dans la société telle qu'elle est bâtie aujourd'hui, c'est quand même extrêmement élitiste. On a besoin d'un diplôme pour tout. ça pose aussi vraiment la question de qu'est-ce qu'on va pouvoir se permettre financièrement.
- Speaker #0
Et je trouve qu'il y a aussi un dernier point, qui est que finalement, pour les familles, pour les aidants et pour la personne concernée par le handicap, ce qu'il y a de plus violent finalement, c'est le rejet. C'est de ne pas pouvoir exister dans le monde. Que le handicap existe, qu'il y ait des troubles du comportement, qu'il y ait des troubles de l'oralité, qu'il y ait toutes sortes de troubles, c'est une réalité et on peut composer avec. Ce qui est très difficile, c'est finalement d'avoir cette sensation qu'on est un paria, en fait, que le monde n'est pas prévu pour nous, qu'on est censé s'en excuser. déranger et que ça n'a pas l'air non plus d'intéresser grand monde de changer ça. Donc finalement, ce qu'il y a de plus violent, c'est la solitude et le rejet, pas le handicap.
- Speaker #1
C'est intéressant ce que tu dis parce que ça va avec le sens de ce qu'on disait tout à l'heure, c'est-à-dire que toute la politique, et en tout cas le discours qu'on entend sur les jeunes aidants, les aidants, etc., c'est quand même surtout rester dans votre sphère familiale et voilà, on va vous aider à... trouver du temps pour rester chez vous, mais c'est quelque part, c'est comme un renfermement, mais dans les domiciles. Et sachant qu'en plus, il y a quand même toute une politique, et là, on parle d'autres situations, mais par exemple, dans le champ de la psychiatrie, tout le soin repose sur le domicile, sans penser forcément que le domicile, c'est aussi une famille, des gens qui vivent là, et visiblement, c'est complètement impensé.
- Speaker #0
On arrive à la fin de notre deuxième épisode de la série Sœurs. Est-ce que tu aurais un dernier mot, Perrine ?
- Speaker #2
Alors déjà, je vais fortement remercier à la fois Céline et Léa de m'avoir donné la parole sur cet épisode. Moi, j'ai beaucoup aimé participer à ce podcast, même si ça a réveillé pas mal de choses. Ça s'entendra peut-être sur certains passages. Et ce que j'aimerais aussi surtout qu'on fasse passer comme message, c'est qu'au-delà de tout ce qu'on peut proposer comme aide, matérielle, physique, humaine, tout ça. Ce qu'il faudrait surtout faire évoluer dans la société, c'est la perception qu'on a du handicap. Le fait qu'il y a plein de handicaps différents, qu'il y a plein de situations différentes et qu'on aimerait, comme disait Léa plus tôt, exister sans toujours avoir la sensation de déranger tout le monde et qu'il y ait plus de sensibilisation à ce que c'est le handicap, à ce que ça peut apporter aussi, parce que c'est... beaucoup beaucoup de bonheur aussi des personnes comme ça qui peuvent apporter plein de choses en termes d'ouverture d'esprit en termes de plein de choses et j'ai un autre dernier mot à ajouter finalement c'est que bah je l'aime fort ma soeur et que je l'ai pas dit et ça paraît évident mais c'est quand même important de le dire et aussi que on a trop souvent tendance à les considérer que par leur handicap que la les définir que par ça de parler d'eux que par leurs difficultés ce qu'ils ont de différent et tout Mais c'est aussi des personnes humaines comme nous. Et dans la manière d'appréhender les choses, ça change absolument tout. De considérer qu'ils sont humains et pas juste handicapés.
- Speaker #0
Merci Périne.
- Speaker #1
Moi aussi, j'ai envie de vous remercier toutes les deux, Léa et Périne. J'ai envie d'ajouter peut-être un dernier petit mot. C'est que quand on crée des catégories et des définitions, on recrée de l'exclusion en fait. Et donc c'est... une catégorie émergente, celle des jeunes aidants. Donc, c'est le bon moment pour se poser la question de à quoi ça sert. Pour l'instant, on n'a pas la réponse. Voilà.
- Speaker #0
Merci infiniment pour cette discussion riche et émouvante, Périne, Céline. Je vous remercie, vous aussi, auditeurs, qui avez écouté ce deuxième épisode de la mini-série Sœurs. Cette mini-série est réalisée dans le cadre de la valorisation de la recherche tragède. Trajectoire et socialisation des jeunes aidants, menée par Céline Jung-Lorient. Engagée pour l'autonomie, la Fondation d'entreprise OSIR pagite pour que chacun puisse se construire dans un environnement qui s'adapte aux différences. Elle a souhaité soutenir cette recherche, puis la création de ces podcasts pour mieux connaître et faire reconnaître la situation des jeunes aidants, afin d'identifier des réponses concrètes pour les aider dans la réalisation de leurs projets de vie autonomes.
- Speaker #1
Avant de se dire au revoir, je voulais remercier tous les partenaires qui ont soutenu cette recherche trajette. Bien sûr, la Fondation Ossir, mais il y a eu le Défenseur des droits, l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, la CNAF, la Fondation du crédit agricole et Clésia, par l'intermédiaire du CCH, qui ont tous soutenu à des moments différents la recherche tragède qui s'est déroulée sur deux volets et sur un peu plus de trois ans.
- Speaker #0
Merci, à très bientôt pour le troisième épisode. Bye !