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Échange Climatique

Le pic d'émission de CO2 est-il pour 2024 ? Avec Pierre Friedlingstein

Le pic d'émission de CO2 est-il pour 2024 ? Avec Pierre Friedlingstein

59min |13/03/2024
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Description

L’humanité n’a jamais brûlé autant d’énergie fossile qu’en 2023. Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter malgré 6 rapports du GIEC et 28 COP. C’est assez déprimant, surtout quand on sait que par le passé, les rares fois où les émissions ont baissé, c’était le résultat indésiré de bouleversements comme les chocs pétroliers, l’effondrement de l’URSS, les crises financières et plus récemment le covid. Pourtant, certains signes laissent entrevoir le pic d’émission. Les capacités d’énergie renouvelable installées dans le monde se sont multipliés ces dernières années, et selon les projections, ce n’est pas prêt de ralentir. Dans cet épisode, on va se demander d’où vient la hausse des émissions en 2023, si 2024 pourrait être la première année à voir les émissions de CO2 baisser de manière délibérée et où, en est-on, vis-à-vis de l’objectif de l’accord de Paris de rester sous les 1,5 degré de réchauffement.


Mon invité pour cet épisode est Pierre Friedlingstein. En plus d’être chercheur sur le cycle de carbone, il est coordinateur du Global Carbon Project, une organisation qui vise à faire l’état des lieux des émissions de CO2 mondiales.


Info: https://linktr.ee/echangeclimatique

Contact: echangesclimatiques@gmail.com

Production: https://onetwo-onetwo.com/

Musique: http://www.kodomorecords.com/bonsai/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Réchauffement climatique. Climate change. Cambiament climatique. Il y a des dégâts.

  • Florian

    Il n'y a pas de planète B. L'humanité n'a jamais brûlé autant d'énergie fossile qu'en 2023. Les émissions de CO2 continuent d'augmenter malgré 6 rapports du GIEC et 28 COP. C'est assez déprimant, surtout quand on sait que par le passé, les rares fois où les émissions ont baissé, c'était le résultat indésiré de bouleversements comme les chocs pétroliers, l'effondrement de l'URSS, les crises financières et plus récemment le Covid. Pourtant, certains signes laissent entrevoir le pic d'émissions. Par exemple, les capacités d'énergie renouvelable installées dans le monde se sont multipliées ces dernières années, et selon les projections, ce n'est pas près de ralentir. Dans cet épisode, on va se demander d'où vient la hausse des émissions en 2023, si 2024 pourrait être la première année à voir les émissions de CO2 baisser de manière délibérée, et où en est-on vis-à-vis de l'objectif de l'accord de Paris de rester sous les 1,5°C de réchauffement. Aujourd'hui, mon invité est Pierre Fringlichstein. En plus d'être chercheur sur le cycle du carbone, il est coordinateur du Global Carbon Project, une organisation qui vise à faire l'état des lieux des émissions de CO2 mondiales. Émissions de CO2, le pic est-il pour 2024 ? C'est le thème de ce nouvel épisode d'Échanges climatiques. Bonjour Pierre Friedlingstein.

  • Pierre Friedlingstein

    Bonjour.

  • Florian

    Votre dernier rapport vient de sortir, le Global Carbon Budget 2023, c'est un rapport que votre organisation, le Global Carbon Project, publie tous les ans. Est-ce que vous pouvez nous présenter ce rapport, quel est son but ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc en gros c'est évidemment un rapport qu'on produit tous les ans, ça c'est la 18ème édition, on a commencé en 2005. Donc on fait les tas d'art des émissions de CO2 dues aux activités fossiles, donc principalement la combustion d'énergie fossile mais également la déforestation. Donc on fait ça à l'échelle globale mais avec un découpage par pays. Et puis on regarde aussi le devenir du CO2 dans le système Terre, donc une partie reste dans l'atmosphère, une partie est réabsorbée par ce qu'on appelle les puits de carbone. aussi bien dans les océans que dans les continents. Donc on essaie de mettre toutes les pièces ensemble et voir notre compréhension de l'évolution du cycle du carbone et de la perturbation liée aux activités humaines.

  • Florian

    Donc l'objectif de cette interview, c'est que d'ici à la fin de l'épisode, on ait quelques clés de lecture pour comprendre quand pourrait être le pic d'émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, en fonction des différents paramètres. Donc souvent, ça va être les évolutions des décisions politiques. Et pour ça, on va commencer par analyser ensemble ce qui s'est passé cette année. Et puis... Petite précision avant de se lancer. Les émissions de CO2 se divisent dans votre rapport, comme vous l'avez dit, en deux catégories, celles générées par la combustion des énergies fossiles, donc pétrole, gaz et charbon, et celles générées par la déforestation. Donc ce sera toujours précisé quand vous parlez des émissions de CO2 d'origine fossile ou des émissions de CO2 de la déforestation. Ensuite, on dira un mot sur les autres gaz à effet de serre, et notamment le méthane, qu'on ne peut pas éluder puisqu'il est responsable d'un tiers du réchauffement. Et après avoir parlé du passé, on parlera du futur ou des futurs possibles. Et ça tombe bien parce que vous revenez. ...de la COP, de Dubai, où une grande partie des décisions sont prises en ce qui concerne le climat. Donc, on se lance, on ne va pas faire de faux suspense, les émissions de CO2 d'origine fossile ont encore augmenté cette année, en 2023, mais une augmentation qui ralentit depuis quelques années maintenant.

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, effectivement, donc on estime qu'en 2023, les émissions... On est lié à la combustion d'énergie fossile, donc charbon, pétrole et gaz, globalement a augmenté d'environ 1%, 1.1%. En fait si vous vous rappelez, en 2020 on a vu une chute des émissions de 5% qui était liée à la crise Covid et au fait que l'activité économique s'est ralentie, les gens n'ont pas voyagé, ils sont restés chez eux. Donc les émissions globales ont diminué, environ 5%. Et puis en fait en 2021 les émissions ont réaugmenté un peu, c'est un peu le rebond après la sortie de la crise Covid et puis pareil en 2021. En 2022 et en 2023, les émissions augmentent toujours. On a un niveau d'émission maintenant qui est supérieur au niveau pré-Covid-19.

  • Florian

    On va regarder dans le détail ce qui a tiré la hausse des émissions cette année. On peut commencer par le plus gros émetteur qui est la Chine avec 30% des émissions mondiales. Cette année, ces émissions ont augmenté de 4%. Est-ce que c'est une augmentation qui est structurelle ? est amené à perdurer ou est-ce que c'est plutôt conjoncturel ? Est-ce que c'est encore la reprise du Covid ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc en fait, comme je disais le Covid c'était en 2020, pour la Chine le Covid il a commencé plus tôt, il a duré plus longtemps, ils ont eu des périodes de restrictions beaucoup plus longues que nous. Et donc jusqu'en 2022 il y avait encore des restrictions dans certaines régions. Et donc en fait 2023 c'est vraiment l'année où il n'y a plus aucune restriction et donc où l'économie s'est relancée de manière complète en Chine. Et donc en fait le rebond qu'on voit en 2023, on pense qu'il est principalement lié en fait à un rebond post-Covid comme nous on a eu en 2021. Donc on peut espérer qu'en fait ce Cette tendance de 4%, ce n'est pas une tendance à long terme, c'est vraiment un phénomène spécifique de 2023.

  • Florian

    Parmi les rares bonnes nouvelles concernant le climat, on entendait depuis quelques temps maintenant que la consommation de charbon était en baisse à l'échelle mondiale depuis les années 2010. Mais malheureusement, depuis 2-3 ans, la Chine a largement... mis du plomb dans l'aile à cette tendance en réinstallant de plus en plus de centrales à charbon. Qu'en est-il de 2023 ?

  • Pierre Friedlingstein

    2023, pareil, les émissions liées à la combustion de charbon ont augmenté, globalement. Principalement, effectivement, tirées par la Chine, mais également l'Inde. Donc, en fait, c'est vrai qu'on a eu un plateau... J'aurais pas dit une baisse, mais plutôt un plateau des émissions liées à la combustion de charbon depuis environ 2010-2015. C'était plus ou moins stable, on se disait bon voilà on a tel pic du charbon, les émissions liées au charbon ont diminué. Ça c'est malheureusement pas encore concretisé. Effectivement, dans la 2022-2023, les émissions remontent encore et sont supérieures. à ce qu'elles étaient avant.

  • Florian

    Les émissions de l'Inde dues aux énergies fossiles ont dépassé cette année ou en 2022, celle de l'Union Européenne. Ils ont connu une augmentation de 8,3%, ce qui correspond grosso modo à la croissance de leur PIB, mais aussi à une forte croissance démographique et leur PIB, c'est beaucoup... Voilà, c'est un peu Médine, Charbon et Ciment. Et en fait, l'Inde a pas mal de similitudes à ce niveau-là, en tout cas avec la Chine des années 2000. Oui,

  • Pierre Friedlingstein

    effectivement. Donc l'Inde, comme je l'avais dit, maintenant c'est le troisième pays en termes d'émissions de CO2.

  • Florian

    On parlera des Etats-Unis.

  • Pierre Friedlingstein

    Devant l'Europe, derrière les Etats-Unis et la Chine. C'est principalement lié effectivement au fait qu'il y a une croissance démographique, toujours importante. Maintenant l'Inde c'est le pays le plus peuplé du monde, devant la Chine. Il y a une croissance économique qui est effectivement importante aussi. Et donc pour soutenir cette... cette demande énergétique liée à la croissance démographique et la croissance de l'économie, en fait, ils ont besoin de tout. Les renouvelables se développent très rapidement en Inde, mais ça ne suffit pas. Il y a des renouvelables, il y a du charbon, il y a du gaz, il y a du pétrole. Et donc, voilà, il y a une augmentation observée de toutes les ressources énergétiques possibles pour soutenir la demande.

  • Florian

    Et côté pays développé, on a les Etats-Unis qui connaissent une baisse de 3% et l'Union Européenne d'environ est-ce que ces baisses sont dues à des facteurs plutôt désagréables comme la désinstabilisation, une croissance morne, la guerre en Ukraine, des hivers plus doux ou des facteurs un peu plus choisis comme une croissance moins carbonée, voire de la sobriété ?

  • Pierre Friedlingstein

    Je pense que c'est un peu tout ça. Alors pour une année particulière, c'est assez difficile à analyser exactement ce qui se passe et c'est sûr que la guerre en Ukraine a eu un impact sur le... Les demandes énergétiques, on l'a bien vu en France, avec des mesures, surtout l'année passée, mais qui ont perturbé pour essayer de réduire la consommation, de la sobriété, mettre un pull en hiver, baisser le thermostat, etc. Donc toutes ces petites mesures ont quand même un effet. La France aussi, le nucléaire a repris en puissance cette année par rapport aux années précédentes. Il y a moins de centrales qui étaient à l'arrêt. D'autres pays d'Europe, c'est bon, c'est pas forcément le nucléaire, c'est sûr. Donc il y a une tendance, effectivement, de... de sortir des énergies fossiles. Après, si on regarde sur le long terme, si on regarde sur les 10 dernières années, la tendance à la baisse de l'Europe est environ, de l'Union Européenne, environ 1%-2%. Donc cette année, 7% c'est assez énorme. Mais c'est pas du tout représentatif des 10 dernières années.

  • Florian

    D'accord. Et est-ce que ça suffit, ces 8% pour être dans les clous de l'objectif de neutralité carbone qu'elle s'est fixée, l'Union Européenne, en 2050 ?

  • Pierre Friedlingstein

    En gros, oui, ça suffirait. Si on arrivait à faire 7-8%, Dans chaque année, maintenant, à partir de 2024 jusqu'en environ 2050, effectivement, ce serait dans les clous. Comme je viens de vous le dire, sur les dix dernières années, on n'était pas à moins 7%, on était à moins 2%. Du coup, on n'est pas du tout dans les clous.

  • Florian

    Mais donc, si ça s'est passé cette année en 2023, et que la guerre en Ukraine, c'était en février 2022, on peut tirer une corrélation directe ?

  • Pierre Friedlingstein

    À nouveau, c'est très dur de tirer des corrélations directes, parce qu'il y a plein de facteurs. Nous on a les chiffres bruts. Après, faire une analyse détaillée de c'est quoi les moteurs des changements de tendance, c'est assez compliqué, c'est l'interprétation. Ça va dépendre des pays européens. Il y a aussi une partie hydraulique qui peut être fonction des conditions météorologiques. L'univers plus doux va réduire aussi la demande énergétique en hiver. Il y a une multitude de facteurs qui fait que c'est assez difficile d'être sûr certain que c'est uniquement les politiques climatiques qui jouent et qui font qu'on a une baisse avérée. En fait, il faudra garder sur le plus long terme. Sur les cinq prochaines années, on voit qu'on a une tendance continue de l'Europe à diminuer de 7%. Là, on peut dire qu'effectivement, il y a une tendance lourde de réduction. On est loin d'être là.

  • Florian

    Sinon, il reste une catégorie dont on n'a pas parlé, c'est la catégorie reste du monde, dont les émissions décroissent légèrement, mais on ne sait pas trop qu'en faire sans le détail, parce que c'est une catégorie où il y a des pays qui ont des profils très hétérogènes, et donc une décroissance des émissions, ça peut être négatif si ça se passe dans des pays en développement, parce que ça peut vouloir dire une décroissance tout court, ou alors ça peut être positif dans des pays plus riches.

  • Pierre Friedlingstein

    Effectivement, c'est assez compliqué, parce que c'est un peu C'est le reste du monde, donc en fait on fait des projections assez précises pour les gros pays. Et pour le reste du monde, en général, c'est plutôt basé sur des projections de croissance économique et d'indicateurs de décarbonation qu'on extrapole par rapport aux années récentes. Donc la tendance du reste du monde, c'est que ça se décarbone lentement, mais que la croissance économique continue. Donc quand on fait l'ensemble des deux, on peut estimer qu'effectivement il y a une très très faible baisse des émissions pour le reste du monde. Mais on est pour la... l'instant est encore incapable d'attribuer ça à tel ou tel pays. Donc ça reste vraiment un package intégré qui est le reste du monde pour lequel on essaie de faire une estimation assez incertaine, plus incertaine que pour les autres pays où on a plus de données.

  • Florian

    Et d'ailleurs, comment vous faites ces estimations sur les énergies fossiles ou sur la déforestation ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors c'est assez différent pour les énergies fossiles. Jusqu'à, donc ici on est en 2023, donc jusqu'à 2022, on a des rapports. des différents pays qui répertorie assez clairement l'utilisation de pétrole, gaz et charbon. Donc on n'a pas les émissions mais on a la consommation. La France, on sait combien la France a consommé de milliards de tonnes de charbon ou de barils de pétrole. Et donc après on a des facteurs de conversion qui sont assez bien reconnus pour estimer les émissions de CO2 liées à la combustion d'un baril de pétrole par exemple. Donc on a ça pour tous les pays du monde. Pour 2023 c'est plus compliqué parce que les données ne sont pas encore disponibles. On est encore en cours d'année, quand on écrit le rapport, on est à la fin de l'été, donc les données ne sont pas complètes. Donc on a des indicateurs, et c'est pour ça qu'on peut le faire que pour certains pays, parce que ça demande pas mal d'énergie, au niveau des chercheurs impliqués dans le budget. Donc ils peuvent faire tous les pays du monde, donc ils se concentrent sur les gros pays, et donc ils ont des indicateurs qui sont consommation électrique, par exemple, qui sont consommation mensuelle de combustible fossile pour certains pays, et d'autres indicateurs qui permettent en fait... d'établir plus ou moins les émissions pour ce pays-là. Et après, on doit extrapoler pour les quelques mois qui manquent, parce qu'on est en septembre quand on boucle tout, et donc on doit faire une extrapolation sur les trois derniers mois pour avoir une estimation de la valeur annuelle. C'est pour ça qu'il y a une certitude qui est un peu plus importante en général. On dit que ça peut être 4%, mais ça peut être entre 3 et 5%, par exemple. Donc on peut faire ça pour la Chine, pour les Etats-Unis, pour l'Europe, et pour l'Inde, où on a des personnes qui sont dédiées à ces quatre pays-là. Et donc pour le reste du monde, après... C'est plus une extrapolation, c'est un peu plus rudimentaire. Pour la déforestation, là pour le coup c'est plus complexe, parce qu'on n'a pas de rapport direct de la quantité de gaz émis lié à la déforestation pour chacun des pays. En fait ce qu'on a uniquement c'est des données qui viennent de la FAO sur les couvertures forestières des différents pays.

  • Florian

    Donc la FAO c'est l'organisme onisien pour l'agriculture ? Voilà.

  • Pierre Friedlingstein

    Food Agriculture Organization. Donc, ils répertorient les cultures pour les différents types de pays, les prairies, mais aussi les forêts. Donc, on a des couvertures forestières par pays. Mais ces inventaires sont faits en général tous les cinq ans et pas toujours la même année pour chaque pays. Donc, ça dépend un peu au bon vouloir des pays de rapporter leurs inventaires forestiers à la FAO. Donc, on a ces données-là qui sont incomplètes. Et parfois, la dernière donnée pour certains pays, ça peut être en 2017 et après 2017, on n'a rien. On doit supposer que la tendance à long terme continue jusqu'à maintenant, mais ce n'est pas assez incertain. Donc voilà, c'est beaucoup plus incertain. Et puis en plus, on n'a que les couvertures forestières. On n'a pas les flux de gaz. Après, il faut un modèle qui dit, si on avait une forêt, que maintenant on a une prairie à la place, il y a autant de carbone qui a disparu parce qu'il a été remplacé par un écosystème qui a beaucoup moins de carbone et donc qui est parti dans l'atmosphère.

  • Florian

    Et on ne peut pas le faire avec des images satellitaires ?

  • Pierre Friedlingstein

    On commence à faire des images satellitaires aussi, qui donnent des informations sur la couverture forestière. C'est une voie en cours de développement, on n'est pas encore opérationnel. Il faut digérer toute cette information satellitaire qui est assez importante, qui est assez énorme. Elle ne donne pas toute l'information non plus, la couverture forestière, elle ne donne pas le contenu de carbone dans les sols, donc il faut quand même avoir accès à des modèles après qui vont transférer, traduire cette information, couverture forestière vue par satellite, en flux de carbone.

  • Florian

    Je reviens rapidement sur les émissions. de CO2 d'origine fossile. Quand on faisait notre petit tour d'horizon des différentes régions du monde, est-ce qu'on observe un découplage absolu, c'est-à-dire un pays qui voit son PIB augmenter et dans le même temps ses émissions de CO2 baisser, tout en prenant en compte évidemment les importations, sinon ça pourrait être juste de la désinstruation ou de la tertiarisation ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc on a regardé dans le rapport, en fait on fait ça chaque année, on regarde le nombre de pays exactement comme vous dites, qui ont une économie croissante mais les émissions décroissantes. Et après on fait des tests. Statistique pour être sûr que c'est significatif et que c'est pas du bruit autour de zéro. Donc là cette année on a 26 pays dans le monde qui ont une croissance économique et qui ont une décroissance des émissions durables sur les dix dernières années. Donc c'est principalement les pays de l'Union Européenne, mais pas que, il y a aussi l'Afrique du Sud, les Etats-Unis, il y a Japon je pense, j'ai plus en tête, enfin je pourrais garder. Donc voilà, il y a 26 pays, ils représentent ensemble environ un peu moins d'un tiers des émissions. Ils sont de ceux de Global.

  • Florian

    D'accord. Donc c'est significatif.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc ça commence à devenir significatif.

  • Florian

    Mais c'est en prenant en compte les importations.

  • Pierre Friedlingstein

    C'est territorial uniquement ce qu'on fait. D'accord. Donc si on prenait en compte les importations, ce qu'on appelle les émissions liées à la consommation, ça changerait un petit peu, on en aurait un petit peu moins. La tendance à long terme est assez forte, parce que la bascule entre production locale et production exportée s'est surtout faite pendant les années 2000, quand la Chine principalement s'est fortement développée. Mais depuis 2010, en fait, on est plus ou moins stationné. Et donc, la tendance de décroissance des émissions qu'on voit, on l'a en émissions territoriales, mais on l'a aussi en émissions importantes.

  • Florian

    Et enfin, pour finir sur l'horizon, il faut parler de la croissance folle du secteur de l'aviation qui a fait plus 28%. On entend souvent que l'aviation pèse peu sur le bilan mondial des émissions de CO2. Combien de temps ce sera encore vrai ?

  • Pierre Friedlingstein

    Il pèse peu. La vie en transport international, c'est environ 3% des émissions. Donc voilà, on peut se dire que c'est évident, c'est pas beaucoup. En même temps, la France, c'est moins d'un pour cent. Donc voilà, la vision internationale, c'est plus de trois fois la France. Donc ce n'est pas inexorable. Si c'était un pays, il serait sans doute dans le top 20, c'est clair. Et en plus, comme vous le dites, il y a une croissance assez forte cette année. Bon, à nouveau, c'est encore un rebond Covid. Le transport aérien a chuté de 60-70% en 2020. Donc voilà, il est toujours en train d'essayer de s'en sortir. Et donc voilà, c'est sûr que le mode... L'aérien, c'est une croissance du transport et d'augmenter le transport. Il prévoit de doubler le transport d'ici 2040, ce qui semble effectivement difficilement compatible avec des objectifs de réduction forte des émissions. Donc ça va devenir clairement un secteur problématique.

  • Florian

    Fort heureusement, tout ce qu'on émet ne finit pas dans l'atmosphère, puisque un quart de nos émissions est capté par la biomasse et un autre quart par les océans. C'est ce qu'on appelle les puits de carbone, vous l'avez mentionné en introduction. Et régulièrement, l'état de ces puits ou leur capacité à... à stocker le carbone, les mises à jour, enfin en tout cas on entend des nouvelles dans l'actualité. Est-ce qu'il vaut bien nous dire ce qu'on sait ? Aujourd'hui, parce que moi j'ai vu passer un article qui disait que les océans capteraient plus de carbone que prévu grâce au plancton. On a vu passer aussi que la stratégie nationale carbone de la France se base en fait beaucoup trop sur les puits de carbone que sont les forêts. Où on en est ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors on en est pour l'instant, et c'est plus ou moins valable depuis 40-50 ans. Donc la biosphère continentale, les océans absorbent... ensemble un peu plus de la moitié des émissions. Donc c'est grosso modo moitié-moitié pour chacun, c'est un peu plus pour les continents que pour les océans. Mais en gros, si on émet 100 molécules de CO2 dans l'atmosphère, pour faire simple, il y en a 45 qui vont rester dans l'atmosphère, il y en a 55 qui vont repartir, 25 dans l'océan et 30 dans la biosphère continentale, en gros. Donc les processus, on les comprend relativement bien, c'est des processus physiques ou biologiques. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, il y a plus de photosynthèse, donc il y a plus de CO2 qui est capté par les plantes, et donc La biomasse est un peu plus importante. Après, à terme, ça va évidemment se décomposer parce que les feuilles mortes créent de la litière qui crée du carbone dans le sol qui va se décomposer par des micro-organismes. Donc il y aura un flux de retour. Il y a toujours un déséquilibre entre le flux d'entrée de photosynthèse qui est plus élevé parce qu'il y a de plus en plus de CO2. Et comme le CO2 continue à augmenter, la photosynthèse continue à augmenter. C'est quelque chose qu'on voit par satellite. C'est ce qu'on appelle le greening. Voilà, l'éclicureture... Les végétales augmentent. On le voit de l'espace. Pour l'océan, le processus, c'est plus physique. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, il y a plus d'échanges de CO2 par diffusion entre l'atmosphère et l'océan. Il y a plus de CO2 qui rentre dans l'océan. Ce CO2, après, il est exporté vers les eaux profondes et il est sequestré de manière durable. Tant que le CO2 augmente dans l'atmosphère, les puits de carbone océaniques et continentaux continuent à fonctionner. Nous, ce qu'on constate, c'est que sur 50 ans, ils sont plus ou moins constants, plus ou moins. Au niveau 25 et 30%, ça n'a pas beaucoup évolué. On évalue ça avec une combinaison de modèles et de données. Donc les modèles qu'on utilise sont des modèles qui essaient de reproduire le cycle du carbone. Et avec ces modèles, on peut voir l'impact du climat. Parce que sur le XXe siècle, évidemment, le CO2 a augmenté, mais le climat a changé aussi. Donc l'effet du climat est négatif et réduit l'intensité de ces puits. Pour la biosphère, on estime que c'est environ 20%. Donc en fait, les puits biosphériques seraient encore plus élevés s'il n'y avait pas de changement climatique. Donc le climat réduit les puits, pourquoi ? Parce que le réchauffement induit à des périodes de sécheresse, conduit à des feux, par exemple, qui vont réduire la productivité ou la biomasse aérienne. Le réchauffement induit aussi une augmentation de la décomposition de la matière organique dans les sols, parce que plus il fait chaud, plus la décomposition est active. Il y a les permafrost qui peuvent commencer à fondre, etc. Mais même en règle générale, tous les sols ont une décomposition qui est un peu plus rapide parce qu'il fait plus chaud, il fait un débit de... plus qu'il y a 150 ans. Dans l'océan, c'est l'autre processus, mais en gros, la circulation océanique fait qu'il y a moins d'export de carbone vers les zones profondes. La solubilité du CO2 diminue aussi avec la température. Donc tout ça fait que les puits de carbone réduisent un petit peu dans l'océan. Mais comme le CO2 continue à augmenter, il y a une balance entre cet effet climatique qui voudrait réduire les puits et l'effet du CO2 qui continue à augmenter et qui augmente les puits. Et donc ce qu'on voit, c'est que pour l'instant, ils sont plus ou moins constants. Ils restent, ils continuent à absorber en gros la moitié de la perturbation tropique. Mais c'est vrai qu'on s'attend. Si le changement climatique continue à s'amplifier, cette fraction de carbone absorbée par les réservoirs naturels pourrait diminuer, laissant plus de CO2 dans l'atmosphère et amplifiant le réchauffement.

  • Florian

    Mais tout ça, c'est soumis à des incertitudes.

  • Pierre Friedlingstein

    C'est soumis à des incertitudes. La seule chose qu'on peut dire de manière formelle, c'est que quand on regarde les 51 années, on regarde les données de CO2 à Monaloa, on regarde la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Comment il évolue en fonction des émissions, on voit que c'est plus ou moins constant, il y a à peu près la moitié du CO2 qui reste. Donc on est sûr que pour la période passée, il n'y a pas d'emballement, il n'y a pas de rétroaction positive majeure qui fait que les océans, les continents arrêtent de propiler du CO2.

  • Florian

    Quand ça se fait qu'en France alors, on est trop parié sur les puits de carbone naturel ?

  • Pierre Friedlingstein

    Je pense que les puits de carbone naturels sont globalement importants. On a des forêts, on a des forêts gérées, on a des forêts plantées qui absorbent une partie du CO2. Alors il y a tout un débat au niveau international, au niveau de la communauté scientifique, sur est-ce que ces puits de carbone dans les forêts font partie des puits naturels, comme ce que nous représentons dans le carbone budget, ou font partie des inventaires forestiers des pays, et donc peuvent être comptés comme émissions négatives, ce que font les pays comme la France. En fait, il y a une sorte de désaccord entre la comptabilité des puits de carbone, Il faut faire attention de ne pas les compter deux fois. On ne peut pas se dire, voilà, nous on a des émissions moins fortes parce qu'on pompe un peu de CO2 dans la biosphère. Et puis en plus, on sait que finalement, après, il y aura 50% qui sera absorbé par les mêmes systèmes. Donc là, du coup, on compterait deux fois la même chose, donc il y a un souci. Mais sinon, de fait, oui, effectivement, les forêts françaises absorbent une partie du CO2. C'est clair. Après, on a bien vu l'été passé avec les feux de forêt assez importants. Et même cette année-ci avec les feux de forêt au Canada qui ont... émis une quantité astronomique de CO2 dans l'atmosphère, qu'il y a une limitation assez importante à la durabilité de ces puits.

  • Florian

    Sur ces feux gigantesques du Canada, puisqu'on va maintenant continuer de parler de déforestation, cet été, est-ce qu'ils sont comptabilisés dans votre rapport comme de la déforestation ? Est-ce que la quantité de CO2 émis est substantielle par rapport aux émissions de CO2 globales ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors par rapport à la déforestation, on les compte pas comme la déforestation parce que c'est pas une activité anthropique directe. C'est pas l'homme qui a fait brûler les forêts canadiennes pour les remplacer par des cultures, c'était pas du tout l'intention. C'est entre guillemets naturel, après on peut dire que c'est pas vraiment naturel parce que c'est le changement climatique qui a favorisé l'émergence des conditions pour avoir des feux de cette intensité-là. Donc je dis pas que c'est complètement naturel, mais enfin en tout cas c'est pas une activité qui était directement induite. par l'homme. Donc c'est pas de la déforestation. Ça rentre dans l'épidcarbone naturel, et donc ça réduit l'intensité d'épidcarbone naturel. Après, il y a une partie, évidemment, de ces forêts qui vont repousser. Elles vont se rétablir. Et donc il y a une partie du carbone qui a été dégazé cette année-ci, qui va être réabsorbée sur les 20 prochaines années par ces mêmes forêts. Donc c'est pas une source de CO2 pour toujours. Alors maintenant, si on regarde cette année-ci particulière 2023, c'est sûr que les émissions... J'ai oublié les chiffres. ...exact, mais les émissions liées au feu de forêt au Canada étaient nettement supérieures aux émissions de combustible fossile du Canada.

  • Florian

    Et à l'échelle mondiale, le ratio émissions de CO2 par les énergies fossiles et émissions de CO2 par la déforestation ?

  • Pierre Friedlingstein

    C'est 90% fossiles et 10% déforestation.

  • Florian

    D'accord.

  • Pierre Friedlingstein

    On est là plus ou moins.

  • Florian

    Donc, ces émissions de déforestation... En gros, ce que vous nous dites, c'est que c'est majoritairement des arbres qui ont été coupés pour faire de l'agriculture derrière. Oui,

  • Pierre Friedlingstein

    principalement. Donc, c'est principalement dans les régions tropicales. Les fruits de déforestation, c'est assez compliqué parce que l'homme fait beaucoup de choses avec ses forêts, avec ses sols. Donc, il coupe des forêts, il laisse repousser des forêts. Il fait ce qu'on appelle la shifting cultivation où il a des cultures pendant certaines années. Et puis après, les sols s'appauvrissent. en nutriments, donc on laisse les forêts revenir et on exploite d'autres sols, et puis 10 ans après on revient et ils tourneront comme ça. Ça pour le coup n'a pas d'effet à long terme sur le CO2, parce qu'en fait c'est un peu des transitions où on laisse des parties en jachère. Par contre, la déforestation durable, où effectivement on transforme une forêt primaire en soit de culture soit de prairie, ça c'est un effet net clair avec un flux de CO2 dans l'atmosphère, et de même, là, ce que On appelle ça la reforestation, donc on abandonne des anciennes cultures pour laisser les forêts revenir. C'est ce qu'on fait en Europe, aux Etats-Unis, mais également aussi dans les tropiques et subtropiques. Pour l'instant, ce qu'on estime, c'est que les flux liés à cette reforestation, ce qui est une sorte de carbon dioxide removal,

  • Florian

    d'émission de carbone,

  • Pierre Friedlingstein

    donc ça représente environ 2 gigatonnes. de CO2, alors que les émissions il y a de déforestation dans l'autre sens, quand on coupe des forêts c'est environ 4 gigatonnes donc on coupe deux fois plus de forêts qu'on en laisse repousser mais juste sur ce point là on lit beaucoup que la reforestation

  • Florian

    Ça ne marche pas en fait. Mais quand on voit que ça capte quand même 2 gigatonnes, ce qui représente 5% des émissions mondiales, c'est quand même pas anodin.

  • Pierre Friedlingstein

    Ah non, c'est pas anodin du tout, ça marche très bien. C'est sûr que si on arrivait, d'un coup de paquette magique, à arrêter la déforestation, le flux net de déforestation qui maintenant est un flux de l'atmosphère se transformerait en un flux qui rentre dans les écosystèmes. Puisqu'on continuerait à avoir de la reforestation, on continuera à avoir des espaces où les forêts repoussent, qui continueraient à absorber environ... gigatonnes. Donc c'est sûr que c'est pas du tout anodin, la reforestation. Donc je pense qu'il faut absolument arrêter la déforestation dans les bidromicaux et encourager la reforestation. Il y a un potentiel assez important de carbone qu'on peut restocker dans les parties qui ont été déforestées au cours des cinquantaines d'années.

  • Florian

    Il n'y a pas beaucoup de bonnes nouvelles dans cette interview, alors ce serait dommage de passer à côté de celle-là. La déforestation est en baisse.

  • Pierre Friedlingstein

    La déforestation est en baisse effectivement. Donc on... Comme je vous disais en intro, c'est assez compliqué la déforestation. parce qu'on n'a pas des chiffres directs, donc c'est des estimations indirectes à partir de couvertures forestières qui sont répertoriées en gros tous les 5 ans, ça dépend des pays. Donc on est beaucoup plus incertain. Donc si vous regardez les figures du carbon budget sur les émissions fossiles, on est sûr de nous, c'est à 5% d'erreur. La déforestation, on est beaucoup moins sûr, c'est en gros 50% d'erreur. Donc on dit que ça diminue, mais ça pourrait être stable. Parce que vu l'incertitude, on a trois modèles différents qui essaient d'ingurgiter toutes ces données de forestiers. pour en sortir des flux de carbone, et ils ne sont pas toujours consistants. Donc, à l'échelle globale, on fait la moyenne des trois modèles, on voit qu'il y a une légère décroissance. On pense qu'effectivement, on a envie d'y croire, mais voilà, on n'est pas formel. Il y a un risque non nul qu'en fait, la décroissance soit moins faible. Elle pourrait être plus élevée aussi, forcément, puisqu'on est incertain. C'est une bonne nouvelle, mais à prendre avec les pincettes.

  • Florian

    Bon. On va essayer. Donc les pays qui sont le plus prêts dans la déforestation, c'est Brésil, l'Indonésie, Congo, je crois que les trois, ça fait déjà 70% de la déforestation.

  • Pierre Friedlingstein

    50-55.

  • Florian

    55% de la déforestation mondiale. Quels sont les...

  • Pierre Friedlingstein

    Bon, peut-être, on parle beaucoup du Brésil, de l'élection de Lula. Est-ce que cette augmentation, enfin cette baisse de la déforestation, ça pourrait être lié à sa politique ou c'est encore un peu trop pour le dire ?

  • Florian

    À nouveau, c'est trop tôt pour le dire. C'est comme les 7% en Europe maintenant, c'est trop tôt pour dire qu'elles sont vraiment les... Les tendances aboutissantes, les moteurs de ces décroissances, c'est sûr que si on regarde la tendance au Brésil, on voit une décroissance, un pic de déforestation il y a quelques années, maintenant c'est en décroissance légère. On peut espérer que ce soit une tendance à long terme. Là aussi, on a des satellites qui peuvent nous aider à mieux répertorier ce qui se passe sur le terrain, plutôt qu'uniquement les inventaires FAO à l'échelle du pays. Donc on a des données plus spécialisées, avec des groupes avec lesquels on travaille directement au Brésil, pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe. Pareil pour l'Indonésie. On a également des données, la déforestation d'Indonésie est principalement liée à l'agriculture, il y a des palmes. Donc, c'est pour ça qu'il déforeste massivellement. Et on ne voit pas encore des tendances claires à la réduction. Donc là, c'est plus ou moins stable pour l'instant en Indonésie. Pareil pour la République démocratique et la République de Congo. Il n'y a pas encore de tendance à long terme à la décroissance des émissions. Donc, pour l'instant, le gros de la décroissance qu'on voit globalement, c'est tiré par le Brésil.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc, on a dit tout à l'heure qu'il y a eu un record d'émissions de CO2 d'origine fossile. Néanmoins, si on prend en compte toutes les émissions de... CO2, ça veut dire celle d'origine fossile et celle de la déforestation, on est, avec les incertitudes, peu ou prou égale à 2019. Donc on a parlé de retirer du carbone de l'atmosphère. Il y a une autre manière de retirer du carbone de l'atmosphère, c'est toutes les technologies, les climate tech, comme on dit. Est-ce que ceux-là, en 2023, commencent à avoir des quantités significatives de... et de carbone retirer l'atmosphère.

  • Florian

    Malheureusement non, encore une mauvaise nouvelle. Je ne dis pas que ça ne va pas évoluer dans le futur, c'est sûr que c'est un secteur qui est en croissance. Mais là, on fait l'inventaire de la capture de carbone liée à la reforestation, on a aussi en plus fait l'inventaire de capture liée aux technologies. Donc il y a un rapport qui est sorti avant l'été, donc on s'est inspiré, on a travaillé avec eux, on a en gros réanalysé leurs chiffres et repris leurs chiffres, parce qu'il n'y a pas de nouvelles estimées. Et donc voilà, on arrive à... L'ordre de grandeur des émissions de sous-deux fossiles, c'est des milliards de tonnes. On est à 40 milliards de tonnes de sous-deux par an. Là, si on prend l'ensemble de toute l'économie qui capture du sous-deux dans l'atmosphère, on est à... 1 million de fois plus faible que les émissions actuelles. Donc si on voulait conserver nos émissions actuelles et uniquement absorber du CO2 par des technologies, il faudrait multiplier ces technologies par un facteur 1 million. Ça ne me semble pas vraiment réaliste. Je pense que ce n'est pas une solution pour ne pas réduire les émissions. C'est un peu une solution, en partie, pour certains secteurs. On parlait de l'aviation tout à l'heure. On n'a pas trop d'idées pour faire de l'aviation sans... sans kérosène, ou après on peut imaginer des carburants biologiques, mais enfin ce sera assez limité, il y aura d'autres soucis. Donc pour l'aviation on n'a pas trop de solutions, il y a quelques autres secteurs où on n'a pas de solutions. Là on peut se dire, il faudra retirer le CO2 qu'on émet, pour peut-être une gigatonne ou deux gigatonnes, on peut imaginer que si ces technologies se développent, en cours d'un facteur 1000-10000 on peut y arriver. Mais ça ne remplacera pas la réduction indispensable des émissions.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc le CO2, ce n'est pas le seul gaz à effet de serre, loin de là. Le méthane est responsable d'environ un tiers du réchauffement climatique, ce qui est loin d'être négligeable. Le méthane s'est longtemps resté un peu le parent pauvre des gaz à effet de serre par rapport à son importance qu'il prend dans le forçage radiatif. Mais cette année, c'était un peu au centre des débats à la COP. Pourquoi on a mis autant de temps à commencer ? à en parler ?

  • Florian

    Alors en fait si on regarde le méthane, il y a deux sources principales de méthane liées aux activités humaines. La première c'est tout ce qui est lié au secteur des énergies fossiles de nouveau. On extrait des combustibles fossiles et en fait il y a des fuites, donc il y a des fuites de méthane à l'extraction. On transporte du gaz, il y a des fuites. Voilà. Dans des pipelines, voilà l'exemple évidemment clair, c'est dans Nord Stream l'année passée, mais enfin il y a... tous les pipelines ont des fuites de méthane. Sans que ça saute, ouais. Sans que ça saute même, voilà. Et même au niveau de la distribution dans les villes, il y a des fuites de gaz régulières. Voilà, c'est un système qui n'est pas connu en aromatique. Donc en fait, les pays sont engagés à réduire fortement toutes ces fuites, toutes ces pertes de gaz. Ça, c'est un engagement qu'ils ont fait à la COP la semaine passée. Donc ça, c'est très très bien. Ça représente grosso modo à peu près la moitié des émissions anthropiques de méthane. L'autre gros secteur, c'est tout ce qui est agriculture. Là, à nouveau, on peut le diviser en deux sous-secteurs. Un, c'est le bétail. Tout le monde sait où est les vaches. Ça émet du méthane. Donc il y a une partie importante des émissions de méthane actuelles qui est liée au fait qu'on... On a de plus en plus de cheptels de bovins. Et l'autre secteur, évidemment, c'est les rizières. Donc, principalement, évidemment, en Asie, les rizières poussent dans l'eau. Donc, il y a une décomposition anaerobique de la matière organique. Il n'y a pas assez d'oxygène. Donc, du coup, ça ne produit pas du CO2, ça produit du méthane. Donc, pour les secteurs fossiles, on a des engagements clairs à la COP. On va réduire ça. Donc, en fait, on peut se dire que c'est une évidence. Et on se demande même pourquoi on n'a pas fait ça plus tôt. Parce que... C'est limiter les pertes. C'est juste plus efficace. C'est transporter du méthane sans le perdre. L'agriculture, c'est plus compliqué. Ça impacte plus de gens. Il n'y a pas de solution simple. On ne peut pas remplacer des vaches par des vaches qui ne perdent pas de méthane. C'est directement des rizières, pas des rizières, qui ne mettent pas de méthane. Donc c'est plus complexe.

  • Pierre Friedlingstein

    Quel est l'état du puits de méthane naturel qui est le radical hydroxyde ? Donc formule chimique OH, pour ceux qui préfèrent les acronymes. J'ai lu que... Les mesures visant à limiter la pollution de l'air des transports et notamment des containers, ou par exemple le bannissement des voitures diesel, amoindriraient ce puits de carbone. Et c'est pour ça que le méthane dans l'atmosphère a rapidement augmenté ces dernières années, du fait des normes, mais aussi du fait du Covid qui a enlevé beaucoup de voitures des routes. Est-ce que vous avez des éléments ?

  • Florian

    Oui, ben... En gros, à peu près les mêmes que vous, dont j'ai lu des articles scientifiques aussi récemment. Voilà, c'est encore une activité de recherche qui est encore en cours. On n'a pas une vision complète globale de l'évolution du puits hydroxyle, c'est assez compliqué à mesurer, et donc à suivre à long terme. Donc en fait, on a des mesures indirectes via d'autres gaz, et puis après on essaie effectivement de faire des bilans, de voir avec des modèles qu'on appelle les modèles de chimie transport atmosphérique, d'essayer de représenter la chimie. du méthane dans l'atmosphère et de voir comment elle évolue. Donc en fonction effectivement d'autres précurseurs qui peuvent influencer sur la consommation d'OH et du coup, s'ils consomment du OH il reste moins d'OH pour oxyder le méthane et du coup le méthane va rester un peu plus longtemps dans l'atmosphère, son temps de vie va augmenter. Mais également d'autres facteurs comme le facteur climatique qui faut que par exemple s'il fait plus chaud il fait plus sec, ça peut modifier les émissions naturelles. Donc par exemple de tout ce qui est les tourbières ou les permafrosts de haute latitude Donc voilà, il y a pas mal de facteurs. Donc on utilise évidemment des données atmosphériques, des modèles atmosphériques, aussi des données isotopiques pour essayer de séparer, de comprendre quelles sont les différentes contributions qui pourraient expliquer la croissance qu'on a observé du méthane sur les années. Mais le méthane c'est assez compliqué. Dans les années 90-2000, le méthane était stable pendant une dizaine d'années. On a eu un plateau de la concentration de méthane dans l'atmosphère et à nouveau on ne savait pas trop pourquoi. Puis il est reparti, l'augmentation, depuis plein d'années. Donc c'est vraiment un sujet de recherche en ce moment.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc vous revenez de la COP 28 à Dubaï. Qu'est-ce qu'il en est sorti concernant les sources de gaz et de fer, comme on vient d'évoquer ?

  • Florian

    Alors, pour la première fois, donc après 27 COP, il y a dans le texte final une reconnaissance que la combustion de gaz, pétrole et charbon est responsable du problème climatique et que donc il faut à terme en sortir. Donc on peut être assez estomaqué qu'il y ait Il y a 27 ans pour que les pays le reconnaissent, c'est malheureusement ce qui se passe. Donc là, dans le texte final, il y a une phrase qui dit qu'il faut... C'est sujet à l'approbation de tous les pays du monde, donc ils ont mis un temps infini à se mettre d'accord sur les mots.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc pour ceux qui ne savaient pas, dans l'accord de Paris, il n'y a pas marqué énergie fossile.

  • Florian

    Voilà. Dans l'accord de Paris, il n'y a pas marqué énergie fossile. Il y a marqué ambition de limiter le réchauffement à 2 degrés, voire 1.5 si possible, tout ça. Mais on n'a pas mis, on n'a pas pointé sur... Le responsable est qui ? La première fois que ça est apparu, c'est dans le rapport de Glasgow, donc la COP26, il y a deux ans, où le charbon a été mentionné pour la première fois. Et donc là maintenant, on peut dire que c'est un grand pas en avant, c'est qu'on mentionne enfin tous les combustibles fossiles, sans exception, en disant qu'ils sont la source du problème, en gros. Et que donc il faut, en anglais, transitioning away, donc faire une transition qui s'écarte de plus en plus de ces combustibles, De manière à arriver à ce qu'il appelle le net zéro aux environs 2050. Donc il y a une direction générale qui est il faut s'en écarter, et il y a un objectif qui est zéro en 2050. Donc ça en soi c'est une très bonne nouvelle. Après évidemment, les accords des COP sont pas contraignants. Tous les pays ont signé l'accord, mais ce n'est pas pour ça qu'ils vont forcément faire ce qu'il faut pour les respecter.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais si ce n'est pas contraignant, pourquoi il y en a qui freinent pour mettre le mot énergie fossile ?

  • Florian

    En fait, il n'y a pas que les pays du Golfe Persique et du Moyen-Orient. C'est plus compliqué que ça. Évidemment, il y a la Russie également, qui est un gros producteur de gaz. Il y a également des pays comme l'Inde. qui ont une demande énergétique telle que pour l'instant, ils ne peuvent pas imaginer de se dire qu'ils n'auront plus de pétrole, plus de charbon. Mais il y a également des pays comme les pays d'Afrique, qui ont des ressources fossiles, qui ont un niveau de développement encore beaucoup plus faible. et qui, à juste titre, pose la question est-ce que nous aussi on a le droit d'utiliser un peu du pétrole et du charbon qui est sur nos pieds, avant de décider de manière globale que c'est fini, on ne l'utilise plus. Donc, dire on arrête, ce qui en anglais était phase out, c'était une fin de non-recevoir de beaucoup de pays du monde. Alors, en fait, je crois, si j'ai bien lu, il y a environ 130 pays dans le monde qui étaient pour la mention phase out. Donc, c'est l'Europe, c'est les Etats-Unis...

  • Pierre Friedlingstein

    Vous pouvez préciser juste la différence entre phase out et transitioning ?

  • Florian

    Alors initialement, il y avait deux options sur la table. Il y avait phase down et phase out. Phase out, ça veut dire on arrête. On descend, phasing out, ça veut dire on décroît, et jusqu'à out, zéro. Phasing down, ça veut dire on décroît, mais ça ne veut rien dire de plus, ça veut juste dire on décroît. Ça ne veut pas dire on va arriver à zéro, ça veut juste dire on va ralentir. Donc il y a pas mal de pays du monde qui étaient pour le phasing out, il faut arrêter les fossiles, c'est clair, on sait bien que c'est la cause principale d'un changement climatique, dont l'Europe, les Etats-Unis, mais également les pays, les petits, toutes les pays, les petites îles, au cas de condiment. qui sont directement concernés par le changement climatique et la montée du niveau des mers. Au total, ça faisait environ 130 pays. Et donc, il en restait quand même beaucoup, 60, 65, qui étaient tout à fait contre, qui étaient complètement opposés à l'idée de phasing out, et donc qui voulaient phasing down, qui était on va réduire. Et donc, les autres pays disaient non, phasing down, c'est pas assez ambitieux, c'est pas possible, on va jamais arriver si on dit phasing down. Et donc, ils ont tergiversé pendant des jours et des nuits, et finalement, ils sont arrivés à cette... Ce compromis qui est on va transitionner. hors de, en arrivant à un net zéro en 2050.

  • Pierre Friedlingstein

    Ok. Donc, pour être tout à fait précis, il y a phasing out qui serait le plus ambitieux, transitioning away qui serait au milieu, et phasing down un peu moins ambitieux.

  • Florian

    Oui, encore moins ambitieux, c'est ne pas le mentionner du tout. Oui. Ce qu'on a fait jusqu'à présent.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc, vous avez plutôt l'air de faire partie de ceux qui voient le verre à moitié plein, parce qu'il y a beaucoup de commentateurs qui ont parlé de... pas d'échec mais de déception par rapport à cette copie oui mais c'est sûr que tous les partis qui voulaient une mention claire du phasing out donc

  • Florian

    On s'en sépare, à jamais, forcément c'est un échec, ils sont déçus. Parce qu'ils voulaient plus et ils ont eu un compromis qui est forcément moins satisfaisant. Ça c'est évident. Pour moi, après, il y a quand même un signal fort qui est, il faut s'éloigner des énergies fossiles. Donc au niveau des secteurs financiers, on peut espérer qu'à terme, ça commence à modifier les investissements pour essayer de sortir du tout fossile et des subventions fossiles. C'est aussi ce qu'ils espèrent. des pays. Après, au final, voilà, je vous dis, ce rapport n'est pas contraignant. Ce qui est contraignant maintenant, c'est qu'est-ce que les pays en font ? Donc, l'Union Européenne, les Etats-Unis, tous les pays du monde, on dit, voilà, maintenant on met en place une transition énergétique pour sortir du fossile d'ici 2040, 2050, 2060, ça dépend des pays, et voici comment on la met en place.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais en même temps, c'est difficile de trouver un consensus entre des puissances comme les Etats-Unis, l'Europe, voire la Chine, qui ont financièrement, la possibilité d'installer des ENR ou du nucléaire, et d'autres pays qui n'ont même pas l'électricité dans toutes les maisons. On n'est pas du tout sur les mêmes priorités. C'est un peu bizarre de demander à tout le monde uniformément de sortir quoi.

  • Florian

    Oui, après c'est pas uniformément dans le sens que c'est écrit dans le texte aussi, l'implémentation se fera au niveau des pays. Donc la COP n'a de toute façon pas le pouvoir, les Nations Unies n'ont pas le pouvoir d'imposer aux pays, de dire voilà vous devez réduire de 5% par an tous les ans à partir de 2024. En fait l'implémentation, c'est ce qu'on appelle donc les NDC, les National Determined Contribution, c'est ce que chaque pays décide qu'il peut faire comme contribution au problème global. Et donc... Chaque pays rend sa feuille de route, on dit, si d'ici 2030 on va réduire des X%, d'ici 2050 on réduit de Y%, et ça c'est, les pays sont souverains, c'est eux qui décident à quelle vitesse ils vont faire ces transitions. Et donc de fait, effectivement, les pays comme l'Union Européenne ont des ambitions plus fortes que l'Inde, par exemple, ou que des pays africains, et ça c'est normal.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc, je reviens un peu sur ma question tout à l'heure, si c'est une bonne nouvelle que les énergies fossiles soient minces, dans le texte, mais que le texte n'est pas contraignant, en quoi c'est vraiment une bonne nouvelle. Qu'est-ce que ça implique ?

  • Florian

    Je pense que ça... Ça implique que les pays peuvent s'appuyer sur ces textes pour dire, bon voilà, c'est ce qu'il faut faire maintenant. Donc on met en place une stratégie nationale, bas carbone, comme on le fait en France, comme on le fait en Union Européenne, comme on le fait aux Etats-Unis aussi. Voilà, on a une sorte de mandat qui est, on s'est tous mis d'accord à la COP, il faut sortir des initiatives fossilistes 2050, maintenant il faut le faire. S'il n'y a pas de mandat, s'il n'y a pas de texte, il y a beaucoup moins de pression. Au niveau électoral, pareil, les électeurs sont en droit d'exiger... que leur pays fasse ce qu'il a signé à la COP.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc, vous le mentionnez tout à l'heure, votre rapport aussi consiste en définir un budget de gigatonnes de CO2 qu'il reste à émire avant d'atteindre un objectif, mais pour le coup, c'est pas vraiment... C'est plutôt une mauvaise chose d'atteindre les 1,5 degrés ou les 2 degrés. Donc après cette année 2023, qu'est-ce qu'on peut dire ? On entend de plus en plus que les 1,5 degrés, c'est cuit déjà, malgré ce qu'a dit... Al-Jaber, le président de la COP, puisqu'il a rappelé, tenu objectif, mais bon, en même temps, qui a envie d'être le président qui dira que c'est mort ? Il faudra bien que quelqu'un s'y colle un jour, mais je réponds à pas votre question, c'est mort.

  • Florian

    C'est-à-dire que ça semble très très difficilement imaginable. Là, on fait, dans le carbone belge, on regarde un peu ce qu'il nous reste de CO2 à émettre avant d'arriver à 1,5. Donc on reprend les chiffres du GIEC, on les met à jour avec les émissions qui sont écoulées depuis que le rapport du GIEC est paru. Puis il y a un autre rapport qui est sorti entre On prend la moyenne de tout ça, on essaie de faire notre meilleure estimation. On estime que si on continue à mettre au rythme actuel, dans 7 ans, on a une chance sous 2 de 3,5°C. Pour 1,7 ou 2°C, c'est un peu plus, un peu plus de temps forcément, puisqu'on peut avoir plus de sous 2°C pour atteindre un niveau de réchauffement plus élevé. Mais quoi qu'il arrive, c'est limité. Donc 1,5°C, c'est 7 ans. Donc on imagine mal que les émissions chutent de manière drastique dans les années qui viennent. Donc si on émet au niveau actuel... Actuellement, pendant 7 ans, on arrive à 1,5, ce qu'on peut aussi traduire par, si on imagine qu'on décroît de manière linéaire à partir d'aujourd'hui, on devrait arriver à zéro dans 14 ans. Donc ça veut dire qu'on est, par exemple, en 2024, avant 2040, on devrait arriver à zéro. Il n'y a aucune trajectoire actuelle qui est compatible avec ça. Quand on regarde ce que les différents pays s'engagent, donc ce que je disais tout à l'heure, les NDCs, les contributions par pays, ils s'engagent à réduire de 80% d'ici 2030. Voilà le même. L'Europe qui a 40% d'ici 2030, ou 45%, un peu plus maintenant je crois, ils y revisent à la hausse chaque fois. Les autres pays, si on met tout ça ensemble, en 2030, on sera plus ou moins, même ces émissions qu'actuelles. Il y aura des pays qui seront en décroissance déjà, il y aura des pays qui seront encore en croissance, comme l'Inde, qui ne prévoit pas de diminuer leurs émissions d'ici 2030. Donc si on met tout ça en global, les émissions d'2030 seront, avec beaucoup de chance, un peu plus faibles qu'aujourd'hui. Mais en tout cas, pas de 50% plus faibles, ce qu'il faudrait pour qu'elles soient réduites de 100% d'ici 2040. Donc c'est sûr qu'on a très bonne chance de rester en dessous de 1.5. Alors après, ce qu'on peut espérer, et je pense que c'est ce que la plupart des gens reconnaissent maintenant, c'est que comme on envisage qu'on peut avoir des émissions négatives, donc on peut capter le CO2 de l'atmosphère, on peut retirer le CO2 de l'atmosphère, et donc du coup on peut refroidir la planète. Donc on peut passer un peu au-dessus de 1.5, et puis si on continue à réduire le CO2, réduire le CO2 en le captant, on peut redescendre. tout le chemin, la trèfle superclimatique. Et donc, en fait, revenir à 1,5, mais par le haut, plutôt qu'arriver à 1,5 par le bas. Voilà. Donc ça, c'est un peu le...

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, mais ça, c'est... Est-ce que c'est réaliste ? Parce qu'on a parlé des puits de carbone qui étaient stables, mais voilà, dans un climat qui se réchauffe, ça risque de se compliquer. On a parlé des technologies qui représentaient des pognèmes de milliards.

  • Florian

    Réaliste, c'est difficile à dire. Qu'est-ce qui est réaliste en 2040, en termes de technologies ? Voilà. Moi, je suis assez... Mais ça c'est mon opinion personnelle. Si je regarde les rapports du GIEC, donc du groupe 1, il continue à dire qu'il y aura des piles de carbone, donc ça c'est mon domaine, je suis assez convaincu qu'en 2040 on aura encore des fruits qui pourront prendre du CO2, on aura encore des océans qui vont absorber du CO2, surtout si on décélérise les émissions, que donc le réchauffement ne s'amplifie pas de manière... En tout cas, voilà. L'amplitude du réchauffement décélère, effectivement. Après au niveau des piles technologiques, à nouveau, si on lit les rapports du GIEC, surtout du groupe Sur la partie mitigation, il y a une partie qui est liée à la reforestation, il y a une partie qui est liée à ce qu'ils appellent les BECS, énergie biologique avec des cultures fourragères par exemple, et après qui sont capturées et stockées sous sol. Donc en fait on peut comme ça produire de l'énergie, mais également pomper du CO2 et le stocker après. Donc il y a plein de technologies comme ça, la direct air capture. Donc s'ils mettent tout ça ensemble, eux ils arrivent à des scénarios dans leur modèle, qu'on appelle les modélatifs. intégré à ce qu'est strip et sur gigaton. Voilà, donc après, on a le droit en tant que non-expert d'être empathétique, mais on peut aussi se dire, voilà, c'est les meilleurs outils qu'on a pour l'instant pour essayer de prédire l'évolution socio-économique des 20-30 prochaines années. Voilà, c'est difficile d'avoir des éléments factuels pour vous dire que ça ne va pas se passer. Parce que ça se passe dans le monde des modèles, mais après, ça se passe dans le monde des modèles, je ne veux pas du tout dire que ça va se passer dans le réel. On est bien d'accord.

  • Pierre Friedlingstein

    Surtout si les modèles ont comme entrée un objectif de degré.

  • Florian

    Oui, bien sûr, les modèles ont un objectif. Si on veut faire 1.5, qu'est-ce qu'on fait ? Dans les modèles qui sont des modèles socio-économiques, ils disent pour faire arriver 1.5, on ne va peut-être pas y arriver tout de suite, mais on va y arriver en montant et en descendant, et on va utiliser cette technologie-là, cette technologie-là, cette technologie-là, elles vont se développer de manière exponentielle pendant les 20 prochaines années. Le coût à ceci et à ceci, il y avait trop de temps. Le coût de la tonne de carbone sera d'autant, donc les investissements vont se faire dans cette direction-là. Voilà, ils mettent tout ça ensemble. Ils font au mieux qu'ils peuvent. avec leur compréhension du système socio-économique et énergétique actuel. Après, on peut continuer à se dire, oui, ok, mais c'est super optimiste.

  • Pierre Friedlingstein

    Vous avez dit que les émissions allaient se stagner jusqu'en 2030, à peu près. Il y a des analyses récentes menées par l'Agence internationale de l'énergie et Climate Analytics qui suggèrent que les émissions de CO2 des énergies fossiles mondiales pourraient avoir atteint leur pic en 2023, à mesure que la croissance des énergies propres... s'accélère et que l'utilisation des combustibles fossiles diminue. Ce n'est pas la première fois que l'AIE annonce un pic d'émissions de CO2. Qu'en pensez-vous pour cette fois-ci ?

  • Florian

    Comme vous le dites, ce n'est pas la première fois. Je pense qu'on peut prendre rendez-vous en 2024 et voir où on en est. Là, vu la croissance de l'Inde et de la Chine actuelle, même si la Chine, on l'a parlé, c'est peut-être plus une anomalie 2023 qu'une tendance à long terme, on est bien d'accord. Ça n'empêche qu'ils sont quand même à plus 4%, même si l'année prochaine ça va mieux, j'imagine mal qu'ils passent dans le négatif directement en un an. L'Inde, voilà, à nouveau 8%, j'imagine mal que l'Inde passe à une croissance négative. Donc après, je n'ai pas fait les calculs, mais on pourrait, sur un bout de papier, faire quelle croissance on peut autoriser à l'Inde, en imaginant une décroissance en Europe, en Etats-Unis, une croissance nulle en Chine, une décroissance du reste du monde, pour que finalement on ait une décroissance globale du monde mondial. Les calculs seraient assez simples à faire, on pourrait le faire. Voilà, mais comme ça, de tête, je vous dirais qu'il faudrait beaucoup d'éléments qui aillent dans la bonne direction pour qu'on ait un pic en 2023 et qu'en 2024 on soit déjà en dessous de 2023. Donc je pense que de manière conservative, je vous dirais qu'on va attendre 3-4 ans, 5 ans, et on verra où on en est. Et donc on pourra dire si effectivement on a atteint un pic et qu'on a une tendance à plus ou moins long terme de l'écroissance. En 2020. On s'est tous dit, voilà c'est bon, on a un pic, j'ai des collègues climatologues qui ont fait des paris sur internet en disant 2019 sera l'année historique en termes d'émissions de CO2, on n'arrivera plus jamais au-dessus de ça. On y est maintenant, on est au-dessus de 2019. Je suis prudent.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc la croissance des énergies renouvelables un peu folles, notamment en Chine, ne va pas remplacer tout de suite du fossile, pour l'instant ça va être un corps être plutôt s'ajouter ?

  • Florian

    On l'a bien vu cette année. À nouveau, la croissance des renouvelables en Chine et en Inde sont supérieures à 10% de nouvelles installations. Donc c'est énorme. C'est vraiment une capacité de développement de nouvelles structures renouvelables qui est impressionnante. C'est une croissance à deux chiffres. Mais malgré tout, les émissions chinoises et indes de combustibles fossiles augmentent également. Donc en fait, le déploiement des renouvelables n'est pas assez important pour supporter le besoin. énergétique. Donc après, finalement, ça peut évoluer, ça peut changer, et on va arriver forcément à un point de bascule à terme où on aura moins besoin d'énergie fossile. Mais je ne suis pas convaincu que ce sera en 2023, que 2023 sera le pic.

  • Pierre Friedlingstein

    D'accord, donc quand vous disiez tout à l'heure qu'il nous reste 7 ans à émission égale pour arriver à 1,5°C, en fait, c'est pas juste une vue de l'esprit, c'est un chemin très réaliste en fait.

  • Florian

    C'est un chemin assez réaliste, parce que même si on arrive au pic en 2023 et qu'en 2024 on est à 1% de moins, Et puis en 2025, on a encore 1 ou 2% de moins ou 3% de moins. On aimait quand même 40 gigatonnes, 40 milliards de tonnes chaque année. Donc le budget restant, il est de l'ordre, je crois que c'est 275, pour s'améliorer à 280, ça fait 7 années. Si au lieu de 40, on est à 39, ça va quand même entamer une bonne partie du budget restant. Si l'année d'après, on est à C'est bien, on a une bonne élection, mais on a quand même entamé une bonne partie du budget restant. Donc pour que le budget restant ne soit plus entamé, il faut vraiment qu'on réduise massivement les émissions.

  • Pierre Friedlingstein

    Et pour le du coup ?

  • Florian

    Le le chiffre en gigatonnes que je n'ai plus en tête, il est dans mes fiches, mais en un équivalent d'année d'émission actuelle, je crois que c'est 28 ans. Donc là on a... Si on continue à émettre au rythme actuel pendant 28 ans, on arrive à 2 degrés.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais même en entendant ce que vous dites, il y en a encore pour 10 ans à rythme actuel, après si ça baisse de 1%, on voit très bien que le budget des 2 degrés va être brûlé.

  • Florian

    Il y a un risque. On a plus de temps. Pour le 2 degrés, le net zéro, c'est bien après 2050. C'est 2070 en gros. Donc on est à 50 ans pour arrêter d'émettre du CO2 dans l'atmosphère. Merci. 50 ans, c'est quand même très long. Si vous imaginez, il y a 50 ans, on en était où ? On était depuis sur la Lune.

  • Pierre Friedlingstein

    50 ans, c'est pour les 2 degrés. Oui. Et qu'est-ce que vous pensez ? J'ai écouté Christophe Béchut qui disait que la France devait se préparer à un réchauffement de 4 degrés, puisque les modèles basés sur les politiques aujourd'hui en cours des grandes puissances mondiales, on arriverait à un réchauffement de 2,7-3 degrés à la fin du siècle. Ça, c'est quelque chose qui vous semble absolument probable ou c'est une plausibilité comme une autre ?

  • Florian

    C'est malheureusement probable. Ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure. Si on regarde les projections actuelles des émissions des différents pays, qu'on met tous ensemble, on voit que d'ici 2030, il n'y a pas de décroissance claire. 2050, ça va commencer à décroître. Mais si on voit la quantité de CO2 qui sera émise par l'humanité dans les 50 prochaines années, c'est compatible avec le réchauffement de... Voilà, 2.5, 2.8, 3 degrés, ça dépend un peu des estimations, ça dépend de la sensibilité climatique, qui n'est pas complètement connue, mais enfin, l'estimation moyenne, c'est 2.8 degrés. Donc ça ne veut pas dire que c'est inéluctable, c'est-à-dire que pour l'instant, dans l'état actuel des choses, on en est là. Alors, il faut se garder en tête qu'avant les accords de Paris, en gros, il y a 10 ans, si on faisait le même genre de projection, on était à 4 degrés. Donc là, on a déjà gagné, en gros, 1 degré, où on sera en 2100, grâce aux engagements des pays de réduire les émissions. Donc on peut espérer que ça continue. Comme ça, dans 5 ans, les engagements seront plus forts, et quand on sera plus à 2,8, on sera à 2,5, 2,2, je ne sais pas. Donc voilà, on va dans la bonne direction. Le problème, c'est qu'on n'y va pas assez vite, mais on va dans la bonne direction. Et donc, pour le coup, le ministère a raison, le ministère a raison, si c'est lors de grandeurs 2,5, 2,8 degrés à l'échelle globale, comme la France, enfin comme tous les pays sont dans l'hémisphère nord, mais la plupart des pays se réchauffent plus vite que la moyenne globale, puisque les océans se réchauffent moins vite que les continents, donc les continents se réchauffent plus vite. Bon, voilà, 3 degrés pour le monde. Au globe, ça fait 4 degrés pour la France. Donc il faut effectivement préparer un scénario d'adaptation à 4 degrés. C'est... Si tout va bien, c'est le pire des cas. Voilà ce que je veux dire. On peut espérer qu'on n'en sera pas là, on sera mieux, mais si on reste dans les trajectoires actuelles et qu'il n'y a pas plus d'ambition que ça au niveau du monde, on s'oriente vers un réchauffement de l'ordre de 4 degrés pour la France.

  • Pierre Friedlingstein

    Ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup, Pierre Frelingstein.

  • Florian

    Merci à vous.

  • Pierre Friedlingstein

    Voilà, j'espère que cet épisode vous a plu. Si c'est le cas, n'hésitez pas à le partager. N'hésitez pas à vous abonner si ce n'est pas déjà le cas et si le sujet vous intéresse. Merci au studio 1212 d'avoir produit cet épisode, à Gilles Marteau pour la musique et à vous bien sûr pour votre écoute. Portez-vous bien et à la prochaine.

Description

L’humanité n’a jamais brûlé autant d’énergie fossile qu’en 2023. Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter malgré 6 rapports du GIEC et 28 COP. C’est assez déprimant, surtout quand on sait que par le passé, les rares fois où les émissions ont baissé, c’était le résultat indésiré de bouleversements comme les chocs pétroliers, l’effondrement de l’URSS, les crises financières et plus récemment le covid. Pourtant, certains signes laissent entrevoir le pic d’émission. Les capacités d’énergie renouvelable installées dans le monde se sont multipliés ces dernières années, et selon les projections, ce n’est pas prêt de ralentir. Dans cet épisode, on va se demander d’où vient la hausse des émissions en 2023, si 2024 pourrait être la première année à voir les émissions de CO2 baisser de manière délibérée et où, en est-on, vis-à-vis de l’objectif de l’accord de Paris de rester sous les 1,5 degré de réchauffement.


Mon invité pour cet épisode est Pierre Friedlingstein. En plus d’être chercheur sur le cycle de carbone, il est coordinateur du Global Carbon Project, une organisation qui vise à faire l’état des lieux des émissions de CO2 mondiales.


Info: https://linktr.ee/echangeclimatique

Contact: echangesclimatiques@gmail.com

Production: https://onetwo-onetwo.com/

Musique: http://www.kodomorecords.com/bonsai/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Réchauffement climatique. Climate change. Cambiament climatique. Il y a des dégâts.

  • Florian

    Il n'y a pas de planète B. L'humanité n'a jamais brûlé autant d'énergie fossile qu'en 2023. Les émissions de CO2 continuent d'augmenter malgré 6 rapports du GIEC et 28 COP. C'est assez déprimant, surtout quand on sait que par le passé, les rares fois où les émissions ont baissé, c'était le résultat indésiré de bouleversements comme les chocs pétroliers, l'effondrement de l'URSS, les crises financières et plus récemment le Covid. Pourtant, certains signes laissent entrevoir le pic d'émissions. Par exemple, les capacités d'énergie renouvelable installées dans le monde se sont multipliées ces dernières années, et selon les projections, ce n'est pas près de ralentir. Dans cet épisode, on va se demander d'où vient la hausse des émissions en 2023, si 2024 pourrait être la première année à voir les émissions de CO2 baisser de manière délibérée, et où en est-on vis-à-vis de l'objectif de l'accord de Paris de rester sous les 1,5°C de réchauffement. Aujourd'hui, mon invité est Pierre Fringlichstein. En plus d'être chercheur sur le cycle du carbone, il est coordinateur du Global Carbon Project, une organisation qui vise à faire l'état des lieux des émissions de CO2 mondiales. Émissions de CO2, le pic est-il pour 2024 ? C'est le thème de ce nouvel épisode d'Échanges climatiques. Bonjour Pierre Friedlingstein.

  • Pierre Friedlingstein

    Bonjour.

  • Florian

    Votre dernier rapport vient de sortir, le Global Carbon Budget 2023, c'est un rapport que votre organisation, le Global Carbon Project, publie tous les ans. Est-ce que vous pouvez nous présenter ce rapport, quel est son but ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc en gros c'est évidemment un rapport qu'on produit tous les ans, ça c'est la 18ème édition, on a commencé en 2005. Donc on fait les tas d'art des émissions de CO2 dues aux activités fossiles, donc principalement la combustion d'énergie fossile mais également la déforestation. Donc on fait ça à l'échelle globale mais avec un découpage par pays. Et puis on regarde aussi le devenir du CO2 dans le système Terre, donc une partie reste dans l'atmosphère, une partie est réabsorbée par ce qu'on appelle les puits de carbone. aussi bien dans les océans que dans les continents. Donc on essaie de mettre toutes les pièces ensemble et voir notre compréhension de l'évolution du cycle du carbone et de la perturbation liée aux activités humaines.

  • Florian

    Donc l'objectif de cette interview, c'est que d'ici à la fin de l'épisode, on ait quelques clés de lecture pour comprendre quand pourrait être le pic d'émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, en fonction des différents paramètres. Donc souvent, ça va être les évolutions des décisions politiques. Et pour ça, on va commencer par analyser ensemble ce qui s'est passé cette année. Et puis... Petite précision avant de se lancer. Les émissions de CO2 se divisent dans votre rapport, comme vous l'avez dit, en deux catégories, celles générées par la combustion des énergies fossiles, donc pétrole, gaz et charbon, et celles générées par la déforestation. Donc ce sera toujours précisé quand vous parlez des émissions de CO2 d'origine fossile ou des émissions de CO2 de la déforestation. Ensuite, on dira un mot sur les autres gaz à effet de serre, et notamment le méthane, qu'on ne peut pas éluder puisqu'il est responsable d'un tiers du réchauffement. Et après avoir parlé du passé, on parlera du futur ou des futurs possibles. Et ça tombe bien parce que vous revenez. ...de la COP, de Dubai, où une grande partie des décisions sont prises en ce qui concerne le climat. Donc, on se lance, on ne va pas faire de faux suspense, les émissions de CO2 d'origine fossile ont encore augmenté cette année, en 2023, mais une augmentation qui ralentit depuis quelques années maintenant.

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, effectivement, donc on estime qu'en 2023, les émissions... On est lié à la combustion d'énergie fossile, donc charbon, pétrole et gaz, globalement a augmenté d'environ 1%, 1.1%. En fait si vous vous rappelez, en 2020 on a vu une chute des émissions de 5% qui était liée à la crise Covid et au fait que l'activité économique s'est ralentie, les gens n'ont pas voyagé, ils sont restés chez eux. Donc les émissions globales ont diminué, environ 5%. Et puis en fait en 2021 les émissions ont réaugmenté un peu, c'est un peu le rebond après la sortie de la crise Covid et puis pareil en 2021. En 2022 et en 2023, les émissions augmentent toujours. On a un niveau d'émission maintenant qui est supérieur au niveau pré-Covid-19.

  • Florian

    On va regarder dans le détail ce qui a tiré la hausse des émissions cette année. On peut commencer par le plus gros émetteur qui est la Chine avec 30% des émissions mondiales. Cette année, ces émissions ont augmenté de 4%. Est-ce que c'est une augmentation qui est structurelle ? est amené à perdurer ou est-ce que c'est plutôt conjoncturel ? Est-ce que c'est encore la reprise du Covid ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc en fait, comme je disais le Covid c'était en 2020, pour la Chine le Covid il a commencé plus tôt, il a duré plus longtemps, ils ont eu des périodes de restrictions beaucoup plus longues que nous. Et donc jusqu'en 2022 il y avait encore des restrictions dans certaines régions. Et donc en fait 2023 c'est vraiment l'année où il n'y a plus aucune restriction et donc où l'économie s'est relancée de manière complète en Chine. Et donc en fait le rebond qu'on voit en 2023, on pense qu'il est principalement lié en fait à un rebond post-Covid comme nous on a eu en 2021. Donc on peut espérer qu'en fait ce Cette tendance de 4%, ce n'est pas une tendance à long terme, c'est vraiment un phénomène spécifique de 2023.

  • Florian

    Parmi les rares bonnes nouvelles concernant le climat, on entendait depuis quelques temps maintenant que la consommation de charbon était en baisse à l'échelle mondiale depuis les années 2010. Mais malheureusement, depuis 2-3 ans, la Chine a largement... mis du plomb dans l'aile à cette tendance en réinstallant de plus en plus de centrales à charbon. Qu'en est-il de 2023 ?

  • Pierre Friedlingstein

    2023, pareil, les émissions liées à la combustion de charbon ont augmenté, globalement. Principalement, effectivement, tirées par la Chine, mais également l'Inde. Donc, en fait, c'est vrai qu'on a eu un plateau... J'aurais pas dit une baisse, mais plutôt un plateau des émissions liées à la combustion de charbon depuis environ 2010-2015. C'était plus ou moins stable, on se disait bon voilà on a tel pic du charbon, les émissions liées au charbon ont diminué. Ça c'est malheureusement pas encore concretisé. Effectivement, dans la 2022-2023, les émissions remontent encore et sont supérieures. à ce qu'elles étaient avant.

  • Florian

    Les émissions de l'Inde dues aux énergies fossiles ont dépassé cette année ou en 2022, celle de l'Union Européenne. Ils ont connu une augmentation de 8,3%, ce qui correspond grosso modo à la croissance de leur PIB, mais aussi à une forte croissance démographique et leur PIB, c'est beaucoup... Voilà, c'est un peu Médine, Charbon et Ciment. Et en fait, l'Inde a pas mal de similitudes à ce niveau-là, en tout cas avec la Chine des années 2000. Oui,

  • Pierre Friedlingstein

    effectivement. Donc l'Inde, comme je l'avais dit, maintenant c'est le troisième pays en termes d'émissions de CO2.

  • Florian

    On parlera des Etats-Unis.

  • Pierre Friedlingstein

    Devant l'Europe, derrière les Etats-Unis et la Chine. C'est principalement lié effectivement au fait qu'il y a une croissance démographique, toujours importante. Maintenant l'Inde c'est le pays le plus peuplé du monde, devant la Chine. Il y a une croissance économique qui est effectivement importante aussi. Et donc pour soutenir cette... cette demande énergétique liée à la croissance démographique et la croissance de l'économie, en fait, ils ont besoin de tout. Les renouvelables se développent très rapidement en Inde, mais ça ne suffit pas. Il y a des renouvelables, il y a du charbon, il y a du gaz, il y a du pétrole. Et donc, voilà, il y a une augmentation observée de toutes les ressources énergétiques possibles pour soutenir la demande.

  • Florian

    Et côté pays développé, on a les Etats-Unis qui connaissent une baisse de 3% et l'Union Européenne d'environ est-ce que ces baisses sont dues à des facteurs plutôt désagréables comme la désinstabilisation, une croissance morne, la guerre en Ukraine, des hivers plus doux ou des facteurs un peu plus choisis comme une croissance moins carbonée, voire de la sobriété ?

  • Pierre Friedlingstein

    Je pense que c'est un peu tout ça. Alors pour une année particulière, c'est assez difficile à analyser exactement ce qui se passe et c'est sûr que la guerre en Ukraine a eu un impact sur le... Les demandes énergétiques, on l'a bien vu en France, avec des mesures, surtout l'année passée, mais qui ont perturbé pour essayer de réduire la consommation, de la sobriété, mettre un pull en hiver, baisser le thermostat, etc. Donc toutes ces petites mesures ont quand même un effet. La France aussi, le nucléaire a repris en puissance cette année par rapport aux années précédentes. Il y a moins de centrales qui étaient à l'arrêt. D'autres pays d'Europe, c'est bon, c'est pas forcément le nucléaire, c'est sûr. Donc il y a une tendance, effectivement, de... de sortir des énergies fossiles. Après, si on regarde sur le long terme, si on regarde sur les 10 dernières années, la tendance à la baisse de l'Europe est environ, de l'Union Européenne, environ 1%-2%. Donc cette année, 7% c'est assez énorme. Mais c'est pas du tout représentatif des 10 dernières années.

  • Florian

    D'accord. Et est-ce que ça suffit, ces 8% pour être dans les clous de l'objectif de neutralité carbone qu'elle s'est fixée, l'Union Européenne, en 2050 ?

  • Pierre Friedlingstein

    En gros, oui, ça suffirait. Si on arrivait à faire 7-8%, Dans chaque année, maintenant, à partir de 2024 jusqu'en environ 2050, effectivement, ce serait dans les clous. Comme je viens de vous le dire, sur les dix dernières années, on n'était pas à moins 7%, on était à moins 2%. Du coup, on n'est pas du tout dans les clous.

  • Florian

    Mais donc, si ça s'est passé cette année en 2023, et que la guerre en Ukraine, c'était en février 2022, on peut tirer une corrélation directe ?

  • Pierre Friedlingstein

    À nouveau, c'est très dur de tirer des corrélations directes, parce qu'il y a plein de facteurs. Nous on a les chiffres bruts. Après, faire une analyse détaillée de c'est quoi les moteurs des changements de tendance, c'est assez compliqué, c'est l'interprétation. Ça va dépendre des pays européens. Il y a aussi une partie hydraulique qui peut être fonction des conditions météorologiques. L'univers plus doux va réduire aussi la demande énergétique en hiver. Il y a une multitude de facteurs qui fait que c'est assez difficile d'être sûr certain que c'est uniquement les politiques climatiques qui jouent et qui font qu'on a une baisse avérée. En fait, il faudra garder sur le plus long terme. Sur les cinq prochaines années, on voit qu'on a une tendance continue de l'Europe à diminuer de 7%. Là, on peut dire qu'effectivement, il y a une tendance lourde de réduction. On est loin d'être là.

  • Florian

    Sinon, il reste une catégorie dont on n'a pas parlé, c'est la catégorie reste du monde, dont les émissions décroissent légèrement, mais on ne sait pas trop qu'en faire sans le détail, parce que c'est une catégorie où il y a des pays qui ont des profils très hétérogènes, et donc une décroissance des émissions, ça peut être négatif si ça se passe dans des pays en développement, parce que ça peut vouloir dire une décroissance tout court, ou alors ça peut être positif dans des pays plus riches.

  • Pierre Friedlingstein

    Effectivement, c'est assez compliqué, parce que c'est un peu C'est le reste du monde, donc en fait on fait des projections assez précises pour les gros pays. Et pour le reste du monde, en général, c'est plutôt basé sur des projections de croissance économique et d'indicateurs de décarbonation qu'on extrapole par rapport aux années récentes. Donc la tendance du reste du monde, c'est que ça se décarbone lentement, mais que la croissance économique continue. Donc quand on fait l'ensemble des deux, on peut estimer qu'effectivement il y a une très très faible baisse des émissions pour le reste du monde. Mais on est pour la... l'instant est encore incapable d'attribuer ça à tel ou tel pays. Donc ça reste vraiment un package intégré qui est le reste du monde pour lequel on essaie de faire une estimation assez incertaine, plus incertaine que pour les autres pays où on a plus de données.

  • Florian

    Et d'ailleurs, comment vous faites ces estimations sur les énergies fossiles ou sur la déforestation ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors c'est assez différent pour les énergies fossiles. Jusqu'à, donc ici on est en 2023, donc jusqu'à 2022, on a des rapports. des différents pays qui répertorie assez clairement l'utilisation de pétrole, gaz et charbon. Donc on n'a pas les émissions mais on a la consommation. La France, on sait combien la France a consommé de milliards de tonnes de charbon ou de barils de pétrole. Et donc après on a des facteurs de conversion qui sont assez bien reconnus pour estimer les émissions de CO2 liées à la combustion d'un baril de pétrole par exemple. Donc on a ça pour tous les pays du monde. Pour 2023 c'est plus compliqué parce que les données ne sont pas encore disponibles. On est encore en cours d'année, quand on écrit le rapport, on est à la fin de l'été, donc les données ne sont pas complètes. Donc on a des indicateurs, et c'est pour ça qu'on peut le faire que pour certains pays, parce que ça demande pas mal d'énergie, au niveau des chercheurs impliqués dans le budget. Donc ils peuvent faire tous les pays du monde, donc ils se concentrent sur les gros pays, et donc ils ont des indicateurs qui sont consommation électrique, par exemple, qui sont consommation mensuelle de combustible fossile pour certains pays, et d'autres indicateurs qui permettent en fait... d'établir plus ou moins les émissions pour ce pays-là. Et après, on doit extrapoler pour les quelques mois qui manquent, parce qu'on est en septembre quand on boucle tout, et donc on doit faire une extrapolation sur les trois derniers mois pour avoir une estimation de la valeur annuelle. C'est pour ça qu'il y a une certitude qui est un peu plus importante en général. On dit que ça peut être 4%, mais ça peut être entre 3 et 5%, par exemple. Donc on peut faire ça pour la Chine, pour les Etats-Unis, pour l'Europe, et pour l'Inde, où on a des personnes qui sont dédiées à ces quatre pays-là. Et donc pour le reste du monde, après... C'est plus une extrapolation, c'est un peu plus rudimentaire. Pour la déforestation, là pour le coup c'est plus complexe, parce qu'on n'a pas de rapport direct de la quantité de gaz émis lié à la déforestation pour chacun des pays. En fait ce qu'on a uniquement c'est des données qui viennent de la FAO sur les couvertures forestières des différents pays.

  • Florian

    Donc la FAO c'est l'organisme onisien pour l'agriculture ? Voilà.

  • Pierre Friedlingstein

    Food Agriculture Organization. Donc, ils répertorient les cultures pour les différents types de pays, les prairies, mais aussi les forêts. Donc, on a des couvertures forestières par pays. Mais ces inventaires sont faits en général tous les cinq ans et pas toujours la même année pour chaque pays. Donc, ça dépend un peu au bon vouloir des pays de rapporter leurs inventaires forestiers à la FAO. Donc, on a ces données-là qui sont incomplètes. Et parfois, la dernière donnée pour certains pays, ça peut être en 2017 et après 2017, on n'a rien. On doit supposer que la tendance à long terme continue jusqu'à maintenant, mais ce n'est pas assez incertain. Donc voilà, c'est beaucoup plus incertain. Et puis en plus, on n'a que les couvertures forestières. On n'a pas les flux de gaz. Après, il faut un modèle qui dit, si on avait une forêt, que maintenant on a une prairie à la place, il y a autant de carbone qui a disparu parce qu'il a été remplacé par un écosystème qui a beaucoup moins de carbone et donc qui est parti dans l'atmosphère.

  • Florian

    Et on ne peut pas le faire avec des images satellitaires ?

  • Pierre Friedlingstein

    On commence à faire des images satellitaires aussi, qui donnent des informations sur la couverture forestière. C'est une voie en cours de développement, on n'est pas encore opérationnel. Il faut digérer toute cette information satellitaire qui est assez importante, qui est assez énorme. Elle ne donne pas toute l'information non plus, la couverture forestière, elle ne donne pas le contenu de carbone dans les sols, donc il faut quand même avoir accès à des modèles après qui vont transférer, traduire cette information, couverture forestière vue par satellite, en flux de carbone.

  • Florian

    Je reviens rapidement sur les émissions. de CO2 d'origine fossile. Quand on faisait notre petit tour d'horizon des différentes régions du monde, est-ce qu'on observe un découplage absolu, c'est-à-dire un pays qui voit son PIB augmenter et dans le même temps ses émissions de CO2 baisser, tout en prenant en compte évidemment les importations, sinon ça pourrait être juste de la désinstruation ou de la tertiarisation ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc on a regardé dans le rapport, en fait on fait ça chaque année, on regarde le nombre de pays exactement comme vous dites, qui ont une économie croissante mais les émissions décroissantes. Et après on fait des tests. Statistique pour être sûr que c'est significatif et que c'est pas du bruit autour de zéro. Donc là cette année on a 26 pays dans le monde qui ont une croissance économique et qui ont une décroissance des émissions durables sur les dix dernières années. Donc c'est principalement les pays de l'Union Européenne, mais pas que, il y a aussi l'Afrique du Sud, les Etats-Unis, il y a Japon je pense, j'ai plus en tête, enfin je pourrais garder. Donc voilà, il y a 26 pays, ils représentent ensemble environ un peu moins d'un tiers des émissions. Ils sont de ceux de Global.

  • Florian

    D'accord. Donc c'est significatif.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc ça commence à devenir significatif.

  • Florian

    Mais c'est en prenant en compte les importations.

  • Pierre Friedlingstein

    C'est territorial uniquement ce qu'on fait. D'accord. Donc si on prenait en compte les importations, ce qu'on appelle les émissions liées à la consommation, ça changerait un petit peu, on en aurait un petit peu moins. La tendance à long terme est assez forte, parce que la bascule entre production locale et production exportée s'est surtout faite pendant les années 2000, quand la Chine principalement s'est fortement développée. Mais depuis 2010, en fait, on est plus ou moins stationné. Et donc, la tendance de décroissance des émissions qu'on voit, on l'a en émissions territoriales, mais on l'a aussi en émissions importantes.

  • Florian

    Et enfin, pour finir sur l'horizon, il faut parler de la croissance folle du secteur de l'aviation qui a fait plus 28%. On entend souvent que l'aviation pèse peu sur le bilan mondial des émissions de CO2. Combien de temps ce sera encore vrai ?

  • Pierre Friedlingstein

    Il pèse peu. La vie en transport international, c'est environ 3% des émissions. Donc voilà, on peut se dire que c'est évident, c'est pas beaucoup. En même temps, la France, c'est moins d'un pour cent. Donc voilà, la vision internationale, c'est plus de trois fois la France. Donc ce n'est pas inexorable. Si c'était un pays, il serait sans doute dans le top 20, c'est clair. Et en plus, comme vous le dites, il y a une croissance assez forte cette année. Bon, à nouveau, c'est encore un rebond Covid. Le transport aérien a chuté de 60-70% en 2020. Donc voilà, il est toujours en train d'essayer de s'en sortir. Et donc voilà, c'est sûr que le mode... L'aérien, c'est une croissance du transport et d'augmenter le transport. Il prévoit de doubler le transport d'ici 2040, ce qui semble effectivement difficilement compatible avec des objectifs de réduction forte des émissions. Donc ça va devenir clairement un secteur problématique.

  • Florian

    Fort heureusement, tout ce qu'on émet ne finit pas dans l'atmosphère, puisque un quart de nos émissions est capté par la biomasse et un autre quart par les océans. C'est ce qu'on appelle les puits de carbone, vous l'avez mentionné en introduction. Et régulièrement, l'état de ces puits ou leur capacité à... à stocker le carbone, les mises à jour, enfin en tout cas on entend des nouvelles dans l'actualité. Est-ce qu'il vaut bien nous dire ce qu'on sait ? Aujourd'hui, parce que moi j'ai vu passer un article qui disait que les océans capteraient plus de carbone que prévu grâce au plancton. On a vu passer aussi que la stratégie nationale carbone de la France se base en fait beaucoup trop sur les puits de carbone que sont les forêts. Où on en est ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors on en est pour l'instant, et c'est plus ou moins valable depuis 40-50 ans. Donc la biosphère continentale, les océans absorbent... ensemble un peu plus de la moitié des émissions. Donc c'est grosso modo moitié-moitié pour chacun, c'est un peu plus pour les continents que pour les océans. Mais en gros, si on émet 100 molécules de CO2 dans l'atmosphère, pour faire simple, il y en a 45 qui vont rester dans l'atmosphère, il y en a 55 qui vont repartir, 25 dans l'océan et 30 dans la biosphère continentale, en gros. Donc les processus, on les comprend relativement bien, c'est des processus physiques ou biologiques. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, il y a plus de photosynthèse, donc il y a plus de CO2 qui est capté par les plantes, et donc La biomasse est un peu plus importante. Après, à terme, ça va évidemment se décomposer parce que les feuilles mortes créent de la litière qui crée du carbone dans le sol qui va se décomposer par des micro-organismes. Donc il y aura un flux de retour. Il y a toujours un déséquilibre entre le flux d'entrée de photosynthèse qui est plus élevé parce qu'il y a de plus en plus de CO2. Et comme le CO2 continue à augmenter, la photosynthèse continue à augmenter. C'est quelque chose qu'on voit par satellite. C'est ce qu'on appelle le greening. Voilà, l'éclicureture... Les végétales augmentent. On le voit de l'espace. Pour l'océan, le processus, c'est plus physique. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, il y a plus d'échanges de CO2 par diffusion entre l'atmosphère et l'océan. Il y a plus de CO2 qui rentre dans l'océan. Ce CO2, après, il est exporté vers les eaux profondes et il est sequestré de manière durable. Tant que le CO2 augmente dans l'atmosphère, les puits de carbone océaniques et continentaux continuent à fonctionner. Nous, ce qu'on constate, c'est que sur 50 ans, ils sont plus ou moins constants, plus ou moins. Au niveau 25 et 30%, ça n'a pas beaucoup évolué. On évalue ça avec une combinaison de modèles et de données. Donc les modèles qu'on utilise sont des modèles qui essaient de reproduire le cycle du carbone. Et avec ces modèles, on peut voir l'impact du climat. Parce que sur le XXe siècle, évidemment, le CO2 a augmenté, mais le climat a changé aussi. Donc l'effet du climat est négatif et réduit l'intensité de ces puits. Pour la biosphère, on estime que c'est environ 20%. Donc en fait, les puits biosphériques seraient encore plus élevés s'il n'y avait pas de changement climatique. Donc le climat réduit les puits, pourquoi ? Parce que le réchauffement induit à des périodes de sécheresse, conduit à des feux, par exemple, qui vont réduire la productivité ou la biomasse aérienne. Le réchauffement induit aussi une augmentation de la décomposition de la matière organique dans les sols, parce que plus il fait chaud, plus la décomposition est active. Il y a les permafrost qui peuvent commencer à fondre, etc. Mais même en règle générale, tous les sols ont une décomposition qui est un peu plus rapide parce qu'il fait plus chaud, il fait un débit de... plus qu'il y a 150 ans. Dans l'océan, c'est l'autre processus, mais en gros, la circulation océanique fait qu'il y a moins d'export de carbone vers les zones profondes. La solubilité du CO2 diminue aussi avec la température. Donc tout ça fait que les puits de carbone réduisent un petit peu dans l'océan. Mais comme le CO2 continue à augmenter, il y a une balance entre cet effet climatique qui voudrait réduire les puits et l'effet du CO2 qui continue à augmenter et qui augmente les puits. Et donc ce qu'on voit, c'est que pour l'instant, ils sont plus ou moins constants. Ils restent, ils continuent à absorber en gros la moitié de la perturbation tropique. Mais c'est vrai qu'on s'attend. Si le changement climatique continue à s'amplifier, cette fraction de carbone absorbée par les réservoirs naturels pourrait diminuer, laissant plus de CO2 dans l'atmosphère et amplifiant le réchauffement.

  • Florian

    Mais tout ça, c'est soumis à des incertitudes.

  • Pierre Friedlingstein

    C'est soumis à des incertitudes. La seule chose qu'on peut dire de manière formelle, c'est que quand on regarde les 51 années, on regarde les données de CO2 à Monaloa, on regarde la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Comment il évolue en fonction des émissions, on voit que c'est plus ou moins constant, il y a à peu près la moitié du CO2 qui reste. Donc on est sûr que pour la période passée, il n'y a pas d'emballement, il n'y a pas de rétroaction positive majeure qui fait que les océans, les continents arrêtent de propiler du CO2.

  • Florian

    Quand ça se fait qu'en France alors, on est trop parié sur les puits de carbone naturel ?

  • Pierre Friedlingstein

    Je pense que les puits de carbone naturels sont globalement importants. On a des forêts, on a des forêts gérées, on a des forêts plantées qui absorbent une partie du CO2. Alors il y a tout un débat au niveau international, au niveau de la communauté scientifique, sur est-ce que ces puits de carbone dans les forêts font partie des puits naturels, comme ce que nous représentons dans le carbone budget, ou font partie des inventaires forestiers des pays, et donc peuvent être comptés comme émissions négatives, ce que font les pays comme la France. En fait, il y a une sorte de désaccord entre la comptabilité des puits de carbone, Il faut faire attention de ne pas les compter deux fois. On ne peut pas se dire, voilà, nous on a des émissions moins fortes parce qu'on pompe un peu de CO2 dans la biosphère. Et puis en plus, on sait que finalement, après, il y aura 50% qui sera absorbé par les mêmes systèmes. Donc là, du coup, on compterait deux fois la même chose, donc il y a un souci. Mais sinon, de fait, oui, effectivement, les forêts françaises absorbent une partie du CO2. C'est clair. Après, on a bien vu l'été passé avec les feux de forêt assez importants. Et même cette année-ci avec les feux de forêt au Canada qui ont... émis une quantité astronomique de CO2 dans l'atmosphère, qu'il y a une limitation assez importante à la durabilité de ces puits.

  • Florian

    Sur ces feux gigantesques du Canada, puisqu'on va maintenant continuer de parler de déforestation, cet été, est-ce qu'ils sont comptabilisés dans votre rapport comme de la déforestation ? Est-ce que la quantité de CO2 émis est substantielle par rapport aux émissions de CO2 globales ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors par rapport à la déforestation, on les compte pas comme la déforestation parce que c'est pas une activité anthropique directe. C'est pas l'homme qui a fait brûler les forêts canadiennes pour les remplacer par des cultures, c'était pas du tout l'intention. C'est entre guillemets naturel, après on peut dire que c'est pas vraiment naturel parce que c'est le changement climatique qui a favorisé l'émergence des conditions pour avoir des feux de cette intensité-là. Donc je dis pas que c'est complètement naturel, mais enfin en tout cas c'est pas une activité qui était directement induite. par l'homme. Donc c'est pas de la déforestation. Ça rentre dans l'épidcarbone naturel, et donc ça réduit l'intensité d'épidcarbone naturel. Après, il y a une partie, évidemment, de ces forêts qui vont repousser. Elles vont se rétablir. Et donc il y a une partie du carbone qui a été dégazé cette année-ci, qui va être réabsorbée sur les 20 prochaines années par ces mêmes forêts. Donc c'est pas une source de CO2 pour toujours. Alors maintenant, si on regarde cette année-ci particulière 2023, c'est sûr que les émissions... J'ai oublié les chiffres. ...exact, mais les émissions liées au feu de forêt au Canada étaient nettement supérieures aux émissions de combustible fossile du Canada.

  • Florian

    Et à l'échelle mondiale, le ratio émissions de CO2 par les énergies fossiles et émissions de CO2 par la déforestation ?

  • Pierre Friedlingstein

    C'est 90% fossiles et 10% déforestation.

  • Florian

    D'accord.

  • Pierre Friedlingstein

    On est là plus ou moins.

  • Florian

    Donc, ces émissions de déforestation... En gros, ce que vous nous dites, c'est que c'est majoritairement des arbres qui ont été coupés pour faire de l'agriculture derrière. Oui,

  • Pierre Friedlingstein

    principalement. Donc, c'est principalement dans les régions tropicales. Les fruits de déforestation, c'est assez compliqué parce que l'homme fait beaucoup de choses avec ses forêts, avec ses sols. Donc, il coupe des forêts, il laisse repousser des forêts. Il fait ce qu'on appelle la shifting cultivation où il a des cultures pendant certaines années. Et puis après, les sols s'appauvrissent. en nutriments, donc on laisse les forêts revenir et on exploite d'autres sols, et puis 10 ans après on revient et ils tourneront comme ça. Ça pour le coup n'a pas d'effet à long terme sur le CO2, parce qu'en fait c'est un peu des transitions où on laisse des parties en jachère. Par contre, la déforestation durable, où effectivement on transforme une forêt primaire en soit de culture soit de prairie, ça c'est un effet net clair avec un flux de CO2 dans l'atmosphère, et de même, là, ce que On appelle ça la reforestation, donc on abandonne des anciennes cultures pour laisser les forêts revenir. C'est ce qu'on fait en Europe, aux Etats-Unis, mais également aussi dans les tropiques et subtropiques. Pour l'instant, ce qu'on estime, c'est que les flux liés à cette reforestation, ce qui est une sorte de carbon dioxide removal,

  • Florian

    d'émission de carbone,

  • Pierre Friedlingstein

    donc ça représente environ 2 gigatonnes. de CO2, alors que les émissions il y a de déforestation dans l'autre sens, quand on coupe des forêts c'est environ 4 gigatonnes donc on coupe deux fois plus de forêts qu'on en laisse repousser mais juste sur ce point là on lit beaucoup que la reforestation

  • Florian

    Ça ne marche pas en fait. Mais quand on voit que ça capte quand même 2 gigatonnes, ce qui représente 5% des émissions mondiales, c'est quand même pas anodin.

  • Pierre Friedlingstein

    Ah non, c'est pas anodin du tout, ça marche très bien. C'est sûr que si on arrivait, d'un coup de paquette magique, à arrêter la déforestation, le flux net de déforestation qui maintenant est un flux de l'atmosphère se transformerait en un flux qui rentre dans les écosystèmes. Puisqu'on continuerait à avoir de la reforestation, on continuera à avoir des espaces où les forêts repoussent, qui continueraient à absorber environ... gigatonnes. Donc c'est sûr que c'est pas du tout anodin, la reforestation. Donc je pense qu'il faut absolument arrêter la déforestation dans les bidromicaux et encourager la reforestation. Il y a un potentiel assez important de carbone qu'on peut restocker dans les parties qui ont été déforestées au cours des cinquantaines d'années.

  • Florian

    Il n'y a pas beaucoup de bonnes nouvelles dans cette interview, alors ce serait dommage de passer à côté de celle-là. La déforestation est en baisse.

  • Pierre Friedlingstein

    La déforestation est en baisse effectivement. Donc on... Comme je vous disais en intro, c'est assez compliqué la déforestation. parce qu'on n'a pas des chiffres directs, donc c'est des estimations indirectes à partir de couvertures forestières qui sont répertoriées en gros tous les 5 ans, ça dépend des pays. Donc on est beaucoup plus incertain. Donc si vous regardez les figures du carbon budget sur les émissions fossiles, on est sûr de nous, c'est à 5% d'erreur. La déforestation, on est beaucoup moins sûr, c'est en gros 50% d'erreur. Donc on dit que ça diminue, mais ça pourrait être stable. Parce que vu l'incertitude, on a trois modèles différents qui essaient d'ingurgiter toutes ces données de forestiers. pour en sortir des flux de carbone, et ils ne sont pas toujours consistants. Donc, à l'échelle globale, on fait la moyenne des trois modèles, on voit qu'il y a une légère décroissance. On pense qu'effectivement, on a envie d'y croire, mais voilà, on n'est pas formel. Il y a un risque non nul qu'en fait, la décroissance soit moins faible. Elle pourrait être plus élevée aussi, forcément, puisqu'on est incertain. C'est une bonne nouvelle, mais à prendre avec les pincettes.

  • Florian

    Bon. On va essayer. Donc les pays qui sont le plus prêts dans la déforestation, c'est Brésil, l'Indonésie, Congo, je crois que les trois, ça fait déjà 70% de la déforestation.

  • Pierre Friedlingstein

    50-55.

  • Florian

    55% de la déforestation mondiale. Quels sont les...

  • Pierre Friedlingstein

    Bon, peut-être, on parle beaucoup du Brésil, de l'élection de Lula. Est-ce que cette augmentation, enfin cette baisse de la déforestation, ça pourrait être lié à sa politique ou c'est encore un peu trop pour le dire ?

  • Florian

    À nouveau, c'est trop tôt pour le dire. C'est comme les 7% en Europe maintenant, c'est trop tôt pour dire qu'elles sont vraiment les... Les tendances aboutissantes, les moteurs de ces décroissances, c'est sûr que si on regarde la tendance au Brésil, on voit une décroissance, un pic de déforestation il y a quelques années, maintenant c'est en décroissance légère. On peut espérer que ce soit une tendance à long terme. Là aussi, on a des satellites qui peuvent nous aider à mieux répertorier ce qui se passe sur le terrain, plutôt qu'uniquement les inventaires FAO à l'échelle du pays. Donc on a des données plus spécialisées, avec des groupes avec lesquels on travaille directement au Brésil, pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe. Pareil pour l'Indonésie. On a également des données, la déforestation d'Indonésie est principalement liée à l'agriculture, il y a des palmes. Donc, c'est pour ça qu'il déforeste massivellement. Et on ne voit pas encore des tendances claires à la réduction. Donc là, c'est plus ou moins stable pour l'instant en Indonésie. Pareil pour la République démocratique et la République de Congo. Il n'y a pas encore de tendance à long terme à la décroissance des émissions. Donc, pour l'instant, le gros de la décroissance qu'on voit globalement, c'est tiré par le Brésil.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc, on a dit tout à l'heure qu'il y a eu un record d'émissions de CO2 d'origine fossile. Néanmoins, si on prend en compte toutes les émissions de... CO2, ça veut dire celle d'origine fossile et celle de la déforestation, on est, avec les incertitudes, peu ou prou égale à 2019. Donc on a parlé de retirer du carbone de l'atmosphère. Il y a une autre manière de retirer du carbone de l'atmosphère, c'est toutes les technologies, les climate tech, comme on dit. Est-ce que ceux-là, en 2023, commencent à avoir des quantités significatives de... et de carbone retirer l'atmosphère.

  • Florian

    Malheureusement non, encore une mauvaise nouvelle. Je ne dis pas que ça ne va pas évoluer dans le futur, c'est sûr que c'est un secteur qui est en croissance. Mais là, on fait l'inventaire de la capture de carbone liée à la reforestation, on a aussi en plus fait l'inventaire de capture liée aux technologies. Donc il y a un rapport qui est sorti avant l'été, donc on s'est inspiré, on a travaillé avec eux, on a en gros réanalysé leurs chiffres et repris leurs chiffres, parce qu'il n'y a pas de nouvelles estimées. Et donc voilà, on arrive à... L'ordre de grandeur des émissions de sous-deux fossiles, c'est des milliards de tonnes. On est à 40 milliards de tonnes de sous-deux par an. Là, si on prend l'ensemble de toute l'économie qui capture du sous-deux dans l'atmosphère, on est à... 1 million de fois plus faible que les émissions actuelles. Donc si on voulait conserver nos émissions actuelles et uniquement absorber du CO2 par des technologies, il faudrait multiplier ces technologies par un facteur 1 million. Ça ne me semble pas vraiment réaliste. Je pense que ce n'est pas une solution pour ne pas réduire les émissions. C'est un peu une solution, en partie, pour certains secteurs. On parlait de l'aviation tout à l'heure. On n'a pas trop d'idées pour faire de l'aviation sans... sans kérosène, ou après on peut imaginer des carburants biologiques, mais enfin ce sera assez limité, il y aura d'autres soucis. Donc pour l'aviation on n'a pas trop de solutions, il y a quelques autres secteurs où on n'a pas de solutions. Là on peut se dire, il faudra retirer le CO2 qu'on émet, pour peut-être une gigatonne ou deux gigatonnes, on peut imaginer que si ces technologies se développent, en cours d'un facteur 1000-10000 on peut y arriver. Mais ça ne remplacera pas la réduction indispensable des émissions.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc le CO2, ce n'est pas le seul gaz à effet de serre, loin de là. Le méthane est responsable d'environ un tiers du réchauffement climatique, ce qui est loin d'être négligeable. Le méthane s'est longtemps resté un peu le parent pauvre des gaz à effet de serre par rapport à son importance qu'il prend dans le forçage radiatif. Mais cette année, c'était un peu au centre des débats à la COP. Pourquoi on a mis autant de temps à commencer ? à en parler ?

  • Florian

    Alors en fait si on regarde le méthane, il y a deux sources principales de méthane liées aux activités humaines. La première c'est tout ce qui est lié au secteur des énergies fossiles de nouveau. On extrait des combustibles fossiles et en fait il y a des fuites, donc il y a des fuites de méthane à l'extraction. On transporte du gaz, il y a des fuites. Voilà. Dans des pipelines, voilà l'exemple évidemment clair, c'est dans Nord Stream l'année passée, mais enfin il y a... tous les pipelines ont des fuites de méthane. Sans que ça saute, ouais. Sans que ça saute même, voilà. Et même au niveau de la distribution dans les villes, il y a des fuites de gaz régulières. Voilà, c'est un système qui n'est pas connu en aromatique. Donc en fait, les pays sont engagés à réduire fortement toutes ces fuites, toutes ces pertes de gaz. Ça, c'est un engagement qu'ils ont fait à la COP la semaine passée. Donc ça, c'est très très bien. Ça représente grosso modo à peu près la moitié des émissions anthropiques de méthane. L'autre gros secteur, c'est tout ce qui est agriculture. Là, à nouveau, on peut le diviser en deux sous-secteurs. Un, c'est le bétail. Tout le monde sait où est les vaches. Ça émet du méthane. Donc il y a une partie importante des émissions de méthane actuelles qui est liée au fait qu'on... On a de plus en plus de cheptels de bovins. Et l'autre secteur, évidemment, c'est les rizières. Donc, principalement, évidemment, en Asie, les rizières poussent dans l'eau. Donc, il y a une décomposition anaerobique de la matière organique. Il n'y a pas assez d'oxygène. Donc, du coup, ça ne produit pas du CO2, ça produit du méthane. Donc, pour les secteurs fossiles, on a des engagements clairs à la COP. On va réduire ça. Donc, en fait, on peut se dire que c'est une évidence. Et on se demande même pourquoi on n'a pas fait ça plus tôt. Parce que... C'est limiter les pertes. C'est juste plus efficace. C'est transporter du méthane sans le perdre. L'agriculture, c'est plus compliqué. Ça impacte plus de gens. Il n'y a pas de solution simple. On ne peut pas remplacer des vaches par des vaches qui ne perdent pas de méthane. C'est directement des rizières, pas des rizières, qui ne mettent pas de méthane. Donc c'est plus complexe.

  • Pierre Friedlingstein

    Quel est l'état du puits de méthane naturel qui est le radical hydroxyde ? Donc formule chimique OH, pour ceux qui préfèrent les acronymes. J'ai lu que... Les mesures visant à limiter la pollution de l'air des transports et notamment des containers, ou par exemple le bannissement des voitures diesel, amoindriraient ce puits de carbone. Et c'est pour ça que le méthane dans l'atmosphère a rapidement augmenté ces dernières années, du fait des normes, mais aussi du fait du Covid qui a enlevé beaucoup de voitures des routes. Est-ce que vous avez des éléments ?

  • Florian

    Oui, ben... En gros, à peu près les mêmes que vous, dont j'ai lu des articles scientifiques aussi récemment. Voilà, c'est encore une activité de recherche qui est encore en cours. On n'a pas une vision complète globale de l'évolution du puits hydroxyle, c'est assez compliqué à mesurer, et donc à suivre à long terme. Donc en fait, on a des mesures indirectes via d'autres gaz, et puis après on essaie effectivement de faire des bilans, de voir avec des modèles qu'on appelle les modèles de chimie transport atmosphérique, d'essayer de représenter la chimie. du méthane dans l'atmosphère et de voir comment elle évolue. Donc en fonction effectivement d'autres précurseurs qui peuvent influencer sur la consommation d'OH et du coup, s'ils consomment du OH il reste moins d'OH pour oxyder le méthane et du coup le méthane va rester un peu plus longtemps dans l'atmosphère, son temps de vie va augmenter. Mais également d'autres facteurs comme le facteur climatique qui faut que par exemple s'il fait plus chaud il fait plus sec, ça peut modifier les émissions naturelles. Donc par exemple de tout ce qui est les tourbières ou les permafrosts de haute latitude Donc voilà, il y a pas mal de facteurs. Donc on utilise évidemment des données atmosphériques, des modèles atmosphériques, aussi des données isotopiques pour essayer de séparer, de comprendre quelles sont les différentes contributions qui pourraient expliquer la croissance qu'on a observé du méthane sur les années. Mais le méthane c'est assez compliqué. Dans les années 90-2000, le méthane était stable pendant une dizaine d'années. On a eu un plateau de la concentration de méthane dans l'atmosphère et à nouveau on ne savait pas trop pourquoi. Puis il est reparti, l'augmentation, depuis plein d'années. Donc c'est vraiment un sujet de recherche en ce moment.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc vous revenez de la COP 28 à Dubaï. Qu'est-ce qu'il en est sorti concernant les sources de gaz et de fer, comme on vient d'évoquer ?

  • Florian

    Alors, pour la première fois, donc après 27 COP, il y a dans le texte final une reconnaissance que la combustion de gaz, pétrole et charbon est responsable du problème climatique et que donc il faut à terme en sortir. Donc on peut être assez estomaqué qu'il y ait Il y a 27 ans pour que les pays le reconnaissent, c'est malheureusement ce qui se passe. Donc là, dans le texte final, il y a une phrase qui dit qu'il faut... C'est sujet à l'approbation de tous les pays du monde, donc ils ont mis un temps infini à se mettre d'accord sur les mots.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc pour ceux qui ne savaient pas, dans l'accord de Paris, il n'y a pas marqué énergie fossile.

  • Florian

    Voilà. Dans l'accord de Paris, il n'y a pas marqué énergie fossile. Il y a marqué ambition de limiter le réchauffement à 2 degrés, voire 1.5 si possible, tout ça. Mais on n'a pas mis, on n'a pas pointé sur... Le responsable est qui ? La première fois que ça est apparu, c'est dans le rapport de Glasgow, donc la COP26, il y a deux ans, où le charbon a été mentionné pour la première fois. Et donc là maintenant, on peut dire que c'est un grand pas en avant, c'est qu'on mentionne enfin tous les combustibles fossiles, sans exception, en disant qu'ils sont la source du problème, en gros. Et que donc il faut, en anglais, transitioning away, donc faire une transition qui s'écarte de plus en plus de ces combustibles, De manière à arriver à ce qu'il appelle le net zéro aux environs 2050. Donc il y a une direction générale qui est il faut s'en écarter, et il y a un objectif qui est zéro en 2050. Donc ça en soi c'est une très bonne nouvelle. Après évidemment, les accords des COP sont pas contraignants. Tous les pays ont signé l'accord, mais ce n'est pas pour ça qu'ils vont forcément faire ce qu'il faut pour les respecter.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais si ce n'est pas contraignant, pourquoi il y en a qui freinent pour mettre le mot énergie fossile ?

  • Florian

    En fait, il n'y a pas que les pays du Golfe Persique et du Moyen-Orient. C'est plus compliqué que ça. Évidemment, il y a la Russie également, qui est un gros producteur de gaz. Il y a également des pays comme l'Inde. qui ont une demande énergétique telle que pour l'instant, ils ne peuvent pas imaginer de se dire qu'ils n'auront plus de pétrole, plus de charbon. Mais il y a également des pays comme les pays d'Afrique, qui ont des ressources fossiles, qui ont un niveau de développement encore beaucoup plus faible. et qui, à juste titre, pose la question est-ce que nous aussi on a le droit d'utiliser un peu du pétrole et du charbon qui est sur nos pieds, avant de décider de manière globale que c'est fini, on ne l'utilise plus. Donc, dire on arrête, ce qui en anglais était phase out, c'était une fin de non-recevoir de beaucoup de pays du monde. Alors, en fait, je crois, si j'ai bien lu, il y a environ 130 pays dans le monde qui étaient pour la mention phase out. Donc, c'est l'Europe, c'est les Etats-Unis...

  • Pierre Friedlingstein

    Vous pouvez préciser juste la différence entre phase out et transitioning ?

  • Florian

    Alors initialement, il y avait deux options sur la table. Il y avait phase down et phase out. Phase out, ça veut dire on arrête. On descend, phasing out, ça veut dire on décroît, et jusqu'à out, zéro. Phasing down, ça veut dire on décroît, mais ça ne veut rien dire de plus, ça veut juste dire on décroît. Ça ne veut pas dire on va arriver à zéro, ça veut juste dire on va ralentir. Donc il y a pas mal de pays du monde qui étaient pour le phasing out, il faut arrêter les fossiles, c'est clair, on sait bien que c'est la cause principale d'un changement climatique, dont l'Europe, les Etats-Unis, mais également les pays, les petits, toutes les pays, les petites îles, au cas de condiment. qui sont directement concernés par le changement climatique et la montée du niveau des mers. Au total, ça faisait environ 130 pays. Et donc, il en restait quand même beaucoup, 60, 65, qui étaient tout à fait contre, qui étaient complètement opposés à l'idée de phasing out, et donc qui voulaient phasing down, qui était on va réduire. Et donc, les autres pays disaient non, phasing down, c'est pas assez ambitieux, c'est pas possible, on va jamais arriver si on dit phasing down. Et donc, ils ont tergiversé pendant des jours et des nuits, et finalement, ils sont arrivés à cette... Ce compromis qui est on va transitionner. hors de, en arrivant à un net zéro en 2050.

  • Pierre Friedlingstein

    Ok. Donc, pour être tout à fait précis, il y a phasing out qui serait le plus ambitieux, transitioning away qui serait au milieu, et phasing down un peu moins ambitieux.

  • Florian

    Oui, encore moins ambitieux, c'est ne pas le mentionner du tout. Oui. Ce qu'on a fait jusqu'à présent.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc, vous avez plutôt l'air de faire partie de ceux qui voient le verre à moitié plein, parce qu'il y a beaucoup de commentateurs qui ont parlé de... pas d'échec mais de déception par rapport à cette copie oui mais c'est sûr que tous les partis qui voulaient une mention claire du phasing out donc

  • Florian

    On s'en sépare, à jamais, forcément c'est un échec, ils sont déçus. Parce qu'ils voulaient plus et ils ont eu un compromis qui est forcément moins satisfaisant. Ça c'est évident. Pour moi, après, il y a quand même un signal fort qui est, il faut s'éloigner des énergies fossiles. Donc au niveau des secteurs financiers, on peut espérer qu'à terme, ça commence à modifier les investissements pour essayer de sortir du tout fossile et des subventions fossiles. C'est aussi ce qu'ils espèrent. des pays. Après, au final, voilà, je vous dis, ce rapport n'est pas contraignant. Ce qui est contraignant maintenant, c'est qu'est-ce que les pays en font ? Donc, l'Union Européenne, les Etats-Unis, tous les pays du monde, on dit, voilà, maintenant on met en place une transition énergétique pour sortir du fossile d'ici 2040, 2050, 2060, ça dépend des pays, et voici comment on la met en place.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais en même temps, c'est difficile de trouver un consensus entre des puissances comme les Etats-Unis, l'Europe, voire la Chine, qui ont financièrement, la possibilité d'installer des ENR ou du nucléaire, et d'autres pays qui n'ont même pas l'électricité dans toutes les maisons. On n'est pas du tout sur les mêmes priorités. C'est un peu bizarre de demander à tout le monde uniformément de sortir quoi.

  • Florian

    Oui, après c'est pas uniformément dans le sens que c'est écrit dans le texte aussi, l'implémentation se fera au niveau des pays. Donc la COP n'a de toute façon pas le pouvoir, les Nations Unies n'ont pas le pouvoir d'imposer aux pays, de dire voilà vous devez réduire de 5% par an tous les ans à partir de 2024. En fait l'implémentation, c'est ce qu'on appelle donc les NDC, les National Determined Contribution, c'est ce que chaque pays décide qu'il peut faire comme contribution au problème global. Et donc... Chaque pays rend sa feuille de route, on dit, si d'ici 2030 on va réduire des X%, d'ici 2050 on réduit de Y%, et ça c'est, les pays sont souverains, c'est eux qui décident à quelle vitesse ils vont faire ces transitions. Et donc de fait, effectivement, les pays comme l'Union Européenne ont des ambitions plus fortes que l'Inde, par exemple, ou que des pays africains, et ça c'est normal.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc, je reviens un peu sur ma question tout à l'heure, si c'est une bonne nouvelle que les énergies fossiles soient minces, dans le texte, mais que le texte n'est pas contraignant, en quoi c'est vraiment une bonne nouvelle. Qu'est-ce que ça implique ?

  • Florian

    Je pense que ça... Ça implique que les pays peuvent s'appuyer sur ces textes pour dire, bon voilà, c'est ce qu'il faut faire maintenant. Donc on met en place une stratégie nationale, bas carbone, comme on le fait en France, comme on le fait en Union Européenne, comme on le fait aux Etats-Unis aussi. Voilà, on a une sorte de mandat qui est, on s'est tous mis d'accord à la COP, il faut sortir des initiatives fossilistes 2050, maintenant il faut le faire. S'il n'y a pas de mandat, s'il n'y a pas de texte, il y a beaucoup moins de pression. Au niveau électoral, pareil, les électeurs sont en droit d'exiger... que leur pays fasse ce qu'il a signé à la COP.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc, vous le mentionnez tout à l'heure, votre rapport aussi consiste en définir un budget de gigatonnes de CO2 qu'il reste à émire avant d'atteindre un objectif, mais pour le coup, c'est pas vraiment... C'est plutôt une mauvaise chose d'atteindre les 1,5 degrés ou les 2 degrés. Donc après cette année 2023, qu'est-ce qu'on peut dire ? On entend de plus en plus que les 1,5 degrés, c'est cuit déjà, malgré ce qu'a dit... Al-Jaber, le président de la COP, puisqu'il a rappelé, tenu objectif, mais bon, en même temps, qui a envie d'être le président qui dira que c'est mort ? Il faudra bien que quelqu'un s'y colle un jour, mais je réponds à pas votre question, c'est mort.

  • Florian

    C'est-à-dire que ça semble très très difficilement imaginable. Là, on fait, dans le carbone belge, on regarde un peu ce qu'il nous reste de CO2 à émettre avant d'arriver à 1,5. Donc on reprend les chiffres du GIEC, on les met à jour avec les émissions qui sont écoulées depuis que le rapport du GIEC est paru. Puis il y a un autre rapport qui est sorti entre On prend la moyenne de tout ça, on essaie de faire notre meilleure estimation. On estime que si on continue à mettre au rythme actuel, dans 7 ans, on a une chance sous 2 de 3,5°C. Pour 1,7 ou 2°C, c'est un peu plus, un peu plus de temps forcément, puisqu'on peut avoir plus de sous 2°C pour atteindre un niveau de réchauffement plus élevé. Mais quoi qu'il arrive, c'est limité. Donc 1,5°C, c'est 7 ans. Donc on imagine mal que les émissions chutent de manière drastique dans les années qui viennent. Donc si on émet au niveau actuel... Actuellement, pendant 7 ans, on arrive à 1,5, ce qu'on peut aussi traduire par, si on imagine qu'on décroît de manière linéaire à partir d'aujourd'hui, on devrait arriver à zéro dans 14 ans. Donc ça veut dire qu'on est, par exemple, en 2024, avant 2040, on devrait arriver à zéro. Il n'y a aucune trajectoire actuelle qui est compatible avec ça. Quand on regarde ce que les différents pays s'engagent, donc ce que je disais tout à l'heure, les NDCs, les contributions par pays, ils s'engagent à réduire de 80% d'ici 2030. Voilà le même. L'Europe qui a 40% d'ici 2030, ou 45%, un peu plus maintenant je crois, ils y revisent à la hausse chaque fois. Les autres pays, si on met tout ça ensemble, en 2030, on sera plus ou moins, même ces émissions qu'actuelles. Il y aura des pays qui seront en décroissance déjà, il y aura des pays qui seront encore en croissance, comme l'Inde, qui ne prévoit pas de diminuer leurs émissions d'ici 2030. Donc si on met tout ça en global, les émissions d'2030 seront, avec beaucoup de chance, un peu plus faibles qu'aujourd'hui. Mais en tout cas, pas de 50% plus faibles, ce qu'il faudrait pour qu'elles soient réduites de 100% d'ici 2040. Donc c'est sûr qu'on a très bonne chance de rester en dessous de 1.5. Alors après, ce qu'on peut espérer, et je pense que c'est ce que la plupart des gens reconnaissent maintenant, c'est que comme on envisage qu'on peut avoir des émissions négatives, donc on peut capter le CO2 de l'atmosphère, on peut retirer le CO2 de l'atmosphère, et donc du coup on peut refroidir la planète. Donc on peut passer un peu au-dessus de 1.5, et puis si on continue à réduire le CO2, réduire le CO2 en le captant, on peut redescendre. tout le chemin, la trèfle superclimatique. Et donc, en fait, revenir à 1,5, mais par le haut, plutôt qu'arriver à 1,5 par le bas. Voilà. Donc ça, c'est un peu le...

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, mais ça, c'est... Est-ce que c'est réaliste ? Parce qu'on a parlé des puits de carbone qui étaient stables, mais voilà, dans un climat qui se réchauffe, ça risque de se compliquer. On a parlé des technologies qui représentaient des pognèmes de milliards.

  • Florian

    Réaliste, c'est difficile à dire. Qu'est-ce qui est réaliste en 2040, en termes de technologies ? Voilà. Moi, je suis assez... Mais ça c'est mon opinion personnelle. Si je regarde les rapports du GIEC, donc du groupe 1, il continue à dire qu'il y aura des piles de carbone, donc ça c'est mon domaine, je suis assez convaincu qu'en 2040 on aura encore des fruits qui pourront prendre du CO2, on aura encore des océans qui vont absorber du CO2, surtout si on décélérise les émissions, que donc le réchauffement ne s'amplifie pas de manière... En tout cas, voilà. L'amplitude du réchauffement décélère, effectivement. Après au niveau des piles technologiques, à nouveau, si on lit les rapports du GIEC, surtout du groupe Sur la partie mitigation, il y a une partie qui est liée à la reforestation, il y a une partie qui est liée à ce qu'ils appellent les BECS, énergie biologique avec des cultures fourragères par exemple, et après qui sont capturées et stockées sous sol. Donc en fait on peut comme ça produire de l'énergie, mais également pomper du CO2 et le stocker après. Donc il y a plein de technologies comme ça, la direct air capture. Donc s'ils mettent tout ça ensemble, eux ils arrivent à des scénarios dans leur modèle, qu'on appelle les modélatifs. intégré à ce qu'est strip et sur gigaton. Voilà, donc après, on a le droit en tant que non-expert d'être empathétique, mais on peut aussi se dire, voilà, c'est les meilleurs outils qu'on a pour l'instant pour essayer de prédire l'évolution socio-économique des 20-30 prochaines années. Voilà, c'est difficile d'avoir des éléments factuels pour vous dire que ça ne va pas se passer. Parce que ça se passe dans le monde des modèles, mais après, ça se passe dans le monde des modèles, je ne veux pas du tout dire que ça va se passer dans le réel. On est bien d'accord.

  • Pierre Friedlingstein

    Surtout si les modèles ont comme entrée un objectif de degré.

  • Florian

    Oui, bien sûr, les modèles ont un objectif. Si on veut faire 1.5, qu'est-ce qu'on fait ? Dans les modèles qui sont des modèles socio-économiques, ils disent pour faire arriver 1.5, on ne va peut-être pas y arriver tout de suite, mais on va y arriver en montant et en descendant, et on va utiliser cette technologie-là, cette technologie-là, cette technologie-là, elles vont se développer de manière exponentielle pendant les 20 prochaines années. Le coût à ceci et à ceci, il y avait trop de temps. Le coût de la tonne de carbone sera d'autant, donc les investissements vont se faire dans cette direction-là. Voilà, ils mettent tout ça ensemble. Ils font au mieux qu'ils peuvent. avec leur compréhension du système socio-économique et énergétique actuel. Après, on peut continuer à se dire, oui, ok, mais c'est super optimiste.

  • Pierre Friedlingstein

    Vous avez dit que les émissions allaient se stagner jusqu'en 2030, à peu près. Il y a des analyses récentes menées par l'Agence internationale de l'énergie et Climate Analytics qui suggèrent que les émissions de CO2 des énergies fossiles mondiales pourraient avoir atteint leur pic en 2023, à mesure que la croissance des énergies propres... s'accélère et que l'utilisation des combustibles fossiles diminue. Ce n'est pas la première fois que l'AIE annonce un pic d'émissions de CO2. Qu'en pensez-vous pour cette fois-ci ?

  • Florian

    Comme vous le dites, ce n'est pas la première fois. Je pense qu'on peut prendre rendez-vous en 2024 et voir où on en est. Là, vu la croissance de l'Inde et de la Chine actuelle, même si la Chine, on l'a parlé, c'est peut-être plus une anomalie 2023 qu'une tendance à long terme, on est bien d'accord. Ça n'empêche qu'ils sont quand même à plus 4%, même si l'année prochaine ça va mieux, j'imagine mal qu'ils passent dans le négatif directement en un an. L'Inde, voilà, à nouveau 8%, j'imagine mal que l'Inde passe à une croissance négative. Donc après, je n'ai pas fait les calculs, mais on pourrait, sur un bout de papier, faire quelle croissance on peut autoriser à l'Inde, en imaginant une décroissance en Europe, en Etats-Unis, une croissance nulle en Chine, une décroissance du reste du monde, pour que finalement on ait une décroissance globale du monde mondial. Les calculs seraient assez simples à faire, on pourrait le faire. Voilà, mais comme ça, de tête, je vous dirais qu'il faudrait beaucoup d'éléments qui aillent dans la bonne direction pour qu'on ait un pic en 2023 et qu'en 2024 on soit déjà en dessous de 2023. Donc je pense que de manière conservative, je vous dirais qu'on va attendre 3-4 ans, 5 ans, et on verra où on en est. Et donc on pourra dire si effectivement on a atteint un pic et qu'on a une tendance à plus ou moins long terme de l'écroissance. En 2020. On s'est tous dit, voilà c'est bon, on a un pic, j'ai des collègues climatologues qui ont fait des paris sur internet en disant 2019 sera l'année historique en termes d'émissions de CO2, on n'arrivera plus jamais au-dessus de ça. On y est maintenant, on est au-dessus de 2019. Je suis prudent.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc la croissance des énergies renouvelables un peu folles, notamment en Chine, ne va pas remplacer tout de suite du fossile, pour l'instant ça va être un corps être plutôt s'ajouter ?

  • Florian

    On l'a bien vu cette année. À nouveau, la croissance des renouvelables en Chine et en Inde sont supérieures à 10% de nouvelles installations. Donc c'est énorme. C'est vraiment une capacité de développement de nouvelles structures renouvelables qui est impressionnante. C'est une croissance à deux chiffres. Mais malgré tout, les émissions chinoises et indes de combustibles fossiles augmentent également. Donc en fait, le déploiement des renouvelables n'est pas assez important pour supporter le besoin. énergétique. Donc après, finalement, ça peut évoluer, ça peut changer, et on va arriver forcément à un point de bascule à terme où on aura moins besoin d'énergie fossile. Mais je ne suis pas convaincu que ce sera en 2023, que 2023 sera le pic.

  • Pierre Friedlingstein

    D'accord, donc quand vous disiez tout à l'heure qu'il nous reste 7 ans à émission égale pour arriver à 1,5°C, en fait, c'est pas juste une vue de l'esprit, c'est un chemin très réaliste en fait.

  • Florian

    C'est un chemin assez réaliste, parce que même si on arrive au pic en 2023 et qu'en 2024 on est à 1% de moins, Et puis en 2025, on a encore 1 ou 2% de moins ou 3% de moins. On aimait quand même 40 gigatonnes, 40 milliards de tonnes chaque année. Donc le budget restant, il est de l'ordre, je crois que c'est 275, pour s'améliorer à 280, ça fait 7 années. Si au lieu de 40, on est à 39, ça va quand même entamer une bonne partie du budget restant. Si l'année d'après, on est à C'est bien, on a une bonne élection, mais on a quand même entamé une bonne partie du budget restant. Donc pour que le budget restant ne soit plus entamé, il faut vraiment qu'on réduise massivement les émissions.

  • Pierre Friedlingstein

    Et pour le du coup ?

  • Florian

    Le le chiffre en gigatonnes que je n'ai plus en tête, il est dans mes fiches, mais en un équivalent d'année d'émission actuelle, je crois que c'est 28 ans. Donc là on a... Si on continue à émettre au rythme actuel pendant 28 ans, on arrive à 2 degrés.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais même en entendant ce que vous dites, il y en a encore pour 10 ans à rythme actuel, après si ça baisse de 1%, on voit très bien que le budget des 2 degrés va être brûlé.

  • Florian

    Il y a un risque. On a plus de temps. Pour le 2 degrés, le net zéro, c'est bien après 2050. C'est 2070 en gros. Donc on est à 50 ans pour arrêter d'émettre du CO2 dans l'atmosphère. Merci. 50 ans, c'est quand même très long. Si vous imaginez, il y a 50 ans, on en était où ? On était depuis sur la Lune.

  • Pierre Friedlingstein

    50 ans, c'est pour les 2 degrés. Oui. Et qu'est-ce que vous pensez ? J'ai écouté Christophe Béchut qui disait que la France devait se préparer à un réchauffement de 4 degrés, puisque les modèles basés sur les politiques aujourd'hui en cours des grandes puissances mondiales, on arriverait à un réchauffement de 2,7-3 degrés à la fin du siècle. Ça, c'est quelque chose qui vous semble absolument probable ou c'est une plausibilité comme une autre ?

  • Florian

    C'est malheureusement probable. Ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure. Si on regarde les projections actuelles des émissions des différents pays, qu'on met tous ensemble, on voit que d'ici 2030, il n'y a pas de décroissance claire. 2050, ça va commencer à décroître. Mais si on voit la quantité de CO2 qui sera émise par l'humanité dans les 50 prochaines années, c'est compatible avec le réchauffement de... Voilà, 2.5, 2.8, 3 degrés, ça dépend un peu des estimations, ça dépend de la sensibilité climatique, qui n'est pas complètement connue, mais enfin, l'estimation moyenne, c'est 2.8 degrés. Donc ça ne veut pas dire que c'est inéluctable, c'est-à-dire que pour l'instant, dans l'état actuel des choses, on en est là. Alors, il faut se garder en tête qu'avant les accords de Paris, en gros, il y a 10 ans, si on faisait le même genre de projection, on était à 4 degrés. Donc là, on a déjà gagné, en gros, 1 degré, où on sera en 2100, grâce aux engagements des pays de réduire les émissions. Donc on peut espérer que ça continue. Comme ça, dans 5 ans, les engagements seront plus forts, et quand on sera plus à 2,8, on sera à 2,5, 2,2, je ne sais pas. Donc voilà, on va dans la bonne direction. Le problème, c'est qu'on n'y va pas assez vite, mais on va dans la bonne direction. Et donc, pour le coup, le ministère a raison, le ministère a raison, si c'est lors de grandeurs 2,5, 2,8 degrés à l'échelle globale, comme la France, enfin comme tous les pays sont dans l'hémisphère nord, mais la plupart des pays se réchauffent plus vite que la moyenne globale, puisque les océans se réchauffent moins vite que les continents, donc les continents se réchauffent plus vite. Bon, voilà, 3 degrés pour le monde. Au globe, ça fait 4 degrés pour la France. Donc il faut effectivement préparer un scénario d'adaptation à 4 degrés. C'est... Si tout va bien, c'est le pire des cas. Voilà ce que je veux dire. On peut espérer qu'on n'en sera pas là, on sera mieux, mais si on reste dans les trajectoires actuelles et qu'il n'y a pas plus d'ambition que ça au niveau du monde, on s'oriente vers un réchauffement de l'ordre de 4 degrés pour la France.

  • Pierre Friedlingstein

    Ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup, Pierre Frelingstein.

  • Florian

    Merci à vous.

  • Pierre Friedlingstein

    Voilà, j'espère que cet épisode vous a plu. Si c'est le cas, n'hésitez pas à le partager. N'hésitez pas à vous abonner si ce n'est pas déjà le cas et si le sujet vous intéresse. Merci au studio 1212 d'avoir produit cet épisode, à Gilles Marteau pour la musique et à vous bien sûr pour votre écoute. Portez-vous bien et à la prochaine.

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Description

L’humanité n’a jamais brûlé autant d’énergie fossile qu’en 2023. Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter malgré 6 rapports du GIEC et 28 COP. C’est assez déprimant, surtout quand on sait que par le passé, les rares fois où les émissions ont baissé, c’était le résultat indésiré de bouleversements comme les chocs pétroliers, l’effondrement de l’URSS, les crises financières et plus récemment le covid. Pourtant, certains signes laissent entrevoir le pic d’émission. Les capacités d’énergie renouvelable installées dans le monde se sont multipliés ces dernières années, et selon les projections, ce n’est pas prêt de ralentir. Dans cet épisode, on va se demander d’où vient la hausse des émissions en 2023, si 2024 pourrait être la première année à voir les émissions de CO2 baisser de manière délibérée et où, en est-on, vis-à-vis de l’objectif de l’accord de Paris de rester sous les 1,5 degré de réchauffement.


Mon invité pour cet épisode est Pierre Friedlingstein. En plus d’être chercheur sur le cycle de carbone, il est coordinateur du Global Carbon Project, une organisation qui vise à faire l’état des lieux des émissions de CO2 mondiales.


Info: https://linktr.ee/echangeclimatique

Contact: echangesclimatiques@gmail.com

Production: https://onetwo-onetwo.com/

Musique: http://www.kodomorecords.com/bonsai/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Réchauffement climatique. Climate change. Cambiament climatique. Il y a des dégâts.

  • Florian

    Il n'y a pas de planète B. L'humanité n'a jamais brûlé autant d'énergie fossile qu'en 2023. Les émissions de CO2 continuent d'augmenter malgré 6 rapports du GIEC et 28 COP. C'est assez déprimant, surtout quand on sait que par le passé, les rares fois où les émissions ont baissé, c'était le résultat indésiré de bouleversements comme les chocs pétroliers, l'effondrement de l'URSS, les crises financières et plus récemment le Covid. Pourtant, certains signes laissent entrevoir le pic d'émissions. Par exemple, les capacités d'énergie renouvelable installées dans le monde se sont multipliées ces dernières années, et selon les projections, ce n'est pas près de ralentir. Dans cet épisode, on va se demander d'où vient la hausse des émissions en 2023, si 2024 pourrait être la première année à voir les émissions de CO2 baisser de manière délibérée, et où en est-on vis-à-vis de l'objectif de l'accord de Paris de rester sous les 1,5°C de réchauffement. Aujourd'hui, mon invité est Pierre Fringlichstein. En plus d'être chercheur sur le cycle du carbone, il est coordinateur du Global Carbon Project, une organisation qui vise à faire l'état des lieux des émissions de CO2 mondiales. Émissions de CO2, le pic est-il pour 2024 ? C'est le thème de ce nouvel épisode d'Échanges climatiques. Bonjour Pierre Friedlingstein.

  • Pierre Friedlingstein

    Bonjour.

  • Florian

    Votre dernier rapport vient de sortir, le Global Carbon Budget 2023, c'est un rapport que votre organisation, le Global Carbon Project, publie tous les ans. Est-ce que vous pouvez nous présenter ce rapport, quel est son but ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc en gros c'est évidemment un rapport qu'on produit tous les ans, ça c'est la 18ème édition, on a commencé en 2005. Donc on fait les tas d'art des émissions de CO2 dues aux activités fossiles, donc principalement la combustion d'énergie fossile mais également la déforestation. Donc on fait ça à l'échelle globale mais avec un découpage par pays. Et puis on regarde aussi le devenir du CO2 dans le système Terre, donc une partie reste dans l'atmosphère, une partie est réabsorbée par ce qu'on appelle les puits de carbone. aussi bien dans les océans que dans les continents. Donc on essaie de mettre toutes les pièces ensemble et voir notre compréhension de l'évolution du cycle du carbone et de la perturbation liée aux activités humaines.

  • Florian

    Donc l'objectif de cette interview, c'est que d'ici à la fin de l'épisode, on ait quelques clés de lecture pour comprendre quand pourrait être le pic d'émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, en fonction des différents paramètres. Donc souvent, ça va être les évolutions des décisions politiques. Et pour ça, on va commencer par analyser ensemble ce qui s'est passé cette année. Et puis... Petite précision avant de se lancer. Les émissions de CO2 se divisent dans votre rapport, comme vous l'avez dit, en deux catégories, celles générées par la combustion des énergies fossiles, donc pétrole, gaz et charbon, et celles générées par la déforestation. Donc ce sera toujours précisé quand vous parlez des émissions de CO2 d'origine fossile ou des émissions de CO2 de la déforestation. Ensuite, on dira un mot sur les autres gaz à effet de serre, et notamment le méthane, qu'on ne peut pas éluder puisqu'il est responsable d'un tiers du réchauffement. Et après avoir parlé du passé, on parlera du futur ou des futurs possibles. Et ça tombe bien parce que vous revenez. ...de la COP, de Dubai, où une grande partie des décisions sont prises en ce qui concerne le climat. Donc, on se lance, on ne va pas faire de faux suspense, les émissions de CO2 d'origine fossile ont encore augmenté cette année, en 2023, mais une augmentation qui ralentit depuis quelques années maintenant.

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, effectivement, donc on estime qu'en 2023, les émissions... On est lié à la combustion d'énergie fossile, donc charbon, pétrole et gaz, globalement a augmenté d'environ 1%, 1.1%. En fait si vous vous rappelez, en 2020 on a vu une chute des émissions de 5% qui était liée à la crise Covid et au fait que l'activité économique s'est ralentie, les gens n'ont pas voyagé, ils sont restés chez eux. Donc les émissions globales ont diminué, environ 5%. Et puis en fait en 2021 les émissions ont réaugmenté un peu, c'est un peu le rebond après la sortie de la crise Covid et puis pareil en 2021. En 2022 et en 2023, les émissions augmentent toujours. On a un niveau d'émission maintenant qui est supérieur au niveau pré-Covid-19.

  • Florian

    On va regarder dans le détail ce qui a tiré la hausse des émissions cette année. On peut commencer par le plus gros émetteur qui est la Chine avec 30% des émissions mondiales. Cette année, ces émissions ont augmenté de 4%. Est-ce que c'est une augmentation qui est structurelle ? est amené à perdurer ou est-ce que c'est plutôt conjoncturel ? Est-ce que c'est encore la reprise du Covid ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc en fait, comme je disais le Covid c'était en 2020, pour la Chine le Covid il a commencé plus tôt, il a duré plus longtemps, ils ont eu des périodes de restrictions beaucoup plus longues que nous. Et donc jusqu'en 2022 il y avait encore des restrictions dans certaines régions. Et donc en fait 2023 c'est vraiment l'année où il n'y a plus aucune restriction et donc où l'économie s'est relancée de manière complète en Chine. Et donc en fait le rebond qu'on voit en 2023, on pense qu'il est principalement lié en fait à un rebond post-Covid comme nous on a eu en 2021. Donc on peut espérer qu'en fait ce Cette tendance de 4%, ce n'est pas une tendance à long terme, c'est vraiment un phénomène spécifique de 2023.

  • Florian

    Parmi les rares bonnes nouvelles concernant le climat, on entendait depuis quelques temps maintenant que la consommation de charbon était en baisse à l'échelle mondiale depuis les années 2010. Mais malheureusement, depuis 2-3 ans, la Chine a largement... mis du plomb dans l'aile à cette tendance en réinstallant de plus en plus de centrales à charbon. Qu'en est-il de 2023 ?

  • Pierre Friedlingstein

    2023, pareil, les émissions liées à la combustion de charbon ont augmenté, globalement. Principalement, effectivement, tirées par la Chine, mais également l'Inde. Donc, en fait, c'est vrai qu'on a eu un plateau... J'aurais pas dit une baisse, mais plutôt un plateau des émissions liées à la combustion de charbon depuis environ 2010-2015. C'était plus ou moins stable, on se disait bon voilà on a tel pic du charbon, les émissions liées au charbon ont diminué. Ça c'est malheureusement pas encore concretisé. Effectivement, dans la 2022-2023, les émissions remontent encore et sont supérieures. à ce qu'elles étaient avant.

  • Florian

    Les émissions de l'Inde dues aux énergies fossiles ont dépassé cette année ou en 2022, celle de l'Union Européenne. Ils ont connu une augmentation de 8,3%, ce qui correspond grosso modo à la croissance de leur PIB, mais aussi à une forte croissance démographique et leur PIB, c'est beaucoup... Voilà, c'est un peu Médine, Charbon et Ciment. Et en fait, l'Inde a pas mal de similitudes à ce niveau-là, en tout cas avec la Chine des années 2000. Oui,

  • Pierre Friedlingstein

    effectivement. Donc l'Inde, comme je l'avais dit, maintenant c'est le troisième pays en termes d'émissions de CO2.

  • Florian

    On parlera des Etats-Unis.

  • Pierre Friedlingstein

    Devant l'Europe, derrière les Etats-Unis et la Chine. C'est principalement lié effectivement au fait qu'il y a une croissance démographique, toujours importante. Maintenant l'Inde c'est le pays le plus peuplé du monde, devant la Chine. Il y a une croissance économique qui est effectivement importante aussi. Et donc pour soutenir cette... cette demande énergétique liée à la croissance démographique et la croissance de l'économie, en fait, ils ont besoin de tout. Les renouvelables se développent très rapidement en Inde, mais ça ne suffit pas. Il y a des renouvelables, il y a du charbon, il y a du gaz, il y a du pétrole. Et donc, voilà, il y a une augmentation observée de toutes les ressources énergétiques possibles pour soutenir la demande.

  • Florian

    Et côté pays développé, on a les Etats-Unis qui connaissent une baisse de 3% et l'Union Européenne d'environ est-ce que ces baisses sont dues à des facteurs plutôt désagréables comme la désinstabilisation, une croissance morne, la guerre en Ukraine, des hivers plus doux ou des facteurs un peu plus choisis comme une croissance moins carbonée, voire de la sobriété ?

  • Pierre Friedlingstein

    Je pense que c'est un peu tout ça. Alors pour une année particulière, c'est assez difficile à analyser exactement ce qui se passe et c'est sûr que la guerre en Ukraine a eu un impact sur le... Les demandes énergétiques, on l'a bien vu en France, avec des mesures, surtout l'année passée, mais qui ont perturbé pour essayer de réduire la consommation, de la sobriété, mettre un pull en hiver, baisser le thermostat, etc. Donc toutes ces petites mesures ont quand même un effet. La France aussi, le nucléaire a repris en puissance cette année par rapport aux années précédentes. Il y a moins de centrales qui étaient à l'arrêt. D'autres pays d'Europe, c'est bon, c'est pas forcément le nucléaire, c'est sûr. Donc il y a une tendance, effectivement, de... de sortir des énergies fossiles. Après, si on regarde sur le long terme, si on regarde sur les 10 dernières années, la tendance à la baisse de l'Europe est environ, de l'Union Européenne, environ 1%-2%. Donc cette année, 7% c'est assez énorme. Mais c'est pas du tout représentatif des 10 dernières années.

  • Florian

    D'accord. Et est-ce que ça suffit, ces 8% pour être dans les clous de l'objectif de neutralité carbone qu'elle s'est fixée, l'Union Européenne, en 2050 ?

  • Pierre Friedlingstein

    En gros, oui, ça suffirait. Si on arrivait à faire 7-8%, Dans chaque année, maintenant, à partir de 2024 jusqu'en environ 2050, effectivement, ce serait dans les clous. Comme je viens de vous le dire, sur les dix dernières années, on n'était pas à moins 7%, on était à moins 2%. Du coup, on n'est pas du tout dans les clous.

  • Florian

    Mais donc, si ça s'est passé cette année en 2023, et que la guerre en Ukraine, c'était en février 2022, on peut tirer une corrélation directe ?

  • Pierre Friedlingstein

    À nouveau, c'est très dur de tirer des corrélations directes, parce qu'il y a plein de facteurs. Nous on a les chiffres bruts. Après, faire une analyse détaillée de c'est quoi les moteurs des changements de tendance, c'est assez compliqué, c'est l'interprétation. Ça va dépendre des pays européens. Il y a aussi une partie hydraulique qui peut être fonction des conditions météorologiques. L'univers plus doux va réduire aussi la demande énergétique en hiver. Il y a une multitude de facteurs qui fait que c'est assez difficile d'être sûr certain que c'est uniquement les politiques climatiques qui jouent et qui font qu'on a une baisse avérée. En fait, il faudra garder sur le plus long terme. Sur les cinq prochaines années, on voit qu'on a une tendance continue de l'Europe à diminuer de 7%. Là, on peut dire qu'effectivement, il y a une tendance lourde de réduction. On est loin d'être là.

  • Florian

    Sinon, il reste une catégorie dont on n'a pas parlé, c'est la catégorie reste du monde, dont les émissions décroissent légèrement, mais on ne sait pas trop qu'en faire sans le détail, parce que c'est une catégorie où il y a des pays qui ont des profils très hétérogènes, et donc une décroissance des émissions, ça peut être négatif si ça se passe dans des pays en développement, parce que ça peut vouloir dire une décroissance tout court, ou alors ça peut être positif dans des pays plus riches.

  • Pierre Friedlingstein

    Effectivement, c'est assez compliqué, parce que c'est un peu C'est le reste du monde, donc en fait on fait des projections assez précises pour les gros pays. Et pour le reste du monde, en général, c'est plutôt basé sur des projections de croissance économique et d'indicateurs de décarbonation qu'on extrapole par rapport aux années récentes. Donc la tendance du reste du monde, c'est que ça se décarbone lentement, mais que la croissance économique continue. Donc quand on fait l'ensemble des deux, on peut estimer qu'effectivement il y a une très très faible baisse des émissions pour le reste du monde. Mais on est pour la... l'instant est encore incapable d'attribuer ça à tel ou tel pays. Donc ça reste vraiment un package intégré qui est le reste du monde pour lequel on essaie de faire une estimation assez incertaine, plus incertaine que pour les autres pays où on a plus de données.

  • Florian

    Et d'ailleurs, comment vous faites ces estimations sur les énergies fossiles ou sur la déforestation ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors c'est assez différent pour les énergies fossiles. Jusqu'à, donc ici on est en 2023, donc jusqu'à 2022, on a des rapports. des différents pays qui répertorie assez clairement l'utilisation de pétrole, gaz et charbon. Donc on n'a pas les émissions mais on a la consommation. La France, on sait combien la France a consommé de milliards de tonnes de charbon ou de barils de pétrole. Et donc après on a des facteurs de conversion qui sont assez bien reconnus pour estimer les émissions de CO2 liées à la combustion d'un baril de pétrole par exemple. Donc on a ça pour tous les pays du monde. Pour 2023 c'est plus compliqué parce que les données ne sont pas encore disponibles. On est encore en cours d'année, quand on écrit le rapport, on est à la fin de l'été, donc les données ne sont pas complètes. Donc on a des indicateurs, et c'est pour ça qu'on peut le faire que pour certains pays, parce que ça demande pas mal d'énergie, au niveau des chercheurs impliqués dans le budget. Donc ils peuvent faire tous les pays du monde, donc ils se concentrent sur les gros pays, et donc ils ont des indicateurs qui sont consommation électrique, par exemple, qui sont consommation mensuelle de combustible fossile pour certains pays, et d'autres indicateurs qui permettent en fait... d'établir plus ou moins les émissions pour ce pays-là. Et après, on doit extrapoler pour les quelques mois qui manquent, parce qu'on est en septembre quand on boucle tout, et donc on doit faire une extrapolation sur les trois derniers mois pour avoir une estimation de la valeur annuelle. C'est pour ça qu'il y a une certitude qui est un peu plus importante en général. On dit que ça peut être 4%, mais ça peut être entre 3 et 5%, par exemple. Donc on peut faire ça pour la Chine, pour les Etats-Unis, pour l'Europe, et pour l'Inde, où on a des personnes qui sont dédiées à ces quatre pays-là. Et donc pour le reste du monde, après... C'est plus une extrapolation, c'est un peu plus rudimentaire. Pour la déforestation, là pour le coup c'est plus complexe, parce qu'on n'a pas de rapport direct de la quantité de gaz émis lié à la déforestation pour chacun des pays. En fait ce qu'on a uniquement c'est des données qui viennent de la FAO sur les couvertures forestières des différents pays.

  • Florian

    Donc la FAO c'est l'organisme onisien pour l'agriculture ? Voilà.

  • Pierre Friedlingstein

    Food Agriculture Organization. Donc, ils répertorient les cultures pour les différents types de pays, les prairies, mais aussi les forêts. Donc, on a des couvertures forestières par pays. Mais ces inventaires sont faits en général tous les cinq ans et pas toujours la même année pour chaque pays. Donc, ça dépend un peu au bon vouloir des pays de rapporter leurs inventaires forestiers à la FAO. Donc, on a ces données-là qui sont incomplètes. Et parfois, la dernière donnée pour certains pays, ça peut être en 2017 et après 2017, on n'a rien. On doit supposer que la tendance à long terme continue jusqu'à maintenant, mais ce n'est pas assez incertain. Donc voilà, c'est beaucoup plus incertain. Et puis en plus, on n'a que les couvertures forestières. On n'a pas les flux de gaz. Après, il faut un modèle qui dit, si on avait une forêt, que maintenant on a une prairie à la place, il y a autant de carbone qui a disparu parce qu'il a été remplacé par un écosystème qui a beaucoup moins de carbone et donc qui est parti dans l'atmosphère.

  • Florian

    Et on ne peut pas le faire avec des images satellitaires ?

  • Pierre Friedlingstein

    On commence à faire des images satellitaires aussi, qui donnent des informations sur la couverture forestière. C'est une voie en cours de développement, on n'est pas encore opérationnel. Il faut digérer toute cette information satellitaire qui est assez importante, qui est assez énorme. Elle ne donne pas toute l'information non plus, la couverture forestière, elle ne donne pas le contenu de carbone dans les sols, donc il faut quand même avoir accès à des modèles après qui vont transférer, traduire cette information, couverture forestière vue par satellite, en flux de carbone.

  • Florian

    Je reviens rapidement sur les émissions. de CO2 d'origine fossile. Quand on faisait notre petit tour d'horizon des différentes régions du monde, est-ce qu'on observe un découplage absolu, c'est-à-dire un pays qui voit son PIB augmenter et dans le même temps ses émissions de CO2 baisser, tout en prenant en compte évidemment les importations, sinon ça pourrait être juste de la désinstruation ou de la tertiarisation ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc on a regardé dans le rapport, en fait on fait ça chaque année, on regarde le nombre de pays exactement comme vous dites, qui ont une économie croissante mais les émissions décroissantes. Et après on fait des tests. Statistique pour être sûr que c'est significatif et que c'est pas du bruit autour de zéro. Donc là cette année on a 26 pays dans le monde qui ont une croissance économique et qui ont une décroissance des émissions durables sur les dix dernières années. Donc c'est principalement les pays de l'Union Européenne, mais pas que, il y a aussi l'Afrique du Sud, les Etats-Unis, il y a Japon je pense, j'ai plus en tête, enfin je pourrais garder. Donc voilà, il y a 26 pays, ils représentent ensemble environ un peu moins d'un tiers des émissions. Ils sont de ceux de Global.

  • Florian

    D'accord. Donc c'est significatif.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc ça commence à devenir significatif.

  • Florian

    Mais c'est en prenant en compte les importations.

  • Pierre Friedlingstein

    C'est territorial uniquement ce qu'on fait. D'accord. Donc si on prenait en compte les importations, ce qu'on appelle les émissions liées à la consommation, ça changerait un petit peu, on en aurait un petit peu moins. La tendance à long terme est assez forte, parce que la bascule entre production locale et production exportée s'est surtout faite pendant les années 2000, quand la Chine principalement s'est fortement développée. Mais depuis 2010, en fait, on est plus ou moins stationné. Et donc, la tendance de décroissance des émissions qu'on voit, on l'a en émissions territoriales, mais on l'a aussi en émissions importantes.

  • Florian

    Et enfin, pour finir sur l'horizon, il faut parler de la croissance folle du secteur de l'aviation qui a fait plus 28%. On entend souvent que l'aviation pèse peu sur le bilan mondial des émissions de CO2. Combien de temps ce sera encore vrai ?

  • Pierre Friedlingstein

    Il pèse peu. La vie en transport international, c'est environ 3% des émissions. Donc voilà, on peut se dire que c'est évident, c'est pas beaucoup. En même temps, la France, c'est moins d'un pour cent. Donc voilà, la vision internationale, c'est plus de trois fois la France. Donc ce n'est pas inexorable. Si c'était un pays, il serait sans doute dans le top 20, c'est clair. Et en plus, comme vous le dites, il y a une croissance assez forte cette année. Bon, à nouveau, c'est encore un rebond Covid. Le transport aérien a chuté de 60-70% en 2020. Donc voilà, il est toujours en train d'essayer de s'en sortir. Et donc voilà, c'est sûr que le mode... L'aérien, c'est une croissance du transport et d'augmenter le transport. Il prévoit de doubler le transport d'ici 2040, ce qui semble effectivement difficilement compatible avec des objectifs de réduction forte des émissions. Donc ça va devenir clairement un secteur problématique.

  • Florian

    Fort heureusement, tout ce qu'on émet ne finit pas dans l'atmosphère, puisque un quart de nos émissions est capté par la biomasse et un autre quart par les océans. C'est ce qu'on appelle les puits de carbone, vous l'avez mentionné en introduction. Et régulièrement, l'état de ces puits ou leur capacité à... à stocker le carbone, les mises à jour, enfin en tout cas on entend des nouvelles dans l'actualité. Est-ce qu'il vaut bien nous dire ce qu'on sait ? Aujourd'hui, parce que moi j'ai vu passer un article qui disait que les océans capteraient plus de carbone que prévu grâce au plancton. On a vu passer aussi que la stratégie nationale carbone de la France se base en fait beaucoup trop sur les puits de carbone que sont les forêts. Où on en est ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors on en est pour l'instant, et c'est plus ou moins valable depuis 40-50 ans. Donc la biosphère continentale, les océans absorbent... ensemble un peu plus de la moitié des émissions. Donc c'est grosso modo moitié-moitié pour chacun, c'est un peu plus pour les continents que pour les océans. Mais en gros, si on émet 100 molécules de CO2 dans l'atmosphère, pour faire simple, il y en a 45 qui vont rester dans l'atmosphère, il y en a 55 qui vont repartir, 25 dans l'océan et 30 dans la biosphère continentale, en gros. Donc les processus, on les comprend relativement bien, c'est des processus physiques ou biologiques. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, il y a plus de photosynthèse, donc il y a plus de CO2 qui est capté par les plantes, et donc La biomasse est un peu plus importante. Après, à terme, ça va évidemment se décomposer parce que les feuilles mortes créent de la litière qui crée du carbone dans le sol qui va se décomposer par des micro-organismes. Donc il y aura un flux de retour. Il y a toujours un déséquilibre entre le flux d'entrée de photosynthèse qui est plus élevé parce qu'il y a de plus en plus de CO2. Et comme le CO2 continue à augmenter, la photosynthèse continue à augmenter. C'est quelque chose qu'on voit par satellite. C'est ce qu'on appelle le greening. Voilà, l'éclicureture... Les végétales augmentent. On le voit de l'espace. Pour l'océan, le processus, c'est plus physique. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, il y a plus d'échanges de CO2 par diffusion entre l'atmosphère et l'océan. Il y a plus de CO2 qui rentre dans l'océan. Ce CO2, après, il est exporté vers les eaux profondes et il est sequestré de manière durable. Tant que le CO2 augmente dans l'atmosphère, les puits de carbone océaniques et continentaux continuent à fonctionner. Nous, ce qu'on constate, c'est que sur 50 ans, ils sont plus ou moins constants, plus ou moins. Au niveau 25 et 30%, ça n'a pas beaucoup évolué. On évalue ça avec une combinaison de modèles et de données. Donc les modèles qu'on utilise sont des modèles qui essaient de reproduire le cycle du carbone. Et avec ces modèles, on peut voir l'impact du climat. Parce que sur le XXe siècle, évidemment, le CO2 a augmenté, mais le climat a changé aussi. Donc l'effet du climat est négatif et réduit l'intensité de ces puits. Pour la biosphère, on estime que c'est environ 20%. Donc en fait, les puits biosphériques seraient encore plus élevés s'il n'y avait pas de changement climatique. Donc le climat réduit les puits, pourquoi ? Parce que le réchauffement induit à des périodes de sécheresse, conduit à des feux, par exemple, qui vont réduire la productivité ou la biomasse aérienne. Le réchauffement induit aussi une augmentation de la décomposition de la matière organique dans les sols, parce que plus il fait chaud, plus la décomposition est active. Il y a les permafrost qui peuvent commencer à fondre, etc. Mais même en règle générale, tous les sols ont une décomposition qui est un peu plus rapide parce qu'il fait plus chaud, il fait un débit de... plus qu'il y a 150 ans. Dans l'océan, c'est l'autre processus, mais en gros, la circulation océanique fait qu'il y a moins d'export de carbone vers les zones profondes. La solubilité du CO2 diminue aussi avec la température. Donc tout ça fait que les puits de carbone réduisent un petit peu dans l'océan. Mais comme le CO2 continue à augmenter, il y a une balance entre cet effet climatique qui voudrait réduire les puits et l'effet du CO2 qui continue à augmenter et qui augmente les puits. Et donc ce qu'on voit, c'est que pour l'instant, ils sont plus ou moins constants. Ils restent, ils continuent à absorber en gros la moitié de la perturbation tropique. Mais c'est vrai qu'on s'attend. Si le changement climatique continue à s'amplifier, cette fraction de carbone absorbée par les réservoirs naturels pourrait diminuer, laissant plus de CO2 dans l'atmosphère et amplifiant le réchauffement.

  • Florian

    Mais tout ça, c'est soumis à des incertitudes.

  • Pierre Friedlingstein

    C'est soumis à des incertitudes. La seule chose qu'on peut dire de manière formelle, c'est que quand on regarde les 51 années, on regarde les données de CO2 à Monaloa, on regarde la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Comment il évolue en fonction des émissions, on voit que c'est plus ou moins constant, il y a à peu près la moitié du CO2 qui reste. Donc on est sûr que pour la période passée, il n'y a pas d'emballement, il n'y a pas de rétroaction positive majeure qui fait que les océans, les continents arrêtent de propiler du CO2.

  • Florian

    Quand ça se fait qu'en France alors, on est trop parié sur les puits de carbone naturel ?

  • Pierre Friedlingstein

    Je pense que les puits de carbone naturels sont globalement importants. On a des forêts, on a des forêts gérées, on a des forêts plantées qui absorbent une partie du CO2. Alors il y a tout un débat au niveau international, au niveau de la communauté scientifique, sur est-ce que ces puits de carbone dans les forêts font partie des puits naturels, comme ce que nous représentons dans le carbone budget, ou font partie des inventaires forestiers des pays, et donc peuvent être comptés comme émissions négatives, ce que font les pays comme la France. En fait, il y a une sorte de désaccord entre la comptabilité des puits de carbone, Il faut faire attention de ne pas les compter deux fois. On ne peut pas se dire, voilà, nous on a des émissions moins fortes parce qu'on pompe un peu de CO2 dans la biosphère. Et puis en plus, on sait que finalement, après, il y aura 50% qui sera absorbé par les mêmes systèmes. Donc là, du coup, on compterait deux fois la même chose, donc il y a un souci. Mais sinon, de fait, oui, effectivement, les forêts françaises absorbent une partie du CO2. C'est clair. Après, on a bien vu l'été passé avec les feux de forêt assez importants. Et même cette année-ci avec les feux de forêt au Canada qui ont... émis une quantité astronomique de CO2 dans l'atmosphère, qu'il y a une limitation assez importante à la durabilité de ces puits.

  • Florian

    Sur ces feux gigantesques du Canada, puisqu'on va maintenant continuer de parler de déforestation, cet été, est-ce qu'ils sont comptabilisés dans votre rapport comme de la déforestation ? Est-ce que la quantité de CO2 émis est substantielle par rapport aux émissions de CO2 globales ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors par rapport à la déforestation, on les compte pas comme la déforestation parce que c'est pas une activité anthropique directe. C'est pas l'homme qui a fait brûler les forêts canadiennes pour les remplacer par des cultures, c'était pas du tout l'intention. C'est entre guillemets naturel, après on peut dire que c'est pas vraiment naturel parce que c'est le changement climatique qui a favorisé l'émergence des conditions pour avoir des feux de cette intensité-là. Donc je dis pas que c'est complètement naturel, mais enfin en tout cas c'est pas une activité qui était directement induite. par l'homme. Donc c'est pas de la déforestation. Ça rentre dans l'épidcarbone naturel, et donc ça réduit l'intensité d'épidcarbone naturel. Après, il y a une partie, évidemment, de ces forêts qui vont repousser. Elles vont se rétablir. Et donc il y a une partie du carbone qui a été dégazé cette année-ci, qui va être réabsorbée sur les 20 prochaines années par ces mêmes forêts. Donc c'est pas une source de CO2 pour toujours. Alors maintenant, si on regarde cette année-ci particulière 2023, c'est sûr que les émissions... J'ai oublié les chiffres. ...exact, mais les émissions liées au feu de forêt au Canada étaient nettement supérieures aux émissions de combustible fossile du Canada.

  • Florian

    Et à l'échelle mondiale, le ratio émissions de CO2 par les énergies fossiles et émissions de CO2 par la déforestation ?

  • Pierre Friedlingstein

    C'est 90% fossiles et 10% déforestation.

  • Florian

    D'accord.

  • Pierre Friedlingstein

    On est là plus ou moins.

  • Florian

    Donc, ces émissions de déforestation... En gros, ce que vous nous dites, c'est que c'est majoritairement des arbres qui ont été coupés pour faire de l'agriculture derrière. Oui,

  • Pierre Friedlingstein

    principalement. Donc, c'est principalement dans les régions tropicales. Les fruits de déforestation, c'est assez compliqué parce que l'homme fait beaucoup de choses avec ses forêts, avec ses sols. Donc, il coupe des forêts, il laisse repousser des forêts. Il fait ce qu'on appelle la shifting cultivation où il a des cultures pendant certaines années. Et puis après, les sols s'appauvrissent. en nutriments, donc on laisse les forêts revenir et on exploite d'autres sols, et puis 10 ans après on revient et ils tourneront comme ça. Ça pour le coup n'a pas d'effet à long terme sur le CO2, parce qu'en fait c'est un peu des transitions où on laisse des parties en jachère. Par contre, la déforestation durable, où effectivement on transforme une forêt primaire en soit de culture soit de prairie, ça c'est un effet net clair avec un flux de CO2 dans l'atmosphère, et de même, là, ce que On appelle ça la reforestation, donc on abandonne des anciennes cultures pour laisser les forêts revenir. C'est ce qu'on fait en Europe, aux Etats-Unis, mais également aussi dans les tropiques et subtropiques. Pour l'instant, ce qu'on estime, c'est que les flux liés à cette reforestation, ce qui est une sorte de carbon dioxide removal,

  • Florian

    d'émission de carbone,

  • Pierre Friedlingstein

    donc ça représente environ 2 gigatonnes. de CO2, alors que les émissions il y a de déforestation dans l'autre sens, quand on coupe des forêts c'est environ 4 gigatonnes donc on coupe deux fois plus de forêts qu'on en laisse repousser mais juste sur ce point là on lit beaucoup que la reforestation

  • Florian

    Ça ne marche pas en fait. Mais quand on voit que ça capte quand même 2 gigatonnes, ce qui représente 5% des émissions mondiales, c'est quand même pas anodin.

  • Pierre Friedlingstein

    Ah non, c'est pas anodin du tout, ça marche très bien. C'est sûr que si on arrivait, d'un coup de paquette magique, à arrêter la déforestation, le flux net de déforestation qui maintenant est un flux de l'atmosphère se transformerait en un flux qui rentre dans les écosystèmes. Puisqu'on continuerait à avoir de la reforestation, on continuera à avoir des espaces où les forêts repoussent, qui continueraient à absorber environ... gigatonnes. Donc c'est sûr que c'est pas du tout anodin, la reforestation. Donc je pense qu'il faut absolument arrêter la déforestation dans les bidromicaux et encourager la reforestation. Il y a un potentiel assez important de carbone qu'on peut restocker dans les parties qui ont été déforestées au cours des cinquantaines d'années.

  • Florian

    Il n'y a pas beaucoup de bonnes nouvelles dans cette interview, alors ce serait dommage de passer à côté de celle-là. La déforestation est en baisse.

  • Pierre Friedlingstein

    La déforestation est en baisse effectivement. Donc on... Comme je vous disais en intro, c'est assez compliqué la déforestation. parce qu'on n'a pas des chiffres directs, donc c'est des estimations indirectes à partir de couvertures forestières qui sont répertoriées en gros tous les 5 ans, ça dépend des pays. Donc on est beaucoup plus incertain. Donc si vous regardez les figures du carbon budget sur les émissions fossiles, on est sûr de nous, c'est à 5% d'erreur. La déforestation, on est beaucoup moins sûr, c'est en gros 50% d'erreur. Donc on dit que ça diminue, mais ça pourrait être stable. Parce que vu l'incertitude, on a trois modèles différents qui essaient d'ingurgiter toutes ces données de forestiers. pour en sortir des flux de carbone, et ils ne sont pas toujours consistants. Donc, à l'échelle globale, on fait la moyenne des trois modèles, on voit qu'il y a une légère décroissance. On pense qu'effectivement, on a envie d'y croire, mais voilà, on n'est pas formel. Il y a un risque non nul qu'en fait, la décroissance soit moins faible. Elle pourrait être plus élevée aussi, forcément, puisqu'on est incertain. C'est une bonne nouvelle, mais à prendre avec les pincettes.

  • Florian

    Bon. On va essayer. Donc les pays qui sont le plus prêts dans la déforestation, c'est Brésil, l'Indonésie, Congo, je crois que les trois, ça fait déjà 70% de la déforestation.

  • Pierre Friedlingstein

    50-55.

  • Florian

    55% de la déforestation mondiale. Quels sont les...

  • Pierre Friedlingstein

    Bon, peut-être, on parle beaucoup du Brésil, de l'élection de Lula. Est-ce que cette augmentation, enfin cette baisse de la déforestation, ça pourrait être lié à sa politique ou c'est encore un peu trop pour le dire ?

  • Florian

    À nouveau, c'est trop tôt pour le dire. C'est comme les 7% en Europe maintenant, c'est trop tôt pour dire qu'elles sont vraiment les... Les tendances aboutissantes, les moteurs de ces décroissances, c'est sûr que si on regarde la tendance au Brésil, on voit une décroissance, un pic de déforestation il y a quelques années, maintenant c'est en décroissance légère. On peut espérer que ce soit une tendance à long terme. Là aussi, on a des satellites qui peuvent nous aider à mieux répertorier ce qui se passe sur le terrain, plutôt qu'uniquement les inventaires FAO à l'échelle du pays. Donc on a des données plus spécialisées, avec des groupes avec lesquels on travaille directement au Brésil, pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe. Pareil pour l'Indonésie. On a également des données, la déforestation d'Indonésie est principalement liée à l'agriculture, il y a des palmes. Donc, c'est pour ça qu'il déforeste massivellement. Et on ne voit pas encore des tendances claires à la réduction. Donc là, c'est plus ou moins stable pour l'instant en Indonésie. Pareil pour la République démocratique et la République de Congo. Il n'y a pas encore de tendance à long terme à la décroissance des émissions. Donc, pour l'instant, le gros de la décroissance qu'on voit globalement, c'est tiré par le Brésil.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc, on a dit tout à l'heure qu'il y a eu un record d'émissions de CO2 d'origine fossile. Néanmoins, si on prend en compte toutes les émissions de... CO2, ça veut dire celle d'origine fossile et celle de la déforestation, on est, avec les incertitudes, peu ou prou égale à 2019. Donc on a parlé de retirer du carbone de l'atmosphère. Il y a une autre manière de retirer du carbone de l'atmosphère, c'est toutes les technologies, les climate tech, comme on dit. Est-ce que ceux-là, en 2023, commencent à avoir des quantités significatives de... et de carbone retirer l'atmosphère.

  • Florian

    Malheureusement non, encore une mauvaise nouvelle. Je ne dis pas que ça ne va pas évoluer dans le futur, c'est sûr que c'est un secteur qui est en croissance. Mais là, on fait l'inventaire de la capture de carbone liée à la reforestation, on a aussi en plus fait l'inventaire de capture liée aux technologies. Donc il y a un rapport qui est sorti avant l'été, donc on s'est inspiré, on a travaillé avec eux, on a en gros réanalysé leurs chiffres et repris leurs chiffres, parce qu'il n'y a pas de nouvelles estimées. Et donc voilà, on arrive à... L'ordre de grandeur des émissions de sous-deux fossiles, c'est des milliards de tonnes. On est à 40 milliards de tonnes de sous-deux par an. Là, si on prend l'ensemble de toute l'économie qui capture du sous-deux dans l'atmosphère, on est à... 1 million de fois plus faible que les émissions actuelles. Donc si on voulait conserver nos émissions actuelles et uniquement absorber du CO2 par des technologies, il faudrait multiplier ces technologies par un facteur 1 million. Ça ne me semble pas vraiment réaliste. Je pense que ce n'est pas une solution pour ne pas réduire les émissions. C'est un peu une solution, en partie, pour certains secteurs. On parlait de l'aviation tout à l'heure. On n'a pas trop d'idées pour faire de l'aviation sans... sans kérosène, ou après on peut imaginer des carburants biologiques, mais enfin ce sera assez limité, il y aura d'autres soucis. Donc pour l'aviation on n'a pas trop de solutions, il y a quelques autres secteurs où on n'a pas de solutions. Là on peut se dire, il faudra retirer le CO2 qu'on émet, pour peut-être une gigatonne ou deux gigatonnes, on peut imaginer que si ces technologies se développent, en cours d'un facteur 1000-10000 on peut y arriver. Mais ça ne remplacera pas la réduction indispensable des émissions.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc le CO2, ce n'est pas le seul gaz à effet de serre, loin de là. Le méthane est responsable d'environ un tiers du réchauffement climatique, ce qui est loin d'être négligeable. Le méthane s'est longtemps resté un peu le parent pauvre des gaz à effet de serre par rapport à son importance qu'il prend dans le forçage radiatif. Mais cette année, c'était un peu au centre des débats à la COP. Pourquoi on a mis autant de temps à commencer ? à en parler ?

  • Florian

    Alors en fait si on regarde le méthane, il y a deux sources principales de méthane liées aux activités humaines. La première c'est tout ce qui est lié au secteur des énergies fossiles de nouveau. On extrait des combustibles fossiles et en fait il y a des fuites, donc il y a des fuites de méthane à l'extraction. On transporte du gaz, il y a des fuites. Voilà. Dans des pipelines, voilà l'exemple évidemment clair, c'est dans Nord Stream l'année passée, mais enfin il y a... tous les pipelines ont des fuites de méthane. Sans que ça saute, ouais. Sans que ça saute même, voilà. Et même au niveau de la distribution dans les villes, il y a des fuites de gaz régulières. Voilà, c'est un système qui n'est pas connu en aromatique. Donc en fait, les pays sont engagés à réduire fortement toutes ces fuites, toutes ces pertes de gaz. Ça, c'est un engagement qu'ils ont fait à la COP la semaine passée. Donc ça, c'est très très bien. Ça représente grosso modo à peu près la moitié des émissions anthropiques de méthane. L'autre gros secteur, c'est tout ce qui est agriculture. Là, à nouveau, on peut le diviser en deux sous-secteurs. Un, c'est le bétail. Tout le monde sait où est les vaches. Ça émet du méthane. Donc il y a une partie importante des émissions de méthane actuelles qui est liée au fait qu'on... On a de plus en plus de cheptels de bovins. Et l'autre secteur, évidemment, c'est les rizières. Donc, principalement, évidemment, en Asie, les rizières poussent dans l'eau. Donc, il y a une décomposition anaerobique de la matière organique. Il n'y a pas assez d'oxygène. Donc, du coup, ça ne produit pas du CO2, ça produit du méthane. Donc, pour les secteurs fossiles, on a des engagements clairs à la COP. On va réduire ça. Donc, en fait, on peut se dire que c'est une évidence. Et on se demande même pourquoi on n'a pas fait ça plus tôt. Parce que... C'est limiter les pertes. C'est juste plus efficace. C'est transporter du méthane sans le perdre. L'agriculture, c'est plus compliqué. Ça impacte plus de gens. Il n'y a pas de solution simple. On ne peut pas remplacer des vaches par des vaches qui ne perdent pas de méthane. C'est directement des rizières, pas des rizières, qui ne mettent pas de méthane. Donc c'est plus complexe.

  • Pierre Friedlingstein

    Quel est l'état du puits de méthane naturel qui est le radical hydroxyde ? Donc formule chimique OH, pour ceux qui préfèrent les acronymes. J'ai lu que... Les mesures visant à limiter la pollution de l'air des transports et notamment des containers, ou par exemple le bannissement des voitures diesel, amoindriraient ce puits de carbone. Et c'est pour ça que le méthane dans l'atmosphère a rapidement augmenté ces dernières années, du fait des normes, mais aussi du fait du Covid qui a enlevé beaucoup de voitures des routes. Est-ce que vous avez des éléments ?

  • Florian

    Oui, ben... En gros, à peu près les mêmes que vous, dont j'ai lu des articles scientifiques aussi récemment. Voilà, c'est encore une activité de recherche qui est encore en cours. On n'a pas une vision complète globale de l'évolution du puits hydroxyle, c'est assez compliqué à mesurer, et donc à suivre à long terme. Donc en fait, on a des mesures indirectes via d'autres gaz, et puis après on essaie effectivement de faire des bilans, de voir avec des modèles qu'on appelle les modèles de chimie transport atmosphérique, d'essayer de représenter la chimie. du méthane dans l'atmosphère et de voir comment elle évolue. Donc en fonction effectivement d'autres précurseurs qui peuvent influencer sur la consommation d'OH et du coup, s'ils consomment du OH il reste moins d'OH pour oxyder le méthane et du coup le méthane va rester un peu plus longtemps dans l'atmosphère, son temps de vie va augmenter. Mais également d'autres facteurs comme le facteur climatique qui faut que par exemple s'il fait plus chaud il fait plus sec, ça peut modifier les émissions naturelles. Donc par exemple de tout ce qui est les tourbières ou les permafrosts de haute latitude Donc voilà, il y a pas mal de facteurs. Donc on utilise évidemment des données atmosphériques, des modèles atmosphériques, aussi des données isotopiques pour essayer de séparer, de comprendre quelles sont les différentes contributions qui pourraient expliquer la croissance qu'on a observé du méthane sur les années. Mais le méthane c'est assez compliqué. Dans les années 90-2000, le méthane était stable pendant une dizaine d'années. On a eu un plateau de la concentration de méthane dans l'atmosphère et à nouveau on ne savait pas trop pourquoi. Puis il est reparti, l'augmentation, depuis plein d'années. Donc c'est vraiment un sujet de recherche en ce moment.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc vous revenez de la COP 28 à Dubaï. Qu'est-ce qu'il en est sorti concernant les sources de gaz et de fer, comme on vient d'évoquer ?

  • Florian

    Alors, pour la première fois, donc après 27 COP, il y a dans le texte final une reconnaissance que la combustion de gaz, pétrole et charbon est responsable du problème climatique et que donc il faut à terme en sortir. Donc on peut être assez estomaqué qu'il y ait Il y a 27 ans pour que les pays le reconnaissent, c'est malheureusement ce qui se passe. Donc là, dans le texte final, il y a une phrase qui dit qu'il faut... C'est sujet à l'approbation de tous les pays du monde, donc ils ont mis un temps infini à se mettre d'accord sur les mots.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc pour ceux qui ne savaient pas, dans l'accord de Paris, il n'y a pas marqué énergie fossile.

  • Florian

    Voilà. Dans l'accord de Paris, il n'y a pas marqué énergie fossile. Il y a marqué ambition de limiter le réchauffement à 2 degrés, voire 1.5 si possible, tout ça. Mais on n'a pas mis, on n'a pas pointé sur... Le responsable est qui ? La première fois que ça est apparu, c'est dans le rapport de Glasgow, donc la COP26, il y a deux ans, où le charbon a été mentionné pour la première fois. Et donc là maintenant, on peut dire que c'est un grand pas en avant, c'est qu'on mentionne enfin tous les combustibles fossiles, sans exception, en disant qu'ils sont la source du problème, en gros. Et que donc il faut, en anglais, transitioning away, donc faire une transition qui s'écarte de plus en plus de ces combustibles, De manière à arriver à ce qu'il appelle le net zéro aux environs 2050. Donc il y a une direction générale qui est il faut s'en écarter, et il y a un objectif qui est zéro en 2050. Donc ça en soi c'est une très bonne nouvelle. Après évidemment, les accords des COP sont pas contraignants. Tous les pays ont signé l'accord, mais ce n'est pas pour ça qu'ils vont forcément faire ce qu'il faut pour les respecter.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais si ce n'est pas contraignant, pourquoi il y en a qui freinent pour mettre le mot énergie fossile ?

  • Florian

    En fait, il n'y a pas que les pays du Golfe Persique et du Moyen-Orient. C'est plus compliqué que ça. Évidemment, il y a la Russie également, qui est un gros producteur de gaz. Il y a également des pays comme l'Inde. qui ont une demande énergétique telle que pour l'instant, ils ne peuvent pas imaginer de se dire qu'ils n'auront plus de pétrole, plus de charbon. Mais il y a également des pays comme les pays d'Afrique, qui ont des ressources fossiles, qui ont un niveau de développement encore beaucoup plus faible. et qui, à juste titre, pose la question est-ce que nous aussi on a le droit d'utiliser un peu du pétrole et du charbon qui est sur nos pieds, avant de décider de manière globale que c'est fini, on ne l'utilise plus. Donc, dire on arrête, ce qui en anglais était phase out, c'était une fin de non-recevoir de beaucoup de pays du monde. Alors, en fait, je crois, si j'ai bien lu, il y a environ 130 pays dans le monde qui étaient pour la mention phase out. Donc, c'est l'Europe, c'est les Etats-Unis...

  • Pierre Friedlingstein

    Vous pouvez préciser juste la différence entre phase out et transitioning ?

  • Florian

    Alors initialement, il y avait deux options sur la table. Il y avait phase down et phase out. Phase out, ça veut dire on arrête. On descend, phasing out, ça veut dire on décroît, et jusqu'à out, zéro. Phasing down, ça veut dire on décroît, mais ça ne veut rien dire de plus, ça veut juste dire on décroît. Ça ne veut pas dire on va arriver à zéro, ça veut juste dire on va ralentir. Donc il y a pas mal de pays du monde qui étaient pour le phasing out, il faut arrêter les fossiles, c'est clair, on sait bien que c'est la cause principale d'un changement climatique, dont l'Europe, les Etats-Unis, mais également les pays, les petits, toutes les pays, les petites îles, au cas de condiment. qui sont directement concernés par le changement climatique et la montée du niveau des mers. Au total, ça faisait environ 130 pays. Et donc, il en restait quand même beaucoup, 60, 65, qui étaient tout à fait contre, qui étaient complètement opposés à l'idée de phasing out, et donc qui voulaient phasing down, qui était on va réduire. Et donc, les autres pays disaient non, phasing down, c'est pas assez ambitieux, c'est pas possible, on va jamais arriver si on dit phasing down. Et donc, ils ont tergiversé pendant des jours et des nuits, et finalement, ils sont arrivés à cette... Ce compromis qui est on va transitionner. hors de, en arrivant à un net zéro en 2050.

  • Pierre Friedlingstein

    Ok. Donc, pour être tout à fait précis, il y a phasing out qui serait le plus ambitieux, transitioning away qui serait au milieu, et phasing down un peu moins ambitieux.

  • Florian

    Oui, encore moins ambitieux, c'est ne pas le mentionner du tout. Oui. Ce qu'on a fait jusqu'à présent.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc, vous avez plutôt l'air de faire partie de ceux qui voient le verre à moitié plein, parce qu'il y a beaucoup de commentateurs qui ont parlé de... pas d'échec mais de déception par rapport à cette copie oui mais c'est sûr que tous les partis qui voulaient une mention claire du phasing out donc

  • Florian

    On s'en sépare, à jamais, forcément c'est un échec, ils sont déçus. Parce qu'ils voulaient plus et ils ont eu un compromis qui est forcément moins satisfaisant. Ça c'est évident. Pour moi, après, il y a quand même un signal fort qui est, il faut s'éloigner des énergies fossiles. Donc au niveau des secteurs financiers, on peut espérer qu'à terme, ça commence à modifier les investissements pour essayer de sortir du tout fossile et des subventions fossiles. C'est aussi ce qu'ils espèrent. des pays. Après, au final, voilà, je vous dis, ce rapport n'est pas contraignant. Ce qui est contraignant maintenant, c'est qu'est-ce que les pays en font ? Donc, l'Union Européenne, les Etats-Unis, tous les pays du monde, on dit, voilà, maintenant on met en place une transition énergétique pour sortir du fossile d'ici 2040, 2050, 2060, ça dépend des pays, et voici comment on la met en place.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais en même temps, c'est difficile de trouver un consensus entre des puissances comme les Etats-Unis, l'Europe, voire la Chine, qui ont financièrement, la possibilité d'installer des ENR ou du nucléaire, et d'autres pays qui n'ont même pas l'électricité dans toutes les maisons. On n'est pas du tout sur les mêmes priorités. C'est un peu bizarre de demander à tout le monde uniformément de sortir quoi.

  • Florian

    Oui, après c'est pas uniformément dans le sens que c'est écrit dans le texte aussi, l'implémentation se fera au niveau des pays. Donc la COP n'a de toute façon pas le pouvoir, les Nations Unies n'ont pas le pouvoir d'imposer aux pays, de dire voilà vous devez réduire de 5% par an tous les ans à partir de 2024. En fait l'implémentation, c'est ce qu'on appelle donc les NDC, les National Determined Contribution, c'est ce que chaque pays décide qu'il peut faire comme contribution au problème global. Et donc... Chaque pays rend sa feuille de route, on dit, si d'ici 2030 on va réduire des X%, d'ici 2050 on réduit de Y%, et ça c'est, les pays sont souverains, c'est eux qui décident à quelle vitesse ils vont faire ces transitions. Et donc de fait, effectivement, les pays comme l'Union Européenne ont des ambitions plus fortes que l'Inde, par exemple, ou que des pays africains, et ça c'est normal.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc, je reviens un peu sur ma question tout à l'heure, si c'est une bonne nouvelle que les énergies fossiles soient minces, dans le texte, mais que le texte n'est pas contraignant, en quoi c'est vraiment une bonne nouvelle. Qu'est-ce que ça implique ?

  • Florian

    Je pense que ça... Ça implique que les pays peuvent s'appuyer sur ces textes pour dire, bon voilà, c'est ce qu'il faut faire maintenant. Donc on met en place une stratégie nationale, bas carbone, comme on le fait en France, comme on le fait en Union Européenne, comme on le fait aux Etats-Unis aussi. Voilà, on a une sorte de mandat qui est, on s'est tous mis d'accord à la COP, il faut sortir des initiatives fossilistes 2050, maintenant il faut le faire. S'il n'y a pas de mandat, s'il n'y a pas de texte, il y a beaucoup moins de pression. Au niveau électoral, pareil, les électeurs sont en droit d'exiger... que leur pays fasse ce qu'il a signé à la COP.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc, vous le mentionnez tout à l'heure, votre rapport aussi consiste en définir un budget de gigatonnes de CO2 qu'il reste à émire avant d'atteindre un objectif, mais pour le coup, c'est pas vraiment... C'est plutôt une mauvaise chose d'atteindre les 1,5 degrés ou les 2 degrés. Donc après cette année 2023, qu'est-ce qu'on peut dire ? On entend de plus en plus que les 1,5 degrés, c'est cuit déjà, malgré ce qu'a dit... Al-Jaber, le président de la COP, puisqu'il a rappelé, tenu objectif, mais bon, en même temps, qui a envie d'être le président qui dira que c'est mort ? Il faudra bien que quelqu'un s'y colle un jour, mais je réponds à pas votre question, c'est mort.

  • Florian

    C'est-à-dire que ça semble très très difficilement imaginable. Là, on fait, dans le carbone belge, on regarde un peu ce qu'il nous reste de CO2 à émettre avant d'arriver à 1,5. Donc on reprend les chiffres du GIEC, on les met à jour avec les émissions qui sont écoulées depuis que le rapport du GIEC est paru. Puis il y a un autre rapport qui est sorti entre On prend la moyenne de tout ça, on essaie de faire notre meilleure estimation. On estime que si on continue à mettre au rythme actuel, dans 7 ans, on a une chance sous 2 de 3,5°C. Pour 1,7 ou 2°C, c'est un peu plus, un peu plus de temps forcément, puisqu'on peut avoir plus de sous 2°C pour atteindre un niveau de réchauffement plus élevé. Mais quoi qu'il arrive, c'est limité. Donc 1,5°C, c'est 7 ans. Donc on imagine mal que les émissions chutent de manière drastique dans les années qui viennent. Donc si on émet au niveau actuel... Actuellement, pendant 7 ans, on arrive à 1,5, ce qu'on peut aussi traduire par, si on imagine qu'on décroît de manière linéaire à partir d'aujourd'hui, on devrait arriver à zéro dans 14 ans. Donc ça veut dire qu'on est, par exemple, en 2024, avant 2040, on devrait arriver à zéro. Il n'y a aucune trajectoire actuelle qui est compatible avec ça. Quand on regarde ce que les différents pays s'engagent, donc ce que je disais tout à l'heure, les NDCs, les contributions par pays, ils s'engagent à réduire de 80% d'ici 2030. Voilà le même. L'Europe qui a 40% d'ici 2030, ou 45%, un peu plus maintenant je crois, ils y revisent à la hausse chaque fois. Les autres pays, si on met tout ça ensemble, en 2030, on sera plus ou moins, même ces émissions qu'actuelles. Il y aura des pays qui seront en décroissance déjà, il y aura des pays qui seront encore en croissance, comme l'Inde, qui ne prévoit pas de diminuer leurs émissions d'ici 2030. Donc si on met tout ça en global, les émissions d'2030 seront, avec beaucoup de chance, un peu plus faibles qu'aujourd'hui. Mais en tout cas, pas de 50% plus faibles, ce qu'il faudrait pour qu'elles soient réduites de 100% d'ici 2040. Donc c'est sûr qu'on a très bonne chance de rester en dessous de 1.5. Alors après, ce qu'on peut espérer, et je pense que c'est ce que la plupart des gens reconnaissent maintenant, c'est que comme on envisage qu'on peut avoir des émissions négatives, donc on peut capter le CO2 de l'atmosphère, on peut retirer le CO2 de l'atmosphère, et donc du coup on peut refroidir la planète. Donc on peut passer un peu au-dessus de 1.5, et puis si on continue à réduire le CO2, réduire le CO2 en le captant, on peut redescendre. tout le chemin, la trèfle superclimatique. Et donc, en fait, revenir à 1,5, mais par le haut, plutôt qu'arriver à 1,5 par le bas. Voilà. Donc ça, c'est un peu le...

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, mais ça, c'est... Est-ce que c'est réaliste ? Parce qu'on a parlé des puits de carbone qui étaient stables, mais voilà, dans un climat qui se réchauffe, ça risque de se compliquer. On a parlé des technologies qui représentaient des pognèmes de milliards.

  • Florian

    Réaliste, c'est difficile à dire. Qu'est-ce qui est réaliste en 2040, en termes de technologies ? Voilà. Moi, je suis assez... Mais ça c'est mon opinion personnelle. Si je regarde les rapports du GIEC, donc du groupe 1, il continue à dire qu'il y aura des piles de carbone, donc ça c'est mon domaine, je suis assez convaincu qu'en 2040 on aura encore des fruits qui pourront prendre du CO2, on aura encore des océans qui vont absorber du CO2, surtout si on décélérise les émissions, que donc le réchauffement ne s'amplifie pas de manière... En tout cas, voilà. L'amplitude du réchauffement décélère, effectivement. Après au niveau des piles technologiques, à nouveau, si on lit les rapports du GIEC, surtout du groupe Sur la partie mitigation, il y a une partie qui est liée à la reforestation, il y a une partie qui est liée à ce qu'ils appellent les BECS, énergie biologique avec des cultures fourragères par exemple, et après qui sont capturées et stockées sous sol. Donc en fait on peut comme ça produire de l'énergie, mais également pomper du CO2 et le stocker après. Donc il y a plein de technologies comme ça, la direct air capture. Donc s'ils mettent tout ça ensemble, eux ils arrivent à des scénarios dans leur modèle, qu'on appelle les modélatifs. intégré à ce qu'est strip et sur gigaton. Voilà, donc après, on a le droit en tant que non-expert d'être empathétique, mais on peut aussi se dire, voilà, c'est les meilleurs outils qu'on a pour l'instant pour essayer de prédire l'évolution socio-économique des 20-30 prochaines années. Voilà, c'est difficile d'avoir des éléments factuels pour vous dire que ça ne va pas se passer. Parce que ça se passe dans le monde des modèles, mais après, ça se passe dans le monde des modèles, je ne veux pas du tout dire que ça va se passer dans le réel. On est bien d'accord.

  • Pierre Friedlingstein

    Surtout si les modèles ont comme entrée un objectif de degré.

  • Florian

    Oui, bien sûr, les modèles ont un objectif. Si on veut faire 1.5, qu'est-ce qu'on fait ? Dans les modèles qui sont des modèles socio-économiques, ils disent pour faire arriver 1.5, on ne va peut-être pas y arriver tout de suite, mais on va y arriver en montant et en descendant, et on va utiliser cette technologie-là, cette technologie-là, cette technologie-là, elles vont se développer de manière exponentielle pendant les 20 prochaines années. Le coût à ceci et à ceci, il y avait trop de temps. Le coût de la tonne de carbone sera d'autant, donc les investissements vont se faire dans cette direction-là. Voilà, ils mettent tout ça ensemble. Ils font au mieux qu'ils peuvent. avec leur compréhension du système socio-économique et énergétique actuel. Après, on peut continuer à se dire, oui, ok, mais c'est super optimiste.

  • Pierre Friedlingstein

    Vous avez dit que les émissions allaient se stagner jusqu'en 2030, à peu près. Il y a des analyses récentes menées par l'Agence internationale de l'énergie et Climate Analytics qui suggèrent que les émissions de CO2 des énergies fossiles mondiales pourraient avoir atteint leur pic en 2023, à mesure que la croissance des énergies propres... s'accélère et que l'utilisation des combustibles fossiles diminue. Ce n'est pas la première fois que l'AIE annonce un pic d'émissions de CO2. Qu'en pensez-vous pour cette fois-ci ?

  • Florian

    Comme vous le dites, ce n'est pas la première fois. Je pense qu'on peut prendre rendez-vous en 2024 et voir où on en est. Là, vu la croissance de l'Inde et de la Chine actuelle, même si la Chine, on l'a parlé, c'est peut-être plus une anomalie 2023 qu'une tendance à long terme, on est bien d'accord. Ça n'empêche qu'ils sont quand même à plus 4%, même si l'année prochaine ça va mieux, j'imagine mal qu'ils passent dans le négatif directement en un an. L'Inde, voilà, à nouveau 8%, j'imagine mal que l'Inde passe à une croissance négative. Donc après, je n'ai pas fait les calculs, mais on pourrait, sur un bout de papier, faire quelle croissance on peut autoriser à l'Inde, en imaginant une décroissance en Europe, en Etats-Unis, une croissance nulle en Chine, une décroissance du reste du monde, pour que finalement on ait une décroissance globale du monde mondial. Les calculs seraient assez simples à faire, on pourrait le faire. Voilà, mais comme ça, de tête, je vous dirais qu'il faudrait beaucoup d'éléments qui aillent dans la bonne direction pour qu'on ait un pic en 2023 et qu'en 2024 on soit déjà en dessous de 2023. Donc je pense que de manière conservative, je vous dirais qu'on va attendre 3-4 ans, 5 ans, et on verra où on en est. Et donc on pourra dire si effectivement on a atteint un pic et qu'on a une tendance à plus ou moins long terme de l'écroissance. En 2020. On s'est tous dit, voilà c'est bon, on a un pic, j'ai des collègues climatologues qui ont fait des paris sur internet en disant 2019 sera l'année historique en termes d'émissions de CO2, on n'arrivera plus jamais au-dessus de ça. On y est maintenant, on est au-dessus de 2019. Je suis prudent.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc la croissance des énergies renouvelables un peu folles, notamment en Chine, ne va pas remplacer tout de suite du fossile, pour l'instant ça va être un corps être plutôt s'ajouter ?

  • Florian

    On l'a bien vu cette année. À nouveau, la croissance des renouvelables en Chine et en Inde sont supérieures à 10% de nouvelles installations. Donc c'est énorme. C'est vraiment une capacité de développement de nouvelles structures renouvelables qui est impressionnante. C'est une croissance à deux chiffres. Mais malgré tout, les émissions chinoises et indes de combustibles fossiles augmentent également. Donc en fait, le déploiement des renouvelables n'est pas assez important pour supporter le besoin. énergétique. Donc après, finalement, ça peut évoluer, ça peut changer, et on va arriver forcément à un point de bascule à terme où on aura moins besoin d'énergie fossile. Mais je ne suis pas convaincu que ce sera en 2023, que 2023 sera le pic.

  • Pierre Friedlingstein

    D'accord, donc quand vous disiez tout à l'heure qu'il nous reste 7 ans à émission égale pour arriver à 1,5°C, en fait, c'est pas juste une vue de l'esprit, c'est un chemin très réaliste en fait.

  • Florian

    C'est un chemin assez réaliste, parce que même si on arrive au pic en 2023 et qu'en 2024 on est à 1% de moins, Et puis en 2025, on a encore 1 ou 2% de moins ou 3% de moins. On aimait quand même 40 gigatonnes, 40 milliards de tonnes chaque année. Donc le budget restant, il est de l'ordre, je crois que c'est 275, pour s'améliorer à 280, ça fait 7 années. Si au lieu de 40, on est à 39, ça va quand même entamer une bonne partie du budget restant. Si l'année d'après, on est à C'est bien, on a une bonne élection, mais on a quand même entamé une bonne partie du budget restant. Donc pour que le budget restant ne soit plus entamé, il faut vraiment qu'on réduise massivement les émissions.

  • Pierre Friedlingstein

    Et pour le du coup ?

  • Florian

    Le le chiffre en gigatonnes que je n'ai plus en tête, il est dans mes fiches, mais en un équivalent d'année d'émission actuelle, je crois que c'est 28 ans. Donc là on a... Si on continue à émettre au rythme actuel pendant 28 ans, on arrive à 2 degrés.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais même en entendant ce que vous dites, il y en a encore pour 10 ans à rythme actuel, après si ça baisse de 1%, on voit très bien que le budget des 2 degrés va être brûlé.

  • Florian

    Il y a un risque. On a plus de temps. Pour le 2 degrés, le net zéro, c'est bien après 2050. C'est 2070 en gros. Donc on est à 50 ans pour arrêter d'émettre du CO2 dans l'atmosphère. Merci. 50 ans, c'est quand même très long. Si vous imaginez, il y a 50 ans, on en était où ? On était depuis sur la Lune.

  • Pierre Friedlingstein

    50 ans, c'est pour les 2 degrés. Oui. Et qu'est-ce que vous pensez ? J'ai écouté Christophe Béchut qui disait que la France devait se préparer à un réchauffement de 4 degrés, puisque les modèles basés sur les politiques aujourd'hui en cours des grandes puissances mondiales, on arriverait à un réchauffement de 2,7-3 degrés à la fin du siècle. Ça, c'est quelque chose qui vous semble absolument probable ou c'est une plausibilité comme une autre ?

  • Florian

    C'est malheureusement probable. Ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure. Si on regarde les projections actuelles des émissions des différents pays, qu'on met tous ensemble, on voit que d'ici 2030, il n'y a pas de décroissance claire. 2050, ça va commencer à décroître. Mais si on voit la quantité de CO2 qui sera émise par l'humanité dans les 50 prochaines années, c'est compatible avec le réchauffement de... Voilà, 2.5, 2.8, 3 degrés, ça dépend un peu des estimations, ça dépend de la sensibilité climatique, qui n'est pas complètement connue, mais enfin, l'estimation moyenne, c'est 2.8 degrés. Donc ça ne veut pas dire que c'est inéluctable, c'est-à-dire que pour l'instant, dans l'état actuel des choses, on en est là. Alors, il faut se garder en tête qu'avant les accords de Paris, en gros, il y a 10 ans, si on faisait le même genre de projection, on était à 4 degrés. Donc là, on a déjà gagné, en gros, 1 degré, où on sera en 2100, grâce aux engagements des pays de réduire les émissions. Donc on peut espérer que ça continue. Comme ça, dans 5 ans, les engagements seront plus forts, et quand on sera plus à 2,8, on sera à 2,5, 2,2, je ne sais pas. Donc voilà, on va dans la bonne direction. Le problème, c'est qu'on n'y va pas assez vite, mais on va dans la bonne direction. Et donc, pour le coup, le ministère a raison, le ministère a raison, si c'est lors de grandeurs 2,5, 2,8 degrés à l'échelle globale, comme la France, enfin comme tous les pays sont dans l'hémisphère nord, mais la plupart des pays se réchauffent plus vite que la moyenne globale, puisque les océans se réchauffent moins vite que les continents, donc les continents se réchauffent plus vite. Bon, voilà, 3 degrés pour le monde. Au globe, ça fait 4 degrés pour la France. Donc il faut effectivement préparer un scénario d'adaptation à 4 degrés. C'est... Si tout va bien, c'est le pire des cas. Voilà ce que je veux dire. On peut espérer qu'on n'en sera pas là, on sera mieux, mais si on reste dans les trajectoires actuelles et qu'il n'y a pas plus d'ambition que ça au niveau du monde, on s'oriente vers un réchauffement de l'ordre de 4 degrés pour la France.

  • Pierre Friedlingstein

    Ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup, Pierre Frelingstein.

  • Florian

    Merci à vous.

  • Pierre Friedlingstein

    Voilà, j'espère que cet épisode vous a plu. Si c'est le cas, n'hésitez pas à le partager. N'hésitez pas à vous abonner si ce n'est pas déjà le cas et si le sujet vous intéresse. Merci au studio 1212 d'avoir produit cet épisode, à Gilles Marteau pour la musique et à vous bien sûr pour votre écoute. Portez-vous bien et à la prochaine.

Description

L’humanité n’a jamais brûlé autant d’énergie fossile qu’en 2023. Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter malgré 6 rapports du GIEC et 28 COP. C’est assez déprimant, surtout quand on sait que par le passé, les rares fois où les émissions ont baissé, c’était le résultat indésiré de bouleversements comme les chocs pétroliers, l’effondrement de l’URSS, les crises financières et plus récemment le covid. Pourtant, certains signes laissent entrevoir le pic d’émission. Les capacités d’énergie renouvelable installées dans le monde se sont multipliés ces dernières années, et selon les projections, ce n’est pas prêt de ralentir. Dans cet épisode, on va se demander d’où vient la hausse des émissions en 2023, si 2024 pourrait être la première année à voir les émissions de CO2 baisser de manière délibérée et où, en est-on, vis-à-vis de l’objectif de l’accord de Paris de rester sous les 1,5 degré de réchauffement.


Mon invité pour cet épisode est Pierre Friedlingstein. En plus d’être chercheur sur le cycle de carbone, il est coordinateur du Global Carbon Project, une organisation qui vise à faire l’état des lieux des émissions de CO2 mondiales.


Info: https://linktr.ee/echangeclimatique

Contact: echangesclimatiques@gmail.com

Production: https://onetwo-onetwo.com/

Musique: http://www.kodomorecords.com/bonsai/


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Réchauffement climatique. Climate change. Cambiament climatique. Il y a des dégâts.

  • Florian

    Il n'y a pas de planète B. L'humanité n'a jamais brûlé autant d'énergie fossile qu'en 2023. Les émissions de CO2 continuent d'augmenter malgré 6 rapports du GIEC et 28 COP. C'est assez déprimant, surtout quand on sait que par le passé, les rares fois où les émissions ont baissé, c'était le résultat indésiré de bouleversements comme les chocs pétroliers, l'effondrement de l'URSS, les crises financières et plus récemment le Covid. Pourtant, certains signes laissent entrevoir le pic d'émissions. Par exemple, les capacités d'énergie renouvelable installées dans le monde se sont multipliées ces dernières années, et selon les projections, ce n'est pas près de ralentir. Dans cet épisode, on va se demander d'où vient la hausse des émissions en 2023, si 2024 pourrait être la première année à voir les émissions de CO2 baisser de manière délibérée, et où en est-on vis-à-vis de l'objectif de l'accord de Paris de rester sous les 1,5°C de réchauffement. Aujourd'hui, mon invité est Pierre Fringlichstein. En plus d'être chercheur sur le cycle du carbone, il est coordinateur du Global Carbon Project, une organisation qui vise à faire l'état des lieux des émissions de CO2 mondiales. Émissions de CO2, le pic est-il pour 2024 ? C'est le thème de ce nouvel épisode d'Échanges climatiques. Bonjour Pierre Friedlingstein.

  • Pierre Friedlingstein

    Bonjour.

  • Florian

    Votre dernier rapport vient de sortir, le Global Carbon Budget 2023, c'est un rapport que votre organisation, le Global Carbon Project, publie tous les ans. Est-ce que vous pouvez nous présenter ce rapport, quel est son but ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc en gros c'est évidemment un rapport qu'on produit tous les ans, ça c'est la 18ème édition, on a commencé en 2005. Donc on fait les tas d'art des émissions de CO2 dues aux activités fossiles, donc principalement la combustion d'énergie fossile mais également la déforestation. Donc on fait ça à l'échelle globale mais avec un découpage par pays. Et puis on regarde aussi le devenir du CO2 dans le système Terre, donc une partie reste dans l'atmosphère, une partie est réabsorbée par ce qu'on appelle les puits de carbone. aussi bien dans les océans que dans les continents. Donc on essaie de mettre toutes les pièces ensemble et voir notre compréhension de l'évolution du cycle du carbone et de la perturbation liée aux activités humaines.

  • Florian

    Donc l'objectif de cette interview, c'est que d'ici à la fin de l'épisode, on ait quelques clés de lecture pour comprendre quand pourrait être le pic d'émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, en fonction des différents paramètres. Donc souvent, ça va être les évolutions des décisions politiques. Et pour ça, on va commencer par analyser ensemble ce qui s'est passé cette année. Et puis... Petite précision avant de se lancer. Les émissions de CO2 se divisent dans votre rapport, comme vous l'avez dit, en deux catégories, celles générées par la combustion des énergies fossiles, donc pétrole, gaz et charbon, et celles générées par la déforestation. Donc ce sera toujours précisé quand vous parlez des émissions de CO2 d'origine fossile ou des émissions de CO2 de la déforestation. Ensuite, on dira un mot sur les autres gaz à effet de serre, et notamment le méthane, qu'on ne peut pas éluder puisqu'il est responsable d'un tiers du réchauffement. Et après avoir parlé du passé, on parlera du futur ou des futurs possibles. Et ça tombe bien parce que vous revenez. ...de la COP, de Dubai, où une grande partie des décisions sont prises en ce qui concerne le climat. Donc, on se lance, on ne va pas faire de faux suspense, les émissions de CO2 d'origine fossile ont encore augmenté cette année, en 2023, mais une augmentation qui ralentit depuis quelques années maintenant.

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, effectivement, donc on estime qu'en 2023, les émissions... On est lié à la combustion d'énergie fossile, donc charbon, pétrole et gaz, globalement a augmenté d'environ 1%, 1.1%. En fait si vous vous rappelez, en 2020 on a vu une chute des émissions de 5% qui était liée à la crise Covid et au fait que l'activité économique s'est ralentie, les gens n'ont pas voyagé, ils sont restés chez eux. Donc les émissions globales ont diminué, environ 5%. Et puis en fait en 2021 les émissions ont réaugmenté un peu, c'est un peu le rebond après la sortie de la crise Covid et puis pareil en 2021. En 2022 et en 2023, les émissions augmentent toujours. On a un niveau d'émission maintenant qui est supérieur au niveau pré-Covid-19.

  • Florian

    On va regarder dans le détail ce qui a tiré la hausse des émissions cette année. On peut commencer par le plus gros émetteur qui est la Chine avec 30% des émissions mondiales. Cette année, ces émissions ont augmenté de 4%. Est-ce que c'est une augmentation qui est structurelle ? est amené à perdurer ou est-ce que c'est plutôt conjoncturel ? Est-ce que c'est encore la reprise du Covid ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc en fait, comme je disais le Covid c'était en 2020, pour la Chine le Covid il a commencé plus tôt, il a duré plus longtemps, ils ont eu des périodes de restrictions beaucoup plus longues que nous. Et donc jusqu'en 2022 il y avait encore des restrictions dans certaines régions. Et donc en fait 2023 c'est vraiment l'année où il n'y a plus aucune restriction et donc où l'économie s'est relancée de manière complète en Chine. Et donc en fait le rebond qu'on voit en 2023, on pense qu'il est principalement lié en fait à un rebond post-Covid comme nous on a eu en 2021. Donc on peut espérer qu'en fait ce Cette tendance de 4%, ce n'est pas une tendance à long terme, c'est vraiment un phénomène spécifique de 2023.

  • Florian

    Parmi les rares bonnes nouvelles concernant le climat, on entendait depuis quelques temps maintenant que la consommation de charbon était en baisse à l'échelle mondiale depuis les années 2010. Mais malheureusement, depuis 2-3 ans, la Chine a largement... mis du plomb dans l'aile à cette tendance en réinstallant de plus en plus de centrales à charbon. Qu'en est-il de 2023 ?

  • Pierre Friedlingstein

    2023, pareil, les émissions liées à la combustion de charbon ont augmenté, globalement. Principalement, effectivement, tirées par la Chine, mais également l'Inde. Donc, en fait, c'est vrai qu'on a eu un plateau... J'aurais pas dit une baisse, mais plutôt un plateau des émissions liées à la combustion de charbon depuis environ 2010-2015. C'était plus ou moins stable, on se disait bon voilà on a tel pic du charbon, les émissions liées au charbon ont diminué. Ça c'est malheureusement pas encore concretisé. Effectivement, dans la 2022-2023, les émissions remontent encore et sont supérieures. à ce qu'elles étaient avant.

  • Florian

    Les émissions de l'Inde dues aux énergies fossiles ont dépassé cette année ou en 2022, celle de l'Union Européenne. Ils ont connu une augmentation de 8,3%, ce qui correspond grosso modo à la croissance de leur PIB, mais aussi à une forte croissance démographique et leur PIB, c'est beaucoup... Voilà, c'est un peu Médine, Charbon et Ciment. Et en fait, l'Inde a pas mal de similitudes à ce niveau-là, en tout cas avec la Chine des années 2000. Oui,

  • Pierre Friedlingstein

    effectivement. Donc l'Inde, comme je l'avais dit, maintenant c'est le troisième pays en termes d'émissions de CO2.

  • Florian

    On parlera des Etats-Unis.

  • Pierre Friedlingstein

    Devant l'Europe, derrière les Etats-Unis et la Chine. C'est principalement lié effectivement au fait qu'il y a une croissance démographique, toujours importante. Maintenant l'Inde c'est le pays le plus peuplé du monde, devant la Chine. Il y a une croissance économique qui est effectivement importante aussi. Et donc pour soutenir cette... cette demande énergétique liée à la croissance démographique et la croissance de l'économie, en fait, ils ont besoin de tout. Les renouvelables se développent très rapidement en Inde, mais ça ne suffit pas. Il y a des renouvelables, il y a du charbon, il y a du gaz, il y a du pétrole. Et donc, voilà, il y a une augmentation observée de toutes les ressources énergétiques possibles pour soutenir la demande.

  • Florian

    Et côté pays développé, on a les Etats-Unis qui connaissent une baisse de 3% et l'Union Européenne d'environ est-ce que ces baisses sont dues à des facteurs plutôt désagréables comme la désinstabilisation, une croissance morne, la guerre en Ukraine, des hivers plus doux ou des facteurs un peu plus choisis comme une croissance moins carbonée, voire de la sobriété ?

  • Pierre Friedlingstein

    Je pense que c'est un peu tout ça. Alors pour une année particulière, c'est assez difficile à analyser exactement ce qui se passe et c'est sûr que la guerre en Ukraine a eu un impact sur le... Les demandes énergétiques, on l'a bien vu en France, avec des mesures, surtout l'année passée, mais qui ont perturbé pour essayer de réduire la consommation, de la sobriété, mettre un pull en hiver, baisser le thermostat, etc. Donc toutes ces petites mesures ont quand même un effet. La France aussi, le nucléaire a repris en puissance cette année par rapport aux années précédentes. Il y a moins de centrales qui étaient à l'arrêt. D'autres pays d'Europe, c'est bon, c'est pas forcément le nucléaire, c'est sûr. Donc il y a une tendance, effectivement, de... de sortir des énergies fossiles. Après, si on regarde sur le long terme, si on regarde sur les 10 dernières années, la tendance à la baisse de l'Europe est environ, de l'Union Européenne, environ 1%-2%. Donc cette année, 7% c'est assez énorme. Mais c'est pas du tout représentatif des 10 dernières années.

  • Florian

    D'accord. Et est-ce que ça suffit, ces 8% pour être dans les clous de l'objectif de neutralité carbone qu'elle s'est fixée, l'Union Européenne, en 2050 ?

  • Pierre Friedlingstein

    En gros, oui, ça suffirait. Si on arrivait à faire 7-8%, Dans chaque année, maintenant, à partir de 2024 jusqu'en environ 2050, effectivement, ce serait dans les clous. Comme je viens de vous le dire, sur les dix dernières années, on n'était pas à moins 7%, on était à moins 2%. Du coup, on n'est pas du tout dans les clous.

  • Florian

    Mais donc, si ça s'est passé cette année en 2023, et que la guerre en Ukraine, c'était en février 2022, on peut tirer une corrélation directe ?

  • Pierre Friedlingstein

    À nouveau, c'est très dur de tirer des corrélations directes, parce qu'il y a plein de facteurs. Nous on a les chiffres bruts. Après, faire une analyse détaillée de c'est quoi les moteurs des changements de tendance, c'est assez compliqué, c'est l'interprétation. Ça va dépendre des pays européens. Il y a aussi une partie hydraulique qui peut être fonction des conditions météorologiques. L'univers plus doux va réduire aussi la demande énergétique en hiver. Il y a une multitude de facteurs qui fait que c'est assez difficile d'être sûr certain que c'est uniquement les politiques climatiques qui jouent et qui font qu'on a une baisse avérée. En fait, il faudra garder sur le plus long terme. Sur les cinq prochaines années, on voit qu'on a une tendance continue de l'Europe à diminuer de 7%. Là, on peut dire qu'effectivement, il y a une tendance lourde de réduction. On est loin d'être là.

  • Florian

    Sinon, il reste une catégorie dont on n'a pas parlé, c'est la catégorie reste du monde, dont les émissions décroissent légèrement, mais on ne sait pas trop qu'en faire sans le détail, parce que c'est une catégorie où il y a des pays qui ont des profils très hétérogènes, et donc une décroissance des émissions, ça peut être négatif si ça se passe dans des pays en développement, parce que ça peut vouloir dire une décroissance tout court, ou alors ça peut être positif dans des pays plus riches.

  • Pierre Friedlingstein

    Effectivement, c'est assez compliqué, parce que c'est un peu C'est le reste du monde, donc en fait on fait des projections assez précises pour les gros pays. Et pour le reste du monde, en général, c'est plutôt basé sur des projections de croissance économique et d'indicateurs de décarbonation qu'on extrapole par rapport aux années récentes. Donc la tendance du reste du monde, c'est que ça se décarbone lentement, mais que la croissance économique continue. Donc quand on fait l'ensemble des deux, on peut estimer qu'effectivement il y a une très très faible baisse des émissions pour le reste du monde. Mais on est pour la... l'instant est encore incapable d'attribuer ça à tel ou tel pays. Donc ça reste vraiment un package intégré qui est le reste du monde pour lequel on essaie de faire une estimation assez incertaine, plus incertaine que pour les autres pays où on a plus de données.

  • Florian

    Et d'ailleurs, comment vous faites ces estimations sur les énergies fossiles ou sur la déforestation ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors c'est assez différent pour les énergies fossiles. Jusqu'à, donc ici on est en 2023, donc jusqu'à 2022, on a des rapports. des différents pays qui répertorie assez clairement l'utilisation de pétrole, gaz et charbon. Donc on n'a pas les émissions mais on a la consommation. La France, on sait combien la France a consommé de milliards de tonnes de charbon ou de barils de pétrole. Et donc après on a des facteurs de conversion qui sont assez bien reconnus pour estimer les émissions de CO2 liées à la combustion d'un baril de pétrole par exemple. Donc on a ça pour tous les pays du monde. Pour 2023 c'est plus compliqué parce que les données ne sont pas encore disponibles. On est encore en cours d'année, quand on écrit le rapport, on est à la fin de l'été, donc les données ne sont pas complètes. Donc on a des indicateurs, et c'est pour ça qu'on peut le faire que pour certains pays, parce que ça demande pas mal d'énergie, au niveau des chercheurs impliqués dans le budget. Donc ils peuvent faire tous les pays du monde, donc ils se concentrent sur les gros pays, et donc ils ont des indicateurs qui sont consommation électrique, par exemple, qui sont consommation mensuelle de combustible fossile pour certains pays, et d'autres indicateurs qui permettent en fait... d'établir plus ou moins les émissions pour ce pays-là. Et après, on doit extrapoler pour les quelques mois qui manquent, parce qu'on est en septembre quand on boucle tout, et donc on doit faire une extrapolation sur les trois derniers mois pour avoir une estimation de la valeur annuelle. C'est pour ça qu'il y a une certitude qui est un peu plus importante en général. On dit que ça peut être 4%, mais ça peut être entre 3 et 5%, par exemple. Donc on peut faire ça pour la Chine, pour les Etats-Unis, pour l'Europe, et pour l'Inde, où on a des personnes qui sont dédiées à ces quatre pays-là. Et donc pour le reste du monde, après... C'est plus une extrapolation, c'est un peu plus rudimentaire. Pour la déforestation, là pour le coup c'est plus complexe, parce qu'on n'a pas de rapport direct de la quantité de gaz émis lié à la déforestation pour chacun des pays. En fait ce qu'on a uniquement c'est des données qui viennent de la FAO sur les couvertures forestières des différents pays.

  • Florian

    Donc la FAO c'est l'organisme onisien pour l'agriculture ? Voilà.

  • Pierre Friedlingstein

    Food Agriculture Organization. Donc, ils répertorient les cultures pour les différents types de pays, les prairies, mais aussi les forêts. Donc, on a des couvertures forestières par pays. Mais ces inventaires sont faits en général tous les cinq ans et pas toujours la même année pour chaque pays. Donc, ça dépend un peu au bon vouloir des pays de rapporter leurs inventaires forestiers à la FAO. Donc, on a ces données-là qui sont incomplètes. Et parfois, la dernière donnée pour certains pays, ça peut être en 2017 et après 2017, on n'a rien. On doit supposer que la tendance à long terme continue jusqu'à maintenant, mais ce n'est pas assez incertain. Donc voilà, c'est beaucoup plus incertain. Et puis en plus, on n'a que les couvertures forestières. On n'a pas les flux de gaz. Après, il faut un modèle qui dit, si on avait une forêt, que maintenant on a une prairie à la place, il y a autant de carbone qui a disparu parce qu'il a été remplacé par un écosystème qui a beaucoup moins de carbone et donc qui est parti dans l'atmosphère.

  • Florian

    Et on ne peut pas le faire avec des images satellitaires ?

  • Pierre Friedlingstein

    On commence à faire des images satellitaires aussi, qui donnent des informations sur la couverture forestière. C'est une voie en cours de développement, on n'est pas encore opérationnel. Il faut digérer toute cette information satellitaire qui est assez importante, qui est assez énorme. Elle ne donne pas toute l'information non plus, la couverture forestière, elle ne donne pas le contenu de carbone dans les sols, donc il faut quand même avoir accès à des modèles après qui vont transférer, traduire cette information, couverture forestière vue par satellite, en flux de carbone.

  • Florian

    Je reviens rapidement sur les émissions. de CO2 d'origine fossile. Quand on faisait notre petit tour d'horizon des différentes régions du monde, est-ce qu'on observe un découplage absolu, c'est-à-dire un pays qui voit son PIB augmenter et dans le même temps ses émissions de CO2 baisser, tout en prenant en compte évidemment les importations, sinon ça pourrait être juste de la désinstruation ou de la tertiarisation ?

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, donc on a regardé dans le rapport, en fait on fait ça chaque année, on regarde le nombre de pays exactement comme vous dites, qui ont une économie croissante mais les émissions décroissantes. Et après on fait des tests. Statistique pour être sûr que c'est significatif et que c'est pas du bruit autour de zéro. Donc là cette année on a 26 pays dans le monde qui ont une croissance économique et qui ont une décroissance des émissions durables sur les dix dernières années. Donc c'est principalement les pays de l'Union Européenne, mais pas que, il y a aussi l'Afrique du Sud, les Etats-Unis, il y a Japon je pense, j'ai plus en tête, enfin je pourrais garder. Donc voilà, il y a 26 pays, ils représentent ensemble environ un peu moins d'un tiers des émissions. Ils sont de ceux de Global.

  • Florian

    D'accord. Donc c'est significatif.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc ça commence à devenir significatif.

  • Florian

    Mais c'est en prenant en compte les importations.

  • Pierre Friedlingstein

    C'est territorial uniquement ce qu'on fait. D'accord. Donc si on prenait en compte les importations, ce qu'on appelle les émissions liées à la consommation, ça changerait un petit peu, on en aurait un petit peu moins. La tendance à long terme est assez forte, parce que la bascule entre production locale et production exportée s'est surtout faite pendant les années 2000, quand la Chine principalement s'est fortement développée. Mais depuis 2010, en fait, on est plus ou moins stationné. Et donc, la tendance de décroissance des émissions qu'on voit, on l'a en émissions territoriales, mais on l'a aussi en émissions importantes.

  • Florian

    Et enfin, pour finir sur l'horizon, il faut parler de la croissance folle du secteur de l'aviation qui a fait plus 28%. On entend souvent que l'aviation pèse peu sur le bilan mondial des émissions de CO2. Combien de temps ce sera encore vrai ?

  • Pierre Friedlingstein

    Il pèse peu. La vie en transport international, c'est environ 3% des émissions. Donc voilà, on peut se dire que c'est évident, c'est pas beaucoup. En même temps, la France, c'est moins d'un pour cent. Donc voilà, la vision internationale, c'est plus de trois fois la France. Donc ce n'est pas inexorable. Si c'était un pays, il serait sans doute dans le top 20, c'est clair. Et en plus, comme vous le dites, il y a une croissance assez forte cette année. Bon, à nouveau, c'est encore un rebond Covid. Le transport aérien a chuté de 60-70% en 2020. Donc voilà, il est toujours en train d'essayer de s'en sortir. Et donc voilà, c'est sûr que le mode... L'aérien, c'est une croissance du transport et d'augmenter le transport. Il prévoit de doubler le transport d'ici 2040, ce qui semble effectivement difficilement compatible avec des objectifs de réduction forte des émissions. Donc ça va devenir clairement un secteur problématique.

  • Florian

    Fort heureusement, tout ce qu'on émet ne finit pas dans l'atmosphère, puisque un quart de nos émissions est capté par la biomasse et un autre quart par les océans. C'est ce qu'on appelle les puits de carbone, vous l'avez mentionné en introduction. Et régulièrement, l'état de ces puits ou leur capacité à... à stocker le carbone, les mises à jour, enfin en tout cas on entend des nouvelles dans l'actualité. Est-ce qu'il vaut bien nous dire ce qu'on sait ? Aujourd'hui, parce que moi j'ai vu passer un article qui disait que les océans capteraient plus de carbone que prévu grâce au plancton. On a vu passer aussi que la stratégie nationale carbone de la France se base en fait beaucoup trop sur les puits de carbone que sont les forêts. Où on en est ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors on en est pour l'instant, et c'est plus ou moins valable depuis 40-50 ans. Donc la biosphère continentale, les océans absorbent... ensemble un peu plus de la moitié des émissions. Donc c'est grosso modo moitié-moitié pour chacun, c'est un peu plus pour les continents que pour les océans. Mais en gros, si on émet 100 molécules de CO2 dans l'atmosphère, pour faire simple, il y en a 45 qui vont rester dans l'atmosphère, il y en a 55 qui vont repartir, 25 dans l'océan et 30 dans la biosphère continentale, en gros. Donc les processus, on les comprend relativement bien, c'est des processus physiques ou biologiques. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, il y a plus de photosynthèse, donc il y a plus de CO2 qui est capté par les plantes, et donc La biomasse est un peu plus importante. Après, à terme, ça va évidemment se décomposer parce que les feuilles mortes créent de la litière qui crée du carbone dans le sol qui va se décomposer par des micro-organismes. Donc il y aura un flux de retour. Il y a toujours un déséquilibre entre le flux d'entrée de photosynthèse qui est plus élevé parce qu'il y a de plus en plus de CO2. Et comme le CO2 continue à augmenter, la photosynthèse continue à augmenter. C'est quelque chose qu'on voit par satellite. C'est ce qu'on appelle le greening. Voilà, l'éclicureture... Les végétales augmentent. On le voit de l'espace. Pour l'océan, le processus, c'est plus physique. S'il y a plus de CO2 dans l'atmosphère, il y a plus d'échanges de CO2 par diffusion entre l'atmosphère et l'océan. Il y a plus de CO2 qui rentre dans l'océan. Ce CO2, après, il est exporté vers les eaux profondes et il est sequestré de manière durable. Tant que le CO2 augmente dans l'atmosphère, les puits de carbone océaniques et continentaux continuent à fonctionner. Nous, ce qu'on constate, c'est que sur 50 ans, ils sont plus ou moins constants, plus ou moins. Au niveau 25 et 30%, ça n'a pas beaucoup évolué. On évalue ça avec une combinaison de modèles et de données. Donc les modèles qu'on utilise sont des modèles qui essaient de reproduire le cycle du carbone. Et avec ces modèles, on peut voir l'impact du climat. Parce que sur le XXe siècle, évidemment, le CO2 a augmenté, mais le climat a changé aussi. Donc l'effet du climat est négatif et réduit l'intensité de ces puits. Pour la biosphère, on estime que c'est environ 20%. Donc en fait, les puits biosphériques seraient encore plus élevés s'il n'y avait pas de changement climatique. Donc le climat réduit les puits, pourquoi ? Parce que le réchauffement induit à des périodes de sécheresse, conduit à des feux, par exemple, qui vont réduire la productivité ou la biomasse aérienne. Le réchauffement induit aussi une augmentation de la décomposition de la matière organique dans les sols, parce que plus il fait chaud, plus la décomposition est active. Il y a les permafrost qui peuvent commencer à fondre, etc. Mais même en règle générale, tous les sols ont une décomposition qui est un peu plus rapide parce qu'il fait plus chaud, il fait un débit de... plus qu'il y a 150 ans. Dans l'océan, c'est l'autre processus, mais en gros, la circulation océanique fait qu'il y a moins d'export de carbone vers les zones profondes. La solubilité du CO2 diminue aussi avec la température. Donc tout ça fait que les puits de carbone réduisent un petit peu dans l'océan. Mais comme le CO2 continue à augmenter, il y a une balance entre cet effet climatique qui voudrait réduire les puits et l'effet du CO2 qui continue à augmenter et qui augmente les puits. Et donc ce qu'on voit, c'est que pour l'instant, ils sont plus ou moins constants. Ils restent, ils continuent à absorber en gros la moitié de la perturbation tropique. Mais c'est vrai qu'on s'attend. Si le changement climatique continue à s'amplifier, cette fraction de carbone absorbée par les réservoirs naturels pourrait diminuer, laissant plus de CO2 dans l'atmosphère et amplifiant le réchauffement.

  • Florian

    Mais tout ça, c'est soumis à des incertitudes.

  • Pierre Friedlingstein

    C'est soumis à des incertitudes. La seule chose qu'on peut dire de manière formelle, c'est que quand on regarde les 51 années, on regarde les données de CO2 à Monaloa, on regarde la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Comment il évolue en fonction des émissions, on voit que c'est plus ou moins constant, il y a à peu près la moitié du CO2 qui reste. Donc on est sûr que pour la période passée, il n'y a pas d'emballement, il n'y a pas de rétroaction positive majeure qui fait que les océans, les continents arrêtent de propiler du CO2.

  • Florian

    Quand ça se fait qu'en France alors, on est trop parié sur les puits de carbone naturel ?

  • Pierre Friedlingstein

    Je pense que les puits de carbone naturels sont globalement importants. On a des forêts, on a des forêts gérées, on a des forêts plantées qui absorbent une partie du CO2. Alors il y a tout un débat au niveau international, au niveau de la communauté scientifique, sur est-ce que ces puits de carbone dans les forêts font partie des puits naturels, comme ce que nous représentons dans le carbone budget, ou font partie des inventaires forestiers des pays, et donc peuvent être comptés comme émissions négatives, ce que font les pays comme la France. En fait, il y a une sorte de désaccord entre la comptabilité des puits de carbone, Il faut faire attention de ne pas les compter deux fois. On ne peut pas se dire, voilà, nous on a des émissions moins fortes parce qu'on pompe un peu de CO2 dans la biosphère. Et puis en plus, on sait que finalement, après, il y aura 50% qui sera absorbé par les mêmes systèmes. Donc là, du coup, on compterait deux fois la même chose, donc il y a un souci. Mais sinon, de fait, oui, effectivement, les forêts françaises absorbent une partie du CO2. C'est clair. Après, on a bien vu l'été passé avec les feux de forêt assez importants. Et même cette année-ci avec les feux de forêt au Canada qui ont... émis une quantité astronomique de CO2 dans l'atmosphère, qu'il y a une limitation assez importante à la durabilité de ces puits.

  • Florian

    Sur ces feux gigantesques du Canada, puisqu'on va maintenant continuer de parler de déforestation, cet été, est-ce qu'ils sont comptabilisés dans votre rapport comme de la déforestation ? Est-ce que la quantité de CO2 émis est substantielle par rapport aux émissions de CO2 globales ?

  • Pierre Friedlingstein

    Alors par rapport à la déforestation, on les compte pas comme la déforestation parce que c'est pas une activité anthropique directe. C'est pas l'homme qui a fait brûler les forêts canadiennes pour les remplacer par des cultures, c'était pas du tout l'intention. C'est entre guillemets naturel, après on peut dire que c'est pas vraiment naturel parce que c'est le changement climatique qui a favorisé l'émergence des conditions pour avoir des feux de cette intensité-là. Donc je dis pas que c'est complètement naturel, mais enfin en tout cas c'est pas une activité qui était directement induite. par l'homme. Donc c'est pas de la déforestation. Ça rentre dans l'épidcarbone naturel, et donc ça réduit l'intensité d'épidcarbone naturel. Après, il y a une partie, évidemment, de ces forêts qui vont repousser. Elles vont se rétablir. Et donc il y a une partie du carbone qui a été dégazé cette année-ci, qui va être réabsorbée sur les 20 prochaines années par ces mêmes forêts. Donc c'est pas une source de CO2 pour toujours. Alors maintenant, si on regarde cette année-ci particulière 2023, c'est sûr que les émissions... J'ai oublié les chiffres. ...exact, mais les émissions liées au feu de forêt au Canada étaient nettement supérieures aux émissions de combustible fossile du Canada.

  • Florian

    Et à l'échelle mondiale, le ratio émissions de CO2 par les énergies fossiles et émissions de CO2 par la déforestation ?

  • Pierre Friedlingstein

    C'est 90% fossiles et 10% déforestation.

  • Florian

    D'accord.

  • Pierre Friedlingstein

    On est là plus ou moins.

  • Florian

    Donc, ces émissions de déforestation... En gros, ce que vous nous dites, c'est que c'est majoritairement des arbres qui ont été coupés pour faire de l'agriculture derrière. Oui,

  • Pierre Friedlingstein

    principalement. Donc, c'est principalement dans les régions tropicales. Les fruits de déforestation, c'est assez compliqué parce que l'homme fait beaucoup de choses avec ses forêts, avec ses sols. Donc, il coupe des forêts, il laisse repousser des forêts. Il fait ce qu'on appelle la shifting cultivation où il a des cultures pendant certaines années. Et puis après, les sols s'appauvrissent. en nutriments, donc on laisse les forêts revenir et on exploite d'autres sols, et puis 10 ans après on revient et ils tourneront comme ça. Ça pour le coup n'a pas d'effet à long terme sur le CO2, parce qu'en fait c'est un peu des transitions où on laisse des parties en jachère. Par contre, la déforestation durable, où effectivement on transforme une forêt primaire en soit de culture soit de prairie, ça c'est un effet net clair avec un flux de CO2 dans l'atmosphère, et de même, là, ce que On appelle ça la reforestation, donc on abandonne des anciennes cultures pour laisser les forêts revenir. C'est ce qu'on fait en Europe, aux Etats-Unis, mais également aussi dans les tropiques et subtropiques. Pour l'instant, ce qu'on estime, c'est que les flux liés à cette reforestation, ce qui est une sorte de carbon dioxide removal,

  • Florian

    d'émission de carbone,

  • Pierre Friedlingstein

    donc ça représente environ 2 gigatonnes. de CO2, alors que les émissions il y a de déforestation dans l'autre sens, quand on coupe des forêts c'est environ 4 gigatonnes donc on coupe deux fois plus de forêts qu'on en laisse repousser mais juste sur ce point là on lit beaucoup que la reforestation

  • Florian

    Ça ne marche pas en fait. Mais quand on voit que ça capte quand même 2 gigatonnes, ce qui représente 5% des émissions mondiales, c'est quand même pas anodin.

  • Pierre Friedlingstein

    Ah non, c'est pas anodin du tout, ça marche très bien. C'est sûr que si on arrivait, d'un coup de paquette magique, à arrêter la déforestation, le flux net de déforestation qui maintenant est un flux de l'atmosphère se transformerait en un flux qui rentre dans les écosystèmes. Puisqu'on continuerait à avoir de la reforestation, on continuera à avoir des espaces où les forêts repoussent, qui continueraient à absorber environ... gigatonnes. Donc c'est sûr que c'est pas du tout anodin, la reforestation. Donc je pense qu'il faut absolument arrêter la déforestation dans les bidromicaux et encourager la reforestation. Il y a un potentiel assez important de carbone qu'on peut restocker dans les parties qui ont été déforestées au cours des cinquantaines d'années.

  • Florian

    Il n'y a pas beaucoup de bonnes nouvelles dans cette interview, alors ce serait dommage de passer à côté de celle-là. La déforestation est en baisse.

  • Pierre Friedlingstein

    La déforestation est en baisse effectivement. Donc on... Comme je vous disais en intro, c'est assez compliqué la déforestation. parce qu'on n'a pas des chiffres directs, donc c'est des estimations indirectes à partir de couvertures forestières qui sont répertoriées en gros tous les 5 ans, ça dépend des pays. Donc on est beaucoup plus incertain. Donc si vous regardez les figures du carbon budget sur les émissions fossiles, on est sûr de nous, c'est à 5% d'erreur. La déforestation, on est beaucoup moins sûr, c'est en gros 50% d'erreur. Donc on dit que ça diminue, mais ça pourrait être stable. Parce que vu l'incertitude, on a trois modèles différents qui essaient d'ingurgiter toutes ces données de forestiers. pour en sortir des flux de carbone, et ils ne sont pas toujours consistants. Donc, à l'échelle globale, on fait la moyenne des trois modèles, on voit qu'il y a une légère décroissance. On pense qu'effectivement, on a envie d'y croire, mais voilà, on n'est pas formel. Il y a un risque non nul qu'en fait, la décroissance soit moins faible. Elle pourrait être plus élevée aussi, forcément, puisqu'on est incertain. C'est une bonne nouvelle, mais à prendre avec les pincettes.

  • Florian

    Bon. On va essayer. Donc les pays qui sont le plus prêts dans la déforestation, c'est Brésil, l'Indonésie, Congo, je crois que les trois, ça fait déjà 70% de la déforestation.

  • Pierre Friedlingstein

    50-55.

  • Florian

    55% de la déforestation mondiale. Quels sont les...

  • Pierre Friedlingstein

    Bon, peut-être, on parle beaucoup du Brésil, de l'élection de Lula. Est-ce que cette augmentation, enfin cette baisse de la déforestation, ça pourrait être lié à sa politique ou c'est encore un peu trop pour le dire ?

  • Florian

    À nouveau, c'est trop tôt pour le dire. C'est comme les 7% en Europe maintenant, c'est trop tôt pour dire qu'elles sont vraiment les... Les tendances aboutissantes, les moteurs de ces décroissances, c'est sûr que si on regarde la tendance au Brésil, on voit une décroissance, un pic de déforestation il y a quelques années, maintenant c'est en décroissance légère. On peut espérer que ce soit une tendance à long terme. Là aussi, on a des satellites qui peuvent nous aider à mieux répertorier ce qui se passe sur le terrain, plutôt qu'uniquement les inventaires FAO à l'échelle du pays. Donc on a des données plus spécialisées, avec des groupes avec lesquels on travaille directement au Brésil, pour essayer de mieux comprendre ce qui se passe. Pareil pour l'Indonésie. On a également des données, la déforestation d'Indonésie est principalement liée à l'agriculture, il y a des palmes. Donc, c'est pour ça qu'il déforeste massivellement. Et on ne voit pas encore des tendances claires à la réduction. Donc là, c'est plus ou moins stable pour l'instant en Indonésie. Pareil pour la République démocratique et la République de Congo. Il n'y a pas encore de tendance à long terme à la décroissance des émissions. Donc, pour l'instant, le gros de la décroissance qu'on voit globalement, c'est tiré par le Brésil.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc, on a dit tout à l'heure qu'il y a eu un record d'émissions de CO2 d'origine fossile. Néanmoins, si on prend en compte toutes les émissions de... CO2, ça veut dire celle d'origine fossile et celle de la déforestation, on est, avec les incertitudes, peu ou prou égale à 2019. Donc on a parlé de retirer du carbone de l'atmosphère. Il y a une autre manière de retirer du carbone de l'atmosphère, c'est toutes les technologies, les climate tech, comme on dit. Est-ce que ceux-là, en 2023, commencent à avoir des quantités significatives de... et de carbone retirer l'atmosphère.

  • Florian

    Malheureusement non, encore une mauvaise nouvelle. Je ne dis pas que ça ne va pas évoluer dans le futur, c'est sûr que c'est un secteur qui est en croissance. Mais là, on fait l'inventaire de la capture de carbone liée à la reforestation, on a aussi en plus fait l'inventaire de capture liée aux technologies. Donc il y a un rapport qui est sorti avant l'été, donc on s'est inspiré, on a travaillé avec eux, on a en gros réanalysé leurs chiffres et repris leurs chiffres, parce qu'il n'y a pas de nouvelles estimées. Et donc voilà, on arrive à... L'ordre de grandeur des émissions de sous-deux fossiles, c'est des milliards de tonnes. On est à 40 milliards de tonnes de sous-deux par an. Là, si on prend l'ensemble de toute l'économie qui capture du sous-deux dans l'atmosphère, on est à... 1 million de fois plus faible que les émissions actuelles. Donc si on voulait conserver nos émissions actuelles et uniquement absorber du CO2 par des technologies, il faudrait multiplier ces technologies par un facteur 1 million. Ça ne me semble pas vraiment réaliste. Je pense que ce n'est pas une solution pour ne pas réduire les émissions. C'est un peu une solution, en partie, pour certains secteurs. On parlait de l'aviation tout à l'heure. On n'a pas trop d'idées pour faire de l'aviation sans... sans kérosène, ou après on peut imaginer des carburants biologiques, mais enfin ce sera assez limité, il y aura d'autres soucis. Donc pour l'aviation on n'a pas trop de solutions, il y a quelques autres secteurs où on n'a pas de solutions. Là on peut se dire, il faudra retirer le CO2 qu'on émet, pour peut-être une gigatonne ou deux gigatonnes, on peut imaginer que si ces technologies se développent, en cours d'un facteur 1000-10000 on peut y arriver. Mais ça ne remplacera pas la réduction indispensable des émissions.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc le CO2, ce n'est pas le seul gaz à effet de serre, loin de là. Le méthane est responsable d'environ un tiers du réchauffement climatique, ce qui est loin d'être négligeable. Le méthane s'est longtemps resté un peu le parent pauvre des gaz à effet de serre par rapport à son importance qu'il prend dans le forçage radiatif. Mais cette année, c'était un peu au centre des débats à la COP. Pourquoi on a mis autant de temps à commencer ? à en parler ?

  • Florian

    Alors en fait si on regarde le méthane, il y a deux sources principales de méthane liées aux activités humaines. La première c'est tout ce qui est lié au secteur des énergies fossiles de nouveau. On extrait des combustibles fossiles et en fait il y a des fuites, donc il y a des fuites de méthane à l'extraction. On transporte du gaz, il y a des fuites. Voilà. Dans des pipelines, voilà l'exemple évidemment clair, c'est dans Nord Stream l'année passée, mais enfin il y a... tous les pipelines ont des fuites de méthane. Sans que ça saute, ouais. Sans que ça saute même, voilà. Et même au niveau de la distribution dans les villes, il y a des fuites de gaz régulières. Voilà, c'est un système qui n'est pas connu en aromatique. Donc en fait, les pays sont engagés à réduire fortement toutes ces fuites, toutes ces pertes de gaz. Ça, c'est un engagement qu'ils ont fait à la COP la semaine passée. Donc ça, c'est très très bien. Ça représente grosso modo à peu près la moitié des émissions anthropiques de méthane. L'autre gros secteur, c'est tout ce qui est agriculture. Là, à nouveau, on peut le diviser en deux sous-secteurs. Un, c'est le bétail. Tout le monde sait où est les vaches. Ça émet du méthane. Donc il y a une partie importante des émissions de méthane actuelles qui est liée au fait qu'on... On a de plus en plus de cheptels de bovins. Et l'autre secteur, évidemment, c'est les rizières. Donc, principalement, évidemment, en Asie, les rizières poussent dans l'eau. Donc, il y a une décomposition anaerobique de la matière organique. Il n'y a pas assez d'oxygène. Donc, du coup, ça ne produit pas du CO2, ça produit du méthane. Donc, pour les secteurs fossiles, on a des engagements clairs à la COP. On va réduire ça. Donc, en fait, on peut se dire que c'est une évidence. Et on se demande même pourquoi on n'a pas fait ça plus tôt. Parce que... C'est limiter les pertes. C'est juste plus efficace. C'est transporter du méthane sans le perdre. L'agriculture, c'est plus compliqué. Ça impacte plus de gens. Il n'y a pas de solution simple. On ne peut pas remplacer des vaches par des vaches qui ne perdent pas de méthane. C'est directement des rizières, pas des rizières, qui ne mettent pas de méthane. Donc c'est plus complexe.

  • Pierre Friedlingstein

    Quel est l'état du puits de méthane naturel qui est le radical hydroxyde ? Donc formule chimique OH, pour ceux qui préfèrent les acronymes. J'ai lu que... Les mesures visant à limiter la pollution de l'air des transports et notamment des containers, ou par exemple le bannissement des voitures diesel, amoindriraient ce puits de carbone. Et c'est pour ça que le méthane dans l'atmosphère a rapidement augmenté ces dernières années, du fait des normes, mais aussi du fait du Covid qui a enlevé beaucoup de voitures des routes. Est-ce que vous avez des éléments ?

  • Florian

    Oui, ben... En gros, à peu près les mêmes que vous, dont j'ai lu des articles scientifiques aussi récemment. Voilà, c'est encore une activité de recherche qui est encore en cours. On n'a pas une vision complète globale de l'évolution du puits hydroxyle, c'est assez compliqué à mesurer, et donc à suivre à long terme. Donc en fait, on a des mesures indirectes via d'autres gaz, et puis après on essaie effectivement de faire des bilans, de voir avec des modèles qu'on appelle les modèles de chimie transport atmosphérique, d'essayer de représenter la chimie. du méthane dans l'atmosphère et de voir comment elle évolue. Donc en fonction effectivement d'autres précurseurs qui peuvent influencer sur la consommation d'OH et du coup, s'ils consomment du OH il reste moins d'OH pour oxyder le méthane et du coup le méthane va rester un peu plus longtemps dans l'atmosphère, son temps de vie va augmenter. Mais également d'autres facteurs comme le facteur climatique qui faut que par exemple s'il fait plus chaud il fait plus sec, ça peut modifier les émissions naturelles. Donc par exemple de tout ce qui est les tourbières ou les permafrosts de haute latitude Donc voilà, il y a pas mal de facteurs. Donc on utilise évidemment des données atmosphériques, des modèles atmosphériques, aussi des données isotopiques pour essayer de séparer, de comprendre quelles sont les différentes contributions qui pourraient expliquer la croissance qu'on a observé du méthane sur les années. Mais le méthane c'est assez compliqué. Dans les années 90-2000, le méthane était stable pendant une dizaine d'années. On a eu un plateau de la concentration de méthane dans l'atmosphère et à nouveau on ne savait pas trop pourquoi. Puis il est reparti, l'augmentation, depuis plein d'années. Donc c'est vraiment un sujet de recherche en ce moment.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc vous revenez de la COP 28 à Dubaï. Qu'est-ce qu'il en est sorti concernant les sources de gaz et de fer, comme on vient d'évoquer ?

  • Florian

    Alors, pour la première fois, donc après 27 COP, il y a dans le texte final une reconnaissance que la combustion de gaz, pétrole et charbon est responsable du problème climatique et que donc il faut à terme en sortir. Donc on peut être assez estomaqué qu'il y ait Il y a 27 ans pour que les pays le reconnaissent, c'est malheureusement ce qui se passe. Donc là, dans le texte final, il y a une phrase qui dit qu'il faut... C'est sujet à l'approbation de tous les pays du monde, donc ils ont mis un temps infini à se mettre d'accord sur les mots.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc pour ceux qui ne savaient pas, dans l'accord de Paris, il n'y a pas marqué énergie fossile.

  • Florian

    Voilà. Dans l'accord de Paris, il n'y a pas marqué énergie fossile. Il y a marqué ambition de limiter le réchauffement à 2 degrés, voire 1.5 si possible, tout ça. Mais on n'a pas mis, on n'a pas pointé sur... Le responsable est qui ? La première fois que ça est apparu, c'est dans le rapport de Glasgow, donc la COP26, il y a deux ans, où le charbon a été mentionné pour la première fois. Et donc là maintenant, on peut dire que c'est un grand pas en avant, c'est qu'on mentionne enfin tous les combustibles fossiles, sans exception, en disant qu'ils sont la source du problème, en gros. Et que donc il faut, en anglais, transitioning away, donc faire une transition qui s'écarte de plus en plus de ces combustibles, De manière à arriver à ce qu'il appelle le net zéro aux environs 2050. Donc il y a une direction générale qui est il faut s'en écarter, et il y a un objectif qui est zéro en 2050. Donc ça en soi c'est une très bonne nouvelle. Après évidemment, les accords des COP sont pas contraignants. Tous les pays ont signé l'accord, mais ce n'est pas pour ça qu'ils vont forcément faire ce qu'il faut pour les respecter.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais si ce n'est pas contraignant, pourquoi il y en a qui freinent pour mettre le mot énergie fossile ?

  • Florian

    En fait, il n'y a pas que les pays du Golfe Persique et du Moyen-Orient. C'est plus compliqué que ça. Évidemment, il y a la Russie également, qui est un gros producteur de gaz. Il y a également des pays comme l'Inde. qui ont une demande énergétique telle que pour l'instant, ils ne peuvent pas imaginer de se dire qu'ils n'auront plus de pétrole, plus de charbon. Mais il y a également des pays comme les pays d'Afrique, qui ont des ressources fossiles, qui ont un niveau de développement encore beaucoup plus faible. et qui, à juste titre, pose la question est-ce que nous aussi on a le droit d'utiliser un peu du pétrole et du charbon qui est sur nos pieds, avant de décider de manière globale que c'est fini, on ne l'utilise plus. Donc, dire on arrête, ce qui en anglais était phase out, c'était une fin de non-recevoir de beaucoup de pays du monde. Alors, en fait, je crois, si j'ai bien lu, il y a environ 130 pays dans le monde qui étaient pour la mention phase out. Donc, c'est l'Europe, c'est les Etats-Unis...

  • Pierre Friedlingstein

    Vous pouvez préciser juste la différence entre phase out et transitioning ?

  • Florian

    Alors initialement, il y avait deux options sur la table. Il y avait phase down et phase out. Phase out, ça veut dire on arrête. On descend, phasing out, ça veut dire on décroît, et jusqu'à out, zéro. Phasing down, ça veut dire on décroît, mais ça ne veut rien dire de plus, ça veut juste dire on décroît. Ça ne veut pas dire on va arriver à zéro, ça veut juste dire on va ralentir. Donc il y a pas mal de pays du monde qui étaient pour le phasing out, il faut arrêter les fossiles, c'est clair, on sait bien que c'est la cause principale d'un changement climatique, dont l'Europe, les Etats-Unis, mais également les pays, les petits, toutes les pays, les petites îles, au cas de condiment. qui sont directement concernés par le changement climatique et la montée du niveau des mers. Au total, ça faisait environ 130 pays. Et donc, il en restait quand même beaucoup, 60, 65, qui étaient tout à fait contre, qui étaient complètement opposés à l'idée de phasing out, et donc qui voulaient phasing down, qui était on va réduire. Et donc, les autres pays disaient non, phasing down, c'est pas assez ambitieux, c'est pas possible, on va jamais arriver si on dit phasing down. Et donc, ils ont tergiversé pendant des jours et des nuits, et finalement, ils sont arrivés à cette... Ce compromis qui est on va transitionner. hors de, en arrivant à un net zéro en 2050.

  • Pierre Friedlingstein

    Ok. Donc, pour être tout à fait précis, il y a phasing out qui serait le plus ambitieux, transitioning away qui serait au milieu, et phasing down un peu moins ambitieux.

  • Florian

    Oui, encore moins ambitieux, c'est ne pas le mentionner du tout. Oui. Ce qu'on a fait jusqu'à présent.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc, vous avez plutôt l'air de faire partie de ceux qui voient le verre à moitié plein, parce qu'il y a beaucoup de commentateurs qui ont parlé de... pas d'échec mais de déception par rapport à cette copie oui mais c'est sûr que tous les partis qui voulaient une mention claire du phasing out donc

  • Florian

    On s'en sépare, à jamais, forcément c'est un échec, ils sont déçus. Parce qu'ils voulaient plus et ils ont eu un compromis qui est forcément moins satisfaisant. Ça c'est évident. Pour moi, après, il y a quand même un signal fort qui est, il faut s'éloigner des énergies fossiles. Donc au niveau des secteurs financiers, on peut espérer qu'à terme, ça commence à modifier les investissements pour essayer de sortir du tout fossile et des subventions fossiles. C'est aussi ce qu'ils espèrent. des pays. Après, au final, voilà, je vous dis, ce rapport n'est pas contraignant. Ce qui est contraignant maintenant, c'est qu'est-ce que les pays en font ? Donc, l'Union Européenne, les Etats-Unis, tous les pays du monde, on dit, voilà, maintenant on met en place une transition énergétique pour sortir du fossile d'ici 2040, 2050, 2060, ça dépend des pays, et voici comment on la met en place.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais en même temps, c'est difficile de trouver un consensus entre des puissances comme les Etats-Unis, l'Europe, voire la Chine, qui ont financièrement, la possibilité d'installer des ENR ou du nucléaire, et d'autres pays qui n'ont même pas l'électricité dans toutes les maisons. On n'est pas du tout sur les mêmes priorités. C'est un peu bizarre de demander à tout le monde uniformément de sortir quoi.

  • Florian

    Oui, après c'est pas uniformément dans le sens que c'est écrit dans le texte aussi, l'implémentation se fera au niveau des pays. Donc la COP n'a de toute façon pas le pouvoir, les Nations Unies n'ont pas le pouvoir d'imposer aux pays, de dire voilà vous devez réduire de 5% par an tous les ans à partir de 2024. En fait l'implémentation, c'est ce qu'on appelle donc les NDC, les National Determined Contribution, c'est ce que chaque pays décide qu'il peut faire comme contribution au problème global. Et donc... Chaque pays rend sa feuille de route, on dit, si d'ici 2030 on va réduire des X%, d'ici 2050 on réduit de Y%, et ça c'est, les pays sont souverains, c'est eux qui décident à quelle vitesse ils vont faire ces transitions. Et donc de fait, effectivement, les pays comme l'Union Européenne ont des ambitions plus fortes que l'Inde, par exemple, ou que des pays africains, et ça c'est normal.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais donc, je reviens un peu sur ma question tout à l'heure, si c'est une bonne nouvelle que les énergies fossiles soient minces, dans le texte, mais que le texte n'est pas contraignant, en quoi c'est vraiment une bonne nouvelle. Qu'est-ce que ça implique ?

  • Florian

    Je pense que ça... Ça implique que les pays peuvent s'appuyer sur ces textes pour dire, bon voilà, c'est ce qu'il faut faire maintenant. Donc on met en place une stratégie nationale, bas carbone, comme on le fait en France, comme on le fait en Union Européenne, comme on le fait aux Etats-Unis aussi. Voilà, on a une sorte de mandat qui est, on s'est tous mis d'accord à la COP, il faut sortir des initiatives fossilistes 2050, maintenant il faut le faire. S'il n'y a pas de mandat, s'il n'y a pas de texte, il y a beaucoup moins de pression. Au niveau électoral, pareil, les électeurs sont en droit d'exiger... que leur pays fasse ce qu'il a signé à la COP.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc, vous le mentionnez tout à l'heure, votre rapport aussi consiste en définir un budget de gigatonnes de CO2 qu'il reste à émire avant d'atteindre un objectif, mais pour le coup, c'est pas vraiment... C'est plutôt une mauvaise chose d'atteindre les 1,5 degrés ou les 2 degrés. Donc après cette année 2023, qu'est-ce qu'on peut dire ? On entend de plus en plus que les 1,5 degrés, c'est cuit déjà, malgré ce qu'a dit... Al-Jaber, le président de la COP, puisqu'il a rappelé, tenu objectif, mais bon, en même temps, qui a envie d'être le président qui dira que c'est mort ? Il faudra bien que quelqu'un s'y colle un jour, mais je réponds à pas votre question, c'est mort.

  • Florian

    C'est-à-dire que ça semble très très difficilement imaginable. Là, on fait, dans le carbone belge, on regarde un peu ce qu'il nous reste de CO2 à émettre avant d'arriver à 1,5. Donc on reprend les chiffres du GIEC, on les met à jour avec les émissions qui sont écoulées depuis que le rapport du GIEC est paru. Puis il y a un autre rapport qui est sorti entre On prend la moyenne de tout ça, on essaie de faire notre meilleure estimation. On estime que si on continue à mettre au rythme actuel, dans 7 ans, on a une chance sous 2 de 3,5°C. Pour 1,7 ou 2°C, c'est un peu plus, un peu plus de temps forcément, puisqu'on peut avoir plus de sous 2°C pour atteindre un niveau de réchauffement plus élevé. Mais quoi qu'il arrive, c'est limité. Donc 1,5°C, c'est 7 ans. Donc on imagine mal que les émissions chutent de manière drastique dans les années qui viennent. Donc si on émet au niveau actuel... Actuellement, pendant 7 ans, on arrive à 1,5, ce qu'on peut aussi traduire par, si on imagine qu'on décroît de manière linéaire à partir d'aujourd'hui, on devrait arriver à zéro dans 14 ans. Donc ça veut dire qu'on est, par exemple, en 2024, avant 2040, on devrait arriver à zéro. Il n'y a aucune trajectoire actuelle qui est compatible avec ça. Quand on regarde ce que les différents pays s'engagent, donc ce que je disais tout à l'heure, les NDCs, les contributions par pays, ils s'engagent à réduire de 80% d'ici 2030. Voilà le même. L'Europe qui a 40% d'ici 2030, ou 45%, un peu plus maintenant je crois, ils y revisent à la hausse chaque fois. Les autres pays, si on met tout ça ensemble, en 2030, on sera plus ou moins, même ces émissions qu'actuelles. Il y aura des pays qui seront en décroissance déjà, il y aura des pays qui seront encore en croissance, comme l'Inde, qui ne prévoit pas de diminuer leurs émissions d'ici 2030. Donc si on met tout ça en global, les émissions d'2030 seront, avec beaucoup de chance, un peu plus faibles qu'aujourd'hui. Mais en tout cas, pas de 50% plus faibles, ce qu'il faudrait pour qu'elles soient réduites de 100% d'ici 2040. Donc c'est sûr qu'on a très bonne chance de rester en dessous de 1.5. Alors après, ce qu'on peut espérer, et je pense que c'est ce que la plupart des gens reconnaissent maintenant, c'est que comme on envisage qu'on peut avoir des émissions négatives, donc on peut capter le CO2 de l'atmosphère, on peut retirer le CO2 de l'atmosphère, et donc du coup on peut refroidir la planète. Donc on peut passer un peu au-dessus de 1.5, et puis si on continue à réduire le CO2, réduire le CO2 en le captant, on peut redescendre. tout le chemin, la trèfle superclimatique. Et donc, en fait, revenir à 1,5, mais par le haut, plutôt qu'arriver à 1,5 par le bas. Voilà. Donc ça, c'est un peu le...

  • Pierre Friedlingstein

    Oui, mais ça, c'est... Est-ce que c'est réaliste ? Parce qu'on a parlé des puits de carbone qui étaient stables, mais voilà, dans un climat qui se réchauffe, ça risque de se compliquer. On a parlé des technologies qui représentaient des pognèmes de milliards.

  • Florian

    Réaliste, c'est difficile à dire. Qu'est-ce qui est réaliste en 2040, en termes de technologies ? Voilà. Moi, je suis assez... Mais ça c'est mon opinion personnelle. Si je regarde les rapports du GIEC, donc du groupe 1, il continue à dire qu'il y aura des piles de carbone, donc ça c'est mon domaine, je suis assez convaincu qu'en 2040 on aura encore des fruits qui pourront prendre du CO2, on aura encore des océans qui vont absorber du CO2, surtout si on décélérise les émissions, que donc le réchauffement ne s'amplifie pas de manière... En tout cas, voilà. L'amplitude du réchauffement décélère, effectivement. Après au niveau des piles technologiques, à nouveau, si on lit les rapports du GIEC, surtout du groupe Sur la partie mitigation, il y a une partie qui est liée à la reforestation, il y a une partie qui est liée à ce qu'ils appellent les BECS, énergie biologique avec des cultures fourragères par exemple, et après qui sont capturées et stockées sous sol. Donc en fait on peut comme ça produire de l'énergie, mais également pomper du CO2 et le stocker après. Donc il y a plein de technologies comme ça, la direct air capture. Donc s'ils mettent tout ça ensemble, eux ils arrivent à des scénarios dans leur modèle, qu'on appelle les modélatifs. intégré à ce qu'est strip et sur gigaton. Voilà, donc après, on a le droit en tant que non-expert d'être empathétique, mais on peut aussi se dire, voilà, c'est les meilleurs outils qu'on a pour l'instant pour essayer de prédire l'évolution socio-économique des 20-30 prochaines années. Voilà, c'est difficile d'avoir des éléments factuels pour vous dire que ça ne va pas se passer. Parce que ça se passe dans le monde des modèles, mais après, ça se passe dans le monde des modèles, je ne veux pas du tout dire que ça va se passer dans le réel. On est bien d'accord.

  • Pierre Friedlingstein

    Surtout si les modèles ont comme entrée un objectif de degré.

  • Florian

    Oui, bien sûr, les modèles ont un objectif. Si on veut faire 1.5, qu'est-ce qu'on fait ? Dans les modèles qui sont des modèles socio-économiques, ils disent pour faire arriver 1.5, on ne va peut-être pas y arriver tout de suite, mais on va y arriver en montant et en descendant, et on va utiliser cette technologie-là, cette technologie-là, cette technologie-là, elles vont se développer de manière exponentielle pendant les 20 prochaines années. Le coût à ceci et à ceci, il y avait trop de temps. Le coût de la tonne de carbone sera d'autant, donc les investissements vont se faire dans cette direction-là. Voilà, ils mettent tout ça ensemble. Ils font au mieux qu'ils peuvent. avec leur compréhension du système socio-économique et énergétique actuel. Après, on peut continuer à se dire, oui, ok, mais c'est super optimiste.

  • Pierre Friedlingstein

    Vous avez dit que les émissions allaient se stagner jusqu'en 2030, à peu près. Il y a des analyses récentes menées par l'Agence internationale de l'énergie et Climate Analytics qui suggèrent que les émissions de CO2 des énergies fossiles mondiales pourraient avoir atteint leur pic en 2023, à mesure que la croissance des énergies propres... s'accélère et que l'utilisation des combustibles fossiles diminue. Ce n'est pas la première fois que l'AIE annonce un pic d'émissions de CO2. Qu'en pensez-vous pour cette fois-ci ?

  • Florian

    Comme vous le dites, ce n'est pas la première fois. Je pense qu'on peut prendre rendez-vous en 2024 et voir où on en est. Là, vu la croissance de l'Inde et de la Chine actuelle, même si la Chine, on l'a parlé, c'est peut-être plus une anomalie 2023 qu'une tendance à long terme, on est bien d'accord. Ça n'empêche qu'ils sont quand même à plus 4%, même si l'année prochaine ça va mieux, j'imagine mal qu'ils passent dans le négatif directement en un an. L'Inde, voilà, à nouveau 8%, j'imagine mal que l'Inde passe à une croissance négative. Donc après, je n'ai pas fait les calculs, mais on pourrait, sur un bout de papier, faire quelle croissance on peut autoriser à l'Inde, en imaginant une décroissance en Europe, en Etats-Unis, une croissance nulle en Chine, une décroissance du reste du monde, pour que finalement on ait une décroissance globale du monde mondial. Les calculs seraient assez simples à faire, on pourrait le faire. Voilà, mais comme ça, de tête, je vous dirais qu'il faudrait beaucoup d'éléments qui aillent dans la bonne direction pour qu'on ait un pic en 2023 et qu'en 2024 on soit déjà en dessous de 2023. Donc je pense que de manière conservative, je vous dirais qu'on va attendre 3-4 ans, 5 ans, et on verra où on en est. Et donc on pourra dire si effectivement on a atteint un pic et qu'on a une tendance à plus ou moins long terme de l'écroissance. En 2020. On s'est tous dit, voilà c'est bon, on a un pic, j'ai des collègues climatologues qui ont fait des paris sur internet en disant 2019 sera l'année historique en termes d'émissions de CO2, on n'arrivera plus jamais au-dessus de ça. On y est maintenant, on est au-dessus de 2019. Je suis prudent.

  • Pierre Friedlingstein

    Donc la croissance des énergies renouvelables un peu folles, notamment en Chine, ne va pas remplacer tout de suite du fossile, pour l'instant ça va être un corps être plutôt s'ajouter ?

  • Florian

    On l'a bien vu cette année. À nouveau, la croissance des renouvelables en Chine et en Inde sont supérieures à 10% de nouvelles installations. Donc c'est énorme. C'est vraiment une capacité de développement de nouvelles structures renouvelables qui est impressionnante. C'est une croissance à deux chiffres. Mais malgré tout, les émissions chinoises et indes de combustibles fossiles augmentent également. Donc en fait, le déploiement des renouvelables n'est pas assez important pour supporter le besoin. énergétique. Donc après, finalement, ça peut évoluer, ça peut changer, et on va arriver forcément à un point de bascule à terme où on aura moins besoin d'énergie fossile. Mais je ne suis pas convaincu que ce sera en 2023, que 2023 sera le pic.

  • Pierre Friedlingstein

    D'accord, donc quand vous disiez tout à l'heure qu'il nous reste 7 ans à émission égale pour arriver à 1,5°C, en fait, c'est pas juste une vue de l'esprit, c'est un chemin très réaliste en fait.

  • Florian

    C'est un chemin assez réaliste, parce que même si on arrive au pic en 2023 et qu'en 2024 on est à 1% de moins, Et puis en 2025, on a encore 1 ou 2% de moins ou 3% de moins. On aimait quand même 40 gigatonnes, 40 milliards de tonnes chaque année. Donc le budget restant, il est de l'ordre, je crois que c'est 275, pour s'améliorer à 280, ça fait 7 années. Si au lieu de 40, on est à 39, ça va quand même entamer une bonne partie du budget restant. Si l'année d'après, on est à C'est bien, on a une bonne élection, mais on a quand même entamé une bonne partie du budget restant. Donc pour que le budget restant ne soit plus entamé, il faut vraiment qu'on réduise massivement les émissions.

  • Pierre Friedlingstein

    Et pour le du coup ?

  • Florian

    Le le chiffre en gigatonnes que je n'ai plus en tête, il est dans mes fiches, mais en un équivalent d'année d'émission actuelle, je crois que c'est 28 ans. Donc là on a... Si on continue à émettre au rythme actuel pendant 28 ans, on arrive à 2 degrés.

  • Pierre Friedlingstein

    Mais même en entendant ce que vous dites, il y en a encore pour 10 ans à rythme actuel, après si ça baisse de 1%, on voit très bien que le budget des 2 degrés va être brûlé.

  • Florian

    Il y a un risque. On a plus de temps. Pour le 2 degrés, le net zéro, c'est bien après 2050. C'est 2070 en gros. Donc on est à 50 ans pour arrêter d'émettre du CO2 dans l'atmosphère. Merci. 50 ans, c'est quand même très long. Si vous imaginez, il y a 50 ans, on en était où ? On était depuis sur la Lune.

  • Pierre Friedlingstein

    50 ans, c'est pour les 2 degrés. Oui. Et qu'est-ce que vous pensez ? J'ai écouté Christophe Béchut qui disait que la France devait se préparer à un réchauffement de 4 degrés, puisque les modèles basés sur les politiques aujourd'hui en cours des grandes puissances mondiales, on arriverait à un réchauffement de 2,7-3 degrés à la fin du siècle. Ça, c'est quelque chose qui vous semble absolument probable ou c'est une plausibilité comme une autre ?

  • Florian

    C'est malheureusement probable. Ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure. Si on regarde les projections actuelles des émissions des différents pays, qu'on met tous ensemble, on voit que d'ici 2030, il n'y a pas de décroissance claire. 2050, ça va commencer à décroître. Mais si on voit la quantité de CO2 qui sera émise par l'humanité dans les 50 prochaines années, c'est compatible avec le réchauffement de... Voilà, 2.5, 2.8, 3 degrés, ça dépend un peu des estimations, ça dépend de la sensibilité climatique, qui n'est pas complètement connue, mais enfin, l'estimation moyenne, c'est 2.8 degrés. Donc ça ne veut pas dire que c'est inéluctable, c'est-à-dire que pour l'instant, dans l'état actuel des choses, on en est là. Alors, il faut se garder en tête qu'avant les accords de Paris, en gros, il y a 10 ans, si on faisait le même genre de projection, on était à 4 degrés. Donc là, on a déjà gagné, en gros, 1 degré, où on sera en 2100, grâce aux engagements des pays de réduire les émissions. Donc on peut espérer que ça continue. Comme ça, dans 5 ans, les engagements seront plus forts, et quand on sera plus à 2,8, on sera à 2,5, 2,2, je ne sais pas. Donc voilà, on va dans la bonne direction. Le problème, c'est qu'on n'y va pas assez vite, mais on va dans la bonne direction. Et donc, pour le coup, le ministère a raison, le ministère a raison, si c'est lors de grandeurs 2,5, 2,8 degrés à l'échelle globale, comme la France, enfin comme tous les pays sont dans l'hémisphère nord, mais la plupart des pays se réchauffent plus vite que la moyenne globale, puisque les océans se réchauffent moins vite que les continents, donc les continents se réchauffent plus vite. Bon, voilà, 3 degrés pour le monde. Au globe, ça fait 4 degrés pour la France. Donc il faut effectivement préparer un scénario d'adaptation à 4 degrés. C'est... Si tout va bien, c'est le pire des cas. Voilà ce que je veux dire. On peut espérer qu'on n'en sera pas là, on sera mieux, mais si on reste dans les trajectoires actuelles et qu'il n'y a pas plus d'ambition que ça au niveau du monde, on s'oriente vers un réchauffement de l'ordre de 4 degrés pour la France.

  • Pierre Friedlingstein

    Ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup, Pierre Frelingstein.

  • Florian

    Merci à vous.

  • Pierre Friedlingstein

    Voilà, j'espère que cet épisode vous a plu. Si c'est le cas, n'hésitez pas à le partager. N'hésitez pas à vous abonner si ce n'est pas déjà le cas et si le sujet vous intéresse. Merci au studio 1212 d'avoir produit cet épisode, à Gilles Marteau pour la musique et à vous bien sûr pour votre écoute. Portez-vous bien et à la prochaine.

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