Speaker #1Aujourd'hui dans Stylé, on va parler d'un style qui a conquis les intérieurs du monde entier, qui a transformé la négligence en sophistication et qui permet surtout de justifier un mur effrité sans qu'on vous traite de squatter, le wabi-zabi. Alors déjà, remettons les pendules à l'heure. Wabi-zabi, ce n'est pas un nouveau plat fusion entre un sushi et du houmous. Non, c'est une philosophie japonaise qui célèbre l'imperfection, la simplicité et le passage du temps. Wabi, c'est l'humilité, la simplicité, l'élégance discrète. Sabi, c'est la patine du temps, l'imperfection, la beauté de l'usure. Autrement dit, une maison avec des murs écaillés, un meuble bancal et une tasse fissurée, au Japon, c'est de la poésie. En France, c'est un appartement d'étudiants fauchés. Mais attention, si c'est volontaire, alors là, ça devient du design. Dans cette chronique, on va donc voir d'où vient le wabi-sabi. comment il est devenu la coqueluche d'Instagram et surtout, comment réussir une déco Wabi-Zabi sans tomber dans le piège du « je vis dans une grange abandonnée » . Le Wabi-Zabi, c'est une vieille histoire, à l'époque des samouraïs et des moines zen. L'idée était simple, au lieu de chercher la perfection, mieux vaut accepter l'imperfection du monde et y voir de la beauté. A l'origine, ça s'est d'abord traduit par la cérémonie du thé. Les japonais ont commencé à préférer les bols artisanaux, irréguliers, avec des petites fissures et des formes pas tout à fait symétriques, au lieu des bols bien lisses et bien ronds. L'idée ? Chaque objet raconte une histoire et un bol imparfait est plus authentique qu'un truc qui sort d'une usine. Des siècles plus tard, l'Occident a découvert ça et a fait ce qu'il fait toujours. Le marketer, l'instagrammer et le vendre à des prix parfois absurdes. Dans les années 2010, les designers européens et américains se sont dit « Attends, on peut vendre du vide et de l'usé en disant que c'est philosophique ? Bingo ! » Et là, boum ! Explosion du wabi-sabi dans tous les magazines déco. D'un coup, les maisons au mur. patinées par le temps ne sont plus décrépies, elles sont méditatives. Les meubles récup ne sont plus moches, ils sont authentiques. Les fissures dans le carrelage, ce n'est pas du laisser-aller, c'est un hommage à la beauté de l'éphémère. Le pire, c'est que des marques ont flairé le filon et ont commencé à vendre du wabi-sabi de luxe. Des tables usées volontairement, des vases fêlés à la main, des murs peints pour avoir l'air défraîchi. On est à deux doigts d'acheter du papier peint avec des fausses taches d'humidité si ça continue comme ça. Et bien sûr, il y a eu l'obsession du kintsugi. Cette technique japonaise où on répare une céramique cassée avec de la laque dorée. A la base, c'est une belle métaphore sur le fait d'accepter nos blessures et nos imperfections. Sauf qu'en Occident, on a commencé à casser des objets exprès pour les recoller et les vendre à 200 euros. Bref, le Wabi Zabi est devenu le truc idéal pour les flemmards qui veulent un intérieur stylé sans jamais bricoler. Parce que oui, avoir un intérieur Wabi Zabi réussi, ce n'est pas juste laisser traîner de la poussière en disant que c'est du zen. Il y a des règles. Exit le plastique et le brillant. Ici, on veut du naturel. Bois vieilli, brut, avec des irrégularités. Pierre avec des aspérités. Ceramique artisanale qui a l'air d'avoir été modelée par un moine en pleine méditation. Et surtout, pas de vernis ni de finition trop parfaite. Il faut que ça respire le fait à la main, même si c'est sorti d'une usine de Tokyo. Évidemment, oubliez le fluo. Ici, on est dans la zénitude. On veut du beige, du top, du gris clair. Tiens, ça me rappelle quelque chose. Des terres terreuses, des couleurs de forêt sous la pluie, un camailleux de blanc sale. Mais attention, sale, mais chic. En bref, si votre mur ressemble à un mur de vieille ferme abandonnée, alors là, c'est presque gagné. Le Wabi-Zabi, ce n'est pas non plus accumuler des trucs au hasard. C'est choisir peu, mais bien. Un vase asymétrique, une table avec des nœuds dans le bois, une assiette fêlée, mais fêlée avec goût. Tout doit donner l'impression que ça a une histoire, même si c'est juste un bol acheté sur Etsy pour 150 balles. Le Wabi-Zabi, enfin, c'est aussi laisser de l'espace, ne pas remplir chaque coin de son salon. Accepter qu'un mur nu, c'est beau. C'est une démarche. minimaliste, mais attention, pas froide. Ça doit donner envie de boire un thé, pas de pleurer de solitude. Nous sommes à présent en 2025 et le Wabi Zabi est toujours là, mais il commence à muter, en tendance zéro déco. C'est-à-dire que certaines personnes vont encore plus loin et prônent le vide total, des intérieurs tellement épurés qu'on se demande si quelqu'un y vit vraiment. Vous avez également le Wabi Zabi de masse, ironie suprême. On trouve maintenant du Wabi Zabi chez les grandes enseignes, des meubles patinés, fabriqués de série. Des rideaux usés à la main, confectionnés dans une usine à la chaîne, un concept basé sur l'imperfection unique, mais produit en millions d'exemplaires. Et côté riposte, on assiste au retour du maximalisme. Parce qu'à force de trop épurer, certains commencent à en avoir marre du vide et ressortent les tapis colorés et les murs pleins de cadres. Alors finalement, le Wabi-Zabi, c'est quoi ? Une vraie philosophie ou un prétexte pour vendre du bois moisi à prix d'or ? Peut-être un peu des deux. Mais si ça nous apprend à ralentir, à apprécier les objets qui ont une âme et à arrêter de paniquer à la moindre rayure sur la table, alors ça n'est peut-être pas si mal. Sur ce, je vous laisse. J'ai une tasse cassée à recoller avec de la colle dorée, évidemment. Je vous donne rendez-vous dans le prochain épisode de « Stylé » , le nouveau format très très court du podcast « Design Café » qui sera consacré cette fois au style art déco, ou peut-être japon-di, ou pourquoi pas le shabby chic. Je ne sais pas, on verra bien, ce ne sont pas les styles qui manquent. En attendant, abonnez-vous, commentez et likez pour m'aider à me faire connaître, ne rater aucun nouvel épisode et faire grandir le podcast. Merci, allez, ciao !