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#132 Hors-Studio, lauréates du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main cover
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DECODEUR, la décoration aujourd’hui

#132 Hors-Studio, lauréates du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main

#132 Hors-Studio, lauréates du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main

45min |21/11/2025
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DECODEUR, la décoration aujourd’hui

#132 Hors-Studio, lauréates du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main

#132 Hors-Studio, lauréates du Prix Liliane Bettencourt pour l'Intelligence de la Main

45min |21/11/2025
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Description

Décoration, design, création, savoir-faire, ces mots vous parlent ? Alors vous êtes au bon endroit !

Depuis 1999, le Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main® distingue chaque année ceux qui perpétuent et réinventent les métiers d’art. Le sujet est passionnant, entre maîtrise technique, innovation et gestes ancestraux. Un prix devenu une référence, presque un label d’excellence qui participe largement au rayonnement des artisans d’art, un métier si noble, en France comme à l’étranger. 

Et aujourd'hui je suis ravie de rencontrer Élodie Michaud et Rebecca Fezard de Hors studio, les lauréates de la catégorie Dialogues (il y a 3 catégories pour ce prix et celle-ci récompense la collaboration entre un artisan d’art et un designer qui ont travaillé sur un prototype ou un objet). 

Ensemble nous parlons de

  • Tufo, la table qu'elles ont imaginé et grâce à laquelle elles ont gagné ce prix

  • le leatherstone©, le matériau qu'elles ont inventé 

  • leur métier qui est de développer de nouveaux matériaux à partir de déchets 

  • et en quoi les déchets sont les ressources du XXIe siècle ?

  • quels types de déchets elles travaillent

  • leur démarche éco-responsable 

  • on parle aussi du temps long et de la patience

  • du travail de la main bien sûr 

  • la manière de collaborer avec les architectes et décorateurs 

  • comment elles ont vécu de Prix

  • et ce que cela va leur apporter 

  • comment elles travaillent ensemble depuis 9 ans 

  • leur façon de faire un pas de côté dans le monde du design

  • l'idée de combiner héritage et innovation 

  • etc. 


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Merci beaucoup !   

Hortense Leluc, journaliste déco et fondatrice de DECODEUR  


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Hortense Leluc et vous écoutez Décodeur, le podcast dans lequel j'échange avec des pros de la déco. Il y a plusieurs formats d'émissions qui tournent, stylé, archi-cool, le club ou les rencontres comme l'épisode qui va suivre, dans lequel un architecte ou un designer, une marque que vous aimez ou que vous allez découvrir, un entrepreneur ou un créatif va nous parler de sa manière de travailler, de ses produits. de son savoir-faire, sa vision, ses inspirations, bref, de l'envers du décor qu'on ne soupçonne pas toujours. Et c'est ça la force du podcast, on prend le temps, on va plus loin, on décortique, on apprend, on comprend, il y a une forme d'intimité, de complicité et d'authenticité à laquelle je tiens beaucoup. Merci d'être si nombreux à écouter. Si vous venez de découvrir le podcast, bienvenue, n'oubliez pas de cliquer sur s'abonner pour ne pas rater les prochains épisodes et si mon invité vous... plaît, surtout n'hésitez pas à partager l'épisode en story ou à mettre 5 étoiles, tout ça m'aide beaucoup à me faire connaître encore plus.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous,

  • Speaker #0

    aujourd'hui dans Décodeur, je vais vous parler d'un prix unique en France qui récompense quelque chose de rare, de fragile, d'essentiel, la main, l'intelligence de la main. Depuis 1999, le prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main distingue chaque année ceux qui... perpétue et qui réinvente les métiers d'art. L'idée, c'est de rappeler la noblesse des métiers d'art, d'encourager les talents et, pourquoi pas, de susciter des vocations. Un prix devenu une référence, presque un label d'excellence, qui participe d'ailleurs largement au rayonnement des artisans d'art en France comme à l'étranger, à la croisée de la maîtrise technique, de l'innovation et du geste qu'on transmet de génération en génération. Je ne parle pas pas beaucoup des métiers d'art dans Décodeur, donc je suis ravie de faire cet épisode qui, je suis certaine, va vous plaire. Mais non, les métiers d'art ne sont pas que patrimoine et héritage. Ils peuvent être aussi un genre de laboratoire, un lieu où on expérimente de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques, de nouvelles manières de produire, plus responsables, plus ancrées dans notre temps. Alors ce prix a accompagné plus de 135 lauréats et leurs savoir-faire. du travail du verre à la nacre, du bois à la porcelaine, des fibres aux métaux et surtout il a créé une véritable communauté soutenue sur trois ans et propulsée sur la scène créative française et internationale. Alors ce prix, dernier point que j'aborde pour vous présenter le prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main, ce prix se compose aujourd'hui de trois distinctions. Talent d'exception qui récompense un artisan d'art pour la réalisation d'une œuvre témoignant d'une maîtrise technique et d'innovation rare. Parcours qui met à l'honneur une structure pour son engagement et sa contribution exemplaire au secteur des métiers d'art en France. Et troisième catégorie, dialogue, la catégorie qui nous intéresse aujourd'hui, qui salue une collaboration entre un artisan d'art et un designer. distinguant chaque année un prototype suffisamment abouti ou un objet qui témoigne d'un savoir-faire d'excellence et d'une créativité dans le design. Voilà, j'ai terminé ma longue intro, donc je suis avec les deux lauréates de Dialogue 2025, Elodie Michaud et Rebecca Faisard. Bonjour à toutes les deux.

  • Speaker #1

    Bonjour. Bonjour. Vous avez tenu le long de ma longue intro. Tout va bien, c'était clair. Oui, pour présenter le prix. Nickel. et du coup je me suis dit qu'on allait directement attaquer vous avez vu je n'ai pas parlé de ce fameux projet commun vous avez été récompensé pour un projet, lequel ? alors on a été récompensé pour un projet qui est une table basse qui s'appelle Tufo qu'on écrit T-U-F-O qui est une table qu'on a développée dans un nouveau matériau qu'on a créé qui s'appelle le Leatherstone qui est un matériau fait à partir de chutes de cuir donc de chute de production de cuir, et qui va sécher à l'air libre en devenant dur comme de la pierre.

  • Speaker #2

    Et c'est quoi ? C'est une table basse, je crois ? Oui, tout à fait, c'est une table basse. Donc on a voulu, avec notre matière qui est transformée, le cuir en pierre, faire une citation à la pierre de Tuffaut, parce que nous, on vient de Tours, l'Indre-et-Loire, et on a été bercé par cette matière. Et à travers cette pièce, ce qu'on veut, c'est interroger sur la précarité de nos ressources. Donc c'est vrai que nous, quand on a commencé à travailler, on avait vraiment cet engagement et ce besoin de dire qu'avant d'utiliser des nouvelles ressources, Il faut regarder autour de soi ce qu'il existe déjà et donc on a développé notre savoir-faire qui est d'aller sourcer des déchets en local et de les transformer en nouveaux matériaux. Donc vous l'avez créé vraiment de toutes pièces ce nouveau matériau ?

  • Speaker #1

    Oui tout à fait, alors nous avec Elodie on travaille ensemble depuis 9 ans et en fait tout notre savoir-faire c'est de transformer les déchets en nouveaux matériaux. Donc on a développé une vingtaine de matériaux et là pour le prix Liliane Bétancourt, on a donc vraiment voulu mettre en avant le Leatherstone qui est emprunt en fait.

  • Speaker #2

    Comment tu dis pour que les...

  • Speaker #1

    Leatherstone.

  • Speaker #2

    Et donc ça c'est... La pierre de cuir. La pierre de cuir,

  • Speaker #0

    transformer le cuir en pierre, voilà.

  • Speaker #2

    C'est même vous qui avez inventé le nom ?

  • Speaker #0

    Oui, qui est une marque déposée même,

  • Speaker #2

    puisqu'on ne peut pas déposer une recette. Donc quand on crée des matériaux, on ne peut pas protéger une recette d'un matériau. Mais par contre, on la protège à travers le nom et un nom de marque, une identité.

  • Speaker #1

    Et alors, comment vous l'avez... Comment on crée un matériau ? Comment ça se passe ? Donc, vous aviez les matières premières.

  • Speaker #0

    C'était les matières premières qui vous ont inspiré. Comment ça se passe ?

  • Speaker #1

    Alors, nous, notre démarche, c'est vraiment de considérer les déchets comme les ressources du XXIe siècle. Donc, en fait, on va rencontrer des déchets. Là, en l'occurrence, nous avons rencontré le cuir. À partir de là, il y a une investigation pour désenfouir des recettes ancestrales des artisans d'art, et notamment celles du staff et du stuc, et essayer de comprendre comment les matériaux à l'époque étaient faits et comment nous aujourd'hui, à l'ère du XXIe, à l'ère anthropocène, on peut créer des nouveaux matériaux à partir de ces déchets-là. C'est une démarche très empirique. Nous, on a mis cinq ans à développer, à aboutir le leather stone. Et ça passe par plein d'étapes d'expérimentation et de recherche dans l'atelier, par le travail de la main.

  • Speaker #2

    En fait, notre savoir-faire, il est de recréer des matériaux avec ces déchets et des liants complètement naturels. Et donc ça, effectivement, dans les recettes anciennes, on utilisait des colles naturelles. Et donc, comment on en arrive à ce matériau ? C'est vraiment une succession de recherches qui... et qui fait qu'on aboutit à un moment donné à un résultat qui nous paraît vraiment intéressant. Et ce qu'on dit toujours, c'est que nous, on ne projette jamais. En fait, quand on va chercher à créer un matériau, on ne sait pas ce qu'on va trouver. On ne sait pas ce qu'on va obtenir et on ne cherche pas un résultat en particulier. C'est vraiment l'expérimentation et tout le processus de recherche qui nous porte. Et c'est ensuite, quand on a le matériau dans les mains, Là, on va commencer à projeter des usages par rapport à ces caractéristiques, mais ce n'est pas l'inverse. Et souvent, dans l'ingénierie, on cherche une spécificité. On dit qu'il faudrait qu'on développe un matériau qui ait telle ou telle caractéristique pour telle application. Mais nous, vraiment, c'est le chemin inverse. Je crois que c'est une matière qui est... D'ailleurs, peut-être qu'on peut faire un point matière et matériaux. Je ne sais pas... Et après, je vais vous faire ma... Ma question,

  • Speaker #0

    je crois que c'est une matière qui est souple et qui en fait durcit après, sèche.

  • Speaker #2

    En fait, on part de déchets de cuir qui sont les squelettes issus de la production de la maroquinerie. Ensuite, nous, on va venir le broyer. Donc, on obtient une poudre. Ensuite, on le mélange avec nos liants naturels. Donc, la recette, évidemment, est secrète. Et là, on obtient une pâte qui a un peu la consistance de la pâte à pizza, on va dire, ou de la terre qui n'est pas cuite. Et donc cette boule, on va pouvoir la modeler à la main, on va pouvoir faire des plaques, on va pouvoir la gainer sur des supports et ensuite elle va sécher à l'air libre et devenir très dure, comme la pierre. Donc c'est ça. Donc à la base, vous créez une matière avant que ce soit un matériau ou est-ce que je dis n'importe quoi ?

  • Speaker #1

    Non, en fait, on ne dit pas n'importe quoi. Il y a un peu des débats entre matière, matériau. Je pense qu'on crée un matériau in fine. fait d'un mélange de matières différentes. Oui, j'aurais dit ça aussi. Et du coup, cet état intermédiaire dans notre travail d'alchimiste, on va dire de pâte, n'est ni matière ni matériau. Voilà, c'est un peu ça que je pense qu'on peut dire.

  • Speaker #0

    Oui. Vous avez travaillé avec des chimistes, et en même temps, vous revendiquez une approche un peu low-tech quand même. Comment on concilie les deux ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, nous, on travaille avec des ingénieurs scientifiques chimistes Merci. plutôt pour la question de la caractérisation une fois que le matériau est fini. Toute cette recherche empirique d'expérimentation vraiment par le travail de la main en atelier, ça on le fait en totale autonomie toutes les deux, vraiment en cherchant par la main, mais aussi en cherchant. dans tous les écrits, que ce soit dans les écrits de recherche fondamentale ou de recherche, enfin plutôt de ce que je disais tout à l'heure, de recettes ancestrales. Et voilà, la partie scientifique, elle intervient après pour tout ce qui va être plus usage, en fait.

  • Speaker #2

    Ok. Qu'est-ce qui s'est passé en cinq ans ? Quelles ont été les étapes que vous avez traversées ?

  • Speaker #1

    Les cinq années de création de la matière. Il doit y avoir tellement de choses.

  • Speaker #0

    En fait,

  • Speaker #2

    quand on dit cinq ans, c'est parce qu'on est sur un... On est sur un travail de studio où on travaille plein de choses en même temps. Nous, au-delà de notre casquette de designer, artisan, chef d'entreprise,

  • Speaker #1

    de notre atelier, de notre studio, on a aussi monté une association pour pouvoir redistribuer les chutes sur le territoire. En fait, en cinq ans, il s'est passé tellement de choses dans lesquelles le Leatherstone était en train d'être formulé et d'éprouver. Et du coup, on a assez eu vite la très bonne intuition, je dirais. Et après, ça a été des ajustements pour mettre en place une filière. Quels sont les procédés de broyage ? Comment on fait pour avoir des granulométries qui vont être plus ou moins fines, qui ne vont pas donner le même rendu ? Le travail de la couleur, en fait, c'est tout ça. C'est toutes ces étapes en cinq ans qui, là, ont abouti à ce qu'aujourd'hui, on travaille pour des prescripteurs, les architectes, les décos, et que le matériau est applicable et ne reste pas au stade expérimental.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça, les cinq années, c'est la mise en place pour que ça devienne un vrai artisanat et aussi le développement de différentes techniques. Au début, on l'utilisait en plaque ou en modelage et puis ensuite, on a travaillé l'extrusion en impression 3D, notamment à grande échelle. Ensuite, on a développé la technique du pisé. On l'a gravé, on a créé nos propres matrices pour faire des empreintes. En fait, ce n'est pas forcément cinq années qui permettent de développer le matériau en tant que tel, mais c'est tout l'artisanat qui gravite autour de cette matière, qui s'affine, qui se développe. Et il y a aussi, nous, comment on a envie de l'exprimer et de l'utiliser dans notre quotidien d'atelier. Oui, parce que vous allez utiliser ce matériau. Maintenant, vous l'avez créé et vous avez créé Tufo. Après, vous avez d'autres projets pour ce matériau ?

  • Speaker #1

    Oui. On a candidaté au prix Bétancourt avec Tufo parce que pour nous, c'était la pièce qui était porteuse de notre histoire. C'est une des toutes premières pièces qu'on a réalisées avec le Leatherstone. Elle avait cette... On avait eu cette espèce d'instinct un peu créatif de premier geste d'intention d'application d'une matière. Parce que quand on crée des matériaux, on commence toujours par le stade d'échantillon. Ça peut rester très longtemps au stade d'échantillon avant qu'il y ait vraiment une application possible dans le mobilier ou dans l'architecture intérieure. Et donc ça a été la première intention, le premier geste. Et puis depuis, on a fait beaucoup d'autres pièces et surtout on a travaillé pour des architectes avec vraiment des applications du matériau.

  • Speaker #0

    Je reviens juste sur le... Là, en fait, c'est une table qui est recouverte de ce matériau. Ce n'est pas un matériau qui est utilisé pour créer une table.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. En fait, la structure est faite de mobilier recyclé qu'on a été chercher dans une recyclerie. Alors, on n'est pas obligé d'utiliser cette technique-là, mais nous, ça nous a intéressés aussi dans l'histoire et dans notre démarche du recyclage. Ça permet aussi d'avoir un objet plus léger, parce que le leatherstone, c'est un matériau qui est assez dense, qui est presque aussi lourd que le béton, en fait. Et donc là, on travaille sur la technique du gainage. On va vraiment recouvrir la structure en bois de notre matière, et ensuite, on lui donne cet aspect très sculptural, effet brut de pierre. Et ensuite, on a fait d'autres projets dans cette même histoire, où là, on a... davantage assumer le mobilier qui était en dessous, avec une vraie citation au mobilier, notamment je pense à Sigismond, c'est une chaise de René Gabriel. Donc là on a vraiment décidé de garder l'empreinte de cette chaise et ensuite de nous venir compléter cette histoire avec notre vision plus culturelle, plus effet roche, etc. Vous imaginez quelle vie ? Pour que je le dise bien, l'Etherstone. Alors nous, le l'Etherstone,

  • Speaker #1

    on l'imagine dans plein de typologies de projets différents parce qu'en fait, ce qui est assez dingue, c'est qu'il y a énormément d'applications possibles. Donc on le préconise pour le moment pour le design intérieur. Ça c'est assez sûr. Là on va peut-être commencer à tester du revêtement mural. On le voit vraiment plutôt en mobilier, en éléments de décor, d'architecture intérieure. Et puis il y a tout l'aspect thermique du matériau qui est hyper intéressant. En fait le matériau a une inertie thermique, il est capable d'emmagasiner la chaleur ou la fraîcheur et de la restituer plus longtemps, comme le ferait une pierre d'ailleurs. Et ça, ça ouvre des portes pour répondre aussi aux enjeux qui nous attendent, qui sont tout simplement les enjeux climatiques. Et voilà, donc si en plus,

  • Speaker #2

    on peut en fait apporter des solutions, des conforts thermiques avec quelque chose qui a une vraie place décorative, c'est assez intéressant.

  • Speaker #1

    Par rapport à cet enjeu même climatique, qu'est-ce que cette pièce, elle dit de votre vision, même à toutes les deux, du design d'aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Nous, c'est vrai que quand on a commencé avec Rebecca, on vient d'une formation textile, matière, surface. Donc en fait, notre métier, c'était de faire de l'ennoblissement. Et assez vite, on s'est retrouvés face à une petite crise existentielle de notre métier parce qu'on avait besoin de donner beaucoup plus de sens que ça. Et nous, on dit toujours qu'en tant que designer, artisan, on porte vraiment une responsabilité. c'est celle de de créer, d'ajouter des objets à notre monde. Et donc, nous, le message qu'on porte, c'est qu'il y a déjà vraiment suffisamment... Les déchets sont les ressources du XXIe siècle. Donc, avant d'aller utiliser des ressources épuisables, il faut vraiment regarder ce qu'il existe avant d'aller chercher autre chose. Donc, c'est une vision du design qui est assez engagée.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une vision engagée. Puis ensuite, sur Tufo particulièrement, cette esthétique presque sculptée dans la roche, elle est vraiment là pour rappeler l'enjeu de la question de nos ressources naturelles. Cette bascule qu'on arrive à faire par notre formation, en fait, qui est de créer des effets factices, de créer une nouvelle pierre à partir de déchets de production, c'est aussi montrer qu'on peut sublimer la question de la ressource. Et en fait, sortir le statut du déchet de la poubelle, tout simplement.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que vous pensez du traitement des déchets aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Pour vous,

  • Speaker #2

    c'est une aberration ?

  • Speaker #1

    Non, pas forcément. Ce n'est pas que c'est une aberration, c'est que c'est un sujet extrêmement complexe. L'aberration, c'est effectivement de se rendre compte que des tonnes et des tonnes et des tonnes de matières premières nobles et viables finissent à l'enfouissement parce qu'il n'y a pas de filière. Nous, ça a été vraiment l'électrochoc, ça a été ça. Ça a été de se dire, en fait, nous, avec le parcours qu'on a eu et la vision, on a peut-être cette capacité de pouvoir les transformer. Sauvons-les pour ne pas épuiser nos sols, en fait.

  • Speaker #2

    Je crois qu'on a une vision assez humble par rapport à cette grande question de la valorisation des déchets parce qu'on sait à quel point c'est compliqué, à quel point ça demande énormément de recherche et développement, ça demande un temps long. c'est une économie qui est compliquée à mettre en place évidemment on pourrait mieux faire et il y a encore un long parcours mais je pense qu'on a aussi cette vision sans être dans cette critique de on fait pas suffisamment ou on fait n'importe quoi etc on sait aussi qu'il faut laisser ce temps là de la création de la conception, de la recherche et qu'avant d'aboutir à un matériau recyclé, exploitable industriellement, ce qui n'est pas notre volonté à nous, chez Orstudio, mais qui est la volonté d'autres créateurs qui sont un peu dans la même veine que nous, on va dire. Il faut leur accorder ce temps et cette patience. Et souvent, je trouve que les gens ont une vision très critique de ce truc de l'instantanéité, de dire, ouais, Il faut que les choses changent, les bougent. Oui, mais c'est long. Il faut du temps, il faut de l'argent. Il faudrait que les entreprises puissent accorder plus d'argent, plus de financement à la transformation de leurs déchets. Mais je trouve qu'on a quand même évolué dans les mentalités. Et nous, les entreprises qu'on rencontre, qui nous mettent à disposition leurs déchets, ont une vraie volonté. d'aller vers le mieux et c'est aussi ça qu'il faut retenir.

  • Speaker #0

    Je crois que tu as répondu tout à l'heure, mais là, sur cette idée de recherche, ce n'était pas votre job à 100%, vous faisiez d'autres choses à côté, et notamment, est-ce que si votre philosophie, c'est le déchet, enfin votre cheval de bâtiment... C'est le déchet. Est-ce que vous êtes en train de travailler peut-être sur d'autres créations de matériaux ?

  • Speaker #1

    Oui, on en a développé une vingtaine aujourd'hui. On a décidé il y a trois ans de mettre en avant le leather stone parce qu'on avait aussi bien compris dans une démarche entrepreneuriale qu'il fallait qu'on puisse être identifié. Quand on est peut-être un peu trop pluridisciplinaire, on peut paraître éparpillé et les prescripteurs ont besoin aussi de... Voilà, de savoir où ils vont. Et en fait, on a développé des matériaux à la base. Les tout premiers étaient faits à partir de coquilles de moule d'huile de Saint-Jacques. On a pu développer à partir de l'acétate de cellulose, qui est la matière qui sert à fabriquer les lunettes, de sur-de-bois, de drèches de pommes ou de drèches tout court. Et là, on a un déchet, le textile aussi, et là, on a un déchet qu'on travaille aussi beaucoup depuis 4 ans maintenant. qui est le bissus. Et le bissus, c'est la fibre que produit la moule pour s'accrocher à son rocher. Alors c'est très niche comme sujet, mais c'est intéressant parce que ces rencontres avec ces ressources, ça raconte aussi des histoires assez incroyables. Et le bissus, au XVIe siècle, ça s'appelait la soie de la mer. C'était tissé, c'était complètement oublié. Et voilà, donc nous, on a travaillé avec les pêcheurs et là, on travaille... le bissus de façon textile et en recherche fondamentale aussi. Donc voilà, depuis 9 ans avec Elodie, nous on continue, dès qu'on rencontre un déchet qui nous inspire, on continue d'expérimenter pour les transformer.

  • Speaker #2

    Oui, là ce que tu viens de dire, la moule à son rocher, pour vous c'est un déchet, c'est vrai que nous, enfin pas nous, mais déchets, tout de suite on ne pense pas à ça. En fait, finalement, est-ce que vous pouvez nous redéfinir ce que déchets, franchement, on voit une poubelle, la poubelle verte, la poubelle jaune et la poubelle marron. On est d'accord, non ? Oui, ça, c'est les déchets, ce qu'on appelle les dibs, les déchets ménagers. Mais nous, en fait, c'est vrai que cette question, elle est intéressante parce que c'est tellement ancré pour nous qu'on ne le précise pas. nous on s'intéresse vraiment aux déchets issus de la production production industrielle et artisanale. Donc, on va vraiment récupérer la chute de production, donc pas post-usage, alors que les poubelles ménagères, c'est une fois qu'on a consommé, ça devient un déchet. Déjà, c'est assez différent, parce que ce n'est pas du tout les mêmes typologies de matière, et surtout, nous, c'est des déchets qui sont non souillés, non dangereux, c'est vraiment de la matière. Enfin, il faut imaginer, voilà, des découpes d'emporte-pièces, des tiges, de la poudre aussi parfois, quand on va venir poncer, raboter, on va générer de la poudre. Et nous, en fait, on qualifie, quand on va rencontrer les entreprises, on qualifie les différentes typologies de déchets. Il y a un poste qui va générer telle forme de chute, un autre, une autre, et ça, c'est très important pour nous dans la création, parce que ça va emmener vers... des esthétiques différentes ou des matériaux différents. Et c'est vrai que par rapport au bissus, on pourrait penser que ce n'est pas un déchet puisque c'est organique et donc ça ne pose pas de problème de pollution. Mais c'est beaucoup plus compliqué que ça parce que n'importe quel déchet, même s'il est organique, s'il est rejeté même dans son propre milieu en trop grande quantité, il va perturber son milieu. Et donc le bissus, en l'occurrence, ça fait quelques années qu'il y a une loi qui interdit le rejet dans l'océan. Même si c'est biodégradable. Mais en trop grande quantité, ça ne fonctionne pas. Et voilà, c'est là où je pense qu'il y a quand même de grandes avancées et qu'à chaque fois, on voit bien que les avancées, elles se font par la loi, par le soutien de la loi. Parce que si la loi ne l'interdit pas, clairement, on continue. à faire comme on faisait avant. Et donc, il y a quand même un soutien de la loi française qui fait qu'on avance pas à pas dans le traitement aussi des déchets qu'on produit.

  • Speaker #1

    Comment réagissent les pros, les architectes, les designers quand vous proposez un matériau ou ce matériau ou un matériau qu'ils n'ont jamais vu et tout d'un coup, ils doivent faire confiance à du cuir recyclé, par exemple ? Pour le moment, ils réagissent plutôt bien parce qu'il y a eu une évolution des mentalités aussi. Nous, c'est vrai qu'il y a neuf ans, on était quand même assez précurseuse en France, pas en Europe, mais en France. Et on sentait qu'il y avait peut-être un frein auprès des prescripteurs parce que pas d'assurance que le matériau soit viable, tienne aux usages. etc. Et en fait, on rassure souvent parce que justement, on travaille à partir de recettes ancestrales qui ont traversé des millénaires. Et puis là où ils sont évidemment très réceptifs, c'est sur cette question de l'engagement écologique autour des matières qu'on utilise. Et vraiment, nous, ça, c'est quelque chose qu'on s'est fixé, auquel on ne démarre pas. On n'utilise aucune pétrochimie dans nos matériaux. Ça, c'est très, très important. Et voilà, donc généralement, les archiers et les décos qui viennent nous chercher, ils ont ces valeurs communes.

  • Speaker #2

    Et vous me dites, si vous pouvez me répondre,

  • Speaker #1

    est-ce que vous leur vendez le matériau ? Quel est votre modèle économique ? En fait, vous, vous faites beaucoup de recherches depuis des années. Comment vous gagnez votre vie ?

  • Speaker #2

    Nous, on ne vend pas notre matériau sans la création. Donc, ce qu'on vend, c'est un projet de création avec notre matériau. Et c'est nous qui produisons.

  • Speaker #1

    En fait, on travaille uniquement sur mesure. C'est ce qu'on explique aux architectes et aux décorateurs, c'est que nous ne sommes pas fabricants de matériaux et nous ne vendrons jamais au mètre carré. C'est vraiment à l'étude du projet, avec une co-création aussi, généralement. Étant donné qu'on est les seuls à maîtriser notre savoir-faire, en fait, en fonction d'un projet, on va peut-être utiliser une technique plus que l'autre et donc on va toujours faire partie de cette co-création.

  • Speaker #2

    Avec les prescripteurs.

  • Speaker #1

    Ok, donc je reviens au prix Liliane Bétancourt, parce que justement, c'est pas juste une distinction, c'est aussi un accompagnement financier pour que ce projet se développe.

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. C'est un bel accompagnement qui permet vraiment de réaliser ce qu'on ne peut pas faire, on va dire, au fil de l'eau dans la vie du studio. Nous, le premier objectif, c'est d'aller vers la certification du matériau. Ça ne veut pas dire qu'on ne change pas de mode opératoire. On ne le vendra toujours pas au mètre carré, mais nous, on a besoin d'en savoir un peu plus, d'avoir ses fiches techniques pour pouvoir encore mieux travailler avec les architectes et les décorateurs. Ensuite... L'idée c'est de faire une collection de démonstrateurs, de mobiliers, et de pousser sur cette question de design climatique. Nous c'est vrai qu'à chaque fois qu'on fait des pièces, c'est vraiment des pièces manifestes, des pièces démonstratrices pour guider un maximum nos clients dans l'utilisation de nos matériaux. Il y aura cette nouvelle collection. C'est aussi l'idée d'engager notre alternant et de lui proposer le premier poste de chef d'atelier. Donc voilà, ce prix, cet accompagnement va nous permettre de travailler sur ces trois volets-là. C'est vous qui avez candidaté ? C'est vous qui proposez en fait votre projet ? Ah oui, bien sûr. Tu pensais à quoi ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, c'est une candidature, on ne va pas se mentir, qui est énergivore, qui est longue. Ça se mérite et en même temps, tant mieux. Qu'est-ce qui est long ?

  • Speaker #2

    Et puis c'est combien de temps ?

  • Speaker #1

    En fait, c'est long, l'écriture du dossier est assez longue. Enfin voilà, c'est un long processus, c'est-à-dire que je ne sais plus, on doit candidater aux alentours de... mars, un truc comme ça. Et puis après, il y a les premières phases de sélection. On doit refournir potentiellement d'autres documents. Et puis ensuite, il y a le fait où on est finaliste. Et ensuite, il faut préparer l'oral, pitcher. Il y a tout un audit aussi de notre projet de développement. Voilà, donc c'est un parcours. C'est un parcours, oui.

  • Speaker #0

    C'est un prix d'excellence. Donc les candidatures sont vraiment peaufinées.

  • Speaker #1

    À quel moment, justement, vous avez compris avec ce matériau que vous teniez une pièce suffisamment forte pour concourir à ce prix ?

  • Speaker #2

    Sincèrement, ça, on ne le sait pas. En fait, on ne sait pas si c'est suffisant pour convaincre le jury. Ça, on se dit qu'on a envie de le proposer, mais il y a toujours des hésitations. On ne sait pas si on a fait le bon choix. Sincèrement, avant d'être lauréat... On a toujours beaucoup de doutes, enfin je pense que ça, tous les L'Oréal diront. Vous connaissiez les autres concurrents de votre catégorie ? Non, on ne le sait pas,

  • Speaker #1

    et d'ailleurs la Fondation garde le secret.

  • Speaker #2

    On ne le saura jamais.

  • Speaker #1

    On ne le saura pas. Ah, qui a candidaté en même temps ? Et comment vous l'avez appris, que vous avez gagné ? C'est pas le jour J comme à Cannes, c'est...

  • Speaker #2

    En fait, on a passé l'oral. Et on savait qu'on allait être appelés dans la journée, en fait, pour... Avoir les résultats, donc on devait garder le secret pendant plusieurs mois, donc ça a été très dur de garder le secret pendant trois mois, je crois, parce que c'était en juin. On a passé l'oral le 3 juin et la cérémonie a eu lieu le 16 octobre. Mais vous l'avez su le 16 octobre ou avant le 3 juin ?

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord.

  • Speaker #2

    On le sait, le jour de l'oral, à la fin de la journée. Ah pardon,

  • Speaker #1

    je n'avais pas compris. D'accord.

  • Speaker #2

    Et on a passé la journée ensemble avec Rebecca, en attendant les résultats. Et évidemment, on a eu le coup de fil le moment où on s'est séparés parce que ça faisait trop longtemps qu'on attendait. Donc c'est moi qui ai reçu le coup de fil. J'avoue que c'était intense.

  • Speaker #1

    Oui, qu'est-ce que vous vous êtes dit ?

  • Speaker #2

    Bah, que... C'est pas que j'y croyais pas, parce que forcément, on sait qu'on n'est que trois en finale, donc on y croit. Mais en fait, le premier sentiment, c'était que j'étais déçue de ne pas être avec Rebecca pour partager ce moment avec elle. Mais évidemment, hyper heureuse, et je l'ai raccrochée pour l'appeler directement. Mais soulagée, franchement, soulagée, en se disant... Ça y est, c'est fait et ce prix nous permet vraiment de valider notre savoir-faire qui est quand même un pas de côté, qui est un nouveau savoir-faire. Nous, on s'appelle Hors Studium, on ne rentre jamais dans les cases. Ça a été dur à des moments dans notre parcours. Nous, on dit toujours qu'on a eu un parcours où il a fallu qu'on mérite finalement chaque étape. Ça a pu être laborieux à des moments donnés. Et donc là, voilà, un petit sentiment quand même de soulagement. Eh bien, on y arrive. Est-ce que vous pouvez me raconter justement ce parcours ? Comment vous vous êtes rencontrées ?

  • Speaker #1

    Oui, alors du coup, j'ai rencontré donc à Tours, dans notre ville natale, toutes les deux. En fait, on expérimentait dans un Fab Lab. Donc le Fab Lab, je pense que ça... Tu parles à tout le monde. Non, vas-y, tu peux nous le dire. Les Fab Labs, en fait, c'est des lieux partagés, des lieux ouverts où on mutualise des machines, donc à commande numérique souvent, pour pouvoir faire ses propres projets créatifs. Et donc, toutes les deux, on s'est rencontrées là où, en fait, on s'est rendu compte qu'on avait une démarche similaire, une appétence sur la question des matériaux et de l'ennoblissement. Et voilà, ça s'est fait très naturellement comme ça. C'est une rencontre, je pense, assez rare. De se dire, ouais, ok, allons-y, montons un studio, quoi. Voilà comment on s'est rencontrés.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux me dire, ça fait plusieurs fois que vous lisez, moi je sais, mais l'ennoblissement, comment vous définiriez ça ?

  • Speaker #1

    L'ennoblissement, pour moi, c'est l'apport d'ornements et de décors sur des typologies de matériaux différents. Comment on vient ennoblir une matière. Donc, Élodie, est-ce que vous pouvez nous parler de vous, de votre parcours avant de vous rencontrer ?

  • Speaker #2

    Il est tout petit, puisque moi, j'ai fait Olivier de Serres, donc l'Ensahama à Paris, donc en design. Donc, j'ai fait cinq années là-bas, où je me suis vraiment formée à la question de l'ennoblissement. Mais tout de suite, moi, j'ai eu un intérêt pour les matériaux, cette question de l'empreinte. J'ai beaucoup travaillé le plâtre. Et j'ai rencontré Rebecca, mais vraiment, elle n'a même pas sorti. Je n'avais même pas fini mon diplôme. J'ai eu la chance d'être propulsée dans un projet tout de suite après la fin de mon diplôme.

  • Speaker #1

    Le nom de votre métier exact, c'est quoi ? C'est plusieurs casquettes ?

  • Speaker #2

    Nous, on se définit comme designer, chercheuse, artisane. il y a vraiment cette histoire de d'abolir les frontières entre les métiers. Parfois, on a même cette posture plus artistique. On va faire une exposition dans un musée et avoir des pièces plus engagées, avec une dimension beaucoup plus créative. Donc voilà, tout ça à la fois.

  • Speaker #1

    Ok. Et Rebecca ? Alors moi, j'ai été diplômée de l'École des Beaux-Arts de Lyon en Design Textile Matière Surface. Et ensuite, après mon diplôme, j'ai travaillé en tant que freelance dans le domaine du textile et de l'artisanat d'art. Donc ça, ça a duré pendant 5-6 ans où j'étais indépendante. Et du coup, la rencontre avec Elodie a fait que finalement mon statut de freelance qui était plus pluridisciplinaire nous a emmené en fait vers une démarche plus personnelle de moi répondre à des briefs et à des commandes clients. Ça fait combien de temps que vous travaillez ensemble ?

  • Speaker #0

    9 ans. On a fondé le studio il y a 9 ans. 9 ans tout pile en novembre 2016.

  • Speaker #1

    Ouais ok. En tant que designer, comment on fait pour ne pas devenir, quand on se dit designer, on se dit que vous êtes conceptrice un peu de matériaux ou d'objets, mais gardez bien une démarche sensible, voire culturelle,

  • Speaker #0

    voire pas philosophique, mais là vous avez un vrai message derrière finalement tout ça.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est propre à chacun et je redis ce qu'Elodie a dit tout à l'heure, c'est aussi pour ça qu'on s'est appelé Hors Studio. parce qu'il y avait cette volonté, sans qu'on le sache vraiment, c'était un truc très intuitif, de se dire, il y a quand même un truc chez nous, beaucoup en France, où il faut nous mettre dans des cases. Et en fait, moi déjà, ma formation au Beaux-Arts, elle décloisonnait ça déjà. Puisqu'en fait, au Beaux-Arts de Lyon, donc il y avait les filières art et les filières design, mais on avait des cours en commun. Et tout ce qui a importé... En tout cas, la pédagogie de l'école, c'était vraiment de développer une démarche artistique et une démarche personnelle. Et ensuite, la finalité peut prendre forme d'une œuvre d'art quand on est artiste ou d'une installation ou d'une performance. Et le design, c'était vraiment la question plutôt de l'usage et de l'application. Et en fait, pour moi, effectivement, on est toutes les deux conceptrices, mais on propose une démarche créative. Et en plus de ça, on se considère... comme maker, comme faiseuse, puisque du coup, on fait nous-mêmes dans l'atelier. Et moi, je vois vraiment une super belle continuité depuis les Beaux-Arts. Moi, j'étais tout le temps fourrée dans les ateliers. Tout le temps, tout le temps, tout le temps. Dès qu'il y avait une idée, en fait, directement, je passais dans l'atelier pour essayer de la formaliser tout de suite. Il y avait très peu, finalement, de dessins ou de conceptions. C'était des allers-retours sans cesse, en fait, entre le travail de la pensée et le travail de la main. Je pense que c'est vraiment des démarches qui sont tellement personnelles qu'il y a plein de typologies de designers, plein de typologies d'artisans et plein de typologies d'artistes. Il faut donner sa propre écriture singulière, je pense.

  • Speaker #0

    Et justement, tu viens de dire en tant que maker, quel est votre rapport toutes les deux au temps ? À la patience, aux gestes, parce que le geste c'est un mot qui revient beaucoup avec le privilège des temps courts.

  • Speaker #1

    Mais c'est assez rigolo parce qu'Élodie et moi on n'est absolument pas patientes de nature. Mais je ne sais pas, il se passe un truc dans l'atelier où il y a ce respect du temps long et du vivant aussi. Quand je dis du vivant, bizarrement on travaille avec des déchets, mais toutes les colles naturelles qu'on utilise, elles ont des procédés quand on les travaille où il faut attendre 24. 48 heures. Ensuite, c'est composé avec les conditions hygrométriques de l'atelier. S'il fait chaud, s'il fait froid, c'est sans cesse s'adapter à son environnement. Et je crois que c'est le seul endroit où on est patiente.

  • Speaker #2

    Oui, et puis aussi, de manière plus globale, on accepte que les choses prennent un temps long, même dans notre développement. On dit toujours qu'on a mis du temps à se développer, on a pris du temps à trouver vraiment notre centre. Et ça, c'est vrai qu'on le respecte. Alors, on a besoin d'être en mouvement. On fait tout le temps des projets. On a tout le temps, voilà, mille choses à faire, plein d'idées de développement, etc. Mais on accepte cette temporalité, je pense, dans le développement global de notre studio. Et c'est vrai que le fait d'être deux, ça nous aide vachement à temporiser, à des fois, voilà, à calmer un peu le jeu et surtout, prendre beaucoup de recul. à réinterroger en permanence le positionnement, les choix. Et ça, c'est vraiment aussi notre richesse.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que vous vous dites sur le terme, sur ce prix,

  • Speaker #2

    le prix de l'intelligence de la main ? Qu'est-ce que ça vous dit, ce terme ?

  • Speaker #1

    Je trouve que c'est un super terme parce que ça exprime bien justement que l'un et l'autre sont complètement corrélés. Il n'y a pas... La main n'est pas... n'est pas déconnecté de l'esprit et inversement. Et ça, c'est clairement, en tout cas moi, à titre personnel, ce qui se passe quand je suis dans l'atelier. Ou même, d'ailleurs, quand on est en conception, finalement, il y a cette pensée vers comment je peux transformer par rapport aux techniques, par rapport aux outils, par rapport aux gestes. Et c'est des allers-retours sans cesse entre l'un et l'autre.

  • Speaker #2

    Et aussi qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les deux. Ça, c'est hyper important. et quand nous on dit voilà qu'on... J'ai toujours voulu décloisonner. Au-delà de décloisonner, c'est effacer cette hiérarchie. Souvent, il y avait le designer, l'artisan en dessous. C'était une forme de vérité un peu avant. Alors ça s'estompe vachement, mais c'est vrai que... Nous, ce n'est pas du tout comme ça qu'on vit les choses. Et je trouve que l'intelligence de la main, ça gomme aussi cette hiérarchisation entre la main et la tête.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que l'autre sait faire ou oser que vous, vous n'auriez pas fait sans elle ? Ce n'est pas facile.

  • Speaker #0

    Alors là, c'est la question. Tu peux répéter ? Qu'est-ce que l'une de vous aurait osé ou n'aurait pas fait sans l'autre ? Oui, tu vois, c'est un peu...

  • Speaker #1

    Oui, et sous-jacent, c'est le fonctionnement aussi de votre duo, les forces que l'autre apporte, ou s'il y en a une qui est plus... Parce que vous faites le même métier. Oui, on fait le même. En fait, on est extrêmement complémentaires. À chaque fois, on nous demande quelle est la recette. On n'est pas capables de l'expliquer. Et même, en fait, de la conscientiser. Là, quand tu vois, je réfléchis, tu me poses la question. Je pense que peut-être, si je dois répondre, Élodie a de l'audace et moi je suis plus prudente. Et ce qui fait que moi, peut-être que je ne serais pas allée aussi loin et peut-être qu'Élo se serait pris des murs. Un truc comme ça. Oui,

  • Speaker #2

    mais c'est tout à fait juste. Moi, je vais avoir ce côté peut-être plus impulsif à des moments donnés, et je peux ne pas avoir le danger. Ce qui est bien à des moments. Rebecca temporise et Elle a cette capacité aussi à hyper bien finaliser des choses. Et moi, des fois, peut-être que j'ai moins envie d'aller vers ce côté finalisation, je pense. Mais c'est vrai que c'est hyper dur de répondre parce que c'est tellement plus subtil que ça, en fait, dans le quotidien, dans la création. C'est des micro-parties et des choses, comme je disais, qui s'équilibrent vraiment en permanence, qu'on ne se dit jamais, d'ailleurs. C'est tellement instinctif dans notre façon de travailler. On dit souvent que c'est deux cerveaux, un cerveau, je ne sais plus, une tête, deux cerveaux, quatre mains. On dit quatre mains et deux cerveaux. Quatre mains, deux cerveaux, voilà. Mais voilà, il y a un truc qui est très instinctif.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question qui est un peu culte dans Décodeur, mais je ne vais pas vous la formuler telle qu'elle, ou souvent je demande à la personne. si elle faisait un dîner, qui seraient ses invités ? Là, vous, j'ai envie de vous demander quels sont les artistes ou les designers qui vous ont donné envie de sortir justement des sentiers battus ? Vous disiez que votre studio s'appelait Hors Studio, exprès. Est-ce qu'il y a des personnalités comme ça qui vous inspirent et qui ont fait un pas de côté comme vous, vous essayez de le faire ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est parce que ce ne sont pas de côté. Moi, par exemple, je sais que j'ai une fascination pour Neri Oxman, qui est une architecte-designer qui a cette capacité de travailler avec le vivant en s'en aspirant, que je trouve fascinant, à titre vraiment plus personnel, parce qu'en plus, elle était à l'école avec moi. Je suis complètement fan de Marlène Huissou et de son travail sur les abeilles. Je trouve que cette liberté qu'elle a de proposer des pièces, d'art ou de design pour le vivant, pour les insectes, je la trouve juste incroyable, donc coucou Marlène parce que vraiment elle est trop forte et puis là plus récemment parce que c'est aussi ça, j'ai pas forcément de souvenirs quand j'étais en école d'art enfin si il y avait certainement des designers qui m'inspiraient mais je suis quelqu'un qui vit plutôt dans l'instant présent et là très récemment donc on a découvert il y a deux ans les travaux de Philippe Rame qui est un architecte spécialisé dans le design climatique Merci. qui clairement, moi, quand j'ai lu son manifeste, a été une véritable révélation, parce qu'il y avait cette problématique, en tout cas chez moi, où je me disais, bon c'est bien, on utilise des déchets, on fait des nouveaux matériaux, donc c'est cool, il y a du sens, il y a de l'engagement, mais pour finalement faire du décoratif. Et en fait, il y avait cette quête sans cesse de sens en permanence, et Philippe Rame, moi, il m'a complètement, voilà, je le redis, j'ai fait, ah mais oui, mais c'est ça,

  • Speaker #2

    il a raison, voilà. Il y a aussi le travail de Samuel Tomatis qui a développé toute une recherche autour de la valorisation des algues. Et c'est vrai que nous on l'a toujours vu comme un peu, enfin pas un symbole, mais aussi assez précurseur. Et il a vachement ouvert la voie dans le design français. Et donc on est content d'avoir ce type de designer. Oui je pense que lui il se considère vraiment comme designer pour le coup à nos côtés. Ok, bon, et bien merci beaucoup les filles Rebecca et Lodi. J'étais ravie de faire votre connaissance et surtout, je ne voulais même pas dire au début, bravo pour ce prix, pour ce très beau prix. Bravo, merci.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Décodeur, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci beaucoup d'avoir écouté en entier. Si vous avez aimé, n'oubliez surtout pas de vous abonner au podcast pour ne pas rater les prochains épisodes et retrouver tous ceux qui ont déjà été enregistrés. N'hésitez pas non plus à le partager en l'envoyant à vos proches qui pourraient être intéressés ou en story Instagram. D'ailleurs, on peut se retrouver sur le compte Décodeur où je poste très régulièrement. Et si jamais vous avez 15 secondes, n'oubliez pas de laisser 5 étoiles ou un avis. C'est juste sous la liste des épisodes. Non seulement ça me fait très plaisir, évidemment, mais dans la jungle des podcasts, plus on a de notes, plus on se fait remarquer, ce qui est très important pour moi. Voilà, merci beaucoup et à très bientôt alors, ici ou ailleurs.

Description

Décoration, design, création, savoir-faire, ces mots vous parlent ? Alors vous êtes au bon endroit !

Depuis 1999, le Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main® distingue chaque année ceux qui perpétuent et réinventent les métiers d’art. Le sujet est passionnant, entre maîtrise technique, innovation et gestes ancestraux. Un prix devenu une référence, presque un label d’excellence qui participe largement au rayonnement des artisans d’art, un métier si noble, en France comme à l’étranger. 

Et aujourd'hui je suis ravie de rencontrer Élodie Michaud et Rebecca Fezard de Hors studio, les lauréates de la catégorie Dialogues (il y a 3 catégories pour ce prix et celle-ci récompense la collaboration entre un artisan d’art et un designer qui ont travaillé sur un prototype ou un objet). 

Ensemble nous parlons de

  • Tufo, la table qu'elles ont imaginé et grâce à laquelle elles ont gagné ce prix

  • le leatherstone©, le matériau qu'elles ont inventé 

  • leur métier qui est de développer de nouveaux matériaux à partir de déchets 

  • et en quoi les déchets sont les ressources du XXIe siècle ?

  • quels types de déchets elles travaillent

  • leur démarche éco-responsable 

  • on parle aussi du temps long et de la patience

  • du travail de la main bien sûr 

  • la manière de collaborer avec les architectes et décorateurs 

  • comment elles ont vécu de Prix

  • et ce que cela va leur apporter 

  • comment elles travaillent ensemble depuis 9 ans 

  • leur façon de faire un pas de côté dans le monde du design

  • l'idée de combiner héritage et innovation 

  • etc. 


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Merci beaucoup !   

Hortense Leluc, journaliste déco et fondatrice de DECODEUR  


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Hortense Leluc et vous écoutez Décodeur, le podcast dans lequel j'échange avec des pros de la déco. Il y a plusieurs formats d'émissions qui tournent, stylé, archi-cool, le club ou les rencontres comme l'épisode qui va suivre, dans lequel un architecte ou un designer, une marque que vous aimez ou que vous allez découvrir, un entrepreneur ou un créatif va nous parler de sa manière de travailler, de ses produits. de son savoir-faire, sa vision, ses inspirations, bref, de l'envers du décor qu'on ne soupçonne pas toujours. Et c'est ça la force du podcast, on prend le temps, on va plus loin, on décortique, on apprend, on comprend, il y a une forme d'intimité, de complicité et d'authenticité à laquelle je tiens beaucoup. Merci d'être si nombreux à écouter. Si vous venez de découvrir le podcast, bienvenue, n'oubliez pas de cliquer sur s'abonner pour ne pas rater les prochains épisodes et si mon invité vous... plaît, surtout n'hésitez pas à partager l'épisode en story ou à mettre 5 étoiles, tout ça m'aide beaucoup à me faire connaître encore plus.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous,

  • Speaker #0

    aujourd'hui dans Décodeur, je vais vous parler d'un prix unique en France qui récompense quelque chose de rare, de fragile, d'essentiel, la main, l'intelligence de la main. Depuis 1999, le prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main distingue chaque année ceux qui... perpétue et qui réinvente les métiers d'art. L'idée, c'est de rappeler la noblesse des métiers d'art, d'encourager les talents et, pourquoi pas, de susciter des vocations. Un prix devenu une référence, presque un label d'excellence, qui participe d'ailleurs largement au rayonnement des artisans d'art en France comme à l'étranger, à la croisée de la maîtrise technique, de l'innovation et du geste qu'on transmet de génération en génération. Je ne parle pas pas beaucoup des métiers d'art dans Décodeur, donc je suis ravie de faire cet épisode qui, je suis certaine, va vous plaire. Mais non, les métiers d'art ne sont pas que patrimoine et héritage. Ils peuvent être aussi un genre de laboratoire, un lieu où on expérimente de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques, de nouvelles manières de produire, plus responsables, plus ancrées dans notre temps. Alors ce prix a accompagné plus de 135 lauréats et leurs savoir-faire. du travail du verre à la nacre, du bois à la porcelaine, des fibres aux métaux et surtout il a créé une véritable communauté soutenue sur trois ans et propulsée sur la scène créative française et internationale. Alors ce prix, dernier point que j'aborde pour vous présenter le prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main, ce prix se compose aujourd'hui de trois distinctions. Talent d'exception qui récompense un artisan d'art pour la réalisation d'une œuvre témoignant d'une maîtrise technique et d'innovation rare. Parcours qui met à l'honneur une structure pour son engagement et sa contribution exemplaire au secteur des métiers d'art en France. Et troisième catégorie, dialogue, la catégorie qui nous intéresse aujourd'hui, qui salue une collaboration entre un artisan d'art et un designer. distinguant chaque année un prototype suffisamment abouti ou un objet qui témoigne d'un savoir-faire d'excellence et d'une créativité dans le design. Voilà, j'ai terminé ma longue intro, donc je suis avec les deux lauréates de Dialogue 2025, Elodie Michaud et Rebecca Faisard. Bonjour à toutes les deux.

  • Speaker #1

    Bonjour. Bonjour. Vous avez tenu le long de ma longue intro. Tout va bien, c'était clair. Oui, pour présenter le prix. Nickel. et du coup je me suis dit qu'on allait directement attaquer vous avez vu je n'ai pas parlé de ce fameux projet commun vous avez été récompensé pour un projet, lequel ? alors on a été récompensé pour un projet qui est une table basse qui s'appelle Tufo qu'on écrit T-U-F-O qui est une table qu'on a développée dans un nouveau matériau qu'on a créé qui s'appelle le Leatherstone qui est un matériau fait à partir de chutes de cuir donc de chute de production de cuir, et qui va sécher à l'air libre en devenant dur comme de la pierre.

  • Speaker #2

    Et c'est quoi ? C'est une table basse, je crois ? Oui, tout à fait, c'est une table basse. Donc on a voulu, avec notre matière qui est transformée, le cuir en pierre, faire une citation à la pierre de Tuffaut, parce que nous, on vient de Tours, l'Indre-et-Loire, et on a été bercé par cette matière. Et à travers cette pièce, ce qu'on veut, c'est interroger sur la précarité de nos ressources. Donc c'est vrai que nous, quand on a commencé à travailler, on avait vraiment cet engagement et ce besoin de dire qu'avant d'utiliser des nouvelles ressources, Il faut regarder autour de soi ce qu'il existe déjà et donc on a développé notre savoir-faire qui est d'aller sourcer des déchets en local et de les transformer en nouveaux matériaux. Donc vous l'avez créé vraiment de toutes pièces ce nouveau matériau ?

  • Speaker #1

    Oui tout à fait, alors nous avec Elodie on travaille ensemble depuis 9 ans et en fait tout notre savoir-faire c'est de transformer les déchets en nouveaux matériaux. Donc on a développé une vingtaine de matériaux et là pour le prix Liliane Bétancourt, on a donc vraiment voulu mettre en avant le Leatherstone qui est emprunt en fait.

  • Speaker #2

    Comment tu dis pour que les...

  • Speaker #1

    Leatherstone.

  • Speaker #2

    Et donc ça c'est... La pierre de cuir. La pierre de cuir,

  • Speaker #0

    transformer le cuir en pierre, voilà.

  • Speaker #2

    C'est même vous qui avez inventé le nom ?

  • Speaker #0

    Oui, qui est une marque déposée même,

  • Speaker #2

    puisqu'on ne peut pas déposer une recette. Donc quand on crée des matériaux, on ne peut pas protéger une recette d'un matériau. Mais par contre, on la protège à travers le nom et un nom de marque, une identité.

  • Speaker #1

    Et alors, comment vous l'avez... Comment on crée un matériau ? Comment ça se passe ? Donc, vous aviez les matières premières.

  • Speaker #0

    C'était les matières premières qui vous ont inspiré. Comment ça se passe ?

  • Speaker #1

    Alors, nous, notre démarche, c'est vraiment de considérer les déchets comme les ressources du XXIe siècle. Donc, en fait, on va rencontrer des déchets. Là, en l'occurrence, nous avons rencontré le cuir. À partir de là, il y a une investigation pour désenfouir des recettes ancestrales des artisans d'art, et notamment celles du staff et du stuc, et essayer de comprendre comment les matériaux à l'époque étaient faits et comment nous aujourd'hui, à l'ère du XXIe, à l'ère anthropocène, on peut créer des nouveaux matériaux à partir de ces déchets-là. C'est une démarche très empirique. Nous, on a mis cinq ans à développer, à aboutir le leather stone. Et ça passe par plein d'étapes d'expérimentation et de recherche dans l'atelier, par le travail de la main.

  • Speaker #2

    En fait, notre savoir-faire, il est de recréer des matériaux avec ces déchets et des liants complètement naturels. Et donc ça, effectivement, dans les recettes anciennes, on utilisait des colles naturelles. Et donc, comment on en arrive à ce matériau ? C'est vraiment une succession de recherches qui... et qui fait qu'on aboutit à un moment donné à un résultat qui nous paraît vraiment intéressant. Et ce qu'on dit toujours, c'est que nous, on ne projette jamais. En fait, quand on va chercher à créer un matériau, on ne sait pas ce qu'on va trouver. On ne sait pas ce qu'on va obtenir et on ne cherche pas un résultat en particulier. C'est vraiment l'expérimentation et tout le processus de recherche qui nous porte. Et c'est ensuite, quand on a le matériau dans les mains, Là, on va commencer à projeter des usages par rapport à ces caractéristiques, mais ce n'est pas l'inverse. Et souvent, dans l'ingénierie, on cherche une spécificité. On dit qu'il faudrait qu'on développe un matériau qui ait telle ou telle caractéristique pour telle application. Mais nous, vraiment, c'est le chemin inverse. Je crois que c'est une matière qui est... D'ailleurs, peut-être qu'on peut faire un point matière et matériaux. Je ne sais pas... Et après, je vais vous faire ma... Ma question,

  • Speaker #0

    je crois que c'est une matière qui est souple et qui en fait durcit après, sèche.

  • Speaker #2

    En fait, on part de déchets de cuir qui sont les squelettes issus de la production de la maroquinerie. Ensuite, nous, on va venir le broyer. Donc, on obtient une poudre. Ensuite, on le mélange avec nos liants naturels. Donc, la recette, évidemment, est secrète. Et là, on obtient une pâte qui a un peu la consistance de la pâte à pizza, on va dire, ou de la terre qui n'est pas cuite. Et donc cette boule, on va pouvoir la modeler à la main, on va pouvoir faire des plaques, on va pouvoir la gainer sur des supports et ensuite elle va sécher à l'air libre et devenir très dure, comme la pierre. Donc c'est ça. Donc à la base, vous créez une matière avant que ce soit un matériau ou est-ce que je dis n'importe quoi ?

  • Speaker #1

    Non, en fait, on ne dit pas n'importe quoi. Il y a un peu des débats entre matière, matériau. Je pense qu'on crée un matériau in fine. fait d'un mélange de matières différentes. Oui, j'aurais dit ça aussi. Et du coup, cet état intermédiaire dans notre travail d'alchimiste, on va dire de pâte, n'est ni matière ni matériau. Voilà, c'est un peu ça que je pense qu'on peut dire.

  • Speaker #0

    Oui. Vous avez travaillé avec des chimistes, et en même temps, vous revendiquez une approche un peu low-tech quand même. Comment on concilie les deux ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, nous, on travaille avec des ingénieurs scientifiques chimistes Merci. plutôt pour la question de la caractérisation une fois que le matériau est fini. Toute cette recherche empirique d'expérimentation vraiment par le travail de la main en atelier, ça on le fait en totale autonomie toutes les deux, vraiment en cherchant par la main, mais aussi en cherchant. dans tous les écrits, que ce soit dans les écrits de recherche fondamentale ou de recherche, enfin plutôt de ce que je disais tout à l'heure, de recettes ancestrales. Et voilà, la partie scientifique, elle intervient après pour tout ce qui va être plus usage, en fait.

  • Speaker #2

    Ok. Qu'est-ce qui s'est passé en cinq ans ? Quelles ont été les étapes que vous avez traversées ?

  • Speaker #1

    Les cinq années de création de la matière. Il doit y avoir tellement de choses.

  • Speaker #0

    En fait,

  • Speaker #2

    quand on dit cinq ans, c'est parce qu'on est sur un... On est sur un travail de studio où on travaille plein de choses en même temps. Nous, au-delà de notre casquette de designer, artisan, chef d'entreprise,

  • Speaker #1

    de notre atelier, de notre studio, on a aussi monté une association pour pouvoir redistribuer les chutes sur le territoire. En fait, en cinq ans, il s'est passé tellement de choses dans lesquelles le Leatherstone était en train d'être formulé et d'éprouver. Et du coup, on a assez eu vite la très bonne intuition, je dirais. Et après, ça a été des ajustements pour mettre en place une filière. Quels sont les procédés de broyage ? Comment on fait pour avoir des granulométries qui vont être plus ou moins fines, qui ne vont pas donner le même rendu ? Le travail de la couleur, en fait, c'est tout ça. C'est toutes ces étapes en cinq ans qui, là, ont abouti à ce qu'aujourd'hui, on travaille pour des prescripteurs, les architectes, les décos, et que le matériau est applicable et ne reste pas au stade expérimental.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça, les cinq années, c'est la mise en place pour que ça devienne un vrai artisanat et aussi le développement de différentes techniques. Au début, on l'utilisait en plaque ou en modelage et puis ensuite, on a travaillé l'extrusion en impression 3D, notamment à grande échelle. Ensuite, on a développé la technique du pisé. On l'a gravé, on a créé nos propres matrices pour faire des empreintes. En fait, ce n'est pas forcément cinq années qui permettent de développer le matériau en tant que tel, mais c'est tout l'artisanat qui gravite autour de cette matière, qui s'affine, qui se développe. Et il y a aussi, nous, comment on a envie de l'exprimer et de l'utiliser dans notre quotidien d'atelier. Oui, parce que vous allez utiliser ce matériau. Maintenant, vous l'avez créé et vous avez créé Tufo. Après, vous avez d'autres projets pour ce matériau ?

  • Speaker #1

    Oui. On a candidaté au prix Bétancourt avec Tufo parce que pour nous, c'était la pièce qui était porteuse de notre histoire. C'est une des toutes premières pièces qu'on a réalisées avec le Leatherstone. Elle avait cette... On avait eu cette espèce d'instinct un peu créatif de premier geste d'intention d'application d'une matière. Parce que quand on crée des matériaux, on commence toujours par le stade d'échantillon. Ça peut rester très longtemps au stade d'échantillon avant qu'il y ait vraiment une application possible dans le mobilier ou dans l'architecture intérieure. Et donc ça a été la première intention, le premier geste. Et puis depuis, on a fait beaucoup d'autres pièces et surtout on a travaillé pour des architectes avec vraiment des applications du matériau.

  • Speaker #0

    Je reviens juste sur le... Là, en fait, c'est une table qui est recouverte de ce matériau. Ce n'est pas un matériau qui est utilisé pour créer une table.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. En fait, la structure est faite de mobilier recyclé qu'on a été chercher dans une recyclerie. Alors, on n'est pas obligé d'utiliser cette technique-là, mais nous, ça nous a intéressés aussi dans l'histoire et dans notre démarche du recyclage. Ça permet aussi d'avoir un objet plus léger, parce que le leatherstone, c'est un matériau qui est assez dense, qui est presque aussi lourd que le béton, en fait. Et donc là, on travaille sur la technique du gainage. On va vraiment recouvrir la structure en bois de notre matière, et ensuite, on lui donne cet aspect très sculptural, effet brut de pierre. Et ensuite, on a fait d'autres projets dans cette même histoire, où là, on a... davantage assumer le mobilier qui était en dessous, avec une vraie citation au mobilier, notamment je pense à Sigismond, c'est une chaise de René Gabriel. Donc là on a vraiment décidé de garder l'empreinte de cette chaise et ensuite de nous venir compléter cette histoire avec notre vision plus culturelle, plus effet roche, etc. Vous imaginez quelle vie ? Pour que je le dise bien, l'Etherstone. Alors nous, le l'Etherstone,

  • Speaker #1

    on l'imagine dans plein de typologies de projets différents parce qu'en fait, ce qui est assez dingue, c'est qu'il y a énormément d'applications possibles. Donc on le préconise pour le moment pour le design intérieur. Ça c'est assez sûr. Là on va peut-être commencer à tester du revêtement mural. On le voit vraiment plutôt en mobilier, en éléments de décor, d'architecture intérieure. Et puis il y a tout l'aspect thermique du matériau qui est hyper intéressant. En fait le matériau a une inertie thermique, il est capable d'emmagasiner la chaleur ou la fraîcheur et de la restituer plus longtemps, comme le ferait une pierre d'ailleurs. Et ça, ça ouvre des portes pour répondre aussi aux enjeux qui nous attendent, qui sont tout simplement les enjeux climatiques. Et voilà, donc si en plus,

  • Speaker #2

    on peut en fait apporter des solutions, des conforts thermiques avec quelque chose qui a une vraie place décorative, c'est assez intéressant.

  • Speaker #1

    Par rapport à cet enjeu même climatique, qu'est-ce que cette pièce, elle dit de votre vision, même à toutes les deux, du design d'aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Nous, c'est vrai que quand on a commencé avec Rebecca, on vient d'une formation textile, matière, surface. Donc en fait, notre métier, c'était de faire de l'ennoblissement. Et assez vite, on s'est retrouvés face à une petite crise existentielle de notre métier parce qu'on avait besoin de donner beaucoup plus de sens que ça. Et nous, on dit toujours qu'en tant que designer, artisan, on porte vraiment une responsabilité. c'est celle de de créer, d'ajouter des objets à notre monde. Et donc, nous, le message qu'on porte, c'est qu'il y a déjà vraiment suffisamment... Les déchets sont les ressources du XXIe siècle. Donc, avant d'aller utiliser des ressources épuisables, il faut vraiment regarder ce qu'il existe avant d'aller chercher autre chose. Donc, c'est une vision du design qui est assez engagée.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une vision engagée. Puis ensuite, sur Tufo particulièrement, cette esthétique presque sculptée dans la roche, elle est vraiment là pour rappeler l'enjeu de la question de nos ressources naturelles. Cette bascule qu'on arrive à faire par notre formation, en fait, qui est de créer des effets factices, de créer une nouvelle pierre à partir de déchets de production, c'est aussi montrer qu'on peut sublimer la question de la ressource. Et en fait, sortir le statut du déchet de la poubelle, tout simplement.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que vous pensez du traitement des déchets aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Pour vous,

  • Speaker #2

    c'est une aberration ?

  • Speaker #1

    Non, pas forcément. Ce n'est pas que c'est une aberration, c'est que c'est un sujet extrêmement complexe. L'aberration, c'est effectivement de se rendre compte que des tonnes et des tonnes et des tonnes de matières premières nobles et viables finissent à l'enfouissement parce qu'il n'y a pas de filière. Nous, ça a été vraiment l'électrochoc, ça a été ça. Ça a été de se dire, en fait, nous, avec le parcours qu'on a eu et la vision, on a peut-être cette capacité de pouvoir les transformer. Sauvons-les pour ne pas épuiser nos sols, en fait.

  • Speaker #2

    Je crois qu'on a une vision assez humble par rapport à cette grande question de la valorisation des déchets parce qu'on sait à quel point c'est compliqué, à quel point ça demande énormément de recherche et développement, ça demande un temps long. c'est une économie qui est compliquée à mettre en place évidemment on pourrait mieux faire et il y a encore un long parcours mais je pense qu'on a aussi cette vision sans être dans cette critique de on fait pas suffisamment ou on fait n'importe quoi etc on sait aussi qu'il faut laisser ce temps là de la création de la conception, de la recherche et qu'avant d'aboutir à un matériau recyclé, exploitable industriellement, ce qui n'est pas notre volonté à nous, chez Orstudio, mais qui est la volonté d'autres créateurs qui sont un peu dans la même veine que nous, on va dire. Il faut leur accorder ce temps et cette patience. Et souvent, je trouve que les gens ont une vision très critique de ce truc de l'instantanéité, de dire, ouais, Il faut que les choses changent, les bougent. Oui, mais c'est long. Il faut du temps, il faut de l'argent. Il faudrait que les entreprises puissent accorder plus d'argent, plus de financement à la transformation de leurs déchets. Mais je trouve qu'on a quand même évolué dans les mentalités. Et nous, les entreprises qu'on rencontre, qui nous mettent à disposition leurs déchets, ont une vraie volonté. d'aller vers le mieux et c'est aussi ça qu'il faut retenir.

  • Speaker #0

    Je crois que tu as répondu tout à l'heure, mais là, sur cette idée de recherche, ce n'était pas votre job à 100%, vous faisiez d'autres choses à côté, et notamment, est-ce que si votre philosophie, c'est le déchet, enfin votre cheval de bâtiment... C'est le déchet. Est-ce que vous êtes en train de travailler peut-être sur d'autres créations de matériaux ?

  • Speaker #1

    Oui, on en a développé une vingtaine aujourd'hui. On a décidé il y a trois ans de mettre en avant le leather stone parce qu'on avait aussi bien compris dans une démarche entrepreneuriale qu'il fallait qu'on puisse être identifié. Quand on est peut-être un peu trop pluridisciplinaire, on peut paraître éparpillé et les prescripteurs ont besoin aussi de... Voilà, de savoir où ils vont. Et en fait, on a développé des matériaux à la base. Les tout premiers étaient faits à partir de coquilles de moule d'huile de Saint-Jacques. On a pu développer à partir de l'acétate de cellulose, qui est la matière qui sert à fabriquer les lunettes, de sur-de-bois, de drèches de pommes ou de drèches tout court. Et là, on a un déchet, le textile aussi, et là, on a un déchet qu'on travaille aussi beaucoup depuis 4 ans maintenant. qui est le bissus. Et le bissus, c'est la fibre que produit la moule pour s'accrocher à son rocher. Alors c'est très niche comme sujet, mais c'est intéressant parce que ces rencontres avec ces ressources, ça raconte aussi des histoires assez incroyables. Et le bissus, au XVIe siècle, ça s'appelait la soie de la mer. C'était tissé, c'était complètement oublié. Et voilà, donc nous, on a travaillé avec les pêcheurs et là, on travaille... le bissus de façon textile et en recherche fondamentale aussi. Donc voilà, depuis 9 ans avec Elodie, nous on continue, dès qu'on rencontre un déchet qui nous inspire, on continue d'expérimenter pour les transformer.

  • Speaker #2

    Oui, là ce que tu viens de dire, la moule à son rocher, pour vous c'est un déchet, c'est vrai que nous, enfin pas nous, mais déchets, tout de suite on ne pense pas à ça. En fait, finalement, est-ce que vous pouvez nous redéfinir ce que déchets, franchement, on voit une poubelle, la poubelle verte, la poubelle jaune et la poubelle marron. On est d'accord, non ? Oui, ça, c'est les déchets, ce qu'on appelle les dibs, les déchets ménagers. Mais nous, en fait, c'est vrai que cette question, elle est intéressante parce que c'est tellement ancré pour nous qu'on ne le précise pas. nous on s'intéresse vraiment aux déchets issus de la production production industrielle et artisanale. Donc, on va vraiment récupérer la chute de production, donc pas post-usage, alors que les poubelles ménagères, c'est une fois qu'on a consommé, ça devient un déchet. Déjà, c'est assez différent, parce que ce n'est pas du tout les mêmes typologies de matière, et surtout, nous, c'est des déchets qui sont non souillés, non dangereux, c'est vraiment de la matière. Enfin, il faut imaginer, voilà, des découpes d'emporte-pièces, des tiges, de la poudre aussi parfois, quand on va venir poncer, raboter, on va générer de la poudre. Et nous, en fait, on qualifie, quand on va rencontrer les entreprises, on qualifie les différentes typologies de déchets. Il y a un poste qui va générer telle forme de chute, un autre, une autre, et ça, c'est très important pour nous dans la création, parce que ça va emmener vers... des esthétiques différentes ou des matériaux différents. Et c'est vrai que par rapport au bissus, on pourrait penser que ce n'est pas un déchet puisque c'est organique et donc ça ne pose pas de problème de pollution. Mais c'est beaucoup plus compliqué que ça parce que n'importe quel déchet, même s'il est organique, s'il est rejeté même dans son propre milieu en trop grande quantité, il va perturber son milieu. Et donc le bissus, en l'occurrence, ça fait quelques années qu'il y a une loi qui interdit le rejet dans l'océan. Même si c'est biodégradable. Mais en trop grande quantité, ça ne fonctionne pas. Et voilà, c'est là où je pense qu'il y a quand même de grandes avancées et qu'à chaque fois, on voit bien que les avancées, elles se font par la loi, par le soutien de la loi. Parce que si la loi ne l'interdit pas, clairement, on continue. à faire comme on faisait avant. Et donc, il y a quand même un soutien de la loi française qui fait qu'on avance pas à pas dans le traitement aussi des déchets qu'on produit.

  • Speaker #1

    Comment réagissent les pros, les architectes, les designers quand vous proposez un matériau ou ce matériau ou un matériau qu'ils n'ont jamais vu et tout d'un coup, ils doivent faire confiance à du cuir recyclé, par exemple ? Pour le moment, ils réagissent plutôt bien parce qu'il y a eu une évolution des mentalités aussi. Nous, c'est vrai qu'il y a neuf ans, on était quand même assez précurseuse en France, pas en Europe, mais en France. Et on sentait qu'il y avait peut-être un frein auprès des prescripteurs parce que pas d'assurance que le matériau soit viable, tienne aux usages. etc. Et en fait, on rassure souvent parce que justement, on travaille à partir de recettes ancestrales qui ont traversé des millénaires. Et puis là où ils sont évidemment très réceptifs, c'est sur cette question de l'engagement écologique autour des matières qu'on utilise. Et vraiment, nous, ça, c'est quelque chose qu'on s'est fixé, auquel on ne démarre pas. On n'utilise aucune pétrochimie dans nos matériaux. Ça, c'est très, très important. Et voilà, donc généralement, les archiers et les décos qui viennent nous chercher, ils ont ces valeurs communes.

  • Speaker #2

    Et vous me dites, si vous pouvez me répondre,

  • Speaker #1

    est-ce que vous leur vendez le matériau ? Quel est votre modèle économique ? En fait, vous, vous faites beaucoup de recherches depuis des années. Comment vous gagnez votre vie ?

  • Speaker #2

    Nous, on ne vend pas notre matériau sans la création. Donc, ce qu'on vend, c'est un projet de création avec notre matériau. Et c'est nous qui produisons.

  • Speaker #1

    En fait, on travaille uniquement sur mesure. C'est ce qu'on explique aux architectes et aux décorateurs, c'est que nous ne sommes pas fabricants de matériaux et nous ne vendrons jamais au mètre carré. C'est vraiment à l'étude du projet, avec une co-création aussi, généralement. Étant donné qu'on est les seuls à maîtriser notre savoir-faire, en fait, en fonction d'un projet, on va peut-être utiliser une technique plus que l'autre et donc on va toujours faire partie de cette co-création.

  • Speaker #2

    Avec les prescripteurs.

  • Speaker #1

    Ok, donc je reviens au prix Liliane Bétancourt, parce que justement, c'est pas juste une distinction, c'est aussi un accompagnement financier pour que ce projet se développe.

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. C'est un bel accompagnement qui permet vraiment de réaliser ce qu'on ne peut pas faire, on va dire, au fil de l'eau dans la vie du studio. Nous, le premier objectif, c'est d'aller vers la certification du matériau. Ça ne veut pas dire qu'on ne change pas de mode opératoire. On ne le vendra toujours pas au mètre carré, mais nous, on a besoin d'en savoir un peu plus, d'avoir ses fiches techniques pour pouvoir encore mieux travailler avec les architectes et les décorateurs. Ensuite... L'idée c'est de faire une collection de démonstrateurs, de mobiliers, et de pousser sur cette question de design climatique. Nous c'est vrai qu'à chaque fois qu'on fait des pièces, c'est vraiment des pièces manifestes, des pièces démonstratrices pour guider un maximum nos clients dans l'utilisation de nos matériaux. Il y aura cette nouvelle collection. C'est aussi l'idée d'engager notre alternant et de lui proposer le premier poste de chef d'atelier. Donc voilà, ce prix, cet accompagnement va nous permettre de travailler sur ces trois volets-là. C'est vous qui avez candidaté ? C'est vous qui proposez en fait votre projet ? Ah oui, bien sûr. Tu pensais à quoi ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, c'est une candidature, on ne va pas se mentir, qui est énergivore, qui est longue. Ça se mérite et en même temps, tant mieux. Qu'est-ce qui est long ?

  • Speaker #2

    Et puis c'est combien de temps ?

  • Speaker #1

    En fait, c'est long, l'écriture du dossier est assez longue. Enfin voilà, c'est un long processus, c'est-à-dire que je ne sais plus, on doit candidater aux alentours de... mars, un truc comme ça. Et puis après, il y a les premières phases de sélection. On doit refournir potentiellement d'autres documents. Et puis ensuite, il y a le fait où on est finaliste. Et ensuite, il faut préparer l'oral, pitcher. Il y a tout un audit aussi de notre projet de développement. Voilà, donc c'est un parcours. C'est un parcours, oui.

  • Speaker #0

    C'est un prix d'excellence. Donc les candidatures sont vraiment peaufinées.

  • Speaker #1

    À quel moment, justement, vous avez compris avec ce matériau que vous teniez une pièce suffisamment forte pour concourir à ce prix ?

  • Speaker #2

    Sincèrement, ça, on ne le sait pas. En fait, on ne sait pas si c'est suffisant pour convaincre le jury. Ça, on se dit qu'on a envie de le proposer, mais il y a toujours des hésitations. On ne sait pas si on a fait le bon choix. Sincèrement, avant d'être lauréat... On a toujours beaucoup de doutes, enfin je pense que ça, tous les L'Oréal diront. Vous connaissiez les autres concurrents de votre catégorie ? Non, on ne le sait pas,

  • Speaker #1

    et d'ailleurs la Fondation garde le secret.

  • Speaker #2

    On ne le saura jamais.

  • Speaker #1

    On ne le saura pas. Ah, qui a candidaté en même temps ? Et comment vous l'avez appris, que vous avez gagné ? C'est pas le jour J comme à Cannes, c'est...

  • Speaker #2

    En fait, on a passé l'oral. Et on savait qu'on allait être appelés dans la journée, en fait, pour... Avoir les résultats, donc on devait garder le secret pendant plusieurs mois, donc ça a été très dur de garder le secret pendant trois mois, je crois, parce que c'était en juin. On a passé l'oral le 3 juin et la cérémonie a eu lieu le 16 octobre. Mais vous l'avez su le 16 octobre ou avant le 3 juin ?

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord.

  • Speaker #2

    On le sait, le jour de l'oral, à la fin de la journée. Ah pardon,

  • Speaker #1

    je n'avais pas compris. D'accord.

  • Speaker #2

    Et on a passé la journée ensemble avec Rebecca, en attendant les résultats. Et évidemment, on a eu le coup de fil le moment où on s'est séparés parce que ça faisait trop longtemps qu'on attendait. Donc c'est moi qui ai reçu le coup de fil. J'avoue que c'était intense.

  • Speaker #1

    Oui, qu'est-ce que vous vous êtes dit ?

  • Speaker #2

    Bah, que... C'est pas que j'y croyais pas, parce que forcément, on sait qu'on n'est que trois en finale, donc on y croit. Mais en fait, le premier sentiment, c'était que j'étais déçue de ne pas être avec Rebecca pour partager ce moment avec elle. Mais évidemment, hyper heureuse, et je l'ai raccrochée pour l'appeler directement. Mais soulagée, franchement, soulagée, en se disant... Ça y est, c'est fait et ce prix nous permet vraiment de valider notre savoir-faire qui est quand même un pas de côté, qui est un nouveau savoir-faire. Nous, on s'appelle Hors Studium, on ne rentre jamais dans les cases. Ça a été dur à des moments dans notre parcours. Nous, on dit toujours qu'on a eu un parcours où il a fallu qu'on mérite finalement chaque étape. Ça a pu être laborieux à des moments donnés. Et donc là, voilà, un petit sentiment quand même de soulagement. Eh bien, on y arrive. Est-ce que vous pouvez me raconter justement ce parcours ? Comment vous vous êtes rencontrées ?

  • Speaker #1

    Oui, alors du coup, j'ai rencontré donc à Tours, dans notre ville natale, toutes les deux. En fait, on expérimentait dans un Fab Lab. Donc le Fab Lab, je pense que ça... Tu parles à tout le monde. Non, vas-y, tu peux nous le dire. Les Fab Labs, en fait, c'est des lieux partagés, des lieux ouverts où on mutualise des machines, donc à commande numérique souvent, pour pouvoir faire ses propres projets créatifs. Et donc, toutes les deux, on s'est rencontrées là où, en fait, on s'est rendu compte qu'on avait une démarche similaire, une appétence sur la question des matériaux et de l'ennoblissement. Et voilà, ça s'est fait très naturellement comme ça. C'est une rencontre, je pense, assez rare. De se dire, ouais, ok, allons-y, montons un studio, quoi. Voilà comment on s'est rencontrés.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux me dire, ça fait plusieurs fois que vous lisez, moi je sais, mais l'ennoblissement, comment vous définiriez ça ?

  • Speaker #1

    L'ennoblissement, pour moi, c'est l'apport d'ornements et de décors sur des typologies de matériaux différents. Comment on vient ennoblir une matière. Donc, Élodie, est-ce que vous pouvez nous parler de vous, de votre parcours avant de vous rencontrer ?

  • Speaker #2

    Il est tout petit, puisque moi, j'ai fait Olivier de Serres, donc l'Ensahama à Paris, donc en design. Donc, j'ai fait cinq années là-bas, où je me suis vraiment formée à la question de l'ennoblissement. Mais tout de suite, moi, j'ai eu un intérêt pour les matériaux, cette question de l'empreinte. J'ai beaucoup travaillé le plâtre. Et j'ai rencontré Rebecca, mais vraiment, elle n'a même pas sorti. Je n'avais même pas fini mon diplôme. J'ai eu la chance d'être propulsée dans un projet tout de suite après la fin de mon diplôme.

  • Speaker #1

    Le nom de votre métier exact, c'est quoi ? C'est plusieurs casquettes ?

  • Speaker #2

    Nous, on se définit comme designer, chercheuse, artisane. il y a vraiment cette histoire de d'abolir les frontières entre les métiers. Parfois, on a même cette posture plus artistique. On va faire une exposition dans un musée et avoir des pièces plus engagées, avec une dimension beaucoup plus créative. Donc voilà, tout ça à la fois.

  • Speaker #1

    Ok. Et Rebecca ? Alors moi, j'ai été diplômée de l'École des Beaux-Arts de Lyon en Design Textile Matière Surface. Et ensuite, après mon diplôme, j'ai travaillé en tant que freelance dans le domaine du textile et de l'artisanat d'art. Donc ça, ça a duré pendant 5-6 ans où j'étais indépendante. Et du coup, la rencontre avec Elodie a fait que finalement mon statut de freelance qui était plus pluridisciplinaire nous a emmené en fait vers une démarche plus personnelle de moi répondre à des briefs et à des commandes clients. Ça fait combien de temps que vous travaillez ensemble ?

  • Speaker #0

    9 ans. On a fondé le studio il y a 9 ans. 9 ans tout pile en novembre 2016.

  • Speaker #1

    Ouais ok. En tant que designer, comment on fait pour ne pas devenir, quand on se dit designer, on se dit que vous êtes conceptrice un peu de matériaux ou d'objets, mais gardez bien une démarche sensible, voire culturelle,

  • Speaker #0

    voire pas philosophique, mais là vous avez un vrai message derrière finalement tout ça.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est propre à chacun et je redis ce qu'Elodie a dit tout à l'heure, c'est aussi pour ça qu'on s'est appelé Hors Studio. parce qu'il y avait cette volonté, sans qu'on le sache vraiment, c'était un truc très intuitif, de se dire, il y a quand même un truc chez nous, beaucoup en France, où il faut nous mettre dans des cases. Et en fait, moi déjà, ma formation au Beaux-Arts, elle décloisonnait ça déjà. Puisqu'en fait, au Beaux-Arts de Lyon, donc il y avait les filières art et les filières design, mais on avait des cours en commun. Et tout ce qui a importé... En tout cas, la pédagogie de l'école, c'était vraiment de développer une démarche artistique et une démarche personnelle. Et ensuite, la finalité peut prendre forme d'une œuvre d'art quand on est artiste ou d'une installation ou d'une performance. Et le design, c'était vraiment la question plutôt de l'usage et de l'application. Et en fait, pour moi, effectivement, on est toutes les deux conceptrices, mais on propose une démarche créative. Et en plus de ça, on se considère... comme maker, comme faiseuse, puisque du coup, on fait nous-mêmes dans l'atelier. Et moi, je vois vraiment une super belle continuité depuis les Beaux-Arts. Moi, j'étais tout le temps fourrée dans les ateliers. Tout le temps, tout le temps, tout le temps. Dès qu'il y avait une idée, en fait, directement, je passais dans l'atelier pour essayer de la formaliser tout de suite. Il y avait très peu, finalement, de dessins ou de conceptions. C'était des allers-retours sans cesse, en fait, entre le travail de la pensée et le travail de la main. Je pense que c'est vraiment des démarches qui sont tellement personnelles qu'il y a plein de typologies de designers, plein de typologies d'artisans et plein de typologies d'artistes. Il faut donner sa propre écriture singulière, je pense.

  • Speaker #0

    Et justement, tu viens de dire en tant que maker, quel est votre rapport toutes les deux au temps ? À la patience, aux gestes, parce que le geste c'est un mot qui revient beaucoup avec le privilège des temps courts.

  • Speaker #1

    Mais c'est assez rigolo parce qu'Élodie et moi on n'est absolument pas patientes de nature. Mais je ne sais pas, il se passe un truc dans l'atelier où il y a ce respect du temps long et du vivant aussi. Quand je dis du vivant, bizarrement on travaille avec des déchets, mais toutes les colles naturelles qu'on utilise, elles ont des procédés quand on les travaille où il faut attendre 24. 48 heures. Ensuite, c'est composé avec les conditions hygrométriques de l'atelier. S'il fait chaud, s'il fait froid, c'est sans cesse s'adapter à son environnement. Et je crois que c'est le seul endroit où on est patiente.

  • Speaker #2

    Oui, et puis aussi, de manière plus globale, on accepte que les choses prennent un temps long, même dans notre développement. On dit toujours qu'on a mis du temps à se développer, on a pris du temps à trouver vraiment notre centre. Et ça, c'est vrai qu'on le respecte. Alors, on a besoin d'être en mouvement. On fait tout le temps des projets. On a tout le temps, voilà, mille choses à faire, plein d'idées de développement, etc. Mais on accepte cette temporalité, je pense, dans le développement global de notre studio. Et c'est vrai que le fait d'être deux, ça nous aide vachement à temporiser, à des fois, voilà, à calmer un peu le jeu et surtout, prendre beaucoup de recul. à réinterroger en permanence le positionnement, les choix. Et ça, c'est vraiment aussi notre richesse.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que vous vous dites sur le terme, sur ce prix,

  • Speaker #2

    le prix de l'intelligence de la main ? Qu'est-ce que ça vous dit, ce terme ?

  • Speaker #1

    Je trouve que c'est un super terme parce que ça exprime bien justement que l'un et l'autre sont complètement corrélés. Il n'y a pas... La main n'est pas... n'est pas déconnecté de l'esprit et inversement. Et ça, c'est clairement, en tout cas moi, à titre personnel, ce qui se passe quand je suis dans l'atelier. Ou même, d'ailleurs, quand on est en conception, finalement, il y a cette pensée vers comment je peux transformer par rapport aux techniques, par rapport aux outils, par rapport aux gestes. Et c'est des allers-retours sans cesse entre l'un et l'autre.

  • Speaker #2

    Et aussi qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les deux. Ça, c'est hyper important. et quand nous on dit voilà qu'on... J'ai toujours voulu décloisonner. Au-delà de décloisonner, c'est effacer cette hiérarchie. Souvent, il y avait le designer, l'artisan en dessous. C'était une forme de vérité un peu avant. Alors ça s'estompe vachement, mais c'est vrai que... Nous, ce n'est pas du tout comme ça qu'on vit les choses. Et je trouve que l'intelligence de la main, ça gomme aussi cette hiérarchisation entre la main et la tête.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que l'autre sait faire ou oser que vous, vous n'auriez pas fait sans elle ? Ce n'est pas facile.

  • Speaker #0

    Alors là, c'est la question. Tu peux répéter ? Qu'est-ce que l'une de vous aurait osé ou n'aurait pas fait sans l'autre ? Oui, tu vois, c'est un peu...

  • Speaker #1

    Oui, et sous-jacent, c'est le fonctionnement aussi de votre duo, les forces que l'autre apporte, ou s'il y en a une qui est plus... Parce que vous faites le même métier. Oui, on fait le même. En fait, on est extrêmement complémentaires. À chaque fois, on nous demande quelle est la recette. On n'est pas capables de l'expliquer. Et même, en fait, de la conscientiser. Là, quand tu vois, je réfléchis, tu me poses la question. Je pense que peut-être, si je dois répondre, Élodie a de l'audace et moi je suis plus prudente. Et ce qui fait que moi, peut-être que je ne serais pas allée aussi loin et peut-être qu'Élo se serait pris des murs. Un truc comme ça. Oui,

  • Speaker #2

    mais c'est tout à fait juste. Moi, je vais avoir ce côté peut-être plus impulsif à des moments donnés, et je peux ne pas avoir le danger. Ce qui est bien à des moments. Rebecca temporise et Elle a cette capacité aussi à hyper bien finaliser des choses. Et moi, des fois, peut-être que j'ai moins envie d'aller vers ce côté finalisation, je pense. Mais c'est vrai que c'est hyper dur de répondre parce que c'est tellement plus subtil que ça, en fait, dans le quotidien, dans la création. C'est des micro-parties et des choses, comme je disais, qui s'équilibrent vraiment en permanence, qu'on ne se dit jamais, d'ailleurs. C'est tellement instinctif dans notre façon de travailler. On dit souvent que c'est deux cerveaux, un cerveau, je ne sais plus, une tête, deux cerveaux, quatre mains. On dit quatre mains et deux cerveaux. Quatre mains, deux cerveaux, voilà. Mais voilà, il y a un truc qui est très instinctif.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question qui est un peu culte dans Décodeur, mais je ne vais pas vous la formuler telle qu'elle, ou souvent je demande à la personne. si elle faisait un dîner, qui seraient ses invités ? Là, vous, j'ai envie de vous demander quels sont les artistes ou les designers qui vous ont donné envie de sortir justement des sentiers battus ? Vous disiez que votre studio s'appelait Hors Studio, exprès. Est-ce qu'il y a des personnalités comme ça qui vous inspirent et qui ont fait un pas de côté comme vous, vous essayez de le faire ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est parce que ce ne sont pas de côté. Moi, par exemple, je sais que j'ai une fascination pour Neri Oxman, qui est une architecte-designer qui a cette capacité de travailler avec le vivant en s'en aspirant, que je trouve fascinant, à titre vraiment plus personnel, parce qu'en plus, elle était à l'école avec moi. Je suis complètement fan de Marlène Huissou et de son travail sur les abeilles. Je trouve que cette liberté qu'elle a de proposer des pièces, d'art ou de design pour le vivant, pour les insectes, je la trouve juste incroyable, donc coucou Marlène parce que vraiment elle est trop forte et puis là plus récemment parce que c'est aussi ça, j'ai pas forcément de souvenirs quand j'étais en école d'art enfin si il y avait certainement des designers qui m'inspiraient mais je suis quelqu'un qui vit plutôt dans l'instant présent et là très récemment donc on a découvert il y a deux ans les travaux de Philippe Rame qui est un architecte spécialisé dans le design climatique Merci. qui clairement, moi, quand j'ai lu son manifeste, a été une véritable révélation, parce qu'il y avait cette problématique, en tout cas chez moi, où je me disais, bon c'est bien, on utilise des déchets, on fait des nouveaux matériaux, donc c'est cool, il y a du sens, il y a de l'engagement, mais pour finalement faire du décoratif. Et en fait, il y avait cette quête sans cesse de sens en permanence, et Philippe Rame, moi, il m'a complètement, voilà, je le redis, j'ai fait, ah mais oui, mais c'est ça,

  • Speaker #2

    il a raison, voilà. Il y a aussi le travail de Samuel Tomatis qui a développé toute une recherche autour de la valorisation des algues. Et c'est vrai que nous on l'a toujours vu comme un peu, enfin pas un symbole, mais aussi assez précurseur. Et il a vachement ouvert la voie dans le design français. Et donc on est content d'avoir ce type de designer. Oui je pense que lui il se considère vraiment comme designer pour le coup à nos côtés. Ok, bon, et bien merci beaucoup les filles Rebecca et Lodi. J'étais ravie de faire votre connaissance et surtout, je ne voulais même pas dire au début, bravo pour ce prix, pour ce très beau prix. Bravo, merci.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Décodeur, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci beaucoup d'avoir écouté en entier. Si vous avez aimé, n'oubliez surtout pas de vous abonner au podcast pour ne pas rater les prochains épisodes et retrouver tous ceux qui ont déjà été enregistrés. N'hésitez pas non plus à le partager en l'envoyant à vos proches qui pourraient être intéressés ou en story Instagram. D'ailleurs, on peut se retrouver sur le compte Décodeur où je poste très régulièrement. Et si jamais vous avez 15 secondes, n'oubliez pas de laisser 5 étoiles ou un avis. C'est juste sous la liste des épisodes. Non seulement ça me fait très plaisir, évidemment, mais dans la jungle des podcasts, plus on a de notes, plus on se fait remarquer, ce qui est très important pour moi. Voilà, merci beaucoup et à très bientôt alors, ici ou ailleurs.

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Description

Décoration, design, création, savoir-faire, ces mots vous parlent ? Alors vous êtes au bon endroit !

Depuis 1999, le Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main® distingue chaque année ceux qui perpétuent et réinventent les métiers d’art. Le sujet est passionnant, entre maîtrise technique, innovation et gestes ancestraux. Un prix devenu une référence, presque un label d’excellence qui participe largement au rayonnement des artisans d’art, un métier si noble, en France comme à l’étranger. 

Et aujourd'hui je suis ravie de rencontrer Élodie Michaud et Rebecca Fezard de Hors studio, les lauréates de la catégorie Dialogues (il y a 3 catégories pour ce prix et celle-ci récompense la collaboration entre un artisan d’art et un designer qui ont travaillé sur un prototype ou un objet). 

Ensemble nous parlons de

  • Tufo, la table qu'elles ont imaginé et grâce à laquelle elles ont gagné ce prix

  • le leatherstone©, le matériau qu'elles ont inventé 

  • leur métier qui est de développer de nouveaux matériaux à partir de déchets 

  • et en quoi les déchets sont les ressources du XXIe siècle ?

  • quels types de déchets elles travaillent

  • leur démarche éco-responsable 

  • on parle aussi du temps long et de la patience

  • du travail de la main bien sûr 

  • la manière de collaborer avec les architectes et décorateurs 

  • comment elles ont vécu de Prix

  • et ce que cela va leur apporter 

  • comment elles travaillent ensemble depuis 9 ans 

  • leur façon de faire un pas de côté dans le monde du design

  • l'idée de combiner héritage et innovation 

  • etc. 


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🩷 à suivre @decodeur__ sur Instagram et à partager l'épisode en Story par exemple 

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🙏 à parler de DECODEUR autour de vous, tout simplement...!


Merci beaucoup !   

Hortense Leluc, journaliste déco et fondatrice de DECODEUR  


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Hortense Leluc et vous écoutez Décodeur, le podcast dans lequel j'échange avec des pros de la déco. Il y a plusieurs formats d'émissions qui tournent, stylé, archi-cool, le club ou les rencontres comme l'épisode qui va suivre, dans lequel un architecte ou un designer, une marque que vous aimez ou que vous allez découvrir, un entrepreneur ou un créatif va nous parler de sa manière de travailler, de ses produits. de son savoir-faire, sa vision, ses inspirations, bref, de l'envers du décor qu'on ne soupçonne pas toujours. Et c'est ça la force du podcast, on prend le temps, on va plus loin, on décortique, on apprend, on comprend, il y a une forme d'intimité, de complicité et d'authenticité à laquelle je tiens beaucoup. Merci d'être si nombreux à écouter. Si vous venez de découvrir le podcast, bienvenue, n'oubliez pas de cliquer sur s'abonner pour ne pas rater les prochains épisodes et si mon invité vous... plaît, surtout n'hésitez pas à partager l'épisode en story ou à mettre 5 étoiles, tout ça m'aide beaucoup à me faire connaître encore plus.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous,

  • Speaker #0

    aujourd'hui dans Décodeur, je vais vous parler d'un prix unique en France qui récompense quelque chose de rare, de fragile, d'essentiel, la main, l'intelligence de la main. Depuis 1999, le prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main distingue chaque année ceux qui... perpétue et qui réinvente les métiers d'art. L'idée, c'est de rappeler la noblesse des métiers d'art, d'encourager les talents et, pourquoi pas, de susciter des vocations. Un prix devenu une référence, presque un label d'excellence, qui participe d'ailleurs largement au rayonnement des artisans d'art en France comme à l'étranger, à la croisée de la maîtrise technique, de l'innovation et du geste qu'on transmet de génération en génération. Je ne parle pas pas beaucoup des métiers d'art dans Décodeur, donc je suis ravie de faire cet épisode qui, je suis certaine, va vous plaire. Mais non, les métiers d'art ne sont pas que patrimoine et héritage. Ils peuvent être aussi un genre de laboratoire, un lieu où on expérimente de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques, de nouvelles manières de produire, plus responsables, plus ancrées dans notre temps. Alors ce prix a accompagné plus de 135 lauréats et leurs savoir-faire. du travail du verre à la nacre, du bois à la porcelaine, des fibres aux métaux et surtout il a créé une véritable communauté soutenue sur trois ans et propulsée sur la scène créative française et internationale. Alors ce prix, dernier point que j'aborde pour vous présenter le prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main, ce prix se compose aujourd'hui de trois distinctions. Talent d'exception qui récompense un artisan d'art pour la réalisation d'une œuvre témoignant d'une maîtrise technique et d'innovation rare. Parcours qui met à l'honneur une structure pour son engagement et sa contribution exemplaire au secteur des métiers d'art en France. Et troisième catégorie, dialogue, la catégorie qui nous intéresse aujourd'hui, qui salue une collaboration entre un artisan d'art et un designer. distinguant chaque année un prototype suffisamment abouti ou un objet qui témoigne d'un savoir-faire d'excellence et d'une créativité dans le design. Voilà, j'ai terminé ma longue intro, donc je suis avec les deux lauréates de Dialogue 2025, Elodie Michaud et Rebecca Faisard. Bonjour à toutes les deux.

  • Speaker #1

    Bonjour. Bonjour. Vous avez tenu le long de ma longue intro. Tout va bien, c'était clair. Oui, pour présenter le prix. Nickel. et du coup je me suis dit qu'on allait directement attaquer vous avez vu je n'ai pas parlé de ce fameux projet commun vous avez été récompensé pour un projet, lequel ? alors on a été récompensé pour un projet qui est une table basse qui s'appelle Tufo qu'on écrit T-U-F-O qui est une table qu'on a développée dans un nouveau matériau qu'on a créé qui s'appelle le Leatherstone qui est un matériau fait à partir de chutes de cuir donc de chute de production de cuir, et qui va sécher à l'air libre en devenant dur comme de la pierre.

  • Speaker #2

    Et c'est quoi ? C'est une table basse, je crois ? Oui, tout à fait, c'est une table basse. Donc on a voulu, avec notre matière qui est transformée, le cuir en pierre, faire une citation à la pierre de Tuffaut, parce que nous, on vient de Tours, l'Indre-et-Loire, et on a été bercé par cette matière. Et à travers cette pièce, ce qu'on veut, c'est interroger sur la précarité de nos ressources. Donc c'est vrai que nous, quand on a commencé à travailler, on avait vraiment cet engagement et ce besoin de dire qu'avant d'utiliser des nouvelles ressources, Il faut regarder autour de soi ce qu'il existe déjà et donc on a développé notre savoir-faire qui est d'aller sourcer des déchets en local et de les transformer en nouveaux matériaux. Donc vous l'avez créé vraiment de toutes pièces ce nouveau matériau ?

  • Speaker #1

    Oui tout à fait, alors nous avec Elodie on travaille ensemble depuis 9 ans et en fait tout notre savoir-faire c'est de transformer les déchets en nouveaux matériaux. Donc on a développé une vingtaine de matériaux et là pour le prix Liliane Bétancourt, on a donc vraiment voulu mettre en avant le Leatherstone qui est emprunt en fait.

  • Speaker #2

    Comment tu dis pour que les...

  • Speaker #1

    Leatherstone.

  • Speaker #2

    Et donc ça c'est... La pierre de cuir. La pierre de cuir,

  • Speaker #0

    transformer le cuir en pierre, voilà.

  • Speaker #2

    C'est même vous qui avez inventé le nom ?

  • Speaker #0

    Oui, qui est une marque déposée même,

  • Speaker #2

    puisqu'on ne peut pas déposer une recette. Donc quand on crée des matériaux, on ne peut pas protéger une recette d'un matériau. Mais par contre, on la protège à travers le nom et un nom de marque, une identité.

  • Speaker #1

    Et alors, comment vous l'avez... Comment on crée un matériau ? Comment ça se passe ? Donc, vous aviez les matières premières.

  • Speaker #0

    C'était les matières premières qui vous ont inspiré. Comment ça se passe ?

  • Speaker #1

    Alors, nous, notre démarche, c'est vraiment de considérer les déchets comme les ressources du XXIe siècle. Donc, en fait, on va rencontrer des déchets. Là, en l'occurrence, nous avons rencontré le cuir. À partir de là, il y a une investigation pour désenfouir des recettes ancestrales des artisans d'art, et notamment celles du staff et du stuc, et essayer de comprendre comment les matériaux à l'époque étaient faits et comment nous aujourd'hui, à l'ère du XXIe, à l'ère anthropocène, on peut créer des nouveaux matériaux à partir de ces déchets-là. C'est une démarche très empirique. Nous, on a mis cinq ans à développer, à aboutir le leather stone. Et ça passe par plein d'étapes d'expérimentation et de recherche dans l'atelier, par le travail de la main.

  • Speaker #2

    En fait, notre savoir-faire, il est de recréer des matériaux avec ces déchets et des liants complètement naturels. Et donc ça, effectivement, dans les recettes anciennes, on utilisait des colles naturelles. Et donc, comment on en arrive à ce matériau ? C'est vraiment une succession de recherches qui... et qui fait qu'on aboutit à un moment donné à un résultat qui nous paraît vraiment intéressant. Et ce qu'on dit toujours, c'est que nous, on ne projette jamais. En fait, quand on va chercher à créer un matériau, on ne sait pas ce qu'on va trouver. On ne sait pas ce qu'on va obtenir et on ne cherche pas un résultat en particulier. C'est vraiment l'expérimentation et tout le processus de recherche qui nous porte. Et c'est ensuite, quand on a le matériau dans les mains, Là, on va commencer à projeter des usages par rapport à ces caractéristiques, mais ce n'est pas l'inverse. Et souvent, dans l'ingénierie, on cherche une spécificité. On dit qu'il faudrait qu'on développe un matériau qui ait telle ou telle caractéristique pour telle application. Mais nous, vraiment, c'est le chemin inverse. Je crois que c'est une matière qui est... D'ailleurs, peut-être qu'on peut faire un point matière et matériaux. Je ne sais pas... Et après, je vais vous faire ma... Ma question,

  • Speaker #0

    je crois que c'est une matière qui est souple et qui en fait durcit après, sèche.

  • Speaker #2

    En fait, on part de déchets de cuir qui sont les squelettes issus de la production de la maroquinerie. Ensuite, nous, on va venir le broyer. Donc, on obtient une poudre. Ensuite, on le mélange avec nos liants naturels. Donc, la recette, évidemment, est secrète. Et là, on obtient une pâte qui a un peu la consistance de la pâte à pizza, on va dire, ou de la terre qui n'est pas cuite. Et donc cette boule, on va pouvoir la modeler à la main, on va pouvoir faire des plaques, on va pouvoir la gainer sur des supports et ensuite elle va sécher à l'air libre et devenir très dure, comme la pierre. Donc c'est ça. Donc à la base, vous créez une matière avant que ce soit un matériau ou est-ce que je dis n'importe quoi ?

  • Speaker #1

    Non, en fait, on ne dit pas n'importe quoi. Il y a un peu des débats entre matière, matériau. Je pense qu'on crée un matériau in fine. fait d'un mélange de matières différentes. Oui, j'aurais dit ça aussi. Et du coup, cet état intermédiaire dans notre travail d'alchimiste, on va dire de pâte, n'est ni matière ni matériau. Voilà, c'est un peu ça que je pense qu'on peut dire.

  • Speaker #0

    Oui. Vous avez travaillé avec des chimistes, et en même temps, vous revendiquez une approche un peu low-tech quand même. Comment on concilie les deux ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, nous, on travaille avec des ingénieurs scientifiques chimistes Merci. plutôt pour la question de la caractérisation une fois que le matériau est fini. Toute cette recherche empirique d'expérimentation vraiment par le travail de la main en atelier, ça on le fait en totale autonomie toutes les deux, vraiment en cherchant par la main, mais aussi en cherchant. dans tous les écrits, que ce soit dans les écrits de recherche fondamentale ou de recherche, enfin plutôt de ce que je disais tout à l'heure, de recettes ancestrales. Et voilà, la partie scientifique, elle intervient après pour tout ce qui va être plus usage, en fait.

  • Speaker #2

    Ok. Qu'est-ce qui s'est passé en cinq ans ? Quelles ont été les étapes que vous avez traversées ?

  • Speaker #1

    Les cinq années de création de la matière. Il doit y avoir tellement de choses.

  • Speaker #0

    En fait,

  • Speaker #2

    quand on dit cinq ans, c'est parce qu'on est sur un... On est sur un travail de studio où on travaille plein de choses en même temps. Nous, au-delà de notre casquette de designer, artisan, chef d'entreprise,

  • Speaker #1

    de notre atelier, de notre studio, on a aussi monté une association pour pouvoir redistribuer les chutes sur le territoire. En fait, en cinq ans, il s'est passé tellement de choses dans lesquelles le Leatherstone était en train d'être formulé et d'éprouver. Et du coup, on a assez eu vite la très bonne intuition, je dirais. Et après, ça a été des ajustements pour mettre en place une filière. Quels sont les procédés de broyage ? Comment on fait pour avoir des granulométries qui vont être plus ou moins fines, qui ne vont pas donner le même rendu ? Le travail de la couleur, en fait, c'est tout ça. C'est toutes ces étapes en cinq ans qui, là, ont abouti à ce qu'aujourd'hui, on travaille pour des prescripteurs, les architectes, les décos, et que le matériau est applicable et ne reste pas au stade expérimental.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça, les cinq années, c'est la mise en place pour que ça devienne un vrai artisanat et aussi le développement de différentes techniques. Au début, on l'utilisait en plaque ou en modelage et puis ensuite, on a travaillé l'extrusion en impression 3D, notamment à grande échelle. Ensuite, on a développé la technique du pisé. On l'a gravé, on a créé nos propres matrices pour faire des empreintes. En fait, ce n'est pas forcément cinq années qui permettent de développer le matériau en tant que tel, mais c'est tout l'artisanat qui gravite autour de cette matière, qui s'affine, qui se développe. Et il y a aussi, nous, comment on a envie de l'exprimer et de l'utiliser dans notre quotidien d'atelier. Oui, parce que vous allez utiliser ce matériau. Maintenant, vous l'avez créé et vous avez créé Tufo. Après, vous avez d'autres projets pour ce matériau ?

  • Speaker #1

    Oui. On a candidaté au prix Bétancourt avec Tufo parce que pour nous, c'était la pièce qui était porteuse de notre histoire. C'est une des toutes premières pièces qu'on a réalisées avec le Leatherstone. Elle avait cette... On avait eu cette espèce d'instinct un peu créatif de premier geste d'intention d'application d'une matière. Parce que quand on crée des matériaux, on commence toujours par le stade d'échantillon. Ça peut rester très longtemps au stade d'échantillon avant qu'il y ait vraiment une application possible dans le mobilier ou dans l'architecture intérieure. Et donc ça a été la première intention, le premier geste. Et puis depuis, on a fait beaucoup d'autres pièces et surtout on a travaillé pour des architectes avec vraiment des applications du matériau.

  • Speaker #0

    Je reviens juste sur le... Là, en fait, c'est une table qui est recouverte de ce matériau. Ce n'est pas un matériau qui est utilisé pour créer une table.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. En fait, la structure est faite de mobilier recyclé qu'on a été chercher dans une recyclerie. Alors, on n'est pas obligé d'utiliser cette technique-là, mais nous, ça nous a intéressés aussi dans l'histoire et dans notre démarche du recyclage. Ça permet aussi d'avoir un objet plus léger, parce que le leatherstone, c'est un matériau qui est assez dense, qui est presque aussi lourd que le béton, en fait. Et donc là, on travaille sur la technique du gainage. On va vraiment recouvrir la structure en bois de notre matière, et ensuite, on lui donne cet aspect très sculptural, effet brut de pierre. Et ensuite, on a fait d'autres projets dans cette même histoire, où là, on a... davantage assumer le mobilier qui était en dessous, avec une vraie citation au mobilier, notamment je pense à Sigismond, c'est une chaise de René Gabriel. Donc là on a vraiment décidé de garder l'empreinte de cette chaise et ensuite de nous venir compléter cette histoire avec notre vision plus culturelle, plus effet roche, etc. Vous imaginez quelle vie ? Pour que je le dise bien, l'Etherstone. Alors nous, le l'Etherstone,

  • Speaker #1

    on l'imagine dans plein de typologies de projets différents parce qu'en fait, ce qui est assez dingue, c'est qu'il y a énormément d'applications possibles. Donc on le préconise pour le moment pour le design intérieur. Ça c'est assez sûr. Là on va peut-être commencer à tester du revêtement mural. On le voit vraiment plutôt en mobilier, en éléments de décor, d'architecture intérieure. Et puis il y a tout l'aspect thermique du matériau qui est hyper intéressant. En fait le matériau a une inertie thermique, il est capable d'emmagasiner la chaleur ou la fraîcheur et de la restituer plus longtemps, comme le ferait une pierre d'ailleurs. Et ça, ça ouvre des portes pour répondre aussi aux enjeux qui nous attendent, qui sont tout simplement les enjeux climatiques. Et voilà, donc si en plus,

  • Speaker #2

    on peut en fait apporter des solutions, des conforts thermiques avec quelque chose qui a une vraie place décorative, c'est assez intéressant.

  • Speaker #1

    Par rapport à cet enjeu même climatique, qu'est-ce que cette pièce, elle dit de votre vision, même à toutes les deux, du design d'aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Nous, c'est vrai que quand on a commencé avec Rebecca, on vient d'une formation textile, matière, surface. Donc en fait, notre métier, c'était de faire de l'ennoblissement. Et assez vite, on s'est retrouvés face à une petite crise existentielle de notre métier parce qu'on avait besoin de donner beaucoup plus de sens que ça. Et nous, on dit toujours qu'en tant que designer, artisan, on porte vraiment une responsabilité. c'est celle de de créer, d'ajouter des objets à notre monde. Et donc, nous, le message qu'on porte, c'est qu'il y a déjà vraiment suffisamment... Les déchets sont les ressources du XXIe siècle. Donc, avant d'aller utiliser des ressources épuisables, il faut vraiment regarder ce qu'il existe avant d'aller chercher autre chose. Donc, c'est une vision du design qui est assez engagée.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une vision engagée. Puis ensuite, sur Tufo particulièrement, cette esthétique presque sculptée dans la roche, elle est vraiment là pour rappeler l'enjeu de la question de nos ressources naturelles. Cette bascule qu'on arrive à faire par notre formation, en fait, qui est de créer des effets factices, de créer une nouvelle pierre à partir de déchets de production, c'est aussi montrer qu'on peut sublimer la question de la ressource. Et en fait, sortir le statut du déchet de la poubelle, tout simplement.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que vous pensez du traitement des déchets aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Pour vous,

  • Speaker #2

    c'est une aberration ?

  • Speaker #1

    Non, pas forcément. Ce n'est pas que c'est une aberration, c'est que c'est un sujet extrêmement complexe. L'aberration, c'est effectivement de se rendre compte que des tonnes et des tonnes et des tonnes de matières premières nobles et viables finissent à l'enfouissement parce qu'il n'y a pas de filière. Nous, ça a été vraiment l'électrochoc, ça a été ça. Ça a été de se dire, en fait, nous, avec le parcours qu'on a eu et la vision, on a peut-être cette capacité de pouvoir les transformer. Sauvons-les pour ne pas épuiser nos sols, en fait.

  • Speaker #2

    Je crois qu'on a une vision assez humble par rapport à cette grande question de la valorisation des déchets parce qu'on sait à quel point c'est compliqué, à quel point ça demande énormément de recherche et développement, ça demande un temps long. c'est une économie qui est compliquée à mettre en place évidemment on pourrait mieux faire et il y a encore un long parcours mais je pense qu'on a aussi cette vision sans être dans cette critique de on fait pas suffisamment ou on fait n'importe quoi etc on sait aussi qu'il faut laisser ce temps là de la création de la conception, de la recherche et qu'avant d'aboutir à un matériau recyclé, exploitable industriellement, ce qui n'est pas notre volonté à nous, chez Orstudio, mais qui est la volonté d'autres créateurs qui sont un peu dans la même veine que nous, on va dire. Il faut leur accorder ce temps et cette patience. Et souvent, je trouve que les gens ont une vision très critique de ce truc de l'instantanéité, de dire, ouais, Il faut que les choses changent, les bougent. Oui, mais c'est long. Il faut du temps, il faut de l'argent. Il faudrait que les entreprises puissent accorder plus d'argent, plus de financement à la transformation de leurs déchets. Mais je trouve qu'on a quand même évolué dans les mentalités. Et nous, les entreprises qu'on rencontre, qui nous mettent à disposition leurs déchets, ont une vraie volonté. d'aller vers le mieux et c'est aussi ça qu'il faut retenir.

  • Speaker #0

    Je crois que tu as répondu tout à l'heure, mais là, sur cette idée de recherche, ce n'était pas votre job à 100%, vous faisiez d'autres choses à côté, et notamment, est-ce que si votre philosophie, c'est le déchet, enfin votre cheval de bâtiment... C'est le déchet. Est-ce que vous êtes en train de travailler peut-être sur d'autres créations de matériaux ?

  • Speaker #1

    Oui, on en a développé une vingtaine aujourd'hui. On a décidé il y a trois ans de mettre en avant le leather stone parce qu'on avait aussi bien compris dans une démarche entrepreneuriale qu'il fallait qu'on puisse être identifié. Quand on est peut-être un peu trop pluridisciplinaire, on peut paraître éparpillé et les prescripteurs ont besoin aussi de... Voilà, de savoir où ils vont. Et en fait, on a développé des matériaux à la base. Les tout premiers étaient faits à partir de coquilles de moule d'huile de Saint-Jacques. On a pu développer à partir de l'acétate de cellulose, qui est la matière qui sert à fabriquer les lunettes, de sur-de-bois, de drèches de pommes ou de drèches tout court. Et là, on a un déchet, le textile aussi, et là, on a un déchet qu'on travaille aussi beaucoup depuis 4 ans maintenant. qui est le bissus. Et le bissus, c'est la fibre que produit la moule pour s'accrocher à son rocher. Alors c'est très niche comme sujet, mais c'est intéressant parce que ces rencontres avec ces ressources, ça raconte aussi des histoires assez incroyables. Et le bissus, au XVIe siècle, ça s'appelait la soie de la mer. C'était tissé, c'était complètement oublié. Et voilà, donc nous, on a travaillé avec les pêcheurs et là, on travaille... le bissus de façon textile et en recherche fondamentale aussi. Donc voilà, depuis 9 ans avec Elodie, nous on continue, dès qu'on rencontre un déchet qui nous inspire, on continue d'expérimenter pour les transformer.

  • Speaker #2

    Oui, là ce que tu viens de dire, la moule à son rocher, pour vous c'est un déchet, c'est vrai que nous, enfin pas nous, mais déchets, tout de suite on ne pense pas à ça. En fait, finalement, est-ce que vous pouvez nous redéfinir ce que déchets, franchement, on voit une poubelle, la poubelle verte, la poubelle jaune et la poubelle marron. On est d'accord, non ? Oui, ça, c'est les déchets, ce qu'on appelle les dibs, les déchets ménagers. Mais nous, en fait, c'est vrai que cette question, elle est intéressante parce que c'est tellement ancré pour nous qu'on ne le précise pas. nous on s'intéresse vraiment aux déchets issus de la production production industrielle et artisanale. Donc, on va vraiment récupérer la chute de production, donc pas post-usage, alors que les poubelles ménagères, c'est une fois qu'on a consommé, ça devient un déchet. Déjà, c'est assez différent, parce que ce n'est pas du tout les mêmes typologies de matière, et surtout, nous, c'est des déchets qui sont non souillés, non dangereux, c'est vraiment de la matière. Enfin, il faut imaginer, voilà, des découpes d'emporte-pièces, des tiges, de la poudre aussi parfois, quand on va venir poncer, raboter, on va générer de la poudre. Et nous, en fait, on qualifie, quand on va rencontrer les entreprises, on qualifie les différentes typologies de déchets. Il y a un poste qui va générer telle forme de chute, un autre, une autre, et ça, c'est très important pour nous dans la création, parce que ça va emmener vers... des esthétiques différentes ou des matériaux différents. Et c'est vrai que par rapport au bissus, on pourrait penser que ce n'est pas un déchet puisque c'est organique et donc ça ne pose pas de problème de pollution. Mais c'est beaucoup plus compliqué que ça parce que n'importe quel déchet, même s'il est organique, s'il est rejeté même dans son propre milieu en trop grande quantité, il va perturber son milieu. Et donc le bissus, en l'occurrence, ça fait quelques années qu'il y a une loi qui interdit le rejet dans l'océan. Même si c'est biodégradable. Mais en trop grande quantité, ça ne fonctionne pas. Et voilà, c'est là où je pense qu'il y a quand même de grandes avancées et qu'à chaque fois, on voit bien que les avancées, elles se font par la loi, par le soutien de la loi. Parce que si la loi ne l'interdit pas, clairement, on continue. à faire comme on faisait avant. Et donc, il y a quand même un soutien de la loi française qui fait qu'on avance pas à pas dans le traitement aussi des déchets qu'on produit.

  • Speaker #1

    Comment réagissent les pros, les architectes, les designers quand vous proposez un matériau ou ce matériau ou un matériau qu'ils n'ont jamais vu et tout d'un coup, ils doivent faire confiance à du cuir recyclé, par exemple ? Pour le moment, ils réagissent plutôt bien parce qu'il y a eu une évolution des mentalités aussi. Nous, c'est vrai qu'il y a neuf ans, on était quand même assez précurseuse en France, pas en Europe, mais en France. Et on sentait qu'il y avait peut-être un frein auprès des prescripteurs parce que pas d'assurance que le matériau soit viable, tienne aux usages. etc. Et en fait, on rassure souvent parce que justement, on travaille à partir de recettes ancestrales qui ont traversé des millénaires. Et puis là où ils sont évidemment très réceptifs, c'est sur cette question de l'engagement écologique autour des matières qu'on utilise. Et vraiment, nous, ça, c'est quelque chose qu'on s'est fixé, auquel on ne démarre pas. On n'utilise aucune pétrochimie dans nos matériaux. Ça, c'est très, très important. Et voilà, donc généralement, les archiers et les décos qui viennent nous chercher, ils ont ces valeurs communes.

  • Speaker #2

    Et vous me dites, si vous pouvez me répondre,

  • Speaker #1

    est-ce que vous leur vendez le matériau ? Quel est votre modèle économique ? En fait, vous, vous faites beaucoup de recherches depuis des années. Comment vous gagnez votre vie ?

  • Speaker #2

    Nous, on ne vend pas notre matériau sans la création. Donc, ce qu'on vend, c'est un projet de création avec notre matériau. Et c'est nous qui produisons.

  • Speaker #1

    En fait, on travaille uniquement sur mesure. C'est ce qu'on explique aux architectes et aux décorateurs, c'est que nous ne sommes pas fabricants de matériaux et nous ne vendrons jamais au mètre carré. C'est vraiment à l'étude du projet, avec une co-création aussi, généralement. Étant donné qu'on est les seuls à maîtriser notre savoir-faire, en fait, en fonction d'un projet, on va peut-être utiliser une technique plus que l'autre et donc on va toujours faire partie de cette co-création.

  • Speaker #2

    Avec les prescripteurs.

  • Speaker #1

    Ok, donc je reviens au prix Liliane Bétancourt, parce que justement, c'est pas juste une distinction, c'est aussi un accompagnement financier pour que ce projet se développe.

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. C'est un bel accompagnement qui permet vraiment de réaliser ce qu'on ne peut pas faire, on va dire, au fil de l'eau dans la vie du studio. Nous, le premier objectif, c'est d'aller vers la certification du matériau. Ça ne veut pas dire qu'on ne change pas de mode opératoire. On ne le vendra toujours pas au mètre carré, mais nous, on a besoin d'en savoir un peu plus, d'avoir ses fiches techniques pour pouvoir encore mieux travailler avec les architectes et les décorateurs. Ensuite... L'idée c'est de faire une collection de démonstrateurs, de mobiliers, et de pousser sur cette question de design climatique. Nous c'est vrai qu'à chaque fois qu'on fait des pièces, c'est vraiment des pièces manifestes, des pièces démonstratrices pour guider un maximum nos clients dans l'utilisation de nos matériaux. Il y aura cette nouvelle collection. C'est aussi l'idée d'engager notre alternant et de lui proposer le premier poste de chef d'atelier. Donc voilà, ce prix, cet accompagnement va nous permettre de travailler sur ces trois volets-là. C'est vous qui avez candidaté ? C'est vous qui proposez en fait votre projet ? Ah oui, bien sûr. Tu pensais à quoi ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, c'est une candidature, on ne va pas se mentir, qui est énergivore, qui est longue. Ça se mérite et en même temps, tant mieux. Qu'est-ce qui est long ?

  • Speaker #2

    Et puis c'est combien de temps ?

  • Speaker #1

    En fait, c'est long, l'écriture du dossier est assez longue. Enfin voilà, c'est un long processus, c'est-à-dire que je ne sais plus, on doit candidater aux alentours de... mars, un truc comme ça. Et puis après, il y a les premières phases de sélection. On doit refournir potentiellement d'autres documents. Et puis ensuite, il y a le fait où on est finaliste. Et ensuite, il faut préparer l'oral, pitcher. Il y a tout un audit aussi de notre projet de développement. Voilà, donc c'est un parcours. C'est un parcours, oui.

  • Speaker #0

    C'est un prix d'excellence. Donc les candidatures sont vraiment peaufinées.

  • Speaker #1

    À quel moment, justement, vous avez compris avec ce matériau que vous teniez une pièce suffisamment forte pour concourir à ce prix ?

  • Speaker #2

    Sincèrement, ça, on ne le sait pas. En fait, on ne sait pas si c'est suffisant pour convaincre le jury. Ça, on se dit qu'on a envie de le proposer, mais il y a toujours des hésitations. On ne sait pas si on a fait le bon choix. Sincèrement, avant d'être lauréat... On a toujours beaucoup de doutes, enfin je pense que ça, tous les L'Oréal diront. Vous connaissiez les autres concurrents de votre catégorie ? Non, on ne le sait pas,

  • Speaker #1

    et d'ailleurs la Fondation garde le secret.

  • Speaker #2

    On ne le saura jamais.

  • Speaker #1

    On ne le saura pas. Ah, qui a candidaté en même temps ? Et comment vous l'avez appris, que vous avez gagné ? C'est pas le jour J comme à Cannes, c'est...

  • Speaker #2

    En fait, on a passé l'oral. Et on savait qu'on allait être appelés dans la journée, en fait, pour... Avoir les résultats, donc on devait garder le secret pendant plusieurs mois, donc ça a été très dur de garder le secret pendant trois mois, je crois, parce que c'était en juin. On a passé l'oral le 3 juin et la cérémonie a eu lieu le 16 octobre. Mais vous l'avez su le 16 octobre ou avant le 3 juin ?

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord.

  • Speaker #2

    On le sait, le jour de l'oral, à la fin de la journée. Ah pardon,

  • Speaker #1

    je n'avais pas compris. D'accord.

  • Speaker #2

    Et on a passé la journée ensemble avec Rebecca, en attendant les résultats. Et évidemment, on a eu le coup de fil le moment où on s'est séparés parce que ça faisait trop longtemps qu'on attendait. Donc c'est moi qui ai reçu le coup de fil. J'avoue que c'était intense.

  • Speaker #1

    Oui, qu'est-ce que vous vous êtes dit ?

  • Speaker #2

    Bah, que... C'est pas que j'y croyais pas, parce que forcément, on sait qu'on n'est que trois en finale, donc on y croit. Mais en fait, le premier sentiment, c'était que j'étais déçue de ne pas être avec Rebecca pour partager ce moment avec elle. Mais évidemment, hyper heureuse, et je l'ai raccrochée pour l'appeler directement. Mais soulagée, franchement, soulagée, en se disant... Ça y est, c'est fait et ce prix nous permet vraiment de valider notre savoir-faire qui est quand même un pas de côté, qui est un nouveau savoir-faire. Nous, on s'appelle Hors Studium, on ne rentre jamais dans les cases. Ça a été dur à des moments dans notre parcours. Nous, on dit toujours qu'on a eu un parcours où il a fallu qu'on mérite finalement chaque étape. Ça a pu être laborieux à des moments donnés. Et donc là, voilà, un petit sentiment quand même de soulagement. Eh bien, on y arrive. Est-ce que vous pouvez me raconter justement ce parcours ? Comment vous vous êtes rencontrées ?

  • Speaker #1

    Oui, alors du coup, j'ai rencontré donc à Tours, dans notre ville natale, toutes les deux. En fait, on expérimentait dans un Fab Lab. Donc le Fab Lab, je pense que ça... Tu parles à tout le monde. Non, vas-y, tu peux nous le dire. Les Fab Labs, en fait, c'est des lieux partagés, des lieux ouverts où on mutualise des machines, donc à commande numérique souvent, pour pouvoir faire ses propres projets créatifs. Et donc, toutes les deux, on s'est rencontrées là où, en fait, on s'est rendu compte qu'on avait une démarche similaire, une appétence sur la question des matériaux et de l'ennoblissement. Et voilà, ça s'est fait très naturellement comme ça. C'est une rencontre, je pense, assez rare. De se dire, ouais, ok, allons-y, montons un studio, quoi. Voilà comment on s'est rencontrés.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux me dire, ça fait plusieurs fois que vous lisez, moi je sais, mais l'ennoblissement, comment vous définiriez ça ?

  • Speaker #1

    L'ennoblissement, pour moi, c'est l'apport d'ornements et de décors sur des typologies de matériaux différents. Comment on vient ennoblir une matière. Donc, Élodie, est-ce que vous pouvez nous parler de vous, de votre parcours avant de vous rencontrer ?

  • Speaker #2

    Il est tout petit, puisque moi, j'ai fait Olivier de Serres, donc l'Ensahama à Paris, donc en design. Donc, j'ai fait cinq années là-bas, où je me suis vraiment formée à la question de l'ennoblissement. Mais tout de suite, moi, j'ai eu un intérêt pour les matériaux, cette question de l'empreinte. J'ai beaucoup travaillé le plâtre. Et j'ai rencontré Rebecca, mais vraiment, elle n'a même pas sorti. Je n'avais même pas fini mon diplôme. J'ai eu la chance d'être propulsée dans un projet tout de suite après la fin de mon diplôme.

  • Speaker #1

    Le nom de votre métier exact, c'est quoi ? C'est plusieurs casquettes ?

  • Speaker #2

    Nous, on se définit comme designer, chercheuse, artisane. il y a vraiment cette histoire de d'abolir les frontières entre les métiers. Parfois, on a même cette posture plus artistique. On va faire une exposition dans un musée et avoir des pièces plus engagées, avec une dimension beaucoup plus créative. Donc voilà, tout ça à la fois.

  • Speaker #1

    Ok. Et Rebecca ? Alors moi, j'ai été diplômée de l'École des Beaux-Arts de Lyon en Design Textile Matière Surface. Et ensuite, après mon diplôme, j'ai travaillé en tant que freelance dans le domaine du textile et de l'artisanat d'art. Donc ça, ça a duré pendant 5-6 ans où j'étais indépendante. Et du coup, la rencontre avec Elodie a fait que finalement mon statut de freelance qui était plus pluridisciplinaire nous a emmené en fait vers une démarche plus personnelle de moi répondre à des briefs et à des commandes clients. Ça fait combien de temps que vous travaillez ensemble ?

  • Speaker #0

    9 ans. On a fondé le studio il y a 9 ans. 9 ans tout pile en novembre 2016.

  • Speaker #1

    Ouais ok. En tant que designer, comment on fait pour ne pas devenir, quand on se dit designer, on se dit que vous êtes conceptrice un peu de matériaux ou d'objets, mais gardez bien une démarche sensible, voire culturelle,

  • Speaker #0

    voire pas philosophique, mais là vous avez un vrai message derrière finalement tout ça.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est propre à chacun et je redis ce qu'Elodie a dit tout à l'heure, c'est aussi pour ça qu'on s'est appelé Hors Studio. parce qu'il y avait cette volonté, sans qu'on le sache vraiment, c'était un truc très intuitif, de se dire, il y a quand même un truc chez nous, beaucoup en France, où il faut nous mettre dans des cases. Et en fait, moi déjà, ma formation au Beaux-Arts, elle décloisonnait ça déjà. Puisqu'en fait, au Beaux-Arts de Lyon, donc il y avait les filières art et les filières design, mais on avait des cours en commun. Et tout ce qui a importé... En tout cas, la pédagogie de l'école, c'était vraiment de développer une démarche artistique et une démarche personnelle. Et ensuite, la finalité peut prendre forme d'une œuvre d'art quand on est artiste ou d'une installation ou d'une performance. Et le design, c'était vraiment la question plutôt de l'usage et de l'application. Et en fait, pour moi, effectivement, on est toutes les deux conceptrices, mais on propose une démarche créative. Et en plus de ça, on se considère... comme maker, comme faiseuse, puisque du coup, on fait nous-mêmes dans l'atelier. Et moi, je vois vraiment une super belle continuité depuis les Beaux-Arts. Moi, j'étais tout le temps fourrée dans les ateliers. Tout le temps, tout le temps, tout le temps. Dès qu'il y avait une idée, en fait, directement, je passais dans l'atelier pour essayer de la formaliser tout de suite. Il y avait très peu, finalement, de dessins ou de conceptions. C'était des allers-retours sans cesse, en fait, entre le travail de la pensée et le travail de la main. Je pense que c'est vraiment des démarches qui sont tellement personnelles qu'il y a plein de typologies de designers, plein de typologies d'artisans et plein de typologies d'artistes. Il faut donner sa propre écriture singulière, je pense.

  • Speaker #0

    Et justement, tu viens de dire en tant que maker, quel est votre rapport toutes les deux au temps ? À la patience, aux gestes, parce que le geste c'est un mot qui revient beaucoup avec le privilège des temps courts.

  • Speaker #1

    Mais c'est assez rigolo parce qu'Élodie et moi on n'est absolument pas patientes de nature. Mais je ne sais pas, il se passe un truc dans l'atelier où il y a ce respect du temps long et du vivant aussi. Quand je dis du vivant, bizarrement on travaille avec des déchets, mais toutes les colles naturelles qu'on utilise, elles ont des procédés quand on les travaille où il faut attendre 24. 48 heures. Ensuite, c'est composé avec les conditions hygrométriques de l'atelier. S'il fait chaud, s'il fait froid, c'est sans cesse s'adapter à son environnement. Et je crois que c'est le seul endroit où on est patiente.

  • Speaker #2

    Oui, et puis aussi, de manière plus globale, on accepte que les choses prennent un temps long, même dans notre développement. On dit toujours qu'on a mis du temps à se développer, on a pris du temps à trouver vraiment notre centre. Et ça, c'est vrai qu'on le respecte. Alors, on a besoin d'être en mouvement. On fait tout le temps des projets. On a tout le temps, voilà, mille choses à faire, plein d'idées de développement, etc. Mais on accepte cette temporalité, je pense, dans le développement global de notre studio. Et c'est vrai que le fait d'être deux, ça nous aide vachement à temporiser, à des fois, voilà, à calmer un peu le jeu et surtout, prendre beaucoup de recul. à réinterroger en permanence le positionnement, les choix. Et ça, c'est vraiment aussi notre richesse.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que vous vous dites sur le terme, sur ce prix,

  • Speaker #2

    le prix de l'intelligence de la main ? Qu'est-ce que ça vous dit, ce terme ?

  • Speaker #1

    Je trouve que c'est un super terme parce que ça exprime bien justement que l'un et l'autre sont complètement corrélés. Il n'y a pas... La main n'est pas... n'est pas déconnecté de l'esprit et inversement. Et ça, c'est clairement, en tout cas moi, à titre personnel, ce qui se passe quand je suis dans l'atelier. Ou même, d'ailleurs, quand on est en conception, finalement, il y a cette pensée vers comment je peux transformer par rapport aux techniques, par rapport aux outils, par rapport aux gestes. Et c'est des allers-retours sans cesse entre l'un et l'autre.

  • Speaker #2

    Et aussi qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les deux. Ça, c'est hyper important. et quand nous on dit voilà qu'on... J'ai toujours voulu décloisonner. Au-delà de décloisonner, c'est effacer cette hiérarchie. Souvent, il y avait le designer, l'artisan en dessous. C'était une forme de vérité un peu avant. Alors ça s'estompe vachement, mais c'est vrai que... Nous, ce n'est pas du tout comme ça qu'on vit les choses. Et je trouve que l'intelligence de la main, ça gomme aussi cette hiérarchisation entre la main et la tête.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que l'autre sait faire ou oser que vous, vous n'auriez pas fait sans elle ? Ce n'est pas facile.

  • Speaker #0

    Alors là, c'est la question. Tu peux répéter ? Qu'est-ce que l'une de vous aurait osé ou n'aurait pas fait sans l'autre ? Oui, tu vois, c'est un peu...

  • Speaker #1

    Oui, et sous-jacent, c'est le fonctionnement aussi de votre duo, les forces que l'autre apporte, ou s'il y en a une qui est plus... Parce que vous faites le même métier. Oui, on fait le même. En fait, on est extrêmement complémentaires. À chaque fois, on nous demande quelle est la recette. On n'est pas capables de l'expliquer. Et même, en fait, de la conscientiser. Là, quand tu vois, je réfléchis, tu me poses la question. Je pense que peut-être, si je dois répondre, Élodie a de l'audace et moi je suis plus prudente. Et ce qui fait que moi, peut-être que je ne serais pas allée aussi loin et peut-être qu'Élo se serait pris des murs. Un truc comme ça. Oui,

  • Speaker #2

    mais c'est tout à fait juste. Moi, je vais avoir ce côté peut-être plus impulsif à des moments donnés, et je peux ne pas avoir le danger. Ce qui est bien à des moments. Rebecca temporise et Elle a cette capacité aussi à hyper bien finaliser des choses. Et moi, des fois, peut-être que j'ai moins envie d'aller vers ce côté finalisation, je pense. Mais c'est vrai que c'est hyper dur de répondre parce que c'est tellement plus subtil que ça, en fait, dans le quotidien, dans la création. C'est des micro-parties et des choses, comme je disais, qui s'équilibrent vraiment en permanence, qu'on ne se dit jamais, d'ailleurs. C'est tellement instinctif dans notre façon de travailler. On dit souvent que c'est deux cerveaux, un cerveau, je ne sais plus, une tête, deux cerveaux, quatre mains. On dit quatre mains et deux cerveaux. Quatre mains, deux cerveaux, voilà. Mais voilà, il y a un truc qui est très instinctif.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question qui est un peu culte dans Décodeur, mais je ne vais pas vous la formuler telle qu'elle, ou souvent je demande à la personne. si elle faisait un dîner, qui seraient ses invités ? Là, vous, j'ai envie de vous demander quels sont les artistes ou les designers qui vous ont donné envie de sortir justement des sentiers battus ? Vous disiez que votre studio s'appelait Hors Studio, exprès. Est-ce qu'il y a des personnalités comme ça qui vous inspirent et qui ont fait un pas de côté comme vous, vous essayez de le faire ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est parce que ce ne sont pas de côté. Moi, par exemple, je sais que j'ai une fascination pour Neri Oxman, qui est une architecte-designer qui a cette capacité de travailler avec le vivant en s'en aspirant, que je trouve fascinant, à titre vraiment plus personnel, parce qu'en plus, elle était à l'école avec moi. Je suis complètement fan de Marlène Huissou et de son travail sur les abeilles. Je trouve que cette liberté qu'elle a de proposer des pièces, d'art ou de design pour le vivant, pour les insectes, je la trouve juste incroyable, donc coucou Marlène parce que vraiment elle est trop forte et puis là plus récemment parce que c'est aussi ça, j'ai pas forcément de souvenirs quand j'étais en école d'art enfin si il y avait certainement des designers qui m'inspiraient mais je suis quelqu'un qui vit plutôt dans l'instant présent et là très récemment donc on a découvert il y a deux ans les travaux de Philippe Rame qui est un architecte spécialisé dans le design climatique Merci. qui clairement, moi, quand j'ai lu son manifeste, a été une véritable révélation, parce qu'il y avait cette problématique, en tout cas chez moi, où je me disais, bon c'est bien, on utilise des déchets, on fait des nouveaux matériaux, donc c'est cool, il y a du sens, il y a de l'engagement, mais pour finalement faire du décoratif. Et en fait, il y avait cette quête sans cesse de sens en permanence, et Philippe Rame, moi, il m'a complètement, voilà, je le redis, j'ai fait, ah mais oui, mais c'est ça,

  • Speaker #2

    il a raison, voilà. Il y a aussi le travail de Samuel Tomatis qui a développé toute une recherche autour de la valorisation des algues. Et c'est vrai que nous on l'a toujours vu comme un peu, enfin pas un symbole, mais aussi assez précurseur. Et il a vachement ouvert la voie dans le design français. Et donc on est content d'avoir ce type de designer. Oui je pense que lui il se considère vraiment comme designer pour le coup à nos côtés. Ok, bon, et bien merci beaucoup les filles Rebecca et Lodi. J'étais ravie de faire votre connaissance et surtout, je ne voulais même pas dire au début, bravo pour ce prix, pour ce très beau prix. Bravo, merci.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Décodeur, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci beaucoup d'avoir écouté en entier. Si vous avez aimé, n'oubliez surtout pas de vous abonner au podcast pour ne pas rater les prochains épisodes et retrouver tous ceux qui ont déjà été enregistrés. N'hésitez pas non plus à le partager en l'envoyant à vos proches qui pourraient être intéressés ou en story Instagram. D'ailleurs, on peut se retrouver sur le compte Décodeur où je poste très régulièrement. Et si jamais vous avez 15 secondes, n'oubliez pas de laisser 5 étoiles ou un avis. C'est juste sous la liste des épisodes. Non seulement ça me fait très plaisir, évidemment, mais dans la jungle des podcasts, plus on a de notes, plus on se fait remarquer, ce qui est très important pour moi. Voilà, merci beaucoup et à très bientôt alors, ici ou ailleurs.

Description

Décoration, design, création, savoir-faire, ces mots vous parlent ? Alors vous êtes au bon endroit !

Depuis 1999, le Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main® distingue chaque année ceux qui perpétuent et réinventent les métiers d’art. Le sujet est passionnant, entre maîtrise technique, innovation et gestes ancestraux. Un prix devenu une référence, presque un label d’excellence qui participe largement au rayonnement des artisans d’art, un métier si noble, en France comme à l’étranger. 

Et aujourd'hui je suis ravie de rencontrer Élodie Michaud et Rebecca Fezard de Hors studio, les lauréates de la catégorie Dialogues (il y a 3 catégories pour ce prix et celle-ci récompense la collaboration entre un artisan d’art et un designer qui ont travaillé sur un prototype ou un objet). 

Ensemble nous parlons de

  • Tufo, la table qu'elles ont imaginé et grâce à laquelle elles ont gagné ce prix

  • le leatherstone©, le matériau qu'elles ont inventé 

  • leur métier qui est de développer de nouveaux matériaux à partir de déchets 

  • et en quoi les déchets sont les ressources du XXIe siècle ?

  • quels types de déchets elles travaillent

  • leur démarche éco-responsable 

  • on parle aussi du temps long et de la patience

  • du travail de la main bien sûr 

  • la manière de collaborer avec les architectes et décorateurs 

  • comment elles ont vécu de Prix

  • et ce que cela va leur apporter 

  • comment elles travaillent ensemble depuis 9 ans 

  • leur façon de faire un pas de côté dans le monde du design

  • l'idée de combiner héritage et innovation 

  • etc. 


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Merci beaucoup !   

Hortense Leluc, journaliste déco et fondatrice de DECODEUR  


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour à tous, je suis Hortense Leluc et vous écoutez Décodeur, le podcast dans lequel j'échange avec des pros de la déco. Il y a plusieurs formats d'émissions qui tournent, stylé, archi-cool, le club ou les rencontres comme l'épisode qui va suivre, dans lequel un architecte ou un designer, une marque que vous aimez ou que vous allez découvrir, un entrepreneur ou un créatif va nous parler de sa manière de travailler, de ses produits. de son savoir-faire, sa vision, ses inspirations, bref, de l'envers du décor qu'on ne soupçonne pas toujours. Et c'est ça la force du podcast, on prend le temps, on va plus loin, on décortique, on apprend, on comprend, il y a une forme d'intimité, de complicité et d'authenticité à laquelle je tiens beaucoup. Merci d'être si nombreux à écouter. Si vous venez de découvrir le podcast, bienvenue, n'oubliez pas de cliquer sur s'abonner pour ne pas rater les prochains épisodes et si mon invité vous... plaît, surtout n'hésitez pas à partager l'épisode en story ou à mettre 5 étoiles, tout ça m'aide beaucoup à me faire connaître encore plus.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous,

  • Speaker #0

    aujourd'hui dans Décodeur, je vais vous parler d'un prix unique en France qui récompense quelque chose de rare, de fragile, d'essentiel, la main, l'intelligence de la main. Depuis 1999, le prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main distingue chaque année ceux qui... perpétue et qui réinvente les métiers d'art. L'idée, c'est de rappeler la noblesse des métiers d'art, d'encourager les talents et, pourquoi pas, de susciter des vocations. Un prix devenu une référence, presque un label d'excellence, qui participe d'ailleurs largement au rayonnement des artisans d'art en France comme à l'étranger, à la croisée de la maîtrise technique, de l'innovation et du geste qu'on transmet de génération en génération. Je ne parle pas pas beaucoup des métiers d'art dans Décodeur, donc je suis ravie de faire cet épisode qui, je suis certaine, va vous plaire. Mais non, les métiers d'art ne sont pas que patrimoine et héritage. Ils peuvent être aussi un genre de laboratoire, un lieu où on expérimente de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques, de nouvelles manières de produire, plus responsables, plus ancrées dans notre temps. Alors ce prix a accompagné plus de 135 lauréats et leurs savoir-faire. du travail du verre à la nacre, du bois à la porcelaine, des fibres aux métaux et surtout il a créé une véritable communauté soutenue sur trois ans et propulsée sur la scène créative française et internationale. Alors ce prix, dernier point que j'aborde pour vous présenter le prix Liliane Bettencourt pour l'intelligence de la main, ce prix se compose aujourd'hui de trois distinctions. Talent d'exception qui récompense un artisan d'art pour la réalisation d'une œuvre témoignant d'une maîtrise technique et d'innovation rare. Parcours qui met à l'honneur une structure pour son engagement et sa contribution exemplaire au secteur des métiers d'art en France. Et troisième catégorie, dialogue, la catégorie qui nous intéresse aujourd'hui, qui salue une collaboration entre un artisan d'art et un designer. distinguant chaque année un prototype suffisamment abouti ou un objet qui témoigne d'un savoir-faire d'excellence et d'une créativité dans le design. Voilà, j'ai terminé ma longue intro, donc je suis avec les deux lauréates de Dialogue 2025, Elodie Michaud et Rebecca Faisard. Bonjour à toutes les deux.

  • Speaker #1

    Bonjour. Bonjour. Vous avez tenu le long de ma longue intro. Tout va bien, c'était clair. Oui, pour présenter le prix. Nickel. et du coup je me suis dit qu'on allait directement attaquer vous avez vu je n'ai pas parlé de ce fameux projet commun vous avez été récompensé pour un projet, lequel ? alors on a été récompensé pour un projet qui est une table basse qui s'appelle Tufo qu'on écrit T-U-F-O qui est une table qu'on a développée dans un nouveau matériau qu'on a créé qui s'appelle le Leatherstone qui est un matériau fait à partir de chutes de cuir donc de chute de production de cuir, et qui va sécher à l'air libre en devenant dur comme de la pierre.

  • Speaker #2

    Et c'est quoi ? C'est une table basse, je crois ? Oui, tout à fait, c'est une table basse. Donc on a voulu, avec notre matière qui est transformée, le cuir en pierre, faire une citation à la pierre de Tuffaut, parce que nous, on vient de Tours, l'Indre-et-Loire, et on a été bercé par cette matière. Et à travers cette pièce, ce qu'on veut, c'est interroger sur la précarité de nos ressources. Donc c'est vrai que nous, quand on a commencé à travailler, on avait vraiment cet engagement et ce besoin de dire qu'avant d'utiliser des nouvelles ressources, Il faut regarder autour de soi ce qu'il existe déjà et donc on a développé notre savoir-faire qui est d'aller sourcer des déchets en local et de les transformer en nouveaux matériaux. Donc vous l'avez créé vraiment de toutes pièces ce nouveau matériau ?

  • Speaker #1

    Oui tout à fait, alors nous avec Elodie on travaille ensemble depuis 9 ans et en fait tout notre savoir-faire c'est de transformer les déchets en nouveaux matériaux. Donc on a développé une vingtaine de matériaux et là pour le prix Liliane Bétancourt, on a donc vraiment voulu mettre en avant le Leatherstone qui est emprunt en fait.

  • Speaker #2

    Comment tu dis pour que les...

  • Speaker #1

    Leatherstone.

  • Speaker #2

    Et donc ça c'est... La pierre de cuir. La pierre de cuir,

  • Speaker #0

    transformer le cuir en pierre, voilà.

  • Speaker #2

    C'est même vous qui avez inventé le nom ?

  • Speaker #0

    Oui, qui est une marque déposée même,

  • Speaker #2

    puisqu'on ne peut pas déposer une recette. Donc quand on crée des matériaux, on ne peut pas protéger une recette d'un matériau. Mais par contre, on la protège à travers le nom et un nom de marque, une identité.

  • Speaker #1

    Et alors, comment vous l'avez... Comment on crée un matériau ? Comment ça se passe ? Donc, vous aviez les matières premières.

  • Speaker #0

    C'était les matières premières qui vous ont inspiré. Comment ça se passe ?

  • Speaker #1

    Alors, nous, notre démarche, c'est vraiment de considérer les déchets comme les ressources du XXIe siècle. Donc, en fait, on va rencontrer des déchets. Là, en l'occurrence, nous avons rencontré le cuir. À partir de là, il y a une investigation pour désenfouir des recettes ancestrales des artisans d'art, et notamment celles du staff et du stuc, et essayer de comprendre comment les matériaux à l'époque étaient faits et comment nous aujourd'hui, à l'ère du XXIe, à l'ère anthropocène, on peut créer des nouveaux matériaux à partir de ces déchets-là. C'est une démarche très empirique. Nous, on a mis cinq ans à développer, à aboutir le leather stone. Et ça passe par plein d'étapes d'expérimentation et de recherche dans l'atelier, par le travail de la main.

  • Speaker #2

    En fait, notre savoir-faire, il est de recréer des matériaux avec ces déchets et des liants complètement naturels. Et donc ça, effectivement, dans les recettes anciennes, on utilisait des colles naturelles. Et donc, comment on en arrive à ce matériau ? C'est vraiment une succession de recherches qui... et qui fait qu'on aboutit à un moment donné à un résultat qui nous paraît vraiment intéressant. Et ce qu'on dit toujours, c'est que nous, on ne projette jamais. En fait, quand on va chercher à créer un matériau, on ne sait pas ce qu'on va trouver. On ne sait pas ce qu'on va obtenir et on ne cherche pas un résultat en particulier. C'est vraiment l'expérimentation et tout le processus de recherche qui nous porte. Et c'est ensuite, quand on a le matériau dans les mains, Là, on va commencer à projeter des usages par rapport à ces caractéristiques, mais ce n'est pas l'inverse. Et souvent, dans l'ingénierie, on cherche une spécificité. On dit qu'il faudrait qu'on développe un matériau qui ait telle ou telle caractéristique pour telle application. Mais nous, vraiment, c'est le chemin inverse. Je crois que c'est une matière qui est... D'ailleurs, peut-être qu'on peut faire un point matière et matériaux. Je ne sais pas... Et après, je vais vous faire ma... Ma question,

  • Speaker #0

    je crois que c'est une matière qui est souple et qui en fait durcit après, sèche.

  • Speaker #2

    En fait, on part de déchets de cuir qui sont les squelettes issus de la production de la maroquinerie. Ensuite, nous, on va venir le broyer. Donc, on obtient une poudre. Ensuite, on le mélange avec nos liants naturels. Donc, la recette, évidemment, est secrète. Et là, on obtient une pâte qui a un peu la consistance de la pâte à pizza, on va dire, ou de la terre qui n'est pas cuite. Et donc cette boule, on va pouvoir la modeler à la main, on va pouvoir faire des plaques, on va pouvoir la gainer sur des supports et ensuite elle va sécher à l'air libre et devenir très dure, comme la pierre. Donc c'est ça. Donc à la base, vous créez une matière avant que ce soit un matériau ou est-ce que je dis n'importe quoi ?

  • Speaker #1

    Non, en fait, on ne dit pas n'importe quoi. Il y a un peu des débats entre matière, matériau. Je pense qu'on crée un matériau in fine. fait d'un mélange de matières différentes. Oui, j'aurais dit ça aussi. Et du coup, cet état intermédiaire dans notre travail d'alchimiste, on va dire de pâte, n'est ni matière ni matériau. Voilà, c'est un peu ça que je pense qu'on peut dire.

  • Speaker #0

    Oui. Vous avez travaillé avec des chimistes, et en même temps, vous revendiquez une approche un peu low-tech quand même. Comment on concilie les deux ?

  • Speaker #1

    Alors en fait, nous, on travaille avec des ingénieurs scientifiques chimistes Merci. plutôt pour la question de la caractérisation une fois que le matériau est fini. Toute cette recherche empirique d'expérimentation vraiment par le travail de la main en atelier, ça on le fait en totale autonomie toutes les deux, vraiment en cherchant par la main, mais aussi en cherchant. dans tous les écrits, que ce soit dans les écrits de recherche fondamentale ou de recherche, enfin plutôt de ce que je disais tout à l'heure, de recettes ancestrales. Et voilà, la partie scientifique, elle intervient après pour tout ce qui va être plus usage, en fait.

  • Speaker #2

    Ok. Qu'est-ce qui s'est passé en cinq ans ? Quelles ont été les étapes que vous avez traversées ?

  • Speaker #1

    Les cinq années de création de la matière. Il doit y avoir tellement de choses.

  • Speaker #0

    En fait,

  • Speaker #2

    quand on dit cinq ans, c'est parce qu'on est sur un... On est sur un travail de studio où on travaille plein de choses en même temps. Nous, au-delà de notre casquette de designer, artisan, chef d'entreprise,

  • Speaker #1

    de notre atelier, de notre studio, on a aussi monté une association pour pouvoir redistribuer les chutes sur le territoire. En fait, en cinq ans, il s'est passé tellement de choses dans lesquelles le Leatherstone était en train d'être formulé et d'éprouver. Et du coup, on a assez eu vite la très bonne intuition, je dirais. Et après, ça a été des ajustements pour mettre en place une filière. Quels sont les procédés de broyage ? Comment on fait pour avoir des granulométries qui vont être plus ou moins fines, qui ne vont pas donner le même rendu ? Le travail de la couleur, en fait, c'est tout ça. C'est toutes ces étapes en cinq ans qui, là, ont abouti à ce qu'aujourd'hui, on travaille pour des prescripteurs, les architectes, les décos, et que le matériau est applicable et ne reste pas au stade expérimental.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça, les cinq années, c'est la mise en place pour que ça devienne un vrai artisanat et aussi le développement de différentes techniques. Au début, on l'utilisait en plaque ou en modelage et puis ensuite, on a travaillé l'extrusion en impression 3D, notamment à grande échelle. Ensuite, on a développé la technique du pisé. On l'a gravé, on a créé nos propres matrices pour faire des empreintes. En fait, ce n'est pas forcément cinq années qui permettent de développer le matériau en tant que tel, mais c'est tout l'artisanat qui gravite autour de cette matière, qui s'affine, qui se développe. Et il y a aussi, nous, comment on a envie de l'exprimer et de l'utiliser dans notre quotidien d'atelier. Oui, parce que vous allez utiliser ce matériau. Maintenant, vous l'avez créé et vous avez créé Tufo. Après, vous avez d'autres projets pour ce matériau ?

  • Speaker #1

    Oui. On a candidaté au prix Bétancourt avec Tufo parce que pour nous, c'était la pièce qui était porteuse de notre histoire. C'est une des toutes premières pièces qu'on a réalisées avec le Leatherstone. Elle avait cette... On avait eu cette espèce d'instinct un peu créatif de premier geste d'intention d'application d'une matière. Parce que quand on crée des matériaux, on commence toujours par le stade d'échantillon. Ça peut rester très longtemps au stade d'échantillon avant qu'il y ait vraiment une application possible dans le mobilier ou dans l'architecture intérieure. Et donc ça a été la première intention, le premier geste. Et puis depuis, on a fait beaucoup d'autres pièces et surtout on a travaillé pour des architectes avec vraiment des applications du matériau.

  • Speaker #0

    Je reviens juste sur le... Là, en fait, c'est une table qui est recouverte de ce matériau. Ce n'est pas un matériau qui est utilisé pour créer une table.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. En fait, la structure est faite de mobilier recyclé qu'on a été chercher dans une recyclerie. Alors, on n'est pas obligé d'utiliser cette technique-là, mais nous, ça nous a intéressés aussi dans l'histoire et dans notre démarche du recyclage. Ça permet aussi d'avoir un objet plus léger, parce que le leatherstone, c'est un matériau qui est assez dense, qui est presque aussi lourd que le béton, en fait. Et donc là, on travaille sur la technique du gainage. On va vraiment recouvrir la structure en bois de notre matière, et ensuite, on lui donne cet aspect très sculptural, effet brut de pierre. Et ensuite, on a fait d'autres projets dans cette même histoire, où là, on a... davantage assumer le mobilier qui était en dessous, avec une vraie citation au mobilier, notamment je pense à Sigismond, c'est une chaise de René Gabriel. Donc là on a vraiment décidé de garder l'empreinte de cette chaise et ensuite de nous venir compléter cette histoire avec notre vision plus culturelle, plus effet roche, etc. Vous imaginez quelle vie ? Pour que je le dise bien, l'Etherstone. Alors nous, le l'Etherstone,

  • Speaker #1

    on l'imagine dans plein de typologies de projets différents parce qu'en fait, ce qui est assez dingue, c'est qu'il y a énormément d'applications possibles. Donc on le préconise pour le moment pour le design intérieur. Ça c'est assez sûr. Là on va peut-être commencer à tester du revêtement mural. On le voit vraiment plutôt en mobilier, en éléments de décor, d'architecture intérieure. Et puis il y a tout l'aspect thermique du matériau qui est hyper intéressant. En fait le matériau a une inertie thermique, il est capable d'emmagasiner la chaleur ou la fraîcheur et de la restituer plus longtemps, comme le ferait une pierre d'ailleurs. Et ça, ça ouvre des portes pour répondre aussi aux enjeux qui nous attendent, qui sont tout simplement les enjeux climatiques. Et voilà, donc si en plus,

  • Speaker #2

    on peut en fait apporter des solutions, des conforts thermiques avec quelque chose qui a une vraie place décorative, c'est assez intéressant.

  • Speaker #1

    Par rapport à cet enjeu même climatique, qu'est-ce que cette pièce, elle dit de votre vision, même à toutes les deux, du design d'aujourd'hui ?

  • Speaker #2

    Nous, c'est vrai que quand on a commencé avec Rebecca, on vient d'une formation textile, matière, surface. Donc en fait, notre métier, c'était de faire de l'ennoblissement. Et assez vite, on s'est retrouvés face à une petite crise existentielle de notre métier parce qu'on avait besoin de donner beaucoup plus de sens que ça. Et nous, on dit toujours qu'en tant que designer, artisan, on porte vraiment une responsabilité. c'est celle de de créer, d'ajouter des objets à notre monde. Et donc, nous, le message qu'on porte, c'est qu'il y a déjà vraiment suffisamment... Les déchets sont les ressources du XXIe siècle. Donc, avant d'aller utiliser des ressources épuisables, il faut vraiment regarder ce qu'il existe avant d'aller chercher autre chose. Donc, c'est une vision du design qui est assez engagée.

  • Speaker #1

    Oui, c'est une vision engagée. Puis ensuite, sur Tufo particulièrement, cette esthétique presque sculptée dans la roche, elle est vraiment là pour rappeler l'enjeu de la question de nos ressources naturelles. Cette bascule qu'on arrive à faire par notre formation, en fait, qui est de créer des effets factices, de créer une nouvelle pierre à partir de déchets de production, c'est aussi montrer qu'on peut sublimer la question de la ressource. Et en fait, sortir le statut du déchet de la poubelle, tout simplement.

  • Speaker #2

    Qu'est-ce que vous pensez du traitement des déchets aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Pour vous,

  • Speaker #2

    c'est une aberration ?

  • Speaker #1

    Non, pas forcément. Ce n'est pas que c'est une aberration, c'est que c'est un sujet extrêmement complexe. L'aberration, c'est effectivement de se rendre compte que des tonnes et des tonnes et des tonnes de matières premières nobles et viables finissent à l'enfouissement parce qu'il n'y a pas de filière. Nous, ça a été vraiment l'électrochoc, ça a été ça. Ça a été de se dire, en fait, nous, avec le parcours qu'on a eu et la vision, on a peut-être cette capacité de pouvoir les transformer. Sauvons-les pour ne pas épuiser nos sols, en fait.

  • Speaker #2

    Je crois qu'on a une vision assez humble par rapport à cette grande question de la valorisation des déchets parce qu'on sait à quel point c'est compliqué, à quel point ça demande énormément de recherche et développement, ça demande un temps long. c'est une économie qui est compliquée à mettre en place évidemment on pourrait mieux faire et il y a encore un long parcours mais je pense qu'on a aussi cette vision sans être dans cette critique de on fait pas suffisamment ou on fait n'importe quoi etc on sait aussi qu'il faut laisser ce temps là de la création de la conception, de la recherche et qu'avant d'aboutir à un matériau recyclé, exploitable industriellement, ce qui n'est pas notre volonté à nous, chez Orstudio, mais qui est la volonté d'autres créateurs qui sont un peu dans la même veine que nous, on va dire. Il faut leur accorder ce temps et cette patience. Et souvent, je trouve que les gens ont une vision très critique de ce truc de l'instantanéité, de dire, ouais, Il faut que les choses changent, les bougent. Oui, mais c'est long. Il faut du temps, il faut de l'argent. Il faudrait que les entreprises puissent accorder plus d'argent, plus de financement à la transformation de leurs déchets. Mais je trouve qu'on a quand même évolué dans les mentalités. Et nous, les entreprises qu'on rencontre, qui nous mettent à disposition leurs déchets, ont une vraie volonté. d'aller vers le mieux et c'est aussi ça qu'il faut retenir.

  • Speaker #0

    Je crois que tu as répondu tout à l'heure, mais là, sur cette idée de recherche, ce n'était pas votre job à 100%, vous faisiez d'autres choses à côté, et notamment, est-ce que si votre philosophie, c'est le déchet, enfin votre cheval de bâtiment... C'est le déchet. Est-ce que vous êtes en train de travailler peut-être sur d'autres créations de matériaux ?

  • Speaker #1

    Oui, on en a développé une vingtaine aujourd'hui. On a décidé il y a trois ans de mettre en avant le leather stone parce qu'on avait aussi bien compris dans une démarche entrepreneuriale qu'il fallait qu'on puisse être identifié. Quand on est peut-être un peu trop pluridisciplinaire, on peut paraître éparpillé et les prescripteurs ont besoin aussi de... Voilà, de savoir où ils vont. Et en fait, on a développé des matériaux à la base. Les tout premiers étaient faits à partir de coquilles de moule d'huile de Saint-Jacques. On a pu développer à partir de l'acétate de cellulose, qui est la matière qui sert à fabriquer les lunettes, de sur-de-bois, de drèches de pommes ou de drèches tout court. Et là, on a un déchet, le textile aussi, et là, on a un déchet qu'on travaille aussi beaucoup depuis 4 ans maintenant. qui est le bissus. Et le bissus, c'est la fibre que produit la moule pour s'accrocher à son rocher. Alors c'est très niche comme sujet, mais c'est intéressant parce que ces rencontres avec ces ressources, ça raconte aussi des histoires assez incroyables. Et le bissus, au XVIe siècle, ça s'appelait la soie de la mer. C'était tissé, c'était complètement oublié. Et voilà, donc nous, on a travaillé avec les pêcheurs et là, on travaille... le bissus de façon textile et en recherche fondamentale aussi. Donc voilà, depuis 9 ans avec Elodie, nous on continue, dès qu'on rencontre un déchet qui nous inspire, on continue d'expérimenter pour les transformer.

  • Speaker #2

    Oui, là ce que tu viens de dire, la moule à son rocher, pour vous c'est un déchet, c'est vrai que nous, enfin pas nous, mais déchets, tout de suite on ne pense pas à ça. En fait, finalement, est-ce que vous pouvez nous redéfinir ce que déchets, franchement, on voit une poubelle, la poubelle verte, la poubelle jaune et la poubelle marron. On est d'accord, non ? Oui, ça, c'est les déchets, ce qu'on appelle les dibs, les déchets ménagers. Mais nous, en fait, c'est vrai que cette question, elle est intéressante parce que c'est tellement ancré pour nous qu'on ne le précise pas. nous on s'intéresse vraiment aux déchets issus de la production production industrielle et artisanale. Donc, on va vraiment récupérer la chute de production, donc pas post-usage, alors que les poubelles ménagères, c'est une fois qu'on a consommé, ça devient un déchet. Déjà, c'est assez différent, parce que ce n'est pas du tout les mêmes typologies de matière, et surtout, nous, c'est des déchets qui sont non souillés, non dangereux, c'est vraiment de la matière. Enfin, il faut imaginer, voilà, des découpes d'emporte-pièces, des tiges, de la poudre aussi parfois, quand on va venir poncer, raboter, on va générer de la poudre. Et nous, en fait, on qualifie, quand on va rencontrer les entreprises, on qualifie les différentes typologies de déchets. Il y a un poste qui va générer telle forme de chute, un autre, une autre, et ça, c'est très important pour nous dans la création, parce que ça va emmener vers... des esthétiques différentes ou des matériaux différents. Et c'est vrai que par rapport au bissus, on pourrait penser que ce n'est pas un déchet puisque c'est organique et donc ça ne pose pas de problème de pollution. Mais c'est beaucoup plus compliqué que ça parce que n'importe quel déchet, même s'il est organique, s'il est rejeté même dans son propre milieu en trop grande quantité, il va perturber son milieu. Et donc le bissus, en l'occurrence, ça fait quelques années qu'il y a une loi qui interdit le rejet dans l'océan. Même si c'est biodégradable. Mais en trop grande quantité, ça ne fonctionne pas. Et voilà, c'est là où je pense qu'il y a quand même de grandes avancées et qu'à chaque fois, on voit bien que les avancées, elles se font par la loi, par le soutien de la loi. Parce que si la loi ne l'interdit pas, clairement, on continue. à faire comme on faisait avant. Et donc, il y a quand même un soutien de la loi française qui fait qu'on avance pas à pas dans le traitement aussi des déchets qu'on produit.

  • Speaker #1

    Comment réagissent les pros, les architectes, les designers quand vous proposez un matériau ou ce matériau ou un matériau qu'ils n'ont jamais vu et tout d'un coup, ils doivent faire confiance à du cuir recyclé, par exemple ? Pour le moment, ils réagissent plutôt bien parce qu'il y a eu une évolution des mentalités aussi. Nous, c'est vrai qu'il y a neuf ans, on était quand même assez précurseuse en France, pas en Europe, mais en France. Et on sentait qu'il y avait peut-être un frein auprès des prescripteurs parce que pas d'assurance que le matériau soit viable, tienne aux usages. etc. Et en fait, on rassure souvent parce que justement, on travaille à partir de recettes ancestrales qui ont traversé des millénaires. Et puis là où ils sont évidemment très réceptifs, c'est sur cette question de l'engagement écologique autour des matières qu'on utilise. Et vraiment, nous, ça, c'est quelque chose qu'on s'est fixé, auquel on ne démarre pas. On n'utilise aucune pétrochimie dans nos matériaux. Ça, c'est très, très important. Et voilà, donc généralement, les archiers et les décos qui viennent nous chercher, ils ont ces valeurs communes.

  • Speaker #2

    Et vous me dites, si vous pouvez me répondre,

  • Speaker #1

    est-ce que vous leur vendez le matériau ? Quel est votre modèle économique ? En fait, vous, vous faites beaucoup de recherches depuis des années. Comment vous gagnez votre vie ?

  • Speaker #2

    Nous, on ne vend pas notre matériau sans la création. Donc, ce qu'on vend, c'est un projet de création avec notre matériau. Et c'est nous qui produisons.

  • Speaker #1

    En fait, on travaille uniquement sur mesure. C'est ce qu'on explique aux architectes et aux décorateurs, c'est que nous ne sommes pas fabricants de matériaux et nous ne vendrons jamais au mètre carré. C'est vraiment à l'étude du projet, avec une co-création aussi, généralement. Étant donné qu'on est les seuls à maîtriser notre savoir-faire, en fait, en fonction d'un projet, on va peut-être utiliser une technique plus que l'autre et donc on va toujours faire partie de cette co-création.

  • Speaker #2

    Avec les prescripteurs.

  • Speaker #1

    Ok, donc je reviens au prix Liliane Bétancourt, parce que justement, c'est pas juste une distinction, c'est aussi un accompagnement financier pour que ce projet se développe.

  • Speaker #2

    Oui, tout à fait. C'est un bel accompagnement qui permet vraiment de réaliser ce qu'on ne peut pas faire, on va dire, au fil de l'eau dans la vie du studio. Nous, le premier objectif, c'est d'aller vers la certification du matériau. Ça ne veut pas dire qu'on ne change pas de mode opératoire. On ne le vendra toujours pas au mètre carré, mais nous, on a besoin d'en savoir un peu plus, d'avoir ses fiches techniques pour pouvoir encore mieux travailler avec les architectes et les décorateurs. Ensuite... L'idée c'est de faire une collection de démonstrateurs, de mobiliers, et de pousser sur cette question de design climatique. Nous c'est vrai qu'à chaque fois qu'on fait des pièces, c'est vraiment des pièces manifestes, des pièces démonstratrices pour guider un maximum nos clients dans l'utilisation de nos matériaux. Il y aura cette nouvelle collection. C'est aussi l'idée d'engager notre alternant et de lui proposer le premier poste de chef d'atelier. Donc voilà, ce prix, cet accompagnement va nous permettre de travailler sur ces trois volets-là. C'est vous qui avez candidaté ? C'est vous qui proposez en fait votre projet ? Ah oui, bien sûr. Tu pensais à quoi ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, c'est une candidature, on ne va pas se mentir, qui est énergivore, qui est longue. Ça se mérite et en même temps, tant mieux. Qu'est-ce qui est long ?

  • Speaker #2

    Et puis c'est combien de temps ?

  • Speaker #1

    En fait, c'est long, l'écriture du dossier est assez longue. Enfin voilà, c'est un long processus, c'est-à-dire que je ne sais plus, on doit candidater aux alentours de... mars, un truc comme ça. Et puis après, il y a les premières phases de sélection. On doit refournir potentiellement d'autres documents. Et puis ensuite, il y a le fait où on est finaliste. Et ensuite, il faut préparer l'oral, pitcher. Il y a tout un audit aussi de notre projet de développement. Voilà, donc c'est un parcours. C'est un parcours, oui.

  • Speaker #0

    C'est un prix d'excellence. Donc les candidatures sont vraiment peaufinées.

  • Speaker #1

    À quel moment, justement, vous avez compris avec ce matériau que vous teniez une pièce suffisamment forte pour concourir à ce prix ?

  • Speaker #2

    Sincèrement, ça, on ne le sait pas. En fait, on ne sait pas si c'est suffisant pour convaincre le jury. Ça, on se dit qu'on a envie de le proposer, mais il y a toujours des hésitations. On ne sait pas si on a fait le bon choix. Sincèrement, avant d'être lauréat... On a toujours beaucoup de doutes, enfin je pense que ça, tous les L'Oréal diront. Vous connaissiez les autres concurrents de votre catégorie ? Non, on ne le sait pas,

  • Speaker #1

    et d'ailleurs la Fondation garde le secret.

  • Speaker #2

    On ne le saura jamais.

  • Speaker #1

    On ne le saura pas. Ah, qui a candidaté en même temps ? Et comment vous l'avez appris, que vous avez gagné ? C'est pas le jour J comme à Cannes, c'est...

  • Speaker #2

    En fait, on a passé l'oral. Et on savait qu'on allait être appelés dans la journée, en fait, pour... Avoir les résultats, donc on devait garder le secret pendant plusieurs mois, donc ça a été très dur de garder le secret pendant trois mois, je crois, parce que c'était en juin. On a passé l'oral le 3 juin et la cérémonie a eu lieu le 16 octobre. Mais vous l'avez su le 16 octobre ou avant le 3 juin ?

  • Speaker #1

    Ah oui, d'accord.

  • Speaker #2

    On le sait, le jour de l'oral, à la fin de la journée. Ah pardon,

  • Speaker #1

    je n'avais pas compris. D'accord.

  • Speaker #2

    Et on a passé la journée ensemble avec Rebecca, en attendant les résultats. Et évidemment, on a eu le coup de fil le moment où on s'est séparés parce que ça faisait trop longtemps qu'on attendait. Donc c'est moi qui ai reçu le coup de fil. J'avoue que c'était intense.

  • Speaker #1

    Oui, qu'est-ce que vous vous êtes dit ?

  • Speaker #2

    Bah, que... C'est pas que j'y croyais pas, parce que forcément, on sait qu'on n'est que trois en finale, donc on y croit. Mais en fait, le premier sentiment, c'était que j'étais déçue de ne pas être avec Rebecca pour partager ce moment avec elle. Mais évidemment, hyper heureuse, et je l'ai raccrochée pour l'appeler directement. Mais soulagée, franchement, soulagée, en se disant... Ça y est, c'est fait et ce prix nous permet vraiment de valider notre savoir-faire qui est quand même un pas de côté, qui est un nouveau savoir-faire. Nous, on s'appelle Hors Studium, on ne rentre jamais dans les cases. Ça a été dur à des moments dans notre parcours. Nous, on dit toujours qu'on a eu un parcours où il a fallu qu'on mérite finalement chaque étape. Ça a pu être laborieux à des moments donnés. Et donc là, voilà, un petit sentiment quand même de soulagement. Eh bien, on y arrive. Est-ce que vous pouvez me raconter justement ce parcours ? Comment vous vous êtes rencontrées ?

  • Speaker #1

    Oui, alors du coup, j'ai rencontré donc à Tours, dans notre ville natale, toutes les deux. En fait, on expérimentait dans un Fab Lab. Donc le Fab Lab, je pense que ça... Tu parles à tout le monde. Non, vas-y, tu peux nous le dire. Les Fab Labs, en fait, c'est des lieux partagés, des lieux ouverts où on mutualise des machines, donc à commande numérique souvent, pour pouvoir faire ses propres projets créatifs. Et donc, toutes les deux, on s'est rencontrées là où, en fait, on s'est rendu compte qu'on avait une démarche similaire, une appétence sur la question des matériaux et de l'ennoblissement. Et voilà, ça s'est fait très naturellement comme ça. C'est une rencontre, je pense, assez rare. De se dire, ouais, ok, allons-y, montons un studio, quoi. Voilà comment on s'est rencontrés.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu peux me dire, ça fait plusieurs fois que vous lisez, moi je sais, mais l'ennoblissement, comment vous définiriez ça ?

  • Speaker #1

    L'ennoblissement, pour moi, c'est l'apport d'ornements et de décors sur des typologies de matériaux différents. Comment on vient ennoblir une matière. Donc, Élodie, est-ce que vous pouvez nous parler de vous, de votre parcours avant de vous rencontrer ?

  • Speaker #2

    Il est tout petit, puisque moi, j'ai fait Olivier de Serres, donc l'Ensahama à Paris, donc en design. Donc, j'ai fait cinq années là-bas, où je me suis vraiment formée à la question de l'ennoblissement. Mais tout de suite, moi, j'ai eu un intérêt pour les matériaux, cette question de l'empreinte. J'ai beaucoup travaillé le plâtre. Et j'ai rencontré Rebecca, mais vraiment, elle n'a même pas sorti. Je n'avais même pas fini mon diplôme. J'ai eu la chance d'être propulsée dans un projet tout de suite après la fin de mon diplôme.

  • Speaker #1

    Le nom de votre métier exact, c'est quoi ? C'est plusieurs casquettes ?

  • Speaker #2

    Nous, on se définit comme designer, chercheuse, artisane. il y a vraiment cette histoire de d'abolir les frontières entre les métiers. Parfois, on a même cette posture plus artistique. On va faire une exposition dans un musée et avoir des pièces plus engagées, avec une dimension beaucoup plus créative. Donc voilà, tout ça à la fois.

  • Speaker #1

    Ok. Et Rebecca ? Alors moi, j'ai été diplômée de l'École des Beaux-Arts de Lyon en Design Textile Matière Surface. Et ensuite, après mon diplôme, j'ai travaillé en tant que freelance dans le domaine du textile et de l'artisanat d'art. Donc ça, ça a duré pendant 5-6 ans où j'étais indépendante. Et du coup, la rencontre avec Elodie a fait que finalement mon statut de freelance qui était plus pluridisciplinaire nous a emmené en fait vers une démarche plus personnelle de moi répondre à des briefs et à des commandes clients. Ça fait combien de temps que vous travaillez ensemble ?

  • Speaker #0

    9 ans. On a fondé le studio il y a 9 ans. 9 ans tout pile en novembre 2016.

  • Speaker #1

    Ouais ok. En tant que designer, comment on fait pour ne pas devenir, quand on se dit designer, on se dit que vous êtes conceptrice un peu de matériaux ou d'objets, mais gardez bien une démarche sensible, voire culturelle,

  • Speaker #0

    voire pas philosophique, mais là vous avez un vrai message derrière finalement tout ça.

  • Speaker #1

    Je pense que c'est propre à chacun et je redis ce qu'Elodie a dit tout à l'heure, c'est aussi pour ça qu'on s'est appelé Hors Studio. parce qu'il y avait cette volonté, sans qu'on le sache vraiment, c'était un truc très intuitif, de se dire, il y a quand même un truc chez nous, beaucoup en France, où il faut nous mettre dans des cases. Et en fait, moi déjà, ma formation au Beaux-Arts, elle décloisonnait ça déjà. Puisqu'en fait, au Beaux-Arts de Lyon, donc il y avait les filières art et les filières design, mais on avait des cours en commun. Et tout ce qui a importé... En tout cas, la pédagogie de l'école, c'était vraiment de développer une démarche artistique et une démarche personnelle. Et ensuite, la finalité peut prendre forme d'une œuvre d'art quand on est artiste ou d'une installation ou d'une performance. Et le design, c'était vraiment la question plutôt de l'usage et de l'application. Et en fait, pour moi, effectivement, on est toutes les deux conceptrices, mais on propose une démarche créative. Et en plus de ça, on se considère... comme maker, comme faiseuse, puisque du coup, on fait nous-mêmes dans l'atelier. Et moi, je vois vraiment une super belle continuité depuis les Beaux-Arts. Moi, j'étais tout le temps fourrée dans les ateliers. Tout le temps, tout le temps, tout le temps. Dès qu'il y avait une idée, en fait, directement, je passais dans l'atelier pour essayer de la formaliser tout de suite. Il y avait très peu, finalement, de dessins ou de conceptions. C'était des allers-retours sans cesse, en fait, entre le travail de la pensée et le travail de la main. Je pense que c'est vraiment des démarches qui sont tellement personnelles qu'il y a plein de typologies de designers, plein de typologies d'artisans et plein de typologies d'artistes. Il faut donner sa propre écriture singulière, je pense.

  • Speaker #0

    Et justement, tu viens de dire en tant que maker, quel est votre rapport toutes les deux au temps ? À la patience, aux gestes, parce que le geste c'est un mot qui revient beaucoup avec le privilège des temps courts.

  • Speaker #1

    Mais c'est assez rigolo parce qu'Élodie et moi on n'est absolument pas patientes de nature. Mais je ne sais pas, il se passe un truc dans l'atelier où il y a ce respect du temps long et du vivant aussi. Quand je dis du vivant, bizarrement on travaille avec des déchets, mais toutes les colles naturelles qu'on utilise, elles ont des procédés quand on les travaille où il faut attendre 24. 48 heures. Ensuite, c'est composé avec les conditions hygrométriques de l'atelier. S'il fait chaud, s'il fait froid, c'est sans cesse s'adapter à son environnement. Et je crois que c'est le seul endroit où on est patiente.

  • Speaker #2

    Oui, et puis aussi, de manière plus globale, on accepte que les choses prennent un temps long, même dans notre développement. On dit toujours qu'on a mis du temps à se développer, on a pris du temps à trouver vraiment notre centre. Et ça, c'est vrai qu'on le respecte. Alors, on a besoin d'être en mouvement. On fait tout le temps des projets. On a tout le temps, voilà, mille choses à faire, plein d'idées de développement, etc. Mais on accepte cette temporalité, je pense, dans le développement global de notre studio. Et c'est vrai que le fait d'être deux, ça nous aide vachement à temporiser, à des fois, voilà, à calmer un peu le jeu et surtout, prendre beaucoup de recul. à réinterroger en permanence le positionnement, les choix. Et ça, c'est vraiment aussi notre richesse.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que vous vous dites sur le terme, sur ce prix,

  • Speaker #2

    le prix de l'intelligence de la main ? Qu'est-ce que ça vous dit, ce terme ?

  • Speaker #1

    Je trouve que c'est un super terme parce que ça exprime bien justement que l'un et l'autre sont complètement corrélés. Il n'y a pas... La main n'est pas... n'est pas déconnecté de l'esprit et inversement. Et ça, c'est clairement, en tout cas moi, à titre personnel, ce qui se passe quand je suis dans l'atelier. Ou même, d'ailleurs, quand on est en conception, finalement, il y a cette pensée vers comment je peux transformer par rapport aux techniques, par rapport aux outils, par rapport aux gestes. Et c'est des allers-retours sans cesse entre l'un et l'autre.

  • Speaker #2

    Et aussi qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les deux. Ça, c'est hyper important. et quand nous on dit voilà qu'on... J'ai toujours voulu décloisonner. Au-delà de décloisonner, c'est effacer cette hiérarchie. Souvent, il y avait le designer, l'artisan en dessous. C'était une forme de vérité un peu avant. Alors ça s'estompe vachement, mais c'est vrai que... Nous, ce n'est pas du tout comme ça qu'on vit les choses. Et je trouve que l'intelligence de la main, ça gomme aussi cette hiérarchisation entre la main et la tête.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que l'autre sait faire ou oser que vous, vous n'auriez pas fait sans elle ? Ce n'est pas facile.

  • Speaker #0

    Alors là, c'est la question. Tu peux répéter ? Qu'est-ce que l'une de vous aurait osé ou n'aurait pas fait sans l'autre ? Oui, tu vois, c'est un peu...

  • Speaker #1

    Oui, et sous-jacent, c'est le fonctionnement aussi de votre duo, les forces que l'autre apporte, ou s'il y en a une qui est plus... Parce que vous faites le même métier. Oui, on fait le même. En fait, on est extrêmement complémentaires. À chaque fois, on nous demande quelle est la recette. On n'est pas capables de l'expliquer. Et même, en fait, de la conscientiser. Là, quand tu vois, je réfléchis, tu me poses la question. Je pense que peut-être, si je dois répondre, Élodie a de l'audace et moi je suis plus prudente. Et ce qui fait que moi, peut-être que je ne serais pas allée aussi loin et peut-être qu'Élo se serait pris des murs. Un truc comme ça. Oui,

  • Speaker #2

    mais c'est tout à fait juste. Moi, je vais avoir ce côté peut-être plus impulsif à des moments donnés, et je peux ne pas avoir le danger. Ce qui est bien à des moments. Rebecca temporise et Elle a cette capacité aussi à hyper bien finaliser des choses. Et moi, des fois, peut-être que j'ai moins envie d'aller vers ce côté finalisation, je pense. Mais c'est vrai que c'est hyper dur de répondre parce que c'est tellement plus subtil que ça, en fait, dans le quotidien, dans la création. C'est des micro-parties et des choses, comme je disais, qui s'équilibrent vraiment en permanence, qu'on ne se dit jamais, d'ailleurs. C'est tellement instinctif dans notre façon de travailler. On dit souvent que c'est deux cerveaux, un cerveau, je ne sais plus, une tête, deux cerveaux, quatre mains. On dit quatre mains et deux cerveaux. Quatre mains, deux cerveaux, voilà. Mais voilà, il y a un truc qui est très instinctif.

  • Speaker #0

    J'ai une dernière question qui est un peu culte dans Décodeur, mais je ne vais pas vous la formuler telle qu'elle, ou souvent je demande à la personne. si elle faisait un dîner, qui seraient ses invités ? Là, vous, j'ai envie de vous demander quels sont les artistes ou les designers qui vous ont donné envie de sortir justement des sentiers battus ? Vous disiez que votre studio s'appelait Hors Studio, exprès. Est-ce qu'il y a des personnalités comme ça qui vous inspirent et qui ont fait un pas de côté comme vous, vous essayez de le faire ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si c'est parce que ce ne sont pas de côté. Moi, par exemple, je sais que j'ai une fascination pour Neri Oxman, qui est une architecte-designer qui a cette capacité de travailler avec le vivant en s'en aspirant, que je trouve fascinant, à titre vraiment plus personnel, parce qu'en plus, elle était à l'école avec moi. Je suis complètement fan de Marlène Huissou et de son travail sur les abeilles. Je trouve que cette liberté qu'elle a de proposer des pièces, d'art ou de design pour le vivant, pour les insectes, je la trouve juste incroyable, donc coucou Marlène parce que vraiment elle est trop forte et puis là plus récemment parce que c'est aussi ça, j'ai pas forcément de souvenirs quand j'étais en école d'art enfin si il y avait certainement des designers qui m'inspiraient mais je suis quelqu'un qui vit plutôt dans l'instant présent et là très récemment donc on a découvert il y a deux ans les travaux de Philippe Rame qui est un architecte spécialisé dans le design climatique Merci. qui clairement, moi, quand j'ai lu son manifeste, a été une véritable révélation, parce qu'il y avait cette problématique, en tout cas chez moi, où je me disais, bon c'est bien, on utilise des déchets, on fait des nouveaux matériaux, donc c'est cool, il y a du sens, il y a de l'engagement, mais pour finalement faire du décoratif. Et en fait, il y avait cette quête sans cesse de sens en permanence, et Philippe Rame, moi, il m'a complètement, voilà, je le redis, j'ai fait, ah mais oui, mais c'est ça,

  • Speaker #2

    il a raison, voilà. Il y a aussi le travail de Samuel Tomatis qui a développé toute une recherche autour de la valorisation des algues. Et c'est vrai que nous on l'a toujours vu comme un peu, enfin pas un symbole, mais aussi assez précurseur. Et il a vachement ouvert la voie dans le design français. Et donc on est content d'avoir ce type de designer. Oui je pense que lui il se considère vraiment comme designer pour le coup à nos côtés. Ok, bon, et bien merci beaucoup les filles Rebecca et Lodi. J'étais ravie de faire votre connaissance et surtout, je ne voulais même pas dire au début, bravo pour ce prix, pour ce très beau prix. Bravo, merci.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup. Décodeur, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci beaucoup d'avoir écouté en entier. Si vous avez aimé, n'oubliez surtout pas de vous abonner au podcast pour ne pas rater les prochains épisodes et retrouver tous ceux qui ont déjà été enregistrés. N'hésitez pas non plus à le partager en l'envoyant à vos proches qui pourraient être intéressés ou en story Instagram. D'ailleurs, on peut se retrouver sur le compte Décodeur où je poste très régulièrement. Et si jamais vous avez 15 secondes, n'oubliez pas de laisser 5 étoiles ou un avis. C'est juste sous la liste des épisodes. Non seulement ça me fait très plaisir, évidemment, mais dans la jungle des podcasts, plus on a de notes, plus on se fait remarquer, ce qui est très important pour moi. Voilà, merci beaucoup et à très bientôt alors, ici ou ailleurs.

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