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Échange Climatique

Nucléaire: Tout comprendre sur les SMR et les AMR. Avec Maxence Cordiez et Stéphane Sarrade

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51min |30/04/2024
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Description

Aujourd’hui, si un pays où une entreprise veut décarboner son énergie avec du nucléaire, il devra choisir entre des modèles de réacteurs de puissance énorme et à un coût se chiffrant en milliard d’euros. C’est évidemment rédhibitoire pour les entreprises et très contraignant pour les pays qui n’ont pas toujours les fonds et le réseau électrique disponible pour absorber une telle puissance. Les SMR et les AMR sont des réacteurs dont la petite taille serait la solution à ce problème. Si ces réacteurs n’existent actuellement que sur papier, il suscite déjà beaucoup d’enthousiasme, mais aussi d’inquiétudes concernant la sécurité. Avec mes deux invités du CEA, Stéphane Sarrade, Directeur des Programmes Énergie, et Maxence Cordiez, ingénieur et responsable des affaires publiques européennes, nous allons passer en revue les grandes interrogations qui planent autour de ces technologies. Tout comprendre sur les SMR et AMR. C’est le thème de ce nouvel épisode d’Échange Climatique.


Infos: https://linktr.ee/echangeclimatique

Contact: echangesclimatiques@gmail.com

Production: https://onetwo-onetwo.com/

Animation: Vidéo « A la découverte des petits réacteurs nucléaires : les SMR et AMR ». Crédits CEA/Bearideas


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, si une entreprise ou un État souhaite décarboner son énergie avec du nucléaire, il devra choisir entre des modèles de réacteurs de puissance énorme dont les coûts se chiffrent en milliards. C'est rédhibitoire pour les entreprises et très contraignant pour les États qui n'ont pas toujours les fonds et le réseau électrique pour absorber une telle puissance. Les SMR et les AMR sont des réacteurs dont la petite taille serait la solution à ce problème. Si ces réacteurs n'existent actuellement que sur papier, ils suscitent déjà beaucoup d'enthousiasme et aussi d'inquiétude concernant leur sécurité. Avec mes deux invités du CEA, Stéphane Sarra, directeur des programmes Énergie, et Maxence Cordier, responsable des affaires publiques européennes, nous allons passer en revue les grandes interrogations concernant cette technologie. Tout comprendre sur les SMR et les AMR, c'est le thème de ce nouvel épisode d'Échange Climatique. Comme vous l'avez remarqué, je ne demande pas de dons pour faire vivre cette chaîne, et YouTube rapporte très peu d'argent. Si vous voulez tout de même m'aider, vous pouvez vous abonner, c'est un gros coup de pouce pour la chaîne. Merci pour ça.

  • Speaker #1

    Sous-titrage ST'501

  • Speaker #0

    Bonjour Stéphane Sarade.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour Maxence Cordier. Bonjour. Vos postes respectifs au CEA vous amènent à travailler sur les SMR et les AMR. Stéphane, plus sur les questions industrielles et techniques et Maxence sur les questions économiques et politiques. Comment ne pas commencer cette interview sans poser cette question pour vous, Maxence ? Qu'est-ce qu'un SMR ?

  • Speaker #2

    Un SMR, c'est l'acronyme en anglais de Small Modular Reactor, petit réacteur modulaire. En fait, l'idée, c'est de faire des réacteurs qui soient plus petits, mais de produire un maximum de pièces en usine, d'avoir des réacteurs qui soient modulaires pour réduire le nombre d'étapes sur site. Donc là où la stratégie avant consistait à faire des réacteurs de plus en plus grands pour avoir des économies d'échelle par la taille, là, la stratégie change et l'idée, c'est de faire des réacteurs plus petits, donc pas d'économies d'échelle par la taille, mais par contre une économie d'échelle. par la sérialisation.

  • Speaker #0

    On reviendra un peu plus en détail sur les questions économiques tout à l'heure, mais déjà, on entend souvent SMR et AMR ensemble. Quelles sont les similitudes et les différences, Stéphane ?

  • Speaker #1

    On va revenir sur la définition. On entend SMR et AMR, donc Maxence l'a dit, Small and Modular Reactor, et AMR pour Advanced Modular Reactor. En fait, dans les deux cas, on parle de petits réacteurs, donc avec des puissances... On va dire des puissances électriques installées inférieures à 300 MW électriques, donc qui est très très loin des réacteurs de puissance. Et pourquoi on a deux définitions ? Puisque quand on parle de SMR, on va parler de réacteurs, de petits réacteurs de fission de troisième génération, c'est-à-dire des réacteurs qui sont exactement de la même génération que, on va dire, le parc actuel français. Quand on parle de AMR, on va s'adresser et on va adresser des réacteurs de quatrième génération, donc des réacteurs qui ne sont pas forcément largement déployés dans le monde. Et donc ces deux générations amènent donc deux définitions et surtout des fonctionnalités et des avantages et des inconvénients qui ne sont pas forcément les mêmes.

  • Speaker #0

    Dans les AMR on est dans une technologie de rupture mais on a toujours cette taille qui est petite et les avantages intrinsèques qui viennent avec. A quoi servent ces réacteurs ? Pourquoi avoir pensé le besoin d'avoir quelque chose de nouveau ? Qu'est-ce qu'ils apportent de plus que les réacteurs du parc mondial actuel qui sont des gros réacteurs à eau pressurisée ?

  • Speaker #2

    Il y a plusieurs éléments de réponse. Tout d'abord, certains pays ne peuvent pas construire des gros réacteurs pour différentes raisons, soit parce que ce sont des pays trop petits avec peu de population. Je pense par exemple à l'Estonie ou alors des zones où le réseau est particulièrement peu dense. Si on regarde les États-Unis, le réseau américain n'est pas le même partout. Il y a la côte ouest et la côte est où il y a un réseau dense qui peut accueillir des gros réacteurs et il y a le middle ouest avec un réseau extrêmement distendu qui ne pourrait pas accueillir un gros réacteur quand on le démarrerait ou qu'on l'arrêterait, le réseau tomberait. Donc déjà... les petits réacteurs peuvent permettre de répondre à cette demande-là. Ensuite, pour pouvoir atteindre la neutralité carbone, il faudra évidemment de l'électricité. Aujourd'hui, l'électricité, c'est 25% à peu près du bouquet énergétique français. On estime qu'en 2050, ça devrait être 55-60%. Mais il y a encore 40-45% d'énergie qui devrait être bas carbone, mais qui ne sera pas de l'électricité. Donc, on va devoir produire de la chaleur bas carbone et des carburants liquides et gazeux bas carbone. non issus de fossiles. Et là, les SMR et AMR peuvent jouer un rôle. Si l'électricité se transporte bien, la chaleur se transporte moins bien, donc les réacteurs doivent être localisés plus près des lieux de consommation, à quelques dizaines de kilomètres au plus. Donc le SMR, de par sa petite taille, permet de localiser sur un nombre de sites plus importants des réacteurs. Par exemple, si on veut décarboner une ville de taille moyenne, on ne va pas mettre une paire de PR à côté, en termes de dimensionnement, ce ne serait pas cohérent, il n'y a pas forcément la source froide pour les refroidir. Par contre... Un ou deux SMR, c'est envisageable. Avec cette chaleur-là, ils peuvent aussi permettre de produire du dihydrogène par électrolyse à haute température, ce qui offre un meilleur rendement que les procédés d'électrolyse classique. Et à partir de l'hydrogène, on peut faire des molécules dérivées, soit pour la chimie ou pour des carburants. Ça peut être de la chaleur aussi pour l'industrie, pour des zones industrielles type Dunkerque, fosse sur mer, etc. Donc beaucoup de nouveaux marchés.

  • Speaker #0

    Vous parlez de sources froides, donc pour les industries, peut-être sur la chaleur, on parle de secteurs qui sont difficilement décarbonables comme l'industrie ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que c'est important ce que dit Maxence, puisque historiquement, les SMR ont été perçus pour remplacer les centrales thermiques, les centrales thermiques, les hydrocarbures, pour adresser des pays qui n'étaient pas dotés d'énergie nucléaire civile, avec des réseaux qui ne permettent pas d'avoir des... Et puis, beaucoup plus récemment, sont arrivées les problématiques de décarbonation de nos usages et de décarbonation de l'industrie. Et quand on regarde effectivement les besoins en décarbonation, si on s'adresse à l'Europe en particulier... On voit que beaucoup d'industries que nous connaissons sont demandeuses d'énergie, d'énergie thermique, et qu'on peut même imaginer que dans un futur pas si lointain que ça, de la chaleur bas carbone sera peut-être plus compliquée à produire que de l'électricité bas carbone. C'est la raison pour laquelle beaucoup de projets de réacteurs SMR et AMR adressent l'ensemble des applications que vient d'évoquer Maxence, c'est-à-dire produire de l'électricité, de la chaleur décarbonée, de l'hydrogène décarboné, des molécules décarbonées, de manière à pouvoir être un soutien de décarbonation des grandes industries. Oui, on sait très bien que certaines industries, la métallurgie, les cimenteries... L'agroalimentaire, son consommatrice d'énergie électrique, mais de beaucoup d'énergie thermique. Et ces petits réacteurs sont maintenant imaginés comme étant des solutions pérennes pour répondre aux grands enjeux du changement climatique.

  • Speaker #0

    Parce qu'aujourd'hui, cette chaleur, elle est... exclusivement produite par des énergies fossiles. C'est du charbon.

  • Speaker #1

    C'est du charbon, c'est du gaz. C'est du gaz, effectivement. Donc l'enjeu est assez colossal. Alors pourquoi il est colossal ? Parce que nous serons en capacité de produire ces utilités décarbonées, en particulier la chaleur, que nous pourrons maintenir et au meilleur niveau à la fois économique mais aussi environnemental, une industrie sur le sol européen.

  • Speaker #0

    Donc il y a aussi des challenges de décarbonation et de réindustrialisation.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Maxence ?

  • Speaker #2

    Et peut-être pour abonder dans le sens de ce que disait Stéphane, l'utilisation des SMR pour la chaleur peut permettre de mieux intégrer certains procédés. Si on prend la production d'engrais par exemple, aujourd'hui les engrais sont azotés, sont produits à partir d'ammoniaque, l'ammoniaque est produit à partir d'hydrogène, et l'hydrogène est produit par vaporé-formage de méthane issu du gaz fossile. On pourrait se dire, dans ce cas-là, si on produit de l'hydrogène bas carbone, il suffit de remplacer l'hydrogène issu du gaz fossile par de l'hydrogène bas carbone issu d'électrolyse. Sauf qu'en pratique, généralement, les producteurs d'engrais ont des procédés intégrés, avec le vaporé-formage qui est intégré à leur procédé, qui permet de produire de l'hydrogène, mais aussi de la chaleur pour le reste du procédé. Donc même s'ils avaient accès à des quantités abondantes d'hydrogène bas carbone électrolytique, par exemple... pour leur procédé. Ils ne pourraient pas en intégrer des grandes quantités, alors de mémoire ça doit être 5 ou 10% maximum, parce que justement ils ont encore besoin du vaporé-formage pour produire de la chaleur pour le reste du procédé. Donc en fait, produire de l'hydrogène électrolytique avec un réacteur nucléaire qui produit aussi de la chaleur à côté, ça peut permettre de faire une source de chaleur qui aide à intégrer des clusters industriels comme ça, et à optimiser ces chaînes industrielles.

  • Speaker #0

    Un même modèle de SMR peut faire les deux, électricité et chaleur.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    En fonction de la nature et du type de réacteur que vous allez choisir, les niveaux de température ne seront pas les mêmes. Sur un SMR, vous allez donc troisième génération, vous avez au maximum 300 degrés, ce qui veut dire qu'en termes de chaleur utilisable, vous êtes entre 100 et 150 degrés. Quand vous travaillez sur certains AMR de quatrième génération, vous allez pouvoir disposer de 400, 600, voire 900 degrés pour les réacteurs de type. Vous n'adressez pas forcément les mêmes gammes de température, donc vous n'avez pas forcément aussi les mêmes applications. Ça peut être du district heating, de la chaleur urbaine, ou ça peut être de la chaleur industrielle. Quand vous avez besoin de beaucoup d'énergie thermique, des systèmes qui vont préchauffer vos lignes de traitement de manière à minimiser le coût final pour atteindre les températures les plus élevées.

  • Speaker #2

    Et pour que ce soit bien clair pour tous les auditeurs, tous les réacteurs nucléaires, on part de chaleur et ensuite on peut faire de l'électricité. Donc si on a besoin de plus de chaleur, on peut aussi dimensionner la turbine pour produire moins d'électricité, avoir plus de chaleur. Donc ça, ce sont des choses qui sont faisables. On part toujours de chaleur pour faire de l'électricité.

  • Speaker #1

    Et c'est toujours plus facile à faire sur des petits réacteurs en termes de puissance. C'est pour ça aussi que ces petits réacteurs, ils ont vraiment cet avantage d'être beaucoup plus adaptables sur ces différentes fonctionnalités, puisque gérer une source chaude, un réservoir de chaleur, gérer une turbine, c'est beaucoup plus simple avec un petit réacteur.

  • Speaker #0

    Donc on a dit que les SMR, c'était... qu'on connaissait, c'était la technologie plus ou moins existante. Les AMR, on n'a pas encore expliqué ce que c'était. Stéphane, vous venez de parler de HTR, de réacteurs à haute température. Est-ce que vous pouvez faire peut-être un panorama des AMR les plus prometteurs ?

  • Speaker #1

    Tout à fait, les plus prometteurs. En tout cas, ceux qui sont étudiés. En fait, vous savez qu'il y a au niveau international un forum international qui s'appelle le GIF, le Forum Génération 4, qui regroupe 12 pays qui se sont en 2000 rassemblés pour travailler ensemble sur 6 concepts. Ce sont les 6 concepts qui sont imaginés au niveau international comme étant les concepts les plus... les plus intéressants. Alors, historiquement, et là je vais reprendre un peu ma vision scientifique et technique, ce sont les réacteurs à neutrons rapides, en particulier refroidis au sodium, qui apparaissent comme étant les plus matures. Alors pourquoi ils apparaissent comme étant les plus matures ? Puisque les RNR sodium, alors au CEA nous avons eu Rapsody, en France nous avons eu aussi Phénix et Superphénix, il y a dans le monde plus de 500 ans de fonctionnement cumulé de ce type de réacteurs. Donc vous voyez qu'il y a eu un débat. déploiement assez important et certains donc fonctionnent à l'heure actuelle aujourd'hui dans le monde. Donc les réacteurs à neutrons rapides, ce sont des réacteurs où le caloporteur, c'est du sodium liquide. Et là aussi, on peut atteindre un certain nombre de températures intéressantes. Vous avez une autre possibilité qui sont les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb. Là, le caloporteur, c'est du plomb liquide. Alors ça peut être du plomb, ça peut être un mélange de techniques avec du plomb et du bismuth par exemple. Donc ça, ce sont globalement, je dirais, des technologies quatrième génération qui apparaissent comme étant matures, dans la mesure où elles ont déjà été déployées pour le plomb, notamment le plomb. Ce sont nos collègues russes qui ont développé cette filière-là.

  • Speaker #0

    Sans rentrer dans le détail technique, mais quel est l'avantage du plomb par rapport au sodium ?

  • Speaker #1

    Ce sont des avantages différents. Ce sont des avantages en termes de performance, en termes de manipulation. Alors pourquoi nous, par exemple, côté français, on a privilégié le sodium ? c'est qu'en fait il reste liquide à des températures plus basses que le plomb, puisque le plomb il faut être au-dessus de 300°C pour ne pas qu'il prenne en masse de manière irréversible. Donc voilà, il y a des avantages et des inconvénients, mais les deux fonctionnent, ont fonctionné, et vous allez retrouver dans les startups au niveau mondial, des startups qui sont parties sur les RNR au plomb ou les RNR au sodium, avec des cœurs de procédés qui sont assez proches. La seconde génération, je dirais en termes de maturité, ce sont ce qu'on appelle les réacteurs à haute température, où là on va utiliser un caloporteur qui ne sera pas liquide mais qui sera souvent un gaz, en particulier de l'hélium. Ce sont des systèmes qui sont intéressants parce que relativement robustes en termes de... en termes de fonctionnement, mais qui n'ont pas des performances, qui ont des performances un peu moindres par rapport à la première génération que j'ai évoquée de R&R.

  • Speaker #0

    En termes de rendement ?

  • Speaker #1

    En termes de rendement, en termes de rendement sur le combustible, et puis... En termes de cycle du combustible, on va y revenir puisque vous voyez que je vais vous parler beaucoup de réacteurs, mais on oublie toujours qu'au-delà des réacteurs de 3e ou 4e génération, un réacteur et un type de réacteur n'a de sens que si son cycle du combustible est associé, c'est-à-dire quel type de combustible il va falloir fabriquer, et une fois qu'il aura été utilisé en réacteur, comment il va être géré, puisqu'en France, nous avons fait le choix politique, et il a été réaffirmé encore très récemment au Conseil de politique nucléaire, que la... France s'inscrit dans le retraitement de ces combustibles usés avec une vision de cycle fermé. Donc ça ce sont donc je dirais des réacteurs à maturité intermédiaire. Puis vous avez les réacteurs qui eux sont à maturité industrielle beaucoup plus faible, comme par exemple les réacteurs à sel fondu, où là dans le monde historiquement il y a eu un réacteur qui a fonctionné de tête 18 mois aux Etats-Unis dans les années 50. Donc oui il n'y a pas eu de déploiement. En revanche c'est ce type de réacteur à sel fondu, où là on a une très grosse rupture technologique. Puisque autant sur les deux premiers types de réacteurs, nous sommes sur des combustibles solides, donc mis en forme. Là, réacteurs à sel fondu, les combustibles sont sous forme liquide, sont sous forme de sel. Ils vont eux-mêmes baigner dans un caloporteur qui est un sel fondu. Et donc ça amène, en termes de gestion du combustible et de gestion des déchets produits, des potentialités très très intéressantes. C'est pour ça qu'ils sont intéressants en termes de rupture. Par contre, ils vont nécessiter des développements techniques, d'abord de recherche, pour après atteindre des développements et des déploiements techniques.

  • Speaker #0

    Donc là, on parle de sel d'uranium, pas du sel de...

  • Speaker #1

    Alors oui, de sel de plutonium, du PUCL3. Donc il y a deux types de sel, ce sont soit des chlorures, soit des fluorures qui sont testées, utilisées dans le monde. Donc nous, par exemple, côté CEA, on s'intéresse au PUCL3, donc un sel qui va lui-même être dans... un système de caloporteurs à sel fondu et qui va permettre d'avoir des rendements très élevés.

  • Speaker #0

    Corrigez-moi si je me trompe, Maxence, tu aurais ajouté quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, peut-être pour rebondir sur la question sel, uranium, plutonium, thorium et sel fondu. Souvent, on a tendance à associer réacteurs à sel fondu avec thorium. Non, en fait, on peut faire fonctionner des réacteurs à sel fondu avec du thorium, de l'uranium ou du plutonium. En France, il n'y a pas d'intérêt vraiment à utiliser du thorium parce qu'on a des On a des stocks d'uranium appauvris, on a aussi du plutonium via les combustibles usés que la France a fait le choix de retraiter. Le thorium c'est plus intéressant pour des pays qui ont cette ressource-là, qui n'ont pas des matières séparées sur leur territoire, séparées des stocks d'uranium ou qui ont fait le choix de retraiter, là je pense particulièrement à l'Inde. Mais la question... du combustible se pose différemment selon les pays et en France il n'y a pas vraiment d'intérêt à utiliser du thorium. Si on faisait ce choix là, ça voudrait dire que l'uranium et le plutonium dont on dispose sur le territoire devraient être considérés comme des déchets. Donc on irait chercher une autre ressource pour considérer des choses qu'on a déjà de façon séparée comme des déchets.

  • Speaker #0

    Donc il ne faut pas du tout voir ces filières comme concurrentes mais plutôt qu'ils répondent à des besoins différents selon l'usage ou selon le pays.

  • Speaker #1

    Elles vont avoir en fait des avantages et des inconvénients très très particuliers mais elles sont... Ces filières-là sont complémentaires. Donc on me l'a évoqué très justement, Maxence, vous voyez que les réacteurs à sel fondu permettent d'adresser un très très large spectre de combustibles possibles. Donc ça c'est intéressant. Et donc nous en France, on travaille sur l'ensemble de ces filières, enfin essentiellement sur le côté CEA, sur les R&R sodium et les réacteurs à sel fondu. Mais il y a au niveau mondial une dynamique globale sur l'ensemble de ce type de réacteurs. Mais je le rappelle... L'importance aussi, c'est de réfléchir en termes de cycle du combustible associé, puisque tous ces types de filières ne vont pas utiliser, ne serait-ce qu'au niveau géométrique, mise en forme, le même type de combustible. Et derrière, il faut imaginer qu'on va devoir les retraiter, ces combustibles. Donc, imaginez les usines qui vont permettre de pouvoir faire ces opérations unitaires.

  • Speaker #2

    Et tout ça joue sur la maturité de... de ces concepts-là. C'est-à-dire que quand on voit que concevoir un réacteur à eau légère, un réacteur du type de ceux qu'on exploite actuellement, prend une petite dizaine d'années, en fait, tous les concepts d'AMR qui sont moins matures, qui nécessitent plus de recherche et développement, vont prendre davantage de temps. Et d'autant plus que ce sont des concepts qui ont été peu explorés. Donc autant les concepts sodium bénéficient d'un retour d'expérience permettant... d'envisager des déploiements à des échelles relativement proches, mais qui prendraient plus d'une dizaine d'années. Et après, si on va sur des réacteurs moins matures et pour lesquels on n'a pas forcément les technologies en termes de cycles, je pense par exemple au sel fondu, ce sont des échéances encore plus lointaines. Donc quand on veut déployer... des réacteurs. Et ça, je pense que c'est très important de l'avoir à l'esprit. Il ne faut pas uniquement regarder les caractéristiques sur le papier de tel type de concept, mais aussi à quel besoin il doit répondre, à quelle échéance. Donc ça, ça peut aussi conditionner les choix de déploiement. Si on a du retour d'expérience sur une technologie, ce sera évidemment plus facile de la développer. Ça coûtera aussi moins cher de la développer que si on part sur une technologie toute nouvelle sur laquelle on a plus de recherches à faire.

  • Speaker #0

    Oui, donc les réacteurs qui se permettent de se passer évidemment d'uranium qu'on trouve dans la nature peut-être arriveront dans un second temps. Et donc si je refais un peu le phasage, on aura les SMR en premier d'ici la fin de la décennie ou début de la décennie prochaine plutôt.

  • Speaker #1

    Oui, c'est effectivement ça. Comme l'a dit Maxence, les SMR, notamment le projet de SMR français New World qui est porté par EDF, à quel contribue un certain nombre. d'entités dans le CEA, donc Naval Group, Technic Atom. Tractable Energy est imaginé, puisqu'on est en phase d'avant-projet détaillé, au début de la décennie prochaine. Donc là, Newhart, c'est un PWR, un réacteur à eau légère, le combustible existe déjà, et les filières de retraitement à la hague existent. Donc vous imaginez bien que oui, c'est effectivement au niveau temporalité les premiers qui vont arriver, donc début de la prochaine décennie, alors que les... AMR sont plutôt... dont certains vont nécessiter une phase intermédiaire de développement de démonstrateurs, puisqu'il n'y a pas eu, pour certains, je vous l'ai dit, de démonstrateurs qui permettent d'acquérir des données et de dimensionner au mieux, donc on les attend plutôt dans la seconde moitié de la prochaine décennie.

  • Speaker #0

    Donc si on reste sur New World ou sur les concurrents de New World, l'avantage inhérent de cette petite taille, c'est notamment un avantage économique. Si on regarde l'histoire du nucléaire français, c'était un peu une course à la puissance, puisque à chaque fois qu'on avait un réacteur plus puissant, ça diminuait le coût de l'unité d'électricité produite. Mais aujourd'hui, peut-être qu'à Flamanville, on voit que le modèle a ses limites. Et aujourd'hui, est-ce que le retour en force ? de ces petits réacteurs parce que ça a toujours existé ? Est-ce que c'est justement pour répondre à cette faille, mais ce modèle qui arrive un peu en bout de course ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut qu'il y ait une clarification qui soit faite de manière très claire. Les petits réacteurs ne vont pas remplacer les réacteurs de puissance. Je pense que... Non mais je crois que c'est important de le dire parce que... Pourquoi ? D'abord pour une raison très simple, c'est que la demande en électricité décarbonée... Vous savez à l'heure actuelle l'électricité c'est globalement 25% de notre mix énergétique global. A l'horizon 2050, vous le savez, l'électricité représentera 60-65%. Donc des quantités colossales d'électricité bas carbone sont attendues. Donc le nucléaire en France, bien sûr, en fera partie. Et on va avoir besoin à la fois des réacteurs de puissance, type les EPR qui vont être développés, mais aussi des petits réacteurs pour les avantages et les applications qu'a évoquées notamment Maxence.

  • Speaker #2

    Alors là-dessus, pour compléter et aller dans le sens de ce que dit Stéphane, les gros réacteurs ont des avantages qu'il ne faut pas oublier en termes d'efficacité de l'espace du sol. On produit plus d'électricité sur une surface plus petite. D'utilisation du combustible aussi. En termes d'utilisation du combustible, les gros réacteurs sont plus efficaces, donc ils vont consommer moins de combustible pour produire la même quantité d'électricité. Par contre, ils ne pourront pas rendre un certain nombre de services en termes de co-génération. Par exemple... Les avantages et inconvénients sont différents et s'adresseront à des marchés différents. En termes économiques, je vois aussi un autre avantage quand même au SMR, même pour de la production d'électricité seule, qui est que l'un des gros freins au déploiement de l'énergie nucléaire dans le monde, c'est son côté capitalistique. C'est-à-dire qu'il est difficile de financer des réacteurs nucléaires globalement. Décaissez 10 milliards d'euros pour la construction qui va prendre potentiellement 10 ans. En fait, c'est très difficile dans... dans le marché. Et si on regarde des pays favorables de longue date au nucléaire, comme la Pologne par exemple, ont été historiquement freinés par ce genre de considérations. L'avantage du SMR, c'est que via une approche modulaire, on peut construire le réacteur normalement plus rapidement parce que les modules sont préparés en usine et ont réduit le nombre d'étapes sur site. Et vu que la puissance est plus petite, ça permet aussi, et le réacteur moins cher évidemment, un CMR coûte moins cher qu'un EPR, ça permet de fractionner l'investissement, un peu comme dans les renouvelables. Il est bien rare qu'on décide de construire 1,6 gigawatt d'éolien d'un seul coup, on va construire quelques centaines de... de mégawatts, puis quelques centaines de mégawatts. Donc ça, ça peut permettre à certains pays d'aider à financer le nucléaire. Autre avantage...

  • Speaker #0

    Oui, juste sur les... On revient un peu à ce côté effet de série, parce que si le panneau photovoltaïque, par exemple, a vraiment baissé de prix ces dernières années, c'est parce qu'on a pu en produire des quantités, des quantités, et c'est un peu le modèle aussi des SMR. C'est l'effet de série qu'on fait.

  • Speaker #2

    Tout à fait. Si on n'en produit que quelques-uns, le concept ne sera pas rentable. Il faut en produire plusieurs dizaines pour que le concept devienne intéressant. Et c'est pour ça aussi qu'il est indispensable de réfléchir à l'échelle internationale. Quand on veut faire des économies d'échelle par sérialisation, ça veut dire qu'il va falloir rentabiliser les usines. Et on ne fait pas une usine pour faire juste une cuve, un générateur de vapeur. Donc le premier SMR, pour ceux qui l'ont produit, ne sera pas rentable. Par contre, plus on va en produire, plus le modèle sera... sera rentable. Et l'avantage aussi, c'est que face aux enjeux de décarbonation rapide qu'il va y avoir, ça va permettre aussi de multiplier les chaînes industrielles, augmentant le potentiel de l'énergie nucléaire. À l'issue de la consultation préalable aux travaux de RTE il y a 3-4 ans maintenant, la filière avait estimé qu'elle était en mesure de construire potentiellement 14 EPR d'ici 2050. Alors l'histoire dira si on peut en faire un peu plus, un peu moins. Mais si on a besoin de davantage de nucléaire, avoir d'autres concepts qui s'appuient sur des chaînes industrielles différentes, sur des usines différentes, peut permettre aussi d'accroître le potentiel de l'énergie nucléaire. C'est un peu comme sur le solaire photovoltaïque, si on avait une usine de panneaux, avec un seul producteur de panneaux,

  • Speaker #0

    on pourrait développer moins de cela photovoltaïque que si on a plusieurs usines avec plusieurs producteurs donc on a parlé des différents modèles qui existent mais on n'a pas parlé encore des pays qui se placent le mieux sur cette sur cette fréquence est-ce que Max, sans vous pouvez nous faire un petit un petit tour d'horizon donc il y a la France, il y a les Etats-Unis, on a un peu parlé Il y a plusieurs types de pays qui vont se placer sur le créneau des SMR, à la fois les concepteurs de réacteurs, et donc là on va retrouver la plupart des pays historiquement impliqués dans l'industrie nucléaire sous un angle de conception. Comme tu as dit, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, le Canada, la Corée, etc. La Russie, la Chine évidemment. Et après il y a tous les pays consommateurs, utilisateurs de réacteurs nucléaires qui eux sont intéressés. et vont plutôt regarder sous l'angle de leurs besoins. Et à ce niveau-là, selon les pays, différents modèles de réacteurs sont conçus. Généralement, les pays conçoivent un type de SMR plutôt pour leurs besoins domestiques et après envisagent une exportation. Je prends l'exemple du Canada. Le Canada a beaucoup de communautés isolées, au milieu du Saskatchewan par exemple, qui actuellement sont alimentées par des générateurs diesel polluants et extrêmement coûteux. Et donc ils envisagent des... micro réacteurs de quelques mégawatts qu'ils peuvent livrer sur site. Le réacteur fonctionne quelques années, ensuite il est retiré et il va être maintenu, rechargé, etc. dans une usine au milieu d'une zone plus peuplée, donc côte Est, côte Ouest. Les États-Unis ont développé New Scale à l'origine pour remplacer les centrales à charbon isolées du Midwest. New Ward a été plutôt conçu pour remplacer des centrales à charbon de moyenne puissance, notamment en Europe. La Russie, la barge académique Lomonosov, qui repose d'ailleurs sur des technologies militaires russes, donc qui est difficilement exportable, répond à un besoin domestique russe d'alimenter des communautés isolées, proches de l'eau, avec un réacteur qui peut être construit et maintenu dans des ports dédiés à ça, et après transporté jusqu'au site de production. Donc on voit que différents types de réacteurs... existe, conçu pour répondre généralement d'abord à une demande domestique, ce qui assure quand même un minimum de marché et qui après vise une clientèle internationale.

  • Speaker #1

    Peut-être pour aller un petit peu plus loin, puisqu'une étude récente de l'Agence Internationale de l'Énergie a fait un petit peu la cartographie et il y a pratiquement 100 projets de SMR, AMR dans le monde à l'heure actuelle. Il y en a 98 je crois de tête, avec bien sûr des niveaux de développement. différents, mais vous voyez qu'on va atteindre une centaine, comme l'a dit Maxence, donc trois zones, Amérique du Nord, donc Etats-Unis, Canada, Europe et Asie, principalement portée par la Chine. Il faut aussi imaginer que derrière aussi ces petits réacteurs, il y a aussi des réflexions, notamment des réflexions sur l'utilisation dans des applications militaires, puisque les Etats-Unis ont annoncé le déploiement d'un petit réacteur pour une base aérienne en Alaska. Là aussi, on revient dans la problématique des zones isolées et de l'autonomie. Et aussi,

  • Speaker #2

    on peut se découpler du réseau aussi.

  • Speaker #1

    Et on se découple du réseau, tout à fait. Et puis, vous allez aussi trouver des applications pour certaines de ces startups qui vont être pour le spatial, puisque se posent aussi les questions des futures bases-vie, d'abord sur la Lune et ensuite sur Mars. Et on va retrouver aussi chez certaines de ces... des startups, ou de ces projets industriels, des applications qui vont aller au-delà. Alors bien sûr, c'est qu'une temporalité qui, là aussi, n'est pas la même, mais au-delà de ce qui a été évoqué, effectivement, des applications défense et des applications spatiales.

  • Speaker #2

    Et un peu plus près que l'espace, donc la Finlande, vous me disiez en préalable de l'interview, qu'elle l'utiliserait notamment pour sa chaleur. Et aussi, j'ai lu dans un commentaire que vous répondez sur le chat LinkedIn, que des pays antinucléaires pourraient revenir au nucléaire via l'ASMR ?

  • Speaker #0

    Oui, alors ce sont deux sujets différents. La Finlande, surtout depuis le démarrage de l'EPR de Olkiluoto, a une production d'électricité qui est globalement décarbonée. Par contre, elle consomme encore beaucoup de chaleur fossile. Et le chauffage en Finlande est assez différent de celui qu'on connaît en France. Ils utilisent beaucoup de réseaux de chaleur alimentés par des grosses chaudières, notamment en charbon. Et la Finlande étudie depuis des années maintenant sérieusement l'opportunité de mettre des SMR, soit de co-génération électrogène-calogène, soit purement calogène, pour remplacer. C'est Chaudière à Charbon qui alimente les communautés. Donc c'est l'un des pays où le stade de réflexion sur l'usage des SMR pour chauffer des villes est, je pense, le plus avancé. Même si d'autres pays comme la Russie, par exemple, font ça historiquement. Beaucoup de réacteurs, la plupart des réacteurs en Russie, historiquement, chauffent aussi les villes à proximité.

  • Speaker #1

    Au-delà de ces exemples, il y a aussi l'exemple de la Chine, puisque j'y étais il y a encore une dizaine de jours, en discutant avec l'électricien Spik, qui a, lui, déjà trois niveaux de développement, un réacteur nucléaire purement calogène, et qui alimente une ville de 1 million d'habitants, avec ce type de système. Donc, il y a des déploiements significatifs qui existent à l'heure actuelle dans ce domaine.

  • Speaker #2

    Ce n'est pas la science-fiction.

  • Speaker #1

    Non, non, ce n'est pas la science-fiction.

  • Speaker #2

    Et pour la France, on a parlé de l'exportation des SMR, est-ce qu'on ne pourrait pas en mettre sur nos îles ? dont l'électricité est beaucoup plus carbonée que la métropole ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est une réflexion qu'on peut avoir. En fait, ça ouvre tout un champ d'études, de mon point de vue. Et alors, on peut penser à ça pour certaines communautés isolées, qui peuvent être des îles, il y a des micro-réacteurs, des petits réacteurs. On peut aussi penser, alors là, c'est plus peut-être de la science-fiction, mais finalement, pas forcément tant que ça, faire des navires d'intervention. de secours, par exemple, vous avez une catastrophe naturelle quelque part, un navire qui serait capable d'arriver et de produire de l'électricité pour la zone sinistrée, de l'eau douce, ce qui peut être extrêmement précieux, éventuellement quelques carburants aussi. Et là, je pense, alors, des zones sinistrées par des catastrophes naturelles, des tsunamis, des choses comme ça, ou des îles comme Mayotte qui ont connu des périodes de sécheresse majeure, par exemple l'an dernier. Donc, on peut envisager des applications comme ça. En plus, si c'est sur des marchés entre guillemets de niche de la sauvegarde, par exemple, là, on peut envisager des technologies qui existent déjà.

  • Speaker #2

    Il y a une nouvelle qui n'a pas fait le bonheur de l'industrie des SMR, c'était l'abandon du projet New Scale dans l'IDAO. Donc, Maxence a touché deux mots tout à l'heure. En gros, je crois savoir que c'était le projet de SMR le plus développé à date, c'était donc aux États-Unis. Est-ce que pour vous c'est un échec qui révèle quelque chose d'autre ou alors c'est juste un accident de parcours ?

  • Speaker #1

    Alors, on a regardé, bien évidemment, pour comprendre, puisque de toute façon, ce type de nouvelles, forcément, elle est intéressante à analyser. L'analyse que nous allons faire, c'est que ce n'est pas, à la base, un problème technique. C'est un problème qui est plus un problème financier. Pourquoi ? Puisque Newscale, c'est une société, une jeune société qui est cotée en bourse. Donc, il y a fait un certain nombre d'annonces en bourse. Et puis, il y a un certain nombre de personnes qui ont misé sur... une baisse. Et ils ont fait beaucoup d'argent en misant sur la baisse de New Scale, qui est arrivée, puisqu'à partir du moment où ils n'ont pas eu accès au financement auquel ils avaient imaginé. Pour moi, ça traduit beaucoup de choses. D'abord, ce n'est pas un problème technique. Et deux, c'est un problème économique. Et c'est intéressant de voir que le modèle économique de déploiement des SMR type New Scale doit aussi tenir compte de ce genre de contexte, de contexte financier et je dirais là de trading.

  • Speaker #2

    L'EPR c'était une collaboration entre plusieurs pays, la France, l'Allemagne et l'Imménie. Est-ce qu'il y a la même chose sur les SMR à l'échelle européenne ? On sait qu'il y a une alliance des batteries par exemple. Est-ce qu'on peut envisager une alliance des SMR ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est quelque chose qui est en train de se mettre en place. Alors déjà, il y a une alliance des SMR qui a été annoncée très récemment au niveau européen par la Commission européenne, qui visera à travailler sur le financement, la réglementation, les compétences, le déploiement des SMR en Europe. Après, au-delà de cette coordination qui est en train de se mettre en place au niveau européen, il y a aussi un signal politique avec le ministre Bruno Le Maire qui a demandé récemment la création... d'un IPCEI, donc un projet important d'intérêt économique européen, qui aide à déroger, c'est une procédure au niveau européen, qui sur des technologies stratégiques, comme le solar PV, les batteries, etc., permet de déroger aux règles sur les aides d'État pour pouvoir lancer une filière. Donc là, il y a une demande de création là-dessus. Et après, sur des projets particuliers, il y a aussi une collaboration internationale qui se met en œuvre, à la fois du côté des concepteurs, par exemple, Stéphane l'a rappelé tout à l'heure, sur New World, Tracte Bell, qui est une filiale belge d'Engie, travaille sur le projet New World. Et après, et ça c'est tout à fait important, entre les autorités de sûreté. Parce que, c'est ce qu'on expliquait tout à l'heure, l'intérêt du SMR c'est d'avoir une production en série, qui doit être internationale parce que les capacités d'installation dans un pays ne suffisent pas à justifier un modèle. Or, si on veut l'avoir dans plusieurs pays, il ne faut pas avoir à revoir le compte. concept complètement dans chaque pays parce que sinon économiquement c'est pas viable. Ça les concepteurs en ont bien conscience, les autorités de sûreté aussi. Et il y a une discussion préalable aujourd'hui entre l'autorité de sûreté française finlandaise et tchèque, pour se mettre d'accord sur des règles communes de certification pour le projet New World, ce qui permettrait idéalement de pouvoir le certifier dans des conditions à peu près similaires, au moins dans ces trois pays.

  • Speaker #1

    Et ça, je veux ajouter que c'est la première fois. C'est la première fois qu'on assiste justement à un concept de réacteur nucléaire, dont la réglementation, en bon français on appelle ça le licensing. dont le licensing est traité par trois pays différents. Ça démontre bien de la volonté d'un déploiement rapide, puisqu'effectivement, si le licensing est obtenu sur ces trois pays, vous imaginez bien que ça va permettre de faciliter, on va dire, le déploiement dans d'autres pays, un minimum européen, mais au-delà. Puisque quand on s'intéresse à ces petits réacteurs, et on l'a évoqué tout à l'heure, on pense toujours à réacteurs. Quel type de réacteurs ? Et en final, le fait que nous accompagnons beaucoup depuis 2 à 3 ans de projets d'ASMR et d'AMR, c'est qu'en fait il y a 3 éléments importants qui sont à la fois le type de réacteur, le type de combustible et le combustible associé, et quelle stratégie autour du licensing. Alors ça va tellement loin, donc New World c'est un enjeu majeur puisque c'est la première fois que l'on fait ça, et puis très récemment par exemple Microsoft aux Etats-Unis a annoncé qu'ils développaient une IA. qui allait permettre de pouvoir pré-rédiger les dossiers de licensing de manière à accélérer le temps qui est nécessaire pour justement remplir ces éléments-là. Donc vous voyez qu'il y a une espèce de réflexion globale autour de ces éléments et le licensing, c'est un des trois points importants pour le déploiement industriel à terme.

  • Speaker #2

    Sur le licensing et l'IA, je reviens parce qu'en fait c'est un challenge énorme pour... Si c'est l'ASN qui doit approuver chaque... Donc licensing c'est pour le design ? Oui. Et quand on installe un réacteur nucléaire, c'est une autorisation. Et donc on imagine que ces autorisations vont passer de quelques autorisations par décennie à peut-être potentiellement plusieurs dizaines d'autorisations par an. Et aussi la SN faisait face à un exploitant. Et aujourd'hui, enfin dans le futur, elle va faire face à plusieurs, peut-être une dizaine de start-up, une dizaine de modèles. J'imagine que pour la SN, ça va être un métier nouveau en fait.

  • Speaker #1

    Nouveau, je ne dirais pas ça, alors je ne vais pas parler à la place de la SN, parce qu'ils se sont exprimés là-dessus, et tout ce que vous venez de dire, ils en sont éminemment conscients, et ils sont conscients qu'ils vont devoir faire évoluer leur manière de fonctionner pour être en capacité de répondre à tout ce que vous avez évoqué. Et je pense que le fait d'être dans cette nouvelle dynamique, et d'être associé... Dès le départ au développement, et l'ensemble, je parle au niveau français par exemple, des startups qui sont dans le giron de France 2030, elles ont eu dès le départ, dès les premiers niveaux de discussion, un point avec à la fois l'autorité de sûreté nucléaire, mais aussi le HFDS, c'est-à-dire le haut fonctionnaire de défense, puisqu'il y a à la fois la notion de sûreté liée au... à la mise en œuvre de matériaux irradiants, enfin de radio-éléments, et aussi l'aspect sécurité, c'est qu'effectivement, en termes d'intervention ou de malveillance, il faut aussi imaginer tout ça. Tous ces projets-là que l'on voit émerger notamment au niveau français, dès le départ, ils ont été en lien avec en particulier l'autorité de sécurité. Et ça, c'est très important. D'abord parce qu'il faut les acculturer, ces nouveaux acteurs, qui n'ont pas forcément la culture au sens réglementaire et autre. Ce sont souvent des ingénieurs qui sont très volontaires, très volontaristes, très créatifs. Mais il faut aussi les acculturer sur ces réglementations-là. Donc oui, il y a une évolution, mais je pense qu'elle est positive, en tout cas, elle est intéressante au niveau national.

  • Speaker #0

    Et puis, concernant les startups, je pense qu'il faut être réaliste aussi. Aujourd'hui, il y a une sorte de bouillonnement, une grande diversité de concepts.

  • Speaker #2

    Par exemple, Darwinian.

  • Speaker #0

    Voilà, plusieurs startups, même sur des concepts assez proches. Il va y avoir une sélection qui va se faire progressivement, liée aussi aux concepts qu'ils proposent, à la crédibilité. de leurs équipes, aux accords qu'ils vont réussir à faire avec des industriels qui seront ou non intéressés par tel ou tel concept, à la maturité des concepts. Donc déjà, d'ici 10 ans, 15 ans, il n'y aura pas forcément le même nombre de startups. Il est propre qu'il y a un resserrement aussi de l'offre. Après, toutes les startups n'envisagent pas forcément d'exploiter eux aussi. Concevoir un réacteur, le construire, l'exploiter, ce sont des métiers différents. Donc vous pouvez tout à fait... concevoir un réacteur et puis après vous vous associez avec un ou plusieurs exploitants par exemple. Si on prend l'EPR, l'EPR de l'Equiloto en Finlande, il n'est pas exploité ni par REVA ni par EDF et c'est un EPR. Donc, EDF avait aidé à construire des réacteurs en Chine qui ne sont pas exploités par EDF. Donc, après, voilà, on peut construire, on peut exploiter. Donc, il faut voir en fonction des startups aussi ce que chacune envisage, quel est son business model.

  • Speaker #2

    Sur la question du licensing, les EPR, il y en a en Finlande, vous venez de le dire, il y en a en France, il y en a en Angleterre, il y en a en Chine. Ce n'est pas exactement les mêmes. La source d'eau froide n'est pas à la même température. La sismicité n'est pas à la même température. Donc, à chaque fois, il y a du... ...avoir une adaptation même si c'est à la marge du design. Comment on va faire avec les SMR pour avoir un design pour potentiellement le développer dans le monde entier ? Est-ce qu'il va falloir se mettre au plus exigeant sur tous les critères ? Et pour la question des déchets, si je reprends le cas de la Pologne qui s'est toujours manifestée comme... voulant accueillir des SMR sur son territoire, notamment parce que les réacteurs de grosse puissance étaient trop chers pour elle. Qui va gérer ces déchets ? Est-ce que ça a été envisagé ? Est-ce que ça va être le pays lui-même ? Ou alors est-ce que des pays qui sont historiquement nucléarisés peuvent sous-traiter ce service ?

  • Speaker #1

    Alors au niveau européen, ce n'est pas le sens de l'histoire. Au niveau européen, le sens de l'histoire, c'est que chaque pays qui va déployer l'énergie nucléaire civile sur son territoire va gérer sur son territoire les déchets ultimes. Il peut y avoir des retraitements, des mises en forme. C'est ce qui est fait notamment par Orano à la Hague,

  • Speaker #2

    pour la Belgique,

  • Speaker #1

    pour le Japon, vous le savez, pour beaucoup de pays, mais in fine, les déchets ultimes retournent dans leur pays. Alors, effectivement, une fois que j'ai dit ça, si on s'est... On s'intéresse un petit peu plus loin à la Russie. La Russie pourrait avoir une offre de service peut-être un peu différente où ils imaginent qu'ils pourraient récupérer les déchets ultimes. Il y a plusieurs modèles.

  • Speaker #0

    Ils le font déjà,

  • Speaker #1

    je crois, Ils le font déjà, oui. Ils le font déjà et ils auraient imaginé le déployer avec... C'était le système Remix, je crois, où ils devaient récupérer pour reproduire. Mais historiquement, pour revenir au fond de votre question, chaque pays qui va déployer... va gérer les déchets ultimes sur son territoire.

  • Speaker #0

    Et pour être tout à fait clair, dans le Code de l'environnement français, il est interdit de stocker des déchets étrangers et il est interdit d'exporter des déchets français. Donc la France stocke la totalité de ses déchets et ne stocke que ses déchets.

  • Speaker #2

    C'est très clair. Donc on a parlé de la sûreté, on a un peu évoqué la sécurité. Il y a deux questions qui reviennent assez souvent sur les SMR. C'est la question de la prolifération nucléaire. Est-ce que le fait d'avoir un SMR sur son territoire alors qu'on n'avait pas de réacteur nucléaire au préalable rapproche un état de l'arme nucléaire ?

  • Speaker #0

    Pas forcément. Il faut distinguer les technologies nucléaires. Certaines technologies sont particulièrement proliférantes et particulièrement surveillées. Je pense par exemple à l'enrichissement. D'ailleurs, si on regarde l'Iran, tous les débats actuellement, les inspections de l'Agence internationale d'énergie atomique, etc., portent sur les capacités d'enrichissement iraniennes et ce que l'Iran en fait. Et pareil sur les concepts de réacteurs. Si vous voulez faire une bombe, vous avez... Il y a besoin d'avoir du plutonium très peu irradié pour avoir un plutonium qui soit très riche en plutonium 239. Donc, historiquement, les pays qui ont voulu faire du plutonium militaire pour les bombes ont conçu des réacteurs qui pouvaient être rechargés en fonctionnement. C'était les UNGG français, les RBMK soviétiques, des réacteurs graphite aussi, la pile B, notamment à Hanford aux États-Unis. Maintenant, si vous faites des réacteurs à eau pressurisée dans lesquels vous allez essayer de tirer le plus d'énergie possible. de votre combustible, vous allez l'irradier énormément. Donc vous faites du plutonium de mauvaise qualité. Et ce qu'on constate, c'est que les pays qui veulent proliférer, je pense à la Corée du Nord par exemple, n'essaient pas de récupérer du plutonium civil pour faire des bombes avec. C'est beaucoup plus facile de produire, même dans des réacteurs construits à la va-vite, du plutonium militaire. Donc ça peut donner quelques compétences. Évidemment, quelqu'un qui sait faire de la neutronique dans un cas connaît des formules de neutronique. Mais par contre... En termes de technologie, ce n'est pas avec un réacteur à eau pressurisée qu'on va faire du plutonium militaire.

  • Speaker #1

    Je crois que pour faire un pas de côté, il y a un problème souvent de sémantique et de compréhension. Quand on parle de prolifération, on imagine une augmentation du nombre d'œufs. Et quand on s'adresse à des petits réacteurs, on imagine qu'on va en déployer beaucoup, donc on va augmenter le nombre. Mais ce n'est pas ça la prolifération. La prolifération, c'est ce que vient d'évoquer Maxence. C'est-à-dire, c'est d'avoir soit des petits, soit des gros, mais des réacteurs. cap dans les technologies, dans les systèmes, sont capables de produire des objets qui vont être utilisés malheureusement pour des armes. Et c'est en ce sens-là où tout ce qui est design, licensing, qui sera le suivi et qui est le suivi de l'Agence internationale d'énergie atomique, c'est sur la nature et le concept même des réacteurs, de manière à ce qu'il y ait un déploiement de réacteurs dits non proliférants, donc non en capacité de produire. des matières qui pourraient être détournées sur des usages non civils.

  • Speaker #0

    Et j'ajouterais qu'il y a des contrôles extrêmement poussés de l'Agence internationale de l'énergie atomique, de RATOM en Europe, pour s'assurer que les matières civiles restent à des fins civiles, qu'elles ne puissent pas être détournées, et notamment dans les étapes les plus sensibles vis-à-vis du risque de prolifération, donc tout ce qui est lié au cycle du combustible particulièrement, ou les réacteurs qui pourraient présenter un risque de prolifération. En différation, je pense au Candou, par exemple, qui a un concept de réacteur canadien qui peut être rechargé en fonctionnement. Là, l'Agence internationale de l'énergie atomique accorde une importance particulière à la surveillance de ce type de réacteur parce que le risque est accru.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a des risques au fait d'avoir des réacteurs dans des pays où l'autorité de sécurité nucléaire n'est pas aussi stricte ou compétente que dans des pays historiquement nucléarisés ?

  • Speaker #0

    Évidemment, mais... J'ai envie de dire pas tant du point de vue de l'offre occidentale que de l'offre russe et chinoise. Alors déjà, il faut avoir conscience du fait que le niveau de sûreté n'est pas le même partout dans le monde. Vous avez des pays, je pense notamment à certains pays ex-pays soviétiques, l'Arménie par exemple, la centrale de Metsamor est reconnue comme ayant un niveau de sûreté assez faible. Les institutions européennes ont essayé de la faire fermer à plusieurs reprises, bon sauf qu'elle produit... plus 20-30% de l'électricité du pays. Très difficile pour l'Arménie de la remplacer. Donc là, il y a une difficulté là-dessus. Le niveau de sûreté n'est pas forcément le même partout. Les pays occidentaux, donc France, Royaume-Uni, Etats-Unis, quand ils vendent des réacteurs nucléaires, généralement, ils s'assurent qu'il y a une autorité de sûreté, une autorité de sûreté qui soit solide dans le pays, qui puisse contrôler non pas seulement la construction du réacteur, mais aussi son exploitation d'une manière qui soit fiable. Après, d'autres pays peuvent avoir des approches différentes. Si on prend le cas de la Russie, l'offre est un peu différente. Dans certains pays, la Russie propose des offres intégrées où elle construit le réacteur, elle l'exploite et elle va vendre l'électricité. Je pense par exemple au Bangladesh. Et donc, même s'il y a une autorité de sûreté au Bangladesh, dans ce mode de fonctionnement, ça repose sur une confiance accrue dans l'autorité de sûreté du pays fournisseur de la technologie qui va l'exploiter, qui va tout faire en fait, et qui va juste vendre l'électricité. C'est pas le modèle de la France, mais certains pays peuvent faire ce genre de choses.

  • Speaker #2

    Après, je crois savoir que les réacteurs de faible puissance sont intrinsèquement moins dangereux que les plus gros, non ?

  • Speaker #0

    Il y a moins de puissance, il y a moins de matière, et l'approche de sûreté est différente. Le niveau de sûreté est le même.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que ce sont des choses qu'on entend souvent. Il ne faut pas laisser imaginer que les réacteurs de puissance sont moins sûrs que les SMR. Enfin, le... Au niveau de sûreté, c'est le même. La différence, c'est que la puissance n'est pas la même. Et donc, une puissance moindre amène potentiellement des conséquences moindres ou une meilleure facilité de gestion des systèmes.

  • Speaker #2

    Je penserais par exemple qu'il y avait des systèmes de sécurité passives qui étaient plus possibles sur les SMR que sur les grands.

  • Speaker #1

    Du fait de la puissance installée, la dissipation de manière passive en cas d'arrêt de... Enfin, perte de réfrigérant, le système, comme il est à faible puissance, il va, lui, naturellement, la chaleur va se dissiper de manière passive.

  • Speaker #0

    En fait, la sûreté, c'est de la gestion des risques, c'est-à-dire réduire le risque d'occurrence d'un incident et réduire les impacts, les conséquences en cas d'accident. Donc, le niveau de sûreté qui est visé pour la... L'ASMR et pour les grands réacteurs est le même, c'est-à-dire qu'il y a à peu près la même probabilité qu'il y ait des relâchements dans l'environnement à la suite d'un accident. Par contre, l'approche pour arriver à ce niveau de risque peut être différente. Typiquement, dans un EPR, on est sur une approche active avec de la redondance des systèmes. Il va y avoir plusieurs ponts, plusieurs équipements pour assurer la même fonction au cas où il y ait le dysfonctionnement d'un équipement, de deux équipements, d'autres équipements. Dans des ASMR, on peut avoir une approche différente passive, c'est-à-dire qu'on coupe complètement l'électricité du fait de convection. naturel, donc l'eau chaude monte, l'eau froide descend, ça permet pendant un certain temps que le réacteur se refroidisse tout seul. Donc l'approche est différente, mais le niveau de sûreté est le même.

  • Speaker #2

    Et bien ce sera le mot de la fin Merci Stéphane Sarade et merci Maxence Cordier

  • Speaker #1

    Merci à toi

Description

Aujourd’hui, si un pays où une entreprise veut décarboner son énergie avec du nucléaire, il devra choisir entre des modèles de réacteurs de puissance énorme et à un coût se chiffrant en milliard d’euros. C’est évidemment rédhibitoire pour les entreprises et très contraignant pour les pays qui n’ont pas toujours les fonds et le réseau électrique disponible pour absorber une telle puissance. Les SMR et les AMR sont des réacteurs dont la petite taille serait la solution à ce problème. Si ces réacteurs n’existent actuellement que sur papier, il suscite déjà beaucoup d’enthousiasme, mais aussi d’inquiétudes concernant la sécurité. Avec mes deux invités du CEA, Stéphane Sarrade, Directeur des Programmes Énergie, et Maxence Cordiez, ingénieur et responsable des affaires publiques européennes, nous allons passer en revue les grandes interrogations qui planent autour de ces technologies. Tout comprendre sur les SMR et AMR. C’est le thème de ce nouvel épisode d’Échange Climatique.


Infos: https://linktr.ee/echangeclimatique

Contact: echangesclimatiques@gmail.com

Production: https://onetwo-onetwo.com/

Animation: Vidéo « A la découverte des petits réacteurs nucléaires : les SMR et AMR ». Crédits CEA/Bearideas


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, si une entreprise ou un État souhaite décarboner son énergie avec du nucléaire, il devra choisir entre des modèles de réacteurs de puissance énorme dont les coûts se chiffrent en milliards. C'est rédhibitoire pour les entreprises et très contraignant pour les États qui n'ont pas toujours les fonds et le réseau électrique pour absorber une telle puissance. Les SMR et les AMR sont des réacteurs dont la petite taille serait la solution à ce problème. Si ces réacteurs n'existent actuellement que sur papier, ils suscitent déjà beaucoup d'enthousiasme et aussi d'inquiétude concernant leur sécurité. Avec mes deux invités du CEA, Stéphane Sarra, directeur des programmes Énergie, et Maxence Cordier, responsable des affaires publiques européennes, nous allons passer en revue les grandes interrogations concernant cette technologie. Tout comprendre sur les SMR et les AMR, c'est le thème de ce nouvel épisode d'Échange Climatique. Comme vous l'avez remarqué, je ne demande pas de dons pour faire vivre cette chaîne, et YouTube rapporte très peu d'argent. Si vous voulez tout de même m'aider, vous pouvez vous abonner, c'est un gros coup de pouce pour la chaîne. Merci pour ça.

  • Speaker #1

    Sous-titrage ST'501

  • Speaker #0

    Bonjour Stéphane Sarade.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour Maxence Cordier. Bonjour. Vos postes respectifs au CEA vous amènent à travailler sur les SMR et les AMR. Stéphane, plus sur les questions industrielles et techniques et Maxence sur les questions économiques et politiques. Comment ne pas commencer cette interview sans poser cette question pour vous, Maxence ? Qu'est-ce qu'un SMR ?

  • Speaker #2

    Un SMR, c'est l'acronyme en anglais de Small Modular Reactor, petit réacteur modulaire. En fait, l'idée, c'est de faire des réacteurs qui soient plus petits, mais de produire un maximum de pièces en usine, d'avoir des réacteurs qui soient modulaires pour réduire le nombre d'étapes sur site. Donc là où la stratégie avant consistait à faire des réacteurs de plus en plus grands pour avoir des économies d'échelle par la taille, là, la stratégie change et l'idée, c'est de faire des réacteurs plus petits, donc pas d'économies d'échelle par la taille, mais par contre une économie d'échelle. par la sérialisation.

  • Speaker #0

    On reviendra un peu plus en détail sur les questions économiques tout à l'heure, mais déjà, on entend souvent SMR et AMR ensemble. Quelles sont les similitudes et les différences, Stéphane ?

  • Speaker #1

    On va revenir sur la définition. On entend SMR et AMR, donc Maxence l'a dit, Small and Modular Reactor, et AMR pour Advanced Modular Reactor. En fait, dans les deux cas, on parle de petits réacteurs, donc avec des puissances... On va dire des puissances électriques installées inférieures à 300 MW électriques, donc qui est très très loin des réacteurs de puissance. Et pourquoi on a deux définitions ? Puisque quand on parle de SMR, on va parler de réacteurs, de petits réacteurs de fission de troisième génération, c'est-à-dire des réacteurs qui sont exactement de la même génération que, on va dire, le parc actuel français. Quand on parle de AMR, on va s'adresser et on va adresser des réacteurs de quatrième génération, donc des réacteurs qui ne sont pas forcément largement déployés dans le monde. Et donc ces deux générations amènent donc deux définitions et surtout des fonctionnalités et des avantages et des inconvénients qui ne sont pas forcément les mêmes.

  • Speaker #0

    Dans les AMR on est dans une technologie de rupture mais on a toujours cette taille qui est petite et les avantages intrinsèques qui viennent avec. A quoi servent ces réacteurs ? Pourquoi avoir pensé le besoin d'avoir quelque chose de nouveau ? Qu'est-ce qu'ils apportent de plus que les réacteurs du parc mondial actuel qui sont des gros réacteurs à eau pressurisée ?

  • Speaker #2

    Il y a plusieurs éléments de réponse. Tout d'abord, certains pays ne peuvent pas construire des gros réacteurs pour différentes raisons, soit parce que ce sont des pays trop petits avec peu de population. Je pense par exemple à l'Estonie ou alors des zones où le réseau est particulièrement peu dense. Si on regarde les États-Unis, le réseau américain n'est pas le même partout. Il y a la côte ouest et la côte est où il y a un réseau dense qui peut accueillir des gros réacteurs et il y a le middle ouest avec un réseau extrêmement distendu qui ne pourrait pas accueillir un gros réacteur quand on le démarrerait ou qu'on l'arrêterait, le réseau tomberait. Donc déjà... les petits réacteurs peuvent permettre de répondre à cette demande-là. Ensuite, pour pouvoir atteindre la neutralité carbone, il faudra évidemment de l'électricité. Aujourd'hui, l'électricité, c'est 25% à peu près du bouquet énergétique français. On estime qu'en 2050, ça devrait être 55-60%. Mais il y a encore 40-45% d'énergie qui devrait être bas carbone, mais qui ne sera pas de l'électricité. Donc, on va devoir produire de la chaleur bas carbone et des carburants liquides et gazeux bas carbone. non issus de fossiles. Et là, les SMR et AMR peuvent jouer un rôle. Si l'électricité se transporte bien, la chaleur se transporte moins bien, donc les réacteurs doivent être localisés plus près des lieux de consommation, à quelques dizaines de kilomètres au plus. Donc le SMR, de par sa petite taille, permet de localiser sur un nombre de sites plus importants des réacteurs. Par exemple, si on veut décarboner une ville de taille moyenne, on ne va pas mettre une paire de PR à côté, en termes de dimensionnement, ce ne serait pas cohérent, il n'y a pas forcément la source froide pour les refroidir. Par contre... Un ou deux SMR, c'est envisageable. Avec cette chaleur-là, ils peuvent aussi permettre de produire du dihydrogène par électrolyse à haute température, ce qui offre un meilleur rendement que les procédés d'électrolyse classique. Et à partir de l'hydrogène, on peut faire des molécules dérivées, soit pour la chimie ou pour des carburants. Ça peut être de la chaleur aussi pour l'industrie, pour des zones industrielles type Dunkerque, fosse sur mer, etc. Donc beaucoup de nouveaux marchés.

  • Speaker #0

    Vous parlez de sources froides, donc pour les industries, peut-être sur la chaleur, on parle de secteurs qui sont difficilement décarbonables comme l'industrie ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que c'est important ce que dit Maxence, puisque historiquement, les SMR ont été perçus pour remplacer les centrales thermiques, les centrales thermiques, les hydrocarbures, pour adresser des pays qui n'étaient pas dotés d'énergie nucléaire civile, avec des réseaux qui ne permettent pas d'avoir des... Et puis, beaucoup plus récemment, sont arrivées les problématiques de décarbonation de nos usages et de décarbonation de l'industrie. Et quand on regarde effectivement les besoins en décarbonation, si on s'adresse à l'Europe en particulier... On voit que beaucoup d'industries que nous connaissons sont demandeuses d'énergie, d'énergie thermique, et qu'on peut même imaginer que dans un futur pas si lointain que ça, de la chaleur bas carbone sera peut-être plus compliquée à produire que de l'électricité bas carbone. C'est la raison pour laquelle beaucoup de projets de réacteurs SMR et AMR adressent l'ensemble des applications que vient d'évoquer Maxence, c'est-à-dire produire de l'électricité, de la chaleur décarbonée, de l'hydrogène décarboné, des molécules décarbonées, de manière à pouvoir être un soutien de décarbonation des grandes industries. Oui, on sait très bien que certaines industries, la métallurgie, les cimenteries... L'agroalimentaire, son consommatrice d'énergie électrique, mais de beaucoup d'énergie thermique. Et ces petits réacteurs sont maintenant imaginés comme étant des solutions pérennes pour répondre aux grands enjeux du changement climatique.

  • Speaker #0

    Parce qu'aujourd'hui, cette chaleur, elle est... exclusivement produite par des énergies fossiles. C'est du charbon.

  • Speaker #1

    C'est du charbon, c'est du gaz. C'est du gaz, effectivement. Donc l'enjeu est assez colossal. Alors pourquoi il est colossal ? Parce que nous serons en capacité de produire ces utilités décarbonées, en particulier la chaleur, que nous pourrons maintenir et au meilleur niveau à la fois économique mais aussi environnemental, une industrie sur le sol européen.

  • Speaker #0

    Donc il y a aussi des challenges de décarbonation et de réindustrialisation.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Maxence ?

  • Speaker #2

    Et peut-être pour abonder dans le sens de ce que disait Stéphane, l'utilisation des SMR pour la chaleur peut permettre de mieux intégrer certains procédés. Si on prend la production d'engrais par exemple, aujourd'hui les engrais sont azotés, sont produits à partir d'ammoniaque, l'ammoniaque est produit à partir d'hydrogène, et l'hydrogène est produit par vaporé-formage de méthane issu du gaz fossile. On pourrait se dire, dans ce cas-là, si on produit de l'hydrogène bas carbone, il suffit de remplacer l'hydrogène issu du gaz fossile par de l'hydrogène bas carbone issu d'électrolyse. Sauf qu'en pratique, généralement, les producteurs d'engrais ont des procédés intégrés, avec le vaporé-formage qui est intégré à leur procédé, qui permet de produire de l'hydrogène, mais aussi de la chaleur pour le reste du procédé. Donc même s'ils avaient accès à des quantités abondantes d'hydrogène bas carbone électrolytique, par exemple... pour leur procédé. Ils ne pourraient pas en intégrer des grandes quantités, alors de mémoire ça doit être 5 ou 10% maximum, parce que justement ils ont encore besoin du vaporé-formage pour produire de la chaleur pour le reste du procédé. Donc en fait, produire de l'hydrogène électrolytique avec un réacteur nucléaire qui produit aussi de la chaleur à côté, ça peut permettre de faire une source de chaleur qui aide à intégrer des clusters industriels comme ça, et à optimiser ces chaînes industrielles.

  • Speaker #0

    Un même modèle de SMR peut faire les deux, électricité et chaleur.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    En fonction de la nature et du type de réacteur que vous allez choisir, les niveaux de température ne seront pas les mêmes. Sur un SMR, vous allez donc troisième génération, vous avez au maximum 300 degrés, ce qui veut dire qu'en termes de chaleur utilisable, vous êtes entre 100 et 150 degrés. Quand vous travaillez sur certains AMR de quatrième génération, vous allez pouvoir disposer de 400, 600, voire 900 degrés pour les réacteurs de type. Vous n'adressez pas forcément les mêmes gammes de température, donc vous n'avez pas forcément aussi les mêmes applications. Ça peut être du district heating, de la chaleur urbaine, ou ça peut être de la chaleur industrielle. Quand vous avez besoin de beaucoup d'énergie thermique, des systèmes qui vont préchauffer vos lignes de traitement de manière à minimiser le coût final pour atteindre les températures les plus élevées.

  • Speaker #2

    Et pour que ce soit bien clair pour tous les auditeurs, tous les réacteurs nucléaires, on part de chaleur et ensuite on peut faire de l'électricité. Donc si on a besoin de plus de chaleur, on peut aussi dimensionner la turbine pour produire moins d'électricité, avoir plus de chaleur. Donc ça, ce sont des choses qui sont faisables. On part toujours de chaleur pour faire de l'électricité.

  • Speaker #1

    Et c'est toujours plus facile à faire sur des petits réacteurs en termes de puissance. C'est pour ça aussi que ces petits réacteurs, ils ont vraiment cet avantage d'être beaucoup plus adaptables sur ces différentes fonctionnalités, puisque gérer une source chaude, un réservoir de chaleur, gérer une turbine, c'est beaucoup plus simple avec un petit réacteur.

  • Speaker #0

    Donc on a dit que les SMR, c'était... qu'on connaissait, c'était la technologie plus ou moins existante. Les AMR, on n'a pas encore expliqué ce que c'était. Stéphane, vous venez de parler de HTR, de réacteurs à haute température. Est-ce que vous pouvez faire peut-être un panorama des AMR les plus prometteurs ?

  • Speaker #1

    Tout à fait, les plus prometteurs. En tout cas, ceux qui sont étudiés. En fait, vous savez qu'il y a au niveau international un forum international qui s'appelle le GIF, le Forum Génération 4, qui regroupe 12 pays qui se sont en 2000 rassemblés pour travailler ensemble sur 6 concepts. Ce sont les 6 concepts qui sont imaginés au niveau international comme étant les concepts les plus... les plus intéressants. Alors, historiquement, et là je vais reprendre un peu ma vision scientifique et technique, ce sont les réacteurs à neutrons rapides, en particulier refroidis au sodium, qui apparaissent comme étant les plus matures. Alors pourquoi ils apparaissent comme étant les plus matures ? Puisque les RNR sodium, alors au CEA nous avons eu Rapsody, en France nous avons eu aussi Phénix et Superphénix, il y a dans le monde plus de 500 ans de fonctionnement cumulé de ce type de réacteurs. Donc vous voyez qu'il y a eu un débat. déploiement assez important et certains donc fonctionnent à l'heure actuelle aujourd'hui dans le monde. Donc les réacteurs à neutrons rapides, ce sont des réacteurs où le caloporteur, c'est du sodium liquide. Et là aussi, on peut atteindre un certain nombre de températures intéressantes. Vous avez une autre possibilité qui sont les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb. Là, le caloporteur, c'est du plomb liquide. Alors ça peut être du plomb, ça peut être un mélange de techniques avec du plomb et du bismuth par exemple. Donc ça, ce sont globalement, je dirais, des technologies quatrième génération qui apparaissent comme étant matures, dans la mesure où elles ont déjà été déployées pour le plomb, notamment le plomb. Ce sont nos collègues russes qui ont développé cette filière-là.

  • Speaker #0

    Sans rentrer dans le détail technique, mais quel est l'avantage du plomb par rapport au sodium ?

  • Speaker #1

    Ce sont des avantages différents. Ce sont des avantages en termes de performance, en termes de manipulation. Alors pourquoi nous, par exemple, côté français, on a privilégié le sodium ? c'est qu'en fait il reste liquide à des températures plus basses que le plomb, puisque le plomb il faut être au-dessus de 300°C pour ne pas qu'il prenne en masse de manière irréversible. Donc voilà, il y a des avantages et des inconvénients, mais les deux fonctionnent, ont fonctionné, et vous allez retrouver dans les startups au niveau mondial, des startups qui sont parties sur les RNR au plomb ou les RNR au sodium, avec des cœurs de procédés qui sont assez proches. La seconde génération, je dirais en termes de maturité, ce sont ce qu'on appelle les réacteurs à haute température, où là on va utiliser un caloporteur qui ne sera pas liquide mais qui sera souvent un gaz, en particulier de l'hélium. Ce sont des systèmes qui sont intéressants parce que relativement robustes en termes de... en termes de fonctionnement, mais qui n'ont pas des performances, qui ont des performances un peu moindres par rapport à la première génération que j'ai évoquée de R&R.

  • Speaker #0

    En termes de rendement ?

  • Speaker #1

    En termes de rendement, en termes de rendement sur le combustible, et puis... En termes de cycle du combustible, on va y revenir puisque vous voyez que je vais vous parler beaucoup de réacteurs, mais on oublie toujours qu'au-delà des réacteurs de 3e ou 4e génération, un réacteur et un type de réacteur n'a de sens que si son cycle du combustible est associé, c'est-à-dire quel type de combustible il va falloir fabriquer, et une fois qu'il aura été utilisé en réacteur, comment il va être géré, puisqu'en France, nous avons fait le choix politique, et il a été réaffirmé encore très récemment au Conseil de politique nucléaire, que la... France s'inscrit dans le retraitement de ces combustibles usés avec une vision de cycle fermé. Donc ça ce sont donc je dirais des réacteurs à maturité intermédiaire. Puis vous avez les réacteurs qui eux sont à maturité industrielle beaucoup plus faible, comme par exemple les réacteurs à sel fondu, où là dans le monde historiquement il y a eu un réacteur qui a fonctionné de tête 18 mois aux Etats-Unis dans les années 50. Donc oui il n'y a pas eu de déploiement. En revanche c'est ce type de réacteur à sel fondu, où là on a une très grosse rupture technologique. Puisque autant sur les deux premiers types de réacteurs, nous sommes sur des combustibles solides, donc mis en forme. Là, réacteurs à sel fondu, les combustibles sont sous forme liquide, sont sous forme de sel. Ils vont eux-mêmes baigner dans un caloporteur qui est un sel fondu. Et donc ça amène, en termes de gestion du combustible et de gestion des déchets produits, des potentialités très très intéressantes. C'est pour ça qu'ils sont intéressants en termes de rupture. Par contre, ils vont nécessiter des développements techniques, d'abord de recherche, pour après atteindre des développements et des déploiements techniques.

  • Speaker #0

    Donc là, on parle de sel d'uranium, pas du sel de...

  • Speaker #1

    Alors oui, de sel de plutonium, du PUCL3. Donc il y a deux types de sel, ce sont soit des chlorures, soit des fluorures qui sont testées, utilisées dans le monde. Donc nous, par exemple, côté CEA, on s'intéresse au PUCL3, donc un sel qui va lui-même être dans... un système de caloporteurs à sel fondu et qui va permettre d'avoir des rendements très élevés.

  • Speaker #0

    Corrigez-moi si je me trompe, Maxence, tu aurais ajouté quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, peut-être pour rebondir sur la question sel, uranium, plutonium, thorium et sel fondu. Souvent, on a tendance à associer réacteurs à sel fondu avec thorium. Non, en fait, on peut faire fonctionner des réacteurs à sel fondu avec du thorium, de l'uranium ou du plutonium. En France, il n'y a pas d'intérêt vraiment à utiliser du thorium parce qu'on a des On a des stocks d'uranium appauvris, on a aussi du plutonium via les combustibles usés que la France a fait le choix de retraiter. Le thorium c'est plus intéressant pour des pays qui ont cette ressource-là, qui n'ont pas des matières séparées sur leur territoire, séparées des stocks d'uranium ou qui ont fait le choix de retraiter, là je pense particulièrement à l'Inde. Mais la question... du combustible se pose différemment selon les pays et en France il n'y a pas vraiment d'intérêt à utiliser du thorium. Si on faisait ce choix là, ça voudrait dire que l'uranium et le plutonium dont on dispose sur le territoire devraient être considérés comme des déchets. Donc on irait chercher une autre ressource pour considérer des choses qu'on a déjà de façon séparée comme des déchets.

  • Speaker #0

    Donc il ne faut pas du tout voir ces filières comme concurrentes mais plutôt qu'ils répondent à des besoins différents selon l'usage ou selon le pays.

  • Speaker #1

    Elles vont avoir en fait des avantages et des inconvénients très très particuliers mais elles sont... Ces filières-là sont complémentaires. Donc on me l'a évoqué très justement, Maxence, vous voyez que les réacteurs à sel fondu permettent d'adresser un très très large spectre de combustibles possibles. Donc ça c'est intéressant. Et donc nous en France, on travaille sur l'ensemble de ces filières, enfin essentiellement sur le côté CEA, sur les R&R sodium et les réacteurs à sel fondu. Mais il y a au niveau mondial une dynamique globale sur l'ensemble de ce type de réacteurs. Mais je le rappelle... L'importance aussi, c'est de réfléchir en termes de cycle du combustible associé, puisque tous ces types de filières ne vont pas utiliser, ne serait-ce qu'au niveau géométrique, mise en forme, le même type de combustible. Et derrière, il faut imaginer qu'on va devoir les retraiter, ces combustibles. Donc, imaginez les usines qui vont permettre de pouvoir faire ces opérations unitaires.

  • Speaker #2

    Et tout ça joue sur la maturité de... de ces concepts-là. C'est-à-dire que quand on voit que concevoir un réacteur à eau légère, un réacteur du type de ceux qu'on exploite actuellement, prend une petite dizaine d'années, en fait, tous les concepts d'AMR qui sont moins matures, qui nécessitent plus de recherche et développement, vont prendre davantage de temps. Et d'autant plus que ce sont des concepts qui ont été peu explorés. Donc autant les concepts sodium bénéficient d'un retour d'expérience permettant... d'envisager des déploiements à des échelles relativement proches, mais qui prendraient plus d'une dizaine d'années. Et après, si on va sur des réacteurs moins matures et pour lesquels on n'a pas forcément les technologies en termes de cycles, je pense par exemple au sel fondu, ce sont des échéances encore plus lointaines. Donc quand on veut déployer... des réacteurs. Et ça, je pense que c'est très important de l'avoir à l'esprit. Il ne faut pas uniquement regarder les caractéristiques sur le papier de tel type de concept, mais aussi à quel besoin il doit répondre, à quelle échéance. Donc ça, ça peut aussi conditionner les choix de déploiement. Si on a du retour d'expérience sur une technologie, ce sera évidemment plus facile de la développer. Ça coûtera aussi moins cher de la développer que si on part sur une technologie toute nouvelle sur laquelle on a plus de recherches à faire.

  • Speaker #0

    Oui, donc les réacteurs qui se permettent de se passer évidemment d'uranium qu'on trouve dans la nature peut-être arriveront dans un second temps. Et donc si je refais un peu le phasage, on aura les SMR en premier d'ici la fin de la décennie ou début de la décennie prochaine plutôt.

  • Speaker #1

    Oui, c'est effectivement ça. Comme l'a dit Maxence, les SMR, notamment le projet de SMR français New World qui est porté par EDF, à quel contribue un certain nombre. d'entités dans le CEA, donc Naval Group, Technic Atom. Tractable Energy est imaginé, puisqu'on est en phase d'avant-projet détaillé, au début de la décennie prochaine. Donc là, Newhart, c'est un PWR, un réacteur à eau légère, le combustible existe déjà, et les filières de retraitement à la hague existent. Donc vous imaginez bien que oui, c'est effectivement au niveau temporalité les premiers qui vont arriver, donc début de la prochaine décennie, alors que les... AMR sont plutôt... dont certains vont nécessiter une phase intermédiaire de développement de démonstrateurs, puisqu'il n'y a pas eu, pour certains, je vous l'ai dit, de démonstrateurs qui permettent d'acquérir des données et de dimensionner au mieux, donc on les attend plutôt dans la seconde moitié de la prochaine décennie.

  • Speaker #0

    Donc si on reste sur New World ou sur les concurrents de New World, l'avantage inhérent de cette petite taille, c'est notamment un avantage économique. Si on regarde l'histoire du nucléaire français, c'était un peu une course à la puissance, puisque à chaque fois qu'on avait un réacteur plus puissant, ça diminuait le coût de l'unité d'électricité produite. Mais aujourd'hui, peut-être qu'à Flamanville, on voit que le modèle a ses limites. Et aujourd'hui, est-ce que le retour en force ? de ces petits réacteurs parce que ça a toujours existé ? Est-ce que c'est justement pour répondre à cette faille, mais ce modèle qui arrive un peu en bout de course ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut qu'il y ait une clarification qui soit faite de manière très claire. Les petits réacteurs ne vont pas remplacer les réacteurs de puissance. Je pense que... Non mais je crois que c'est important de le dire parce que... Pourquoi ? D'abord pour une raison très simple, c'est que la demande en électricité décarbonée... Vous savez à l'heure actuelle l'électricité c'est globalement 25% de notre mix énergétique global. A l'horizon 2050, vous le savez, l'électricité représentera 60-65%. Donc des quantités colossales d'électricité bas carbone sont attendues. Donc le nucléaire en France, bien sûr, en fera partie. Et on va avoir besoin à la fois des réacteurs de puissance, type les EPR qui vont être développés, mais aussi des petits réacteurs pour les avantages et les applications qu'a évoquées notamment Maxence.

  • Speaker #2

    Alors là-dessus, pour compléter et aller dans le sens de ce que dit Stéphane, les gros réacteurs ont des avantages qu'il ne faut pas oublier en termes d'efficacité de l'espace du sol. On produit plus d'électricité sur une surface plus petite. D'utilisation du combustible aussi. En termes d'utilisation du combustible, les gros réacteurs sont plus efficaces, donc ils vont consommer moins de combustible pour produire la même quantité d'électricité. Par contre, ils ne pourront pas rendre un certain nombre de services en termes de co-génération. Par exemple... Les avantages et inconvénients sont différents et s'adresseront à des marchés différents. En termes économiques, je vois aussi un autre avantage quand même au SMR, même pour de la production d'électricité seule, qui est que l'un des gros freins au déploiement de l'énergie nucléaire dans le monde, c'est son côté capitalistique. C'est-à-dire qu'il est difficile de financer des réacteurs nucléaires globalement. Décaissez 10 milliards d'euros pour la construction qui va prendre potentiellement 10 ans. En fait, c'est très difficile dans... dans le marché. Et si on regarde des pays favorables de longue date au nucléaire, comme la Pologne par exemple, ont été historiquement freinés par ce genre de considérations. L'avantage du SMR, c'est que via une approche modulaire, on peut construire le réacteur normalement plus rapidement parce que les modules sont préparés en usine et ont réduit le nombre d'étapes sur site. Et vu que la puissance est plus petite, ça permet aussi, et le réacteur moins cher évidemment, un CMR coûte moins cher qu'un EPR, ça permet de fractionner l'investissement, un peu comme dans les renouvelables. Il est bien rare qu'on décide de construire 1,6 gigawatt d'éolien d'un seul coup, on va construire quelques centaines de... de mégawatts, puis quelques centaines de mégawatts. Donc ça, ça peut permettre à certains pays d'aider à financer le nucléaire. Autre avantage...

  • Speaker #0

    Oui, juste sur les... On revient un peu à ce côté effet de série, parce que si le panneau photovoltaïque, par exemple, a vraiment baissé de prix ces dernières années, c'est parce qu'on a pu en produire des quantités, des quantités, et c'est un peu le modèle aussi des SMR. C'est l'effet de série qu'on fait.

  • Speaker #2

    Tout à fait. Si on n'en produit que quelques-uns, le concept ne sera pas rentable. Il faut en produire plusieurs dizaines pour que le concept devienne intéressant. Et c'est pour ça aussi qu'il est indispensable de réfléchir à l'échelle internationale. Quand on veut faire des économies d'échelle par sérialisation, ça veut dire qu'il va falloir rentabiliser les usines. Et on ne fait pas une usine pour faire juste une cuve, un générateur de vapeur. Donc le premier SMR, pour ceux qui l'ont produit, ne sera pas rentable. Par contre, plus on va en produire, plus le modèle sera... sera rentable. Et l'avantage aussi, c'est que face aux enjeux de décarbonation rapide qu'il va y avoir, ça va permettre aussi de multiplier les chaînes industrielles, augmentant le potentiel de l'énergie nucléaire. À l'issue de la consultation préalable aux travaux de RTE il y a 3-4 ans maintenant, la filière avait estimé qu'elle était en mesure de construire potentiellement 14 EPR d'ici 2050. Alors l'histoire dira si on peut en faire un peu plus, un peu moins. Mais si on a besoin de davantage de nucléaire, avoir d'autres concepts qui s'appuient sur des chaînes industrielles différentes, sur des usines différentes, peut permettre aussi d'accroître le potentiel de l'énergie nucléaire. C'est un peu comme sur le solaire photovoltaïque, si on avait une usine de panneaux, avec un seul producteur de panneaux,

  • Speaker #0

    on pourrait développer moins de cela photovoltaïque que si on a plusieurs usines avec plusieurs producteurs donc on a parlé des différents modèles qui existent mais on n'a pas parlé encore des pays qui se placent le mieux sur cette sur cette fréquence est-ce que Max, sans vous pouvez nous faire un petit un petit tour d'horizon donc il y a la France, il y a les Etats-Unis, on a un peu parlé Il y a plusieurs types de pays qui vont se placer sur le créneau des SMR, à la fois les concepteurs de réacteurs, et donc là on va retrouver la plupart des pays historiquement impliqués dans l'industrie nucléaire sous un angle de conception. Comme tu as dit, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, le Canada, la Corée, etc. La Russie, la Chine évidemment. Et après il y a tous les pays consommateurs, utilisateurs de réacteurs nucléaires qui eux sont intéressés. et vont plutôt regarder sous l'angle de leurs besoins. Et à ce niveau-là, selon les pays, différents modèles de réacteurs sont conçus. Généralement, les pays conçoivent un type de SMR plutôt pour leurs besoins domestiques et après envisagent une exportation. Je prends l'exemple du Canada. Le Canada a beaucoup de communautés isolées, au milieu du Saskatchewan par exemple, qui actuellement sont alimentées par des générateurs diesel polluants et extrêmement coûteux. Et donc ils envisagent des... micro réacteurs de quelques mégawatts qu'ils peuvent livrer sur site. Le réacteur fonctionne quelques années, ensuite il est retiré et il va être maintenu, rechargé, etc. dans une usine au milieu d'une zone plus peuplée, donc côte Est, côte Ouest. Les États-Unis ont développé New Scale à l'origine pour remplacer les centrales à charbon isolées du Midwest. New Ward a été plutôt conçu pour remplacer des centrales à charbon de moyenne puissance, notamment en Europe. La Russie, la barge académique Lomonosov, qui repose d'ailleurs sur des technologies militaires russes, donc qui est difficilement exportable, répond à un besoin domestique russe d'alimenter des communautés isolées, proches de l'eau, avec un réacteur qui peut être construit et maintenu dans des ports dédiés à ça, et après transporté jusqu'au site de production. Donc on voit que différents types de réacteurs... existe, conçu pour répondre généralement d'abord à une demande domestique, ce qui assure quand même un minimum de marché et qui après vise une clientèle internationale.

  • Speaker #1

    Peut-être pour aller un petit peu plus loin, puisqu'une étude récente de l'Agence Internationale de l'Énergie a fait un petit peu la cartographie et il y a pratiquement 100 projets de SMR, AMR dans le monde à l'heure actuelle. Il y en a 98 je crois de tête, avec bien sûr des niveaux de développement. différents, mais vous voyez qu'on va atteindre une centaine, comme l'a dit Maxence, donc trois zones, Amérique du Nord, donc Etats-Unis, Canada, Europe et Asie, principalement portée par la Chine. Il faut aussi imaginer que derrière aussi ces petits réacteurs, il y a aussi des réflexions, notamment des réflexions sur l'utilisation dans des applications militaires, puisque les Etats-Unis ont annoncé le déploiement d'un petit réacteur pour une base aérienne en Alaska. Là aussi, on revient dans la problématique des zones isolées et de l'autonomie. Et aussi,

  • Speaker #2

    on peut se découpler du réseau aussi.

  • Speaker #1

    Et on se découple du réseau, tout à fait. Et puis, vous allez aussi trouver des applications pour certaines de ces startups qui vont être pour le spatial, puisque se posent aussi les questions des futures bases-vie, d'abord sur la Lune et ensuite sur Mars. Et on va retrouver aussi chez certaines de ces... des startups, ou de ces projets industriels, des applications qui vont aller au-delà. Alors bien sûr, c'est qu'une temporalité qui, là aussi, n'est pas la même, mais au-delà de ce qui a été évoqué, effectivement, des applications défense et des applications spatiales.

  • Speaker #2

    Et un peu plus près que l'espace, donc la Finlande, vous me disiez en préalable de l'interview, qu'elle l'utiliserait notamment pour sa chaleur. Et aussi, j'ai lu dans un commentaire que vous répondez sur le chat LinkedIn, que des pays antinucléaires pourraient revenir au nucléaire via l'ASMR ?

  • Speaker #0

    Oui, alors ce sont deux sujets différents. La Finlande, surtout depuis le démarrage de l'EPR de Olkiluoto, a une production d'électricité qui est globalement décarbonée. Par contre, elle consomme encore beaucoup de chaleur fossile. Et le chauffage en Finlande est assez différent de celui qu'on connaît en France. Ils utilisent beaucoup de réseaux de chaleur alimentés par des grosses chaudières, notamment en charbon. Et la Finlande étudie depuis des années maintenant sérieusement l'opportunité de mettre des SMR, soit de co-génération électrogène-calogène, soit purement calogène, pour remplacer. C'est Chaudière à Charbon qui alimente les communautés. Donc c'est l'un des pays où le stade de réflexion sur l'usage des SMR pour chauffer des villes est, je pense, le plus avancé. Même si d'autres pays comme la Russie, par exemple, font ça historiquement. Beaucoup de réacteurs, la plupart des réacteurs en Russie, historiquement, chauffent aussi les villes à proximité.

  • Speaker #1

    Au-delà de ces exemples, il y a aussi l'exemple de la Chine, puisque j'y étais il y a encore une dizaine de jours, en discutant avec l'électricien Spik, qui a, lui, déjà trois niveaux de développement, un réacteur nucléaire purement calogène, et qui alimente une ville de 1 million d'habitants, avec ce type de système. Donc, il y a des déploiements significatifs qui existent à l'heure actuelle dans ce domaine.

  • Speaker #2

    Ce n'est pas la science-fiction.

  • Speaker #1

    Non, non, ce n'est pas la science-fiction.

  • Speaker #2

    Et pour la France, on a parlé de l'exportation des SMR, est-ce qu'on ne pourrait pas en mettre sur nos îles ? dont l'électricité est beaucoup plus carbonée que la métropole ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est une réflexion qu'on peut avoir. En fait, ça ouvre tout un champ d'études, de mon point de vue. Et alors, on peut penser à ça pour certaines communautés isolées, qui peuvent être des îles, il y a des micro-réacteurs, des petits réacteurs. On peut aussi penser, alors là, c'est plus peut-être de la science-fiction, mais finalement, pas forcément tant que ça, faire des navires d'intervention. de secours, par exemple, vous avez une catastrophe naturelle quelque part, un navire qui serait capable d'arriver et de produire de l'électricité pour la zone sinistrée, de l'eau douce, ce qui peut être extrêmement précieux, éventuellement quelques carburants aussi. Et là, je pense, alors, des zones sinistrées par des catastrophes naturelles, des tsunamis, des choses comme ça, ou des îles comme Mayotte qui ont connu des périodes de sécheresse majeure, par exemple l'an dernier. Donc, on peut envisager des applications comme ça. En plus, si c'est sur des marchés entre guillemets de niche de la sauvegarde, par exemple, là, on peut envisager des technologies qui existent déjà.

  • Speaker #2

    Il y a une nouvelle qui n'a pas fait le bonheur de l'industrie des SMR, c'était l'abandon du projet New Scale dans l'IDAO. Donc, Maxence a touché deux mots tout à l'heure. En gros, je crois savoir que c'était le projet de SMR le plus développé à date, c'était donc aux États-Unis. Est-ce que pour vous c'est un échec qui révèle quelque chose d'autre ou alors c'est juste un accident de parcours ?

  • Speaker #1

    Alors, on a regardé, bien évidemment, pour comprendre, puisque de toute façon, ce type de nouvelles, forcément, elle est intéressante à analyser. L'analyse que nous allons faire, c'est que ce n'est pas, à la base, un problème technique. C'est un problème qui est plus un problème financier. Pourquoi ? Puisque Newscale, c'est une société, une jeune société qui est cotée en bourse. Donc, il y a fait un certain nombre d'annonces en bourse. Et puis, il y a un certain nombre de personnes qui ont misé sur... une baisse. Et ils ont fait beaucoup d'argent en misant sur la baisse de New Scale, qui est arrivée, puisqu'à partir du moment où ils n'ont pas eu accès au financement auquel ils avaient imaginé. Pour moi, ça traduit beaucoup de choses. D'abord, ce n'est pas un problème technique. Et deux, c'est un problème économique. Et c'est intéressant de voir que le modèle économique de déploiement des SMR type New Scale doit aussi tenir compte de ce genre de contexte, de contexte financier et je dirais là de trading.

  • Speaker #2

    L'EPR c'était une collaboration entre plusieurs pays, la France, l'Allemagne et l'Imménie. Est-ce qu'il y a la même chose sur les SMR à l'échelle européenne ? On sait qu'il y a une alliance des batteries par exemple. Est-ce qu'on peut envisager une alliance des SMR ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est quelque chose qui est en train de se mettre en place. Alors déjà, il y a une alliance des SMR qui a été annoncée très récemment au niveau européen par la Commission européenne, qui visera à travailler sur le financement, la réglementation, les compétences, le déploiement des SMR en Europe. Après, au-delà de cette coordination qui est en train de se mettre en place au niveau européen, il y a aussi un signal politique avec le ministre Bruno Le Maire qui a demandé récemment la création... d'un IPCEI, donc un projet important d'intérêt économique européen, qui aide à déroger, c'est une procédure au niveau européen, qui sur des technologies stratégiques, comme le solar PV, les batteries, etc., permet de déroger aux règles sur les aides d'État pour pouvoir lancer une filière. Donc là, il y a une demande de création là-dessus. Et après, sur des projets particuliers, il y a aussi une collaboration internationale qui se met en œuvre, à la fois du côté des concepteurs, par exemple, Stéphane l'a rappelé tout à l'heure, sur New World, Tracte Bell, qui est une filiale belge d'Engie, travaille sur le projet New World. Et après, et ça c'est tout à fait important, entre les autorités de sûreté. Parce que, c'est ce qu'on expliquait tout à l'heure, l'intérêt du SMR c'est d'avoir une production en série, qui doit être internationale parce que les capacités d'installation dans un pays ne suffisent pas à justifier un modèle. Or, si on veut l'avoir dans plusieurs pays, il ne faut pas avoir à revoir le compte. concept complètement dans chaque pays parce que sinon économiquement c'est pas viable. Ça les concepteurs en ont bien conscience, les autorités de sûreté aussi. Et il y a une discussion préalable aujourd'hui entre l'autorité de sûreté française finlandaise et tchèque, pour se mettre d'accord sur des règles communes de certification pour le projet New World, ce qui permettrait idéalement de pouvoir le certifier dans des conditions à peu près similaires, au moins dans ces trois pays.

  • Speaker #1

    Et ça, je veux ajouter que c'est la première fois. C'est la première fois qu'on assiste justement à un concept de réacteur nucléaire, dont la réglementation, en bon français on appelle ça le licensing. dont le licensing est traité par trois pays différents. Ça démontre bien de la volonté d'un déploiement rapide, puisqu'effectivement, si le licensing est obtenu sur ces trois pays, vous imaginez bien que ça va permettre de faciliter, on va dire, le déploiement dans d'autres pays, un minimum européen, mais au-delà. Puisque quand on s'intéresse à ces petits réacteurs, et on l'a évoqué tout à l'heure, on pense toujours à réacteurs. Quel type de réacteurs ? Et en final, le fait que nous accompagnons beaucoup depuis 2 à 3 ans de projets d'ASMR et d'AMR, c'est qu'en fait il y a 3 éléments importants qui sont à la fois le type de réacteur, le type de combustible et le combustible associé, et quelle stratégie autour du licensing. Alors ça va tellement loin, donc New World c'est un enjeu majeur puisque c'est la première fois que l'on fait ça, et puis très récemment par exemple Microsoft aux Etats-Unis a annoncé qu'ils développaient une IA. qui allait permettre de pouvoir pré-rédiger les dossiers de licensing de manière à accélérer le temps qui est nécessaire pour justement remplir ces éléments-là. Donc vous voyez qu'il y a une espèce de réflexion globale autour de ces éléments et le licensing, c'est un des trois points importants pour le déploiement industriel à terme.

  • Speaker #2

    Sur le licensing et l'IA, je reviens parce qu'en fait c'est un challenge énorme pour... Si c'est l'ASN qui doit approuver chaque... Donc licensing c'est pour le design ? Oui. Et quand on installe un réacteur nucléaire, c'est une autorisation. Et donc on imagine que ces autorisations vont passer de quelques autorisations par décennie à peut-être potentiellement plusieurs dizaines d'autorisations par an. Et aussi la SN faisait face à un exploitant. Et aujourd'hui, enfin dans le futur, elle va faire face à plusieurs, peut-être une dizaine de start-up, une dizaine de modèles. J'imagine que pour la SN, ça va être un métier nouveau en fait.

  • Speaker #1

    Nouveau, je ne dirais pas ça, alors je ne vais pas parler à la place de la SN, parce qu'ils se sont exprimés là-dessus, et tout ce que vous venez de dire, ils en sont éminemment conscients, et ils sont conscients qu'ils vont devoir faire évoluer leur manière de fonctionner pour être en capacité de répondre à tout ce que vous avez évoqué. Et je pense que le fait d'être dans cette nouvelle dynamique, et d'être associé... Dès le départ au développement, et l'ensemble, je parle au niveau français par exemple, des startups qui sont dans le giron de France 2030, elles ont eu dès le départ, dès les premiers niveaux de discussion, un point avec à la fois l'autorité de sûreté nucléaire, mais aussi le HFDS, c'est-à-dire le haut fonctionnaire de défense, puisqu'il y a à la fois la notion de sûreté liée au... à la mise en œuvre de matériaux irradiants, enfin de radio-éléments, et aussi l'aspect sécurité, c'est qu'effectivement, en termes d'intervention ou de malveillance, il faut aussi imaginer tout ça. Tous ces projets-là que l'on voit émerger notamment au niveau français, dès le départ, ils ont été en lien avec en particulier l'autorité de sécurité. Et ça, c'est très important. D'abord parce qu'il faut les acculturer, ces nouveaux acteurs, qui n'ont pas forcément la culture au sens réglementaire et autre. Ce sont souvent des ingénieurs qui sont très volontaires, très volontaristes, très créatifs. Mais il faut aussi les acculturer sur ces réglementations-là. Donc oui, il y a une évolution, mais je pense qu'elle est positive, en tout cas, elle est intéressante au niveau national.

  • Speaker #0

    Et puis, concernant les startups, je pense qu'il faut être réaliste aussi. Aujourd'hui, il y a une sorte de bouillonnement, une grande diversité de concepts.

  • Speaker #2

    Par exemple, Darwinian.

  • Speaker #0

    Voilà, plusieurs startups, même sur des concepts assez proches. Il va y avoir une sélection qui va se faire progressivement, liée aussi aux concepts qu'ils proposent, à la crédibilité. de leurs équipes, aux accords qu'ils vont réussir à faire avec des industriels qui seront ou non intéressés par tel ou tel concept, à la maturité des concepts. Donc déjà, d'ici 10 ans, 15 ans, il n'y aura pas forcément le même nombre de startups. Il est propre qu'il y a un resserrement aussi de l'offre. Après, toutes les startups n'envisagent pas forcément d'exploiter eux aussi. Concevoir un réacteur, le construire, l'exploiter, ce sont des métiers différents. Donc vous pouvez tout à fait... concevoir un réacteur et puis après vous vous associez avec un ou plusieurs exploitants par exemple. Si on prend l'EPR, l'EPR de l'Equiloto en Finlande, il n'est pas exploité ni par REVA ni par EDF et c'est un EPR. Donc, EDF avait aidé à construire des réacteurs en Chine qui ne sont pas exploités par EDF. Donc, après, voilà, on peut construire, on peut exploiter. Donc, il faut voir en fonction des startups aussi ce que chacune envisage, quel est son business model.

  • Speaker #2

    Sur la question du licensing, les EPR, il y en a en Finlande, vous venez de le dire, il y en a en France, il y en a en Angleterre, il y en a en Chine. Ce n'est pas exactement les mêmes. La source d'eau froide n'est pas à la même température. La sismicité n'est pas à la même température. Donc, à chaque fois, il y a du... ...avoir une adaptation même si c'est à la marge du design. Comment on va faire avec les SMR pour avoir un design pour potentiellement le développer dans le monde entier ? Est-ce qu'il va falloir se mettre au plus exigeant sur tous les critères ? Et pour la question des déchets, si je reprends le cas de la Pologne qui s'est toujours manifestée comme... voulant accueillir des SMR sur son territoire, notamment parce que les réacteurs de grosse puissance étaient trop chers pour elle. Qui va gérer ces déchets ? Est-ce que ça a été envisagé ? Est-ce que ça va être le pays lui-même ? Ou alors est-ce que des pays qui sont historiquement nucléarisés peuvent sous-traiter ce service ?

  • Speaker #1

    Alors au niveau européen, ce n'est pas le sens de l'histoire. Au niveau européen, le sens de l'histoire, c'est que chaque pays qui va déployer l'énergie nucléaire civile sur son territoire va gérer sur son territoire les déchets ultimes. Il peut y avoir des retraitements, des mises en forme. C'est ce qui est fait notamment par Orano à la Hague,

  • Speaker #2

    pour la Belgique,

  • Speaker #1

    pour le Japon, vous le savez, pour beaucoup de pays, mais in fine, les déchets ultimes retournent dans leur pays. Alors, effectivement, une fois que j'ai dit ça, si on s'est... On s'intéresse un petit peu plus loin à la Russie. La Russie pourrait avoir une offre de service peut-être un peu différente où ils imaginent qu'ils pourraient récupérer les déchets ultimes. Il y a plusieurs modèles.

  • Speaker #0

    Ils le font déjà,

  • Speaker #1

    je crois, Ils le font déjà, oui. Ils le font déjà et ils auraient imaginé le déployer avec... C'était le système Remix, je crois, où ils devaient récupérer pour reproduire. Mais historiquement, pour revenir au fond de votre question, chaque pays qui va déployer... va gérer les déchets ultimes sur son territoire.

  • Speaker #0

    Et pour être tout à fait clair, dans le Code de l'environnement français, il est interdit de stocker des déchets étrangers et il est interdit d'exporter des déchets français. Donc la France stocke la totalité de ses déchets et ne stocke que ses déchets.

  • Speaker #2

    C'est très clair. Donc on a parlé de la sûreté, on a un peu évoqué la sécurité. Il y a deux questions qui reviennent assez souvent sur les SMR. C'est la question de la prolifération nucléaire. Est-ce que le fait d'avoir un SMR sur son territoire alors qu'on n'avait pas de réacteur nucléaire au préalable rapproche un état de l'arme nucléaire ?

  • Speaker #0

    Pas forcément. Il faut distinguer les technologies nucléaires. Certaines technologies sont particulièrement proliférantes et particulièrement surveillées. Je pense par exemple à l'enrichissement. D'ailleurs, si on regarde l'Iran, tous les débats actuellement, les inspections de l'Agence internationale d'énergie atomique, etc., portent sur les capacités d'enrichissement iraniennes et ce que l'Iran en fait. Et pareil sur les concepts de réacteurs. Si vous voulez faire une bombe, vous avez... Il y a besoin d'avoir du plutonium très peu irradié pour avoir un plutonium qui soit très riche en plutonium 239. Donc, historiquement, les pays qui ont voulu faire du plutonium militaire pour les bombes ont conçu des réacteurs qui pouvaient être rechargés en fonctionnement. C'était les UNGG français, les RBMK soviétiques, des réacteurs graphite aussi, la pile B, notamment à Hanford aux États-Unis. Maintenant, si vous faites des réacteurs à eau pressurisée dans lesquels vous allez essayer de tirer le plus d'énergie possible. de votre combustible, vous allez l'irradier énormément. Donc vous faites du plutonium de mauvaise qualité. Et ce qu'on constate, c'est que les pays qui veulent proliférer, je pense à la Corée du Nord par exemple, n'essaient pas de récupérer du plutonium civil pour faire des bombes avec. C'est beaucoup plus facile de produire, même dans des réacteurs construits à la va-vite, du plutonium militaire. Donc ça peut donner quelques compétences. Évidemment, quelqu'un qui sait faire de la neutronique dans un cas connaît des formules de neutronique. Mais par contre... En termes de technologie, ce n'est pas avec un réacteur à eau pressurisée qu'on va faire du plutonium militaire.

  • Speaker #1

    Je crois que pour faire un pas de côté, il y a un problème souvent de sémantique et de compréhension. Quand on parle de prolifération, on imagine une augmentation du nombre d'œufs. Et quand on s'adresse à des petits réacteurs, on imagine qu'on va en déployer beaucoup, donc on va augmenter le nombre. Mais ce n'est pas ça la prolifération. La prolifération, c'est ce que vient d'évoquer Maxence. C'est-à-dire, c'est d'avoir soit des petits, soit des gros, mais des réacteurs. cap dans les technologies, dans les systèmes, sont capables de produire des objets qui vont être utilisés malheureusement pour des armes. Et c'est en ce sens-là où tout ce qui est design, licensing, qui sera le suivi et qui est le suivi de l'Agence internationale d'énergie atomique, c'est sur la nature et le concept même des réacteurs, de manière à ce qu'il y ait un déploiement de réacteurs dits non proliférants, donc non en capacité de produire. des matières qui pourraient être détournées sur des usages non civils.

  • Speaker #0

    Et j'ajouterais qu'il y a des contrôles extrêmement poussés de l'Agence internationale de l'énergie atomique, de RATOM en Europe, pour s'assurer que les matières civiles restent à des fins civiles, qu'elles ne puissent pas être détournées, et notamment dans les étapes les plus sensibles vis-à-vis du risque de prolifération, donc tout ce qui est lié au cycle du combustible particulièrement, ou les réacteurs qui pourraient présenter un risque de prolifération. En différation, je pense au Candou, par exemple, qui a un concept de réacteur canadien qui peut être rechargé en fonctionnement. Là, l'Agence internationale de l'énergie atomique accorde une importance particulière à la surveillance de ce type de réacteur parce que le risque est accru.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a des risques au fait d'avoir des réacteurs dans des pays où l'autorité de sécurité nucléaire n'est pas aussi stricte ou compétente que dans des pays historiquement nucléarisés ?

  • Speaker #0

    Évidemment, mais... J'ai envie de dire pas tant du point de vue de l'offre occidentale que de l'offre russe et chinoise. Alors déjà, il faut avoir conscience du fait que le niveau de sûreté n'est pas le même partout dans le monde. Vous avez des pays, je pense notamment à certains pays ex-pays soviétiques, l'Arménie par exemple, la centrale de Metsamor est reconnue comme ayant un niveau de sûreté assez faible. Les institutions européennes ont essayé de la faire fermer à plusieurs reprises, bon sauf qu'elle produit... plus 20-30% de l'électricité du pays. Très difficile pour l'Arménie de la remplacer. Donc là, il y a une difficulté là-dessus. Le niveau de sûreté n'est pas forcément le même partout. Les pays occidentaux, donc France, Royaume-Uni, Etats-Unis, quand ils vendent des réacteurs nucléaires, généralement, ils s'assurent qu'il y a une autorité de sûreté, une autorité de sûreté qui soit solide dans le pays, qui puisse contrôler non pas seulement la construction du réacteur, mais aussi son exploitation d'une manière qui soit fiable. Après, d'autres pays peuvent avoir des approches différentes. Si on prend le cas de la Russie, l'offre est un peu différente. Dans certains pays, la Russie propose des offres intégrées où elle construit le réacteur, elle l'exploite et elle va vendre l'électricité. Je pense par exemple au Bangladesh. Et donc, même s'il y a une autorité de sûreté au Bangladesh, dans ce mode de fonctionnement, ça repose sur une confiance accrue dans l'autorité de sûreté du pays fournisseur de la technologie qui va l'exploiter, qui va tout faire en fait, et qui va juste vendre l'électricité. C'est pas le modèle de la France, mais certains pays peuvent faire ce genre de choses.

  • Speaker #2

    Après, je crois savoir que les réacteurs de faible puissance sont intrinsèquement moins dangereux que les plus gros, non ?

  • Speaker #0

    Il y a moins de puissance, il y a moins de matière, et l'approche de sûreté est différente. Le niveau de sûreté est le même.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que ce sont des choses qu'on entend souvent. Il ne faut pas laisser imaginer que les réacteurs de puissance sont moins sûrs que les SMR. Enfin, le... Au niveau de sûreté, c'est le même. La différence, c'est que la puissance n'est pas la même. Et donc, une puissance moindre amène potentiellement des conséquences moindres ou une meilleure facilité de gestion des systèmes.

  • Speaker #2

    Je penserais par exemple qu'il y avait des systèmes de sécurité passives qui étaient plus possibles sur les SMR que sur les grands.

  • Speaker #1

    Du fait de la puissance installée, la dissipation de manière passive en cas d'arrêt de... Enfin, perte de réfrigérant, le système, comme il est à faible puissance, il va, lui, naturellement, la chaleur va se dissiper de manière passive.

  • Speaker #0

    En fait, la sûreté, c'est de la gestion des risques, c'est-à-dire réduire le risque d'occurrence d'un incident et réduire les impacts, les conséquences en cas d'accident. Donc, le niveau de sûreté qui est visé pour la... L'ASMR et pour les grands réacteurs est le même, c'est-à-dire qu'il y a à peu près la même probabilité qu'il y ait des relâchements dans l'environnement à la suite d'un accident. Par contre, l'approche pour arriver à ce niveau de risque peut être différente. Typiquement, dans un EPR, on est sur une approche active avec de la redondance des systèmes. Il va y avoir plusieurs ponts, plusieurs équipements pour assurer la même fonction au cas où il y ait le dysfonctionnement d'un équipement, de deux équipements, d'autres équipements. Dans des ASMR, on peut avoir une approche différente passive, c'est-à-dire qu'on coupe complètement l'électricité du fait de convection. naturel, donc l'eau chaude monte, l'eau froide descend, ça permet pendant un certain temps que le réacteur se refroidisse tout seul. Donc l'approche est différente, mais le niveau de sûreté est le même.

  • Speaker #2

    Et bien ce sera le mot de la fin Merci Stéphane Sarade et merci Maxence Cordier

  • Speaker #1

    Merci à toi

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Description

Aujourd’hui, si un pays où une entreprise veut décarboner son énergie avec du nucléaire, il devra choisir entre des modèles de réacteurs de puissance énorme et à un coût se chiffrant en milliard d’euros. C’est évidemment rédhibitoire pour les entreprises et très contraignant pour les pays qui n’ont pas toujours les fonds et le réseau électrique disponible pour absorber une telle puissance. Les SMR et les AMR sont des réacteurs dont la petite taille serait la solution à ce problème. Si ces réacteurs n’existent actuellement que sur papier, il suscite déjà beaucoup d’enthousiasme, mais aussi d’inquiétudes concernant la sécurité. Avec mes deux invités du CEA, Stéphane Sarrade, Directeur des Programmes Énergie, et Maxence Cordiez, ingénieur et responsable des affaires publiques européennes, nous allons passer en revue les grandes interrogations qui planent autour de ces technologies. Tout comprendre sur les SMR et AMR. C’est le thème de ce nouvel épisode d’Échange Climatique.


Infos: https://linktr.ee/echangeclimatique

Contact: echangesclimatiques@gmail.com

Production: https://onetwo-onetwo.com/

Animation: Vidéo « A la découverte des petits réacteurs nucléaires : les SMR et AMR ». Crédits CEA/Bearideas


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, si une entreprise ou un État souhaite décarboner son énergie avec du nucléaire, il devra choisir entre des modèles de réacteurs de puissance énorme dont les coûts se chiffrent en milliards. C'est rédhibitoire pour les entreprises et très contraignant pour les États qui n'ont pas toujours les fonds et le réseau électrique pour absorber une telle puissance. Les SMR et les AMR sont des réacteurs dont la petite taille serait la solution à ce problème. Si ces réacteurs n'existent actuellement que sur papier, ils suscitent déjà beaucoup d'enthousiasme et aussi d'inquiétude concernant leur sécurité. Avec mes deux invités du CEA, Stéphane Sarra, directeur des programmes Énergie, et Maxence Cordier, responsable des affaires publiques européennes, nous allons passer en revue les grandes interrogations concernant cette technologie. Tout comprendre sur les SMR et les AMR, c'est le thème de ce nouvel épisode d'Échange Climatique. Comme vous l'avez remarqué, je ne demande pas de dons pour faire vivre cette chaîne, et YouTube rapporte très peu d'argent. Si vous voulez tout de même m'aider, vous pouvez vous abonner, c'est un gros coup de pouce pour la chaîne. Merci pour ça.

  • Speaker #1

    Sous-titrage ST'501

  • Speaker #0

    Bonjour Stéphane Sarade.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour Maxence Cordier. Bonjour. Vos postes respectifs au CEA vous amènent à travailler sur les SMR et les AMR. Stéphane, plus sur les questions industrielles et techniques et Maxence sur les questions économiques et politiques. Comment ne pas commencer cette interview sans poser cette question pour vous, Maxence ? Qu'est-ce qu'un SMR ?

  • Speaker #2

    Un SMR, c'est l'acronyme en anglais de Small Modular Reactor, petit réacteur modulaire. En fait, l'idée, c'est de faire des réacteurs qui soient plus petits, mais de produire un maximum de pièces en usine, d'avoir des réacteurs qui soient modulaires pour réduire le nombre d'étapes sur site. Donc là où la stratégie avant consistait à faire des réacteurs de plus en plus grands pour avoir des économies d'échelle par la taille, là, la stratégie change et l'idée, c'est de faire des réacteurs plus petits, donc pas d'économies d'échelle par la taille, mais par contre une économie d'échelle. par la sérialisation.

  • Speaker #0

    On reviendra un peu plus en détail sur les questions économiques tout à l'heure, mais déjà, on entend souvent SMR et AMR ensemble. Quelles sont les similitudes et les différences, Stéphane ?

  • Speaker #1

    On va revenir sur la définition. On entend SMR et AMR, donc Maxence l'a dit, Small and Modular Reactor, et AMR pour Advanced Modular Reactor. En fait, dans les deux cas, on parle de petits réacteurs, donc avec des puissances... On va dire des puissances électriques installées inférieures à 300 MW électriques, donc qui est très très loin des réacteurs de puissance. Et pourquoi on a deux définitions ? Puisque quand on parle de SMR, on va parler de réacteurs, de petits réacteurs de fission de troisième génération, c'est-à-dire des réacteurs qui sont exactement de la même génération que, on va dire, le parc actuel français. Quand on parle de AMR, on va s'adresser et on va adresser des réacteurs de quatrième génération, donc des réacteurs qui ne sont pas forcément largement déployés dans le monde. Et donc ces deux générations amènent donc deux définitions et surtout des fonctionnalités et des avantages et des inconvénients qui ne sont pas forcément les mêmes.

  • Speaker #0

    Dans les AMR on est dans une technologie de rupture mais on a toujours cette taille qui est petite et les avantages intrinsèques qui viennent avec. A quoi servent ces réacteurs ? Pourquoi avoir pensé le besoin d'avoir quelque chose de nouveau ? Qu'est-ce qu'ils apportent de plus que les réacteurs du parc mondial actuel qui sont des gros réacteurs à eau pressurisée ?

  • Speaker #2

    Il y a plusieurs éléments de réponse. Tout d'abord, certains pays ne peuvent pas construire des gros réacteurs pour différentes raisons, soit parce que ce sont des pays trop petits avec peu de population. Je pense par exemple à l'Estonie ou alors des zones où le réseau est particulièrement peu dense. Si on regarde les États-Unis, le réseau américain n'est pas le même partout. Il y a la côte ouest et la côte est où il y a un réseau dense qui peut accueillir des gros réacteurs et il y a le middle ouest avec un réseau extrêmement distendu qui ne pourrait pas accueillir un gros réacteur quand on le démarrerait ou qu'on l'arrêterait, le réseau tomberait. Donc déjà... les petits réacteurs peuvent permettre de répondre à cette demande-là. Ensuite, pour pouvoir atteindre la neutralité carbone, il faudra évidemment de l'électricité. Aujourd'hui, l'électricité, c'est 25% à peu près du bouquet énergétique français. On estime qu'en 2050, ça devrait être 55-60%. Mais il y a encore 40-45% d'énergie qui devrait être bas carbone, mais qui ne sera pas de l'électricité. Donc, on va devoir produire de la chaleur bas carbone et des carburants liquides et gazeux bas carbone. non issus de fossiles. Et là, les SMR et AMR peuvent jouer un rôle. Si l'électricité se transporte bien, la chaleur se transporte moins bien, donc les réacteurs doivent être localisés plus près des lieux de consommation, à quelques dizaines de kilomètres au plus. Donc le SMR, de par sa petite taille, permet de localiser sur un nombre de sites plus importants des réacteurs. Par exemple, si on veut décarboner une ville de taille moyenne, on ne va pas mettre une paire de PR à côté, en termes de dimensionnement, ce ne serait pas cohérent, il n'y a pas forcément la source froide pour les refroidir. Par contre... Un ou deux SMR, c'est envisageable. Avec cette chaleur-là, ils peuvent aussi permettre de produire du dihydrogène par électrolyse à haute température, ce qui offre un meilleur rendement que les procédés d'électrolyse classique. Et à partir de l'hydrogène, on peut faire des molécules dérivées, soit pour la chimie ou pour des carburants. Ça peut être de la chaleur aussi pour l'industrie, pour des zones industrielles type Dunkerque, fosse sur mer, etc. Donc beaucoup de nouveaux marchés.

  • Speaker #0

    Vous parlez de sources froides, donc pour les industries, peut-être sur la chaleur, on parle de secteurs qui sont difficilement décarbonables comme l'industrie ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que c'est important ce que dit Maxence, puisque historiquement, les SMR ont été perçus pour remplacer les centrales thermiques, les centrales thermiques, les hydrocarbures, pour adresser des pays qui n'étaient pas dotés d'énergie nucléaire civile, avec des réseaux qui ne permettent pas d'avoir des... Et puis, beaucoup plus récemment, sont arrivées les problématiques de décarbonation de nos usages et de décarbonation de l'industrie. Et quand on regarde effectivement les besoins en décarbonation, si on s'adresse à l'Europe en particulier... On voit que beaucoup d'industries que nous connaissons sont demandeuses d'énergie, d'énergie thermique, et qu'on peut même imaginer que dans un futur pas si lointain que ça, de la chaleur bas carbone sera peut-être plus compliquée à produire que de l'électricité bas carbone. C'est la raison pour laquelle beaucoup de projets de réacteurs SMR et AMR adressent l'ensemble des applications que vient d'évoquer Maxence, c'est-à-dire produire de l'électricité, de la chaleur décarbonée, de l'hydrogène décarboné, des molécules décarbonées, de manière à pouvoir être un soutien de décarbonation des grandes industries. Oui, on sait très bien que certaines industries, la métallurgie, les cimenteries... L'agroalimentaire, son consommatrice d'énergie électrique, mais de beaucoup d'énergie thermique. Et ces petits réacteurs sont maintenant imaginés comme étant des solutions pérennes pour répondre aux grands enjeux du changement climatique.

  • Speaker #0

    Parce qu'aujourd'hui, cette chaleur, elle est... exclusivement produite par des énergies fossiles. C'est du charbon.

  • Speaker #1

    C'est du charbon, c'est du gaz. C'est du gaz, effectivement. Donc l'enjeu est assez colossal. Alors pourquoi il est colossal ? Parce que nous serons en capacité de produire ces utilités décarbonées, en particulier la chaleur, que nous pourrons maintenir et au meilleur niveau à la fois économique mais aussi environnemental, une industrie sur le sol européen.

  • Speaker #0

    Donc il y a aussi des challenges de décarbonation et de réindustrialisation.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Maxence ?

  • Speaker #2

    Et peut-être pour abonder dans le sens de ce que disait Stéphane, l'utilisation des SMR pour la chaleur peut permettre de mieux intégrer certains procédés. Si on prend la production d'engrais par exemple, aujourd'hui les engrais sont azotés, sont produits à partir d'ammoniaque, l'ammoniaque est produit à partir d'hydrogène, et l'hydrogène est produit par vaporé-formage de méthane issu du gaz fossile. On pourrait se dire, dans ce cas-là, si on produit de l'hydrogène bas carbone, il suffit de remplacer l'hydrogène issu du gaz fossile par de l'hydrogène bas carbone issu d'électrolyse. Sauf qu'en pratique, généralement, les producteurs d'engrais ont des procédés intégrés, avec le vaporé-formage qui est intégré à leur procédé, qui permet de produire de l'hydrogène, mais aussi de la chaleur pour le reste du procédé. Donc même s'ils avaient accès à des quantités abondantes d'hydrogène bas carbone électrolytique, par exemple... pour leur procédé. Ils ne pourraient pas en intégrer des grandes quantités, alors de mémoire ça doit être 5 ou 10% maximum, parce que justement ils ont encore besoin du vaporé-formage pour produire de la chaleur pour le reste du procédé. Donc en fait, produire de l'hydrogène électrolytique avec un réacteur nucléaire qui produit aussi de la chaleur à côté, ça peut permettre de faire une source de chaleur qui aide à intégrer des clusters industriels comme ça, et à optimiser ces chaînes industrielles.

  • Speaker #0

    Un même modèle de SMR peut faire les deux, électricité et chaleur.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    En fonction de la nature et du type de réacteur que vous allez choisir, les niveaux de température ne seront pas les mêmes. Sur un SMR, vous allez donc troisième génération, vous avez au maximum 300 degrés, ce qui veut dire qu'en termes de chaleur utilisable, vous êtes entre 100 et 150 degrés. Quand vous travaillez sur certains AMR de quatrième génération, vous allez pouvoir disposer de 400, 600, voire 900 degrés pour les réacteurs de type. Vous n'adressez pas forcément les mêmes gammes de température, donc vous n'avez pas forcément aussi les mêmes applications. Ça peut être du district heating, de la chaleur urbaine, ou ça peut être de la chaleur industrielle. Quand vous avez besoin de beaucoup d'énergie thermique, des systèmes qui vont préchauffer vos lignes de traitement de manière à minimiser le coût final pour atteindre les températures les plus élevées.

  • Speaker #2

    Et pour que ce soit bien clair pour tous les auditeurs, tous les réacteurs nucléaires, on part de chaleur et ensuite on peut faire de l'électricité. Donc si on a besoin de plus de chaleur, on peut aussi dimensionner la turbine pour produire moins d'électricité, avoir plus de chaleur. Donc ça, ce sont des choses qui sont faisables. On part toujours de chaleur pour faire de l'électricité.

  • Speaker #1

    Et c'est toujours plus facile à faire sur des petits réacteurs en termes de puissance. C'est pour ça aussi que ces petits réacteurs, ils ont vraiment cet avantage d'être beaucoup plus adaptables sur ces différentes fonctionnalités, puisque gérer une source chaude, un réservoir de chaleur, gérer une turbine, c'est beaucoup plus simple avec un petit réacteur.

  • Speaker #0

    Donc on a dit que les SMR, c'était... qu'on connaissait, c'était la technologie plus ou moins existante. Les AMR, on n'a pas encore expliqué ce que c'était. Stéphane, vous venez de parler de HTR, de réacteurs à haute température. Est-ce que vous pouvez faire peut-être un panorama des AMR les plus prometteurs ?

  • Speaker #1

    Tout à fait, les plus prometteurs. En tout cas, ceux qui sont étudiés. En fait, vous savez qu'il y a au niveau international un forum international qui s'appelle le GIF, le Forum Génération 4, qui regroupe 12 pays qui se sont en 2000 rassemblés pour travailler ensemble sur 6 concepts. Ce sont les 6 concepts qui sont imaginés au niveau international comme étant les concepts les plus... les plus intéressants. Alors, historiquement, et là je vais reprendre un peu ma vision scientifique et technique, ce sont les réacteurs à neutrons rapides, en particulier refroidis au sodium, qui apparaissent comme étant les plus matures. Alors pourquoi ils apparaissent comme étant les plus matures ? Puisque les RNR sodium, alors au CEA nous avons eu Rapsody, en France nous avons eu aussi Phénix et Superphénix, il y a dans le monde plus de 500 ans de fonctionnement cumulé de ce type de réacteurs. Donc vous voyez qu'il y a eu un débat. déploiement assez important et certains donc fonctionnent à l'heure actuelle aujourd'hui dans le monde. Donc les réacteurs à neutrons rapides, ce sont des réacteurs où le caloporteur, c'est du sodium liquide. Et là aussi, on peut atteindre un certain nombre de températures intéressantes. Vous avez une autre possibilité qui sont les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb. Là, le caloporteur, c'est du plomb liquide. Alors ça peut être du plomb, ça peut être un mélange de techniques avec du plomb et du bismuth par exemple. Donc ça, ce sont globalement, je dirais, des technologies quatrième génération qui apparaissent comme étant matures, dans la mesure où elles ont déjà été déployées pour le plomb, notamment le plomb. Ce sont nos collègues russes qui ont développé cette filière-là.

  • Speaker #0

    Sans rentrer dans le détail technique, mais quel est l'avantage du plomb par rapport au sodium ?

  • Speaker #1

    Ce sont des avantages différents. Ce sont des avantages en termes de performance, en termes de manipulation. Alors pourquoi nous, par exemple, côté français, on a privilégié le sodium ? c'est qu'en fait il reste liquide à des températures plus basses que le plomb, puisque le plomb il faut être au-dessus de 300°C pour ne pas qu'il prenne en masse de manière irréversible. Donc voilà, il y a des avantages et des inconvénients, mais les deux fonctionnent, ont fonctionné, et vous allez retrouver dans les startups au niveau mondial, des startups qui sont parties sur les RNR au plomb ou les RNR au sodium, avec des cœurs de procédés qui sont assez proches. La seconde génération, je dirais en termes de maturité, ce sont ce qu'on appelle les réacteurs à haute température, où là on va utiliser un caloporteur qui ne sera pas liquide mais qui sera souvent un gaz, en particulier de l'hélium. Ce sont des systèmes qui sont intéressants parce que relativement robustes en termes de... en termes de fonctionnement, mais qui n'ont pas des performances, qui ont des performances un peu moindres par rapport à la première génération que j'ai évoquée de R&R.

  • Speaker #0

    En termes de rendement ?

  • Speaker #1

    En termes de rendement, en termes de rendement sur le combustible, et puis... En termes de cycle du combustible, on va y revenir puisque vous voyez que je vais vous parler beaucoup de réacteurs, mais on oublie toujours qu'au-delà des réacteurs de 3e ou 4e génération, un réacteur et un type de réacteur n'a de sens que si son cycle du combustible est associé, c'est-à-dire quel type de combustible il va falloir fabriquer, et une fois qu'il aura été utilisé en réacteur, comment il va être géré, puisqu'en France, nous avons fait le choix politique, et il a été réaffirmé encore très récemment au Conseil de politique nucléaire, que la... France s'inscrit dans le retraitement de ces combustibles usés avec une vision de cycle fermé. Donc ça ce sont donc je dirais des réacteurs à maturité intermédiaire. Puis vous avez les réacteurs qui eux sont à maturité industrielle beaucoup plus faible, comme par exemple les réacteurs à sel fondu, où là dans le monde historiquement il y a eu un réacteur qui a fonctionné de tête 18 mois aux Etats-Unis dans les années 50. Donc oui il n'y a pas eu de déploiement. En revanche c'est ce type de réacteur à sel fondu, où là on a une très grosse rupture technologique. Puisque autant sur les deux premiers types de réacteurs, nous sommes sur des combustibles solides, donc mis en forme. Là, réacteurs à sel fondu, les combustibles sont sous forme liquide, sont sous forme de sel. Ils vont eux-mêmes baigner dans un caloporteur qui est un sel fondu. Et donc ça amène, en termes de gestion du combustible et de gestion des déchets produits, des potentialités très très intéressantes. C'est pour ça qu'ils sont intéressants en termes de rupture. Par contre, ils vont nécessiter des développements techniques, d'abord de recherche, pour après atteindre des développements et des déploiements techniques.

  • Speaker #0

    Donc là, on parle de sel d'uranium, pas du sel de...

  • Speaker #1

    Alors oui, de sel de plutonium, du PUCL3. Donc il y a deux types de sel, ce sont soit des chlorures, soit des fluorures qui sont testées, utilisées dans le monde. Donc nous, par exemple, côté CEA, on s'intéresse au PUCL3, donc un sel qui va lui-même être dans... un système de caloporteurs à sel fondu et qui va permettre d'avoir des rendements très élevés.

  • Speaker #0

    Corrigez-moi si je me trompe, Maxence, tu aurais ajouté quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, peut-être pour rebondir sur la question sel, uranium, plutonium, thorium et sel fondu. Souvent, on a tendance à associer réacteurs à sel fondu avec thorium. Non, en fait, on peut faire fonctionner des réacteurs à sel fondu avec du thorium, de l'uranium ou du plutonium. En France, il n'y a pas d'intérêt vraiment à utiliser du thorium parce qu'on a des On a des stocks d'uranium appauvris, on a aussi du plutonium via les combustibles usés que la France a fait le choix de retraiter. Le thorium c'est plus intéressant pour des pays qui ont cette ressource-là, qui n'ont pas des matières séparées sur leur territoire, séparées des stocks d'uranium ou qui ont fait le choix de retraiter, là je pense particulièrement à l'Inde. Mais la question... du combustible se pose différemment selon les pays et en France il n'y a pas vraiment d'intérêt à utiliser du thorium. Si on faisait ce choix là, ça voudrait dire que l'uranium et le plutonium dont on dispose sur le territoire devraient être considérés comme des déchets. Donc on irait chercher une autre ressource pour considérer des choses qu'on a déjà de façon séparée comme des déchets.

  • Speaker #0

    Donc il ne faut pas du tout voir ces filières comme concurrentes mais plutôt qu'ils répondent à des besoins différents selon l'usage ou selon le pays.

  • Speaker #1

    Elles vont avoir en fait des avantages et des inconvénients très très particuliers mais elles sont... Ces filières-là sont complémentaires. Donc on me l'a évoqué très justement, Maxence, vous voyez que les réacteurs à sel fondu permettent d'adresser un très très large spectre de combustibles possibles. Donc ça c'est intéressant. Et donc nous en France, on travaille sur l'ensemble de ces filières, enfin essentiellement sur le côté CEA, sur les R&R sodium et les réacteurs à sel fondu. Mais il y a au niveau mondial une dynamique globale sur l'ensemble de ce type de réacteurs. Mais je le rappelle... L'importance aussi, c'est de réfléchir en termes de cycle du combustible associé, puisque tous ces types de filières ne vont pas utiliser, ne serait-ce qu'au niveau géométrique, mise en forme, le même type de combustible. Et derrière, il faut imaginer qu'on va devoir les retraiter, ces combustibles. Donc, imaginez les usines qui vont permettre de pouvoir faire ces opérations unitaires.

  • Speaker #2

    Et tout ça joue sur la maturité de... de ces concepts-là. C'est-à-dire que quand on voit que concevoir un réacteur à eau légère, un réacteur du type de ceux qu'on exploite actuellement, prend une petite dizaine d'années, en fait, tous les concepts d'AMR qui sont moins matures, qui nécessitent plus de recherche et développement, vont prendre davantage de temps. Et d'autant plus que ce sont des concepts qui ont été peu explorés. Donc autant les concepts sodium bénéficient d'un retour d'expérience permettant... d'envisager des déploiements à des échelles relativement proches, mais qui prendraient plus d'une dizaine d'années. Et après, si on va sur des réacteurs moins matures et pour lesquels on n'a pas forcément les technologies en termes de cycles, je pense par exemple au sel fondu, ce sont des échéances encore plus lointaines. Donc quand on veut déployer... des réacteurs. Et ça, je pense que c'est très important de l'avoir à l'esprit. Il ne faut pas uniquement regarder les caractéristiques sur le papier de tel type de concept, mais aussi à quel besoin il doit répondre, à quelle échéance. Donc ça, ça peut aussi conditionner les choix de déploiement. Si on a du retour d'expérience sur une technologie, ce sera évidemment plus facile de la développer. Ça coûtera aussi moins cher de la développer que si on part sur une technologie toute nouvelle sur laquelle on a plus de recherches à faire.

  • Speaker #0

    Oui, donc les réacteurs qui se permettent de se passer évidemment d'uranium qu'on trouve dans la nature peut-être arriveront dans un second temps. Et donc si je refais un peu le phasage, on aura les SMR en premier d'ici la fin de la décennie ou début de la décennie prochaine plutôt.

  • Speaker #1

    Oui, c'est effectivement ça. Comme l'a dit Maxence, les SMR, notamment le projet de SMR français New World qui est porté par EDF, à quel contribue un certain nombre. d'entités dans le CEA, donc Naval Group, Technic Atom. Tractable Energy est imaginé, puisqu'on est en phase d'avant-projet détaillé, au début de la décennie prochaine. Donc là, Newhart, c'est un PWR, un réacteur à eau légère, le combustible existe déjà, et les filières de retraitement à la hague existent. Donc vous imaginez bien que oui, c'est effectivement au niveau temporalité les premiers qui vont arriver, donc début de la prochaine décennie, alors que les... AMR sont plutôt... dont certains vont nécessiter une phase intermédiaire de développement de démonstrateurs, puisqu'il n'y a pas eu, pour certains, je vous l'ai dit, de démonstrateurs qui permettent d'acquérir des données et de dimensionner au mieux, donc on les attend plutôt dans la seconde moitié de la prochaine décennie.

  • Speaker #0

    Donc si on reste sur New World ou sur les concurrents de New World, l'avantage inhérent de cette petite taille, c'est notamment un avantage économique. Si on regarde l'histoire du nucléaire français, c'était un peu une course à la puissance, puisque à chaque fois qu'on avait un réacteur plus puissant, ça diminuait le coût de l'unité d'électricité produite. Mais aujourd'hui, peut-être qu'à Flamanville, on voit que le modèle a ses limites. Et aujourd'hui, est-ce que le retour en force ? de ces petits réacteurs parce que ça a toujours existé ? Est-ce que c'est justement pour répondre à cette faille, mais ce modèle qui arrive un peu en bout de course ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut qu'il y ait une clarification qui soit faite de manière très claire. Les petits réacteurs ne vont pas remplacer les réacteurs de puissance. Je pense que... Non mais je crois que c'est important de le dire parce que... Pourquoi ? D'abord pour une raison très simple, c'est que la demande en électricité décarbonée... Vous savez à l'heure actuelle l'électricité c'est globalement 25% de notre mix énergétique global. A l'horizon 2050, vous le savez, l'électricité représentera 60-65%. Donc des quantités colossales d'électricité bas carbone sont attendues. Donc le nucléaire en France, bien sûr, en fera partie. Et on va avoir besoin à la fois des réacteurs de puissance, type les EPR qui vont être développés, mais aussi des petits réacteurs pour les avantages et les applications qu'a évoquées notamment Maxence.

  • Speaker #2

    Alors là-dessus, pour compléter et aller dans le sens de ce que dit Stéphane, les gros réacteurs ont des avantages qu'il ne faut pas oublier en termes d'efficacité de l'espace du sol. On produit plus d'électricité sur une surface plus petite. D'utilisation du combustible aussi. En termes d'utilisation du combustible, les gros réacteurs sont plus efficaces, donc ils vont consommer moins de combustible pour produire la même quantité d'électricité. Par contre, ils ne pourront pas rendre un certain nombre de services en termes de co-génération. Par exemple... Les avantages et inconvénients sont différents et s'adresseront à des marchés différents. En termes économiques, je vois aussi un autre avantage quand même au SMR, même pour de la production d'électricité seule, qui est que l'un des gros freins au déploiement de l'énergie nucléaire dans le monde, c'est son côté capitalistique. C'est-à-dire qu'il est difficile de financer des réacteurs nucléaires globalement. Décaissez 10 milliards d'euros pour la construction qui va prendre potentiellement 10 ans. En fait, c'est très difficile dans... dans le marché. Et si on regarde des pays favorables de longue date au nucléaire, comme la Pologne par exemple, ont été historiquement freinés par ce genre de considérations. L'avantage du SMR, c'est que via une approche modulaire, on peut construire le réacteur normalement plus rapidement parce que les modules sont préparés en usine et ont réduit le nombre d'étapes sur site. Et vu que la puissance est plus petite, ça permet aussi, et le réacteur moins cher évidemment, un CMR coûte moins cher qu'un EPR, ça permet de fractionner l'investissement, un peu comme dans les renouvelables. Il est bien rare qu'on décide de construire 1,6 gigawatt d'éolien d'un seul coup, on va construire quelques centaines de... de mégawatts, puis quelques centaines de mégawatts. Donc ça, ça peut permettre à certains pays d'aider à financer le nucléaire. Autre avantage...

  • Speaker #0

    Oui, juste sur les... On revient un peu à ce côté effet de série, parce que si le panneau photovoltaïque, par exemple, a vraiment baissé de prix ces dernières années, c'est parce qu'on a pu en produire des quantités, des quantités, et c'est un peu le modèle aussi des SMR. C'est l'effet de série qu'on fait.

  • Speaker #2

    Tout à fait. Si on n'en produit que quelques-uns, le concept ne sera pas rentable. Il faut en produire plusieurs dizaines pour que le concept devienne intéressant. Et c'est pour ça aussi qu'il est indispensable de réfléchir à l'échelle internationale. Quand on veut faire des économies d'échelle par sérialisation, ça veut dire qu'il va falloir rentabiliser les usines. Et on ne fait pas une usine pour faire juste une cuve, un générateur de vapeur. Donc le premier SMR, pour ceux qui l'ont produit, ne sera pas rentable. Par contre, plus on va en produire, plus le modèle sera... sera rentable. Et l'avantage aussi, c'est que face aux enjeux de décarbonation rapide qu'il va y avoir, ça va permettre aussi de multiplier les chaînes industrielles, augmentant le potentiel de l'énergie nucléaire. À l'issue de la consultation préalable aux travaux de RTE il y a 3-4 ans maintenant, la filière avait estimé qu'elle était en mesure de construire potentiellement 14 EPR d'ici 2050. Alors l'histoire dira si on peut en faire un peu plus, un peu moins. Mais si on a besoin de davantage de nucléaire, avoir d'autres concepts qui s'appuient sur des chaînes industrielles différentes, sur des usines différentes, peut permettre aussi d'accroître le potentiel de l'énergie nucléaire. C'est un peu comme sur le solaire photovoltaïque, si on avait une usine de panneaux, avec un seul producteur de panneaux,

  • Speaker #0

    on pourrait développer moins de cela photovoltaïque que si on a plusieurs usines avec plusieurs producteurs donc on a parlé des différents modèles qui existent mais on n'a pas parlé encore des pays qui se placent le mieux sur cette sur cette fréquence est-ce que Max, sans vous pouvez nous faire un petit un petit tour d'horizon donc il y a la France, il y a les Etats-Unis, on a un peu parlé Il y a plusieurs types de pays qui vont se placer sur le créneau des SMR, à la fois les concepteurs de réacteurs, et donc là on va retrouver la plupart des pays historiquement impliqués dans l'industrie nucléaire sous un angle de conception. Comme tu as dit, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, le Canada, la Corée, etc. La Russie, la Chine évidemment. Et après il y a tous les pays consommateurs, utilisateurs de réacteurs nucléaires qui eux sont intéressés. et vont plutôt regarder sous l'angle de leurs besoins. Et à ce niveau-là, selon les pays, différents modèles de réacteurs sont conçus. Généralement, les pays conçoivent un type de SMR plutôt pour leurs besoins domestiques et après envisagent une exportation. Je prends l'exemple du Canada. Le Canada a beaucoup de communautés isolées, au milieu du Saskatchewan par exemple, qui actuellement sont alimentées par des générateurs diesel polluants et extrêmement coûteux. Et donc ils envisagent des... micro réacteurs de quelques mégawatts qu'ils peuvent livrer sur site. Le réacteur fonctionne quelques années, ensuite il est retiré et il va être maintenu, rechargé, etc. dans une usine au milieu d'une zone plus peuplée, donc côte Est, côte Ouest. Les États-Unis ont développé New Scale à l'origine pour remplacer les centrales à charbon isolées du Midwest. New Ward a été plutôt conçu pour remplacer des centrales à charbon de moyenne puissance, notamment en Europe. La Russie, la barge académique Lomonosov, qui repose d'ailleurs sur des technologies militaires russes, donc qui est difficilement exportable, répond à un besoin domestique russe d'alimenter des communautés isolées, proches de l'eau, avec un réacteur qui peut être construit et maintenu dans des ports dédiés à ça, et après transporté jusqu'au site de production. Donc on voit que différents types de réacteurs... existe, conçu pour répondre généralement d'abord à une demande domestique, ce qui assure quand même un minimum de marché et qui après vise une clientèle internationale.

  • Speaker #1

    Peut-être pour aller un petit peu plus loin, puisqu'une étude récente de l'Agence Internationale de l'Énergie a fait un petit peu la cartographie et il y a pratiquement 100 projets de SMR, AMR dans le monde à l'heure actuelle. Il y en a 98 je crois de tête, avec bien sûr des niveaux de développement. différents, mais vous voyez qu'on va atteindre une centaine, comme l'a dit Maxence, donc trois zones, Amérique du Nord, donc Etats-Unis, Canada, Europe et Asie, principalement portée par la Chine. Il faut aussi imaginer que derrière aussi ces petits réacteurs, il y a aussi des réflexions, notamment des réflexions sur l'utilisation dans des applications militaires, puisque les Etats-Unis ont annoncé le déploiement d'un petit réacteur pour une base aérienne en Alaska. Là aussi, on revient dans la problématique des zones isolées et de l'autonomie. Et aussi,

  • Speaker #2

    on peut se découpler du réseau aussi.

  • Speaker #1

    Et on se découple du réseau, tout à fait. Et puis, vous allez aussi trouver des applications pour certaines de ces startups qui vont être pour le spatial, puisque se posent aussi les questions des futures bases-vie, d'abord sur la Lune et ensuite sur Mars. Et on va retrouver aussi chez certaines de ces... des startups, ou de ces projets industriels, des applications qui vont aller au-delà. Alors bien sûr, c'est qu'une temporalité qui, là aussi, n'est pas la même, mais au-delà de ce qui a été évoqué, effectivement, des applications défense et des applications spatiales.

  • Speaker #2

    Et un peu plus près que l'espace, donc la Finlande, vous me disiez en préalable de l'interview, qu'elle l'utiliserait notamment pour sa chaleur. Et aussi, j'ai lu dans un commentaire que vous répondez sur le chat LinkedIn, que des pays antinucléaires pourraient revenir au nucléaire via l'ASMR ?

  • Speaker #0

    Oui, alors ce sont deux sujets différents. La Finlande, surtout depuis le démarrage de l'EPR de Olkiluoto, a une production d'électricité qui est globalement décarbonée. Par contre, elle consomme encore beaucoup de chaleur fossile. Et le chauffage en Finlande est assez différent de celui qu'on connaît en France. Ils utilisent beaucoup de réseaux de chaleur alimentés par des grosses chaudières, notamment en charbon. Et la Finlande étudie depuis des années maintenant sérieusement l'opportunité de mettre des SMR, soit de co-génération électrogène-calogène, soit purement calogène, pour remplacer. C'est Chaudière à Charbon qui alimente les communautés. Donc c'est l'un des pays où le stade de réflexion sur l'usage des SMR pour chauffer des villes est, je pense, le plus avancé. Même si d'autres pays comme la Russie, par exemple, font ça historiquement. Beaucoup de réacteurs, la plupart des réacteurs en Russie, historiquement, chauffent aussi les villes à proximité.

  • Speaker #1

    Au-delà de ces exemples, il y a aussi l'exemple de la Chine, puisque j'y étais il y a encore une dizaine de jours, en discutant avec l'électricien Spik, qui a, lui, déjà trois niveaux de développement, un réacteur nucléaire purement calogène, et qui alimente une ville de 1 million d'habitants, avec ce type de système. Donc, il y a des déploiements significatifs qui existent à l'heure actuelle dans ce domaine.

  • Speaker #2

    Ce n'est pas la science-fiction.

  • Speaker #1

    Non, non, ce n'est pas la science-fiction.

  • Speaker #2

    Et pour la France, on a parlé de l'exportation des SMR, est-ce qu'on ne pourrait pas en mettre sur nos îles ? dont l'électricité est beaucoup plus carbonée que la métropole ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est une réflexion qu'on peut avoir. En fait, ça ouvre tout un champ d'études, de mon point de vue. Et alors, on peut penser à ça pour certaines communautés isolées, qui peuvent être des îles, il y a des micro-réacteurs, des petits réacteurs. On peut aussi penser, alors là, c'est plus peut-être de la science-fiction, mais finalement, pas forcément tant que ça, faire des navires d'intervention. de secours, par exemple, vous avez une catastrophe naturelle quelque part, un navire qui serait capable d'arriver et de produire de l'électricité pour la zone sinistrée, de l'eau douce, ce qui peut être extrêmement précieux, éventuellement quelques carburants aussi. Et là, je pense, alors, des zones sinistrées par des catastrophes naturelles, des tsunamis, des choses comme ça, ou des îles comme Mayotte qui ont connu des périodes de sécheresse majeure, par exemple l'an dernier. Donc, on peut envisager des applications comme ça. En plus, si c'est sur des marchés entre guillemets de niche de la sauvegarde, par exemple, là, on peut envisager des technologies qui existent déjà.

  • Speaker #2

    Il y a une nouvelle qui n'a pas fait le bonheur de l'industrie des SMR, c'était l'abandon du projet New Scale dans l'IDAO. Donc, Maxence a touché deux mots tout à l'heure. En gros, je crois savoir que c'était le projet de SMR le plus développé à date, c'était donc aux États-Unis. Est-ce que pour vous c'est un échec qui révèle quelque chose d'autre ou alors c'est juste un accident de parcours ?

  • Speaker #1

    Alors, on a regardé, bien évidemment, pour comprendre, puisque de toute façon, ce type de nouvelles, forcément, elle est intéressante à analyser. L'analyse que nous allons faire, c'est que ce n'est pas, à la base, un problème technique. C'est un problème qui est plus un problème financier. Pourquoi ? Puisque Newscale, c'est une société, une jeune société qui est cotée en bourse. Donc, il y a fait un certain nombre d'annonces en bourse. Et puis, il y a un certain nombre de personnes qui ont misé sur... une baisse. Et ils ont fait beaucoup d'argent en misant sur la baisse de New Scale, qui est arrivée, puisqu'à partir du moment où ils n'ont pas eu accès au financement auquel ils avaient imaginé. Pour moi, ça traduit beaucoup de choses. D'abord, ce n'est pas un problème technique. Et deux, c'est un problème économique. Et c'est intéressant de voir que le modèle économique de déploiement des SMR type New Scale doit aussi tenir compte de ce genre de contexte, de contexte financier et je dirais là de trading.

  • Speaker #2

    L'EPR c'était une collaboration entre plusieurs pays, la France, l'Allemagne et l'Imménie. Est-ce qu'il y a la même chose sur les SMR à l'échelle européenne ? On sait qu'il y a une alliance des batteries par exemple. Est-ce qu'on peut envisager une alliance des SMR ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est quelque chose qui est en train de se mettre en place. Alors déjà, il y a une alliance des SMR qui a été annoncée très récemment au niveau européen par la Commission européenne, qui visera à travailler sur le financement, la réglementation, les compétences, le déploiement des SMR en Europe. Après, au-delà de cette coordination qui est en train de se mettre en place au niveau européen, il y a aussi un signal politique avec le ministre Bruno Le Maire qui a demandé récemment la création... d'un IPCEI, donc un projet important d'intérêt économique européen, qui aide à déroger, c'est une procédure au niveau européen, qui sur des technologies stratégiques, comme le solar PV, les batteries, etc., permet de déroger aux règles sur les aides d'État pour pouvoir lancer une filière. Donc là, il y a une demande de création là-dessus. Et après, sur des projets particuliers, il y a aussi une collaboration internationale qui se met en œuvre, à la fois du côté des concepteurs, par exemple, Stéphane l'a rappelé tout à l'heure, sur New World, Tracte Bell, qui est une filiale belge d'Engie, travaille sur le projet New World. Et après, et ça c'est tout à fait important, entre les autorités de sûreté. Parce que, c'est ce qu'on expliquait tout à l'heure, l'intérêt du SMR c'est d'avoir une production en série, qui doit être internationale parce que les capacités d'installation dans un pays ne suffisent pas à justifier un modèle. Or, si on veut l'avoir dans plusieurs pays, il ne faut pas avoir à revoir le compte. concept complètement dans chaque pays parce que sinon économiquement c'est pas viable. Ça les concepteurs en ont bien conscience, les autorités de sûreté aussi. Et il y a une discussion préalable aujourd'hui entre l'autorité de sûreté française finlandaise et tchèque, pour se mettre d'accord sur des règles communes de certification pour le projet New World, ce qui permettrait idéalement de pouvoir le certifier dans des conditions à peu près similaires, au moins dans ces trois pays.

  • Speaker #1

    Et ça, je veux ajouter que c'est la première fois. C'est la première fois qu'on assiste justement à un concept de réacteur nucléaire, dont la réglementation, en bon français on appelle ça le licensing. dont le licensing est traité par trois pays différents. Ça démontre bien de la volonté d'un déploiement rapide, puisqu'effectivement, si le licensing est obtenu sur ces trois pays, vous imaginez bien que ça va permettre de faciliter, on va dire, le déploiement dans d'autres pays, un minimum européen, mais au-delà. Puisque quand on s'intéresse à ces petits réacteurs, et on l'a évoqué tout à l'heure, on pense toujours à réacteurs. Quel type de réacteurs ? Et en final, le fait que nous accompagnons beaucoup depuis 2 à 3 ans de projets d'ASMR et d'AMR, c'est qu'en fait il y a 3 éléments importants qui sont à la fois le type de réacteur, le type de combustible et le combustible associé, et quelle stratégie autour du licensing. Alors ça va tellement loin, donc New World c'est un enjeu majeur puisque c'est la première fois que l'on fait ça, et puis très récemment par exemple Microsoft aux Etats-Unis a annoncé qu'ils développaient une IA. qui allait permettre de pouvoir pré-rédiger les dossiers de licensing de manière à accélérer le temps qui est nécessaire pour justement remplir ces éléments-là. Donc vous voyez qu'il y a une espèce de réflexion globale autour de ces éléments et le licensing, c'est un des trois points importants pour le déploiement industriel à terme.

  • Speaker #2

    Sur le licensing et l'IA, je reviens parce qu'en fait c'est un challenge énorme pour... Si c'est l'ASN qui doit approuver chaque... Donc licensing c'est pour le design ? Oui. Et quand on installe un réacteur nucléaire, c'est une autorisation. Et donc on imagine que ces autorisations vont passer de quelques autorisations par décennie à peut-être potentiellement plusieurs dizaines d'autorisations par an. Et aussi la SN faisait face à un exploitant. Et aujourd'hui, enfin dans le futur, elle va faire face à plusieurs, peut-être une dizaine de start-up, une dizaine de modèles. J'imagine que pour la SN, ça va être un métier nouveau en fait.

  • Speaker #1

    Nouveau, je ne dirais pas ça, alors je ne vais pas parler à la place de la SN, parce qu'ils se sont exprimés là-dessus, et tout ce que vous venez de dire, ils en sont éminemment conscients, et ils sont conscients qu'ils vont devoir faire évoluer leur manière de fonctionner pour être en capacité de répondre à tout ce que vous avez évoqué. Et je pense que le fait d'être dans cette nouvelle dynamique, et d'être associé... Dès le départ au développement, et l'ensemble, je parle au niveau français par exemple, des startups qui sont dans le giron de France 2030, elles ont eu dès le départ, dès les premiers niveaux de discussion, un point avec à la fois l'autorité de sûreté nucléaire, mais aussi le HFDS, c'est-à-dire le haut fonctionnaire de défense, puisqu'il y a à la fois la notion de sûreté liée au... à la mise en œuvre de matériaux irradiants, enfin de radio-éléments, et aussi l'aspect sécurité, c'est qu'effectivement, en termes d'intervention ou de malveillance, il faut aussi imaginer tout ça. Tous ces projets-là que l'on voit émerger notamment au niveau français, dès le départ, ils ont été en lien avec en particulier l'autorité de sécurité. Et ça, c'est très important. D'abord parce qu'il faut les acculturer, ces nouveaux acteurs, qui n'ont pas forcément la culture au sens réglementaire et autre. Ce sont souvent des ingénieurs qui sont très volontaires, très volontaristes, très créatifs. Mais il faut aussi les acculturer sur ces réglementations-là. Donc oui, il y a une évolution, mais je pense qu'elle est positive, en tout cas, elle est intéressante au niveau national.

  • Speaker #0

    Et puis, concernant les startups, je pense qu'il faut être réaliste aussi. Aujourd'hui, il y a une sorte de bouillonnement, une grande diversité de concepts.

  • Speaker #2

    Par exemple, Darwinian.

  • Speaker #0

    Voilà, plusieurs startups, même sur des concepts assez proches. Il va y avoir une sélection qui va se faire progressivement, liée aussi aux concepts qu'ils proposent, à la crédibilité. de leurs équipes, aux accords qu'ils vont réussir à faire avec des industriels qui seront ou non intéressés par tel ou tel concept, à la maturité des concepts. Donc déjà, d'ici 10 ans, 15 ans, il n'y aura pas forcément le même nombre de startups. Il est propre qu'il y a un resserrement aussi de l'offre. Après, toutes les startups n'envisagent pas forcément d'exploiter eux aussi. Concevoir un réacteur, le construire, l'exploiter, ce sont des métiers différents. Donc vous pouvez tout à fait... concevoir un réacteur et puis après vous vous associez avec un ou plusieurs exploitants par exemple. Si on prend l'EPR, l'EPR de l'Equiloto en Finlande, il n'est pas exploité ni par REVA ni par EDF et c'est un EPR. Donc, EDF avait aidé à construire des réacteurs en Chine qui ne sont pas exploités par EDF. Donc, après, voilà, on peut construire, on peut exploiter. Donc, il faut voir en fonction des startups aussi ce que chacune envisage, quel est son business model.

  • Speaker #2

    Sur la question du licensing, les EPR, il y en a en Finlande, vous venez de le dire, il y en a en France, il y en a en Angleterre, il y en a en Chine. Ce n'est pas exactement les mêmes. La source d'eau froide n'est pas à la même température. La sismicité n'est pas à la même température. Donc, à chaque fois, il y a du... ...avoir une adaptation même si c'est à la marge du design. Comment on va faire avec les SMR pour avoir un design pour potentiellement le développer dans le monde entier ? Est-ce qu'il va falloir se mettre au plus exigeant sur tous les critères ? Et pour la question des déchets, si je reprends le cas de la Pologne qui s'est toujours manifestée comme... voulant accueillir des SMR sur son territoire, notamment parce que les réacteurs de grosse puissance étaient trop chers pour elle. Qui va gérer ces déchets ? Est-ce que ça a été envisagé ? Est-ce que ça va être le pays lui-même ? Ou alors est-ce que des pays qui sont historiquement nucléarisés peuvent sous-traiter ce service ?

  • Speaker #1

    Alors au niveau européen, ce n'est pas le sens de l'histoire. Au niveau européen, le sens de l'histoire, c'est que chaque pays qui va déployer l'énergie nucléaire civile sur son territoire va gérer sur son territoire les déchets ultimes. Il peut y avoir des retraitements, des mises en forme. C'est ce qui est fait notamment par Orano à la Hague,

  • Speaker #2

    pour la Belgique,

  • Speaker #1

    pour le Japon, vous le savez, pour beaucoup de pays, mais in fine, les déchets ultimes retournent dans leur pays. Alors, effectivement, une fois que j'ai dit ça, si on s'est... On s'intéresse un petit peu plus loin à la Russie. La Russie pourrait avoir une offre de service peut-être un peu différente où ils imaginent qu'ils pourraient récupérer les déchets ultimes. Il y a plusieurs modèles.

  • Speaker #0

    Ils le font déjà,

  • Speaker #1

    je crois, Ils le font déjà, oui. Ils le font déjà et ils auraient imaginé le déployer avec... C'était le système Remix, je crois, où ils devaient récupérer pour reproduire. Mais historiquement, pour revenir au fond de votre question, chaque pays qui va déployer... va gérer les déchets ultimes sur son territoire.

  • Speaker #0

    Et pour être tout à fait clair, dans le Code de l'environnement français, il est interdit de stocker des déchets étrangers et il est interdit d'exporter des déchets français. Donc la France stocke la totalité de ses déchets et ne stocke que ses déchets.

  • Speaker #2

    C'est très clair. Donc on a parlé de la sûreté, on a un peu évoqué la sécurité. Il y a deux questions qui reviennent assez souvent sur les SMR. C'est la question de la prolifération nucléaire. Est-ce que le fait d'avoir un SMR sur son territoire alors qu'on n'avait pas de réacteur nucléaire au préalable rapproche un état de l'arme nucléaire ?

  • Speaker #0

    Pas forcément. Il faut distinguer les technologies nucléaires. Certaines technologies sont particulièrement proliférantes et particulièrement surveillées. Je pense par exemple à l'enrichissement. D'ailleurs, si on regarde l'Iran, tous les débats actuellement, les inspections de l'Agence internationale d'énergie atomique, etc., portent sur les capacités d'enrichissement iraniennes et ce que l'Iran en fait. Et pareil sur les concepts de réacteurs. Si vous voulez faire une bombe, vous avez... Il y a besoin d'avoir du plutonium très peu irradié pour avoir un plutonium qui soit très riche en plutonium 239. Donc, historiquement, les pays qui ont voulu faire du plutonium militaire pour les bombes ont conçu des réacteurs qui pouvaient être rechargés en fonctionnement. C'était les UNGG français, les RBMK soviétiques, des réacteurs graphite aussi, la pile B, notamment à Hanford aux États-Unis. Maintenant, si vous faites des réacteurs à eau pressurisée dans lesquels vous allez essayer de tirer le plus d'énergie possible. de votre combustible, vous allez l'irradier énormément. Donc vous faites du plutonium de mauvaise qualité. Et ce qu'on constate, c'est que les pays qui veulent proliférer, je pense à la Corée du Nord par exemple, n'essaient pas de récupérer du plutonium civil pour faire des bombes avec. C'est beaucoup plus facile de produire, même dans des réacteurs construits à la va-vite, du plutonium militaire. Donc ça peut donner quelques compétences. Évidemment, quelqu'un qui sait faire de la neutronique dans un cas connaît des formules de neutronique. Mais par contre... En termes de technologie, ce n'est pas avec un réacteur à eau pressurisée qu'on va faire du plutonium militaire.

  • Speaker #1

    Je crois que pour faire un pas de côté, il y a un problème souvent de sémantique et de compréhension. Quand on parle de prolifération, on imagine une augmentation du nombre d'œufs. Et quand on s'adresse à des petits réacteurs, on imagine qu'on va en déployer beaucoup, donc on va augmenter le nombre. Mais ce n'est pas ça la prolifération. La prolifération, c'est ce que vient d'évoquer Maxence. C'est-à-dire, c'est d'avoir soit des petits, soit des gros, mais des réacteurs. cap dans les technologies, dans les systèmes, sont capables de produire des objets qui vont être utilisés malheureusement pour des armes. Et c'est en ce sens-là où tout ce qui est design, licensing, qui sera le suivi et qui est le suivi de l'Agence internationale d'énergie atomique, c'est sur la nature et le concept même des réacteurs, de manière à ce qu'il y ait un déploiement de réacteurs dits non proliférants, donc non en capacité de produire. des matières qui pourraient être détournées sur des usages non civils.

  • Speaker #0

    Et j'ajouterais qu'il y a des contrôles extrêmement poussés de l'Agence internationale de l'énergie atomique, de RATOM en Europe, pour s'assurer que les matières civiles restent à des fins civiles, qu'elles ne puissent pas être détournées, et notamment dans les étapes les plus sensibles vis-à-vis du risque de prolifération, donc tout ce qui est lié au cycle du combustible particulièrement, ou les réacteurs qui pourraient présenter un risque de prolifération. En différation, je pense au Candou, par exemple, qui a un concept de réacteur canadien qui peut être rechargé en fonctionnement. Là, l'Agence internationale de l'énergie atomique accorde une importance particulière à la surveillance de ce type de réacteur parce que le risque est accru.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a des risques au fait d'avoir des réacteurs dans des pays où l'autorité de sécurité nucléaire n'est pas aussi stricte ou compétente que dans des pays historiquement nucléarisés ?

  • Speaker #0

    Évidemment, mais... J'ai envie de dire pas tant du point de vue de l'offre occidentale que de l'offre russe et chinoise. Alors déjà, il faut avoir conscience du fait que le niveau de sûreté n'est pas le même partout dans le monde. Vous avez des pays, je pense notamment à certains pays ex-pays soviétiques, l'Arménie par exemple, la centrale de Metsamor est reconnue comme ayant un niveau de sûreté assez faible. Les institutions européennes ont essayé de la faire fermer à plusieurs reprises, bon sauf qu'elle produit... plus 20-30% de l'électricité du pays. Très difficile pour l'Arménie de la remplacer. Donc là, il y a une difficulté là-dessus. Le niveau de sûreté n'est pas forcément le même partout. Les pays occidentaux, donc France, Royaume-Uni, Etats-Unis, quand ils vendent des réacteurs nucléaires, généralement, ils s'assurent qu'il y a une autorité de sûreté, une autorité de sûreté qui soit solide dans le pays, qui puisse contrôler non pas seulement la construction du réacteur, mais aussi son exploitation d'une manière qui soit fiable. Après, d'autres pays peuvent avoir des approches différentes. Si on prend le cas de la Russie, l'offre est un peu différente. Dans certains pays, la Russie propose des offres intégrées où elle construit le réacteur, elle l'exploite et elle va vendre l'électricité. Je pense par exemple au Bangladesh. Et donc, même s'il y a une autorité de sûreté au Bangladesh, dans ce mode de fonctionnement, ça repose sur une confiance accrue dans l'autorité de sûreté du pays fournisseur de la technologie qui va l'exploiter, qui va tout faire en fait, et qui va juste vendre l'électricité. C'est pas le modèle de la France, mais certains pays peuvent faire ce genre de choses.

  • Speaker #2

    Après, je crois savoir que les réacteurs de faible puissance sont intrinsèquement moins dangereux que les plus gros, non ?

  • Speaker #0

    Il y a moins de puissance, il y a moins de matière, et l'approche de sûreté est différente. Le niveau de sûreté est le même.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que ce sont des choses qu'on entend souvent. Il ne faut pas laisser imaginer que les réacteurs de puissance sont moins sûrs que les SMR. Enfin, le... Au niveau de sûreté, c'est le même. La différence, c'est que la puissance n'est pas la même. Et donc, une puissance moindre amène potentiellement des conséquences moindres ou une meilleure facilité de gestion des systèmes.

  • Speaker #2

    Je penserais par exemple qu'il y avait des systèmes de sécurité passives qui étaient plus possibles sur les SMR que sur les grands.

  • Speaker #1

    Du fait de la puissance installée, la dissipation de manière passive en cas d'arrêt de... Enfin, perte de réfrigérant, le système, comme il est à faible puissance, il va, lui, naturellement, la chaleur va se dissiper de manière passive.

  • Speaker #0

    En fait, la sûreté, c'est de la gestion des risques, c'est-à-dire réduire le risque d'occurrence d'un incident et réduire les impacts, les conséquences en cas d'accident. Donc, le niveau de sûreté qui est visé pour la... L'ASMR et pour les grands réacteurs est le même, c'est-à-dire qu'il y a à peu près la même probabilité qu'il y ait des relâchements dans l'environnement à la suite d'un accident. Par contre, l'approche pour arriver à ce niveau de risque peut être différente. Typiquement, dans un EPR, on est sur une approche active avec de la redondance des systèmes. Il va y avoir plusieurs ponts, plusieurs équipements pour assurer la même fonction au cas où il y ait le dysfonctionnement d'un équipement, de deux équipements, d'autres équipements. Dans des ASMR, on peut avoir une approche différente passive, c'est-à-dire qu'on coupe complètement l'électricité du fait de convection. naturel, donc l'eau chaude monte, l'eau froide descend, ça permet pendant un certain temps que le réacteur se refroidisse tout seul. Donc l'approche est différente, mais le niveau de sûreté est le même.

  • Speaker #2

    Et bien ce sera le mot de la fin Merci Stéphane Sarade et merci Maxence Cordier

  • Speaker #1

    Merci à toi

Description

Aujourd’hui, si un pays où une entreprise veut décarboner son énergie avec du nucléaire, il devra choisir entre des modèles de réacteurs de puissance énorme et à un coût se chiffrant en milliard d’euros. C’est évidemment rédhibitoire pour les entreprises et très contraignant pour les pays qui n’ont pas toujours les fonds et le réseau électrique disponible pour absorber une telle puissance. Les SMR et les AMR sont des réacteurs dont la petite taille serait la solution à ce problème. Si ces réacteurs n’existent actuellement que sur papier, il suscite déjà beaucoup d’enthousiasme, mais aussi d’inquiétudes concernant la sécurité. Avec mes deux invités du CEA, Stéphane Sarrade, Directeur des Programmes Énergie, et Maxence Cordiez, ingénieur et responsable des affaires publiques européennes, nous allons passer en revue les grandes interrogations qui planent autour de ces technologies. Tout comprendre sur les SMR et AMR. C’est le thème de ce nouvel épisode d’Échange Climatique.


Infos: https://linktr.ee/echangeclimatique

Contact: echangesclimatiques@gmail.com

Production: https://onetwo-onetwo.com/

Animation: Vidéo « A la découverte des petits réacteurs nucléaires : les SMR et AMR ». Crédits CEA/Bearideas


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, si une entreprise ou un État souhaite décarboner son énergie avec du nucléaire, il devra choisir entre des modèles de réacteurs de puissance énorme dont les coûts se chiffrent en milliards. C'est rédhibitoire pour les entreprises et très contraignant pour les États qui n'ont pas toujours les fonds et le réseau électrique pour absorber une telle puissance. Les SMR et les AMR sont des réacteurs dont la petite taille serait la solution à ce problème. Si ces réacteurs n'existent actuellement que sur papier, ils suscitent déjà beaucoup d'enthousiasme et aussi d'inquiétude concernant leur sécurité. Avec mes deux invités du CEA, Stéphane Sarra, directeur des programmes Énergie, et Maxence Cordier, responsable des affaires publiques européennes, nous allons passer en revue les grandes interrogations concernant cette technologie. Tout comprendre sur les SMR et les AMR, c'est le thème de ce nouvel épisode d'Échange Climatique. Comme vous l'avez remarqué, je ne demande pas de dons pour faire vivre cette chaîne, et YouTube rapporte très peu d'argent. Si vous voulez tout de même m'aider, vous pouvez vous abonner, c'est un gros coup de pouce pour la chaîne. Merci pour ça.

  • Speaker #1

    Sous-titrage ST'501

  • Speaker #0

    Bonjour Stéphane Sarade.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour Maxence Cordier. Bonjour. Vos postes respectifs au CEA vous amènent à travailler sur les SMR et les AMR. Stéphane, plus sur les questions industrielles et techniques et Maxence sur les questions économiques et politiques. Comment ne pas commencer cette interview sans poser cette question pour vous, Maxence ? Qu'est-ce qu'un SMR ?

  • Speaker #2

    Un SMR, c'est l'acronyme en anglais de Small Modular Reactor, petit réacteur modulaire. En fait, l'idée, c'est de faire des réacteurs qui soient plus petits, mais de produire un maximum de pièces en usine, d'avoir des réacteurs qui soient modulaires pour réduire le nombre d'étapes sur site. Donc là où la stratégie avant consistait à faire des réacteurs de plus en plus grands pour avoir des économies d'échelle par la taille, là, la stratégie change et l'idée, c'est de faire des réacteurs plus petits, donc pas d'économies d'échelle par la taille, mais par contre une économie d'échelle. par la sérialisation.

  • Speaker #0

    On reviendra un peu plus en détail sur les questions économiques tout à l'heure, mais déjà, on entend souvent SMR et AMR ensemble. Quelles sont les similitudes et les différences, Stéphane ?

  • Speaker #1

    On va revenir sur la définition. On entend SMR et AMR, donc Maxence l'a dit, Small and Modular Reactor, et AMR pour Advanced Modular Reactor. En fait, dans les deux cas, on parle de petits réacteurs, donc avec des puissances... On va dire des puissances électriques installées inférieures à 300 MW électriques, donc qui est très très loin des réacteurs de puissance. Et pourquoi on a deux définitions ? Puisque quand on parle de SMR, on va parler de réacteurs, de petits réacteurs de fission de troisième génération, c'est-à-dire des réacteurs qui sont exactement de la même génération que, on va dire, le parc actuel français. Quand on parle de AMR, on va s'adresser et on va adresser des réacteurs de quatrième génération, donc des réacteurs qui ne sont pas forcément largement déployés dans le monde. Et donc ces deux générations amènent donc deux définitions et surtout des fonctionnalités et des avantages et des inconvénients qui ne sont pas forcément les mêmes.

  • Speaker #0

    Dans les AMR on est dans une technologie de rupture mais on a toujours cette taille qui est petite et les avantages intrinsèques qui viennent avec. A quoi servent ces réacteurs ? Pourquoi avoir pensé le besoin d'avoir quelque chose de nouveau ? Qu'est-ce qu'ils apportent de plus que les réacteurs du parc mondial actuel qui sont des gros réacteurs à eau pressurisée ?

  • Speaker #2

    Il y a plusieurs éléments de réponse. Tout d'abord, certains pays ne peuvent pas construire des gros réacteurs pour différentes raisons, soit parce que ce sont des pays trop petits avec peu de population. Je pense par exemple à l'Estonie ou alors des zones où le réseau est particulièrement peu dense. Si on regarde les États-Unis, le réseau américain n'est pas le même partout. Il y a la côte ouest et la côte est où il y a un réseau dense qui peut accueillir des gros réacteurs et il y a le middle ouest avec un réseau extrêmement distendu qui ne pourrait pas accueillir un gros réacteur quand on le démarrerait ou qu'on l'arrêterait, le réseau tomberait. Donc déjà... les petits réacteurs peuvent permettre de répondre à cette demande-là. Ensuite, pour pouvoir atteindre la neutralité carbone, il faudra évidemment de l'électricité. Aujourd'hui, l'électricité, c'est 25% à peu près du bouquet énergétique français. On estime qu'en 2050, ça devrait être 55-60%. Mais il y a encore 40-45% d'énergie qui devrait être bas carbone, mais qui ne sera pas de l'électricité. Donc, on va devoir produire de la chaleur bas carbone et des carburants liquides et gazeux bas carbone. non issus de fossiles. Et là, les SMR et AMR peuvent jouer un rôle. Si l'électricité se transporte bien, la chaleur se transporte moins bien, donc les réacteurs doivent être localisés plus près des lieux de consommation, à quelques dizaines de kilomètres au plus. Donc le SMR, de par sa petite taille, permet de localiser sur un nombre de sites plus importants des réacteurs. Par exemple, si on veut décarboner une ville de taille moyenne, on ne va pas mettre une paire de PR à côté, en termes de dimensionnement, ce ne serait pas cohérent, il n'y a pas forcément la source froide pour les refroidir. Par contre... Un ou deux SMR, c'est envisageable. Avec cette chaleur-là, ils peuvent aussi permettre de produire du dihydrogène par électrolyse à haute température, ce qui offre un meilleur rendement que les procédés d'électrolyse classique. Et à partir de l'hydrogène, on peut faire des molécules dérivées, soit pour la chimie ou pour des carburants. Ça peut être de la chaleur aussi pour l'industrie, pour des zones industrielles type Dunkerque, fosse sur mer, etc. Donc beaucoup de nouveaux marchés.

  • Speaker #0

    Vous parlez de sources froides, donc pour les industries, peut-être sur la chaleur, on parle de secteurs qui sont difficilement décarbonables comme l'industrie ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que c'est important ce que dit Maxence, puisque historiquement, les SMR ont été perçus pour remplacer les centrales thermiques, les centrales thermiques, les hydrocarbures, pour adresser des pays qui n'étaient pas dotés d'énergie nucléaire civile, avec des réseaux qui ne permettent pas d'avoir des... Et puis, beaucoup plus récemment, sont arrivées les problématiques de décarbonation de nos usages et de décarbonation de l'industrie. Et quand on regarde effectivement les besoins en décarbonation, si on s'adresse à l'Europe en particulier... On voit que beaucoup d'industries que nous connaissons sont demandeuses d'énergie, d'énergie thermique, et qu'on peut même imaginer que dans un futur pas si lointain que ça, de la chaleur bas carbone sera peut-être plus compliquée à produire que de l'électricité bas carbone. C'est la raison pour laquelle beaucoup de projets de réacteurs SMR et AMR adressent l'ensemble des applications que vient d'évoquer Maxence, c'est-à-dire produire de l'électricité, de la chaleur décarbonée, de l'hydrogène décarboné, des molécules décarbonées, de manière à pouvoir être un soutien de décarbonation des grandes industries. Oui, on sait très bien que certaines industries, la métallurgie, les cimenteries... L'agroalimentaire, son consommatrice d'énergie électrique, mais de beaucoup d'énergie thermique. Et ces petits réacteurs sont maintenant imaginés comme étant des solutions pérennes pour répondre aux grands enjeux du changement climatique.

  • Speaker #0

    Parce qu'aujourd'hui, cette chaleur, elle est... exclusivement produite par des énergies fossiles. C'est du charbon.

  • Speaker #1

    C'est du charbon, c'est du gaz. C'est du gaz, effectivement. Donc l'enjeu est assez colossal. Alors pourquoi il est colossal ? Parce que nous serons en capacité de produire ces utilités décarbonées, en particulier la chaleur, que nous pourrons maintenir et au meilleur niveau à la fois économique mais aussi environnemental, une industrie sur le sol européen.

  • Speaker #0

    Donc il y a aussi des challenges de décarbonation et de réindustrialisation.

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Maxence ?

  • Speaker #2

    Et peut-être pour abonder dans le sens de ce que disait Stéphane, l'utilisation des SMR pour la chaleur peut permettre de mieux intégrer certains procédés. Si on prend la production d'engrais par exemple, aujourd'hui les engrais sont azotés, sont produits à partir d'ammoniaque, l'ammoniaque est produit à partir d'hydrogène, et l'hydrogène est produit par vaporé-formage de méthane issu du gaz fossile. On pourrait se dire, dans ce cas-là, si on produit de l'hydrogène bas carbone, il suffit de remplacer l'hydrogène issu du gaz fossile par de l'hydrogène bas carbone issu d'électrolyse. Sauf qu'en pratique, généralement, les producteurs d'engrais ont des procédés intégrés, avec le vaporé-formage qui est intégré à leur procédé, qui permet de produire de l'hydrogène, mais aussi de la chaleur pour le reste du procédé. Donc même s'ils avaient accès à des quantités abondantes d'hydrogène bas carbone électrolytique, par exemple... pour leur procédé. Ils ne pourraient pas en intégrer des grandes quantités, alors de mémoire ça doit être 5 ou 10% maximum, parce que justement ils ont encore besoin du vaporé-formage pour produire de la chaleur pour le reste du procédé. Donc en fait, produire de l'hydrogène électrolytique avec un réacteur nucléaire qui produit aussi de la chaleur à côté, ça peut permettre de faire une source de chaleur qui aide à intégrer des clusters industriels comme ça, et à optimiser ces chaînes industrielles.

  • Speaker #0

    Un même modèle de SMR peut faire les deux, électricité et chaleur.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    En fonction de la nature et du type de réacteur que vous allez choisir, les niveaux de température ne seront pas les mêmes. Sur un SMR, vous allez donc troisième génération, vous avez au maximum 300 degrés, ce qui veut dire qu'en termes de chaleur utilisable, vous êtes entre 100 et 150 degrés. Quand vous travaillez sur certains AMR de quatrième génération, vous allez pouvoir disposer de 400, 600, voire 900 degrés pour les réacteurs de type. Vous n'adressez pas forcément les mêmes gammes de température, donc vous n'avez pas forcément aussi les mêmes applications. Ça peut être du district heating, de la chaleur urbaine, ou ça peut être de la chaleur industrielle. Quand vous avez besoin de beaucoup d'énergie thermique, des systèmes qui vont préchauffer vos lignes de traitement de manière à minimiser le coût final pour atteindre les températures les plus élevées.

  • Speaker #2

    Et pour que ce soit bien clair pour tous les auditeurs, tous les réacteurs nucléaires, on part de chaleur et ensuite on peut faire de l'électricité. Donc si on a besoin de plus de chaleur, on peut aussi dimensionner la turbine pour produire moins d'électricité, avoir plus de chaleur. Donc ça, ce sont des choses qui sont faisables. On part toujours de chaleur pour faire de l'électricité.

  • Speaker #1

    Et c'est toujours plus facile à faire sur des petits réacteurs en termes de puissance. C'est pour ça aussi que ces petits réacteurs, ils ont vraiment cet avantage d'être beaucoup plus adaptables sur ces différentes fonctionnalités, puisque gérer une source chaude, un réservoir de chaleur, gérer une turbine, c'est beaucoup plus simple avec un petit réacteur.

  • Speaker #0

    Donc on a dit que les SMR, c'était... qu'on connaissait, c'était la technologie plus ou moins existante. Les AMR, on n'a pas encore expliqué ce que c'était. Stéphane, vous venez de parler de HTR, de réacteurs à haute température. Est-ce que vous pouvez faire peut-être un panorama des AMR les plus prometteurs ?

  • Speaker #1

    Tout à fait, les plus prometteurs. En tout cas, ceux qui sont étudiés. En fait, vous savez qu'il y a au niveau international un forum international qui s'appelle le GIF, le Forum Génération 4, qui regroupe 12 pays qui se sont en 2000 rassemblés pour travailler ensemble sur 6 concepts. Ce sont les 6 concepts qui sont imaginés au niveau international comme étant les concepts les plus... les plus intéressants. Alors, historiquement, et là je vais reprendre un peu ma vision scientifique et technique, ce sont les réacteurs à neutrons rapides, en particulier refroidis au sodium, qui apparaissent comme étant les plus matures. Alors pourquoi ils apparaissent comme étant les plus matures ? Puisque les RNR sodium, alors au CEA nous avons eu Rapsody, en France nous avons eu aussi Phénix et Superphénix, il y a dans le monde plus de 500 ans de fonctionnement cumulé de ce type de réacteurs. Donc vous voyez qu'il y a eu un débat. déploiement assez important et certains donc fonctionnent à l'heure actuelle aujourd'hui dans le monde. Donc les réacteurs à neutrons rapides, ce sont des réacteurs où le caloporteur, c'est du sodium liquide. Et là aussi, on peut atteindre un certain nombre de températures intéressantes. Vous avez une autre possibilité qui sont les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb. Là, le caloporteur, c'est du plomb liquide. Alors ça peut être du plomb, ça peut être un mélange de techniques avec du plomb et du bismuth par exemple. Donc ça, ce sont globalement, je dirais, des technologies quatrième génération qui apparaissent comme étant matures, dans la mesure où elles ont déjà été déployées pour le plomb, notamment le plomb. Ce sont nos collègues russes qui ont développé cette filière-là.

  • Speaker #0

    Sans rentrer dans le détail technique, mais quel est l'avantage du plomb par rapport au sodium ?

  • Speaker #1

    Ce sont des avantages différents. Ce sont des avantages en termes de performance, en termes de manipulation. Alors pourquoi nous, par exemple, côté français, on a privilégié le sodium ? c'est qu'en fait il reste liquide à des températures plus basses que le plomb, puisque le plomb il faut être au-dessus de 300°C pour ne pas qu'il prenne en masse de manière irréversible. Donc voilà, il y a des avantages et des inconvénients, mais les deux fonctionnent, ont fonctionné, et vous allez retrouver dans les startups au niveau mondial, des startups qui sont parties sur les RNR au plomb ou les RNR au sodium, avec des cœurs de procédés qui sont assez proches. La seconde génération, je dirais en termes de maturité, ce sont ce qu'on appelle les réacteurs à haute température, où là on va utiliser un caloporteur qui ne sera pas liquide mais qui sera souvent un gaz, en particulier de l'hélium. Ce sont des systèmes qui sont intéressants parce que relativement robustes en termes de... en termes de fonctionnement, mais qui n'ont pas des performances, qui ont des performances un peu moindres par rapport à la première génération que j'ai évoquée de R&R.

  • Speaker #0

    En termes de rendement ?

  • Speaker #1

    En termes de rendement, en termes de rendement sur le combustible, et puis... En termes de cycle du combustible, on va y revenir puisque vous voyez que je vais vous parler beaucoup de réacteurs, mais on oublie toujours qu'au-delà des réacteurs de 3e ou 4e génération, un réacteur et un type de réacteur n'a de sens que si son cycle du combustible est associé, c'est-à-dire quel type de combustible il va falloir fabriquer, et une fois qu'il aura été utilisé en réacteur, comment il va être géré, puisqu'en France, nous avons fait le choix politique, et il a été réaffirmé encore très récemment au Conseil de politique nucléaire, que la... France s'inscrit dans le retraitement de ces combustibles usés avec une vision de cycle fermé. Donc ça ce sont donc je dirais des réacteurs à maturité intermédiaire. Puis vous avez les réacteurs qui eux sont à maturité industrielle beaucoup plus faible, comme par exemple les réacteurs à sel fondu, où là dans le monde historiquement il y a eu un réacteur qui a fonctionné de tête 18 mois aux Etats-Unis dans les années 50. Donc oui il n'y a pas eu de déploiement. En revanche c'est ce type de réacteur à sel fondu, où là on a une très grosse rupture technologique. Puisque autant sur les deux premiers types de réacteurs, nous sommes sur des combustibles solides, donc mis en forme. Là, réacteurs à sel fondu, les combustibles sont sous forme liquide, sont sous forme de sel. Ils vont eux-mêmes baigner dans un caloporteur qui est un sel fondu. Et donc ça amène, en termes de gestion du combustible et de gestion des déchets produits, des potentialités très très intéressantes. C'est pour ça qu'ils sont intéressants en termes de rupture. Par contre, ils vont nécessiter des développements techniques, d'abord de recherche, pour après atteindre des développements et des déploiements techniques.

  • Speaker #0

    Donc là, on parle de sel d'uranium, pas du sel de...

  • Speaker #1

    Alors oui, de sel de plutonium, du PUCL3. Donc il y a deux types de sel, ce sont soit des chlorures, soit des fluorures qui sont testées, utilisées dans le monde. Donc nous, par exemple, côté CEA, on s'intéresse au PUCL3, donc un sel qui va lui-même être dans... un système de caloporteurs à sel fondu et qui va permettre d'avoir des rendements très élevés.

  • Speaker #0

    Corrigez-moi si je me trompe, Maxence, tu aurais ajouté quelque chose ?

  • Speaker #2

    Oui, peut-être pour rebondir sur la question sel, uranium, plutonium, thorium et sel fondu. Souvent, on a tendance à associer réacteurs à sel fondu avec thorium. Non, en fait, on peut faire fonctionner des réacteurs à sel fondu avec du thorium, de l'uranium ou du plutonium. En France, il n'y a pas d'intérêt vraiment à utiliser du thorium parce qu'on a des On a des stocks d'uranium appauvris, on a aussi du plutonium via les combustibles usés que la France a fait le choix de retraiter. Le thorium c'est plus intéressant pour des pays qui ont cette ressource-là, qui n'ont pas des matières séparées sur leur territoire, séparées des stocks d'uranium ou qui ont fait le choix de retraiter, là je pense particulièrement à l'Inde. Mais la question... du combustible se pose différemment selon les pays et en France il n'y a pas vraiment d'intérêt à utiliser du thorium. Si on faisait ce choix là, ça voudrait dire que l'uranium et le plutonium dont on dispose sur le territoire devraient être considérés comme des déchets. Donc on irait chercher une autre ressource pour considérer des choses qu'on a déjà de façon séparée comme des déchets.

  • Speaker #0

    Donc il ne faut pas du tout voir ces filières comme concurrentes mais plutôt qu'ils répondent à des besoins différents selon l'usage ou selon le pays.

  • Speaker #1

    Elles vont avoir en fait des avantages et des inconvénients très très particuliers mais elles sont... Ces filières-là sont complémentaires. Donc on me l'a évoqué très justement, Maxence, vous voyez que les réacteurs à sel fondu permettent d'adresser un très très large spectre de combustibles possibles. Donc ça c'est intéressant. Et donc nous en France, on travaille sur l'ensemble de ces filières, enfin essentiellement sur le côté CEA, sur les R&R sodium et les réacteurs à sel fondu. Mais il y a au niveau mondial une dynamique globale sur l'ensemble de ce type de réacteurs. Mais je le rappelle... L'importance aussi, c'est de réfléchir en termes de cycle du combustible associé, puisque tous ces types de filières ne vont pas utiliser, ne serait-ce qu'au niveau géométrique, mise en forme, le même type de combustible. Et derrière, il faut imaginer qu'on va devoir les retraiter, ces combustibles. Donc, imaginez les usines qui vont permettre de pouvoir faire ces opérations unitaires.

  • Speaker #2

    Et tout ça joue sur la maturité de... de ces concepts-là. C'est-à-dire que quand on voit que concevoir un réacteur à eau légère, un réacteur du type de ceux qu'on exploite actuellement, prend une petite dizaine d'années, en fait, tous les concepts d'AMR qui sont moins matures, qui nécessitent plus de recherche et développement, vont prendre davantage de temps. Et d'autant plus que ce sont des concepts qui ont été peu explorés. Donc autant les concepts sodium bénéficient d'un retour d'expérience permettant... d'envisager des déploiements à des échelles relativement proches, mais qui prendraient plus d'une dizaine d'années. Et après, si on va sur des réacteurs moins matures et pour lesquels on n'a pas forcément les technologies en termes de cycles, je pense par exemple au sel fondu, ce sont des échéances encore plus lointaines. Donc quand on veut déployer... des réacteurs. Et ça, je pense que c'est très important de l'avoir à l'esprit. Il ne faut pas uniquement regarder les caractéristiques sur le papier de tel type de concept, mais aussi à quel besoin il doit répondre, à quelle échéance. Donc ça, ça peut aussi conditionner les choix de déploiement. Si on a du retour d'expérience sur une technologie, ce sera évidemment plus facile de la développer. Ça coûtera aussi moins cher de la développer que si on part sur une technologie toute nouvelle sur laquelle on a plus de recherches à faire.

  • Speaker #0

    Oui, donc les réacteurs qui se permettent de se passer évidemment d'uranium qu'on trouve dans la nature peut-être arriveront dans un second temps. Et donc si je refais un peu le phasage, on aura les SMR en premier d'ici la fin de la décennie ou début de la décennie prochaine plutôt.

  • Speaker #1

    Oui, c'est effectivement ça. Comme l'a dit Maxence, les SMR, notamment le projet de SMR français New World qui est porté par EDF, à quel contribue un certain nombre. d'entités dans le CEA, donc Naval Group, Technic Atom. Tractable Energy est imaginé, puisqu'on est en phase d'avant-projet détaillé, au début de la décennie prochaine. Donc là, Newhart, c'est un PWR, un réacteur à eau légère, le combustible existe déjà, et les filières de retraitement à la hague existent. Donc vous imaginez bien que oui, c'est effectivement au niveau temporalité les premiers qui vont arriver, donc début de la prochaine décennie, alors que les... AMR sont plutôt... dont certains vont nécessiter une phase intermédiaire de développement de démonstrateurs, puisqu'il n'y a pas eu, pour certains, je vous l'ai dit, de démonstrateurs qui permettent d'acquérir des données et de dimensionner au mieux, donc on les attend plutôt dans la seconde moitié de la prochaine décennie.

  • Speaker #0

    Donc si on reste sur New World ou sur les concurrents de New World, l'avantage inhérent de cette petite taille, c'est notamment un avantage économique. Si on regarde l'histoire du nucléaire français, c'était un peu une course à la puissance, puisque à chaque fois qu'on avait un réacteur plus puissant, ça diminuait le coût de l'unité d'électricité produite. Mais aujourd'hui, peut-être qu'à Flamanville, on voit que le modèle a ses limites. Et aujourd'hui, est-ce que le retour en force ? de ces petits réacteurs parce que ça a toujours existé ? Est-ce que c'est justement pour répondre à cette faille, mais ce modèle qui arrive un peu en bout de course ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut qu'il y ait une clarification qui soit faite de manière très claire. Les petits réacteurs ne vont pas remplacer les réacteurs de puissance. Je pense que... Non mais je crois que c'est important de le dire parce que... Pourquoi ? D'abord pour une raison très simple, c'est que la demande en électricité décarbonée... Vous savez à l'heure actuelle l'électricité c'est globalement 25% de notre mix énergétique global. A l'horizon 2050, vous le savez, l'électricité représentera 60-65%. Donc des quantités colossales d'électricité bas carbone sont attendues. Donc le nucléaire en France, bien sûr, en fera partie. Et on va avoir besoin à la fois des réacteurs de puissance, type les EPR qui vont être développés, mais aussi des petits réacteurs pour les avantages et les applications qu'a évoquées notamment Maxence.

  • Speaker #2

    Alors là-dessus, pour compléter et aller dans le sens de ce que dit Stéphane, les gros réacteurs ont des avantages qu'il ne faut pas oublier en termes d'efficacité de l'espace du sol. On produit plus d'électricité sur une surface plus petite. D'utilisation du combustible aussi. En termes d'utilisation du combustible, les gros réacteurs sont plus efficaces, donc ils vont consommer moins de combustible pour produire la même quantité d'électricité. Par contre, ils ne pourront pas rendre un certain nombre de services en termes de co-génération. Par exemple... Les avantages et inconvénients sont différents et s'adresseront à des marchés différents. En termes économiques, je vois aussi un autre avantage quand même au SMR, même pour de la production d'électricité seule, qui est que l'un des gros freins au déploiement de l'énergie nucléaire dans le monde, c'est son côté capitalistique. C'est-à-dire qu'il est difficile de financer des réacteurs nucléaires globalement. Décaissez 10 milliards d'euros pour la construction qui va prendre potentiellement 10 ans. En fait, c'est très difficile dans... dans le marché. Et si on regarde des pays favorables de longue date au nucléaire, comme la Pologne par exemple, ont été historiquement freinés par ce genre de considérations. L'avantage du SMR, c'est que via une approche modulaire, on peut construire le réacteur normalement plus rapidement parce que les modules sont préparés en usine et ont réduit le nombre d'étapes sur site. Et vu que la puissance est plus petite, ça permet aussi, et le réacteur moins cher évidemment, un CMR coûte moins cher qu'un EPR, ça permet de fractionner l'investissement, un peu comme dans les renouvelables. Il est bien rare qu'on décide de construire 1,6 gigawatt d'éolien d'un seul coup, on va construire quelques centaines de... de mégawatts, puis quelques centaines de mégawatts. Donc ça, ça peut permettre à certains pays d'aider à financer le nucléaire. Autre avantage...

  • Speaker #0

    Oui, juste sur les... On revient un peu à ce côté effet de série, parce que si le panneau photovoltaïque, par exemple, a vraiment baissé de prix ces dernières années, c'est parce qu'on a pu en produire des quantités, des quantités, et c'est un peu le modèle aussi des SMR. C'est l'effet de série qu'on fait.

  • Speaker #2

    Tout à fait. Si on n'en produit que quelques-uns, le concept ne sera pas rentable. Il faut en produire plusieurs dizaines pour que le concept devienne intéressant. Et c'est pour ça aussi qu'il est indispensable de réfléchir à l'échelle internationale. Quand on veut faire des économies d'échelle par sérialisation, ça veut dire qu'il va falloir rentabiliser les usines. Et on ne fait pas une usine pour faire juste une cuve, un générateur de vapeur. Donc le premier SMR, pour ceux qui l'ont produit, ne sera pas rentable. Par contre, plus on va en produire, plus le modèle sera... sera rentable. Et l'avantage aussi, c'est que face aux enjeux de décarbonation rapide qu'il va y avoir, ça va permettre aussi de multiplier les chaînes industrielles, augmentant le potentiel de l'énergie nucléaire. À l'issue de la consultation préalable aux travaux de RTE il y a 3-4 ans maintenant, la filière avait estimé qu'elle était en mesure de construire potentiellement 14 EPR d'ici 2050. Alors l'histoire dira si on peut en faire un peu plus, un peu moins. Mais si on a besoin de davantage de nucléaire, avoir d'autres concepts qui s'appuient sur des chaînes industrielles différentes, sur des usines différentes, peut permettre aussi d'accroître le potentiel de l'énergie nucléaire. C'est un peu comme sur le solaire photovoltaïque, si on avait une usine de panneaux, avec un seul producteur de panneaux,

  • Speaker #0

    on pourrait développer moins de cela photovoltaïque que si on a plusieurs usines avec plusieurs producteurs donc on a parlé des différents modèles qui existent mais on n'a pas parlé encore des pays qui se placent le mieux sur cette sur cette fréquence est-ce que Max, sans vous pouvez nous faire un petit un petit tour d'horizon donc il y a la France, il y a les Etats-Unis, on a un peu parlé Il y a plusieurs types de pays qui vont se placer sur le créneau des SMR, à la fois les concepteurs de réacteurs, et donc là on va retrouver la plupart des pays historiquement impliqués dans l'industrie nucléaire sous un angle de conception. Comme tu as dit, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, le Canada, la Corée, etc. La Russie, la Chine évidemment. Et après il y a tous les pays consommateurs, utilisateurs de réacteurs nucléaires qui eux sont intéressés. et vont plutôt regarder sous l'angle de leurs besoins. Et à ce niveau-là, selon les pays, différents modèles de réacteurs sont conçus. Généralement, les pays conçoivent un type de SMR plutôt pour leurs besoins domestiques et après envisagent une exportation. Je prends l'exemple du Canada. Le Canada a beaucoup de communautés isolées, au milieu du Saskatchewan par exemple, qui actuellement sont alimentées par des générateurs diesel polluants et extrêmement coûteux. Et donc ils envisagent des... micro réacteurs de quelques mégawatts qu'ils peuvent livrer sur site. Le réacteur fonctionne quelques années, ensuite il est retiré et il va être maintenu, rechargé, etc. dans une usine au milieu d'une zone plus peuplée, donc côte Est, côte Ouest. Les États-Unis ont développé New Scale à l'origine pour remplacer les centrales à charbon isolées du Midwest. New Ward a été plutôt conçu pour remplacer des centrales à charbon de moyenne puissance, notamment en Europe. La Russie, la barge académique Lomonosov, qui repose d'ailleurs sur des technologies militaires russes, donc qui est difficilement exportable, répond à un besoin domestique russe d'alimenter des communautés isolées, proches de l'eau, avec un réacteur qui peut être construit et maintenu dans des ports dédiés à ça, et après transporté jusqu'au site de production. Donc on voit que différents types de réacteurs... existe, conçu pour répondre généralement d'abord à une demande domestique, ce qui assure quand même un minimum de marché et qui après vise une clientèle internationale.

  • Speaker #1

    Peut-être pour aller un petit peu plus loin, puisqu'une étude récente de l'Agence Internationale de l'Énergie a fait un petit peu la cartographie et il y a pratiquement 100 projets de SMR, AMR dans le monde à l'heure actuelle. Il y en a 98 je crois de tête, avec bien sûr des niveaux de développement. différents, mais vous voyez qu'on va atteindre une centaine, comme l'a dit Maxence, donc trois zones, Amérique du Nord, donc Etats-Unis, Canada, Europe et Asie, principalement portée par la Chine. Il faut aussi imaginer que derrière aussi ces petits réacteurs, il y a aussi des réflexions, notamment des réflexions sur l'utilisation dans des applications militaires, puisque les Etats-Unis ont annoncé le déploiement d'un petit réacteur pour une base aérienne en Alaska. Là aussi, on revient dans la problématique des zones isolées et de l'autonomie. Et aussi,

  • Speaker #2

    on peut se découpler du réseau aussi.

  • Speaker #1

    Et on se découple du réseau, tout à fait. Et puis, vous allez aussi trouver des applications pour certaines de ces startups qui vont être pour le spatial, puisque se posent aussi les questions des futures bases-vie, d'abord sur la Lune et ensuite sur Mars. Et on va retrouver aussi chez certaines de ces... des startups, ou de ces projets industriels, des applications qui vont aller au-delà. Alors bien sûr, c'est qu'une temporalité qui, là aussi, n'est pas la même, mais au-delà de ce qui a été évoqué, effectivement, des applications défense et des applications spatiales.

  • Speaker #2

    Et un peu plus près que l'espace, donc la Finlande, vous me disiez en préalable de l'interview, qu'elle l'utiliserait notamment pour sa chaleur. Et aussi, j'ai lu dans un commentaire que vous répondez sur le chat LinkedIn, que des pays antinucléaires pourraient revenir au nucléaire via l'ASMR ?

  • Speaker #0

    Oui, alors ce sont deux sujets différents. La Finlande, surtout depuis le démarrage de l'EPR de Olkiluoto, a une production d'électricité qui est globalement décarbonée. Par contre, elle consomme encore beaucoup de chaleur fossile. Et le chauffage en Finlande est assez différent de celui qu'on connaît en France. Ils utilisent beaucoup de réseaux de chaleur alimentés par des grosses chaudières, notamment en charbon. Et la Finlande étudie depuis des années maintenant sérieusement l'opportunité de mettre des SMR, soit de co-génération électrogène-calogène, soit purement calogène, pour remplacer. C'est Chaudière à Charbon qui alimente les communautés. Donc c'est l'un des pays où le stade de réflexion sur l'usage des SMR pour chauffer des villes est, je pense, le plus avancé. Même si d'autres pays comme la Russie, par exemple, font ça historiquement. Beaucoup de réacteurs, la plupart des réacteurs en Russie, historiquement, chauffent aussi les villes à proximité.

  • Speaker #1

    Au-delà de ces exemples, il y a aussi l'exemple de la Chine, puisque j'y étais il y a encore une dizaine de jours, en discutant avec l'électricien Spik, qui a, lui, déjà trois niveaux de développement, un réacteur nucléaire purement calogène, et qui alimente une ville de 1 million d'habitants, avec ce type de système. Donc, il y a des déploiements significatifs qui existent à l'heure actuelle dans ce domaine.

  • Speaker #2

    Ce n'est pas la science-fiction.

  • Speaker #1

    Non, non, ce n'est pas la science-fiction.

  • Speaker #2

    Et pour la France, on a parlé de l'exportation des SMR, est-ce qu'on ne pourrait pas en mettre sur nos îles ? dont l'électricité est beaucoup plus carbonée que la métropole ?

  • Speaker #0

    Ça, c'est une réflexion qu'on peut avoir. En fait, ça ouvre tout un champ d'études, de mon point de vue. Et alors, on peut penser à ça pour certaines communautés isolées, qui peuvent être des îles, il y a des micro-réacteurs, des petits réacteurs. On peut aussi penser, alors là, c'est plus peut-être de la science-fiction, mais finalement, pas forcément tant que ça, faire des navires d'intervention. de secours, par exemple, vous avez une catastrophe naturelle quelque part, un navire qui serait capable d'arriver et de produire de l'électricité pour la zone sinistrée, de l'eau douce, ce qui peut être extrêmement précieux, éventuellement quelques carburants aussi. Et là, je pense, alors, des zones sinistrées par des catastrophes naturelles, des tsunamis, des choses comme ça, ou des îles comme Mayotte qui ont connu des périodes de sécheresse majeure, par exemple l'an dernier. Donc, on peut envisager des applications comme ça. En plus, si c'est sur des marchés entre guillemets de niche de la sauvegarde, par exemple, là, on peut envisager des technologies qui existent déjà.

  • Speaker #2

    Il y a une nouvelle qui n'a pas fait le bonheur de l'industrie des SMR, c'était l'abandon du projet New Scale dans l'IDAO. Donc, Maxence a touché deux mots tout à l'heure. En gros, je crois savoir que c'était le projet de SMR le plus développé à date, c'était donc aux États-Unis. Est-ce que pour vous c'est un échec qui révèle quelque chose d'autre ou alors c'est juste un accident de parcours ?

  • Speaker #1

    Alors, on a regardé, bien évidemment, pour comprendre, puisque de toute façon, ce type de nouvelles, forcément, elle est intéressante à analyser. L'analyse que nous allons faire, c'est que ce n'est pas, à la base, un problème technique. C'est un problème qui est plus un problème financier. Pourquoi ? Puisque Newscale, c'est une société, une jeune société qui est cotée en bourse. Donc, il y a fait un certain nombre d'annonces en bourse. Et puis, il y a un certain nombre de personnes qui ont misé sur... une baisse. Et ils ont fait beaucoup d'argent en misant sur la baisse de New Scale, qui est arrivée, puisqu'à partir du moment où ils n'ont pas eu accès au financement auquel ils avaient imaginé. Pour moi, ça traduit beaucoup de choses. D'abord, ce n'est pas un problème technique. Et deux, c'est un problème économique. Et c'est intéressant de voir que le modèle économique de déploiement des SMR type New Scale doit aussi tenir compte de ce genre de contexte, de contexte financier et je dirais là de trading.

  • Speaker #2

    L'EPR c'était une collaboration entre plusieurs pays, la France, l'Allemagne et l'Imménie. Est-ce qu'il y a la même chose sur les SMR à l'échelle européenne ? On sait qu'il y a une alliance des batteries par exemple. Est-ce qu'on peut envisager une alliance des SMR ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est quelque chose qui est en train de se mettre en place. Alors déjà, il y a une alliance des SMR qui a été annoncée très récemment au niveau européen par la Commission européenne, qui visera à travailler sur le financement, la réglementation, les compétences, le déploiement des SMR en Europe. Après, au-delà de cette coordination qui est en train de se mettre en place au niveau européen, il y a aussi un signal politique avec le ministre Bruno Le Maire qui a demandé récemment la création... d'un IPCEI, donc un projet important d'intérêt économique européen, qui aide à déroger, c'est une procédure au niveau européen, qui sur des technologies stratégiques, comme le solar PV, les batteries, etc., permet de déroger aux règles sur les aides d'État pour pouvoir lancer une filière. Donc là, il y a une demande de création là-dessus. Et après, sur des projets particuliers, il y a aussi une collaboration internationale qui se met en œuvre, à la fois du côté des concepteurs, par exemple, Stéphane l'a rappelé tout à l'heure, sur New World, Tracte Bell, qui est une filiale belge d'Engie, travaille sur le projet New World. Et après, et ça c'est tout à fait important, entre les autorités de sûreté. Parce que, c'est ce qu'on expliquait tout à l'heure, l'intérêt du SMR c'est d'avoir une production en série, qui doit être internationale parce que les capacités d'installation dans un pays ne suffisent pas à justifier un modèle. Or, si on veut l'avoir dans plusieurs pays, il ne faut pas avoir à revoir le compte. concept complètement dans chaque pays parce que sinon économiquement c'est pas viable. Ça les concepteurs en ont bien conscience, les autorités de sûreté aussi. Et il y a une discussion préalable aujourd'hui entre l'autorité de sûreté française finlandaise et tchèque, pour se mettre d'accord sur des règles communes de certification pour le projet New World, ce qui permettrait idéalement de pouvoir le certifier dans des conditions à peu près similaires, au moins dans ces trois pays.

  • Speaker #1

    Et ça, je veux ajouter que c'est la première fois. C'est la première fois qu'on assiste justement à un concept de réacteur nucléaire, dont la réglementation, en bon français on appelle ça le licensing. dont le licensing est traité par trois pays différents. Ça démontre bien de la volonté d'un déploiement rapide, puisqu'effectivement, si le licensing est obtenu sur ces trois pays, vous imaginez bien que ça va permettre de faciliter, on va dire, le déploiement dans d'autres pays, un minimum européen, mais au-delà. Puisque quand on s'intéresse à ces petits réacteurs, et on l'a évoqué tout à l'heure, on pense toujours à réacteurs. Quel type de réacteurs ? Et en final, le fait que nous accompagnons beaucoup depuis 2 à 3 ans de projets d'ASMR et d'AMR, c'est qu'en fait il y a 3 éléments importants qui sont à la fois le type de réacteur, le type de combustible et le combustible associé, et quelle stratégie autour du licensing. Alors ça va tellement loin, donc New World c'est un enjeu majeur puisque c'est la première fois que l'on fait ça, et puis très récemment par exemple Microsoft aux Etats-Unis a annoncé qu'ils développaient une IA. qui allait permettre de pouvoir pré-rédiger les dossiers de licensing de manière à accélérer le temps qui est nécessaire pour justement remplir ces éléments-là. Donc vous voyez qu'il y a une espèce de réflexion globale autour de ces éléments et le licensing, c'est un des trois points importants pour le déploiement industriel à terme.

  • Speaker #2

    Sur le licensing et l'IA, je reviens parce qu'en fait c'est un challenge énorme pour... Si c'est l'ASN qui doit approuver chaque... Donc licensing c'est pour le design ? Oui. Et quand on installe un réacteur nucléaire, c'est une autorisation. Et donc on imagine que ces autorisations vont passer de quelques autorisations par décennie à peut-être potentiellement plusieurs dizaines d'autorisations par an. Et aussi la SN faisait face à un exploitant. Et aujourd'hui, enfin dans le futur, elle va faire face à plusieurs, peut-être une dizaine de start-up, une dizaine de modèles. J'imagine que pour la SN, ça va être un métier nouveau en fait.

  • Speaker #1

    Nouveau, je ne dirais pas ça, alors je ne vais pas parler à la place de la SN, parce qu'ils se sont exprimés là-dessus, et tout ce que vous venez de dire, ils en sont éminemment conscients, et ils sont conscients qu'ils vont devoir faire évoluer leur manière de fonctionner pour être en capacité de répondre à tout ce que vous avez évoqué. Et je pense que le fait d'être dans cette nouvelle dynamique, et d'être associé... Dès le départ au développement, et l'ensemble, je parle au niveau français par exemple, des startups qui sont dans le giron de France 2030, elles ont eu dès le départ, dès les premiers niveaux de discussion, un point avec à la fois l'autorité de sûreté nucléaire, mais aussi le HFDS, c'est-à-dire le haut fonctionnaire de défense, puisqu'il y a à la fois la notion de sûreté liée au... à la mise en œuvre de matériaux irradiants, enfin de radio-éléments, et aussi l'aspect sécurité, c'est qu'effectivement, en termes d'intervention ou de malveillance, il faut aussi imaginer tout ça. Tous ces projets-là que l'on voit émerger notamment au niveau français, dès le départ, ils ont été en lien avec en particulier l'autorité de sécurité. Et ça, c'est très important. D'abord parce qu'il faut les acculturer, ces nouveaux acteurs, qui n'ont pas forcément la culture au sens réglementaire et autre. Ce sont souvent des ingénieurs qui sont très volontaires, très volontaristes, très créatifs. Mais il faut aussi les acculturer sur ces réglementations-là. Donc oui, il y a une évolution, mais je pense qu'elle est positive, en tout cas, elle est intéressante au niveau national.

  • Speaker #0

    Et puis, concernant les startups, je pense qu'il faut être réaliste aussi. Aujourd'hui, il y a une sorte de bouillonnement, une grande diversité de concepts.

  • Speaker #2

    Par exemple, Darwinian.

  • Speaker #0

    Voilà, plusieurs startups, même sur des concepts assez proches. Il va y avoir une sélection qui va se faire progressivement, liée aussi aux concepts qu'ils proposent, à la crédibilité. de leurs équipes, aux accords qu'ils vont réussir à faire avec des industriels qui seront ou non intéressés par tel ou tel concept, à la maturité des concepts. Donc déjà, d'ici 10 ans, 15 ans, il n'y aura pas forcément le même nombre de startups. Il est propre qu'il y a un resserrement aussi de l'offre. Après, toutes les startups n'envisagent pas forcément d'exploiter eux aussi. Concevoir un réacteur, le construire, l'exploiter, ce sont des métiers différents. Donc vous pouvez tout à fait... concevoir un réacteur et puis après vous vous associez avec un ou plusieurs exploitants par exemple. Si on prend l'EPR, l'EPR de l'Equiloto en Finlande, il n'est pas exploité ni par REVA ni par EDF et c'est un EPR. Donc, EDF avait aidé à construire des réacteurs en Chine qui ne sont pas exploités par EDF. Donc, après, voilà, on peut construire, on peut exploiter. Donc, il faut voir en fonction des startups aussi ce que chacune envisage, quel est son business model.

  • Speaker #2

    Sur la question du licensing, les EPR, il y en a en Finlande, vous venez de le dire, il y en a en France, il y en a en Angleterre, il y en a en Chine. Ce n'est pas exactement les mêmes. La source d'eau froide n'est pas à la même température. La sismicité n'est pas à la même température. Donc, à chaque fois, il y a du... ...avoir une adaptation même si c'est à la marge du design. Comment on va faire avec les SMR pour avoir un design pour potentiellement le développer dans le monde entier ? Est-ce qu'il va falloir se mettre au plus exigeant sur tous les critères ? Et pour la question des déchets, si je reprends le cas de la Pologne qui s'est toujours manifestée comme... voulant accueillir des SMR sur son territoire, notamment parce que les réacteurs de grosse puissance étaient trop chers pour elle. Qui va gérer ces déchets ? Est-ce que ça a été envisagé ? Est-ce que ça va être le pays lui-même ? Ou alors est-ce que des pays qui sont historiquement nucléarisés peuvent sous-traiter ce service ?

  • Speaker #1

    Alors au niveau européen, ce n'est pas le sens de l'histoire. Au niveau européen, le sens de l'histoire, c'est que chaque pays qui va déployer l'énergie nucléaire civile sur son territoire va gérer sur son territoire les déchets ultimes. Il peut y avoir des retraitements, des mises en forme. C'est ce qui est fait notamment par Orano à la Hague,

  • Speaker #2

    pour la Belgique,

  • Speaker #1

    pour le Japon, vous le savez, pour beaucoup de pays, mais in fine, les déchets ultimes retournent dans leur pays. Alors, effectivement, une fois que j'ai dit ça, si on s'est... On s'intéresse un petit peu plus loin à la Russie. La Russie pourrait avoir une offre de service peut-être un peu différente où ils imaginent qu'ils pourraient récupérer les déchets ultimes. Il y a plusieurs modèles.

  • Speaker #0

    Ils le font déjà,

  • Speaker #1

    je crois, Ils le font déjà, oui. Ils le font déjà et ils auraient imaginé le déployer avec... C'était le système Remix, je crois, où ils devaient récupérer pour reproduire. Mais historiquement, pour revenir au fond de votre question, chaque pays qui va déployer... va gérer les déchets ultimes sur son territoire.

  • Speaker #0

    Et pour être tout à fait clair, dans le Code de l'environnement français, il est interdit de stocker des déchets étrangers et il est interdit d'exporter des déchets français. Donc la France stocke la totalité de ses déchets et ne stocke que ses déchets.

  • Speaker #2

    C'est très clair. Donc on a parlé de la sûreté, on a un peu évoqué la sécurité. Il y a deux questions qui reviennent assez souvent sur les SMR. C'est la question de la prolifération nucléaire. Est-ce que le fait d'avoir un SMR sur son territoire alors qu'on n'avait pas de réacteur nucléaire au préalable rapproche un état de l'arme nucléaire ?

  • Speaker #0

    Pas forcément. Il faut distinguer les technologies nucléaires. Certaines technologies sont particulièrement proliférantes et particulièrement surveillées. Je pense par exemple à l'enrichissement. D'ailleurs, si on regarde l'Iran, tous les débats actuellement, les inspections de l'Agence internationale d'énergie atomique, etc., portent sur les capacités d'enrichissement iraniennes et ce que l'Iran en fait. Et pareil sur les concepts de réacteurs. Si vous voulez faire une bombe, vous avez... Il y a besoin d'avoir du plutonium très peu irradié pour avoir un plutonium qui soit très riche en plutonium 239. Donc, historiquement, les pays qui ont voulu faire du plutonium militaire pour les bombes ont conçu des réacteurs qui pouvaient être rechargés en fonctionnement. C'était les UNGG français, les RBMK soviétiques, des réacteurs graphite aussi, la pile B, notamment à Hanford aux États-Unis. Maintenant, si vous faites des réacteurs à eau pressurisée dans lesquels vous allez essayer de tirer le plus d'énergie possible. de votre combustible, vous allez l'irradier énormément. Donc vous faites du plutonium de mauvaise qualité. Et ce qu'on constate, c'est que les pays qui veulent proliférer, je pense à la Corée du Nord par exemple, n'essaient pas de récupérer du plutonium civil pour faire des bombes avec. C'est beaucoup plus facile de produire, même dans des réacteurs construits à la va-vite, du plutonium militaire. Donc ça peut donner quelques compétences. Évidemment, quelqu'un qui sait faire de la neutronique dans un cas connaît des formules de neutronique. Mais par contre... En termes de technologie, ce n'est pas avec un réacteur à eau pressurisée qu'on va faire du plutonium militaire.

  • Speaker #1

    Je crois que pour faire un pas de côté, il y a un problème souvent de sémantique et de compréhension. Quand on parle de prolifération, on imagine une augmentation du nombre d'œufs. Et quand on s'adresse à des petits réacteurs, on imagine qu'on va en déployer beaucoup, donc on va augmenter le nombre. Mais ce n'est pas ça la prolifération. La prolifération, c'est ce que vient d'évoquer Maxence. C'est-à-dire, c'est d'avoir soit des petits, soit des gros, mais des réacteurs. cap dans les technologies, dans les systèmes, sont capables de produire des objets qui vont être utilisés malheureusement pour des armes. Et c'est en ce sens-là où tout ce qui est design, licensing, qui sera le suivi et qui est le suivi de l'Agence internationale d'énergie atomique, c'est sur la nature et le concept même des réacteurs, de manière à ce qu'il y ait un déploiement de réacteurs dits non proliférants, donc non en capacité de produire. des matières qui pourraient être détournées sur des usages non civils.

  • Speaker #0

    Et j'ajouterais qu'il y a des contrôles extrêmement poussés de l'Agence internationale de l'énergie atomique, de RATOM en Europe, pour s'assurer que les matières civiles restent à des fins civiles, qu'elles ne puissent pas être détournées, et notamment dans les étapes les plus sensibles vis-à-vis du risque de prolifération, donc tout ce qui est lié au cycle du combustible particulièrement, ou les réacteurs qui pourraient présenter un risque de prolifération. En différation, je pense au Candou, par exemple, qui a un concept de réacteur canadien qui peut être rechargé en fonctionnement. Là, l'Agence internationale de l'énergie atomique accorde une importance particulière à la surveillance de ce type de réacteur parce que le risque est accru.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'il y a des risques au fait d'avoir des réacteurs dans des pays où l'autorité de sécurité nucléaire n'est pas aussi stricte ou compétente que dans des pays historiquement nucléarisés ?

  • Speaker #0

    Évidemment, mais... J'ai envie de dire pas tant du point de vue de l'offre occidentale que de l'offre russe et chinoise. Alors déjà, il faut avoir conscience du fait que le niveau de sûreté n'est pas le même partout dans le monde. Vous avez des pays, je pense notamment à certains pays ex-pays soviétiques, l'Arménie par exemple, la centrale de Metsamor est reconnue comme ayant un niveau de sûreté assez faible. Les institutions européennes ont essayé de la faire fermer à plusieurs reprises, bon sauf qu'elle produit... plus 20-30% de l'électricité du pays. Très difficile pour l'Arménie de la remplacer. Donc là, il y a une difficulté là-dessus. Le niveau de sûreté n'est pas forcément le même partout. Les pays occidentaux, donc France, Royaume-Uni, Etats-Unis, quand ils vendent des réacteurs nucléaires, généralement, ils s'assurent qu'il y a une autorité de sûreté, une autorité de sûreté qui soit solide dans le pays, qui puisse contrôler non pas seulement la construction du réacteur, mais aussi son exploitation d'une manière qui soit fiable. Après, d'autres pays peuvent avoir des approches différentes. Si on prend le cas de la Russie, l'offre est un peu différente. Dans certains pays, la Russie propose des offres intégrées où elle construit le réacteur, elle l'exploite et elle va vendre l'électricité. Je pense par exemple au Bangladesh. Et donc, même s'il y a une autorité de sûreté au Bangladesh, dans ce mode de fonctionnement, ça repose sur une confiance accrue dans l'autorité de sûreté du pays fournisseur de la technologie qui va l'exploiter, qui va tout faire en fait, et qui va juste vendre l'électricité. C'est pas le modèle de la France, mais certains pays peuvent faire ce genre de choses.

  • Speaker #2

    Après, je crois savoir que les réacteurs de faible puissance sont intrinsèquement moins dangereux que les plus gros, non ?

  • Speaker #0

    Il y a moins de puissance, il y a moins de matière, et l'approche de sûreté est différente. Le niveau de sûreté est le même.

  • Speaker #1

    C'est intéressant parce que ce sont des choses qu'on entend souvent. Il ne faut pas laisser imaginer que les réacteurs de puissance sont moins sûrs que les SMR. Enfin, le... Au niveau de sûreté, c'est le même. La différence, c'est que la puissance n'est pas la même. Et donc, une puissance moindre amène potentiellement des conséquences moindres ou une meilleure facilité de gestion des systèmes.

  • Speaker #2

    Je penserais par exemple qu'il y avait des systèmes de sécurité passives qui étaient plus possibles sur les SMR que sur les grands.

  • Speaker #1

    Du fait de la puissance installée, la dissipation de manière passive en cas d'arrêt de... Enfin, perte de réfrigérant, le système, comme il est à faible puissance, il va, lui, naturellement, la chaleur va se dissiper de manière passive.

  • Speaker #0

    En fait, la sûreté, c'est de la gestion des risques, c'est-à-dire réduire le risque d'occurrence d'un incident et réduire les impacts, les conséquences en cas d'accident. Donc, le niveau de sûreté qui est visé pour la... L'ASMR et pour les grands réacteurs est le même, c'est-à-dire qu'il y a à peu près la même probabilité qu'il y ait des relâchements dans l'environnement à la suite d'un accident. Par contre, l'approche pour arriver à ce niveau de risque peut être différente. Typiquement, dans un EPR, on est sur une approche active avec de la redondance des systèmes. Il va y avoir plusieurs ponts, plusieurs équipements pour assurer la même fonction au cas où il y ait le dysfonctionnement d'un équipement, de deux équipements, d'autres équipements. Dans des ASMR, on peut avoir une approche différente passive, c'est-à-dire qu'on coupe complètement l'électricité du fait de convection. naturel, donc l'eau chaude monte, l'eau froide descend, ça permet pendant un certain temps que le réacteur se refroidisse tout seul. Donc l'approche est différente, mais le niveau de sûreté est le même.

  • Speaker #2

    Et bien ce sera le mot de la fin Merci Stéphane Sarade et merci Maxence Cordier

  • Speaker #1

    Merci à toi

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