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1. La Rentrée

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14min |11/12/2024
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1. La Rentrée

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14min |11/12/2024
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Description

Dans cet épisode captivant, je vous plonge dans une rentrée scolaire pleine de mystère. Un nouvel élève rejoint ma classe, un enfant discret, presque invisible, mais avec des compétences surprenantes.
Ses antécédents flous éveillent rapidement ma curiosité.
Mais ce qui complique tout, c’est l’arrivée d’un étrange intervenant des services sociaux, qui semble s’intéresser de près à cet enfant.
Pourquoi lui ? Que cherche-t-il vraiment ?
Et comment cette rencontre inattendue va-t-elle bouleverser ma vie ? »


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Eh oui, pendant un certain temps, j'ai vu double, j'ai été double. Je vous laisse découvrir mon histoire dans ce podcast. Bonne écoute ! Double, épisode 1 Je suis sur mon petit balcon. Je pose ma tasse de café. Marcel, mon chat, saute sur la table et miaule doucement, comme pour me rappeler qu'il fallait respirer un peu avant ce grand jour de rentrée. Comme chaque année, je ressens... ce mélange d'excitation et d'appréhension. Cette montée d'adrénaline qui me pousse souvent à me demander est-ce que j'ai tout préparé ? Est-ce que les cahiers sont prêts ? Est-ce que les élèves vont être à l'aise ? Est-ce que, tout simplement, je serai à la hauteur ? Mon école, elle est en REP. Ça veut dire que c'est un quartier où les élèves arrivent souvent, si on peut dire comme ça, avec plus de bagages émotionnels que de fournitures scolaires. C'est un peu dommage, mais bon. Ici, dans cette école, chaque jour est un défi. Il y a des éclats de voix dans les couloirs, des regards en coin qui cachent tellement d'histoires lourdes. Et pourtant, c'est le public que j'aime. Même si certains jours, les violences, les cris, l'injustice sociale me pèsent beaucoup. Il suffit tout simplement d'un sourire et d'un petit progrès inattendu pour me rappeler pourquoi je fais ce métier d'enseignante. Dans ma classe cette année, il y a Ausha, c'est une élève que j'ai déjà eue l'année dernière. Elle est petite, discrète, mais elle est si lumineuse ! dans ses efforts. Sa maman, c'est une femme admirable. Elle a toujours été là pour échanger quelques mots, pour s'assurer que sa fille ne manquait de rien, malgré toutes les galères qu'elle affrontait. Ausha, vraiment, c'est la preuve vivante que l'on peut réussir, même avec le vent contraire. Je suis dans la salle des maîtres, entourée de mes collègues avec ma tasse de thé à la main. Madame Sylvia, notre directrice, entre d'un pas rapide avec son classeur serré contre elle. Alors, tout le monde est prêt ? Pas trop de cauchemars cette nuit pour cette rentrée ? Euh, prêt... Oui, mais je sens que ça va être sportif. Le premier jour, c'est toujours un marathon. Tiens, en parlant de sportif, voilà un nouveau pour toi, Marine. Il s'appelle Lucas. Pas grand-chose dans son dossier, juste une mention maman absente Quand même, c'est bizarre. D'habitude, c'est les pères qui sont absents dans notre école. Là, c'est la mère qui manque à l'appel. Elle me dit ça comme ça, avec une petite pointe d'ironie, avant de partir et de se diriger vers un autre groupe. Moi, j'en profite quand même, puisque je n'étais pas prête à accueillir un nouvel élève. Donc je feuillette rapidement le dossier, autant vous dire que rapidement c'est un adjectif qui ne convient pas, puisque le dossier est vide, en tout cas presque vide, puisque j'ai juste le nom et le prénom de l'enfant. Il n'y a pas d'adresse, aucun historique scolaire détaillé, juste une fiche d'inscription basique remplie à la marie. Là mon instinct me murmure que ce n'est pas banal. Je secoue la tête, aucun nouvel élève, on s'en fiche, pas le temps de m'attarder, la cloche a sonné, il faut que j'aille récupérer les élèves dans la cour. Dans ma salle de classe, tout est prêt, ou presque. Les cahiers alignés sur chaque bureau, les étiquettes portant le prénom des élèves, les affiches colorées au mur, parfait. Ausha entre la première, un sourire timide aux lèvres. Je l'accueille avec enthousiasme, ravie de la revoir. Elle s'installe près de la fenêtre, à sa place habituelle. Peu à peu, la classe se remplit. Puis... A la toute fin, le fameux nouveau, qui s'appelle Lucas, entre. Un garçon discret, presque invisible. Il a un sac noir sans motif et ses vêtements sont simples, mais par contre impeccables. Je m'approche de lui avec... un sourire chaleureux. Bonjour Lucas, bienvenue. Tu peux t'asseoir où tu veux. Il hoche la tête sans un mot et se dirige vers une place au fond, près de l'étagère. Il s'assoit, il ouvre son sac et sort un cahier qu'il pose bien droit devant lui. Pas un regard pour les autres. Évidemment, tous les autres le regardent. puisqu'il est nouveau. Je remarque que ces gestes sont méthodiques, presque trop précis pour un enfant de son âge. Ou alors ça change de mes élèves. Je me tiens devant le tableau face à mes élèves. Mon cœur bat encore un peu plus vite mais je me lance dans mon discours habituel de rentrée. J'explique les règles de la classe, les projets de l'année, le théâtre et je fais aussi un petit tour de table pour que chacun se présente. Quand vient le tour de Lucas, il lève à peine les yeux. Lucas, j'aime. les sciences. C'est tout. Pas d'explication, pas de détail. Je ne le presse pas. À ce stade, il faut gagner sa confiance, surtout pas l'effrayer. Toute la matinée, je garde un oeil sur lui. Il écoute attentivement, il écrit, mais il évite tout contact visuel, que ce soit avec moi ou les autres. Les enfants autour de lui semblent intrigués, mais il n'ose pas encore l'aborder. Je pense que ça se fera sûrement dans la récréation. Lucas, cet enfant si discret semble cacher bien plus que sa timidité. Mais à ce moment-là, je ne savais pas encore à quel point cette année allait bouleverser ma vie. Quelques jours plus tard, c'est la réunion parents-profs. Une soirée, si on peut dire, à laquelle je suis habituée, mais qui, chaque année, apporte son lot de surprises. Cette fois-ci, la salle est loin d'être pleine. Bon, pas étonnant, en rep, c'est toujours comme ça. Il y a une poignée de parents qui sont présents, écoute. tout en distraitement, en tout cas, mes explications sur le programme de l'année, sur les sorties scolaires, mes projets, l'atelier théâtre, et surtout mon envie de suivre avec les enfants le Vendée Globe, un thème que je trouve fascinant et très riche en enseignements. Parmi tous ces visages, en tout cas ces quelques visages, un retient particulièrement mon attention, c'est celui du père de Lucas. Il est assis au fond de la salle, comme son fils d'ailleurs, presque immobile, mais d'une attention soutenue. Pas un mot, pas une question. Mais son regard me suit avec une intensité qui me met légèrement mal à l'aise, contrairement à d'autres qui prennent des notes ou barbardent à voix basse ou regardent carrément TikTok sur leur portable. Là, lui, il est là, concentré, presque comme s'il enregistrait chacun des mots que j'allais dire. On continue sur les formalités de la rentrée. Fin septembre, il y a la fameuse réunion avec le razette et la directrice pour parler de chacun de nos élèves. Donc, Madame Sylvia, ouvre la réunion. Nous allons passer en revue les élèves par ordre alphabétique, vos observations, vos priorités, et on voit ensuite si on a juste des suivis ou pas sur les enfants. Allez, on y va ! Bon, alors les premiers élèves défilent dans les discussions, je partage mes remarques avec les membres du RASED, psychologues, etc. Les difficultés scolaires, les suivis orthophoniques, les situations familiales complexes, et arrive le tour de Ausha. Je prends un moment pour m'arrêter sur son parcours. Ausha a fait de vrais progrès, elle a encore du mal en lecture, mais elle persévère et ça commence à payer. Je pense qu'on doit absolument maintenir son heure hebdomadaire avec le Razed, c'est vraiment crucial pour elle, parce qu'en CE2, il faut vraiment qu'elle sache lire. La directrice et le psychologue Ausha tête, notant mes remarques, la discussion se poursuit, mais évidemment arrive le tour de Lucas. Lucas parait chiqui, l'atmosphère change légèrement. Lucas est nouveau mais il s'adapte plutôt bien, il est calme, très observateur et semble à l'aise dans la classe. Il a déjà noué quelques amitiés même si parfois il préfère dessiner pendant les récréations. Ce qui m'a frappé vraiment c'est son aisance en langue. J'ai remarqué qu'il parlait couramment le français et l'anglais, donc ça c'est très bien pour notre projet. Qu'il comprenait quelques mots d'arabe puisqu'il a répondu à une camarade l'autre jour, j'ai été étonnée et elle aussi. Et possiblement l'allemand, mais je ne peux pas vous dire parce que même moi, je ne parle pas cette langue pour vérifier. Je m'arrête un peu étonnée parce que je sens les regards se fixer sur moi. C'est normal parce que Lucas est nouveau et son profil semble intriguer bien plus que je l'avais anticipé. Et c'est alors que le psychologue scolaire, habituellement qui est très discret et ne dit rien, prend la parole d'un ton qui attire immédiatement mon attention. Ah, avant que j'oublie, je voulais vous présenter quelqu'un. Je me retourne et remarque... pour la première fois. Un homme, debout dans un coin de la pièce. Je ne sais pas comment je n'ai pas pu le voir plus tôt. Il a environ la quarantaine, costume sombre, parfaitement coupé. Il tient un carnet et un stylo. Il est resté silencieux tout ce temps, mais je comprends maintenant qu'il n'était pas là par hasard. Voici M. Riegel. Il est à un nouveau poste créé par la mairie de Paris. Une sorte de projet pilote, en fait. Son rôle est d'intervenir en amont sur les situations familiales. qui sont complexes pour prévenir les fractures sociales. Il est ici pour nous accompagner. L'homme incline légèrement la tête en guise de salut, son regard passe rapidement sur chacun d'entre nous, avant de revenir sur moi. Je hoche la tête, mais une question s'installe dans mon esprit. Pourquoi ce soi-disant spécialiste de la fracture sociale est-il ici, et pourquoi maintenant ? Pendant que je parle de Lucas, je ne peux m'empêcher de remarquer que M. Riguel prend des notes. Il semble particulièrement intéressé lorsque je mentionne les compétences linguistiques de l'enfant. Son stylo s'immobilise une fraction de seconde avant de reprendre comme si ce détail confirmait quelque chose qu'il savait déjà. Des remarques sur ce profil, monsieur Riguel ? L'homme lève les yeux de son carnet et répond d'une voix mesurée. Non, pour le moment, je me contente d'observer. Mais je pense que certains éléments méritent qu'on s'y attarde plus tard. Sa réponse, bien que vague, laisse une drôle d'impression dans la pièce. Lorsque la réunion se termine, je reste quelques instants pour rassembler mes affaires. Mais je sens encore son regard sur moi. Et lorsque je relève la tête, il a disparu. Quelques jours après cette réunion, je reçois un email inattendu du psychologue scolaire. Il me demande s'il peut transmettre mes coordonnées à M. Riegel, pour discuter de certains cas spécifiques dans ma classe. Directement, moi je pense à Ausha, à sa situation compliquée, mais surtout pleine de promesses. Naïvement, je réponds positivement. Après tout, si cet homme peut aider d'une quelconque manière, pourquoi pas ? Trois jours plus tard, je reçois un SMS sur mon téléphone. Bonjour madame, c'est monsieur Régel. Seriez-vous disponible pour un café ce jeudi à midi ? J'aimerais échanger à propos de votre classe. Je regarde le message en fronçant légèrement les sourcils. Ce jeudi midi-là, pile le jour où j'avais prévu un date Tinder avec Constantin. Constantin, le mec qui semblait cocher toutes les cases. Voyageur, drôle, un soupçon d'arrangance et juste assez séduisant. Il m'avait envoyé des photos de ses escapades en Norvège et des plats qu'il prenait au restaurant en photo. Un détail idiot, mais qui m'avait charmée. Bon, évidemment, je prends quelques secondes pour réfléchir, mais ma confiance professionnelle prend le dessus. Hey, désolé, je dois annuler jeudi un rendez-vous pro de dernière minute. Mais promis, on se rattrape bientôt. Sa réponse, elle tarde pas. Oh, trois petits points, dommage, point d'exclamation. Curieux ce rendez-vous, mais je comprends. On remet ça, alors. Petit smiley qui sourit. Il m'a même demandé, mais c'est quoi ce rendez-vous plus important que moi ? Alors naïvement, j'ai répondu, t'inquiète, en fait c'est un mec des services sociaux, il veut juste discuter de certains cas dans ma classe. Rien de très glamour, tu vois. Le jour J, je me retrouve du coup dans un petit café discret près de la station convention. C'est étrange, d'habitude on fait toujours les rendez-vous à l'école ou alors à l'inspection, mais là c'est dans un café. Moi évidemment j'arrive toujours avec 2-3 minutes d'avance parce que je déteste être en retard. Lui il arrive pile à l'heure, dans son costume toujours impeccable, très sombre. Et il m'adresse en sourire léger mais distant en s'installant en face de moi. Merci d'avoir accepté ce rendez-vous. Pas de soucis, vous vouliez parler de mes élèves ? Oui, de ce fameux Pareschi, Lucas Pareschi. Il prononce son nom avec une précision qui me donne des frissons. Pourquoi Lucas ? Qu'avait-il de si particulier pour attirer l'attention de cet homme ? Alors je lui réponds que Lucas est un bon élève, il est assez discret, il semble s'intégrer sans problème. Et là, il m'interrompt. Et ses talents linguistiques, vous avez mentionné qu'il parlait plusieurs langues. Et là j'avoue, je suis un peu déstabilisée. Je me demande pourquoi cet homme, qui est censé être un expert de la fracture sociale de la mairie de Paris, s'intéressait-il autant ? aux compétences linguistiques d'un gamin de 9 ans. Alors je lui réponds, oui, il est très doué, il a surpris tout le monde en parlant arabe l'autre jour, et je crois qu'il connaît aussi un peu d'allemand. Là, M. Riegel, il note quelque chose dans son carnet, et son regard se faisait un petit peu plus perçant. Et son père, vous avez eu des échanges avec lui ? Euh non, j'en ai pas... pas vraiment, c'est la directrice qui s'en est occupée. Les inscriptions, de toute façon, à l'école se font à la mairie. Alors là, il acquiesce lentement. C'est comme si mes réponses confirmaient une théorie qu'il gardait pour lui. Il y a un petit silence, quand même. Je déteste les blancs et il reprend un travail remarquable, madame. Mais je vous demanderai de rester attentive et discrète. Tout n'est pas toujours ce qu'il semble être. Son ton, plus grave, me donne l'impression qu'il essaie de m'alerter sans trop en dire. Il se lève avant que je ne puisse poser d'autres questions et me laisse avec un billet de 10 euros pour payer mon café. Afin que je règle l'addition et il disparaît dans la... Bah. Ce soir-là, je rentre chez moi un peu perplexe. Marcel, mon fidèle et plus Ausha, m'accueille en sautant sur mes genoux. Alors je me laisse un petit peu tomber sur le canapé. Enfin, le canapé, c'est mon lit puisque c'est un appartement parisien et que j'ai pas beaucoup de place. Et je lui fais des câlins. Et là, mon téléphone clignote, il sonne, j'ai reçu un message de Constantin. Alors ce rendez-vous pro, tu as fait sensation ? Smiley avec la petite langue qui sort. Je souris mais mon esprit est quand même ailleurs. Pourquoi Lucas ? Pourquoi moi ? Et surtout, qu'est-ce que M. Riguel cherchait vraiment ? La suite, au prochain épisode.

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Dans cet épisode captivant, je vous plonge dans une rentrée scolaire pleine de mystère. Un nouvel élève rejoint ma classe, un enfant discret, presque invisible, mais avec des compétences surprenantes.
Ses antécédents flous éveillent rapidement ma curiosité.
Mais ce qui complique tout, c’est l’arrivée d’un étrange intervenant des services sociaux, qui semble s’intéresser de près à cet enfant.
Pourquoi lui ? Que cherche-t-il vraiment ?
Et comment cette rencontre inattendue va-t-elle bouleverser ma vie ? »


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Eh oui, pendant un certain temps, j'ai vu double, j'ai été double. Je vous laisse découvrir mon histoire dans ce podcast. Bonne écoute ! Double, épisode 1 Je suis sur mon petit balcon. Je pose ma tasse de café. Marcel, mon chat, saute sur la table et miaule doucement, comme pour me rappeler qu'il fallait respirer un peu avant ce grand jour de rentrée. Comme chaque année, je ressens... ce mélange d'excitation et d'appréhension. Cette montée d'adrénaline qui me pousse souvent à me demander est-ce que j'ai tout préparé ? Est-ce que les cahiers sont prêts ? Est-ce que les élèves vont être à l'aise ? Est-ce que, tout simplement, je serai à la hauteur ? Mon école, elle est en REP. Ça veut dire que c'est un quartier où les élèves arrivent souvent, si on peut dire comme ça, avec plus de bagages émotionnels que de fournitures scolaires. C'est un peu dommage, mais bon. Ici, dans cette école, chaque jour est un défi. Il y a des éclats de voix dans les couloirs, des regards en coin qui cachent tellement d'histoires lourdes. Et pourtant, c'est le public que j'aime. Même si certains jours, les violences, les cris, l'injustice sociale me pèsent beaucoup. Il suffit tout simplement d'un sourire et d'un petit progrès inattendu pour me rappeler pourquoi je fais ce métier d'enseignante. Dans ma classe cette année, il y a Ausha, c'est une élève que j'ai déjà eue l'année dernière. Elle est petite, discrète, mais elle est si lumineuse ! dans ses efforts. Sa maman, c'est une femme admirable. Elle a toujours été là pour échanger quelques mots, pour s'assurer que sa fille ne manquait de rien, malgré toutes les galères qu'elle affrontait. Ausha, vraiment, c'est la preuve vivante que l'on peut réussir, même avec le vent contraire. Je suis dans la salle des maîtres, entourée de mes collègues avec ma tasse de thé à la main. Madame Sylvia, notre directrice, entre d'un pas rapide avec son classeur serré contre elle. Alors, tout le monde est prêt ? Pas trop de cauchemars cette nuit pour cette rentrée ? Euh, prêt... Oui, mais je sens que ça va être sportif. Le premier jour, c'est toujours un marathon. Tiens, en parlant de sportif, voilà un nouveau pour toi, Marine. Il s'appelle Lucas. Pas grand-chose dans son dossier, juste une mention maman absente Quand même, c'est bizarre. D'habitude, c'est les pères qui sont absents dans notre école. Là, c'est la mère qui manque à l'appel. Elle me dit ça comme ça, avec une petite pointe d'ironie, avant de partir et de se diriger vers un autre groupe. Moi, j'en profite quand même, puisque je n'étais pas prête à accueillir un nouvel élève. Donc je feuillette rapidement le dossier, autant vous dire que rapidement c'est un adjectif qui ne convient pas, puisque le dossier est vide, en tout cas presque vide, puisque j'ai juste le nom et le prénom de l'enfant. Il n'y a pas d'adresse, aucun historique scolaire détaillé, juste une fiche d'inscription basique remplie à la marie. Là mon instinct me murmure que ce n'est pas banal. Je secoue la tête, aucun nouvel élève, on s'en fiche, pas le temps de m'attarder, la cloche a sonné, il faut que j'aille récupérer les élèves dans la cour. Dans ma salle de classe, tout est prêt, ou presque. Les cahiers alignés sur chaque bureau, les étiquettes portant le prénom des élèves, les affiches colorées au mur, parfait. Ausha entre la première, un sourire timide aux lèvres. Je l'accueille avec enthousiasme, ravie de la revoir. Elle s'installe près de la fenêtre, à sa place habituelle. Peu à peu, la classe se remplit. Puis... A la toute fin, le fameux nouveau, qui s'appelle Lucas, entre. Un garçon discret, presque invisible. Il a un sac noir sans motif et ses vêtements sont simples, mais par contre impeccables. Je m'approche de lui avec... un sourire chaleureux. Bonjour Lucas, bienvenue. Tu peux t'asseoir où tu veux. Il hoche la tête sans un mot et se dirige vers une place au fond, près de l'étagère. Il s'assoit, il ouvre son sac et sort un cahier qu'il pose bien droit devant lui. Pas un regard pour les autres. Évidemment, tous les autres le regardent. puisqu'il est nouveau. Je remarque que ces gestes sont méthodiques, presque trop précis pour un enfant de son âge. Ou alors ça change de mes élèves. Je me tiens devant le tableau face à mes élèves. Mon cœur bat encore un peu plus vite mais je me lance dans mon discours habituel de rentrée. J'explique les règles de la classe, les projets de l'année, le théâtre et je fais aussi un petit tour de table pour que chacun se présente. Quand vient le tour de Lucas, il lève à peine les yeux. Lucas, j'aime. les sciences. C'est tout. Pas d'explication, pas de détail. Je ne le presse pas. À ce stade, il faut gagner sa confiance, surtout pas l'effrayer. Toute la matinée, je garde un oeil sur lui. Il écoute attentivement, il écrit, mais il évite tout contact visuel, que ce soit avec moi ou les autres. Les enfants autour de lui semblent intrigués, mais il n'ose pas encore l'aborder. Je pense que ça se fera sûrement dans la récréation. Lucas, cet enfant si discret semble cacher bien plus que sa timidité. Mais à ce moment-là, je ne savais pas encore à quel point cette année allait bouleverser ma vie. Quelques jours plus tard, c'est la réunion parents-profs. Une soirée, si on peut dire, à laquelle je suis habituée, mais qui, chaque année, apporte son lot de surprises. Cette fois-ci, la salle est loin d'être pleine. Bon, pas étonnant, en rep, c'est toujours comme ça. Il y a une poignée de parents qui sont présents, écoute. tout en distraitement, en tout cas, mes explications sur le programme de l'année, sur les sorties scolaires, mes projets, l'atelier théâtre, et surtout mon envie de suivre avec les enfants le Vendée Globe, un thème que je trouve fascinant et très riche en enseignements. Parmi tous ces visages, en tout cas ces quelques visages, un retient particulièrement mon attention, c'est celui du père de Lucas. Il est assis au fond de la salle, comme son fils d'ailleurs, presque immobile, mais d'une attention soutenue. Pas un mot, pas une question. Mais son regard me suit avec une intensité qui me met légèrement mal à l'aise, contrairement à d'autres qui prennent des notes ou barbardent à voix basse ou regardent carrément TikTok sur leur portable. Là, lui, il est là, concentré, presque comme s'il enregistrait chacun des mots que j'allais dire. On continue sur les formalités de la rentrée. Fin septembre, il y a la fameuse réunion avec le razette et la directrice pour parler de chacun de nos élèves. Donc, Madame Sylvia, ouvre la réunion. Nous allons passer en revue les élèves par ordre alphabétique, vos observations, vos priorités, et on voit ensuite si on a juste des suivis ou pas sur les enfants. Allez, on y va ! Bon, alors les premiers élèves défilent dans les discussions, je partage mes remarques avec les membres du RASED, psychologues, etc. Les difficultés scolaires, les suivis orthophoniques, les situations familiales complexes, et arrive le tour de Ausha. Je prends un moment pour m'arrêter sur son parcours. Ausha a fait de vrais progrès, elle a encore du mal en lecture, mais elle persévère et ça commence à payer. Je pense qu'on doit absolument maintenir son heure hebdomadaire avec le Razed, c'est vraiment crucial pour elle, parce qu'en CE2, il faut vraiment qu'elle sache lire. La directrice et le psychologue Ausha tête, notant mes remarques, la discussion se poursuit, mais évidemment arrive le tour de Lucas. Lucas parait chiqui, l'atmosphère change légèrement. Lucas est nouveau mais il s'adapte plutôt bien, il est calme, très observateur et semble à l'aise dans la classe. Il a déjà noué quelques amitiés même si parfois il préfère dessiner pendant les récréations. Ce qui m'a frappé vraiment c'est son aisance en langue. J'ai remarqué qu'il parlait couramment le français et l'anglais, donc ça c'est très bien pour notre projet. Qu'il comprenait quelques mots d'arabe puisqu'il a répondu à une camarade l'autre jour, j'ai été étonnée et elle aussi. Et possiblement l'allemand, mais je ne peux pas vous dire parce que même moi, je ne parle pas cette langue pour vérifier. Je m'arrête un peu étonnée parce que je sens les regards se fixer sur moi. C'est normal parce que Lucas est nouveau et son profil semble intriguer bien plus que je l'avais anticipé. Et c'est alors que le psychologue scolaire, habituellement qui est très discret et ne dit rien, prend la parole d'un ton qui attire immédiatement mon attention. Ah, avant que j'oublie, je voulais vous présenter quelqu'un. Je me retourne et remarque... pour la première fois. Un homme, debout dans un coin de la pièce. Je ne sais pas comment je n'ai pas pu le voir plus tôt. Il a environ la quarantaine, costume sombre, parfaitement coupé. Il tient un carnet et un stylo. Il est resté silencieux tout ce temps, mais je comprends maintenant qu'il n'était pas là par hasard. Voici M. Riegel. Il est à un nouveau poste créé par la mairie de Paris. Une sorte de projet pilote, en fait. Son rôle est d'intervenir en amont sur les situations familiales. qui sont complexes pour prévenir les fractures sociales. Il est ici pour nous accompagner. L'homme incline légèrement la tête en guise de salut, son regard passe rapidement sur chacun d'entre nous, avant de revenir sur moi. Je hoche la tête, mais une question s'installe dans mon esprit. Pourquoi ce soi-disant spécialiste de la fracture sociale est-il ici, et pourquoi maintenant ? Pendant que je parle de Lucas, je ne peux m'empêcher de remarquer que M. Riguel prend des notes. Il semble particulièrement intéressé lorsque je mentionne les compétences linguistiques de l'enfant. Son stylo s'immobilise une fraction de seconde avant de reprendre comme si ce détail confirmait quelque chose qu'il savait déjà. Des remarques sur ce profil, monsieur Riguel ? L'homme lève les yeux de son carnet et répond d'une voix mesurée. Non, pour le moment, je me contente d'observer. Mais je pense que certains éléments méritent qu'on s'y attarde plus tard. Sa réponse, bien que vague, laisse une drôle d'impression dans la pièce. Lorsque la réunion se termine, je reste quelques instants pour rassembler mes affaires. Mais je sens encore son regard sur moi. Et lorsque je relève la tête, il a disparu. Quelques jours après cette réunion, je reçois un email inattendu du psychologue scolaire. Il me demande s'il peut transmettre mes coordonnées à M. Riegel, pour discuter de certains cas spécifiques dans ma classe. Directement, moi je pense à Ausha, à sa situation compliquée, mais surtout pleine de promesses. Naïvement, je réponds positivement. Après tout, si cet homme peut aider d'une quelconque manière, pourquoi pas ? Trois jours plus tard, je reçois un SMS sur mon téléphone. Bonjour madame, c'est monsieur Régel. Seriez-vous disponible pour un café ce jeudi à midi ? J'aimerais échanger à propos de votre classe. Je regarde le message en fronçant légèrement les sourcils. Ce jeudi midi-là, pile le jour où j'avais prévu un date Tinder avec Constantin. Constantin, le mec qui semblait cocher toutes les cases. Voyageur, drôle, un soupçon d'arrangance et juste assez séduisant. Il m'avait envoyé des photos de ses escapades en Norvège et des plats qu'il prenait au restaurant en photo. Un détail idiot, mais qui m'avait charmée. Bon, évidemment, je prends quelques secondes pour réfléchir, mais ma confiance professionnelle prend le dessus. Hey, désolé, je dois annuler jeudi un rendez-vous pro de dernière minute. Mais promis, on se rattrape bientôt. Sa réponse, elle tarde pas. Oh, trois petits points, dommage, point d'exclamation. Curieux ce rendez-vous, mais je comprends. On remet ça, alors. Petit smiley qui sourit. Il m'a même demandé, mais c'est quoi ce rendez-vous plus important que moi ? Alors naïvement, j'ai répondu, t'inquiète, en fait c'est un mec des services sociaux, il veut juste discuter de certains cas dans ma classe. Rien de très glamour, tu vois. Le jour J, je me retrouve du coup dans un petit café discret près de la station convention. C'est étrange, d'habitude on fait toujours les rendez-vous à l'école ou alors à l'inspection, mais là c'est dans un café. Moi évidemment j'arrive toujours avec 2-3 minutes d'avance parce que je déteste être en retard. Lui il arrive pile à l'heure, dans son costume toujours impeccable, très sombre. Et il m'adresse en sourire léger mais distant en s'installant en face de moi. Merci d'avoir accepté ce rendez-vous. Pas de soucis, vous vouliez parler de mes élèves ? Oui, de ce fameux Pareschi, Lucas Pareschi. Il prononce son nom avec une précision qui me donne des frissons. Pourquoi Lucas ? Qu'avait-il de si particulier pour attirer l'attention de cet homme ? Alors je lui réponds que Lucas est un bon élève, il est assez discret, il semble s'intégrer sans problème. Et là, il m'interrompt. Et ses talents linguistiques, vous avez mentionné qu'il parlait plusieurs langues. Et là j'avoue, je suis un peu déstabilisée. Je me demande pourquoi cet homme, qui est censé être un expert de la fracture sociale de la mairie de Paris, s'intéressait-il autant ? aux compétences linguistiques d'un gamin de 9 ans. Alors je lui réponds, oui, il est très doué, il a surpris tout le monde en parlant arabe l'autre jour, et je crois qu'il connaît aussi un peu d'allemand. Là, M. Riegel, il note quelque chose dans son carnet, et son regard se faisait un petit peu plus perçant. Et son père, vous avez eu des échanges avec lui ? Euh non, j'en ai pas... pas vraiment, c'est la directrice qui s'en est occupée. Les inscriptions, de toute façon, à l'école se font à la mairie. Alors là, il acquiesce lentement. C'est comme si mes réponses confirmaient une théorie qu'il gardait pour lui. Il y a un petit silence, quand même. Je déteste les blancs et il reprend un travail remarquable, madame. Mais je vous demanderai de rester attentive et discrète. Tout n'est pas toujours ce qu'il semble être. Son ton, plus grave, me donne l'impression qu'il essaie de m'alerter sans trop en dire. Il se lève avant que je ne puisse poser d'autres questions et me laisse avec un billet de 10 euros pour payer mon café. Afin que je règle l'addition et il disparaît dans la... Bah. Ce soir-là, je rentre chez moi un peu perplexe. Marcel, mon fidèle et plus Ausha, m'accueille en sautant sur mes genoux. Alors je me laisse un petit peu tomber sur le canapé. Enfin, le canapé, c'est mon lit puisque c'est un appartement parisien et que j'ai pas beaucoup de place. Et je lui fais des câlins. Et là, mon téléphone clignote, il sonne, j'ai reçu un message de Constantin. Alors ce rendez-vous pro, tu as fait sensation ? Smiley avec la petite langue qui sort. Je souris mais mon esprit est quand même ailleurs. Pourquoi Lucas ? Pourquoi moi ? Et surtout, qu'est-ce que M. Riguel cherchait vraiment ? La suite, au prochain épisode.

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Dans cet épisode captivant, je vous plonge dans une rentrée scolaire pleine de mystère. Un nouvel élève rejoint ma classe, un enfant discret, presque invisible, mais avec des compétences surprenantes.
Ses antécédents flous éveillent rapidement ma curiosité.
Mais ce qui complique tout, c’est l’arrivée d’un étrange intervenant des services sociaux, qui semble s’intéresser de près à cet enfant.
Pourquoi lui ? Que cherche-t-il vraiment ?
Et comment cette rencontre inattendue va-t-elle bouleverser ma vie ? »


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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    Eh oui, pendant un certain temps, j'ai vu double, j'ai été double. Je vous laisse découvrir mon histoire dans ce podcast. Bonne écoute ! Double, épisode 1 Je suis sur mon petit balcon. Je pose ma tasse de café. Marcel, mon chat, saute sur la table et miaule doucement, comme pour me rappeler qu'il fallait respirer un peu avant ce grand jour de rentrée. Comme chaque année, je ressens... ce mélange d'excitation et d'appréhension. Cette montée d'adrénaline qui me pousse souvent à me demander est-ce que j'ai tout préparé ? Est-ce que les cahiers sont prêts ? Est-ce que les élèves vont être à l'aise ? Est-ce que, tout simplement, je serai à la hauteur ? Mon école, elle est en REP. Ça veut dire que c'est un quartier où les élèves arrivent souvent, si on peut dire comme ça, avec plus de bagages émotionnels que de fournitures scolaires. C'est un peu dommage, mais bon. Ici, dans cette école, chaque jour est un défi. Il y a des éclats de voix dans les couloirs, des regards en coin qui cachent tellement d'histoires lourdes. Et pourtant, c'est le public que j'aime. Même si certains jours, les violences, les cris, l'injustice sociale me pèsent beaucoup. Il suffit tout simplement d'un sourire et d'un petit progrès inattendu pour me rappeler pourquoi je fais ce métier d'enseignante. Dans ma classe cette année, il y a Ausha, c'est une élève que j'ai déjà eue l'année dernière. Elle est petite, discrète, mais elle est si lumineuse ! dans ses efforts. Sa maman, c'est une femme admirable. Elle a toujours été là pour échanger quelques mots, pour s'assurer que sa fille ne manquait de rien, malgré toutes les galères qu'elle affrontait. Ausha, vraiment, c'est la preuve vivante que l'on peut réussir, même avec le vent contraire. Je suis dans la salle des maîtres, entourée de mes collègues avec ma tasse de thé à la main. Madame Sylvia, notre directrice, entre d'un pas rapide avec son classeur serré contre elle. Alors, tout le monde est prêt ? Pas trop de cauchemars cette nuit pour cette rentrée ? Euh, prêt... Oui, mais je sens que ça va être sportif. Le premier jour, c'est toujours un marathon. Tiens, en parlant de sportif, voilà un nouveau pour toi, Marine. Il s'appelle Lucas. Pas grand-chose dans son dossier, juste une mention maman absente Quand même, c'est bizarre. D'habitude, c'est les pères qui sont absents dans notre école. Là, c'est la mère qui manque à l'appel. Elle me dit ça comme ça, avec une petite pointe d'ironie, avant de partir et de se diriger vers un autre groupe. Moi, j'en profite quand même, puisque je n'étais pas prête à accueillir un nouvel élève. Donc je feuillette rapidement le dossier, autant vous dire que rapidement c'est un adjectif qui ne convient pas, puisque le dossier est vide, en tout cas presque vide, puisque j'ai juste le nom et le prénom de l'enfant. Il n'y a pas d'adresse, aucun historique scolaire détaillé, juste une fiche d'inscription basique remplie à la marie. Là mon instinct me murmure que ce n'est pas banal. Je secoue la tête, aucun nouvel élève, on s'en fiche, pas le temps de m'attarder, la cloche a sonné, il faut que j'aille récupérer les élèves dans la cour. Dans ma salle de classe, tout est prêt, ou presque. Les cahiers alignés sur chaque bureau, les étiquettes portant le prénom des élèves, les affiches colorées au mur, parfait. Ausha entre la première, un sourire timide aux lèvres. Je l'accueille avec enthousiasme, ravie de la revoir. Elle s'installe près de la fenêtre, à sa place habituelle. Peu à peu, la classe se remplit. Puis... A la toute fin, le fameux nouveau, qui s'appelle Lucas, entre. Un garçon discret, presque invisible. Il a un sac noir sans motif et ses vêtements sont simples, mais par contre impeccables. Je m'approche de lui avec... un sourire chaleureux. Bonjour Lucas, bienvenue. Tu peux t'asseoir où tu veux. Il hoche la tête sans un mot et se dirige vers une place au fond, près de l'étagère. Il s'assoit, il ouvre son sac et sort un cahier qu'il pose bien droit devant lui. Pas un regard pour les autres. Évidemment, tous les autres le regardent. puisqu'il est nouveau. Je remarque que ces gestes sont méthodiques, presque trop précis pour un enfant de son âge. Ou alors ça change de mes élèves. Je me tiens devant le tableau face à mes élèves. Mon cœur bat encore un peu plus vite mais je me lance dans mon discours habituel de rentrée. J'explique les règles de la classe, les projets de l'année, le théâtre et je fais aussi un petit tour de table pour que chacun se présente. Quand vient le tour de Lucas, il lève à peine les yeux. Lucas, j'aime. les sciences. C'est tout. Pas d'explication, pas de détail. Je ne le presse pas. À ce stade, il faut gagner sa confiance, surtout pas l'effrayer. Toute la matinée, je garde un oeil sur lui. Il écoute attentivement, il écrit, mais il évite tout contact visuel, que ce soit avec moi ou les autres. Les enfants autour de lui semblent intrigués, mais il n'ose pas encore l'aborder. Je pense que ça se fera sûrement dans la récréation. Lucas, cet enfant si discret semble cacher bien plus que sa timidité. Mais à ce moment-là, je ne savais pas encore à quel point cette année allait bouleverser ma vie. Quelques jours plus tard, c'est la réunion parents-profs. Une soirée, si on peut dire, à laquelle je suis habituée, mais qui, chaque année, apporte son lot de surprises. Cette fois-ci, la salle est loin d'être pleine. Bon, pas étonnant, en rep, c'est toujours comme ça. Il y a une poignée de parents qui sont présents, écoute. tout en distraitement, en tout cas, mes explications sur le programme de l'année, sur les sorties scolaires, mes projets, l'atelier théâtre, et surtout mon envie de suivre avec les enfants le Vendée Globe, un thème que je trouve fascinant et très riche en enseignements. Parmi tous ces visages, en tout cas ces quelques visages, un retient particulièrement mon attention, c'est celui du père de Lucas. Il est assis au fond de la salle, comme son fils d'ailleurs, presque immobile, mais d'une attention soutenue. Pas un mot, pas une question. Mais son regard me suit avec une intensité qui me met légèrement mal à l'aise, contrairement à d'autres qui prennent des notes ou barbardent à voix basse ou regardent carrément TikTok sur leur portable. Là, lui, il est là, concentré, presque comme s'il enregistrait chacun des mots que j'allais dire. On continue sur les formalités de la rentrée. Fin septembre, il y a la fameuse réunion avec le razette et la directrice pour parler de chacun de nos élèves. Donc, Madame Sylvia, ouvre la réunion. Nous allons passer en revue les élèves par ordre alphabétique, vos observations, vos priorités, et on voit ensuite si on a juste des suivis ou pas sur les enfants. Allez, on y va ! Bon, alors les premiers élèves défilent dans les discussions, je partage mes remarques avec les membres du RASED, psychologues, etc. Les difficultés scolaires, les suivis orthophoniques, les situations familiales complexes, et arrive le tour de Ausha. Je prends un moment pour m'arrêter sur son parcours. Ausha a fait de vrais progrès, elle a encore du mal en lecture, mais elle persévère et ça commence à payer. Je pense qu'on doit absolument maintenir son heure hebdomadaire avec le Razed, c'est vraiment crucial pour elle, parce qu'en CE2, il faut vraiment qu'elle sache lire. La directrice et le psychologue Ausha tête, notant mes remarques, la discussion se poursuit, mais évidemment arrive le tour de Lucas. Lucas parait chiqui, l'atmosphère change légèrement. Lucas est nouveau mais il s'adapte plutôt bien, il est calme, très observateur et semble à l'aise dans la classe. Il a déjà noué quelques amitiés même si parfois il préfère dessiner pendant les récréations. Ce qui m'a frappé vraiment c'est son aisance en langue. J'ai remarqué qu'il parlait couramment le français et l'anglais, donc ça c'est très bien pour notre projet. Qu'il comprenait quelques mots d'arabe puisqu'il a répondu à une camarade l'autre jour, j'ai été étonnée et elle aussi. Et possiblement l'allemand, mais je ne peux pas vous dire parce que même moi, je ne parle pas cette langue pour vérifier. Je m'arrête un peu étonnée parce que je sens les regards se fixer sur moi. C'est normal parce que Lucas est nouveau et son profil semble intriguer bien plus que je l'avais anticipé. Et c'est alors que le psychologue scolaire, habituellement qui est très discret et ne dit rien, prend la parole d'un ton qui attire immédiatement mon attention. Ah, avant que j'oublie, je voulais vous présenter quelqu'un. Je me retourne et remarque... pour la première fois. Un homme, debout dans un coin de la pièce. Je ne sais pas comment je n'ai pas pu le voir plus tôt. Il a environ la quarantaine, costume sombre, parfaitement coupé. Il tient un carnet et un stylo. Il est resté silencieux tout ce temps, mais je comprends maintenant qu'il n'était pas là par hasard. Voici M. Riegel. Il est à un nouveau poste créé par la mairie de Paris. Une sorte de projet pilote, en fait. Son rôle est d'intervenir en amont sur les situations familiales. qui sont complexes pour prévenir les fractures sociales. Il est ici pour nous accompagner. L'homme incline légèrement la tête en guise de salut, son regard passe rapidement sur chacun d'entre nous, avant de revenir sur moi. Je hoche la tête, mais une question s'installe dans mon esprit. Pourquoi ce soi-disant spécialiste de la fracture sociale est-il ici, et pourquoi maintenant ? Pendant que je parle de Lucas, je ne peux m'empêcher de remarquer que M. Riguel prend des notes. Il semble particulièrement intéressé lorsque je mentionne les compétences linguistiques de l'enfant. Son stylo s'immobilise une fraction de seconde avant de reprendre comme si ce détail confirmait quelque chose qu'il savait déjà. Des remarques sur ce profil, monsieur Riguel ? L'homme lève les yeux de son carnet et répond d'une voix mesurée. Non, pour le moment, je me contente d'observer. Mais je pense que certains éléments méritent qu'on s'y attarde plus tard. Sa réponse, bien que vague, laisse une drôle d'impression dans la pièce. Lorsque la réunion se termine, je reste quelques instants pour rassembler mes affaires. Mais je sens encore son regard sur moi. Et lorsque je relève la tête, il a disparu. Quelques jours après cette réunion, je reçois un email inattendu du psychologue scolaire. Il me demande s'il peut transmettre mes coordonnées à M. Riegel, pour discuter de certains cas spécifiques dans ma classe. Directement, moi je pense à Ausha, à sa situation compliquée, mais surtout pleine de promesses. Naïvement, je réponds positivement. Après tout, si cet homme peut aider d'une quelconque manière, pourquoi pas ? Trois jours plus tard, je reçois un SMS sur mon téléphone. Bonjour madame, c'est monsieur Régel. Seriez-vous disponible pour un café ce jeudi à midi ? J'aimerais échanger à propos de votre classe. Je regarde le message en fronçant légèrement les sourcils. Ce jeudi midi-là, pile le jour où j'avais prévu un date Tinder avec Constantin. Constantin, le mec qui semblait cocher toutes les cases. Voyageur, drôle, un soupçon d'arrangance et juste assez séduisant. Il m'avait envoyé des photos de ses escapades en Norvège et des plats qu'il prenait au restaurant en photo. Un détail idiot, mais qui m'avait charmée. Bon, évidemment, je prends quelques secondes pour réfléchir, mais ma confiance professionnelle prend le dessus. Hey, désolé, je dois annuler jeudi un rendez-vous pro de dernière minute. Mais promis, on se rattrape bientôt. Sa réponse, elle tarde pas. Oh, trois petits points, dommage, point d'exclamation. Curieux ce rendez-vous, mais je comprends. On remet ça, alors. Petit smiley qui sourit. Il m'a même demandé, mais c'est quoi ce rendez-vous plus important que moi ? Alors naïvement, j'ai répondu, t'inquiète, en fait c'est un mec des services sociaux, il veut juste discuter de certains cas dans ma classe. Rien de très glamour, tu vois. Le jour J, je me retrouve du coup dans un petit café discret près de la station convention. C'est étrange, d'habitude on fait toujours les rendez-vous à l'école ou alors à l'inspection, mais là c'est dans un café. Moi évidemment j'arrive toujours avec 2-3 minutes d'avance parce que je déteste être en retard. Lui il arrive pile à l'heure, dans son costume toujours impeccable, très sombre. Et il m'adresse en sourire léger mais distant en s'installant en face de moi. Merci d'avoir accepté ce rendez-vous. Pas de soucis, vous vouliez parler de mes élèves ? Oui, de ce fameux Pareschi, Lucas Pareschi. Il prononce son nom avec une précision qui me donne des frissons. Pourquoi Lucas ? Qu'avait-il de si particulier pour attirer l'attention de cet homme ? Alors je lui réponds que Lucas est un bon élève, il est assez discret, il semble s'intégrer sans problème. Et là, il m'interrompt. Et ses talents linguistiques, vous avez mentionné qu'il parlait plusieurs langues. Et là j'avoue, je suis un peu déstabilisée. Je me demande pourquoi cet homme, qui est censé être un expert de la fracture sociale de la mairie de Paris, s'intéressait-il autant ? aux compétences linguistiques d'un gamin de 9 ans. Alors je lui réponds, oui, il est très doué, il a surpris tout le monde en parlant arabe l'autre jour, et je crois qu'il connaît aussi un peu d'allemand. Là, M. Riegel, il note quelque chose dans son carnet, et son regard se faisait un petit peu plus perçant. Et son père, vous avez eu des échanges avec lui ? Euh non, j'en ai pas... pas vraiment, c'est la directrice qui s'en est occupée. Les inscriptions, de toute façon, à l'école se font à la mairie. Alors là, il acquiesce lentement. C'est comme si mes réponses confirmaient une théorie qu'il gardait pour lui. Il y a un petit silence, quand même. Je déteste les blancs et il reprend un travail remarquable, madame. Mais je vous demanderai de rester attentive et discrète. Tout n'est pas toujours ce qu'il semble être. Son ton, plus grave, me donne l'impression qu'il essaie de m'alerter sans trop en dire. Il se lève avant que je ne puisse poser d'autres questions et me laisse avec un billet de 10 euros pour payer mon café. Afin que je règle l'addition et il disparaît dans la... Bah. Ce soir-là, je rentre chez moi un peu perplexe. Marcel, mon fidèle et plus Ausha, m'accueille en sautant sur mes genoux. Alors je me laisse un petit peu tomber sur le canapé. Enfin, le canapé, c'est mon lit puisque c'est un appartement parisien et que j'ai pas beaucoup de place. Et je lui fais des câlins. Et là, mon téléphone clignote, il sonne, j'ai reçu un message de Constantin. Alors ce rendez-vous pro, tu as fait sensation ? Smiley avec la petite langue qui sort. Je souris mais mon esprit est quand même ailleurs. Pourquoi Lucas ? Pourquoi moi ? Et surtout, qu'est-ce que M. Riguel cherchait vraiment ? La suite, au prochain épisode.

Description

Dans cet épisode captivant, je vous plonge dans une rentrée scolaire pleine de mystère. Un nouvel élève rejoint ma classe, un enfant discret, presque invisible, mais avec des compétences surprenantes.
Ses antécédents flous éveillent rapidement ma curiosité.
Mais ce qui complique tout, c’est l’arrivée d’un étrange intervenant des services sociaux, qui semble s’intéresser de près à cet enfant.
Pourquoi lui ? Que cherche-t-il vraiment ?
Et comment cette rencontre inattendue va-t-elle bouleverser ma vie ? »


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Eh oui, pendant un certain temps, j'ai vu double, j'ai été double. Je vous laisse découvrir mon histoire dans ce podcast. Bonne écoute ! Double, épisode 1 Je suis sur mon petit balcon. Je pose ma tasse de café. Marcel, mon chat, saute sur la table et miaule doucement, comme pour me rappeler qu'il fallait respirer un peu avant ce grand jour de rentrée. Comme chaque année, je ressens... ce mélange d'excitation et d'appréhension. Cette montée d'adrénaline qui me pousse souvent à me demander est-ce que j'ai tout préparé ? Est-ce que les cahiers sont prêts ? Est-ce que les élèves vont être à l'aise ? Est-ce que, tout simplement, je serai à la hauteur ? Mon école, elle est en REP. Ça veut dire que c'est un quartier où les élèves arrivent souvent, si on peut dire comme ça, avec plus de bagages émotionnels que de fournitures scolaires. C'est un peu dommage, mais bon. Ici, dans cette école, chaque jour est un défi. Il y a des éclats de voix dans les couloirs, des regards en coin qui cachent tellement d'histoires lourdes. Et pourtant, c'est le public que j'aime. Même si certains jours, les violences, les cris, l'injustice sociale me pèsent beaucoup. Il suffit tout simplement d'un sourire et d'un petit progrès inattendu pour me rappeler pourquoi je fais ce métier d'enseignante. Dans ma classe cette année, il y a Ausha, c'est une élève que j'ai déjà eue l'année dernière. Elle est petite, discrète, mais elle est si lumineuse ! dans ses efforts. Sa maman, c'est une femme admirable. Elle a toujours été là pour échanger quelques mots, pour s'assurer que sa fille ne manquait de rien, malgré toutes les galères qu'elle affrontait. Ausha, vraiment, c'est la preuve vivante que l'on peut réussir, même avec le vent contraire. Je suis dans la salle des maîtres, entourée de mes collègues avec ma tasse de thé à la main. Madame Sylvia, notre directrice, entre d'un pas rapide avec son classeur serré contre elle. Alors, tout le monde est prêt ? Pas trop de cauchemars cette nuit pour cette rentrée ? Euh, prêt... Oui, mais je sens que ça va être sportif. Le premier jour, c'est toujours un marathon. Tiens, en parlant de sportif, voilà un nouveau pour toi, Marine. Il s'appelle Lucas. Pas grand-chose dans son dossier, juste une mention maman absente Quand même, c'est bizarre. D'habitude, c'est les pères qui sont absents dans notre école. Là, c'est la mère qui manque à l'appel. Elle me dit ça comme ça, avec une petite pointe d'ironie, avant de partir et de se diriger vers un autre groupe. Moi, j'en profite quand même, puisque je n'étais pas prête à accueillir un nouvel élève. Donc je feuillette rapidement le dossier, autant vous dire que rapidement c'est un adjectif qui ne convient pas, puisque le dossier est vide, en tout cas presque vide, puisque j'ai juste le nom et le prénom de l'enfant. Il n'y a pas d'adresse, aucun historique scolaire détaillé, juste une fiche d'inscription basique remplie à la marie. Là mon instinct me murmure que ce n'est pas banal. Je secoue la tête, aucun nouvel élève, on s'en fiche, pas le temps de m'attarder, la cloche a sonné, il faut que j'aille récupérer les élèves dans la cour. Dans ma salle de classe, tout est prêt, ou presque. Les cahiers alignés sur chaque bureau, les étiquettes portant le prénom des élèves, les affiches colorées au mur, parfait. Ausha entre la première, un sourire timide aux lèvres. Je l'accueille avec enthousiasme, ravie de la revoir. Elle s'installe près de la fenêtre, à sa place habituelle. Peu à peu, la classe se remplit. Puis... A la toute fin, le fameux nouveau, qui s'appelle Lucas, entre. Un garçon discret, presque invisible. Il a un sac noir sans motif et ses vêtements sont simples, mais par contre impeccables. Je m'approche de lui avec... un sourire chaleureux. Bonjour Lucas, bienvenue. Tu peux t'asseoir où tu veux. Il hoche la tête sans un mot et se dirige vers une place au fond, près de l'étagère. Il s'assoit, il ouvre son sac et sort un cahier qu'il pose bien droit devant lui. Pas un regard pour les autres. Évidemment, tous les autres le regardent. puisqu'il est nouveau. Je remarque que ces gestes sont méthodiques, presque trop précis pour un enfant de son âge. Ou alors ça change de mes élèves. Je me tiens devant le tableau face à mes élèves. Mon cœur bat encore un peu plus vite mais je me lance dans mon discours habituel de rentrée. J'explique les règles de la classe, les projets de l'année, le théâtre et je fais aussi un petit tour de table pour que chacun se présente. Quand vient le tour de Lucas, il lève à peine les yeux. Lucas, j'aime. les sciences. C'est tout. Pas d'explication, pas de détail. Je ne le presse pas. À ce stade, il faut gagner sa confiance, surtout pas l'effrayer. Toute la matinée, je garde un oeil sur lui. Il écoute attentivement, il écrit, mais il évite tout contact visuel, que ce soit avec moi ou les autres. Les enfants autour de lui semblent intrigués, mais il n'ose pas encore l'aborder. Je pense que ça se fera sûrement dans la récréation. Lucas, cet enfant si discret semble cacher bien plus que sa timidité. Mais à ce moment-là, je ne savais pas encore à quel point cette année allait bouleverser ma vie. Quelques jours plus tard, c'est la réunion parents-profs. Une soirée, si on peut dire, à laquelle je suis habituée, mais qui, chaque année, apporte son lot de surprises. Cette fois-ci, la salle est loin d'être pleine. Bon, pas étonnant, en rep, c'est toujours comme ça. Il y a une poignée de parents qui sont présents, écoute. tout en distraitement, en tout cas, mes explications sur le programme de l'année, sur les sorties scolaires, mes projets, l'atelier théâtre, et surtout mon envie de suivre avec les enfants le Vendée Globe, un thème que je trouve fascinant et très riche en enseignements. Parmi tous ces visages, en tout cas ces quelques visages, un retient particulièrement mon attention, c'est celui du père de Lucas. Il est assis au fond de la salle, comme son fils d'ailleurs, presque immobile, mais d'une attention soutenue. Pas un mot, pas une question. Mais son regard me suit avec une intensité qui me met légèrement mal à l'aise, contrairement à d'autres qui prennent des notes ou barbardent à voix basse ou regardent carrément TikTok sur leur portable. Là, lui, il est là, concentré, presque comme s'il enregistrait chacun des mots que j'allais dire. On continue sur les formalités de la rentrée. Fin septembre, il y a la fameuse réunion avec le razette et la directrice pour parler de chacun de nos élèves. Donc, Madame Sylvia, ouvre la réunion. Nous allons passer en revue les élèves par ordre alphabétique, vos observations, vos priorités, et on voit ensuite si on a juste des suivis ou pas sur les enfants. Allez, on y va ! Bon, alors les premiers élèves défilent dans les discussions, je partage mes remarques avec les membres du RASED, psychologues, etc. Les difficultés scolaires, les suivis orthophoniques, les situations familiales complexes, et arrive le tour de Ausha. Je prends un moment pour m'arrêter sur son parcours. Ausha a fait de vrais progrès, elle a encore du mal en lecture, mais elle persévère et ça commence à payer. Je pense qu'on doit absolument maintenir son heure hebdomadaire avec le Razed, c'est vraiment crucial pour elle, parce qu'en CE2, il faut vraiment qu'elle sache lire. La directrice et le psychologue Ausha tête, notant mes remarques, la discussion se poursuit, mais évidemment arrive le tour de Lucas. Lucas parait chiqui, l'atmosphère change légèrement. Lucas est nouveau mais il s'adapte plutôt bien, il est calme, très observateur et semble à l'aise dans la classe. Il a déjà noué quelques amitiés même si parfois il préfère dessiner pendant les récréations. Ce qui m'a frappé vraiment c'est son aisance en langue. J'ai remarqué qu'il parlait couramment le français et l'anglais, donc ça c'est très bien pour notre projet. Qu'il comprenait quelques mots d'arabe puisqu'il a répondu à une camarade l'autre jour, j'ai été étonnée et elle aussi. Et possiblement l'allemand, mais je ne peux pas vous dire parce que même moi, je ne parle pas cette langue pour vérifier. Je m'arrête un peu étonnée parce que je sens les regards se fixer sur moi. C'est normal parce que Lucas est nouveau et son profil semble intriguer bien plus que je l'avais anticipé. Et c'est alors que le psychologue scolaire, habituellement qui est très discret et ne dit rien, prend la parole d'un ton qui attire immédiatement mon attention. Ah, avant que j'oublie, je voulais vous présenter quelqu'un. Je me retourne et remarque... pour la première fois. Un homme, debout dans un coin de la pièce. Je ne sais pas comment je n'ai pas pu le voir plus tôt. Il a environ la quarantaine, costume sombre, parfaitement coupé. Il tient un carnet et un stylo. Il est resté silencieux tout ce temps, mais je comprends maintenant qu'il n'était pas là par hasard. Voici M. Riegel. Il est à un nouveau poste créé par la mairie de Paris. Une sorte de projet pilote, en fait. Son rôle est d'intervenir en amont sur les situations familiales. qui sont complexes pour prévenir les fractures sociales. Il est ici pour nous accompagner. L'homme incline légèrement la tête en guise de salut, son regard passe rapidement sur chacun d'entre nous, avant de revenir sur moi. Je hoche la tête, mais une question s'installe dans mon esprit. Pourquoi ce soi-disant spécialiste de la fracture sociale est-il ici, et pourquoi maintenant ? Pendant que je parle de Lucas, je ne peux m'empêcher de remarquer que M. Riguel prend des notes. Il semble particulièrement intéressé lorsque je mentionne les compétences linguistiques de l'enfant. Son stylo s'immobilise une fraction de seconde avant de reprendre comme si ce détail confirmait quelque chose qu'il savait déjà. Des remarques sur ce profil, monsieur Riguel ? L'homme lève les yeux de son carnet et répond d'une voix mesurée. Non, pour le moment, je me contente d'observer. Mais je pense que certains éléments méritent qu'on s'y attarde plus tard. Sa réponse, bien que vague, laisse une drôle d'impression dans la pièce. Lorsque la réunion se termine, je reste quelques instants pour rassembler mes affaires. Mais je sens encore son regard sur moi. Et lorsque je relève la tête, il a disparu. Quelques jours après cette réunion, je reçois un email inattendu du psychologue scolaire. Il me demande s'il peut transmettre mes coordonnées à M. Riegel, pour discuter de certains cas spécifiques dans ma classe. Directement, moi je pense à Ausha, à sa situation compliquée, mais surtout pleine de promesses. Naïvement, je réponds positivement. Après tout, si cet homme peut aider d'une quelconque manière, pourquoi pas ? Trois jours plus tard, je reçois un SMS sur mon téléphone. Bonjour madame, c'est monsieur Régel. Seriez-vous disponible pour un café ce jeudi à midi ? J'aimerais échanger à propos de votre classe. Je regarde le message en fronçant légèrement les sourcils. Ce jeudi midi-là, pile le jour où j'avais prévu un date Tinder avec Constantin. Constantin, le mec qui semblait cocher toutes les cases. Voyageur, drôle, un soupçon d'arrangance et juste assez séduisant. Il m'avait envoyé des photos de ses escapades en Norvège et des plats qu'il prenait au restaurant en photo. Un détail idiot, mais qui m'avait charmée. Bon, évidemment, je prends quelques secondes pour réfléchir, mais ma confiance professionnelle prend le dessus. Hey, désolé, je dois annuler jeudi un rendez-vous pro de dernière minute. Mais promis, on se rattrape bientôt. Sa réponse, elle tarde pas. Oh, trois petits points, dommage, point d'exclamation. Curieux ce rendez-vous, mais je comprends. On remet ça, alors. Petit smiley qui sourit. Il m'a même demandé, mais c'est quoi ce rendez-vous plus important que moi ? Alors naïvement, j'ai répondu, t'inquiète, en fait c'est un mec des services sociaux, il veut juste discuter de certains cas dans ma classe. Rien de très glamour, tu vois. Le jour J, je me retrouve du coup dans un petit café discret près de la station convention. C'est étrange, d'habitude on fait toujours les rendez-vous à l'école ou alors à l'inspection, mais là c'est dans un café. Moi évidemment j'arrive toujours avec 2-3 minutes d'avance parce que je déteste être en retard. Lui il arrive pile à l'heure, dans son costume toujours impeccable, très sombre. Et il m'adresse en sourire léger mais distant en s'installant en face de moi. Merci d'avoir accepté ce rendez-vous. Pas de soucis, vous vouliez parler de mes élèves ? Oui, de ce fameux Pareschi, Lucas Pareschi. Il prononce son nom avec une précision qui me donne des frissons. Pourquoi Lucas ? Qu'avait-il de si particulier pour attirer l'attention de cet homme ? Alors je lui réponds que Lucas est un bon élève, il est assez discret, il semble s'intégrer sans problème. Et là, il m'interrompt. Et ses talents linguistiques, vous avez mentionné qu'il parlait plusieurs langues. Et là j'avoue, je suis un peu déstabilisée. Je me demande pourquoi cet homme, qui est censé être un expert de la fracture sociale de la mairie de Paris, s'intéressait-il autant ? aux compétences linguistiques d'un gamin de 9 ans. Alors je lui réponds, oui, il est très doué, il a surpris tout le monde en parlant arabe l'autre jour, et je crois qu'il connaît aussi un peu d'allemand. Là, M. Riegel, il note quelque chose dans son carnet, et son regard se faisait un petit peu plus perçant. Et son père, vous avez eu des échanges avec lui ? Euh non, j'en ai pas... pas vraiment, c'est la directrice qui s'en est occupée. Les inscriptions, de toute façon, à l'école se font à la mairie. Alors là, il acquiesce lentement. C'est comme si mes réponses confirmaient une théorie qu'il gardait pour lui. Il y a un petit silence, quand même. Je déteste les blancs et il reprend un travail remarquable, madame. Mais je vous demanderai de rester attentive et discrète. Tout n'est pas toujours ce qu'il semble être. Son ton, plus grave, me donne l'impression qu'il essaie de m'alerter sans trop en dire. Il se lève avant que je ne puisse poser d'autres questions et me laisse avec un billet de 10 euros pour payer mon café. Afin que je règle l'addition et il disparaît dans la... Bah. Ce soir-là, je rentre chez moi un peu perplexe. Marcel, mon fidèle et plus Ausha, m'accueille en sautant sur mes genoux. Alors je me laisse un petit peu tomber sur le canapé. Enfin, le canapé, c'est mon lit puisque c'est un appartement parisien et que j'ai pas beaucoup de place. Et je lui fais des câlins. Et là, mon téléphone clignote, il sonne, j'ai reçu un message de Constantin. Alors ce rendez-vous pro, tu as fait sensation ? Smiley avec la petite langue qui sort. Je souris mais mon esprit est quand même ailleurs. Pourquoi Lucas ? Pourquoi moi ? Et surtout, qu'est-ce que M. Riguel cherchait vraiment ? La suite, au prochain épisode.

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