#78 - Représenter la nature en entreprise : utopie ou nécessité ? Avec Frantz Gault cover
#78 - Représenter la nature en entreprise : utopie ou nécessité ? Avec Frantz Gault cover
É.vie.demment - Les mille et une facette de l'écologie - Ecolo imparfaite - Eco anxiété - Coach

#78 - Représenter la nature en entreprise : utopie ou nécessité ? Avec Frantz Gault

#78 - Représenter la nature en entreprise : utopie ou nécessité ? Avec Frantz Gault

52min |18/02/2025
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#78 - Représenter la nature en entreprise : utopie ou nécessité ? Avec Frantz Gault cover
#78 - Représenter la nature en entreprise : utopie ou nécessité ? Avec Frantz Gault cover
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#78 - Représenter la nature en entreprise : utopie ou nécessité ? Avec Frantz Gault

#78 - Représenter la nature en entreprise : utopie ou nécessité ? Avec Frantz Gault

52min |18/02/2025
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Description

Le monde de l'entreprise a toujours fasciné Frantz alors que la nature pas vraiment.


Pourtant, il va lui dédier plusieurs années de sa vie pour trouver les réponses à ses questions :

  • Qu'est ce que la Nature ?

  • Comment voit-on les non humains chez les indigènes ?

  • Comment donner la parole à la Nature au sein des entreprises ?

  • Comment la représenter au sein des organisations ?


Puis lorsqu'il a eu fini de donner les réponses à travers son livre : "La nature au travail, collaborer autrement avec le vivant".
La mise en place de la théorie a vu le jour avec l'entreprise Norsys.


Thomas Breuzard, directeur permaentreprise chez Norsys a été un bon élève qui a repris exactement les ambitions du livre de Frantz mais en y intégrant un petit truc en plus : le droit de véto !

Et ça fait toute la différence.


Un échange inspirant qui nous prouve que les règles peuvent être changées au sein même des organisations.
Que rien n'est figé. Que l'espoir est bien présent.


Chapitres :

  • Frantz et son rapport distant à la nature

  • Comment son livre a bouleversé sa vision du vivant

  • Norsys s’inspire du livre et passe à l’action

  • Intégrer la nature aux décisions avec un droit de veto

  • L’écologie : une question de choix et de valeurs

  • Quels impacts et perspectives pour demain ?


Liens de Frantz Gault :


Liens de E.vie.demment :

Soutiens-moi : E.vie.demment – Tipeee

Si tu veux un coaching : Calendly - Amélie AUJARD

É.vie.demment (@e.vie.demment) • Photos et vidéos Instagram


Un podcast qui permet de répondre à vos questionnements, envies, besoins, peurs, colères, frustrations liés à l'écologie en vous transmettant de la joie, de l'espoir, des bonnes idées et des conseils.

Si tu es éco-anxieux(ses), que tu as envie de changer le monde ou ton monde, que tu as un projet à impact en tête, en cours ou déjà florissant ou si tu es tout simplement curieux(ses) alors bienvenue sur E.vie.demment !!

Tu auras tous les mardi dans tes oreilles, un.e éco-témoins parlant de son aventure écologique, un.e expert.e en écologie intérieure ou extérieure mais aussi mes tips de coach ainsi que mes propres expériences.


Je te donne rendez-vous sur É.vie.demment tous les mardi pour des tonnes de minutes de partage. 🍀☀️


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Frans !

  • Speaker #1

    Bonjour Amélie !

  • Speaker #0

    Je suis ravie de t'avoir dans mon podcast aujourd'hui. On va parler de la nature au travail. Mais avant ça, je vais d'abord te poser une première question. Comment vas-tu si je te parle d'écologie ?

  • Speaker #1

    Oulala, ça commence fort comme question. Écoute, pour être honnête, je me sens misanthrope. Voilà, misanthrope parce que je pense que les humains font n'importe quoi. En tout cas, les modernes que nous sommes, nous faisons n'importe quoi. Mais au fond, ça dépend de la définition qu'on donne au mot écologie. Écologie, c'est, si mon latin est à peu près potable, c'est oikos. Donc c'est la règle du logis, du domaine, de la maison. Bref, c'est notre milieu, notre habitat. Et en fait, la planète Terre n'est pas que notre habitat. Donc nous sommes peut-être en train de détruire notre habitat, et c'est bien dommage pour nous, mais nous ne sommes pas en train de détruire la Terre. qui restera habitable pour d'autres espèces. Donc, c'est une histoire de point de vue.

  • Speaker #0

    Oui, et c'est vrai que beaucoup dans nos podcasts, on me rappelle ça. C'est pour les humains, en fait, qu'on est en train de faire quelque chose, parce que la planète, elle, elle s'en sortira d'une autre manière.

  • Speaker #1

    C'est ça, et j'ai coutume de dire que, tu vois, par exemple, on s'inquiète beaucoup du réchauffement climatique, et à raison, puisque chaque jour vient avec son lot d'incendies et de crues dévastatrices. Mais il y a des espèces qui se réjouissent du réchauffement climatique. Le frelon asiatique prospère grâce au réchauffement climatique. Donc, bon, c'est vraiment une histoire de point de vue. C'est toujours important de se le rappeler. C'est vraiment dommage pour nous, pour nos enfants, nos petits-enfants. Mais la vie continuera sur Terre.

  • Speaker #0

    C'est poétique. J'aime bien. Et quel est ton parcours dans le milieu du vivant, dans l'écologie ? t'arrives jusqu'à l'écriture de ce livre ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller voir d'un peu plus près cette nature ?

  • Speaker #1

    Écoute, c'est un parcours assez atypique par rapport à d'autres personnes que tu interviews parce que moi, si on s'était parlé il y a cinq ans, je n'avais jamais ouvert un bouquin d'écologie, je ne m'étais jamais trop préoccupé de la planète si ce n'est que j'avais conscience qu'il fallait faire le tri et couper le robinet quand on se brosse les dents mais donc vraiment le... Si tu veux, le cadre supérieur parisien typique. J'étais avant... En fait, je suis sociologue des organisations. Donc, j'ai été consultant en organisation pendant longtemps. Et je mettais cette compétence au service d'un premier combat. Puisque c'était un combat à l'époque qui était le télétravail. Et puis, c'est vrai que vers 2019-2020, j'ai été fatigué de ce sujet du télétravail. Il s'était démocratisé. Je me suis dit, cette compétence, sociologie des organisations, qu'est-ce que je peux en faire ? Évidemment, le sujet de l'écologie passe devant mes yeux. Je l'avais complètement raté. Honte à moi, désolé les auditeurs. Par contre, je prends conscience de la gravité de la situation, mais je prends aussi conscience de la nullité des solutions qui sont offertes en librairie, en théorie, dans les milieux académiques. Autrement dit, entre la catastrophe annoncée par les scientifiques Donc l'anthropocène d'un côté, la sixième extinction de masse, et puis ce que j'appelle du petit gestisme. Donc je rigolais tout à l'heure sur l'histoire de couper le robinet quand on se brosse les dents, mais si tu veux c'est la même chose pour les entreprises, pour l'économie. Toutes les initiatives visant un petit peu à verdir la production, à arrondir les coins, en fait ne sont pas du tout à la hauteur de la situation. Et donc je me suis dit, il faut que j'écrive un livre, il faut que j'écrive un livre, pour inventer des nouvelles. façon de penser l'économie, il n'y avait rien. Il fallait combler ce vide, cet angle mort. C'est comme ça que je suis arrivé sur le sujet de l'écologie. Mais le chemin est un peu plus long et je ne veux pas fatiguer d'emblée les auditeurs en racontant ma vie trop longtemps, mais j'ai rencontré évidemment Philippe Descola sur mon parcours, qui a eu une grande influence, beaucoup de travaux aussi, chez les peuples premiers, comme il est coutume de dire par chez nous, les indigènes, pour parler concrètement. Voilà, et c'est aussi beaucoup de rencontres qui m'ont aidé à formuler ma propre pensée de l'écologie.

  • Speaker #0

    Ces rencontres, c'est que tu voulais avoir des nouveaux points de vue, te confronter au réel, au vivant directement. Qu'est-ce qui a fait que tu as eu cette démarche d'aller rencontrer, plutôt que d'apprendre directement via ce qu'on peut avoir via, aujourd'hui, les réseaux, Google, etc.

  • Speaker #1

    Écoute, c'est une démarche philosophique, au fond. C'est-à-dire que, en fait, je ne trouvais... Pas satisfaction dans les théories, dans la littérature, je viens de le dire. Par contre, j'ai trouvé quelqu'un d'extrêmement intéressant, c'est Philippe Descola. Philippe Descola qui nous dit que la nature, ça n'existe pas. Et qu'on fait fausse route en essayant de sauver la nature. On peut dire planète, on peut dire vivant, on peut remplacer nature par d'autres termes, c'est le même problème. Et donc, Philippe Descola, c'est de l'anthropologie. L'anthropologie, c'est... un peu d'études de terrain, mais c'est aussi une forme de philosophie, de ce que veut dire être humain. Et donc, comme c'est un peu difficile à comprendre, je me suis dit, il faut que j'aille moi-même sur le terrain, voir comment pensent ces indigènes pour qui la nature n'existe pas. Effectivement, moi je me souviens, c'est une anecdote que j'aime bien raconter, c'est qu'à cette occasion, j'avais fait un documentaire qui s'intitule Natura Naturans, et lorsqu'on parlait en espagnol, qui était la lingua franca pour communiquer entre nos deux peuples. Et lorsqu'il parlait de nature, il disait la humanidad. Et quand j'ai diffusé le documentaire, les gens me disaient mais Franz, c'est quoi les traductions, les sous-titres que tu as mis ? Parce que humanidad, ça veut dire humanité. Sauf que pour eux, les indigènes, humanidad, ça veut dire la nature. Parce que tous les êtres vivants sont des personnes, et donc l'humanité, ce ne sont pas seulement les humains, ce sont aussi les non-humains. Tout ça forme une grande population d'êtres qui ont des rapports, d'équivalence, de respect, etc. Et donc c'est là qu'on plonge dans un nouveau point de vue. Un nouveau point de vue qui consiste à ne plus considérer cette fameuse nature comme quelque chose d'un peu lointain, et surtout comme une marchandise, une chose, mais considérer ces êtres vivants non humains comme des personnes. Et c'est ça, moi, le point de départ, la base de toute ma théorie, de toute... mes propositions pour l'entreprise, c'est-à-dire on arrête de considérer la nature, entre guillemets, comme une chose, comme une marchandise, comme une matière première.

  • Speaker #0

    Et donc là, la première entre guillemets problématique, c'est qu'est-ce que la nature ?

  • Speaker #1

    Est-ce que tes auditeurs ont 7 heures devant eux pour… ? La nature, c'est une invention de la modernité, donc c'est nous. C'est une invention qui date, voilà, c'est quelque part entre… La renaissance, c'est la révolution industrielle, c'est lié à l'essor notamment des sciences. La nature, c'est donc la séparation entre ce qui est humain d'un côté et qu'on considère comme sacré, comme doté d'une intelligence, d'une âme, d'un esprit. Et puis de l'autre côté, le reste, qu'on prive de sacré, qu'on prive d'âme, qu'on prive d'intelligence et on considère que c'est, ce que j'ai dit, de la matière. régi par des lois, des lois scientifiques, ce sont les sciences naturelles, d'accord ? Et donc ça crée un grand schisme, si tu veux, et surtout un grand déséquilibre entre d'un côté quelque chose qui serait sacré, l'humain, et puis de l'autre, de la pauvre matière. Donc c'est ça la nature, c'est une invention de nous autres, les Européens, et cette façon de voir le monde s'est malheureusement répandue un peu partout sur la planète. Mais il persiste quelques villages d'irréductibles indigènes, non pas de Gaulois, qui continuent de penser autrement les choses. Et c'est là que l'avenir peut être envisagé autrement que ce qu'on fait aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Parce que toi, en tout cas dans le livre, tu parles de trois angles que tu as, grâce à des personnes que tu as pu rencontrer et qui permettent de repenser l'entreprise. Je ne sais pas si tu les as rencontrées réellement. Je sais que tu as rencontré un peuple d'indigènes, mais je ne sais pas si tu les as... Ces trois angles rencontrés aussi, c'est plus par tes lectures et peut-être ta collaboration avec... J'ai perdu son prénom, Pierre Descola.

  • Speaker #1

    Philippe Descola ? Non, non, je n'ai pas rencontré tous les peuples premiers, ne serait-ce que parce que le bouquin a été écrit en partie pendant la phase des confinements et du Covid. Et puis, ça a été autoproduit, ce bouquin. Donc, si tu veux aller dans le... Kimberley, dans le nord-ouest australien, ça coûte extrêmement cher. Mais néanmoins, j'ai fait en sorte de parler de peuples premiers que j'avais pu rencontrer d'une façon ou d'une autre dans mon histoire de vie. Par contre, j'ai passé énormément de temps en Amazonie. J'ai passé plusieurs mois en Amazonie. Et donc effectivement, il existe différentes... Ta question c'était, il existe d'autres façons de penser le monde qu'en recourant au prisme de la nature ? D'accord. C'est ça. Et toi,

  • Speaker #0

    tu en as trouvé trois.

  • Speaker #1

    Alors, ce n'est pas moi qui les ai trouvés, puisque c'est le prisme, c'est la grille de lecture de Philippe Descola. de dire que nous autres avons inventé la nature et c'est comme ça qu'on se relie au monde, mais il existe trois alternatives. Une première alternative, c'est celle que j'ai évoquée par le biais d'une anecdote, quand je parlais de l'humanité chez les indigènes d'Amazonie. En Amazonie, dans l'univers animiste, chaque être vivant est considéré comme équivalent à un être humain. Ce qui veut dire qu'il est... comme un être humain, intelligent, doté d'une âme, d'un esprit, de quelque chose qu'on appelle l'intériorité. Ce n'est pas juste de la matière, il y a aussi quelque chose dans sa tête, j'ai envie de dire. Ça veut dire que le poireau, le manioc, l'arbre, le serpent, tout ce que tu veux sont des êtres vivants, qui seraient chez nous considérés comme des citoyens, qui devraient voter en politique, qui devraient avoir un compte en banque, etc. Donc ça, c'est une première... alternative, philosophique. Et je dois dire que c'est celle qui emporte peut-être mon adhésion, mon envie. Et c'est celle qui produit des résultats assez extraordinaires en termes de protection de la nature, entre guillemets. Parce que quand on va en Amazonie, pas besoin de faire un dessin, on voit bien que l'état des écosystèmes, pour le dire comme ça, est super. Je ne sais pas si tu veux que je déroule les trois philosophies de la nature ou comment tu veux...

  • Speaker #0

    Tu déroules les deux autres parce que je les trouvais super intéressants dans ce que j'ai pu lire et ça permet de voir une autre approche de ce lien avec la nature que nous, d'une certaine manière, on a complètement oublié.

  • Speaker #1

    Oui, qu'on a complètement oublié et ce qui est parfois, je trouve, inquiétant, c'est qu'on continue d'oublier activement et on pense avoir la vérité, en quelque sorte, tu sais, quand on défend l'écologie, quand on défend la... planète et qu'on prend des drapeaux et qu'on va manifester dans la rue mais mais en fait on oublie qu'il ya plein de façons de penser les choses qui peut-être fonctionne mieux que ce qu'on va aller défendre jour le jour et du coup ça ça m'amène d'ailleurs à la deuxième philosophie ce que la deuxième philosophie c'est celle qu'on commence à adopter chez nous c'est une philosophie qui pense la nature enfin qui pense le monde sous l'angle des systèmes c'est à dire plutôt que de donner de la valeur à chaque être vivant on va donner de la valeur aux grandes structures, aux grands équilibres. Et c'est là qu'on va retrouver les écosystèmes, le système Terre, c'est là qu'on va retrouver les neuf limites planétaires. Les neuf limites planétaires, ce sont des indicateurs de l'équilibre du système Terre. Ça veut dire qu'en fait, on se désintéresse au fond des individus que sont les êtres vivants. Et il n'y a pas de souci, c'est une philosophie qui existe depuis longtemps, et qui nous vient notamment de... de l'Inde brahmanique, de la Chine ancienne. On se désintéresse de chaque être vivant pour s'assurer simplement que le système reste à l'équilibre. Parfois, ça veut dire sacrifier. Quand il y a une surpopulation de frelons asiatiques, on va les sacrifier parce qu'on estime qu'il faut maintenir l'équilibre. Et ça, c'est la façon qu'on a de voir les choses, mais qui, moi, m'inquiète un peu parce que chez nous, en tout cas, elle est appropriée de façon... très anthropocentrique. Si je reprends les neuf limites planétaires, on est vraiment... En fait, si on prend l'article originel qui a été publié par le Stockholm Resilience Center, on est sur neuf limites planétaires pour sécuriser un espèce de vie pour les générations futures. Donc en fait, ce qui nous intéresse dans cette histoire, c'est l'humain est toujours l'humain. Et on ne change pas de logiciel. Et ça, ça m'inquiète. Parce que... derrière une bonne parole écologique, finalement on perpétue l'anthropocentrisme des modernes. Et ça m'amène du coup à une troisième et dernière philosophie de la nature, qui est intermédiaire. L'intermédiaire c'est de se dire qu'entre le respect qu'on va donner à chaque être vivant d'un côté, ou alors le respect au grand système de l'autre, est-ce qu'il n'y a pas une entité un peu entre l'infiniment petit d'un côté et l'infiniment grand de l'autre ? Cette entité intermédiaire, C'est ce qu'on pourrait appeler vulgairement chez nous le territoire, mais le bon terme c'est écoumène. L'écoumène c'est une communauté, communauté locale, réunissant des humains et des non-humains, que ce soit des pierres, des rivières, des poireaux, des maniocs, et c'est une communauté qui est interdépendante un peu comme l'est une famille. Et c'est ça qui est sacré dans cette troisième philosophie de la nature, c'est le local j'ai envie de dire. Je ne m'attarde pas plus longtemps sur ce point, mais ça permet d'avoir un petit panorama des alternatives.

  • Speaker #0

    Toi, dans l'idée, est-ce que tu aimerais... Tu veux que l'entreprise fasse avec la nature ? Ce serait plutôt en lien avec la dernière que tu viens de nous parler, qu'elle fasse famille ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est une question qui n'est pas facile. C'est-à-dire que pour moi, une philosophie de la nature ou une autre, c'est une forme de foi, de croyance. Il n'y a pas de bonne ou mauvaise. Il y en a qui sont plus efficaces d'un point de vue écologique. et notamment la première et la troisième, l'animisme et le totémisme, ça s'appelle. Il y en a qui sont nettement moins efficaces. Penser la nature sous l'angle des systèmes, que ce soit dans l'Inde brahmanique ou dans la modernité que nous vivons, ça donne des résultats catastrophiques malheureusement. Donc j'ai des préférences, mais ça relève d'un choix presque philosophique ou spirituel. Et donc moi, je n'impose pas aux entreprises. une philosophie de la nature ou une autre. Par contre, toute ma démarche, elle s'appuie sur ce que j'ai souligné tout à l'heure comme être un point de départ. C'est-à-dire la nature n'est pas une chose, n'est pas une marchandise, n'est pas une matière première. Et donc quand on choisit une philosophie de la nature, forcément on choisit une nature qui devient sujet, qui devient plus ou moins personne, une nature qui prend la parole, une nature qui a les intérêts. C'est ça moi que je porte. quel que soit ce qu'on met derrière le mot nature.

  • Speaker #0

    Et comment on collabore avec la nature ?

  • Speaker #1

    Alors ça, aujourd'hui, on collabore. J'ai envie de dire, aujourd'hui, c'est une relation d'esclavagisme, mais c'est encore trop gentil pour décrire la relation. En fait, aujourd'hui, notre relation à la nature, elle est essentiellement sous l'angle du travail. C'est-à-dire que même si parfois on va visiter la nature, le week-end ou en vacances, même si parfois on va essayer de se reconnecter à la nature, 90%, 95% de nos relations avec la nature passent par l'angle de l'économie et du travail. Et dans cette relation laborale, dire esclavage est encore trop gentil, parce qu'aujourd'hui, je veux dire, les esclaves, historiquement, avaient plus ou moins des droits. Tu vois, on ne pouvait pas tuer un esclave au Moyen-Âge ou dans l'Ancien Régime. Je ne sais pas que la situation d'esclave était enviable, mais aujourd'hui, la bonne métaphore serait plutôt celle des camps de concentration. Elle ne vient pas de moi, elle vient d'auteurs qui nous disent que quand on regarde le sort d'une forêt, quand on regarde le sort des poussins qui servent à faire nos nuggets et qui sont broyés vivants dans des machines, bon, ce n'est plus de l'esclavage, tu vois, c'est vraiment... Un camp de concentration et même cette métaphore est presque encore trop douce pour décrire la façon dont on collabore avec les non-humains aujourd'hui. Mais ce n'était pas ta question.

  • Speaker #0

    Ma question c'était comment on va collaborer aujourd'hui en entreprise avec la nature ? Qu'est-ce qu'on peut mettre en place ? Je sais qu'il y a plusieurs exemples qui existent à travers plusieurs entreprises. Et notamment une dernière il n'y a pas si longtemps où tu es un acteur prédominant. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu, via les exemples que tu proposes, qu'est-ce qu'on peut faire en entreprise pour que la nature ait une voie ?

  • Speaker #1

    Oui, donc merci de ta question. Il y a tout à réinventer. Et donc, quand tu me poses la question, comment on collaborerait au conditionnel demain, dans un monde idéal, je n'ai pas encore résolu entièrement l'affaire. Il faudrait non pas écrire un bouquin de 250 pages, mais plutôt un bouquin de 2500 pages pour répondre proprement à la question comment travailler demain avec la nature. Par contre, moi, ce que j'offre, c'est une première pierre, une première étape pour transformer le rapport. Et cette première pierre, c'est la gouvernance. La gouvernance qui, aujourd'hui, est une gouvernance qui donne la parole exclusivement aux humains, en priorité aux actionnaires. D'accord ? C'est-à-dire aux détenteurs du capital, et puis dans notre pays, mais ça dépend des pays, un petit peu aux salariés. Un tout petit peu, parce que... voilà. Et ça, c'est l'angle des syndicats, c'est le rôle des syndicats. Mais tu vois, c'est une gouvernance qui est exclusivement dédiée aux intérêts des humains, qui se regardent entre eux, dans le blanc des yeux, en se disant « moi je veux ça, l'autre il veut ça » , et puis on se bat, et puis... Donc moi, ce que je fais, c'est tout simplement, je rajoute une chaise, pour le dire bêtement, je rajoute une chaise en disant, eh bien, donnons maintenant la parole à la nature. Alors cette chaise, elle peut être rajoutée à différents endroits dans l'entreprise, différents organes dans la gouvernance. Au niveau du dialogue social, c'est-à-dire que les syndicats prennent aujourd'hui la parole pour défendre les intérêts humains. Demain, je propose qu'ils défendent aussi les intérêts des non-humains. Mais cette nouvelle chaise, on peut aussi la rajouter au niveau du comité de direction et voir encore mieux, c'est mon scénario favori et ça je l'assume, au niveau du conseil d'administration. Parce que je l'ai dit, le pouvoir souverain, le pouvoir ultime en entreprise, il est... du côté des actionnaires. Et donc, moi, ce que j'essaye de faire, c'est ce que je fais d'ailleurs chez Norcis, dont on parlera peut-être tout à l'heure, c'est de rajouter une chaise à la table des actionnaires, au conseil d'administration, de façon à ce que la nature ait une voix puissante en entreprise.

  • Speaker #0

    Ça, j'ai vraiment beaucoup aimé dans ce que j'ai pu lire et voir sur ça, c'est comment tu as décortiqué chaque pouvoir au sein de l'entreprise. Et en fait, la manière dont la nature aura plus ou moins la parole. Et donc, à la fin, se dire, c'est les actionnaires aujourd'hui dans nos entreprises qui ont le pouvoir. Et donc, si on ne met pas la nature au sein même des actionnaires, eh bien, en fin de compte, oui, on l'entendra, mais on ne sera pas obligé de suivre ce qu'elle dit. Et aussi, ce que j'ai pu lire aussi, c'est qu'il y avait aussi possiblement, si on prend Patagonia, par exemple, je ne sais pas si c'est... Je crois qu'il est dans les actionnaires, mais sans droit de vote.

  • Speaker #1

    C'est ça. Patagonia est un très bel exemple. Je vois d'ailleurs que tu portes une tout doune Patagonia. Félicitations. C'est de circonstance. Patagonia est un cas qui est extrêmement important dans l'histoire de notre sujet parce que, déjà on est en 2022. C'est une des entreprises vraiment précurseurs. Avant ça, il y a eu des entreprises belges qui ont fait des choses intéressantes. On pourra en reparler si tu veux. Mais Patagonia, ce que fait Yvon Chouinard, le patron fondateur, c'est de dire, je crois qu'on est le 22 septembre, quelque chose comme ça, communiqué de presse et il dit « la nature est désormais notre seul actionnaire » . Et effectivement, incroyable, Yvon Chouinard a légué 98% du capital de son entreprise, on parle de millions, de milliards d'euros, de dollars en l'occurrence, à une fondation qui a pour objectif de défendre, protéger la nature. Donc on a bien une nature qui effectivement touche des dividendes, d'accord ? Parce qu'elle est actionnaire, chacun va toucher 100 millions, 200 millions de dollars de dividendes. Et donc ça, c'est un premier aspect de ce que ça veut dire être actionnaire, d'accord ? Et c'est très bien. Sauf qu'être actionnaire, ça veut aussi dire, en temps normal, détenir des actions et donc des droits de vote. Et ça, c'est un peu dommage, mais Patagonia n'a pas été jusque-là. C'est-à-dire que les 98% dont je parle là, du capital, ce sont des actions sans droits de vote. Et c'est pour ça qu'on parle de 98%, parce qu'il reste 2% qui sont là, les actions avec droits de vote, et celles-là, Yvon Chouinard les a gardées. Donc au fond, le patron, ce n'est pas la nature, c'est toujours le même, mais ce n'est pas grave, c'était un beau geste. Mais c'est là que le cas Nord 6 devient encore plus impressionnant, puisque chez Nord 6, la nature est devenue actionnaire. Alors on ne parle pas de 98%, on parle de 10%, sauf que la nature dispose cette fois-ci d'un droit de vote, mais aussi et surtout d'un droit de veto. Et ça, c'est du jamais vu dans l'histoire. de la modernité, j'ai envie de dire, la première fois que dans une entreprise, on donne à la nature un droit de veto sur les décisions stratégiques.

  • Speaker #0

    Dans ce que j'ai pu lire sur Narcisse, en fait, c'est une représentation multiple de la nature pour que ce soit un contre-pouvoir. Et si j'ai bien compris, n'hésite pas à me dire si je me suis trompée, mais c'est qu'en fait, on va retrouver la nature dans le conseil d'administration, dans un conseil d'éthique. Dans le comité de mission, le CSE, il y a aussi un comité de pilotage. Et en fait, toutes ces personnes, après, derrière, elles vont former un haut conseil de la nature. Et comment ça fonctionne exactement, vu qu'ils sont plusieurs ? Est-ce que, d'une certaine manière, il y a une personne qui a un dernier mot ? Est-ce que ça se fait au vote ? Comment ça se passe exactement ? Et comment on recrute aussi ces personnes-là ? Je ne sais pas qu'elles aient un... un lien économique, on va dire, avec l'entreprise et donc potentiellement pas forcément envie d'être une voie complètement neutre sur la nature.

  • Speaker #1

    Eh bien, que de questions. Donc, full disclosure, comme on dit en anglais, il faut que les auditeurs soient informés que c'est moi qui représente la nature au conseil d'administration. Et ça explique pourquoi je peux apporter des détails sur le canorcice. Comment on les recrute ? Eh bien, figure-toi qu'on a fait, donc, avec le dirigeant de l'entreprise, donc lui et moi, nous avons rédigé une fiche de poste, une fiche de mission. en disant voilà ce qu'on attend des représentants de la nature. Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire voilà déjà quelle est notre définition de la nature, voilà notre philosophie de la nature, confère ce que j'ai dit tout à l'heure. Comme on a adopté cette philosophie-là, on a besoin de ces compétences-là. Et en l'espèce, les compétences que nous attendions, c'était une bonne connaissance des neuf limites planétaires. Parce que Narcisse a choisi de retenir la deuxième définition de la nature. Un petit peu la troisième aussi, mais je vais faire simple pour ne pas embrouiller l'esprit des lecteurs. Ça, c'était une première compétence qui était attendue et une deuxième compétence qui relevait cette fois-ci des solutions. C'est-à-dire, venez nous parler de quelles sont les solutions qui feraient plaisir à la nature. Quelles sont les solutions en termes d'informatique, parce que Norcy, c'est une boîte de services numériques. Quelles sont les solutions en termes de business model ? Qu'est-ce qu'il faut ? du régénératif, est-ce qu'il faut de la robustesse ? Tu sais, il y a plein de concepts à la mode. Donc voilà, on a cherché des profils et on a recruté des profils qui ont soit une compétence sur les limites planétaires, soit une compétence sur les solutions. Donc ça, c'est la première partie de ta question. La seconde partie touche, si mes souvenirs sont bons, à comment ça fonctionne. C'est, on parle de huit représentants au total. Chacun va avoir des pouvoirs spécifiques. parce que chacun siège dans une instance de gouvernance spécifique. Par exemple, le représentant de la nature qui siège au CSE, donc du côté des syndicats et des représentants du personnel, eh bien, ses pouvoirs sont ceux traditionnellement conférés par la loi aux représentants du personnel. Mon pouvoir, je l'ai déjà dit, c'est un droit de vote et un droit de veto sur les aspects stratégiques de l'entreprise. Donc chacun a un bout de pouvoir. Mais... effectivement, on se réunit tous dans un Haut Conseil, dans un Haut Conseil qui est présidé par une personne de l'entreprise que les auditeurs connaissent sûrement, qui s'appelle Thomas Brozard, et puis moi-même. Donc nous coprésidons et nous prenons des décisions de telle façon à ce que personne, c'est-à-dire ni moi, ni Thomas, n'allons parler en notre nom propre, au nom de la nature. Moi, ce que j'ai mis en place, et ça j'ai été assez ferme avec Narcisse sur ce point-là, c'est que je ne veux pas que X ou Y s'improvisent tout seuls représentant de la nature. Même s'il a des compétences, pour le faire, c'est jamais suffisant. Et moi, le premier, je dis, je ne suis pas Louis XIV. Je ne vais pas dire l'État, c'est moi. Je ne vais pas dire la nature, c'est moi. Et donc, les décisions ou les avis que les uns et les autres vont... poussés, sont en première instance discutés au sein de ce Haut Conseil de la Nature. Après, est-ce que c'est à la majorité ? Est-ce que c'est au consensus ? Ça dépend des sujets, quoi.

  • Speaker #0

    Mais à la fin, c'est toi qui prends la décision de mettre le veto.

  • Speaker #1

    Le veto, c'est effectivement moi en dernière instance. Ouais, t'as raison.

  • Speaker #0

    Après avoir écouté ce que... tout le monde a pu penser sur un sujet, a pu se dire, avoir trouvé des points d'entente, etc. Toi, à la fin, la décision, elle est entre tes mains de dire oui, c'est OK par rapport à ce qu'on s'est dit, ou alors, ben non, red flag. Et en fait, c'est veto.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, si tu veux, le veto, moi, je compare ça à l'arme nucléaire. C'est vraiment le... Quand on a tout essayé, qu'il n'y a plus aucune alternative, mais tu vois, on évite d'utiliser la bourbe nucléaire tous les quatre matins. Et le veto, c'est un peu pareil, parce que l'objectif, c'est vraiment de faire évoluer les positions de l'entreprise, de négocier aussi. Parce que l'idée d'exercer son droit de veto, ça veut dire qu'il n'y a plus de discussion, il n'y a plus de négociation, tu vois. Or... C'est toute la philosophie de mon projet, c'est qu'entre nature et entreprise, entre non-humain et humain,

  • Speaker #0

    Il faut discuter. Tu vois, il y a des intérêts qui ne vont pas dans le même sens. Le poussin veut vivre. Nous, on veut manger un nugget. Ça, c'est des intérêts concurrents. Il faut en discuter. Et c'est un très mauvais exemple parce que pour faire un nugget, il faut assassiner, on va dire, un poussin. Mais ce que je veux dire, c'est que quand on parle de veto, il n'y a plus de discussion. Et ça, pour moi, c'est problématique et ce n'est pas la philosophie de la façon dont j'appréhende le sujet. Surtout que mettre un droit de veto... Si je l'utilise trop souvent, en plus, derrière, il faut se souvenir qu'il y a des salariés. Norcy, ce n'est pas une petite entreprise de 40 personnes, c'est 800 salariés. Et tu vois, les droits de veto peuvent avoir, enfin, le droit de veto peut avoir des conséquences sur, tu vois, l'emploi. Derrière, c'est des salariés, c'est des familles, etc., etc. Donc, tu vois, il faut utiliser ce pouvoir avec modération.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as la responsabilité, mais est-ce que... Si, par exemple, je veux dire franchement, est-ce que tu peux te faire virer parce qu'en fin de compte, après, tu fais partie du conseil d'administration, peut-être pas. Comment ça se passe exactement si, en fait, à un moment donné, l'entreprise, vous n'êtes plus en accord ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Écoute, mon mandat, il est de trois ans. Un mandat de trois ans. Les autres représentants de la nature ont un mandat de deux ans. Comment ça se passe concrètement ? Il faudrait rentrer dans la technique juridique, ce qui risque d'endormir nos auditeurs. Mais techniquement, le président de la fondation actionnaire me délègue ses pouvoirs pour une durée d'un mandat de trois ans, etc. Donc oui, on peut imaginer qu'il y ait une révocation de cette délégation de pouvoirs. Donc pour répondre à ta question, oui, on peut imaginer que je me fasse virer en quelque sorte. Mais si tu veux, c'est... C'est quand même gravé dans le marbre. C'est-à-dire que même si moi je pars, quelqu'un d'autre devra venir me remplacer. Ça, c'est le premier point. Et je pense que c'est important de le souligner parce qu'à nouveau, ce n'est pas moi la nature. Je ne suis pas... Et donc, peut-être si on me vire demain, c'est peut-être parce que j'aurais mal fait le job, et que Narcisse voudra quelqu'un qui soit encore plus engagé que moi. Et donc, on est bien dans une institution. Ce n'est pas une... personne qui est importante, c'est une institution qui va perdurer par-delà les têtes qui passent. Je ne sais plus, j'ai oublié ta question en fait. Oui, je peux me faire virer, voilà.

  • Speaker #1

    Si un jour vous n'êtes plus en accord, en gros, comment ça se passe ? Et là, tu vas expliquer. Et en fait, si j'ai bien compris, en fin de compte, à la base, c'est un travail de fond avec l'entreprise pour savoir quelle est sa manière de voir la nature, l'écologie, ses croyances, où est-ce qu'elle a envie d'aller. Et donc, ce qui fait que chaque entreprise, si elle décide de mettre en place la même chose, en fin de compte, ce ne sera même pas la même chose parce qu'il y aura d'autres croyances, il y aura d'autres envies, etc.

  • Speaker #0

    Je suis perturbé par ta question sur me faire virer. Du coup, ça continue de mijoter dans ma tête. En fait, je me dis non, non, mais je viens de trouver une meilleure réponse. Du coup, s'ils veulent me virer, je peux utiliser mon droit de veto en disant je ne suis pas d'accord. Bref. Trêve de plaisanterie, trêve de plaisanterie. Oui, je te disais tout à l'heure, en fait, Norsi, c'est une entreprise d'informatique, enfin de services numériques, et donc forcément, sa relation avec la nature, elle est systémique, j'ai envie de dire, parce que pour faire tourner un service informatique, il faut des ordinateurs avec des métaux qui viennent d'Amérique latine, d'Afrique, il faut des serveurs qui sont dans des zones froides, il faut... Assez naturellement, si le jeu de mots m'est permis, Narcisse s'est orienté vers une approche systémique de la nature. Mais prenons l'exemple d'une spa, d'une boîte. En Belgique, par exemple, on parlera peut-être de ce qu'ont fait nos amis belges, mais en Belgique, une boîte qui s'appelle Copain ou Dandois, d'un côté c'est boulangerie et de l'autre c'est production de spéculoos, tu sais, les petits gâteaux. Et en fait, là, on est dans de l'agroalimentaire. Et l'agroalimentaire, tout de suite, on est beaucoup plus relié à du territoire. Parce que pour produire du pain, il faut du blé. Il faut ensuite des centres de production et puis des milieux de vente. Et donc, je parle à titre d'exemple et il faudrait que c'est... On peut très bien imaginer que là, on soit dans une troisième philosophie de la nature, celle qui est beaucoup plus territoriale. Tu sais, où je te disais, c'est communauté d'humains et de non-humains interdépendants. Donc oui, c'est à adapter en fonction de chaque entreprise.

  • Speaker #1

    Donc c'est vraiment une co-construction, une créativité qu'on ajoute à l'entreprise ? Oui.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important parce que quand on touche à la gouvernance, c'est un sujet extrêmement sensible. En fait, on touche au pouvoir, on touche à des gens qui ont mis leur vie, parfois, leur argent. On touche à des gens qui ont gravi durement les échelons pour arriver tout en haut de la hiérarchie. On touche aux égaux, on touche aux... Tu vois, c'est des sujets... C'est pas facile de transformer la gouvernance. Donc oui, moi, mon parti pris, c'est de dire, il y a des solutions. sur étagère, des solutions qu'on peut tout de suite mettre en place sans trop réfléchir. Mais si on veut aller un cran plus loin, il faut effectivement co-construire avec l'entreprise. Et la partie de croyance ou de philosophie, elle est extrêmement importante. Et ça prend du temps, figure-toi. Parce que c'est ce que je disais tout à l'heure, on baigne dans une forme, désolé d'utiliser ce mot-là, mais de... de pensée unique sur ce qu'il faudrait faire en matière d'écologie, qu'on fasse les neuf limites planétaires, par exemple. Mais il est important de prendre du recul, tu vois, et de se dire qu'il y a d'autres façons de procéder. Les résultats sont même meilleurs dans ces autres façons de procéder. Donc, voilà, faisons notre propre philosophie de la nature.

  • Speaker #1

    Et là, tu es dans le conseil d'administration depuis quand ?

  • Speaker #0

    Écoute, c'est récent. Donc, j'ai été nommé le début novembre. Je crois que c'était le... 10 ou le 12 novembre. Et en fait, le gros du travail a été jusque-là le recrutement des autres représentants de la nature. Donc, pour le moment, on n'a pas encore entamé les travaux. On n'est pas encore rentré dans le dur. Même si, figure-toi, sur la question du recrutement des représentants, il y avait déjà des désaccords, tu vois. Donc, je n'ai pas utilisé mon veto, évidemment, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, tu vois, mais on avait des petits désaccords. Donc, rien que sur ce point-là, tu vois, c'est déjà... C'est déjà un vrai travail que de représenter la nature.

  • Speaker #1

    Et tu as parlé plusieurs fois de nos amis belges. Qu'est-ce que tu as envie de nous dire sur eux ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ?

  • Speaker #0

    Ils n'aiment pas que je les appelle amis belges ou camarades belges. S'ils écoutent le podcast, excusez-moi. En fait, ce sont mes collègues. Mes collègues, puisque moi, j'ai intégré une association qui s'appelle Corporate Regeneration. Corporate Regeneration. qui est en fait une association entièrement dédiée à la transformation de la gouvernance des entreprises. Alors eux, c'est Olivier et Vincent, ça a été littéralement les premiers sur la planète à faire quelque chose, puisque là on est en 2021. On est donc avant Patagonia et compagnie. Et donc eux, en 2021, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont mis... Alors, ce n'est pas exactement la nature, c'est les générations futures. Mais Génération Futur, ça nous ramène toujours à cette histoire de limite planétaire. Et eux, ils ont positionné les Génération Futur, donc techniquement des jeunes, au niveau soit des comités de direction, soit des conseils d'administration ou des assemblées générales, donc en gros au sommet de la hiérarchie en entreprise, avec un concept qui s'appelle un comité de régénération. Donc c'est une petite assemblée. Avant, uniquement de jeunes, et maintenant, c'est des jeunes et des experts qui vont venir plusieurs fois par an regarder ce que fait l'entreprise, donner des conseils, éventuellement s'insurger, dire qu'il faudrait faire autrement. Donc voilà, ça, c'était important de le souligner pour rendre à César ce qui était César, c'est-à-dire que moi, j'ai passé quatre ans à écrire mon livre, mais pendant ce temps-là, en Belgique, on expérimentait concrètement les choses sur le terrain.

  • Speaker #1

    Tout à l'heure, je t'entends parler et au fur et à mesure de notre discussion, il y a une question qui me vient me poser. Je ne sais même pas si tu auras la réponse, peut-être un peu philosophique. Mais puis tout à l'heure, tu dis que la nature, on l'a inventée, que ça n'existe pas en soi parce que c'est un concept inventé. Et là, aujourd'hui, on est en train d'amener la nature dans nos institutions. Et d'une certaine manière, je me dis, mais est-ce que nous, humains, qui font partie de la nature, on n'est pas trop institutionnalisé en fin de compte.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'en fait, on a plein de normes, on a plein de règles, alors que je n'ai pas la sensation que la nature, en tout cas, elle, là, il y a vraiment un lien, une entraide, alors que nous, tout est normé, tout est réglementé, tout est institutionnalisé. Je suis en train de me dire, mais est-ce que ce n'est pas ça aussi le fond du problème ? C'est que nous, les humains, on sait... Déjà mis à l'écart de la nature, mais en plus de ça, on s'est imposé des choses très strictes.

  • Speaker #0

    Oui, écoute. Avant d'être sociologue des organisations, je suis historien de formation et je vois d'un bon oeil le droit et les institutions en comparaison avec des civilisations où c'est la loi du plus fort, c'est la loi de la violence. Donc moi je préfère l'état de droit à toute autre forme, même si c'est le, comme on dit, tu sais, c'est le moins parfait, la démocratie est le pire. pire des régimes, mais le moins machin. Mais la question que tu poses, elle est importante, c'est que, et moi ça m'a beaucoup travaillé, c'est, est-ce que c'est une bonne idée déjà qu'on embrasse entre guillemets énormément la nature par une soumission à l'économie, au travail, à la production, ce que je disais tout à l'heure, est-ce qu'il faut l'embrasser encore plus, l'intégrer encore plus dans notre monde humain en lui créant une place ? au sein de nos institutions, que ce soit la gouvernance privée ou on pourrait parler politique aussi. Ce sera d'ailleurs mon prochain livre, La nature en politique. Bref, ça c'est une question qui m'a travaillé. Donc, spoiler, effectivement à la fin du livre, je dis que le mieux ce serait d'arrêter de travailler. Ce serait mieux pour nous les humains et ce serait mieux pour nous, pour les non-humains. Parce qu'effectivement, on est dans une civilisation, ça c'était un autre livre que j'avais publié, moi je parle, on vit dans une religion aujourd'hui, et cette religion s'appelle travail. C'est-à-dire qu'il faut toujours travailler, travailler, si tu ne travailles pas, tu es exclu de la société. Mais en fait c'est absurde, parce qu'on a atteint un tel niveau de progrès et de confort, qu'on pourrait se dire, on arrête de travailler. Il faudra toujours un peu travailler, pour cultiver la terre, pour prendre soin de nos aïeux ou de nos enfants. Mais globalement, on n'a pas besoin de toujours faire plus, tu vois. Et donc, oui, je pense qu'à un moment, c'est à nous de nous limiter, de dire on arrête de travailler et on se repose, nous, les humains, et on laisse la nature se reposer un peu. Mais, mais, mais, en attendant qu'on change de religion, et comme tu le sais, ça ne se fait pas du jour au lendemain, eh bien, moi, je propose que non, on défende les droits de la nature. dans nos institutions, au travail, parce que c'est horrible ce qu'on fait à la nature, entre guillemets. Donc voilà, mais bonne question. Bonne question, Amélie.

  • Speaker #1

    Merci. Qu'est-ce que tu pourrais pouvoir faire avec Narcisse sur les trois ans ? Est-ce que tu as un idéal de où tu aimerais aller, toi, avec Narcisse ?

  • Speaker #0

    Il y a un premier idéal qui est déjà atteint, figure-toi, qui est d'avoir un cas exemplaire. Et ça, c'est le cas parce que vraiment, ils ont extrêmement bien fait le travail. Enfin, ils ont pris les bonnes décisions, je trouve. En gros, Nord6, ils ont pris le bouquin, ils ont dit « Ok, on applique tout » . Donc, c'est génial. Ils sont même allés plus loin puisque, tu vois, dans le bouquin, je ne parle pas d'un droit de veto pour la nature. Donc, ils sont vraiment allés très loin et ça, c'est bien parce qu'on a besoin. des toiles polaires, tu vois. On a besoin des cas d'entreprises qui montrent l'exemple et qui ne font pas les choses à moitié, ou ce n'est pas du greenwashing. Donc ça, c'est le premier objectif. Le deuxième objectif, il est un peu plus flou, mais effectivement, moi, j'aimerais bien, en tant que nature actionnaire, faire en sorte que les services numériques que rend Nord6 soient, alors ils sont déjà assez « propres » . C'est-à-dire que la particularité de Narcisse, c'est de faire de l'informatique durable, entre guillemets. Mais aujourd'hui, c'est compliqué en réalité de faire de l'informatique durable. Parce que dans un ordinateur, tu as des mines de lithium qui viennent de Bolivie, des mines de cobalt et autres terres métaux rares qui nous viennent d'Afrique. Et tout ça, c'est catastrophique. C'est catastrophique pour la planète. Alors, ce n'est pas que le problème de Narcisse, c'est toi, c'est moi. Là, pour faire notre interview, on utilise un ordinateur et en fait, on ne le voit pas. Mais pour avoir, moi, passé beaucoup de temps au Chili et en Bolivie, c'est catastrophique. C'est-à-dire qu'on vide des rivières, on assoiffe des écosystèmes et des communautés locales pour faire fonctionner des mines, pour mettre des batteries dans nos bagnoles et dans nos ordinateurs nouvelle génération. Et le pire, c'est que ce n'est pas juste qu'on assoiffe ces écosystèmes, c'est qu'on rejette après l'eau des mines. dans l'écosystème, sans aucun traitement. Donc, tu te retrouves avec du mercure et plein de saloperies. Donc, vraiment, l'empreinte écologique de l'informatique en général, mais ça, c'est toute notre civilisation. On a tous un téléphone portable. Elle est dégueulasse. Donc, moi, j'aimerais bien pouvoir... travailler sur ça, mais comme je viens de le dire, c'est un enjeu civilisationnel. Ce n'est pas Narcisse, à sa petite échelle, qui va pouvoir changer la façon dont on conçoit des ordinateurs et des semi-conducteurs. Mais bon, voilà, c'est quand même un cap que moi, je garde, essayer de trouver une solution.

  • Speaker #1

    Et dans des plus petits enjeux, est-ce que tu peux donner des exemples de ce que tu pourrais faire avec Narcisse ? Puisque là, c'est vraiment un gros enjeu qui est même au-delà de la portée. Oui, c'est vrai qu'il est en 15 ans. Au-delà de la portée, est-ce que tu en as d'autres, des petits exemples ?

  • Speaker #0

    Oui, un petit exemple très court terme, c'est maintenant qu'on vient de recruter les représentants de la nature. Le premier chantier, figure-toi, c'est de faire un diagnostic. Alors ça peut paraître boring, donc ennuyant à mourir, mais en fait, Norcis a fait des efforts depuis très longtemps sur la question du réchauffement et du carbone, mais figure-toi qu'il n'y a pas de... diagnostique sur c'est quoi les empreintes écologiques de Narcisse sur les autres limites planétaires ? Quel est l'impact sur l'acidification des océans ? L'impact sur la biodiversité ? Et ça, c'est problématique. Donc oui, le premier chantier qu'on va lancer, et là, pour le coup, on est tous d'accord, entreprises et représentants au pluriel de la nature, on est tous d'accord, l'urgence là, c'est de lancer un diagnostic. Et après, on verra, parce que du coup, c'est difficile pour moi de te dire ... Dans quelle direction aller tant que je n'ai pas ce diagnostic qui me permet de dire là où il y a un problème ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est comme quand on a une maladie, tant qu'on n'a pas regardé qu'est-ce que ça pouvait être, on ne peut pas décider du médicament. Et même si tu l'as déjà dit au tout début, c'est ma question de fin, donc je vais quand même te la poser. C'est qu'est-ce que l'écologie pour toi ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que l'écologie pour moi ? C'est une... Question qui est... Il n'est pas simple de répondre à cette question parce que ça dépend du point de vue qu'on adopte. D'accord ? Et ça, je l'ai dit d'emblée, je l'ai dit en parlant de philosophie de la nature. Donc pour moi, l'écologie, au fond, par-delà cette diversité des points de vue, pour moi, et c'est mon combat, c'est une question de philosophie. C'est une question même d'axiologie, si je peux utiliser un terme barbare. « Axiologie » , ça veut dire « philosophie de la valeur » . À quoi on donne de la valeur ? Et je pense qu'on a oublié de penser de cette façon-là, mais on ne peut pas sauver la planète dans son intégralité. Tu vois, pour survivre, nous, les humains, avons besoin de couper des arbres pour construire des cabanes, faire du feu. Nous avons besoin de tuer des choses, des animaux. J'ai dit des choses, tu vois, ma langue a fourché. Alors, nous avons besoin de tuer des... non humains pour nous nourrir. Et donc il y a bien une opération où on donne de la valeur à certaines choses, notre survie, et où on n'en donne pas, et ça depuis la nuit des temps, on ne donne pas de valeur aux choses qui viennent nous nourrir. Et ça c'est bien une opération d'axiologie, une opération où dans notre cerveau, on donne de la valeur à ceci et on lui retire de la valeur de notre côté. Et je crois que c'est comme ça qu'il faut prendre le sujet, et c'est ce que j'essaye de faire dans le livre. C'est comme ça qu'il faut prendre le sujet aujourd'hui de l'écologie, se poser la question de à quoi on veut donner de la valeur. Est-ce que c'est les générations futures ? Est-ce que c'est les animaux ? Tu vois, il y a plein de gens qui défendent le bien-être animal. Est-ce que c'est l'arbre, le protozoaire ? Est-ce que c'est le système ? Est-ce que c'est le territoire ? Tu vois, il faut choisir son combat et réfléchir à quoi on veut donner de la valeur. Voilà, pour moi c'est ça l'écologie. Une question de choix philosophique, mais pour faire ce choix philosophique, il faut... philosopher 5 minutes au préalable.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    Écoute, non, parce que tes questions étaient bien préparées, et donc du coup j'ai pu m'exprimer sur les différents sujets qui me tiennent à cœur. Et c'est très chouette comme format où on peut s'exprimer, avoir le temps de parler, et donc c'est plus à moi de te remercier. Voilà, merci à toi pour ce podcast et ces questions.

  • Speaker #1

    Merci, parce que j'ai appris plein de choses. C'était très riche et j'ai hâte de voir la suite de Nord 6, voir où vous allez, ce qui va sortir de tout ça et est-ce qu'il y a d'autres entreprises qui vont vous suivre, je l'espère. En tout cas, plein de curiosités sur ce qui va se passer.

  • Speaker #0

    Merci. Et puis après le livre La nature au travail, bientôt, je l'espère, La nature en politique. Et ça va me demander du temps et du travail.

Description

Le monde de l'entreprise a toujours fasciné Frantz alors que la nature pas vraiment.


Pourtant, il va lui dédier plusieurs années de sa vie pour trouver les réponses à ses questions :

  • Qu'est ce que la Nature ?

  • Comment voit-on les non humains chez les indigènes ?

  • Comment donner la parole à la Nature au sein des entreprises ?

  • Comment la représenter au sein des organisations ?


Puis lorsqu'il a eu fini de donner les réponses à travers son livre : "La nature au travail, collaborer autrement avec le vivant".
La mise en place de la théorie a vu le jour avec l'entreprise Norsys.


Thomas Breuzard, directeur permaentreprise chez Norsys a été un bon élève qui a repris exactement les ambitions du livre de Frantz mais en y intégrant un petit truc en plus : le droit de véto !

Et ça fait toute la différence.


Un échange inspirant qui nous prouve que les règles peuvent être changées au sein même des organisations.
Que rien n'est figé. Que l'espoir est bien présent.


Chapitres :

  • Frantz et son rapport distant à la nature

  • Comment son livre a bouleversé sa vision du vivant

  • Norsys s’inspire du livre et passe à l’action

  • Intégrer la nature aux décisions avec un droit de veto

  • L’écologie : une question de choix et de valeurs

  • Quels impacts et perspectives pour demain ?


Liens de Frantz Gault :


Liens de E.vie.demment :

Soutiens-moi : E.vie.demment – Tipeee

Si tu veux un coaching : Calendly - Amélie AUJARD

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Un podcast qui permet de répondre à vos questionnements, envies, besoins, peurs, colères, frustrations liés à l'écologie en vous transmettant de la joie, de l'espoir, des bonnes idées et des conseils.

Si tu es éco-anxieux(ses), que tu as envie de changer le monde ou ton monde, que tu as un projet à impact en tête, en cours ou déjà florissant ou si tu es tout simplement curieux(ses) alors bienvenue sur E.vie.demment !!

Tu auras tous les mardi dans tes oreilles, un.e éco-témoins parlant de son aventure écologique, un.e expert.e en écologie intérieure ou extérieure mais aussi mes tips de coach ainsi que mes propres expériences.


Je te donne rendez-vous sur É.vie.demment tous les mardi pour des tonnes de minutes de partage. 🍀☀️


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Frans !

  • Speaker #1

    Bonjour Amélie !

  • Speaker #0

    Je suis ravie de t'avoir dans mon podcast aujourd'hui. On va parler de la nature au travail. Mais avant ça, je vais d'abord te poser une première question. Comment vas-tu si je te parle d'écologie ?

  • Speaker #1

    Oulala, ça commence fort comme question. Écoute, pour être honnête, je me sens misanthrope. Voilà, misanthrope parce que je pense que les humains font n'importe quoi. En tout cas, les modernes que nous sommes, nous faisons n'importe quoi. Mais au fond, ça dépend de la définition qu'on donne au mot écologie. Écologie, c'est, si mon latin est à peu près potable, c'est oikos. Donc c'est la règle du logis, du domaine, de la maison. Bref, c'est notre milieu, notre habitat. Et en fait, la planète Terre n'est pas que notre habitat. Donc nous sommes peut-être en train de détruire notre habitat, et c'est bien dommage pour nous, mais nous ne sommes pas en train de détruire la Terre. qui restera habitable pour d'autres espèces. Donc, c'est une histoire de point de vue.

  • Speaker #0

    Oui, et c'est vrai que beaucoup dans nos podcasts, on me rappelle ça. C'est pour les humains, en fait, qu'on est en train de faire quelque chose, parce que la planète, elle, elle s'en sortira d'une autre manière.

  • Speaker #1

    C'est ça, et j'ai coutume de dire que, tu vois, par exemple, on s'inquiète beaucoup du réchauffement climatique, et à raison, puisque chaque jour vient avec son lot d'incendies et de crues dévastatrices. Mais il y a des espèces qui se réjouissent du réchauffement climatique. Le frelon asiatique prospère grâce au réchauffement climatique. Donc, bon, c'est vraiment une histoire de point de vue. C'est toujours important de se le rappeler. C'est vraiment dommage pour nous, pour nos enfants, nos petits-enfants. Mais la vie continuera sur Terre.

  • Speaker #0

    C'est poétique. J'aime bien. Et quel est ton parcours dans le milieu du vivant, dans l'écologie ? t'arrives jusqu'à l'écriture de ce livre ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller voir d'un peu plus près cette nature ?

  • Speaker #1

    Écoute, c'est un parcours assez atypique par rapport à d'autres personnes que tu interviews parce que moi, si on s'était parlé il y a cinq ans, je n'avais jamais ouvert un bouquin d'écologie, je ne m'étais jamais trop préoccupé de la planète si ce n'est que j'avais conscience qu'il fallait faire le tri et couper le robinet quand on se brosse les dents mais donc vraiment le... Si tu veux, le cadre supérieur parisien typique. J'étais avant... En fait, je suis sociologue des organisations. Donc, j'ai été consultant en organisation pendant longtemps. Et je mettais cette compétence au service d'un premier combat. Puisque c'était un combat à l'époque qui était le télétravail. Et puis, c'est vrai que vers 2019-2020, j'ai été fatigué de ce sujet du télétravail. Il s'était démocratisé. Je me suis dit, cette compétence, sociologie des organisations, qu'est-ce que je peux en faire ? Évidemment, le sujet de l'écologie passe devant mes yeux. Je l'avais complètement raté. Honte à moi, désolé les auditeurs. Par contre, je prends conscience de la gravité de la situation, mais je prends aussi conscience de la nullité des solutions qui sont offertes en librairie, en théorie, dans les milieux académiques. Autrement dit, entre la catastrophe annoncée par les scientifiques Donc l'anthropocène d'un côté, la sixième extinction de masse, et puis ce que j'appelle du petit gestisme. Donc je rigolais tout à l'heure sur l'histoire de couper le robinet quand on se brosse les dents, mais si tu veux c'est la même chose pour les entreprises, pour l'économie. Toutes les initiatives visant un petit peu à verdir la production, à arrondir les coins, en fait ne sont pas du tout à la hauteur de la situation. Et donc je me suis dit, il faut que j'écrive un livre, il faut que j'écrive un livre, pour inventer des nouvelles. façon de penser l'économie, il n'y avait rien. Il fallait combler ce vide, cet angle mort. C'est comme ça que je suis arrivé sur le sujet de l'écologie. Mais le chemin est un peu plus long et je ne veux pas fatiguer d'emblée les auditeurs en racontant ma vie trop longtemps, mais j'ai rencontré évidemment Philippe Descola sur mon parcours, qui a eu une grande influence, beaucoup de travaux aussi, chez les peuples premiers, comme il est coutume de dire par chez nous, les indigènes, pour parler concrètement. Voilà, et c'est aussi beaucoup de rencontres qui m'ont aidé à formuler ma propre pensée de l'écologie.

  • Speaker #0

    Ces rencontres, c'est que tu voulais avoir des nouveaux points de vue, te confronter au réel, au vivant directement. Qu'est-ce qui a fait que tu as eu cette démarche d'aller rencontrer, plutôt que d'apprendre directement via ce qu'on peut avoir via, aujourd'hui, les réseaux, Google, etc.

  • Speaker #1

    Écoute, c'est une démarche philosophique, au fond. C'est-à-dire que, en fait, je ne trouvais... Pas satisfaction dans les théories, dans la littérature, je viens de le dire. Par contre, j'ai trouvé quelqu'un d'extrêmement intéressant, c'est Philippe Descola. Philippe Descola qui nous dit que la nature, ça n'existe pas. Et qu'on fait fausse route en essayant de sauver la nature. On peut dire planète, on peut dire vivant, on peut remplacer nature par d'autres termes, c'est le même problème. Et donc, Philippe Descola, c'est de l'anthropologie. L'anthropologie, c'est... un peu d'études de terrain, mais c'est aussi une forme de philosophie, de ce que veut dire être humain. Et donc, comme c'est un peu difficile à comprendre, je me suis dit, il faut que j'aille moi-même sur le terrain, voir comment pensent ces indigènes pour qui la nature n'existe pas. Effectivement, moi je me souviens, c'est une anecdote que j'aime bien raconter, c'est qu'à cette occasion, j'avais fait un documentaire qui s'intitule Natura Naturans, et lorsqu'on parlait en espagnol, qui était la lingua franca pour communiquer entre nos deux peuples. Et lorsqu'il parlait de nature, il disait la humanidad. Et quand j'ai diffusé le documentaire, les gens me disaient mais Franz, c'est quoi les traductions, les sous-titres que tu as mis ? Parce que humanidad, ça veut dire humanité. Sauf que pour eux, les indigènes, humanidad, ça veut dire la nature. Parce que tous les êtres vivants sont des personnes, et donc l'humanité, ce ne sont pas seulement les humains, ce sont aussi les non-humains. Tout ça forme une grande population d'êtres qui ont des rapports, d'équivalence, de respect, etc. Et donc c'est là qu'on plonge dans un nouveau point de vue. Un nouveau point de vue qui consiste à ne plus considérer cette fameuse nature comme quelque chose d'un peu lointain, et surtout comme une marchandise, une chose, mais considérer ces êtres vivants non humains comme des personnes. Et c'est ça, moi, le point de départ, la base de toute ma théorie, de toute... mes propositions pour l'entreprise, c'est-à-dire on arrête de considérer la nature, entre guillemets, comme une chose, comme une marchandise, comme une matière première.

  • Speaker #0

    Et donc là, la première entre guillemets problématique, c'est qu'est-ce que la nature ?

  • Speaker #1

    Est-ce que tes auditeurs ont 7 heures devant eux pour… ? La nature, c'est une invention de la modernité, donc c'est nous. C'est une invention qui date, voilà, c'est quelque part entre… La renaissance, c'est la révolution industrielle, c'est lié à l'essor notamment des sciences. La nature, c'est donc la séparation entre ce qui est humain d'un côté et qu'on considère comme sacré, comme doté d'une intelligence, d'une âme, d'un esprit. Et puis de l'autre côté, le reste, qu'on prive de sacré, qu'on prive d'âme, qu'on prive d'intelligence et on considère que c'est, ce que j'ai dit, de la matière. régi par des lois, des lois scientifiques, ce sont les sciences naturelles, d'accord ? Et donc ça crée un grand schisme, si tu veux, et surtout un grand déséquilibre entre d'un côté quelque chose qui serait sacré, l'humain, et puis de l'autre, de la pauvre matière. Donc c'est ça la nature, c'est une invention de nous autres, les Européens, et cette façon de voir le monde s'est malheureusement répandue un peu partout sur la planète. Mais il persiste quelques villages d'irréductibles indigènes, non pas de Gaulois, qui continuent de penser autrement les choses. Et c'est là que l'avenir peut être envisagé autrement que ce qu'on fait aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Parce que toi, en tout cas dans le livre, tu parles de trois angles que tu as, grâce à des personnes que tu as pu rencontrer et qui permettent de repenser l'entreprise. Je ne sais pas si tu les as rencontrées réellement. Je sais que tu as rencontré un peuple d'indigènes, mais je ne sais pas si tu les as... Ces trois angles rencontrés aussi, c'est plus par tes lectures et peut-être ta collaboration avec... J'ai perdu son prénom, Pierre Descola.

  • Speaker #1

    Philippe Descola ? Non, non, je n'ai pas rencontré tous les peuples premiers, ne serait-ce que parce que le bouquin a été écrit en partie pendant la phase des confinements et du Covid. Et puis, ça a été autoproduit, ce bouquin. Donc, si tu veux aller dans le... Kimberley, dans le nord-ouest australien, ça coûte extrêmement cher. Mais néanmoins, j'ai fait en sorte de parler de peuples premiers que j'avais pu rencontrer d'une façon ou d'une autre dans mon histoire de vie. Par contre, j'ai passé énormément de temps en Amazonie. J'ai passé plusieurs mois en Amazonie. Et donc effectivement, il existe différentes... Ta question c'était, il existe d'autres façons de penser le monde qu'en recourant au prisme de la nature ? D'accord. C'est ça. Et toi,

  • Speaker #0

    tu en as trouvé trois.

  • Speaker #1

    Alors, ce n'est pas moi qui les ai trouvés, puisque c'est le prisme, c'est la grille de lecture de Philippe Descola. de dire que nous autres avons inventé la nature et c'est comme ça qu'on se relie au monde, mais il existe trois alternatives. Une première alternative, c'est celle que j'ai évoquée par le biais d'une anecdote, quand je parlais de l'humanité chez les indigènes d'Amazonie. En Amazonie, dans l'univers animiste, chaque être vivant est considéré comme équivalent à un être humain. Ce qui veut dire qu'il est... comme un être humain, intelligent, doté d'une âme, d'un esprit, de quelque chose qu'on appelle l'intériorité. Ce n'est pas juste de la matière, il y a aussi quelque chose dans sa tête, j'ai envie de dire. Ça veut dire que le poireau, le manioc, l'arbre, le serpent, tout ce que tu veux sont des êtres vivants, qui seraient chez nous considérés comme des citoyens, qui devraient voter en politique, qui devraient avoir un compte en banque, etc. Donc ça, c'est une première... alternative, philosophique. Et je dois dire que c'est celle qui emporte peut-être mon adhésion, mon envie. Et c'est celle qui produit des résultats assez extraordinaires en termes de protection de la nature, entre guillemets. Parce que quand on va en Amazonie, pas besoin de faire un dessin, on voit bien que l'état des écosystèmes, pour le dire comme ça, est super. Je ne sais pas si tu veux que je déroule les trois philosophies de la nature ou comment tu veux...

  • Speaker #0

    Tu déroules les deux autres parce que je les trouvais super intéressants dans ce que j'ai pu lire et ça permet de voir une autre approche de ce lien avec la nature que nous, d'une certaine manière, on a complètement oublié.

  • Speaker #1

    Oui, qu'on a complètement oublié et ce qui est parfois, je trouve, inquiétant, c'est qu'on continue d'oublier activement et on pense avoir la vérité, en quelque sorte, tu sais, quand on défend l'écologie, quand on défend la... planète et qu'on prend des drapeaux et qu'on va manifester dans la rue mais mais en fait on oublie qu'il ya plein de façons de penser les choses qui peut-être fonctionne mieux que ce qu'on va aller défendre jour le jour et du coup ça ça m'amène d'ailleurs à la deuxième philosophie ce que la deuxième philosophie c'est celle qu'on commence à adopter chez nous c'est une philosophie qui pense la nature enfin qui pense le monde sous l'angle des systèmes c'est à dire plutôt que de donner de la valeur à chaque être vivant on va donner de la valeur aux grandes structures, aux grands équilibres. Et c'est là qu'on va retrouver les écosystèmes, le système Terre, c'est là qu'on va retrouver les neuf limites planétaires. Les neuf limites planétaires, ce sont des indicateurs de l'équilibre du système Terre. Ça veut dire qu'en fait, on se désintéresse au fond des individus que sont les êtres vivants. Et il n'y a pas de souci, c'est une philosophie qui existe depuis longtemps, et qui nous vient notamment de... de l'Inde brahmanique, de la Chine ancienne. On se désintéresse de chaque être vivant pour s'assurer simplement que le système reste à l'équilibre. Parfois, ça veut dire sacrifier. Quand il y a une surpopulation de frelons asiatiques, on va les sacrifier parce qu'on estime qu'il faut maintenir l'équilibre. Et ça, c'est la façon qu'on a de voir les choses, mais qui, moi, m'inquiète un peu parce que chez nous, en tout cas, elle est appropriée de façon... très anthropocentrique. Si je reprends les neuf limites planétaires, on est vraiment... En fait, si on prend l'article originel qui a été publié par le Stockholm Resilience Center, on est sur neuf limites planétaires pour sécuriser un espèce de vie pour les générations futures. Donc en fait, ce qui nous intéresse dans cette histoire, c'est l'humain est toujours l'humain. Et on ne change pas de logiciel. Et ça, ça m'inquiète. Parce que... derrière une bonne parole écologique, finalement on perpétue l'anthropocentrisme des modernes. Et ça m'amène du coup à une troisième et dernière philosophie de la nature, qui est intermédiaire. L'intermédiaire c'est de se dire qu'entre le respect qu'on va donner à chaque être vivant d'un côté, ou alors le respect au grand système de l'autre, est-ce qu'il n'y a pas une entité un peu entre l'infiniment petit d'un côté et l'infiniment grand de l'autre ? Cette entité intermédiaire, C'est ce qu'on pourrait appeler vulgairement chez nous le territoire, mais le bon terme c'est écoumène. L'écoumène c'est une communauté, communauté locale, réunissant des humains et des non-humains, que ce soit des pierres, des rivières, des poireaux, des maniocs, et c'est une communauté qui est interdépendante un peu comme l'est une famille. Et c'est ça qui est sacré dans cette troisième philosophie de la nature, c'est le local j'ai envie de dire. Je ne m'attarde pas plus longtemps sur ce point, mais ça permet d'avoir un petit panorama des alternatives.

  • Speaker #0

    Toi, dans l'idée, est-ce que tu aimerais... Tu veux que l'entreprise fasse avec la nature ? Ce serait plutôt en lien avec la dernière que tu viens de nous parler, qu'elle fasse famille ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est une question qui n'est pas facile. C'est-à-dire que pour moi, une philosophie de la nature ou une autre, c'est une forme de foi, de croyance. Il n'y a pas de bonne ou mauvaise. Il y en a qui sont plus efficaces d'un point de vue écologique. et notamment la première et la troisième, l'animisme et le totémisme, ça s'appelle. Il y en a qui sont nettement moins efficaces. Penser la nature sous l'angle des systèmes, que ce soit dans l'Inde brahmanique ou dans la modernité que nous vivons, ça donne des résultats catastrophiques malheureusement. Donc j'ai des préférences, mais ça relève d'un choix presque philosophique ou spirituel. Et donc moi, je n'impose pas aux entreprises. une philosophie de la nature ou une autre. Par contre, toute ma démarche, elle s'appuie sur ce que j'ai souligné tout à l'heure comme être un point de départ. C'est-à-dire la nature n'est pas une chose, n'est pas une marchandise, n'est pas une matière première. Et donc quand on choisit une philosophie de la nature, forcément on choisit une nature qui devient sujet, qui devient plus ou moins personne, une nature qui prend la parole, une nature qui a les intérêts. C'est ça moi que je porte. quel que soit ce qu'on met derrière le mot nature.

  • Speaker #0

    Et comment on collabore avec la nature ?

  • Speaker #1

    Alors ça, aujourd'hui, on collabore. J'ai envie de dire, aujourd'hui, c'est une relation d'esclavagisme, mais c'est encore trop gentil pour décrire la relation. En fait, aujourd'hui, notre relation à la nature, elle est essentiellement sous l'angle du travail. C'est-à-dire que même si parfois on va visiter la nature, le week-end ou en vacances, même si parfois on va essayer de se reconnecter à la nature, 90%, 95% de nos relations avec la nature passent par l'angle de l'économie et du travail. Et dans cette relation laborale, dire esclavage est encore trop gentil, parce qu'aujourd'hui, je veux dire, les esclaves, historiquement, avaient plus ou moins des droits. Tu vois, on ne pouvait pas tuer un esclave au Moyen-Âge ou dans l'Ancien Régime. Je ne sais pas que la situation d'esclave était enviable, mais aujourd'hui, la bonne métaphore serait plutôt celle des camps de concentration. Elle ne vient pas de moi, elle vient d'auteurs qui nous disent que quand on regarde le sort d'une forêt, quand on regarde le sort des poussins qui servent à faire nos nuggets et qui sont broyés vivants dans des machines, bon, ce n'est plus de l'esclavage, tu vois, c'est vraiment... Un camp de concentration et même cette métaphore est presque encore trop douce pour décrire la façon dont on collabore avec les non-humains aujourd'hui. Mais ce n'était pas ta question.

  • Speaker #0

    Ma question c'était comment on va collaborer aujourd'hui en entreprise avec la nature ? Qu'est-ce qu'on peut mettre en place ? Je sais qu'il y a plusieurs exemples qui existent à travers plusieurs entreprises. Et notamment une dernière il n'y a pas si longtemps où tu es un acteur prédominant. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu, via les exemples que tu proposes, qu'est-ce qu'on peut faire en entreprise pour que la nature ait une voie ?

  • Speaker #1

    Oui, donc merci de ta question. Il y a tout à réinventer. Et donc, quand tu me poses la question, comment on collaborerait au conditionnel demain, dans un monde idéal, je n'ai pas encore résolu entièrement l'affaire. Il faudrait non pas écrire un bouquin de 250 pages, mais plutôt un bouquin de 2500 pages pour répondre proprement à la question comment travailler demain avec la nature. Par contre, moi, ce que j'offre, c'est une première pierre, une première étape pour transformer le rapport. Et cette première pierre, c'est la gouvernance. La gouvernance qui, aujourd'hui, est une gouvernance qui donne la parole exclusivement aux humains, en priorité aux actionnaires. D'accord ? C'est-à-dire aux détenteurs du capital, et puis dans notre pays, mais ça dépend des pays, un petit peu aux salariés. Un tout petit peu, parce que... voilà. Et ça, c'est l'angle des syndicats, c'est le rôle des syndicats. Mais tu vois, c'est une gouvernance qui est exclusivement dédiée aux intérêts des humains, qui se regardent entre eux, dans le blanc des yeux, en se disant « moi je veux ça, l'autre il veut ça » , et puis on se bat, et puis... Donc moi, ce que je fais, c'est tout simplement, je rajoute une chaise, pour le dire bêtement, je rajoute une chaise en disant, eh bien, donnons maintenant la parole à la nature. Alors cette chaise, elle peut être rajoutée à différents endroits dans l'entreprise, différents organes dans la gouvernance. Au niveau du dialogue social, c'est-à-dire que les syndicats prennent aujourd'hui la parole pour défendre les intérêts humains. Demain, je propose qu'ils défendent aussi les intérêts des non-humains. Mais cette nouvelle chaise, on peut aussi la rajouter au niveau du comité de direction et voir encore mieux, c'est mon scénario favori et ça je l'assume, au niveau du conseil d'administration. Parce que je l'ai dit, le pouvoir souverain, le pouvoir ultime en entreprise, il est... du côté des actionnaires. Et donc, moi, ce que j'essaye de faire, c'est ce que je fais d'ailleurs chez Norcis, dont on parlera peut-être tout à l'heure, c'est de rajouter une chaise à la table des actionnaires, au conseil d'administration, de façon à ce que la nature ait une voix puissante en entreprise.

  • Speaker #0

    Ça, j'ai vraiment beaucoup aimé dans ce que j'ai pu lire et voir sur ça, c'est comment tu as décortiqué chaque pouvoir au sein de l'entreprise. Et en fait, la manière dont la nature aura plus ou moins la parole. Et donc, à la fin, se dire, c'est les actionnaires aujourd'hui dans nos entreprises qui ont le pouvoir. Et donc, si on ne met pas la nature au sein même des actionnaires, eh bien, en fin de compte, oui, on l'entendra, mais on ne sera pas obligé de suivre ce qu'elle dit. Et aussi, ce que j'ai pu lire aussi, c'est qu'il y avait aussi possiblement, si on prend Patagonia, par exemple, je ne sais pas si c'est... Je crois qu'il est dans les actionnaires, mais sans droit de vote.

  • Speaker #1

    C'est ça. Patagonia est un très bel exemple. Je vois d'ailleurs que tu portes une tout doune Patagonia. Félicitations. C'est de circonstance. Patagonia est un cas qui est extrêmement important dans l'histoire de notre sujet parce que, déjà on est en 2022. C'est une des entreprises vraiment précurseurs. Avant ça, il y a eu des entreprises belges qui ont fait des choses intéressantes. On pourra en reparler si tu veux. Mais Patagonia, ce que fait Yvon Chouinard, le patron fondateur, c'est de dire, je crois qu'on est le 22 septembre, quelque chose comme ça, communiqué de presse et il dit « la nature est désormais notre seul actionnaire » . Et effectivement, incroyable, Yvon Chouinard a légué 98% du capital de son entreprise, on parle de millions, de milliards d'euros, de dollars en l'occurrence, à une fondation qui a pour objectif de défendre, protéger la nature. Donc on a bien une nature qui effectivement touche des dividendes, d'accord ? Parce qu'elle est actionnaire, chacun va toucher 100 millions, 200 millions de dollars de dividendes. Et donc ça, c'est un premier aspect de ce que ça veut dire être actionnaire, d'accord ? Et c'est très bien. Sauf qu'être actionnaire, ça veut aussi dire, en temps normal, détenir des actions et donc des droits de vote. Et ça, c'est un peu dommage, mais Patagonia n'a pas été jusque-là. C'est-à-dire que les 98% dont je parle là, du capital, ce sont des actions sans droits de vote. Et c'est pour ça qu'on parle de 98%, parce qu'il reste 2% qui sont là, les actions avec droits de vote, et celles-là, Yvon Chouinard les a gardées. Donc au fond, le patron, ce n'est pas la nature, c'est toujours le même, mais ce n'est pas grave, c'était un beau geste. Mais c'est là que le cas Nord 6 devient encore plus impressionnant, puisque chez Nord 6, la nature est devenue actionnaire. Alors on ne parle pas de 98%, on parle de 10%, sauf que la nature dispose cette fois-ci d'un droit de vote, mais aussi et surtout d'un droit de veto. Et ça, c'est du jamais vu dans l'histoire. de la modernité, j'ai envie de dire, la première fois que dans une entreprise, on donne à la nature un droit de veto sur les décisions stratégiques.

  • Speaker #0

    Dans ce que j'ai pu lire sur Narcisse, en fait, c'est une représentation multiple de la nature pour que ce soit un contre-pouvoir. Et si j'ai bien compris, n'hésite pas à me dire si je me suis trompée, mais c'est qu'en fait, on va retrouver la nature dans le conseil d'administration, dans un conseil d'éthique. Dans le comité de mission, le CSE, il y a aussi un comité de pilotage. Et en fait, toutes ces personnes, après, derrière, elles vont former un haut conseil de la nature. Et comment ça fonctionne exactement, vu qu'ils sont plusieurs ? Est-ce que, d'une certaine manière, il y a une personne qui a un dernier mot ? Est-ce que ça se fait au vote ? Comment ça se passe exactement ? Et comment on recrute aussi ces personnes-là ? Je ne sais pas qu'elles aient un... un lien économique, on va dire, avec l'entreprise et donc potentiellement pas forcément envie d'être une voie complètement neutre sur la nature.

  • Speaker #1

    Eh bien, que de questions. Donc, full disclosure, comme on dit en anglais, il faut que les auditeurs soient informés que c'est moi qui représente la nature au conseil d'administration. Et ça explique pourquoi je peux apporter des détails sur le canorcice. Comment on les recrute ? Eh bien, figure-toi qu'on a fait, donc, avec le dirigeant de l'entreprise, donc lui et moi, nous avons rédigé une fiche de poste, une fiche de mission. en disant voilà ce qu'on attend des représentants de la nature. Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire voilà déjà quelle est notre définition de la nature, voilà notre philosophie de la nature, confère ce que j'ai dit tout à l'heure. Comme on a adopté cette philosophie-là, on a besoin de ces compétences-là. Et en l'espèce, les compétences que nous attendions, c'était une bonne connaissance des neuf limites planétaires. Parce que Narcisse a choisi de retenir la deuxième définition de la nature. Un petit peu la troisième aussi, mais je vais faire simple pour ne pas embrouiller l'esprit des lecteurs. Ça, c'était une première compétence qui était attendue et une deuxième compétence qui relevait cette fois-ci des solutions. C'est-à-dire, venez nous parler de quelles sont les solutions qui feraient plaisir à la nature. Quelles sont les solutions en termes d'informatique, parce que Norcy, c'est une boîte de services numériques. Quelles sont les solutions en termes de business model ? Qu'est-ce qu'il faut ? du régénératif, est-ce qu'il faut de la robustesse ? Tu sais, il y a plein de concepts à la mode. Donc voilà, on a cherché des profils et on a recruté des profils qui ont soit une compétence sur les limites planétaires, soit une compétence sur les solutions. Donc ça, c'est la première partie de ta question. La seconde partie touche, si mes souvenirs sont bons, à comment ça fonctionne. C'est, on parle de huit représentants au total. Chacun va avoir des pouvoirs spécifiques. parce que chacun siège dans une instance de gouvernance spécifique. Par exemple, le représentant de la nature qui siège au CSE, donc du côté des syndicats et des représentants du personnel, eh bien, ses pouvoirs sont ceux traditionnellement conférés par la loi aux représentants du personnel. Mon pouvoir, je l'ai déjà dit, c'est un droit de vote et un droit de veto sur les aspects stratégiques de l'entreprise. Donc chacun a un bout de pouvoir. Mais... effectivement, on se réunit tous dans un Haut Conseil, dans un Haut Conseil qui est présidé par une personne de l'entreprise que les auditeurs connaissent sûrement, qui s'appelle Thomas Brozard, et puis moi-même. Donc nous coprésidons et nous prenons des décisions de telle façon à ce que personne, c'est-à-dire ni moi, ni Thomas, n'allons parler en notre nom propre, au nom de la nature. Moi, ce que j'ai mis en place, et ça j'ai été assez ferme avec Narcisse sur ce point-là, c'est que je ne veux pas que X ou Y s'improvisent tout seuls représentant de la nature. Même s'il a des compétences, pour le faire, c'est jamais suffisant. Et moi, le premier, je dis, je ne suis pas Louis XIV. Je ne vais pas dire l'État, c'est moi. Je ne vais pas dire la nature, c'est moi. Et donc, les décisions ou les avis que les uns et les autres vont... poussés, sont en première instance discutés au sein de ce Haut Conseil de la Nature. Après, est-ce que c'est à la majorité ? Est-ce que c'est au consensus ? Ça dépend des sujets, quoi.

  • Speaker #0

    Mais à la fin, c'est toi qui prends la décision de mettre le veto.

  • Speaker #1

    Le veto, c'est effectivement moi en dernière instance. Ouais, t'as raison.

  • Speaker #0

    Après avoir écouté ce que... tout le monde a pu penser sur un sujet, a pu se dire, avoir trouvé des points d'entente, etc. Toi, à la fin, la décision, elle est entre tes mains de dire oui, c'est OK par rapport à ce qu'on s'est dit, ou alors, ben non, red flag. Et en fait, c'est veto.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, si tu veux, le veto, moi, je compare ça à l'arme nucléaire. C'est vraiment le... Quand on a tout essayé, qu'il n'y a plus aucune alternative, mais tu vois, on évite d'utiliser la bourbe nucléaire tous les quatre matins. Et le veto, c'est un peu pareil, parce que l'objectif, c'est vraiment de faire évoluer les positions de l'entreprise, de négocier aussi. Parce que l'idée d'exercer son droit de veto, ça veut dire qu'il n'y a plus de discussion, il n'y a plus de négociation, tu vois. Or... C'est toute la philosophie de mon projet, c'est qu'entre nature et entreprise, entre non-humain et humain,

  • Speaker #0

    Il faut discuter. Tu vois, il y a des intérêts qui ne vont pas dans le même sens. Le poussin veut vivre. Nous, on veut manger un nugget. Ça, c'est des intérêts concurrents. Il faut en discuter. Et c'est un très mauvais exemple parce que pour faire un nugget, il faut assassiner, on va dire, un poussin. Mais ce que je veux dire, c'est que quand on parle de veto, il n'y a plus de discussion. Et ça, pour moi, c'est problématique et ce n'est pas la philosophie de la façon dont j'appréhende le sujet. Surtout que mettre un droit de veto... Si je l'utilise trop souvent, en plus, derrière, il faut se souvenir qu'il y a des salariés. Norcy, ce n'est pas une petite entreprise de 40 personnes, c'est 800 salariés. Et tu vois, les droits de veto peuvent avoir, enfin, le droit de veto peut avoir des conséquences sur, tu vois, l'emploi. Derrière, c'est des salariés, c'est des familles, etc., etc. Donc, tu vois, il faut utiliser ce pouvoir avec modération.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as la responsabilité, mais est-ce que... Si, par exemple, je veux dire franchement, est-ce que tu peux te faire virer parce qu'en fin de compte, après, tu fais partie du conseil d'administration, peut-être pas. Comment ça se passe exactement si, en fait, à un moment donné, l'entreprise, vous n'êtes plus en accord ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Écoute, mon mandat, il est de trois ans. Un mandat de trois ans. Les autres représentants de la nature ont un mandat de deux ans. Comment ça se passe concrètement ? Il faudrait rentrer dans la technique juridique, ce qui risque d'endormir nos auditeurs. Mais techniquement, le président de la fondation actionnaire me délègue ses pouvoirs pour une durée d'un mandat de trois ans, etc. Donc oui, on peut imaginer qu'il y ait une révocation de cette délégation de pouvoirs. Donc pour répondre à ta question, oui, on peut imaginer que je me fasse virer en quelque sorte. Mais si tu veux, c'est... C'est quand même gravé dans le marbre. C'est-à-dire que même si moi je pars, quelqu'un d'autre devra venir me remplacer. Ça, c'est le premier point. Et je pense que c'est important de le souligner parce qu'à nouveau, ce n'est pas moi la nature. Je ne suis pas... Et donc, peut-être si on me vire demain, c'est peut-être parce que j'aurais mal fait le job, et que Narcisse voudra quelqu'un qui soit encore plus engagé que moi. Et donc, on est bien dans une institution. Ce n'est pas une... personne qui est importante, c'est une institution qui va perdurer par-delà les têtes qui passent. Je ne sais plus, j'ai oublié ta question en fait. Oui, je peux me faire virer, voilà.

  • Speaker #1

    Si un jour vous n'êtes plus en accord, en gros, comment ça se passe ? Et là, tu vas expliquer. Et en fait, si j'ai bien compris, en fin de compte, à la base, c'est un travail de fond avec l'entreprise pour savoir quelle est sa manière de voir la nature, l'écologie, ses croyances, où est-ce qu'elle a envie d'aller. Et donc, ce qui fait que chaque entreprise, si elle décide de mettre en place la même chose, en fin de compte, ce ne sera même pas la même chose parce qu'il y aura d'autres croyances, il y aura d'autres envies, etc.

  • Speaker #0

    Je suis perturbé par ta question sur me faire virer. Du coup, ça continue de mijoter dans ma tête. En fait, je me dis non, non, mais je viens de trouver une meilleure réponse. Du coup, s'ils veulent me virer, je peux utiliser mon droit de veto en disant je ne suis pas d'accord. Bref. Trêve de plaisanterie, trêve de plaisanterie. Oui, je te disais tout à l'heure, en fait, Norsi, c'est une entreprise d'informatique, enfin de services numériques, et donc forcément, sa relation avec la nature, elle est systémique, j'ai envie de dire, parce que pour faire tourner un service informatique, il faut des ordinateurs avec des métaux qui viennent d'Amérique latine, d'Afrique, il faut des serveurs qui sont dans des zones froides, il faut... Assez naturellement, si le jeu de mots m'est permis, Narcisse s'est orienté vers une approche systémique de la nature. Mais prenons l'exemple d'une spa, d'une boîte. En Belgique, par exemple, on parlera peut-être de ce qu'ont fait nos amis belges, mais en Belgique, une boîte qui s'appelle Copain ou Dandois, d'un côté c'est boulangerie et de l'autre c'est production de spéculoos, tu sais, les petits gâteaux. Et en fait, là, on est dans de l'agroalimentaire. Et l'agroalimentaire, tout de suite, on est beaucoup plus relié à du territoire. Parce que pour produire du pain, il faut du blé. Il faut ensuite des centres de production et puis des milieux de vente. Et donc, je parle à titre d'exemple et il faudrait que c'est... On peut très bien imaginer que là, on soit dans une troisième philosophie de la nature, celle qui est beaucoup plus territoriale. Tu sais, où je te disais, c'est communauté d'humains et de non-humains interdépendants. Donc oui, c'est à adapter en fonction de chaque entreprise.

  • Speaker #1

    Donc c'est vraiment une co-construction, une créativité qu'on ajoute à l'entreprise ? Oui.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important parce que quand on touche à la gouvernance, c'est un sujet extrêmement sensible. En fait, on touche au pouvoir, on touche à des gens qui ont mis leur vie, parfois, leur argent. On touche à des gens qui ont gravi durement les échelons pour arriver tout en haut de la hiérarchie. On touche aux égaux, on touche aux... Tu vois, c'est des sujets... C'est pas facile de transformer la gouvernance. Donc oui, moi, mon parti pris, c'est de dire, il y a des solutions. sur étagère, des solutions qu'on peut tout de suite mettre en place sans trop réfléchir. Mais si on veut aller un cran plus loin, il faut effectivement co-construire avec l'entreprise. Et la partie de croyance ou de philosophie, elle est extrêmement importante. Et ça prend du temps, figure-toi. Parce que c'est ce que je disais tout à l'heure, on baigne dans une forme, désolé d'utiliser ce mot-là, mais de... de pensée unique sur ce qu'il faudrait faire en matière d'écologie, qu'on fasse les neuf limites planétaires, par exemple. Mais il est important de prendre du recul, tu vois, et de se dire qu'il y a d'autres façons de procéder. Les résultats sont même meilleurs dans ces autres façons de procéder. Donc, voilà, faisons notre propre philosophie de la nature.

  • Speaker #1

    Et là, tu es dans le conseil d'administration depuis quand ?

  • Speaker #0

    Écoute, c'est récent. Donc, j'ai été nommé le début novembre. Je crois que c'était le... 10 ou le 12 novembre. Et en fait, le gros du travail a été jusque-là le recrutement des autres représentants de la nature. Donc, pour le moment, on n'a pas encore entamé les travaux. On n'est pas encore rentré dans le dur. Même si, figure-toi, sur la question du recrutement des représentants, il y avait déjà des désaccords, tu vois. Donc, je n'ai pas utilisé mon veto, évidemment, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, tu vois, mais on avait des petits désaccords. Donc, rien que sur ce point-là, tu vois, c'est déjà... C'est déjà un vrai travail que de représenter la nature.

  • Speaker #1

    Et tu as parlé plusieurs fois de nos amis belges. Qu'est-ce que tu as envie de nous dire sur eux ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ?

  • Speaker #0

    Ils n'aiment pas que je les appelle amis belges ou camarades belges. S'ils écoutent le podcast, excusez-moi. En fait, ce sont mes collègues. Mes collègues, puisque moi, j'ai intégré une association qui s'appelle Corporate Regeneration. Corporate Regeneration. qui est en fait une association entièrement dédiée à la transformation de la gouvernance des entreprises. Alors eux, c'est Olivier et Vincent, ça a été littéralement les premiers sur la planète à faire quelque chose, puisque là on est en 2021. On est donc avant Patagonia et compagnie. Et donc eux, en 2021, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont mis... Alors, ce n'est pas exactement la nature, c'est les générations futures. Mais Génération Futur, ça nous ramène toujours à cette histoire de limite planétaire. Et eux, ils ont positionné les Génération Futur, donc techniquement des jeunes, au niveau soit des comités de direction, soit des conseils d'administration ou des assemblées générales, donc en gros au sommet de la hiérarchie en entreprise, avec un concept qui s'appelle un comité de régénération. Donc c'est une petite assemblée. Avant, uniquement de jeunes, et maintenant, c'est des jeunes et des experts qui vont venir plusieurs fois par an regarder ce que fait l'entreprise, donner des conseils, éventuellement s'insurger, dire qu'il faudrait faire autrement. Donc voilà, ça, c'était important de le souligner pour rendre à César ce qui était César, c'est-à-dire que moi, j'ai passé quatre ans à écrire mon livre, mais pendant ce temps-là, en Belgique, on expérimentait concrètement les choses sur le terrain.

  • Speaker #1

    Tout à l'heure, je t'entends parler et au fur et à mesure de notre discussion, il y a une question qui me vient me poser. Je ne sais même pas si tu auras la réponse, peut-être un peu philosophique. Mais puis tout à l'heure, tu dis que la nature, on l'a inventée, que ça n'existe pas en soi parce que c'est un concept inventé. Et là, aujourd'hui, on est en train d'amener la nature dans nos institutions. Et d'une certaine manière, je me dis, mais est-ce que nous, humains, qui font partie de la nature, on n'est pas trop institutionnalisé en fin de compte.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'en fait, on a plein de normes, on a plein de règles, alors que je n'ai pas la sensation que la nature, en tout cas, elle, là, il y a vraiment un lien, une entraide, alors que nous, tout est normé, tout est réglementé, tout est institutionnalisé. Je suis en train de me dire, mais est-ce que ce n'est pas ça aussi le fond du problème ? C'est que nous, les humains, on sait... Déjà mis à l'écart de la nature, mais en plus de ça, on s'est imposé des choses très strictes.

  • Speaker #0

    Oui, écoute. Avant d'être sociologue des organisations, je suis historien de formation et je vois d'un bon oeil le droit et les institutions en comparaison avec des civilisations où c'est la loi du plus fort, c'est la loi de la violence. Donc moi je préfère l'état de droit à toute autre forme, même si c'est le, comme on dit, tu sais, c'est le moins parfait, la démocratie est le pire. pire des régimes, mais le moins machin. Mais la question que tu poses, elle est importante, c'est que, et moi ça m'a beaucoup travaillé, c'est, est-ce que c'est une bonne idée déjà qu'on embrasse entre guillemets énormément la nature par une soumission à l'économie, au travail, à la production, ce que je disais tout à l'heure, est-ce qu'il faut l'embrasser encore plus, l'intégrer encore plus dans notre monde humain en lui créant une place ? au sein de nos institutions, que ce soit la gouvernance privée ou on pourrait parler politique aussi. Ce sera d'ailleurs mon prochain livre, La nature en politique. Bref, ça c'est une question qui m'a travaillé. Donc, spoiler, effectivement à la fin du livre, je dis que le mieux ce serait d'arrêter de travailler. Ce serait mieux pour nous les humains et ce serait mieux pour nous, pour les non-humains. Parce qu'effectivement, on est dans une civilisation, ça c'était un autre livre que j'avais publié, moi je parle, on vit dans une religion aujourd'hui, et cette religion s'appelle travail. C'est-à-dire qu'il faut toujours travailler, travailler, si tu ne travailles pas, tu es exclu de la société. Mais en fait c'est absurde, parce qu'on a atteint un tel niveau de progrès et de confort, qu'on pourrait se dire, on arrête de travailler. Il faudra toujours un peu travailler, pour cultiver la terre, pour prendre soin de nos aïeux ou de nos enfants. Mais globalement, on n'a pas besoin de toujours faire plus, tu vois. Et donc, oui, je pense qu'à un moment, c'est à nous de nous limiter, de dire on arrête de travailler et on se repose, nous, les humains, et on laisse la nature se reposer un peu. Mais, mais, mais, en attendant qu'on change de religion, et comme tu le sais, ça ne se fait pas du jour au lendemain, eh bien, moi, je propose que non, on défende les droits de la nature. dans nos institutions, au travail, parce que c'est horrible ce qu'on fait à la nature, entre guillemets. Donc voilà, mais bonne question. Bonne question, Amélie.

  • Speaker #1

    Merci. Qu'est-ce que tu pourrais pouvoir faire avec Narcisse sur les trois ans ? Est-ce que tu as un idéal de où tu aimerais aller, toi, avec Narcisse ?

  • Speaker #0

    Il y a un premier idéal qui est déjà atteint, figure-toi, qui est d'avoir un cas exemplaire. Et ça, c'est le cas parce que vraiment, ils ont extrêmement bien fait le travail. Enfin, ils ont pris les bonnes décisions, je trouve. En gros, Nord6, ils ont pris le bouquin, ils ont dit « Ok, on applique tout » . Donc, c'est génial. Ils sont même allés plus loin puisque, tu vois, dans le bouquin, je ne parle pas d'un droit de veto pour la nature. Donc, ils sont vraiment allés très loin et ça, c'est bien parce qu'on a besoin. des toiles polaires, tu vois. On a besoin des cas d'entreprises qui montrent l'exemple et qui ne font pas les choses à moitié, ou ce n'est pas du greenwashing. Donc ça, c'est le premier objectif. Le deuxième objectif, il est un peu plus flou, mais effectivement, moi, j'aimerais bien, en tant que nature actionnaire, faire en sorte que les services numériques que rend Nord6 soient, alors ils sont déjà assez « propres » . C'est-à-dire que la particularité de Narcisse, c'est de faire de l'informatique durable, entre guillemets. Mais aujourd'hui, c'est compliqué en réalité de faire de l'informatique durable. Parce que dans un ordinateur, tu as des mines de lithium qui viennent de Bolivie, des mines de cobalt et autres terres métaux rares qui nous viennent d'Afrique. Et tout ça, c'est catastrophique. C'est catastrophique pour la planète. Alors, ce n'est pas que le problème de Narcisse, c'est toi, c'est moi. Là, pour faire notre interview, on utilise un ordinateur et en fait, on ne le voit pas. Mais pour avoir, moi, passé beaucoup de temps au Chili et en Bolivie, c'est catastrophique. C'est-à-dire qu'on vide des rivières, on assoiffe des écosystèmes et des communautés locales pour faire fonctionner des mines, pour mettre des batteries dans nos bagnoles et dans nos ordinateurs nouvelle génération. Et le pire, c'est que ce n'est pas juste qu'on assoiffe ces écosystèmes, c'est qu'on rejette après l'eau des mines. dans l'écosystème, sans aucun traitement. Donc, tu te retrouves avec du mercure et plein de saloperies. Donc, vraiment, l'empreinte écologique de l'informatique en général, mais ça, c'est toute notre civilisation. On a tous un téléphone portable. Elle est dégueulasse. Donc, moi, j'aimerais bien pouvoir... travailler sur ça, mais comme je viens de le dire, c'est un enjeu civilisationnel. Ce n'est pas Narcisse, à sa petite échelle, qui va pouvoir changer la façon dont on conçoit des ordinateurs et des semi-conducteurs. Mais bon, voilà, c'est quand même un cap que moi, je garde, essayer de trouver une solution.

  • Speaker #1

    Et dans des plus petits enjeux, est-ce que tu peux donner des exemples de ce que tu pourrais faire avec Narcisse ? Puisque là, c'est vraiment un gros enjeu qui est même au-delà de la portée. Oui, c'est vrai qu'il est en 15 ans. Au-delà de la portée, est-ce que tu en as d'autres, des petits exemples ?

  • Speaker #0

    Oui, un petit exemple très court terme, c'est maintenant qu'on vient de recruter les représentants de la nature. Le premier chantier, figure-toi, c'est de faire un diagnostic. Alors ça peut paraître boring, donc ennuyant à mourir, mais en fait, Norcis a fait des efforts depuis très longtemps sur la question du réchauffement et du carbone, mais figure-toi qu'il n'y a pas de... diagnostique sur c'est quoi les empreintes écologiques de Narcisse sur les autres limites planétaires ? Quel est l'impact sur l'acidification des océans ? L'impact sur la biodiversité ? Et ça, c'est problématique. Donc oui, le premier chantier qu'on va lancer, et là, pour le coup, on est tous d'accord, entreprises et représentants au pluriel de la nature, on est tous d'accord, l'urgence là, c'est de lancer un diagnostic. Et après, on verra, parce que du coup, c'est difficile pour moi de te dire ... Dans quelle direction aller tant que je n'ai pas ce diagnostic qui me permet de dire là où il y a un problème ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est comme quand on a une maladie, tant qu'on n'a pas regardé qu'est-ce que ça pouvait être, on ne peut pas décider du médicament. Et même si tu l'as déjà dit au tout début, c'est ma question de fin, donc je vais quand même te la poser. C'est qu'est-ce que l'écologie pour toi ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que l'écologie pour moi ? C'est une... Question qui est... Il n'est pas simple de répondre à cette question parce que ça dépend du point de vue qu'on adopte. D'accord ? Et ça, je l'ai dit d'emblée, je l'ai dit en parlant de philosophie de la nature. Donc pour moi, l'écologie, au fond, par-delà cette diversité des points de vue, pour moi, et c'est mon combat, c'est une question de philosophie. C'est une question même d'axiologie, si je peux utiliser un terme barbare. « Axiologie » , ça veut dire « philosophie de la valeur » . À quoi on donne de la valeur ? Et je pense qu'on a oublié de penser de cette façon-là, mais on ne peut pas sauver la planète dans son intégralité. Tu vois, pour survivre, nous, les humains, avons besoin de couper des arbres pour construire des cabanes, faire du feu. Nous avons besoin de tuer des choses, des animaux. J'ai dit des choses, tu vois, ma langue a fourché. Alors, nous avons besoin de tuer des... non humains pour nous nourrir. Et donc il y a bien une opération où on donne de la valeur à certaines choses, notre survie, et où on n'en donne pas, et ça depuis la nuit des temps, on ne donne pas de valeur aux choses qui viennent nous nourrir. Et ça c'est bien une opération d'axiologie, une opération où dans notre cerveau, on donne de la valeur à ceci et on lui retire de la valeur de notre côté. Et je crois que c'est comme ça qu'il faut prendre le sujet, et c'est ce que j'essaye de faire dans le livre. C'est comme ça qu'il faut prendre le sujet aujourd'hui de l'écologie, se poser la question de à quoi on veut donner de la valeur. Est-ce que c'est les générations futures ? Est-ce que c'est les animaux ? Tu vois, il y a plein de gens qui défendent le bien-être animal. Est-ce que c'est l'arbre, le protozoaire ? Est-ce que c'est le système ? Est-ce que c'est le territoire ? Tu vois, il faut choisir son combat et réfléchir à quoi on veut donner de la valeur. Voilà, pour moi c'est ça l'écologie. Une question de choix philosophique, mais pour faire ce choix philosophique, il faut... philosopher 5 minutes au préalable.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    Écoute, non, parce que tes questions étaient bien préparées, et donc du coup j'ai pu m'exprimer sur les différents sujets qui me tiennent à cœur. Et c'est très chouette comme format où on peut s'exprimer, avoir le temps de parler, et donc c'est plus à moi de te remercier. Voilà, merci à toi pour ce podcast et ces questions.

  • Speaker #1

    Merci, parce que j'ai appris plein de choses. C'était très riche et j'ai hâte de voir la suite de Nord 6, voir où vous allez, ce qui va sortir de tout ça et est-ce qu'il y a d'autres entreprises qui vont vous suivre, je l'espère. En tout cas, plein de curiosités sur ce qui va se passer.

  • Speaker #0

    Merci. Et puis après le livre La nature au travail, bientôt, je l'espère, La nature en politique. Et ça va me demander du temps et du travail.

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Description

Le monde de l'entreprise a toujours fasciné Frantz alors que la nature pas vraiment.


Pourtant, il va lui dédier plusieurs années de sa vie pour trouver les réponses à ses questions :

  • Qu'est ce que la Nature ?

  • Comment voit-on les non humains chez les indigènes ?

  • Comment donner la parole à la Nature au sein des entreprises ?

  • Comment la représenter au sein des organisations ?


Puis lorsqu'il a eu fini de donner les réponses à travers son livre : "La nature au travail, collaborer autrement avec le vivant".
La mise en place de la théorie a vu le jour avec l'entreprise Norsys.


Thomas Breuzard, directeur permaentreprise chez Norsys a été un bon élève qui a repris exactement les ambitions du livre de Frantz mais en y intégrant un petit truc en plus : le droit de véto !

Et ça fait toute la différence.


Un échange inspirant qui nous prouve que les règles peuvent être changées au sein même des organisations.
Que rien n'est figé. Que l'espoir est bien présent.


Chapitres :

  • Frantz et son rapport distant à la nature

  • Comment son livre a bouleversé sa vision du vivant

  • Norsys s’inspire du livre et passe à l’action

  • Intégrer la nature aux décisions avec un droit de veto

  • L’écologie : une question de choix et de valeurs

  • Quels impacts et perspectives pour demain ?


Liens de Frantz Gault :


Liens de E.vie.demment :

Soutiens-moi : E.vie.demment – Tipeee

Si tu veux un coaching : Calendly - Amélie AUJARD

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Un podcast qui permet de répondre à vos questionnements, envies, besoins, peurs, colères, frustrations liés à l'écologie en vous transmettant de la joie, de l'espoir, des bonnes idées et des conseils.

Si tu es éco-anxieux(ses), que tu as envie de changer le monde ou ton monde, que tu as un projet à impact en tête, en cours ou déjà florissant ou si tu es tout simplement curieux(ses) alors bienvenue sur E.vie.demment !!

Tu auras tous les mardi dans tes oreilles, un.e éco-témoins parlant de son aventure écologique, un.e expert.e en écologie intérieure ou extérieure mais aussi mes tips de coach ainsi que mes propres expériences.


Je te donne rendez-vous sur É.vie.demment tous les mardi pour des tonnes de minutes de partage. 🍀☀️


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Frans !

  • Speaker #1

    Bonjour Amélie !

  • Speaker #0

    Je suis ravie de t'avoir dans mon podcast aujourd'hui. On va parler de la nature au travail. Mais avant ça, je vais d'abord te poser une première question. Comment vas-tu si je te parle d'écologie ?

  • Speaker #1

    Oulala, ça commence fort comme question. Écoute, pour être honnête, je me sens misanthrope. Voilà, misanthrope parce que je pense que les humains font n'importe quoi. En tout cas, les modernes que nous sommes, nous faisons n'importe quoi. Mais au fond, ça dépend de la définition qu'on donne au mot écologie. Écologie, c'est, si mon latin est à peu près potable, c'est oikos. Donc c'est la règle du logis, du domaine, de la maison. Bref, c'est notre milieu, notre habitat. Et en fait, la planète Terre n'est pas que notre habitat. Donc nous sommes peut-être en train de détruire notre habitat, et c'est bien dommage pour nous, mais nous ne sommes pas en train de détruire la Terre. qui restera habitable pour d'autres espèces. Donc, c'est une histoire de point de vue.

  • Speaker #0

    Oui, et c'est vrai que beaucoup dans nos podcasts, on me rappelle ça. C'est pour les humains, en fait, qu'on est en train de faire quelque chose, parce que la planète, elle, elle s'en sortira d'une autre manière.

  • Speaker #1

    C'est ça, et j'ai coutume de dire que, tu vois, par exemple, on s'inquiète beaucoup du réchauffement climatique, et à raison, puisque chaque jour vient avec son lot d'incendies et de crues dévastatrices. Mais il y a des espèces qui se réjouissent du réchauffement climatique. Le frelon asiatique prospère grâce au réchauffement climatique. Donc, bon, c'est vraiment une histoire de point de vue. C'est toujours important de se le rappeler. C'est vraiment dommage pour nous, pour nos enfants, nos petits-enfants. Mais la vie continuera sur Terre.

  • Speaker #0

    C'est poétique. J'aime bien. Et quel est ton parcours dans le milieu du vivant, dans l'écologie ? t'arrives jusqu'à l'écriture de ce livre ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller voir d'un peu plus près cette nature ?

  • Speaker #1

    Écoute, c'est un parcours assez atypique par rapport à d'autres personnes que tu interviews parce que moi, si on s'était parlé il y a cinq ans, je n'avais jamais ouvert un bouquin d'écologie, je ne m'étais jamais trop préoccupé de la planète si ce n'est que j'avais conscience qu'il fallait faire le tri et couper le robinet quand on se brosse les dents mais donc vraiment le... Si tu veux, le cadre supérieur parisien typique. J'étais avant... En fait, je suis sociologue des organisations. Donc, j'ai été consultant en organisation pendant longtemps. Et je mettais cette compétence au service d'un premier combat. Puisque c'était un combat à l'époque qui était le télétravail. Et puis, c'est vrai que vers 2019-2020, j'ai été fatigué de ce sujet du télétravail. Il s'était démocratisé. Je me suis dit, cette compétence, sociologie des organisations, qu'est-ce que je peux en faire ? Évidemment, le sujet de l'écologie passe devant mes yeux. Je l'avais complètement raté. Honte à moi, désolé les auditeurs. Par contre, je prends conscience de la gravité de la situation, mais je prends aussi conscience de la nullité des solutions qui sont offertes en librairie, en théorie, dans les milieux académiques. Autrement dit, entre la catastrophe annoncée par les scientifiques Donc l'anthropocène d'un côté, la sixième extinction de masse, et puis ce que j'appelle du petit gestisme. Donc je rigolais tout à l'heure sur l'histoire de couper le robinet quand on se brosse les dents, mais si tu veux c'est la même chose pour les entreprises, pour l'économie. Toutes les initiatives visant un petit peu à verdir la production, à arrondir les coins, en fait ne sont pas du tout à la hauteur de la situation. Et donc je me suis dit, il faut que j'écrive un livre, il faut que j'écrive un livre, pour inventer des nouvelles. façon de penser l'économie, il n'y avait rien. Il fallait combler ce vide, cet angle mort. C'est comme ça que je suis arrivé sur le sujet de l'écologie. Mais le chemin est un peu plus long et je ne veux pas fatiguer d'emblée les auditeurs en racontant ma vie trop longtemps, mais j'ai rencontré évidemment Philippe Descola sur mon parcours, qui a eu une grande influence, beaucoup de travaux aussi, chez les peuples premiers, comme il est coutume de dire par chez nous, les indigènes, pour parler concrètement. Voilà, et c'est aussi beaucoup de rencontres qui m'ont aidé à formuler ma propre pensée de l'écologie.

  • Speaker #0

    Ces rencontres, c'est que tu voulais avoir des nouveaux points de vue, te confronter au réel, au vivant directement. Qu'est-ce qui a fait que tu as eu cette démarche d'aller rencontrer, plutôt que d'apprendre directement via ce qu'on peut avoir via, aujourd'hui, les réseaux, Google, etc.

  • Speaker #1

    Écoute, c'est une démarche philosophique, au fond. C'est-à-dire que, en fait, je ne trouvais... Pas satisfaction dans les théories, dans la littérature, je viens de le dire. Par contre, j'ai trouvé quelqu'un d'extrêmement intéressant, c'est Philippe Descola. Philippe Descola qui nous dit que la nature, ça n'existe pas. Et qu'on fait fausse route en essayant de sauver la nature. On peut dire planète, on peut dire vivant, on peut remplacer nature par d'autres termes, c'est le même problème. Et donc, Philippe Descola, c'est de l'anthropologie. L'anthropologie, c'est... un peu d'études de terrain, mais c'est aussi une forme de philosophie, de ce que veut dire être humain. Et donc, comme c'est un peu difficile à comprendre, je me suis dit, il faut que j'aille moi-même sur le terrain, voir comment pensent ces indigènes pour qui la nature n'existe pas. Effectivement, moi je me souviens, c'est une anecdote que j'aime bien raconter, c'est qu'à cette occasion, j'avais fait un documentaire qui s'intitule Natura Naturans, et lorsqu'on parlait en espagnol, qui était la lingua franca pour communiquer entre nos deux peuples. Et lorsqu'il parlait de nature, il disait la humanidad. Et quand j'ai diffusé le documentaire, les gens me disaient mais Franz, c'est quoi les traductions, les sous-titres que tu as mis ? Parce que humanidad, ça veut dire humanité. Sauf que pour eux, les indigènes, humanidad, ça veut dire la nature. Parce que tous les êtres vivants sont des personnes, et donc l'humanité, ce ne sont pas seulement les humains, ce sont aussi les non-humains. Tout ça forme une grande population d'êtres qui ont des rapports, d'équivalence, de respect, etc. Et donc c'est là qu'on plonge dans un nouveau point de vue. Un nouveau point de vue qui consiste à ne plus considérer cette fameuse nature comme quelque chose d'un peu lointain, et surtout comme une marchandise, une chose, mais considérer ces êtres vivants non humains comme des personnes. Et c'est ça, moi, le point de départ, la base de toute ma théorie, de toute... mes propositions pour l'entreprise, c'est-à-dire on arrête de considérer la nature, entre guillemets, comme une chose, comme une marchandise, comme une matière première.

  • Speaker #0

    Et donc là, la première entre guillemets problématique, c'est qu'est-ce que la nature ?

  • Speaker #1

    Est-ce que tes auditeurs ont 7 heures devant eux pour… ? La nature, c'est une invention de la modernité, donc c'est nous. C'est une invention qui date, voilà, c'est quelque part entre… La renaissance, c'est la révolution industrielle, c'est lié à l'essor notamment des sciences. La nature, c'est donc la séparation entre ce qui est humain d'un côté et qu'on considère comme sacré, comme doté d'une intelligence, d'une âme, d'un esprit. Et puis de l'autre côté, le reste, qu'on prive de sacré, qu'on prive d'âme, qu'on prive d'intelligence et on considère que c'est, ce que j'ai dit, de la matière. régi par des lois, des lois scientifiques, ce sont les sciences naturelles, d'accord ? Et donc ça crée un grand schisme, si tu veux, et surtout un grand déséquilibre entre d'un côté quelque chose qui serait sacré, l'humain, et puis de l'autre, de la pauvre matière. Donc c'est ça la nature, c'est une invention de nous autres, les Européens, et cette façon de voir le monde s'est malheureusement répandue un peu partout sur la planète. Mais il persiste quelques villages d'irréductibles indigènes, non pas de Gaulois, qui continuent de penser autrement les choses. Et c'est là que l'avenir peut être envisagé autrement que ce qu'on fait aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Parce que toi, en tout cas dans le livre, tu parles de trois angles que tu as, grâce à des personnes que tu as pu rencontrer et qui permettent de repenser l'entreprise. Je ne sais pas si tu les as rencontrées réellement. Je sais que tu as rencontré un peuple d'indigènes, mais je ne sais pas si tu les as... Ces trois angles rencontrés aussi, c'est plus par tes lectures et peut-être ta collaboration avec... J'ai perdu son prénom, Pierre Descola.

  • Speaker #1

    Philippe Descola ? Non, non, je n'ai pas rencontré tous les peuples premiers, ne serait-ce que parce que le bouquin a été écrit en partie pendant la phase des confinements et du Covid. Et puis, ça a été autoproduit, ce bouquin. Donc, si tu veux aller dans le... Kimberley, dans le nord-ouest australien, ça coûte extrêmement cher. Mais néanmoins, j'ai fait en sorte de parler de peuples premiers que j'avais pu rencontrer d'une façon ou d'une autre dans mon histoire de vie. Par contre, j'ai passé énormément de temps en Amazonie. J'ai passé plusieurs mois en Amazonie. Et donc effectivement, il existe différentes... Ta question c'était, il existe d'autres façons de penser le monde qu'en recourant au prisme de la nature ? D'accord. C'est ça. Et toi,

  • Speaker #0

    tu en as trouvé trois.

  • Speaker #1

    Alors, ce n'est pas moi qui les ai trouvés, puisque c'est le prisme, c'est la grille de lecture de Philippe Descola. de dire que nous autres avons inventé la nature et c'est comme ça qu'on se relie au monde, mais il existe trois alternatives. Une première alternative, c'est celle que j'ai évoquée par le biais d'une anecdote, quand je parlais de l'humanité chez les indigènes d'Amazonie. En Amazonie, dans l'univers animiste, chaque être vivant est considéré comme équivalent à un être humain. Ce qui veut dire qu'il est... comme un être humain, intelligent, doté d'une âme, d'un esprit, de quelque chose qu'on appelle l'intériorité. Ce n'est pas juste de la matière, il y a aussi quelque chose dans sa tête, j'ai envie de dire. Ça veut dire que le poireau, le manioc, l'arbre, le serpent, tout ce que tu veux sont des êtres vivants, qui seraient chez nous considérés comme des citoyens, qui devraient voter en politique, qui devraient avoir un compte en banque, etc. Donc ça, c'est une première... alternative, philosophique. Et je dois dire que c'est celle qui emporte peut-être mon adhésion, mon envie. Et c'est celle qui produit des résultats assez extraordinaires en termes de protection de la nature, entre guillemets. Parce que quand on va en Amazonie, pas besoin de faire un dessin, on voit bien que l'état des écosystèmes, pour le dire comme ça, est super. Je ne sais pas si tu veux que je déroule les trois philosophies de la nature ou comment tu veux...

  • Speaker #0

    Tu déroules les deux autres parce que je les trouvais super intéressants dans ce que j'ai pu lire et ça permet de voir une autre approche de ce lien avec la nature que nous, d'une certaine manière, on a complètement oublié.

  • Speaker #1

    Oui, qu'on a complètement oublié et ce qui est parfois, je trouve, inquiétant, c'est qu'on continue d'oublier activement et on pense avoir la vérité, en quelque sorte, tu sais, quand on défend l'écologie, quand on défend la... planète et qu'on prend des drapeaux et qu'on va manifester dans la rue mais mais en fait on oublie qu'il ya plein de façons de penser les choses qui peut-être fonctionne mieux que ce qu'on va aller défendre jour le jour et du coup ça ça m'amène d'ailleurs à la deuxième philosophie ce que la deuxième philosophie c'est celle qu'on commence à adopter chez nous c'est une philosophie qui pense la nature enfin qui pense le monde sous l'angle des systèmes c'est à dire plutôt que de donner de la valeur à chaque être vivant on va donner de la valeur aux grandes structures, aux grands équilibres. Et c'est là qu'on va retrouver les écosystèmes, le système Terre, c'est là qu'on va retrouver les neuf limites planétaires. Les neuf limites planétaires, ce sont des indicateurs de l'équilibre du système Terre. Ça veut dire qu'en fait, on se désintéresse au fond des individus que sont les êtres vivants. Et il n'y a pas de souci, c'est une philosophie qui existe depuis longtemps, et qui nous vient notamment de... de l'Inde brahmanique, de la Chine ancienne. On se désintéresse de chaque être vivant pour s'assurer simplement que le système reste à l'équilibre. Parfois, ça veut dire sacrifier. Quand il y a une surpopulation de frelons asiatiques, on va les sacrifier parce qu'on estime qu'il faut maintenir l'équilibre. Et ça, c'est la façon qu'on a de voir les choses, mais qui, moi, m'inquiète un peu parce que chez nous, en tout cas, elle est appropriée de façon... très anthropocentrique. Si je reprends les neuf limites planétaires, on est vraiment... En fait, si on prend l'article originel qui a été publié par le Stockholm Resilience Center, on est sur neuf limites planétaires pour sécuriser un espèce de vie pour les générations futures. Donc en fait, ce qui nous intéresse dans cette histoire, c'est l'humain est toujours l'humain. Et on ne change pas de logiciel. Et ça, ça m'inquiète. Parce que... derrière une bonne parole écologique, finalement on perpétue l'anthropocentrisme des modernes. Et ça m'amène du coup à une troisième et dernière philosophie de la nature, qui est intermédiaire. L'intermédiaire c'est de se dire qu'entre le respect qu'on va donner à chaque être vivant d'un côté, ou alors le respect au grand système de l'autre, est-ce qu'il n'y a pas une entité un peu entre l'infiniment petit d'un côté et l'infiniment grand de l'autre ? Cette entité intermédiaire, C'est ce qu'on pourrait appeler vulgairement chez nous le territoire, mais le bon terme c'est écoumène. L'écoumène c'est une communauté, communauté locale, réunissant des humains et des non-humains, que ce soit des pierres, des rivières, des poireaux, des maniocs, et c'est une communauté qui est interdépendante un peu comme l'est une famille. Et c'est ça qui est sacré dans cette troisième philosophie de la nature, c'est le local j'ai envie de dire. Je ne m'attarde pas plus longtemps sur ce point, mais ça permet d'avoir un petit panorama des alternatives.

  • Speaker #0

    Toi, dans l'idée, est-ce que tu aimerais... Tu veux que l'entreprise fasse avec la nature ? Ce serait plutôt en lien avec la dernière que tu viens de nous parler, qu'elle fasse famille ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est une question qui n'est pas facile. C'est-à-dire que pour moi, une philosophie de la nature ou une autre, c'est une forme de foi, de croyance. Il n'y a pas de bonne ou mauvaise. Il y en a qui sont plus efficaces d'un point de vue écologique. et notamment la première et la troisième, l'animisme et le totémisme, ça s'appelle. Il y en a qui sont nettement moins efficaces. Penser la nature sous l'angle des systèmes, que ce soit dans l'Inde brahmanique ou dans la modernité que nous vivons, ça donne des résultats catastrophiques malheureusement. Donc j'ai des préférences, mais ça relève d'un choix presque philosophique ou spirituel. Et donc moi, je n'impose pas aux entreprises. une philosophie de la nature ou une autre. Par contre, toute ma démarche, elle s'appuie sur ce que j'ai souligné tout à l'heure comme être un point de départ. C'est-à-dire la nature n'est pas une chose, n'est pas une marchandise, n'est pas une matière première. Et donc quand on choisit une philosophie de la nature, forcément on choisit une nature qui devient sujet, qui devient plus ou moins personne, une nature qui prend la parole, une nature qui a les intérêts. C'est ça moi que je porte. quel que soit ce qu'on met derrière le mot nature.

  • Speaker #0

    Et comment on collabore avec la nature ?

  • Speaker #1

    Alors ça, aujourd'hui, on collabore. J'ai envie de dire, aujourd'hui, c'est une relation d'esclavagisme, mais c'est encore trop gentil pour décrire la relation. En fait, aujourd'hui, notre relation à la nature, elle est essentiellement sous l'angle du travail. C'est-à-dire que même si parfois on va visiter la nature, le week-end ou en vacances, même si parfois on va essayer de se reconnecter à la nature, 90%, 95% de nos relations avec la nature passent par l'angle de l'économie et du travail. Et dans cette relation laborale, dire esclavage est encore trop gentil, parce qu'aujourd'hui, je veux dire, les esclaves, historiquement, avaient plus ou moins des droits. Tu vois, on ne pouvait pas tuer un esclave au Moyen-Âge ou dans l'Ancien Régime. Je ne sais pas que la situation d'esclave était enviable, mais aujourd'hui, la bonne métaphore serait plutôt celle des camps de concentration. Elle ne vient pas de moi, elle vient d'auteurs qui nous disent que quand on regarde le sort d'une forêt, quand on regarde le sort des poussins qui servent à faire nos nuggets et qui sont broyés vivants dans des machines, bon, ce n'est plus de l'esclavage, tu vois, c'est vraiment... Un camp de concentration et même cette métaphore est presque encore trop douce pour décrire la façon dont on collabore avec les non-humains aujourd'hui. Mais ce n'était pas ta question.

  • Speaker #0

    Ma question c'était comment on va collaborer aujourd'hui en entreprise avec la nature ? Qu'est-ce qu'on peut mettre en place ? Je sais qu'il y a plusieurs exemples qui existent à travers plusieurs entreprises. Et notamment une dernière il n'y a pas si longtemps où tu es un acteur prédominant. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu, via les exemples que tu proposes, qu'est-ce qu'on peut faire en entreprise pour que la nature ait une voie ?

  • Speaker #1

    Oui, donc merci de ta question. Il y a tout à réinventer. Et donc, quand tu me poses la question, comment on collaborerait au conditionnel demain, dans un monde idéal, je n'ai pas encore résolu entièrement l'affaire. Il faudrait non pas écrire un bouquin de 250 pages, mais plutôt un bouquin de 2500 pages pour répondre proprement à la question comment travailler demain avec la nature. Par contre, moi, ce que j'offre, c'est une première pierre, une première étape pour transformer le rapport. Et cette première pierre, c'est la gouvernance. La gouvernance qui, aujourd'hui, est une gouvernance qui donne la parole exclusivement aux humains, en priorité aux actionnaires. D'accord ? C'est-à-dire aux détenteurs du capital, et puis dans notre pays, mais ça dépend des pays, un petit peu aux salariés. Un tout petit peu, parce que... voilà. Et ça, c'est l'angle des syndicats, c'est le rôle des syndicats. Mais tu vois, c'est une gouvernance qui est exclusivement dédiée aux intérêts des humains, qui se regardent entre eux, dans le blanc des yeux, en se disant « moi je veux ça, l'autre il veut ça » , et puis on se bat, et puis... Donc moi, ce que je fais, c'est tout simplement, je rajoute une chaise, pour le dire bêtement, je rajoute une chaise en disant, eh bien, donnons maintenant la parole à la nature. Alors cette chaise, elle peut être rajoutée à différents endroits dans l'entreprise, différents organes dans la gouvernance. Au niveau du dialogue social, c'est-à-dire que les syndicats prennent aujourd'hui la parole pour défendre les intérêts humains. Demain, je propose qu'ils défendent aussi les intérêts des non-humains. Mais cette nouvelle chaise, on peut aussi la rajouter au niveau du comité de direction et voir encore mieux, c'est mon scénario favori et ça je l'assume, au niveau du conseil d'administration. Parce que je l'ai dit, le pouvoir souverain, le pouvoir ultime en entreprise, il est... du côté des actionnaires. Et donc, moi, ce que j'essaye de faire, c'est ce que je fais d'ailleurs chez Norcis, dont on parlera peut-être tout à l'heure, c'est de rajouter une chaise à la table des actionnaires, au conseil d'administration, de façon à ce que la nature ait une voix puissante en entreprise.

  • Speaker #0

    Ça, j'ai vraiment beaucoup aimé dans ce que j'ai pu lire et voir sur ça, c'est comment tu as décortiqué chaque pouvoir au sein de l'entreprise. Et en fait, la manière dont la nature aura plus ou moins la parole. Et donc, à la fin, se dire, c'est les actionnaires aujourd'hui dans nos entreprises qui ont le pouvoir. Et donc, si on ne met pas la nature au sein même des actionnaires, eh bien, en fin de compte, oui, on l'entendra, mais on ne sera pas obligé de suivre ce qu'elle dit. Et aussi, ce que j'ai pu lire aussi, c'est qu'il y avait aussi possiblement, si on prend Patagonia, par exemple, je ne sais pas si c'est... Je crois qu'il est dans les actionnaires, mais sans droit de vote.

  • Speaker #1

    C'est ça. Patagonia est un très bel exemple. Je vois d'ailleurs que tu portes une tout doune Patagonia. Félicitations. C'est de circonstance. Patagonia est un cas qui est extrêmement important dans l'histoire de notre sujet parce que, déjà on est en 2022. C'est une des entreprises vraiment précurseurs. Avant ça, il y a eu des entreprises belges qui ont fait des choses intéressantes. On pourra en reparler si tu veux. Mais Patagonia, ce que fait Yvon Chouinard, le patron fondateur, c'est de dire, je crois qu'on est le 22 septembre, quelque chose comme ça, communiqué de presse et il dit « la nature est désormais notre seul actionnaire » . Et effectivement, incroyable, Yvon Chouinard a légué 98% du capital de son entreprise, on parle de millions, de milliards d'euros, de dollars en l'occurrence, à une fondation qui a pour objectif de défendre, protéger la nature. Donc on a bien une nature qui effectivement touche des dividendes, d'accord ? Parce qu'elle est actionnaire, chacun va toucher 100 millions, 200 millions de dollars de dividendes. Et donc ça, c'est un premier aspect de ce que ça veut dire être actionnaire, d'accord ? Et c'est très bien. Sauf qu'être actionnaire, ça veut aussi dire, en temps normal, détenir des actions et donc des droits de vote. Et ça, c'est un peu dommage, mais Patagonia n'a pas été jusque-là. C'est-à-dire que les 98% dont je parle là, du capital, ce sont des actions sans droits de vote. Et c'est pour ça qu'on parle de 98%, parce qu'il reste 2% qui sont là, les actions avec droits de vote, et celles-là, Yvon Chouinard les a gardées. Donc au fond, le patron, ce n'est pas la nature, c'est toujours le même, mais ce n'est pas grave, c'était un beau geste. Mais c'est là que le cas Nord 6 devient encore plus impressionnant, puisque chez Nord 6, la nature est devenue actionnaire. Alors on ne parle pas de 98%, on parle de 10%, sauf que la nature dispose cette fois-ci d'un droit de vote, mais aussi et surtout d'un droit de veto. Et ça, c'est du jamais vu dans l'histoire. de la modernité, j'ai envie de dire, la première fois que dans une entreprise, on donne à la nature un droit de veto sur les décisions stratégiques.

  • Speaker #0

    Dans ce que j'ai pu lire sur Narcisse, en fait, c'est une représentation multiple de la nature pour que ce soit un contre-pouvoir. Et si j'ai bien compris, n'hésite pas à me dire si je me suis trompée, mais c'est qu'en fait, on va retrouver la nature dans le conseil d'administration, dans un conseil d'éthique. Dans le comité de mission, le CSE, il y a aussi un comité de pilotage. Et en fait, toutes ces personnes, après, derrière, elles vont former un haut conseil de la nature. Et comment ça fonctionne exactement, vu qu'ils sont plusieurs ? Est-ce que, d'une certaine manière, il y a une personne qui a un dernier mot ? Est-ce que ça se fait au vote ? Comment ça se passe exactement ? Et comment on recrute aussi ces personnes-là ? Je ne sais pas qu'elles aient un... un lien économique, on va dire, avec l'entreprise et donc potentiellement pas forcément envie d'être une voie complètement neutre sur la nature.

  • Speaker #1

    Eh bien, que de questions. Donc, full disclosure, comme on dit en anglais, il faut que les auditeurs soient informés que c'est moi qui représente la nature au conseil d'administration. Et ça explique pourquoi je peux apporter des détails sur le canorcice. Comment on les recrute ? Eh bien, figure-toi qu'on a fait, donc, avec le dirigeant de l'entreprise, donc lui et moi, nous avons rédigé une fiche de poste, une fiche de mission. en disant voilà ce qu'on attend des représentants de la nature. Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire voilà déjà quelle est notre définition de la nature, voilà notre philosophie de la nature, confère ce que j'ai dit tout à l'heure. Comme on a adopté cette philosophie-là, on a besoin de ces compétences-là. Et en l'espèce, les compétences que nous attendions, c'était une bonne connaissance des neuf limites planétaires. Parce que Narcisse a choisi de retenir la deuxième définition de la nature. Un petit peu la troisième aussi, mais je vais faire simple pour ne pas embrouiller l'esprit des lecteurs. Ça, c'était une première compétence qui était attendue et une deuxième compétence qui relevait cette fois-ci des solutions. C'est-à-dire, venez nous parler de quelles sont les solutions qui feraient plaisir à la nature. Quelles sont les solutions en termes d'informatique, parce que Norcy, c'est une boîte de services numériques. Quelles sont les solutions en termes de business model ? Qu'est-ce qu'il faut ? du régénératif, est-ce qu'il faut de la robustesse ? Tu sais, il y a plein de concepts à la mode. Donc voilà, on a cherché des profils et on a recruté des profils qui ont soit une compétence sur les limites planétaires, soit une compétence sur les solutions. Donc ça, c'est la première partie de ta question. La seconde partie touche, si mes souvenirs sont bons, à comment ça fonctionne. C'est, on parle de huit représentants au total. Chacun va avoir des pouvoirs spécifiques. parce que chacun siège dans une instance de gouvernance spécifique. Par exemple, le représentant de la nature qui siège au CSE, donc du côté des syndicats et des représentants du personnel, eh bien, ses pouvoirs sont ceux traditionnellement conférés par la loi aux représentants du personnel. Mon pouvoir, je l'ai déjà dit, c'est un droit de vote et un droit de veto sur les aspects stratégiques de l'entreprise. Donc chacun a un bout de pouvoir. Mais... effectivement, on se réunit tous dans un Haut Conseil, dans un Haut Conseil qui est présidé par une personne de l'entreprise que les auditeurs connaissent sûrement, qui s'appelle Thomas Brozard, et puis moi-même. Donc nous coprésidons et nous prenons des décisions de telle façon à ce que personne, c'est-à-dire ni moi, ni Thomas, n'allons parler en notre nom propre, au nom de la nature. Moi, ce que j'ai mis en place, et ça j'ai été assez ferme avec Narcisse sur ce point-là, c'est que je ne veux pas que X ou Y s'improvisent tout seuls représentant de la nature. Même s'il a des compétences, pour le faire, c'est jamais suffisant. Et moi, le premier, je dis, je ne suis pas Louis XIV. Je ne vais pas dire l'État, c'est moi. Je ne vais pas dire la nature, c'est moi. Et donc, les décisions ou les avis que les uns et les autres vont... poussés, sont en première instance discutés au sein de ce Haut Conseil de la Nature. Après, est-ce que c'est à la majorité ? Est-ce que c'est au consensus ? Ça dépend des sujets, quoi.

  • Speaker #0

    Mais à la fin, c'est toi qui prends la décision de mettre le veto.

  • Speaker #1

    Le veto, c'est effectivement moi en dernière instance. Ouais, t'as raison.

  • Speaker #0

    Après avoir écouté ce que... tout le monde a pu penser sur un sujet, a pu se dire, avoir trouvé des points d'entente, etc. Toi, à la fin, la décision, elle est entre tes mains de dire oui, c'est OK par rapport à ce qu'on s'est dit, ou alors, ben non, red flag. Et en fait, c'est veto.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, si tu veux, le veto, moi, je compare ça à l'arme nucléaire. C'est vraiment le... Quand on a tout essayé, qu'il n'y a plus aucune alternative, mais tu vois, on évite d'utiliser la bourbe nucléaire tous les quatre matins. Et le veto, c'est un peu pareil, parce que l'objectif, c'est vraiment de faire évoluer les positions de l'entreprise, de négocier aussi. Parce que l'idée d'exercer son droit de veto, ça veut dire qu'il n'y a plus de discussion, il n'y a plus de négociation, tu vois. Or... C'est toute la philosophie de mon projet, c'est qu'entre nature et entreprise, entre non-humain et humain,

  • Speaker #0

    Il faut discuter. Tu vois, il y a des intérêts qui ne vont pas dans le même sens. Le poussin veut vivre. Nous, on veut manger un nugget. Ça, c'est des intérêts concurrents. Il faut en discuter. Et c'est un très mauvais exemple parce que pour faire un nugget, il faut assassiner, on va dire, un poussin. Mais ce que je veux dire, c'est que quand on parle de veto, il n'y a plus de discussion. Et ça, pour moi, c'est problématique et ce n'est pas la philosophie de la façon dont j'appréhende le sujet. Surtout que mettre un droit de veto... Si je l'utilise trop souvent, en plus, derrière, il faut se souvenir qu'il y a des salariés. Norcy, ce n'est pas une petite entreprise de 40 personnes, c'est 800 salariés. Et tu vois, les droits de veto peuvent avoir, enfin, le droit de veto peut avoir des conséquences sur, tu vois, l'emploi. Derrière, c'est des salariés, c'est des familles, etc., etc. Donc, tu vois, il faut utiliser ce pouvoir avec modération.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as la responsabilité, mais est-ce que... Si, par exemple, je veux dire franchement, est-ce que tu peux te faire virer parce qu'en fin de compte, après, tu fais partie du conseil d'administration, peut-être pas. Comment ça se passe exactement si, en fait, à un moment donné, l'entreprise, vous n'êtes plus en accord ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Écoute, mon mandat, il est de trois ans. Un mandat de trois ans. Les autres représentants de la nature ont un mandat de deux ans. Comment ça se passe concrètement ? Il faudrait rentrer dans la technique juridique, ce qui risque d'endormir nos auditeurs. Mais techniquement, le président de la fondation actionnaire me délègue ses pouvoirs pour une durée d'un mandat de trois ans, etc. Donc oui, on peut imaginer qu'il y ait une révocation de cette délégation de pouvoirs. Donc pour répondre à ta question, oui, on peut imaginer que je me fasse virer en quelque sorte. Mais si tu veux, c'est... C'est quand même gravé dans le marbre. C'est-à-dire que même si moi je pars, quelqu'un d'autre devra venir me remplacer. Ça, c'est le premier point. Et je pense que c'est important de le souligner parce qu'à nouveau, ce n'est pas moi la nature. Je ne suis pas... Et donc, peut-être si on me vire demain, c'est peut-être parce que j'aurais mal fait le job, et que Narcisse voudra quelqu'un qui soit encore plus engagé que moi. Et donc, on est bien dans une institution. Ce n'est pas une... personne qui est importante, c'est une institution qui va perdurer par-delà les têtes qui passent. Je ne sais plus, j'ai oublié ta question en fait. Oui, je peux me faire virer, voilà.

  • Speaker #1

    Si un jour vous n'êtes plus en accord, en gros, comment ça se passe ? Et là, tu vas expliquer. Et en fait, si j'ai bien compris, en fin de compte, à la base, c'est un travail de fond avec l'entreprise pour savoir quelle est sa manière de voir la nature, l'écologie, ses croyances, où est-ce qu'elle a envie d'aller. Et donc, ce qui fait que chaque entreprise, si elle décide de mettre en place la même chose, en fin de compte, ce ne sera même pas la même chose parce qu'il y aura d'autres croyances, il y aura d'autres envies, etc.

  • Speaker #0

    Je suis perturbé par ta question sur me faire virer. Du coup, ça continue de mijoter dans ma tête. En fait, je me dis non, non, mais je viens de trouver une meilleure réponse. Du coup, s'ils veulent me virer, je peux utiliser mon droit de veto en disant je ne suis pas d'accord. Bref. Trêve de plaisanterie, trêve de plaisanterie. Oui, je te disais tout à l'heure, en fait, Norsi, c'est une entreprise d'informatique, enfin de services numériques, et donc forcément, sa relation avec la nature, elle est systémique, j'ai envie de dire, parce que pour faire tourner un service informatique, il faut des ordinateurs avec des métaux qui viennent d'Amérique latine, d'Afrique, il faut des serveurs qui sont dans des zones froides, il faut... Assez naturellement, si le jeu de mots m'est permis, Narcisse s'est orienté vers une approche systémique de la nature. Mais prenons l'exemple d'une spa, d'une boîte. En Belgique, par exemple, on parlera peut-être de ce qu'ont fait nos amis belges, mais en Belgique, une boîte qui s'appelle Copain ou Dandois, d'un côté c'est boulangerie et de l'autre c'est production de spéculoos, tu sais, les petits gâteaux. Et en fait, là, on est dans de l'agroalimentaire. Et l'agroalimentaire, tout de suite, on est beaucoup plus relié à du territoire. Parce que pour produire du pain, il faut du blé. Il faut ensuite des centres de production et puis des milieux de vente. Et donc, je parle à titre d'exemple et il faudrait que c'est... On peut très bien imaginer que là, on soit dans une troisième philosophie de la nature, celle qui est beaucoup plus territoriale. Tu sais, où je te disais, c'est communauté d'humains et de non-humains interdépendants. Donc oui, c'est à adapter en fonction de chaque entreprise.

  • Speaker #1

    Donc c'est vraiment une co-construction, une créativité qu'on ajoute à l'entreprise ? Oui.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important parce que quand on touche à la gouvernance, c'est un sujet extrêmement sensible. En fait, on touche au pouvoir, on touche à des gens qui ont mis leur vie, parfois, leur argent. On touche à des gens qui ont gravi durement les échelons pour arriver tout en haut de la hiérarchie. On touche aux égaux, on touche aux... Tu vois, c'est des sujets... C'est pas facile de transformer la gouvernance. Donc oui, moi, mon parti pris, c'est de dire, il y a des solutions. sur étagère, des solutions qu'on peut tout de suite mettre en place sans trop réfléchir. Mais si on veut aller un cran plus loin, il faut effectivement co-construire avec l'entreprise. Et la partie de croyance ou de philosophie, elle est extrêmement importante. Et ça prend du temps, figure-toi. Parce que c'est ce que je disais tout à l'heure, on baigne dans une forme, désolé d'utiliser ce mot-là, mais de... de pensée unique sur ce qu'il faudrait faire en matière d'écologie, qu'on fasse les neuf limites planétaires, par exemple. Mais il est important de prendre du recul, tu vois, et de se dire qu'il y a d'autres façons de procéder. Les résultats sont même meilleurs dans ces autres façons de procéder. Donc, voilà, faisons notre propre philosophie de la nature.

  • Speaker #1

    Et là, tu es dans le conseil d'administration depuis quand ?

  • Speaker #0

    Écoute, c'est récent. Donc, j'ai été nommé le début novembre. Je crois que c'était le... 10 ou le 12 novembre. Et en fait, le gros du travail a été jusque-là le recrutement des autres représentants de la nature. Donc, pour le moment, on n'a pas encore entamé les travaux. On n'est pas encore rentré dans le dur. Même si, figure-toi, sur la question du recrutement des représentants, il y avait déjà des désaccords, tu vois. Donc, je n'ai pas utilisé mon veto, évidemment, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, tu vois, mais on avait des petits désaccords. Donc, rien que sur ce point-là, tu vois, c'est déjà... C'est déjà un vrai travail que de représenter la nature.

  • Speaker #1

    Et tu as parlé plusieurs fois de nos amis belges. Qu'est-ce que tu as envie de nous dire sur eux ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ?

  • Speaker #0

    Ils n'aiment pas que je les appelle amis belges ou camarades belges. S'ils écoutent le podcast, excusez-moi. En fait, ce sont mes collègues. Mes collègues, puisque moi, j'ai intégré une association qui s'appelle Corporate Regeneration. Corporate Regeneration. qui est en fait une association entièrement dédiée à la transformation de la gouvernance des entreprises. Alors eux, c'est Olivier et Vincent, ça a été littéralement les premiers sur la planète à faire quelque chose, puisque là on est en 2021. On est donc avant Patagonia et compagnie. Et donc eux, en 2021, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont mis... Alors, ce n'est pas exactement la nature, c'est les générations futures. Mais Génération Futur, ça nous ramène toujours à cette histoire de limite planétaire. Et eux, ils ont positionné les Génération Futur, donc techniquement des jeunes, au niveau soit des comités de direction, soit des conseils d'administration ou des assemblées générales, donc en gros au sommet de la hiérarchie en entreprise, avec un concept qui s'appelle un comité de régénération. Donc c'est une petite assemblée. Avant, uniquement de jeunes, et maintenant, c'est des jeunes et des experts qui vont venir plusieurs fois par an regarder ce que fait l'entreprise, donner des conseils, éventuellement s'insurger, dire qu'il faudrait faire autrement. Donc voilà, ça, c'était important de le souligner pour rendre à César ce qui était César, c'est-à-dire que moi, j'ai passé quatre ans à écrire mon livre, mais pendant ce temps-là, en Belgique, on expérimentait concrètement les choses sur le terrain.

  • Speaker #1

    Tout à l'heure, je t'entends parler et au fur et à mesure de notre discussion, il y a une question qui me vient me poser. Je ne sais même pas si tu auras la réponse, peut-être un peu philosophique. Mais puis tout à l'heure, tu dis que la nature, on l'a inventée, que ça n'existe pas en soi parce que c'est un concept inventé. Et là, aujourd'hui, on est en train d'amener la nature dans nos institutions. Et d'une certaine manière, je me dis, mais est-ce que nous, humains, qui font partie de la nature, on n'est pas trop institutionnalisé en fin de compte.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'en fait, on a plein de normes, on a plein de règles, alors que je n'ai pas la sensation que la nature, en tout cas, elle, là, il y a vraiment un lien, une entraide, alors que nous, tout est normé, tout est réglementé, tout est institutionnalisé. Je suis en train de me dire, mais est-ce que ce n'est pas ça aussi le fond du problème ? C'est que nous, les humains, on sait... Déjà mis à l'écart de la nature, mais en plus de ça, on s'est imposé des choses très strictes.

  • Speaker #0

    Oui, écoute. Avant d'être sociologue des organisations, je suis historien de formation et je vois d'un bon oeil le droit et les institutions en comparaison avec des civilisations où c'est la loi du plus fort, c'est la loi de la violence. Donc moi je préfère l'état de droit à toute autre forme, même si c'est le, comme on dit, tu sais, c'est le moins parfait, la démocratie est le pire. pire des régimes, mais le moins machin. Mais la question que tu poses, elle est importante, c'est que, et moi ça m'a beaucoup travaillé, c'est, est-ce que c'est une bonne idée déjà qu'on embrasse entre guillemets énormément la nature par une soumission à l'économie, au travail, à la production, ce que je disais tout à l'heure, est-ce qu'il faut l'embrasser encore plus, l'intégrer encore plus dans notre monde humain en lui créant une place ? au sein de nos institutions, que ce soit la gouvernance privée ou on pourrait parler politique aussi. Ce sera d'ailleurs mon prochain livre, La nature en politique. Bref, ça c'est une question qui m'a travaillé. Donc, spoiler, effectivement à la fin du livre, je dis que le mieux ce serait d'arrêter de travailler. Ce serait mieux pour nous les humains et ce serait mieux pour nous, pour les non-humains. Parce qu'effectivement, on est dans une civilisation, ça c'était un autre livre que j'avais publié, moi je parle, on vit dans une religion aujourd'hui, et cette religion s'appelle travail. C'est-à-dire qu'il faut toujours travailler, travailler, si tu ne travailles pas, tu es exclu de la société. Mais en fait c'est absurde, parce qu'on a atteint un tel niveau de progrès et de confort, qu'on pourrait se dire, on arrête de travailler. Il faudra toujours un peu travailler, pour cultiver la terre, pour prendre soin de nos aïeux ou de nos enfants. Mais globalement, on n'a pas besoin de toujours faire plus, tu vois. Et donc, oui, je pense qu'à un moment, c'est à nous de nous limiter, de dire on arrête de travailler et on se repose, nous, les humains, et on laisse la nature se reposer un peu. Mais, mais, mais, en attendant qu'on change de religion, et comme tu le sais, ça ne se fait pas du jour au lendemain, eh bien, moi, je propose que non, on défende les droits de la nature. dans nos institutions, au travail, parce que c'est horrible ce qu'on fait à la nature, entre guillemets. Donc voilà, mais bonne question. Bonne question, Amélie.

  • Speaker #1

    Merci. Qu'est-ce que tu pourrais pouvoir faire avec Narcisse sur les trois ans ? Est-ce que tu as un idéal de où tu aimerais aller, toi, avec Narcisse ?

  • Speaker #0

    Il y a un premier idéal qui est déjà atteint, figure-toi, qui est d'avoir un cas exemplaire. Et ça, c'est le cas parce que vraiment, ils ont extrêmement bien fait le travail. Enfin, ils ont pris les bonnes décisions, je trouve. En gros, Nord6, ils ont pris le bouquin, ils ont dit « Ok, on applique tout » . Donc, c'est génial. Ils sont même allés plus loin puisque, tu vois, dans le bouquin, je ne parle pas d'un droit de veto pour la nature. Donc, ils sont vraiment allés très loin et ça, c'est bien parce qu'on a besoin. des toiles polaires, tu vois. On a besoin des cas d'entreprises qui montrent l'exemple et qui ne font pas les choses à moitié, ou ce n'est pas du greenwashing. Donc ça, c'est le premier objectif. Le deuxième objectif, il est un peu plus flou, mais effectivement, moi, j'aimerais bien, en tant que nature actionnaire, faire en sorte que les services numériques que rend Nord6 soient, alors ils sont déjà assez « propres » . C'est-à-dire que la particularité de Narcisse, c'est de faire de l'informatique durable, entre guillemets. Mais aujourd'hui, c'est compliqué en réalité de faire de l'informatique durable. Parce que dans un ordinateur, tu as des mines de lithium qui viennent de Bolivie, des mines de cobalt et autres terres métaux rares qui nous viennent d'Afrique. Et tout ça, c'est catastrophique. C'est catastrophique pour la planète. Alors, ce n'est pas que le problème de Narcisse, c'est toi, c'est moi. Là, pour faire notre interview, on utilise un ordinateur et en fait, on ne le voit pas. Mais pour avoir, moi, passé beaucoup de temps au Chili et en Bolivie, c'est catastrophique. C'est-à-dire qu'on vide des rivières, on assoiffe des écosystèmes et des communautés locales pour faire fonctionner des mines, pour mettre des batteries dans nos bagnoles et dans nos ordinateurs nouvelle génération. Et le pire, c'est que ce n'est pas juste qu'on assoiffe ces écosystèmes, c'est qu'on rejette après l'eau des mines. dans l'écosystème, sans aucun traitement. Donc, tu te retrouves avec du mercure et plein de saloperies. Donc, vraiment, l'empreinte écologique de l'informatique en général, mais ça, c'est toute notre civilisation. On a tous un téléphone portable. Elle est dégueulasse. Donc, moi, j'aimerais bien pouvoir... travailler sur ça, mais comme je viens de le dire, c'est un enjeu civilisationnel. Ce n'est pas Narcisse, à sa petite échelle, qui va pouvoir changer la façon dont on conçoit des ordinateurs et des semi-conducteurs. Mais bon, voilà, c'est quand même un cap que moi, je garde, essayer de trouver une solution.

  • Speaker #1

    Et dans des plus petits enjeux, est-ce que tu peux donner des exemples de ce que tu pourrais faire avec Narcisse ? Puisque là, c'est vraiment un gros enjeu qui est même au-delà de la portée. Oui, c'est vrai qu'il est en 15 ans. Au-delà de la portée, est-ce que tu en as d'autres, des petits exemples ?

  • Speaker #0

    Oui, un petit exemple très court terme, c'est maintenant qu'on vient de recruter les représentants de la nature. Le premier chantier, figure-toi, c'est de faire un diagnostic. Alors ça peut paraître boring, donc ennuyant à mourir, mais en fait, Norcis a fait des efforts depuis très longtemps sur la question du réchauffement et du carbone, mais figure-toi qu'il n'y a pas de... diagnostique sur c'est quoi les empreintes écologiques de Narcisse sur les autres limites planétaires ? Quel est l'impact sur l'acidification des océans ? L'impact sur la biodiversité ? Et ça, c'est problématique. Donc oui, le premier chantier qu'on va lancer, et là, pour le coup, on est tous d'accord, entreprises et représentants au pluriel de la nature, on est tous d'accord, l'urgence là, c'est de lancer un diagnostic. Et après, on verra, parce que du coup, c'est difficile pour moi de te dire ... Dans quelle direction aller tant que je n'ai pas ce diagnostic qui me permet de dire là où il y a un problème ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est comme quand on a une maladie, tant qu'on n'a pas regardé qu'est-ce que ça pouvait être, on ne peut pas décider du médicament. Et même si tu l'as déjà dit au tout début, c'est ma question de fin, donc je vais quand même te la poser. C'est qu'est-ce que l'écologie pour toi ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que l'écologie pour moi ? C'est une... Question qui est... Il n'est pas simple de répondre à cette question parce que ça dépend du point de vue qu'on adopte. D'accord ? Et ça, je l'ai dit d'emblée, je l'ai dit en parlant de philosophie de la nature. Donc pour moi, l'écologie, au fond, par-delà cette diversité des points de vue, pour moi, et c'est mon combat, c'est une question de philosophie. C'est une question même d'axiologie, si je peux utiliser un terme barbare. « Axiologie » , ça veut dire « philosophie de la valeur » . À quoi on donne de la valeur ? Et je pense qu'on a oublié de penser de cette façon-là, mais on ne peut pas sauver la planète dans son intégralité. Tu vois, pour survivre, nous, les humains, avons besoin de couper des arbres pour construire des cabanes, faire du feu. Nous avons besoin de tuer des choses, des animaux. J'ai dit des choses, tu vois, ma langue a fourché. Alors, nous avons besoin de tuer des... non humains pour nous nourrir. Et donc il y a bien une opération où on donne de la valeur à certaines choses, notre survie, et où on n'en donne pas, et ça depuis la nuit des temps, on ne donne pas de valeur aux choses qui viennent nous nourrir. Et ça c'est bien une opération d'axiologie, une opération où dans notre cerveau, on donne de la valeur à ceci et on lui retire de la valeur de notre côté. Et je crois que c'est comme ça qu'il faut prendre le sujet, et c'est ce que j'essaye de faire dans le livre. C'est comme ça qu'il faut prendre le sujet aujourd'hui de l'écologie, se poser la question de à quoi on veut donner de la valeur. Est-ce que c'est les générations futures ? Est-ce que c'est les animaux ? Tu vois, il y a plein de gens qui défendent le bien-être animal. Est-ce que c'est l'arbre, le protozoaire ? Est-ce que c'est le système ? Est-ce que c'est le territoire ? Tu vois, il faut choisir son combat et réfléchir à quoi on veut donner de la valeur. Voilà, pour moi c'est ça l'écologie. Une question de choix philosophique, mais pour faire ce choix philosophique, il faut... philosopher 5 minutes au préalable.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    Écoute, non, parce que tes questions étaient bien préparées, et donc du coup j'ai pu m'exprimer sur les différents sujets qui me tiennent à cœur. Et c'est très chouette comme format où on peut s'exprimer, avoir le temps de parler, et donc c'est plus à moi de te remercier. Voilà, merci à toi pour ce podcast et ces questions.

  • Speaker #1

    Merci, parce que j'ai appris plein de choses. C'était très riche et j'ai hâte de voir la suite de Nord 6, voir où vous allez, ce qui va sortir de tout ça et est-ce qu'il y a d'autres entreprises qui vont vous suivre, je l'espère. En tout cas, plein de curiosités sur ce qui va se passer.

  • Speaker #0

    Merci. Et puis après le livre La nature au travail, bientôt, je l'espère, La nature en politique. Et ça va me demander du temps et du travail.

Description

Le monde de l'entreprise a toujours fasciné Frantz alors que la nature pas vraiment.


Pourtant, il va lui dédier plusieurs années de sa vie pour trouver les réponses à ses questions :

  • Qu'est ce que la Nature ?

  • Comment voit-on les non humains chez les indigènes ?

  • Comment donner la parole à la Nature au sein des entreprises ?

  • Comment la représenter au sein des organisations ?


Puis lorsqu'il a eu fini de donner les réponses à travers son livre : "La nature au travail, collaborer autrement avec le vivant".
La mise en place de la théorie a vu le jour avec l'entreprise Norsys.


Thomas Breuzard, directeur permaentreprise chez Norsys a été un bon élève qui a repris exactement les ambitions du livre de Frantz mais en y intégrant un petit truc en plus : le droit de véto !

Et ça fait toute la différence.


Un échange inspirant qui nous prouve que les règles peuvent être changées au sein même des organisations.
Que rien n'est figé. Que l'espoir est bien présent.


Chapitres :

  • Frantz et son rapport distant à la nature

  • Comment son livre a bouleversé sa vision du vivant

  • Norsys s’inspire du livre et passe à l’action

  • Intégrer la nature aux décisions avec un droit de veto

  • L’écologie : une question de choix et de valeurs

  • Quels impacts et perspectives pour demain ?


Liens de Frantz Gault :


Liens de E.vie.demment :

Soutiens-moi : E.vie.demment – Tipeee

Si tu veux un coaching : Calendly - Amélie AUJARD

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Un podcast qui permet de répondre à vos questionnements, envies, besoins, peurs, colères, frustrations liés à l'écologie en vous transmettant de la joie, de l'espoir, des bonnes idées et des conseils.

Si tu es éco-anxieux(ses), que tu as envie de changer le monde ou ton monde, que tu as un projet à impact en tête, en cours ou déjà florissant ou si tu es tout simplement curieux(ses) alors bienvenue sur E.vie.demment !!

Tu auras tous les mardi dans tes oreilles, un.e éco-témoins parlant de son aventure écologique, un.e expert.e en écologie intérieure ou extérieure mais aussi mes tips de coach ainsi que mes propres expériences.


Je te donne rendez-vous sur É.vie.demment tous les mardi pour des tonnes de minutes de partage. 🍀☀️


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour Frans !

  • Speaker #1

    Bonjour Amélie !

  • Speaker #0

    Je suis ravie de t'avoir dans mon podcast aujourd'hui. On va parler de la nature au travail. Mais avant ça, je vais d'abord te poser une première question. Comment vas-tu si je te parle d'écologie ?

  • Speaker #1

    Oulala, ça commence fort comme question. Écoute, pour être honnête, je me sens misanthrope. Voilà, misanthrope parce que je pense que les humains font n'importe quoi. En tout cas, les modernes que nous sommes, nous faisons n'importe quoi. Mais au fond, ça dépend de la définition qu'on donne au mot écologie. Écologie, c'est, si mon latin est à peu près potable, c'est oikos. Donc c'est la règle du logis, du domaine, de la maison. Bref, c'est notre milieu, notre habitat. Et en fait, la planète Terre n'est pas que notre habitat. Donc nous sommes peut-être en train de détruire notre habitat, et c'est bien dommage pour nous, mais nous ne sommes pas en train de détruire la Terre. qui restera habitable pour d'autres espèces. Donc, c'est une histoire de point de vue.

  • Speaker #0

    Oui, et c'est vrai que beaucoup dans nos podcasts, on me rappelle ça. C'est pour les humains, en fait, qu'on est en train de faire quelque chose, parce que la planète, elle, elle s'en sortira d'une autre manière.

  • Speaker #1

    C'est ça, et j'ai coutume de dire que, tu vois, par exemple, on s'inquiète beaucoup du réchauffement climatique, et à raison, puisque chaque jour vient avec son lot d'incendies et de crues dévastatrices. Mais il y a des espèces qui se réjouissent du réchauffement climatique. Le frelon asiatique prospère grâce au réchauffement climatique. Donc, bon, c'est vraiment une histoire de point de vue. C'est toujours important de se le rappeler. C'est vraiment dommage pour nous, pour nos enfants, nos petits-enfants. Mais la vie continuera sur Terre.

  • Speaker #0

    C'est poétique. J'aime bien. Et quel est ton parcours dans le milieu du vivant, dans l'écologie ? t'arrives jusqu'à l'écriture de ce livre ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'aller voir d'un peu plus près cette nature ?

  • Speaker #1

    Écoute, c'est un parcours assez atypique par rapport à d'autres personnes que tu interviews parce que moi, si on s'était parlé il y a cinq ans, je n'avais jamais ouvert un bouquin d'écologie, je ne m'étais jamais trop préoccupé de la planète si ce n'est que j'avais conscience qu'il fallait faire le tri et couper le robinet quand on se brosse les dents mais donc vraiment le... Si tu veux, le cadre supérieur parisien typique. J'étais avant... En fait, je suis sociologue des organisations. Donc, j'ai été consultant en organisation pendant longtemps. Et je mettais cette compétence au service d'un premier combat. Puisque c'était un combat à l'époque qui était le télétravail. Et puis, c'est vrai que vers 2019-2020, j'ai été fatigué de ce sujet du télétravail. Il s'était démocratisé. Je me suis dit, cette compétence, sociologie des organisations, qu'est-ce que je peux en faire ? Évidemment, le sujet de l'écologie passe devant mes yeux. Je l'avais complètement raté. Honte à moi, désolé les auditeurs. Par contre, je prends conscience de la gravité de la situation, mais je prends aussi conscience de la nullité des solutions qui sont offertes en librairie, en théorie, dans les milieux académiques. Autrement dit, entre la catastrophe annoncée par les scientifiques Donc l'anthropocène d'un côté, la sixième extinction de masse, et puis ce que j'appelle du petit gestisme. Donc je rigolais tout à l'heure sur l'histoire de couper le robinet quand on se brosse les dents, mais si tu veux c'est la même chose pour les entreprises, pour l'économie. Toutes les initiatives visant un petit peu à verdir la production, à arrondir les coins, en fait ne sont pas du tout à la hauteur de la situation. Et donc je me suis dit, il faut que j'écrive un livre, il faut que j'écrive un livre, pour inventer des nouvelles. façon de penser l'économie, il n'y avait rien. Il fallait combler ce vide, cet angle mort. C'est comme ça que je suis arrivé sur le sujet de l'écologie. Mais le chemin est un peu plus long et je ne veux pas fatiguer d'emblée les auditeurs en racontant ma vie trop longtemps, mais j'ai rencontré évidemment Philippe Descola sur mon parcours, qui a eu une grande influence, beaucoup de travaux aussi, chez les peuples premiers, comme il est coutume de dire par chez nous, les indigènes, pour parler concrètement. Voilà, et c'est aussi beaucoup de rencontres qui m'ont aidé à formuler ma propre pensée de l'écologie.

  • Speaker #0

    Ces rencontres, c'est que tu voulais avoir des nouveaux points de vue, te confronter au réel, au vivant directement. Qu'est-ce qui a fait que tu as eu cette démarche d'aller rencontrer, plutôt que d'apprendre directement via ce qu'on peut avoir via, aujourd'hui, les réseaux, Google, etc.

  • Speaker #1

    Écoute, c'est une démarche philosophique, au fond. C'est-à-dire que, en fait, je ne trouvais... Pas satisfaction dans les théories, dans la littérature, je viens de le dire. Par contre, j'ai trouvé quelqu'un d'extrêmement intéressant, c'est Philippe Descola. Philippe Descola qui nous dit que la nature, ça n'existe pas. Et qu'on fait fausse route en essayant de sauver la nature. On peut dire planète, on peut dire vivant, on peut remplacer nature par d'autres termes, c'est le même problème. Et donc, Philippe Descola, c'est de l'anthropologie. L'anthropologie, c'est... un peu d'études de terrain, mais c'est aussi une forme de philosophie, de ce que veut dire être humain. Et donc, comme c'est un peu difficile à comprendre, je me suis dit, il faut que j'aille moi-même sur le terrain, voir comment pensent ces indigènes pour qui la nature n'existe pas. Effectivement, moi je me souviens, c'est une anecdote que j'aime bien raconter, c'est qu'à cette occasion, j'avais fait un documentaire qui s'intitule Natura Naturans, et lorsqu'on parlait en espagnol, qui était la lingua franca pour communiquer entre nos deux peuples. Et lorsqu'il parlait de nature, il disait la humanidad. Et quand j'ai diffusé le documentaire, les gens me disaient mais Franz, c'est quoi les traductions, les sous-titres que tu as mis ? Parce que humanidad, ça veut dire humanité. Sauf que pour eux, les indigènes, humanidad, ça veut dire la nature. Parce que tous les êtres vivants sont des personnes, et donc l'humanité, ce ne sont pas seulement les humains, ce sont aussi les non-humains. Tout ça forme une grande population d'êtres qui ont des rapports, d'équivalence, de respect, etc. Et donc c'est là qu'on plonge dans un nouveau point de vue. Un nouveau point de vue qui consiste à ne plus considérer cette fameuse nature comme quelque chose d'un peu lointain, et surtout comme une marchandise, une chose, mais considérer ces êtres vivants non humains comme des personnes. Et c'est ça, moi, le point de départ, la base de toute ma théorie, de toute... mes propositions pour l'entreprise, c'est-à-dire on arrête de considérer la nature, entre guillemets, comme une chose, comme une marchandise, comme une matière première.

  • Speaker #0

    Et donc là, la première entre guillemets problématique, c'est qu'est-ce que la nature ?

  • Speaker #1

    Est-ce que tes auditeurs ont 7 heures devant eux pour… ? La nature, c'est une invention de la modernité, donc c'est nous. C'est une invention qui date, voilà, c'est quelque part entre… La renaissance, c'est la révolution industrielle, c'est lié à l'essor notamment des sciences. La nature, c'est donc la séparation entre ce qui est humain d'un côté et qu'on considère comme sacré, comme doté d'une intelligence, d'une âme, d'un esprit. Et puis de l'autre côté, le reste, qu'on prive de sacré, qu'on prive d'âme, qu'on prive d'intelligence et on considère que c'est, ce que j'ai dit, de la matière. régi par des lois, des lois scientifiques, ce sont les sciences naturelles, d'accord ? Et donc ça crée un grand schisme, si tu veux, et surtout un grand déséquilibre entre d'un côté quelque chose qui serait sacré, l'humain, et puis de l'autre, de la pauvre matière. Donc c'est ça la nature, c'est une invention de nous autres, les Européens, et cette façon de voir le monde s'est malheureusement répandue un peu partout sur la planète. Mais il persiste quelques villages d'irréductibles indigènes, non pas de Gaulois, qui continuent de penser autrement les choses. Et c'est là que l'avenir peut être envisagé autrement que ce qu'on fait aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Parce que toi, en tout cas dans le livre, tu parles de trois angles que tu as, grâce à des personnes que tu as pu rencontrer et qui permettent de repenser l'entreprise. Je ne sais pas si tu les as rencontrées réellement. Je sais que tu as rencontré un peuple d'indigènes, mais je ne sais pas si tu les as... Ces trois angles rencontrés aussi, c'est plus par tes lectures et peut-être ta collaboration avec... J'ai perdu son prénom, Pierre Descola.

  • Speaker #1

    Philippe Descola ? Non, non, je n'ai pas rencontré tous les peuples premiers, ne serait-ce que parce que le bouquin a été écrit en partie pendant la phase des confinements et du Covid. Et puis, ça a été autoproduit, ce bouquin. Donc, si tu veux aller dans le... Kimberley, dans le nord-ouest australien, ça coûte extrêmement cher. Mais néanmoins, j'ai fait en sorte de parler de peuples premiers que j'avais pu rencontrer d'une façon ou d'une autre dans mon histoire de vie. Par contre, j'ai passé énormément de temps en Amazonie. J'ai passé plusieurs mois en Amazonie. Et donc effectivement, il existe différentes... Ta question c'était, il existe d'autres façons de penser le monde qu'en recourant au prisme de la nature ? D'accord. C'est ça. Et toi,

  • Speaker #0

    tu en as trouvé trois.

  • Speaker #1

    Alors, ce n'est pas moi qui les ai trouvés, puisque c'est le prisme, c'est la grille de lecture de Philippe Descola. de dire que nous autres avons inventé la nature et c'est comme ça qu'on se relie au monde, mais il existe trois alternatives. Une première alternative, c'est celle que j'ai évoquée par le biais d'une anecdote, quand je parlais de l'humanité chez les indigènes d'Amazonie. En Amazonie, dans l'univers animiste, chaque être vivant est considéré comme équivalent à un être humain. Ce qui veut dire qu'il est... comme un être humain, intelligent, doté d'une âme, d'un esprit, de quelque chose qu'on appelle l'intériorité. Ce n'est pas juste de la matière, il y a aussi quelque chose dans sa tête, j'ai envie de dire. Ça veut dire que le poireau, le manioc, l'arbre, le serpent, tout ce que tu veux sont des êtres vivants, qui seraient chez nous considérés comme des citoyens, qui devraient voter en politique, qui devraient avoir un compte en banque, etc. Donc ça, c'est une première... alternative, philosophique. Et je dois dire que c'est celle qui emporte peut-être mon adhésion, mon envie. Et c'est celle qui produit des résultats assez extraordinaires en termes de protection de la nature, entre guillemets. Parce que quand on va en Amazonie, pas besoin de faire un dessin, on voit bien que l'état des écosystèmes, pour le dire comme ça, est super. Je ne sais pas si tu veux que je déroule les trois philosophies de la nature ou comment tu veux...

  • Speaker #0

    Tu déroules les deux autres parce que je les trouvais super intéressants dans ce que j'ai pu lire et ça permet de voir une autre approche de ce lien avec la nature que nous, d'une certaine manière, on a complètement oublié.

  • Speaker #1

    Oui, qu'on a complètement oublié et ce qui est parfois, je trouve, inquiétant, c'est qu'on continue d'oublier activement et on pense avoir la vérité, en quelque sorte, tu sais, quand on défend l'écologie, quand on défend la... planète et qu'on prend des drapeaux et qu'on va manifester dans la rue mais mais en fait on oublie qu'il ya plein de façons de penser les choses qui peut-être fonctionne mieux que ce qu'on va aller défendre jour le jour et du coup ça ça m'amène d'ailleurs à la deuxième philosophie ce que la deuxième philosophie c'est celle qu'on commence à adopter chez nous c'est une philosophie qui pense la nature enfin qui pense le monde sous l'angle des systèmes c'est à dire plutôt que de donner de la valeur à chaque être vivant on va donner de la valeur aux grandes structures, aux grands équilibres. Et c'est là qu'on va retrouver les écosystèmes, le système Terre, c'est là qu'on va retrouver les neuf limites planétaires. Les neuf limites planétaires, ce sont des indicateurs de l'équilibre du système Terre. Ça veut dire qu'en fait, on se désintéresse au fond des individus que sont les êtres vivants. Et il n'y a pas de souci, c'est une philosophie qui existe depuis longtemps, et qui nous vient notamment de... de l'Inde brahmanique, de la Chine ancienne. On se désintéresse de chaque être vivant pour s'assurer simplement que le système reste à l'équilibre. Parfois, ça veut dire sacrifier. Quand il y a une surpopulation de frelons asiatiques, on va les sacrifier parce qu'on estime qu'il faut maintenir l'équilibre. Et ça, c'est la façon qu'on a de voir les choses, mais qui, moi, m'inquiète un peu parce que chez nous, en tout cas, elle est appropriée de façon... très anthropocentrique. Si je reprends les neuf limites planétaires, on est vraiment... En fait, si on prend l'article originel qui a été publié par le Stockholm Resilience Center, on est sur neuf limites planétaires pour sécuriser un espèce de vie pour les générations futures. Donc en fait, ce qui nous intéresse dans cette histoire, c'est l'humain est toujours l'humain. Et on ne change pas de logiciel. Et ça, ça m'inquiète. Parce que... derrière une bonne parole écologique, finalement on perpétue l'anthropocentrisme des modernes. Et ça m'amène du coup à une troisième et dernière philosophie de la nature, qui est intermédiaire. L'intermédiaire c'est de se dire qu'entre le respect qu'on va donner à chaque être vivant d'un côté, ou alors le respect au grand système de l'autre, est-ce qu'il n'y a pas une entité un peu entre l'infiniment petit d'un côté et l'infiniment grand de l'autre ? Cette entité intermédiaire, C'est ce qu'on pourrait appeler vulgairement chez nous le territoire, mais le bon terme c'est écoumène. L'écoumène c'est une communauté, communauté locale, réunissant des humains et des non-humains, que ce soit des pierres, des rivières, des poireaux, des maniocs, et c'est une communauté qui est interdépendante un peu comme l'est une famille. Et c'est ça qui est sacré dans cette troisième philosophie de la nature, c'est le local j'ai envie de dire. Je ne m'attarde pas plus longtemps sur ce point, mais ça permet d'avoir un petit panorama des alternatives.

  • Speaker #0

    Toi, dans l'idée, est-ce que tu aimerais... Tu veux que l'entreprise fasse avec la nature ? Ce serait plutôt en lien avec la dernière que tu viens de nous parler, qu'elle fasse famille ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est une question qui n'est pas facile. C'est-à-dire que pour moi, une philosophie de la nature ou une autre, c'est une forme de foi, de croyance. Il n'y a pas de bonne ou mauvaise. Il y en a qui sont plus efficaces d'un point de vue écologique. et notamment la première et la troisième, l'animisme et le totémisme, ça s'appelle. Il y en a qui sont nettement moins efficaces. Penser la nature sous l'angle des systèmes, que ce soit dans l'Inde brahmanique ou dans la modernité que nous vivons, ça donne des résultats catastrophiques malheureusement. Donc j'ai des préférences, mais ça relève d'un choix presque philosophique ou spirituel. Et donc moi, je n'impose pas aux entreprises. une philosophie de la nature ou une autre. Par contre, toute ma démarche, elle s'appuie sur ce que j'ai souligné tout à l'heure comme être un point de départ. C'est-à-dire la nature n'est pas une chose, n'est pas une marchandise, n'est pas une matière première. Et donc quand on choisit une philosophie de la nature, forcément on choisit une nature qui devient sujet, qui devient plus ou moins personne, une nature qui prend la parole, une nature qui a les intérêts. C'est ça moi que je porte. quel que soit ce qu'on met derrière le mot nature.

  • Speaker #0

    Et comment on collabore avec la nature ?

  • Speaker #1

    Alors ça, aujourd'hui, on collabore. J'ai envie de dire, aujourd'hui, c'est une relation d'esclavagisme, mais c'est encore trop gentil pour décrire la relation. En fait, aujourd'hui, notre relation à la nature, elle est essentiellement sous l'angle du travail. C'est-à-dire que même si parfois on va visiter la nature, le week-end ou en vacances, même si parfois on va essayer de se reconnecter à la nature, 90%, 95% de nos relations avec la nature passent par l'angle de l'économie et du travail. Et dans cette relation laborale, dire esclavage est encore trop gentil, parce qu'aujourd'hui, je veux dire, les esclaves, historiquement, avaient plus ou moins des droits. Tu vois, on ne pouvait pas tuer un esclave au Moyen-Âge ou dans l'Ancien Régime. Je ne sais pas que la situation d'esclave était enviable, mais aujourd'hui, la bonne métaphore serait plutôt celle des camps de concentration. Elle ne vient pas de moi, elle vient d'auteurs qui nous disent que quand on regarde le sort d'une forêt, quand on regarde le sort des poussins qui servent à faire nos nuggets et qui sont broyés vivants dans des machines, bon, ce n'est plus de l'esclavage, tu vois, c'est vraiment... Un camp de concentration et même cette métaphore est presque encore trop douce pour décrire la façon dont on collabore avec les non-humains aujourd'hui. Mais ce n'était pas ta question.

  • Speaker #0

    Ma question c'était comment on va collaborer aujourd'hui en entreprise avec la nature ? Qu'est-ce qu'on peut mettre en place ? Je sais qu'il y a plusieurs exemples qui existent à travers plusieurs entreprises. Et notamment une dernière il n'y a pas si longtemps où tu es un acteur prédominant. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu, via les exemples que tu proposes, qu'est-ce qu'on peut faire en entreprise pour que la nature ait une voie ?

  • Speaker #1

    Oui, donc merci de ta question. Il y a tout à réinventer. Et donc, quand tu me poses la question, comment on collaborerait au conditionnel demain, dans un monde idéal, je n'ai pas encore résolu entièrement l'affaire. Il faudrait non pas écrire un bouquin de 250 pages, mais plutôt un bouquin de 2500 pages pour répondre proprement à la question comment travailler demain avec la nature. Par contre, moi, ce que j'offre, c'est une première pierre, une première étape pour transformer le rapport. Et cette première pierre, c'est la gouvernance. La gouvernance qui, aujourd'hui, est une gouvernance qui donne la parole exclusivement aux humains, en priorité aux actionnaires. D'accord ? C'est-à-dire aux détenteurs du capital, et puis dans notre pays, mais ça dépend des pays, un petit peu aux salariés. Un tout petit peu, parce que... voilà. Et ça, c'est l'angle des syndicats, c'est le rôle des syndicats. Mais tu vois, c'est une gouvernance qui est exclusivement dédiée aux intérêts des humains, qui se regardent entre eux, dans le blanc des yeux, en se disant « moi je veux ça, l'autre il veut ça » , et puis on se bat, et puis... Donc moi, ce que je fais, c'est tout simplement, je rajoute une chaise, pour le dire bêtement, je rajoute une chaise en disant, eh bien, donnons maintenant la parole à la nature. Alors cette chaise, elle peut être rajoutée à différents endroits dans l'entreprise, différents organes dans la gouvernance. Au niveau du dialogue social, c'est-à-dire que les syndicats prennent aujourd'hui la parole pour défendre les intérêts humains. Demain, je propose qu'ils défendent aussi les intérêts des non-humains. Mais cette nouvelle chaise, on peut aussi la rajouter au niveau du comité de direction et voir encore mieux, c'est mon scénario favori et ça je l'assume, au niveau du conseil d'administration. Parce que je l'ai dit, le pouvoir souverain, le pouvoir ultime en entreprise, il est... du côté des actionnaires. Et donc, moi, ce que j'essaye de faire, c'est ce que je fais d'ailleurs chez Norcis, dont on parlera peut-être tout à l'heure, c'est de rajouter une chaise à la table des actionnaires, au conseil d'administration, de façon à ce que la nature ait une voix puissante en entreprise.

  • Speaker #0

    Ça, j'ai vraiment beaucoup aimé dans ce que j'ai pu lire et voir sur ça, c'est comment tu as décortiqué chaque pouvoir au sein de l'entreprise. Et en fait, la manière dont la nature aura plus ou moins la parole. Et donc, à la fin, se dire, c'est les actionnaires aujourd'hui dans nos entreprises qui ont le pouvoir. Et donc, si on ne met pas la nature au sein même des actionnaires, eh bien, en fin de compte, oui, on l'entendra, mais on ne sera pas obligé de suivre ce qu'elle dit. Et aussi, ce que j'ai pu lire aussi, c'est qu'il y avait aussi possiblement, si on prend Patagonia, par exemple, je ne sais pas si c'est... Je crois qu'il est dans les actionnaires, mais sans droit de vote.

  • Speaker #1

    C'est ça. Patagonia est un très bel exemple. Je vois d'ailleurs que tu portes une tout doune Patagonia. Félicitations. C'est de circonstance. Patagonia est un cas qui est extrêmement important dans l'histoire de notre sujet parce que, déjà on est en 2022. C'est une des entreprises vraiment précurseurs. Avant ça, il y a eu des entreprises belges qui ont fait des choses intéressantes. On pourra en reparler si tu veux. Mais Patagonia, ce que fait Yvon Chouinard, le patron fondateur, c'est de dire, je crois qu'on est le 22 septembre, quelque chose comme ça, communiqué de presse et il dit « la nature est désormais notre seul actionnaire » . Et effectivement, incroyable, Yvon Chouinard a légué 98% du capital de son entreprise, on parle de millions, de milliards d'euros, de dollars en l'occurrence, à une fondation qui a pour objectif de défendre, protéger la nature. Donc on a bien une nature qui effectivement touche des dividendes, d'accord ? Parce qu'elle est actionnaire, chacun va toucher 100 millions, 200 millions de dollars de dividendes. Et donc ça, c'est un premier aspect de ce que ça veut dire être actionnaire, d'accord ? Et c'est très bien. Sauf qu'être actionnaire, ça veut aussi dire, en temps normal, détenir des actions et donc des droits de vote. Et ça, c'est un peu dommage, mais Patagonia n'a pas été jusque-là. C'est-à-dire que les 98% dont je parle là, du capital, ce sont des actions sans droits de vote. Et c'est pour ça qu'on parle de 98%, parce qu'il reste 2% qui sont là, les actions avec droits de vote, et celles-là, Yvon Chouinard les a gardées. Donc au fond, le patron, ce n'est pas la nature, c'est toujours le même, mais ce n'est pas grave, c'était un beau geste. Mais c'est là que le cas Nord 6 devient encore plus impressionnant, puisque chez Nord 6, la nature est devenue actionnaire. Alors on ne parle pas de 98%, on parle de 10%, sauf que la nature dispose cette fois-ci d'un droit de vote, mais aussi et surtout d'un droit de veto. Et ça, c'est du jamais vu dans l'histoire. de la modernité, j'ai envie de dire, la première fois que dans une entreprise, on donne à la nature un droit de veto sur les décisions stratégiques.

  • Speaker #0

    Dans ce que j'ai pu lire sur Narcisse, en fait, c'est une représentation multiple de la nature pour que ce soit un contre-pouvoir. Et si j'ai bien compris, n'hésite pas à me dire si je me suis trompée, mais c'est qu'en fait, on va retrouver la nature dans le conseil d'administration, dans un conseil d'éthique. Dans le comité de mission, le CSE, il y a aussi un comité de pilotage. Et en fait, toutes ces personnes, après, derrière, elles vont former un haut conseil de la nature. Et comment ça fonctionne exactement, vu qu'ils sont plusieurs ? Est-ce que, d'une certaine manière, il y a une personne qui a un dernier mot ? Est-ce que ça se fait au vote ? Comment ça se passe exactement ? Et comment on recrute aussi ces personnes-là ? Je ne sais pas qu'elles aient un... un lien économique, on va dire, avec l'entreprise et donc potentiellement pas forcément envie d'être une voie complètement neutre sur la nature.

  • Speaker #1

    Eh bien, que de questions. Donc, full disclosure, comme on dit en anglais, il faut que les auditeurs soient informés que c'est moi qui représente la nature au conseil d'administration. Et ça explique pourquoi je peux apporter des détails sur le canorcice. Comment on les recrute ? Eh bien, figure-toi qu'on a fait, donc, avec le dirigeant de l'entreprise, donc lui et moi, nous avons rédigé une fiche de poste, une fiche de mission. en disant voilà ce qu'on attend des représentants de la nature. Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire voilà déjà quelle est notre définition de la nature, voilà notre philosophie de la nature, confère ce que j'ai dit tout à l'heure. Comme on a adopté cette philosophie-là, on a besoin de ces compétences-là. Et en l'espèce, les compétences que nous attendions, c'était une bonne connaissance des neuf limites planétaires. Parce que Narcisse a choisi de retenir la deuxième définition de la nature. Un petit peu la troisième aussi, mais je vais faire simple pour ne pas embrouiller l'esprit des lecteurs. Ça, c'était une première compétence qui était attendue et une deuxième compétence qui relevait cette fois-ci des solutions. C'est-à-dire, venez nous parler de quelles sont les solutions qui feraient plaisir à la nature. Quelles sont les solutions en termes d'informatique, parce que Norcy, c'est une boîte de services numériques. Quelles sont les solutions en termes de business model ? Qu'est-ce qu'il faut ? du régénératif, est-ce qu'il faut de la robustesse ? Tu sais, il y a plein de concepts à la mode. Donc voilà, on a cherché des profils et on a recruté des profils qui ont soit une compétence sur les limites planétaires, soit une compétence sur les solutions. Donc ça, c'est la première partie de ta question. La seconde partie touche, si mes souvenirs sont bons, à comment ça fonctionne. C'est, on parle de huit représentants au total. Chacun va avoir des pouvoirs spécifiques. parce que chacun siège dans une instance de gouvernance spécifique. Par exemple, le représentant de la nature qui siège au CSE, donc du côté des syndicats et des représentants du personnel, eh bien, ses pouvoirs sont ceux traditionnellement conférés par la loi aux représentants du personnel. Mon pouvoir, je l'ai déjà dit, c'est un droit de vote et un droit de veto sur les aspects stratégiques de l'entreprise. Donc chacun a un bout de pouvoir. Mais... effectivement, on se réunit tous dans un Haut Conseil, dans un Haut Conseil qui est présidé par une personne de l'entreprise que les auditeurs connaissent sûrement, qui s'appelle Thomas Brozard, et puis moi-même. Donc nous coprésidons et nous prenons des décisions de telle façon à ce que personne, c'est-à-dire ni moi, ni Thomas, n'allons parler en notre nom propre, au nom de la nature. Moi, ce que j'ai mis en place, et ça j'ai été assez ferme avec Narcisse sur ce point-là, c'est que je ne veux pas que X ou Y s'improvisent tout seuls représentant de la nature. Même s'il a des compétences, pour le faire, c'est jamais suffisant. Et moi, le premier, je dis, je ne suis pas Louis XIV. Je ne vais pas dire l'État, c'est moi. Je ne vais pas dire la nature, c'est moi. Et donc, les décisions ou les avis que les uns et les autres vont... poussés, sont en première instance discutés au sein de ce Haut Conseil de la Nature. Après, est-ce que c'est à la majorité ? Est-ce que c'est au consensus ? Ça dépend des sujets, quoi.

  • Speaker #0

    Mais à la fin, c'est toi qui prends la décision de mettre le veto.

  • Speaker #1

    Le veto, c'est effectivement moi en dernière instance. Ouais, t'as raison.

  • Speaker #0

    Après avoir écouté ce que... tout le monde a pu penser sur un sujet, a pu se dire, avoir trouvé des points d'entente, etc. Toi, à la fin, la décision, elle est entre tes mains de dire oui, c'est OK par rapport à ce qu'on s'est dit, ou alors, ben non, red flag. Et en fait, c'est veto.

  • Speaker #1

    C'est ça. Après, si tu veux, le veto, moi, je compare ça à l'arme nucléaire. C'est vraiment le... Quand on a tout essayé, qu'il n'y a plus aucune alternative, mais tu vois, on évite d'utiliser la bourbe nucléaire tous les quatre matins. Et le veto, c'est un peu pareil, parce que l'objectif, c'est vraiment de faire évoluer les positions de l'entreprise, de négocier aussi. Parce que l'idée d'exercer son droit de veto, ça veut dire qu'il n'y a plus de discussion, il n'y a plus de négociation, tu vois. Or... C'est toute la philosophie de mon projet, c'est qu'entre nature et entreprise, entre non-humain et humain,

  • Speaker #0

    Il faut discuter. Tu vois, il y a des intérêts qui ne vont pas dans le même sens. Le poussin veut vivre. Nous, on veut manger un nugget. Ça, c'est des intérêts concurrents. Il faut en discuter. Et c'est un très mauvais exemple parce que pour faire un nugget, il faut assassiner, on va dire, un poussin. Mais ce que je veux dire, c'est que quand on parle de veto, il n'y a plus de discussion. Et ça, pour moi, c'est problématique et ce n'est pas la philosophie de la façon dont j'appréhende le sujet. Surtout que mettre un droit de veto... Si je l'utilise trop souvent, en plus, derrière, il faut se souvenir qu'il y a des salariés. Norcy, ce n'est pas une petite entreprise de 40 personnes, c'est 800 salariés. Et tu vois, les droits de veto peuvent avoir, enfin, le droit de veto peut avoir des conséquences sur, tu vois, l'emploi. Derrière, c'est des salariés, c'est des familles, etc., etc. Donc, tu vois, il faut utiliser ce pouvoir avec modération.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as la responsabilité, mais est-ce que... Si, par exemple, je veux dire franchement, est-ce que tu peux te faire virer parce qu'en fin de compte, après, tu fais partie du conseil d'administration, peut-être pas. Comment ça se passe exactement si, en fait, à un moment donné, l'entreprise, vous n'êtes plus en accord ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Écoute, mon mandat, il est de trois ans. Un mandat de trois ans. Les autres représentants de la nature ont un mandat de deux ans. Comment ça se passe concrètement ? Il faudrait rentrer dans la technique juridique, ce qui risque d'endormir nos auditeurs. Mais techniquement, le président de la fondation actionnaire me délègue ses pouvoirs pour une durée d'un mandat de trois ans, etc. Donc oui, on peut imaginer qu'il y ait une révocation de cette délégation de pouvoirs. Donc pour répondre à ta question, oui, on peut imaginer que je me fasse virer en quelque sorte. Mais si tu veux, c'est... C'est quand même gravé dans le marbre. C'est-à-dire que même si moi je pars, quelqu'un d'autre devra venir me remplacer. Ça, c'est le premier point. Et je pense que c'est important de le souligner parce qu'à nouveau, ce n'est pas moi la nature. Je ne suis pas... Et donc, peut-être si on me vire demain, c'est peut-être parce que j'aurais mal fait le job, et que Narcisse voudra quelqu'un qui soit encore plus engagé que moi. Et donc, on est bien dans une institution. Ce n'est pas une... personne qui est importante, c'est une institution qui va perdurer par-delà les têtes qui passent. Je ne sais plus, j'ai oublié ta question en fait. Oui, je peux me faire virer, voilà.

  • Speaker #1

    Si un jour vous n'êtes plus en accord, en gros, comment ça se passe ? Et là, tu vas expliquer. Et en fait, si j'ai bien compris, en fin de compte, à la base, c'est un travail de fond avec l'entreprise pour savoir quelle est sa manière de voir la nature, l'écologie, ses croyances, où est-ce qu'elle a envie d'aller. Et donc, ce qui fait que chaque entreprise, si elle décide de mettre en place la même chose, en fin de compte, ce ne sera même pas la même chose parce qu'il y aura d'autres croyances, il y aura d'autres envies, etc.

  • Speaker #0

    Je suis perturbé par ta question sur me faire virer. Du coup, ça continue de mijoter dans ma tête. En fait, je me dis non, non, mais je viens de trouver une meilleure réponse. Du coup, s'ils veulent me virer, je peux utiliser mon droit de veto en disant je ne suis pas d'accord. Bref. Trêve de plaisanterie, trêve de plaisanterie. Oui, je te disais tout à l'heure, en fait, Norsi, c'est une entreprise d'informatique, enfin de services numériques, et donc forcément, sa relation avec la nature, elle est systémique, j'ai envie de dire, parce que pour faire tourner un service informatique, il faut des ordinateurs avec des métaux qui viennent d'Amérique latine, d'Afrique, il faut des serveurs qui sont dans des zones froides, il faut... Assez naturellement, si le jeu de mots m'est permis, Narcisse s'est orienté vers une approche systémique de la nature. Mais prenons l'exemple d'une spa, d'une boîte. En Belgique, par exemple, on parlera peut-être de ce qu'ont fait nos amis belges, mais en Belgique, une boîte qui s'appelle Copain ou Dandois, d'un côté c'est boulangerie et de l'autre c'est production de spéculoos, tu sais, les petits gâteaux. Et en fait, là, on est dans de l'agroalimentaire. Et l'agroalimentaire, tout de suite, on est beaucoup plus relié à du territoire. Parce que pour produire du pain, il faut du blé. Il faut ensuite des centres de production et puis des milieux de vente. Et donc, je parle à titre d'exemple et il faudrait que c'est... On peut très bien imaginer que là, on soit dans une troisième philosophie de la nature, celle qui est beaucoup plus territoriale. Tu sais, où je te disais, c'est communauté d'humains et de non-humains interdépendants. Donc oui, c'est à adapter en fonction de chaque entreprise.

  • Speaker #1

    Donc c'est vraiment une co-construction, une créativité qu'on ajoute à l'entreprise ? Oui.

  • Speaker #0

    Oui, c'est important parce que quand on touche à la gouvernance, c'est un sujet extrêmement sensible. En fait, on touche au pouvoir, on touche à des gens qui ont mis leur vie, parfois, leur argent. On touche à des gens qui ont gravi durement les échelons pour arriver tout en haut de la hiérarchie. On touche aux égaux, on touche aux... Tu vois, c'est des sujets... C'est pas facile de transformer la gouvernance. Donc oui, moi, mon parti pris, c'est de dire, il y a des solutions. sur étagère, des solutions qu'on peut tout de suite mettre en place sans trop réfléchir. Mais si on veut aller un cran plus loin, il faut effectivement co-construire avec l'entreprise. Et la partie de croyance ou de philosophie, elle est extrêmement importante. Et ça prend du temps, figure-toi. Parce que c'est ce que je disais tout à l'heure, on baigne dans une forme, désolé d'utiliser ce mot-là, mais de... de pensée unique sur ce qu'il faudrait faire en matière d'écologie, qu'on fasse les neuf limites planétaires, par exemple. Mais il est important de prendre du recul, tu vois, et de se dire qu'il y a d'autres façons de procéder. Les résultats sont même meilleurs dans ces autres façons de procéder. Donc, voilà, faisons notre propre philosophie de la nature.

  • Speaker #1

    Et là, tu es dans le conseil d'administration depuis quand ?

  • Speaker #0

    Écoute, c'est récent. Donc, j'ai été nommé le début novembre. Je crois que c'était le... 10 ou le 12 novembre. Et en fait, le gros du travail a été jusque-là le recrutement des autres représentants de la nature. Donc, pour le moment, on n'a pas encore entamé les travaux. On n'est pas encore rentré dans le dur. Même si, figure-toi, sur la question du recrutement des représentants, il y avait déjà des désaccords, tu vois. Donc, je n'ai pas utilisé mon veto, évidemment, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, tu vois, mais on avait des petits désaccords. Donc, rien que sur ce point-là, tu vois, c'est déjà... C'est déjà un vrai travail que de représenter la nature.

  • Speaker #1

    Et tu as parlé plusieurs fois de nos amis belges. Qu'est-ce que tu as envie de nous dire sur eux ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ?

  • Speaker #0

    Ils n'aiment pas que je les appelle amis belges ou camarades belges. S'ils écoutent le podcast, excusez-moi. En fait, ce sont mes collègues. Mes collègues, puisque moi, j'ai intégré une association qui s'appelle Corporate Regeneration. Corporate Regeneration. qui est en fait une association entièrement dédiée à la transformation de la gouvernance des entreprises. Alors eux, c'est Olivier et Vincent, ça a été littéralement les premiers sur la planète à faire quelque chose, puisque là on est en 2021. On est donc avant Patagonia et compagnie. Et donc eux, en 2021, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont mis... Alors, ce n'est pas exactement la nature, c'est les générations futures. Mais Génération Futur, ça nous ramène toujours à cette histoire de limite planétaire. Et eux, ils ont positionné les Génération Futur, donc techniquement des jeunes, au niveau soit des comités de direction, soit des conseils d'administration ou des assemblées générales, donc en gros au sommet de la hiérarchie en entreprise, avec un concept qui s'appelle un comité de régénération. Donc c'est une petite assemblée. Avant, uniquement de jeunes, et maintenant, c'est des jeunes et des experts qui vont venir plusieurs fois par an regarder ce que fait l'entreprise, donner des conseils, éventuellement s'insurger, dire qu'il faudrait faire autrement. Donc voilà, ça, c'était important de le souligner pour rendre à César ce qui était César, c'est-à-dire que moi, j'ai passé quatre ans à écrire mon livre, mais pendant ce temps-là, en Belgique, on expérimentait concrètement les choses sur le terrain.

  • Speaker #1

    Tout à l'heure, je t'entends parler et au fur et à mesure de notre discussion, il y a une question qui me vient me poser. Je ne sais même pas si tu auras la réponse, peut-être un peu philosophique. Mais puis tout à l'heure, tu dis que la nature, on l'a inventée, que ça n'existe pas en soi parce que c'est un concept inventé. Et là, aujourd'hui, on est en train d'amener la nature dans nos institutions. Et d'une certaine manière, je me dis, mais est-ce que nous, humains, qui font partie de la nature, on n'est pas trop institutionnalisé en fin de compte.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'en fait, on a plein de normes, on a plein de règles, alors que je n'ai pas la sensation que la nature, en tout cas, elle, là, il y a vraiment un lien, une entraide, alors que nous, tout est normé, tout est réglementé, tout est institutionnalisé. Je suis en train de me dire, mais est-ce que ce n'est pas ça aussi le fond du problème ? C'est que nous, les humains, on sait... Déjà mis à l'écart de la nature, mais en plus de ça, on s'est imposé des choses très strictes.

  • Speaker #0

    Oui, écoute. Avant d'être sociologue des organisations, je suis historien de formation et je vois d'un bon oeil le droit et les institutions en comparaison avec des civilisations où c'est la loi du plus fort, c'est la loi de la violence. Donc moi je préfère l'état de droit à toute autre forme, même si c'est le, comme on dit, tu sais, c'est le moins parfait, la démocratie est le pire. pire des régimes, mais le moins machin. Mais la question que tu poses, elle est importante, c'est que, et moi ça m'a beaucoup travaillé, c'est, est-ce que c'est une bonne idée déjà qu'on embrasse entre guillemets énormément la nature par une soumission à l'économie, au travail, à la production, ce que je disais tout à l'heure, est-ce qu'il faut l'embrasser encore plus, l'intégrer encore plus dans notre monde humain en lui créant une place ? au sein de nos institutions, que ce soit la gouvernance privée ou on pourrait parler politique aussi. Ce sera d'ailleurs mon prochain livre, La nature en politique. Bref, ça c'est une question qui m'a travaillé. Donc, spoiler, effectivement à la fin du livre, je dis que le mieux ce serait d'arrêter de travailler. Ce serait mieux pour nous les humains et ce serait mieux pour nous, pour les non-humains. Parce qu'effectivement, on est dans une civilisation, ça c'était un autre livre que j'avais publié, moi je parle, on vit dans une religion aujourd'hui, et cette religion s'appelle travail. C'est-à-dire qu'il faut toujours travailler, travailler, si tu ne travailles pas, tu es exclu de la société. Mais en fait c'est absurde, parce qu'on a atteint un tel niveau de progrès et de confort, qu'on pourrait se dire, on arrête de travailler. Il faudra toujours un peu travailler, pour cultiver la terre, pour prendre soin de nos aïeux ou de nos enfants. Mais globalement, on n'a pas besoin de toujours faire plus, tu vois. Et donc, oui, je pense qu'à un moment, c'est à nous de nous limiter, de dire on arrête de travailler et on se repose, nous, les humains, et on laisse la nature se reposer un peu. Mais, mais, mais, en attendant qu'on change de religion, et comme tu le sais, ça ne se fait pas du jour au lendemain, eh bien, moi, je propose que non, on défende les droits de la nature. dans nos institutions, au travail, parce que c'est horrible ce qu'on fait à la nature, entre guillemets. Donc voilà, mais bonne question. Bonne question, Amélie.

  • Speaker #1

    Merci. Qu'est-ce que tu pourrais pouvoir faire avec Narcisse sur les trois ans ? Est-ce que tu as un idéal de où tu aimerais aller, toi, avec Narcisse ?

  • Speaker #0

    Il y a un premier idéal qui est déjà atteint, figure-toi, qui est d'avoir un cas exemplaire. Et ça, c'est le cas parce que vraiment, ils ont extrêmement bien fait le travail. Enfin, ils ont pris les bonnes décisions, je trouve. En gros, Nord6, ils ont pris le bouquin, ils ont dit « Ok, on applique tout » . Donc, c'est génial. Ils sont même allés plus loin puisque, tu vois, dans le bouquin, je ne parle pas d'un droit de veto pour la nature. Donc, ils sont vraiment allés très loin et ça, c'est bien parce qu'on a besoin. des toiles polaires, tu vois. On a besoin des cas d'entreprises qui montrent l'exemple et qui ne font pas les choses à moitié, ou ce n'est pas du greenwashing. Donc ça, c'est le premier objectif. Le deuxième objectif, il est un peu plus flou, mais effectivement, moi, j'aimerais bien, en tant que nature actionnaire, faire en sorte que les services numériques que rend Nord6 soient, alors ils sont déjà assez « propres » . C'est-à-dire que la particularité de Narcisse, c'est de faire de l'informatique durable, entre guillemets. Mais aujourd'hui, c'est compliqué en réalité de faire de l'informatique durable. Parce que dans un ordinateur, tu as des mines de lithium qui viennent de Bolivie, des mines de cobalt et autres terres métaux rares qui nous viennent d'Afrique. Et tout ça, c'est catastrophique. C'est catastrophique pour la planète. Alors, ce n'est pas que le problème de Narcisse, c'est toi, c'est moi. Là, pour faire notre interview, on utilise un ordinateur et en fait, on ne le voit pas. Mais pour avoir, moi, passé beaucoup de temps au Chili et en Bolivie, c'est catastrophique. C'est-à-dire qu'on vide des rivières, on assoiffe des écosystèmes et des communautés locales pour faire fonctionner des mines, pour mettre des batteries dans nos bagnoles et dans nos ordinateurs nouvelle génération. Et le pire, c'est que ce n'est pas juste qu'on assoiffe ces écosystèmes, c'est qu'on rejette après l'eau des mines. dans l'écosystème, sans aucun traitement. Donc, tu te retrouves avec du mercure et plein de saloperies. Donc, vraiment, l'empreinte écologique de l'informatique en général, mais ça, c'est toute notre civilisation. On a tous un téléphone portable. Elle est dégueulasse. Donc, moi, j'aimerais bien pouvoir... travailler sur ça, mais comme je viens de le dire, c'est un enjeu civilisationnel. Ce n'est pas Narcisse, à sa petite échelle, qui va pouvoir changer la façon dont on conçoit des ordinateurs et des semi-conducteurs. Mais bon, voilà, c'est quand même un cap que moi, je garde, essayer de trouver une solution.

  • Speaker #1

    Et dans des plus petits enjeux, est-ce que tu peux donner des exemples de ce que tu pourrais faire avec Narcisse ? Puisque là, c'est vraiment un gros enjeu qui est même au-delà de la portée. Oui, c'est vrai qu'il est en 15 ans. Au-delà de la portée, est-ce que tu en as d'autres, des petits exemples ?

  • Speaker #0

    Oui, un petit exemple très court terme, c'est maintenant qu'on vient de recruter les représentants de la nature. Le premier chantier, figure-toi, c'est de faire un diagnostic. Alors ça peut paraître boring, donc ennuyant à mourir, mais en fait, Norcis a fait des efforts depuis très longtemps sur la question du réchauffement et du carbone, mais figure-toi qu'il n'y a pas de... diagnostique sur c'est quoi les empreintes écologiques de Narcisse sur les autres limites planétaires ? Quel est l'impact sur l'acidification des océans ? L'impact sur la biodiversité ? Et ça, c'est problématique. Donc oui, le premier chantier qu'on va lancer, et là, pour le coup, on est tous d'accord, entreprises et représentants au pluriel de la nature, on est tous d'accord, l'urgence là, c'est de lancer un diagnostic. Et après, on verra, parce que du coup, c'est difficile pour moi de te dire ... Dans quelle direction aller tant que je n'ai pas ce diagnostic qui me permet de dire là où il y a un problème ? Oui,

  • Speaker #1

    c'est comme quand on a une maladie, tant qu'on n'a pas regardé qu'est-ce que ça pouvait être, on ne peut pas décider du médicament. Et même si tu l'as déjà dit au tout début, c'est ma question de fin, donc je vais quand même te la poser. C'est qu'est-ce que l'écologie pour toi ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que l'écologie pour moi ? C'est une... Question qui est... Il n'est pas simple de répondre à cette question parce que ça dépend du point de vue qu'on adopte. D'accord ? Et ça, je l'ai dit d'emblée, je l'ai dit en parlant de philosophie de la nature. Donc pour moi, l'écologie, au fond, par-delà cette diversité des points de vue, pour moi, et c'est mon combat, c'est une question de philosophie. C'est une question même d'axiologie, si je peux utiliser un terme barbare. « Axiologie » , ça veut dire « philosophie de la valeur » . À quoi on donne de la valeur ? Et je pense qu'on a oublié de penser de cette façon-là, mais on ne peut pas sauver la planète dans son intégralité. Tu vois, pour survivre, nous, les humains, avons besoin de couper des arbres pour construire des cabanes, faire du feu. Nous avons besoin de tuer des choses, des animaux. J'ai dit des choses, tu vois, ma langue a fourché. Alors, nous avons besoin de tuer des... non humains pour nous nourrir. Et donc il y a bien une opération où on donne de la valeur à certaines choses, notre survie, et où on n'en donne pas, et ça depuis la nuit des temps, on ne donne pas de valeur aux choses qui viennent nous nourrir. Et ça c'est bien une opération d'axiologie, une opération où dans notre cerveau, on donne de la valeur à ceci et on lui retire de la valeur de notre côté. Et je crois que c'est comme ça qu'il faut prendre le sujet, et c'est ce que j'essaye de faire dans le livre. C'est comme ça qu'il faut prendre le sujet aujourd'hui de l'écologie, se poser la question de à quoi on veut donner de la valeur. Est-ce que c'est les générations futures ? Est-ce que c'est les animaux ? Tu vois, il y a plein de gens qui défendent le bien-être animal. Est-ce que c'est l'arbre, le protozoaire ? Est-ce que c'est le système ? Est-ce que c'est le territoire ? Tu vois, il faut choisir son combat et réfléchir à quoi on veut donner de la valeur. Voilà, pour moi c'est ça l'écologie. Une question de choix philosophique, mais pour faire ce choix philosophique, il faut... philosopher 5 minutes au préalable.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?

  • Speaker #0

    Écoute, non, parce que tes questions étaient bien préparées, et donc du coup j'ai pu m'exprimer sur les différents sujets qui me tiennent à cœur. Et c'est très chouette comme format où on peut s'exprimer, avoir le temps de parler, et donc c'est plus à moi de te remercier. Voilà, merci à toi pour ce podcast et ces questions.

  • Speaker #1

    Merci, parce que j'ai appris plein de choses. C'était très riche et j'ai hâte de voir la suite de Nord 6, voir où vous allez, ce qui va sortir de tout ça et est-ce qu'il y a d'autres entreprises qui vont vous suivre, je l'espère. En tout cas, plein de curiosités sur ce qui va se passer.

  • Speaker #0

    Merci. Et puis après le livre La nature au travail, bientôt, je l'espère, La nature en politique. Et ça va me demander du temps et du travail.

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