Speaker #0Bonjour à tous et à toutes, c'est Alexandre Export qui vous parle. On se retrouve aujourd'hui pour parler de l'esprit critique. Cet épisode va se dérouler en trois parties. Pour commencer, il y aura l'esprit critique, puis les langages de pensée, et pour finir, la désobéissance civile. Dans le descriptif de l'épisode, il est possible de suivre le plan et les sources que j'évoque au fur et à mesure. Première partie, la définition de l'esprit critique. Afin de saisir précisément de quoi l'on va parler, je vais vous lire plusieurs définitions pour que l'on puisse ensemble comprendre ce que c'est. L'esprit critique, ça peut se définir comme une "disposition et attitude intellectuelle consistant à n'admettre rien de véritable ou de réel". C'est une définition proche du doute, compris au sens de l'action du suspendre son jugement jusqu'à l'obtention de la vérité ou de la certitude d'après le Dictionnaire de Philosophie de 2004 de Christian Godin. La définition d'Eduscol et du Palais de la Découverte est celle-ci. Elle est à la fois comme un "état d'esprit et un ensemble de pratiques qui se nourrissent mutuellement. Ce n'est jamais acquis, il est une exigence toujours à actualiser, il naît et se renforce par des pratiques". En bref, l'esprit critique, ça permet d'avoir un avis sur une situation précise et plus généralement sur les choses qui nous entourent. A titre d'exemple, et pour déterminer et concevoir des idées, il faut avoir un esprit critique. Hélder Câmara, un évêque brésilien, qualifie trois types de violences. La première est institutionnelle, elle est mère de toutes les autres, c'est celle qui broie des millions d'individus. La deuxième est révolutionnaire, elle naît de la volonté d'abolir ces violences institutionnelles, qui peuvent être des inégalités, des injustices, des discriminations. Et enfin la troisième, elle est répressive, c'est celle qui est engendrée par l'État. Cet évêque conclut qu'il ne peut être inconcevable d'accuser la violence révolutionnaire d'être démesurée, trop brutale, déchaînée, voire explosive, si l'on fendomètre la violence institutionnelle qui la fait naître et répressive, qui cherche à la museler, voire à la tuer. Pour arriver à ce raisonnement, M. Camara a dû analyser en premier lieu des choses qui l'entourent, puis d'émettre un avis sur ces événements pour les expliquer et les comprendre. C'est ce qu'on appelle l'esprit critique. Le film Merci patron réalisé par François Ruffin est un autre exemple d'esprit critique. M. Ruffin, fondateur du journal Fakiv et député de la Somme, propose un documentaire où il retourne sur les traces des licenciements de masse de Bernard Arnault, qui détient le groupe, notamment LVMH, et qui est aujourd'hui l'homme le plus riche au monde. C'est en repartant voir ses licenciés, de la Samaritaine notamment, dans le nord de la France, que M. Ruffin montre à la fois l'impact que peut avoir l'enrichissement de quelques-uns au profit de beaucoup d'autres, ainsi que la capacité d'aide qui peut être déployée pour faire taire ces derniers, au lieu de seulement leur donner un travail. François Ruffin alerte le public, mais également les pouvoirs publics, de la réalité de la conjoncture de l'économie française et des conséquences qui peuvent en découler. Cet esprit critique profite au plus grand nombre, mais c'est avant tout une opinion individuelle que l'on se fait et qui se construit avec l'apport de connaissances. Cette idée précise permet de faire évoluer la société et les droits que nous possédons. Les investigations sont également de la partie, celles de médiapart, de compléments d'enquête ou encore des documentaires que propose le groupe Arte. Les médias et des journalistes indépendants publient leurs enquêtes et leurs investigations qui viennent révéler des faits ou des propos concernant des personnalités souvent publiques ou bien expliquer et faire connaître des affaires qui devraient être connues de tous. Ces révélations ne sont pas seulement nécessaires pour créer un monde plus juste, elles rappellent l'importance du quatrième pouvoir qui est les médias. et le rôle qu'ils doivent jouer dans notre société. L'affaire des algues vertes est une autre illustration d'esprit critique. C'est des algues que l'on peut trouver dans la mer, qui sont a priori toxiques, et après plusieurs morts, aussi bien d'animaux que d'hommes, les journalistes ont commencé à s'intéresser à ce phénomène, pour en comprendre la fabrication du silence et des pressions. Cette histoire a été racontée sous forme de bande dessinée, notamment réalisée par Inès Lirault, ou bien dans un film par Pierre Jolivet. Cet événement est dénoncé par une journaliste qui lutte contre les responsables de cette situation décadente, qui n'a pas eu de soutien étatique et de réponse pendant un certain temps. L'esprit critique vient ici comme une piqûre de rappel pour nous signifier que l'oppression, on ne la voit pas quand on baigne dedans. 2ème partie, les langages de la pensée. C'est une théorie linguistique et psychologique selon laquelle l'esprit humain utiliserait dans ses processus mentaux une sorte de langage propre. L'expression de langage de la pensée est utilisée pour la première fois par le philosophe américain Gilbert Harman en 1973. Selon un autre philosophe, Hans-Karr Beckerman, cette théorie peut être schématisée en trois catégories. La première, ce sont les représentations mentales qui sont structurées. La deuxième, ce sont les composants de ces structures qui sont transportables. C'est les mêmes composants dans des représentations différentes. Et la troisième, ce sont les représentations mentales qui possèdent une sémantique compositionnelle. Le sens des représentations complexes résulte par le biais de règles du sens des composants. A titre d'exemple, le livre 1984 de George Orwell, qui est aussi illustré par une vidéo de Lummi, c'est un roman d'anticipation où l'on vient prévenir le lecteur de ce qu'il pourrait potentiellement arriver. C'est un roman dystopique, soit la représentation imaginaire d'une société où il représentait tous ses côtés pervers, Ici, c'est un régime très autoritaire qui est en place avec une domination absolue. La parole est l'objet de controverses du fait de son utilisation. On peut parler notamment de pouvoir de la parole. Suivant les mots qui sont employés, cela peut avoir un effet tout à fait différent de ce que peuvent signifier les paroles qui vont être dites. Bref, c'est de la propagande. Le contrôle de la pensée par les mots passe par la propagande d'état. Un contrôle strict de tous les vecteurs d'information et de diffusion, ça peut être notamment la censure. Une diffusion d'informations soigneusement sélectionnée et formulée pour correspondre aux intérêts du régime, donc ça peut passer par la suppression de certains mots. L'objectif est de manipuler un public visé pour qu'il soit amené à croire ou penser ce que l'on vient de dire, ce qui est associé généralement à d'autres dispositifs de contrôle des mots, l'imitation notamment de la liberté d'expression. C'est un des moyens qui peut être utilisé par un régime autoritaire. Dans ce roman, l'oppression est telle que les mots manquent pour pouvoir réfléchir et se rendre compte du système dans lequel ces individus vivent. En effet, il est question de nouvelles langues où les habitants ne s'expriment non plus avec les mots qu'ils connaissent, mais avec un système de graduation, bien, plus bien, moyen bien, etc. Rien ne doit paraître négatif et certains mots sont même interdits. Le contrôle du langage est le contrôle de la pensée. Sans pensée, il n'y a pas de réflexion et sans elle, il n'y a ni esprit critique, ni des obéissances civiles. Le film Don't Look Up, réalisé par Adam McKay, met en lumière l'inaction climatique. Une étudiante en astronomie découvre qu'une comète arrive droit sur la Terre et peut potentiellement la faire exploser. Il s'en suit une course contre la montre entre les politiques qui ne veulent pas s'en préoccuper, l'hystérie sur les risques sociaux et la non-coopération internationale et surtout le déni. Les langages de la pensée ici interviennent sur les mots employés ou non pour décrire ce qui va arriver si rien n'est fait. La minimisation est toujours de guise. Ce n'est pas une énorme comète qui va arriver droit sur la Terre et qui va accessoirement tuer toute vie sur notre planète. Non, ce n'est pas ça. C'est une petite comète qui peut être potentiellement déviée et que l'on va pouvoir exploiter avant qu'elle ne se pose sur la Terre. C'est une satire de notre société sur le déni climatique où la présidente américaine dans le film réincarne Donald Trump qui, de par ses vérités, Alternatives notamment et fake news coupent tout lien à la fois avec la raison et surtout la réfutation. Le dialogue ainsi rompu et les mots soigneusement choisis, le compas est alors perdu d'avance. Comme autre exemple aussi de langage de pensée, il y a un épisode sur le Brexit de l'émission La Fabrique du Mensonge. Cette émission explique comment est-ce que les britanniques et l'Union européenne se sont retrouvés choqués des résultats du référendum s'agissant du Brexit en 2016. C'est non pas l'acte politique qui nous intéresse ici, quoique ses conséquences ont de fortes répercussions, non, il est question de manipulation d'informations, la manipulation de l'opinion publique. L'argument phare qui était à l'endonnée était qu'en quittant l'Union européenne, le Royaume-Uni économiserait 350 millions de livres par semaine. Et cet argument... Vous vous en doutez, est fausse et a été complètement fabriquée. Les réseaux sociaux et les données personnelles ont joué un rôle primordial dans ce Brexit. Cette campagne électorale qui a utilisé une nouvelle technologie à ses fins, l'opinion publique s'est bercée dans un mensonge qu'elle a décidé de croire. En faisant face à toutes ces informations fausses et parfois vraies, ainsi que la répétition qui vient toujours alimenter le sujet, les britanniques ont voté pour le Brexit. Seulement voilà, le problème est là. Si on bourre le crâne d'images de fake news, la vérité n'a plus sa place et donc difficile de pouvoir lutter contre une idéologie ou un régime qui utilise des outils contre nous. A titre d'exemple comparatif, c'est comme si on défendait une politique pour la revalorisation de la sécurité sociale et nos opposants, au lieu d'avoir des contre-arguments, utilisent les nôtres contre nous. En prétextant que pour réellement valoriser la sécurité sociale, il faut augmenter le ministre de la Santé, car lui seul détient le budget prévu à cet effet. Bien sûr, cet exemple est fictif et tout ce que je viens de dire n'est pas réel, mais l'argument avancé par les opposants est difficile à contrer vu qu'ils semblent servir la même cause que nous. C'est là où l'esprit critique rentre en place. De plus, en se familiarisant avec les langages de la pensée, cela permettra de ne plus se faire avoir ou croire des arguments d'autorité de la communication et j'en passe. Troisième partie, la désobéissance civile. Monsieur Lagannerie propose deux de ses livres différents, L'art de la révolte et la conscience politique. Des retours sur expériences très connues de la désobéissance civile et comment est-ce qu'elle se manifeste. A cet égard, de nombreuses personnalités aujourd'hui rendues publiques par leurs actes ont pu permettre à l'opinion publique de connaître des affaires d'espionnage, de surveillance, de meurtres cachés, de mensonges, de manipulation, de pollution et encore bien d'autres. Ces personnages sont appelés des lanceurs d'alerte, au sens propre cela signifie qu'ils ou elles lancent l'alerte de ce qu'il se passe. Parmi les plus connus, il y a Edward Snowden qui a révélé la surveillance de masse et la collecte des données par les Etats-Unis. On va se pencher en premier lieu sur le déclenchement de cette révolte. Comment est-ce qu'un jour une personne décide de ne plus se soumettre et de se battre ? La Gagnerie, dans son Livre-Lard de la révolte, page 207, exprime cette pensée. Je cite "Invoquer publiquement lors d'un rassemblement with the people c'est s'affirmer comme peuple détenteur de la légitimité démocratique, c'est faire jouer une souveraineté populaire et revendiquer un droit à parler et à se gouverner contre les institutions arbitraires, les puissances négatives ou même contre le gouvernement lorsque celui-ci prend des mesures qui ne rencontrent pas l'assentiment du peuple". La révolte s'explique par la volonté, lorsque le ou la lanceur d'alerte considère que quelque chose est injuste. La désobéissance civile peut paraître comme contraire à l'ordre public, alors qu'en contraire, elle permet de faire évoluer la société et la démocratie qu'elle a nôtre. Par exemple, l'avancée du droit des femmes est grâce aux nombreuses femmes et alliées notamment qui ont désobéi à la société pour obtenir d'autres droits. La désobéissance civile est sévèrement sanctionnée, mais plus la sanction est invraisemblable, plus cela peut accorder du crédit à ce qui est revendiqué. Lors des manifestations des Gilets jaunes, beaucoup de manifestants se sont fait violenter par les forces de l'ordre et cette répression a été de masse. Cette violence traduit donc la peur que cette revendication prenne encore plus d'ampleur. Avant la révolte, qui se traduit en révolution, il y a la désobéissance civile, en multiplication, et enfin la révolution. Parmi les affaires révélées au grand jour, reprises en film, il y a le Watergate, les sept monts, le maître du jeu, Edward Snowden, Erin Brockovich et encore plein d'autres. Aujourd'hui, les lanceurs d'alerte sont de plus en plus anonymes pour leur permettre de continuer leur vie normalement, comme si... Rien ne venait d'être révélé, avec les nouvelles technologies cela devient possible. C'est donc une nouvelle forme de désobéissance civile. Enfin, toujours dans le même livre, M. Laguernerie nous offre une autre perspective des conséquences de la désobéissance civile, avec notamment un monde détenu sans frontières avec Internet. Je cite "avoir pour horizon mental le monde, faire émerger des regroupements électifs inédits et se dépendre de toutes les appartenances imposées ne politisant la nature de nos modes d'inscriptions dans l'espace et de nos rapports aux autres; tels pourraient être les axes de l'art de la révolte qui émerge aujourd'hui, auxquelles prennent par celles et ceux qui parviennent à se définir comme citoyens du monde. Sinon, la désobéissance civile, elle passe également par les militants. Ces personnes qui manifestent ou commettent des actes illégaux pour le collectif, pour améliorer les conditions de vie de chacun ou obtenir les mêmes droits que les autres. A titre de conclusion générale, l'esprit critique, plus savoir reconnaître les langages de pensée, plus la désobéissance civile, ce sont les trois ingrédients nécessaires pour comprendre l'environnement qui nous entoure et mettre un avis sur les événements qui se produisent et être en capacité de pouvoir agir pour ou contre. Merci de m'avoir écouté, au plaisir de vous retrouver, Alexandre Espoir.