- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur cette série de podcasts conçus pour vous aider à communiquer le mieux possible avec votre enfant.
- Speaker #1
Aux jeunes parents, on demande souvent si l'enfant dort bien ou mange bien, plus rarement s'il parle bien. Pourtant, bien parler est tout aussi vital. Je m'appelle Céline De Villers, je suis orthophoniste et fondatrice de loulilou.fr. Je forme depuis des années les professionnels de la petite enfance au développement et à l'éveil au langage. Au cours de ma carrière, j'ai rencontré de nombreux parents et j'ai remarqué que très peu d'entre eux sont conscients du rôle crucial qu'ils ont à jouer dans le développement du langage de leur enfant. Voilà pourquoi j'ai créé cette série de podcasts. Pour vous parler gazouillis, babillages, en attendant les premiers mots, vous guider pour accompagner les premières phrases, mais aussi vous partager astuces, conseils et anecdotes pour vous éviter certains écueils. Pas de formule magique, mais une formule toute simple. Un beau langage permet de mieux s'épanouir. Écoute-moi bien dans les yeux, le podcast sur l'évaillot langage chez l'enfant de 0 à 50. Aujourd'hui, nous allons parler de cette étape charnière que constitue la troisième année dans le développement du langage. Bienvenue dans l'épisode 7 du jargon à la parole. Trois ans. Déjà trois ans ? Et oui, l'enfant a bien grandi et il s'apprête à vivre sa première rentrée à l'école. Cet événement suscite parfois des craintes. Est-ce qu'il sera propre à tant ? Va-t-elle apprécier sa maîtresse ? Mais aussi de la joie. Je me souviens du premier jour où j'ai emmené Mathilde, mon aînée, avec son minuscule sac à dos qui abritait son doudou. J'étais plus curieuse qu'elle de découvrir sa maîtresse. de savoir comment elle allait s'ouvrir à un groupe classe et aborder les apprentissages. L'entrée en petite section de maternelle constitue bien souvent un moment clé dans l'acquisition du langage, puisque l'enfant s'immerge dans un nouveau bain de langage très stimulant avec ses camarades. L'entrée à l'école va le tirer vers le haut par la multitude et la diversité d'interactions proposées. Chaque enfant va vivre différemment cette étape de socialisation. Certains vont rapidement profiter de la richesse des découvertes à faire, d'autres vont avoir besoin d'un temps d'adaptation plus important, pour faire connaissance avec la maîtresse, accepter les règles de vie, de groupe, ou pour oser prendre la parole en collectivité. À trois ans, l'enfant dit au strict minimum une centaine de mots, mais la plupart du temps, il utilise déjà 300 mots bien identifiables. Côté prononciation, vers deux ans et demi, sa parole comprenait encore beaucoup de jargon, à comprendre comme de la parole inintelligible. Et bien vers trois ans, cette tendance s'inverse. La parole que j'appelle claire, c'est-à-dire bien articulée, émerge dans ses phrases et commence à prendre le dessus. Le jargon, lui, tend à disparaître au fil des mois. J'invite souvent les parents à essayer de quantifier le rapport jargon et parole claire quand ils écoutent parler leur enfant. S'agit-il plus de 70% de jargon et 30% de parole claire ? 50-50 ? Ou une majorité de parole claire ? Le plus simple est d'écouter cette petite fille de 3 ans pour nous rendre compte de la parole à cet âge.
- Speaker #0
J'ai joué avec, et après, les petits m'a lâché. Et le petit truc, c'est un petit pipi qui reste dans son lit.
- Speaker #1
Bravo ! Ta parole devient claire dans l'ensemble. Comme tu te débrouilles bien ! Tu nous en dis des choses. En effet, à l'âge de l'entrée à l'école, il est important que des personnes extérieures à la famille puissent comprendre ce que raconte l'enfant, et non seulement ses parents ou sa nounou. Si sa parole est encore trop incompréhensible, l'enfant risque de connaître des épisodes de frustration et de s'énerver de ne pas être compris. Il peut alors bouder, se braquer ou se mettre en colère. Vous pouvez alors verbaliser son émotion. Je vois bien que cela t'énerve, que j'ai du mal à te comprendre. Pourtant, tu sais, j'adore que tu me racontes des choses. N'hésitez pas à demander à votre pédiatre, médecin généraliste ou tout autre professionnel de la petite enfance son avis sur la question. La troisième année, le jeune enfant découvre, par imitation de son entourage, deux mots qui vont lui sembler magiques, car ils vont lui faciliter la vie pour s'exprimer. Je veux parler des mots « truc » . Et machin ! En effet, l'enfant va se saisir rapidement de ces mots pratiques, voire même en abuser. Par exemple, Audrey, ma petite dernière, un jour m'a dit
- Speaker #0
« J'ai mis le truc sur Doudou » .
- Speaker #1
Bien évidemment, j'ai d'abord essayé de comprendre ce à quoi elle faisait référence. Bon, le contexte m'a bien aidée, alors j'ai reformulé sa phrase en lui nommant le mot adéquat. Oui, tu as mis les Dredons sur Doudou. Il est important de bien présenter à l'enfant le mot manquant pour l'aider à enrichir son lexique. Par contre, il est inutile de lui interdire de dire truc ou machin, car vous obtiendrez tout le contraire. C'est en reformulant sa phrase et en nommant le nouveau mot que vous l'aiderez le mieux, car la période langagière entre 3 et 4 ans est marquée par un enrichissement spectaculaire du vocabulaire. À cet âge, la parole du jeune enfant suit le modèle de la parole. Sujet, verbe, complément. Elle s'enrichit aussi des premières notions abstraites que l'enfant parvient à différencier, telles que petit, grand, devant, derrière. Votre bouchou utilise plusieurs verbes d'action dans ses énoncés et à partir de trois ans et demi, il s'exprime aussi avec des phrases qui comprennent des marqueurs de temps. En fait, ... Les principales terminaisons verbales apparaissent au gré de ces essais et de ces erreurs pour former les temps du présent, passé composé et futur. La différenciation du genre entre le masculin et le féminin commence à se stabiliser. Les articles définis, le, la et les pronoms personnels, il, elle, sont désormais correctement utilisés. Fini les exclamations de type.
- Speaker #0
Il court la dame.
- Speaker #1
Bienvenue à...
- Speaker #0
Elle.
- Speaker #1
L'enfant nomme les couleurs primaires et il dénombre jusqu'à trois en pointant avec son doigt chaque objet. Bientôt, ces phrases comprennent quatre mots avec les principaux outils grammaticaux, tels que les pronoms, les articles, les adverbes, les prépositions et les adjectifs. Votre bout de chou continue à surfer sur sa soif de découverte, en questionnant le monde, en inondant son entourage de ses nombreux. Pourquoi ?
- Speaker #0
Pourquoi les nuages sont gris ?
- Speaker #1
Cela m'évoque Tristan Bernard, romancier, qui disait « Un enfant qui pose une question, c'est la voix de tout un monde qui veut s'améliorer » . À cette période, l'enfant pose donc beaucoup de questions, qui témoignent de son intérêt à comprendre le monde qui l'entoure. À l'adulte de s'armer de patience et d'expliquer par des termes simples des concepts parfois compliqués. Vous l'aidez ainsi à affiner sa connaissance du monde et à développer sa pensée. Une autre possibilité de réponse est aussi de laisser planer le mystère propre au monde de l'enfance. Vous pouvez l'inciter à réfléchir par lui-même sur les choses du monde en lui disant simplement « Et toi, qu'en penses-tu ? » Vous pouvez aussi commencer à lui lire le Kididoc des pourquoi de chez Nathan. Ce livre vous aidera à répondre aux questions suivantes. Pourquoi a-t-on un nom et un prénom ? Pourquoi les feuilles des arbres changent-elles de couleur ? Pourquoi doit-on travailler quand on est adulte ? La troisième année est aussi marquée par l'apparition du « je » aux alentours de 30 mois. En effet, avant cela, l'enfant parlait de lui en utilisant soit son prénom, soit le « moi » . En utilisant le « je » , l'enfant passe un cap. Il exprime à présent son individualisation. Il montre qu'il existe seul, séparé et différemment de nous. Cet âge d'or se caractérise par beaucoup d'opposition et de recherche de limites.
- Speaker #0
Je veux pas aller au bain !
- Speaker #1
Ces nouvelles acquisitions surviennent souvent en même temps que le dessin du rond fermé, qui signifie symboliquement une entité indépendante. Comment bien l'accompagner dans cette nouvelle étape ? Sachez tout d'abord que le « je » ne fonctionne pas sans le « tu » . Pour que votre enfant utilise le « je » et le « tu » , il faudra qu'il les ait entendus dans la bouche de son entourage. Cela semble évident, mais je vous invite à réfléchir sur la manière dont vous vous adressez à votre enfant. Alors soyez vigilants. Moi-même, je me fais parfois violence pour ne pas me faire aspirer par le « on » . Alors au placard, les « on va prendre le pain » , préférez plutôt « je vais te donner ton bain » . Prenons un autre exemple. Quand je dis à mon enfant « maman va partir au travail et Raphaël reste à la garderie » . Eh bien, je ne lui montre pas le bon exemple, car je n'utilise pas le « je » et le « tu » . Plutôt que de parler de moi à la troisième personne, je peux essayer plutôt d'utiliser le « je » et le « tu » en disant « je vais partir au travail et toi, tu restes à la garderie » . Cette prise de conscience est fondamentale pour aider l'enfant à acquérir le « je » par imitation. Au niveau réceptif, à partir de 3 ans, l'enfant commence à comprendre des questions élaborées, telles que « avec qui ? » , « avec quoi tu coupes ? » , « pourquoi ? » ou « comment t'appelles-tu ? » . Il obéit à des consignes complexes, par exemple « peux-tu aller ranger tes chaussures dans le placard de l'entrée, s'il te plaît ? » . L'enfant comprend également des prépositions spatiales comme « sur » , « sous » , « dans » et des verbes d'action. Il s'intéresse au jeu de loto, au puzzle, et il commence à comparer les grandeurs en repérant si les deux objets sont pareils ou pas pareils. Vous pouvez commencer à lui proposer le jeu de mémorie avec des animaux en mettant deux paires de cinq images sur le sol. Comme l'enfant apprécie de comparer, vous pouvez aussi jouer avec lui à ranger des formes, parfois selon la couleur et parfois selon la forme. Repérez un critère commun et mettre... ensemble ce qui va ensemble, par exemple, regrouper tous les ronds ensemble, l'aide à structurer sa pensée. En parallèle, il se met à comprendre les termes génériques qui servent à la classification du monde. Par exemple, les termes animaux, moyens de transport, plantes. Il parvient également à vous montrer sur une image un personnage précis que vous lui décrivez. « Sarah, pourrais-tu me montrer la fille qui saute et qui a des couettes ? » Des petits jeux de devinettes simples, tels « Qui mange des carottes ? » amusent sa curiosité et permettent un nouveau type d'interaction. L'enfant est capable désormais de vous désigner toutes les parties de son corps et il se repère au niveau temporel entre le jour et la nuit. Au moment du coucher, il adore le rendez-vous privilégié avec vous et sa petite histoire du soir. Cet impact positif de lecture d'histoire peut d'ailleurs se mesurer à l'adolescence. Les études ont prouvé que le niveau de compréhension à 15 ans, pour les adolescents à qui les parents ont lu des histoires durant l'enfance, a un écart de plus de 20 points par rapport aux autres adolescents n'ayant pas vécu ce type d'instant privilégié. Selon l'intérêt de votre enfant, vous pouvez commencer à proposer les premiers contes classiques « Boucle d'or et les trois ours » , « Les trois petits cochons » , « Le petit chaperon rouge » ou tout autre album de jeunesse qui l'intéresse. Des lieux comme la bibliothèque et la ludothèque peuvent devenir des destinations hautement attractives pour votre petit bout. Les imagiers sont toujours un type de ressources à proposer et notamment ceux avec des scènes permettant de répondre à la question Qu'est-ce qu'il fait ? Je vous partage deux imagiers formidables à cet âge. Mon grand imagier, édité chez Maniard Jeunesse, illustration de Claire Frossard, et l'imagier « Mes premières sorties à découvrir » de chez Ozué Veil. Vous connaissez désormais les points clés du langage pour l'entrée à l'école. La disparition progressive du jargon au profit de la parole claire, l'apparition du « je » en expression, grâce à votre exemplarité. C'est nombreux. pourquoi avec lesquels il vous questionne inlassablement. Il ne vous reste plus qu'à échanger avec votre enfant sur le monde qui l'entoure via d'authentiques conversations en lui parlant comme à un grand. Ainsi se termine l'épisode 7, intitulé « Du jargon à la parole » . Trois ans. J'espère qu'il vous a plu. Je vous donne rendez-vous avec l'épisode 8. Quelle belle parole ! 4, 5 ans. Vous pourrez trouver davantage de ressources gratuites sur le sujet, vidéos et articles sur le site loulilou.fr ou la chaîne YouTube.
- Speaker #0
C'était Écoute-moi bien dans les yeux, la série de podcasts sur l'éveil au langage de 0 à 5 ans, imaginée et écrite par Céline De Villers, produite par Logarithme.